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Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne

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Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne Empty Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne

Message par MichelT Mar 15 Déc 2015 - 13:05

Le livre de la femme chrétienne

Titre original : La bibliothèque de la dame chrétienne -  18 eme siècle – Angleterre –

Écrit par une dame anglaise et publiée par M le Chev  R. Steele.

Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne 54-1

Ce livre contient des Pensées venant de divers écrits de nos plus fameux théologiens, qu`on a partagé en différents chapitres afin de donner à la femme chrétienne des règles générales pour apprendre à se conduire en chrétienne dans toutes les circonstances de la vie.

1  - Les Occupations
2 -  L`Esprit et la Délicatesse
3 -  Les Divertissements
4  - L`Habillement
5  - La Chasteté
6 – La Modestie
7 -  La Douceur
8 -  La Charité
9 -  L`Envie
10 -  La Médisance
11 -  La Censure
12 - L`Ignorance
13 -  L`Orgueil

1 - Les Occupations ( extraits)


L`oisiveté est non seulement le chemin du Péché, mais même du Péché mortel, directement opposé aux grandes fins que Dieu s`est proposées tant dans la Création que dans la Rédemption du Genre humain. L`Âme est un principe de vie et d`action et la raison ne nous a été donnée que pour nous rendre capable de faire du bien. Si nous considérons le vice de l`oisiveté par rapport à notre Rédemption, notre Sauveur ne s`est-il pas donné lui-même pour nous, afin de se consacrer un peuple zélé pour les bonnes œuvres ?

Comment est-ce qu`une vie inactive et infructueuse peut répondre à l`attente de notre Sauveur? Ce zèle qu`il exige de de nous peut-il se trouver dans l`Oisiveté?  Il n`y a rien de plus agissant que l`esprit d`un méchant homme. Il est industrieux dans la poursuite de ce qu`il désire, et patient dans les difficultés : aucune peine ne le rebute. He quoi! Serons-nous moins vifs et agissants dans la poursuite de la Vertu? Une vie stérile n`est point du tour de la reconnaissance que nous devons à Jésus-Christ pour le sacrifice de son sang précieux. Elle détruit tous les desseins et toute la doctrine de son Évangile qui condamne partout l`Oisiveté.

Pourquoi périt le serviteur inutile, si ce n`est parce que il n`avait pas fait valoir ses talents? L`Écriture est remplie de menaces contre les paresseux et les débauchés. Le Fils de Dieu a été un exemple de vertu aussi bien que d`innocence, et il ne s`est pas contenté de s`abstenir du mal, mais il s`est toujours exercé dans la pratique du bien. L`Évangile ne nous défend pas seulement l`impureté de la Chair et de l`Esprit, il nous commande aussi d`être parfaitement saint dans la crainte du Seigneur; et lors qu`il nous est défendu de faire du mal, il nous est en même temps ordonné d`apprendre à faire du bien.

L`esprit de l`homme peut-il s`imaginer une vie active en la comparant avec une course? Et comment pourrait-il achevé sa course avec gloire s`il demeure en arrière et ne se donne même pas la peine de courir pour en obtenir le prix?

L`Oisiveté combat contre les vertus chrétiennes. La Foi, l`Espérance, la Charité, la Crainte, la Vigilance sont incompatible avec ce vice. Toutes ces vertus animent l`Esprit et le fortifient, au lieu que l`Oisiveté le rend faible et immobile. La Vertu est pure et rigide, l`Oisiveté est indulgente et lâche. L`une élève l`Âme et la fortifie, l`autre l`abaisse et l`amollit.  Le commencement de l`Oisiveté est dans le péché, et sa fin tend à l`infamie et à la mort. La Stupidité, l`Ignorance, la Légèreté, la Sensualité sont ses compagnes. L`Oisiveté peut-elle maintenir l`ordre et la beauté dans la société civile? Produit-elle ces grands exemples qui changent l`incrédulité en foi et qui excitent une généreuse émulation en ceux qui croient? Le véritable contentement de la vie doit être pur et spirituel et il n`est pas possible de le puiser dans l`eau bourbeuse et croupissante de l`Oisiveté. Insensible aux vertus morales et chrétiennes, de quelle espérance de félicité, de quel désir de gloire est-il animé?

Quelle dévotion et quelle charité fait-il paraitre? Quel contentement peut-il avoir dans la vie et quelle consolation à l`heure de la mort? Si la vie n`a pas été éclairée par la lumière des bonnes œuvres, que de ténèbres et d`obscurité à l`heure de la mort pour un malheureux, que sa conscience somme de rendre compte et qui n`a rien à produire. Comment cela lui servira t`il devant son Créateur lorsqu`il lui demandera les fruits de tant d`années perdues, ou il ne se  trouve rien que chimère, fortune, caprice et mollesse.  L`âme ne sera t-elle pas saisie de crainte et de frayeur? L`horreur et la confusion de cette âme  devant ce Tribunal ou elle doit comparaitre et ou tout homme sera jugé suivant ses œuvres? Que deviendra alors celui qui n`a rien fait?

Les Riches peuvent se flatter que les leçons contre ce vice ne sont pas faites pour eux. Leur subsistance ne dépend pas de leur industrie. Ils sont maitres de leur temps et peuvent en disposer comme ils leurs plait. Mais ne doivent-ils pas considérer que plus ils ont de loisir, plus ils doivent le consacrer à la Religion chrétienne? « A qui beaucoup a été donné, beaucoup lui sera redemandé » disent les Écritures. Ces personnes-là n`ont aucune excuse, quand ils négligent le service de Dieu, soit en public, soit en particulier et leur excuse ne peut être que le plaisir ou la paresse, ce qui aggrave encore leur péché. Les avantages dont ils jouissent les obligent à en témoigner souvent leur reconnaissance à celui qui en est l`Auteur. La Richesse ne dispense pas les femmes de l`obéissance qu`elles doivent aux lois divines, ni de remplir les devoirs du Christianisme, de visiter et assister les malades, de consoler et assister les pauvres.

Les Riches et les Puissants, dont les bons ou les mauvais exemples sont d`une si grande conséquence par rapport à la Religion, ne sauraient mieux employer le loisir que l`aise et l`abondance leur procurent, que dans la méditation des choses divines, dans la prière, la lecture et l`instruction de la doctrine chrétienne puisqu`ils ont plus de facilité à remplir tous ces devoirs que les gens qui sont continuellement obligés de vaquer à leurs affaires. Ils doivent être circonspect dans le choix de leurs amis. Le temps peut être perdu ou mis à profit par la conversation, les discours et réflexions de nos amis peuvent nous réveiller lorsque nous sommes endormis et nous relever lorsque nous sommes tombés dans le péché.
Rien n`est plus utile pour avoir une vie vertueuse que d`avoir des amis sages dont la conversation est guidée par la vertu et la foi chrétienne. Il n`y a rien de plus pernicieux que la compagnie des personnes aux mœurs mauvaises dont les discours roulent sur le badinage et la légèreté.

La civilité ne nous oblige pas à être fous, et quelle plus grande folie que d`aimer une société ou un groupe d`amis ou nous ne pouvons conserver notre innocence, et ou la joie et le plaisir corrompent notre esprit en le remplissant d`impureté et de vanité.  Combien de vertus un bon chrétien doit-il pratiquer? Combien de devoirs dont il est obligé de s`acquitter? Combien d`excellentes qualités ne faut-il pas pour rendre un gentilhomme ou une dame dignes du rang ou Dieu les a placés ?

Qu`ils mettent seulement ces qualités et ces devoirs en pratique, qu`ils considèrent à quoi est obligé un bon Maitre, un bon Mari, un bon Père, un bon Fils, un bon Voisin, un bon Citoyen, un bon Ami et qu`il emploi son loisir à répondre à tous ces engagements, comme il le doit et qu`il voit s`il lui reste encore beaucoup de temps. Celui qui s`occupe le plus parfaitement de tous les devoirs de la vie, trouvera toujours qu`il a manqué a beaucoup. Il en aura omis quelques-uns et remplis les autres avec moins de diligence qu`il ne devait. Celui qui a une idée juste de son devoir estimera plutôt que sa vie est trop courte.

Un homme riche et instruit doit penser souvent au caractère et à la dignité d`être chrétien. Il pèche contre l`un et l`autre quand il fait quelque action basse ou vicieuse.
Il y a des gens qui ont d`étranges idées de l`honneur, ils ne font pas scrupule de corrompre la femme ou la fille d`autrui, ni de tromper le marchand et l`artisan ; mais ils ne peuvent se résoudre à pardonner les passions des autres, ni à réprimer leurs propres passions.  Ils offensent leur Créateur a tout moment, en profanant son Saint Nom et en désobéissant a Ses Lois; mais s`ils ont été offensés, ils ne peuvent plus vivre et ils regardent si peu le meurtre comme un péché que leur conscience ne s`en alarme en aucune manière. On peut être un homme actif et industrieux dans le monde mais en même temps un serviteur lâche et inutile par rapport à Dieu. C`est abuser du temps et le perdre que de ne faire aucune provision pour l`éternité et de l`employer aux plaisirs et a des choses inutiles au salut.

Quelques légères que soient leurs occupations, il est certain que les dames ne doivent pas passer leurs temps à ne rien faire et que l`Oisiveté est un vice autant chez les hommes que chez les femmes.  Si vous avez eu le malheur de mal employer une partie de votre précieux temps, que votre premier soin soit d`en réparer la perte par une vive et sincère repentance qui vous fasse consacré à des exercices de Piété, cette partie du temps que vous donniez à des Occupations inutiles ou criminelles. Appliquez-vous à l`exercice des Vertus directement opposées aux crimes dont vous vous souillés autrefois. Si vous avez pratiqué le Libertinage et l`Impureté consacrez-vous à des actes de Chasteté et de Tempérance.

Les Chrétiens des premiers siècles et de la première qualité travaillaient de leurs mains et c`est ce que faisaient les Apôtres et même le Sauveur du monde. Leur travail ne leur servait pas d`amusement mais ils en faisaient une occupation sérieuse, suivie et utile.  En effet, l`esprit veut toujours être en action et s`il manque d`occupations utiles, il s`amusera et il s`appliquera à des choses inutiles et s`il n`est pas appliqué au Bien, il s`occupera sans doute au mal. C`est là un piège dangereux et des plus ordinaire que l`Ennemi nous tend ; il nous ôte les occasions d`employer notre temps en nous offrant les moyens de le perdre.

L`Oisiveté a deux compagnes inséparables, l`Irrésolution et l`Inconstance. Ceux et celles qui sont infectés de ce vice, n`ont pas plutôt formé un projet qu`ils l`abandonnent déjà. Elles délibèrent sans jamais se décider, elles tournent en rond comme ceux qui marche dans un labyrinthe. Quel progrès attendre de ceux qui n`ont rien en vue et qui ne se propose que de passer le temps?

La Foi chrétienne nous parle d`une toute autre manière. Elle ne nous défend pas de prendre quelque récréation, mais elle veut que ce soit sans excès. Que Dieu nous traite ou comme Mercenaires, ou comme Enfants, il nous ordonne toujours de travailler, puisqu`il n`est lui-même jamais sans travailler. Pour nous y animer nous avons ses préceptes et son exemple, et nous l`imitons comme un Père lorsque nous le servons comme un Maitre. Les avantages de la nature ou de la fortune, ne dispense personne de cette Loi.

Celui qui veut ménager son temps doit être circonspect dans ses actions, dans le choix de ses amis, afin d`éviter tout ce qu`on peut trouver de mauvais ou inutile. Le temps que Dieu nous a donné sur la terre est de courte durée et cependant c`est de cette courte durée que dépend l`Éternité de bonheur ou de malheur ! Nous devrons rendre compte à Dieu de notre vie puisque nous lui en sommes redevables. S`il n`y a pas une parole oiseuse qui ne nous soit mis en compte, que sera-ce de tous les jours que nous avons passés dans l`Oisiveté ? Nous avons plusieurs ennemis à vaincre, plusieurs maux à prévenir, des gens à instruire dans la foi, plusieurs dangers à courir, plusieurs difficultés à surmonter, plusieurs choses auxquelles nous devons pourvoir, et beaucoup de bien à faire.

Nous ne sommes point au monde pour nous-même, nous avons des devoirs à remplir, par rapport à nos enfants, nos parents, nos amis, nos voisins, nos dirigeants, notre patrie. Il n`a point de métier dans la vie ou un homme ne puisse servir Dieu. Lorsqu`on s`occupe de ce qui est nécessaire, charitable ou utile par rapport à quelques-unes des fins ou nous sommes obligés de tendre, on fait l`ouvrage de Dieu qui nous a donné les bonnes choses de ce monde pour servir aux besoins de la Nature, par le travail du Laboureur, de l`Artisan et le négoce du Marchand.
De même un Roi, un Ministre, un Juge, un Prêtre, un Jurisconsulte, un Médecin, en faisant les fonctions de leurs charges, font l`ouvrage de Dieu. Personne ne peut dire que son travail le détourne de la religion puisque c`est servir Dieu que de faire sa profession avec modération et en suivant les règles de la prudence chrétienne et on y trouvera assez d`intervalles pour faire ses dévotions publiques et privées.

Il n`y a pas de meilleur remède contre l`Impudicité et la Mollesse que le travail. Celui qui s`y applique donne peu de prise aux Tentations ; elles ne l`attaque qu`a la dérobée tandis que celui qui est Oisif est attaqué sans cesse a force ouverte. Quelque soit notre profession, nous devons nous y attacher et ne pas lui dérober ces heures, qu`une prudence économique lui consacre pour les donner à l`Oisiveté et au Plaisir. N`oublions pas d`invoquer Dieu dans nos besoins et de le bénir des Grâces qu`il nous accorde continuellement.  Une Éternité de bonheur ne vaut-elle pas quelques heures de sacrifices et d`efforts?  Souvenez-vous que le temps ne vous a été donné que pour faire votre paix avec un Dieu que vous avez si souvent offensé, pour lui demander pardon et pour vous faire un trésor de bonnes œuvres, pour ce jour où nous devons rendre compte de tout ce que nous avons fait dans la chair, soit bien, soit mal.

Le travail est en partie un commandement et en partie une punition.  Ce fut d`abord l`effet du Péché, il est aujourd’hui la garde de l`Innocence. Il n`y aura pas de Travail dans le Ciel, mais il n`y aura point aussi de Tentation. Cette vie est un état d`épreuve et de mutuelle dépendance. Le Travail entretient le Corps et instruit l`Âme. Dieu peut bien conserver l`un et instruire l`autre, sans notre coopération, mais il ne nous a pas promis qu`il le ferais : Il nous a dit au contraire que nous mangerons notre pain à la sueur de notre visage. Ce sont là les deux peines de la Désobéissance de nos premiers parents, et c`est une arrogance insupportable de songer à changer cette Loi fondamentale du Créateur et de ne pas vouloir s`y soumettre.
Une vie contemplative est la prérogative des Esprits séparés ; et le repos éternel, dont ils jouissent dans le Ciel, sera la récompense de ceux qui « combattent le bon combat sur la terre». L`Ennemi commun de nos âmes nous sollicitera toujours à l`Oisiveté, c`est pas là qu`il peut nous attaquer avec plus d`avantages. Notre âme, qui veut toujours être en action, devient facilement sa proie lorsque nos pensées sont errantes. Nul autre que notre Sauveur n`aurait pu lui résister dans le Désert. Sa longue tentation est un exemple qui nous a été donné pour nous apprendre que de nous-mêmes nous ne sommes pas capable de résister au prince de la puissance de l`air ( l`ange déchu) et que l`indépendance est une prérogative qui n`appartient qu`à Dieu seul.

Si nous appelons à notre aide le Travail et la Dévotion, l`Ennemi nous trouvera trop bien préparé pour ses attaques, et il attendra quelques occasions plus favorable, pour nous prendre au dépourvu.  Il n`y a pas de travail qui soit méprisable, s`il est honnête et nécessaire, il est honorable. L`Age d`Or nous est représenté par une vie pastorale ou les Rois cultivaient la terre, et les Princes gardaient les troupeaux. La mère de Jésus-Christ était mariée à un Charpentier et n`eut que des pigeons et des tourterelles à offrir pour oblation a la naissance de Notre Sauveur. Nous réussirons à remplir nos devoirs de Religion et de vie en appliquant avec diligence le désir de plaire à Dieu et que nous considérons que tous le bien que nous faisons sera récompensé en cette vie et dans l`autre. Si comme Marthe, nous travaillons pour beaucoup de choses, soyons en même temps aussi soigneux que Marie de la seule chose nécessaire ( Marthe et Marie dans l`Évangile).


2 – L`Esprit et la Délicatesse ( extraits)


La Réputation et le Bel Esprit est une chose que les deux sexes ambitionnent également. La Délicatesse est comme une vierge ; moins on la touche et plus on l`admire et elle se rend recommandable par sa modestie.  Une jeune Demoiselle ne devrait jamais parler de choses qui sont au-dessus de son âge et de son Sexe quelques connaissances qu’elle en ait acquise par son éducation ou son milieu. Sa conduite doit être exacte et suivie, son esprit égal et réglé, son jugement solide et droit pour connaitre quand il faut parler et se taire.

Cette prudence est une qualité beaucoup plus nécessaire, que ce qu`on appelle le Bel Esprit, au lieu d`un air ridicule et de familiarité elle en donne un de respect et d`autorité.
Affecter un gout délicat sans avoir de discernement, c`est mal juger des choses. Le meilleur gout dans la conduite de la vie est de s`accommoder aux affaires, suivant qu`elles sont plus ou moins utiles. Rien n`est vraiment estimable que le Bon Sens et la Vertu.

Comme nous sommes obligés de vivre dans ce monde aussi bien avec des gens à l`esprit grossier et stupides, qu`avec des personnes polies qui ont de l`esprit ; et comme nos affaires ne nous demandent pas toujours une si grande délicatesse et  veut que nous montrions un Esprit fin, poli et délicat qu`avec les personnes qui sont tels ; accommodons-nous aux personnes que nous fréquentons, et soyons suivant ce qu`elles sont, plus ou moins spirituels pourvu qu’il soit en notre pouvoir de soutenir l`un et l`autre de ces deux caractères.


3 -  Les Divertissements ( extraits)

Les hommes ont plus les yeux sur les femmes pour les admirer et pour leur plaire que les femmes ne jettent les yeux sur elles-mêmes, pour se contempler et pour se censurer. Outre les tentations de leur cœur, elles ont celles des hommes à combattre et si elles témoignent la moindre pente au Plaisir, elles trouveront assez de quoi les y encourager.  Le Plaisir rechercher avec ardeur est une chose dangereuse dans la jeunesse ; mais dans la vieillesse c`est une ombre qu`on s`efforce d`attraper. Et moins il est naturel et plus il est indécent de s`y abandonner.

Les Divertissement ne sont que pour donner du soulagement et du repos a ceux qui sont accablés du travail. Quoique les paresseux n`aient pas besoins de beaucoup de repos, ce sont souvent ceux qui crient le plus fort pour avoir du divertissement.  Il est bon de délasser l`esprit mais de faire de toute sa vie une fête perpétuelle, c`est un abus qui renverse la véritable idée et nature du Plaisir. Il en est de l`Esprit comme du Corps, il se lasse d`être toujours dans la même assiette. Nous trouverions insipide les ragouts les plus piquant si nous étions toujours obligé d`en manger. Une trop grande application use l`Esprit, trop de distraction l`amollit, la variété est ce qui lui donne du gout.

Les Plaisirs trop souvent réitérés deviennent d`abord indifférents et donnent enfin du dégout. Lorsqu`on les prend à propos, ils sont hors de blâme, mais lorsqu`il y a de l`excès, leur innocence se convertit du moins en folie, si ce n`est pas en crimes.  Les Dames, en se prodiguant trop, risque de devenir une marchandise de rebut.

Le Jeu

Il n`y a pas de mal à jouer un peu, pour votre amusement ou votre compagnie mais de s`y adonner jusqu`à devenir un joueur accoutumé, c`est ce qu`on doit éviter. Le Jeu est un vice chez l`homme et chez la femme car il entraine souvent la perte de beaucoup d’argent et de la réputation. Ce vice plonge l`homme et la femme dans l`Oisiveté, à faire mauvais usage de leur temps, les fait négliger leurs devoirs tant à l`extérieur que dans leurs maisons et ils vivent selon les lois de la chance et du hasard.

Les Récréations

Toutes les Récréations ont comme but de délasser l`Esprit et non de l`amollir. Elles ne sont légitimes qu`aussi longtemps qu`elles tendent à ce but. Puisque nous sommes sur cette matière, il est bon de voir ce qu`il peut y avoir de licite et d`illicite dans les Récréations.  Pour être licites, il faut qu`elle soit exempte de tout péchés. Tout ce qui manque de modération, qui est préjudiciable à la Gloire de Dieu, tout ce qui est nuisible à notre prochain n`est point un Divertissement permis.

Les discours profanes et impudiques, la Médisance et la Calomnie ne sont certainement pas des choses ou l`on doive prendre du Plaisir et employer notre temps. Toute Récréation doit être modérée et innocente. On ne doit y donner que des moments et non pas des jours. Le but de la Récréation n`est pas de nous exempter du Travail, mais de nous donner de nouvelles forces pour nous y appliquer avec plus d`ardeur.  La Récréation cesse d`être permise lorsqu’elles émeuvent trop nos passions et que nous les prenons trop à cœur ; parce que elles nous détournent de nos Devoirs spirituels et temporels.

4 -  L`Habillement ( extraits)

Si le but de l`Habillement, comme l`Écriture nous l`assure, a été de couvrir la nudité du corps, il ne semble pas, à en juger les femmes de nos jours que ce soit la fin qu`on se propose aujourd`hui.

Plusieurs se sont poussées à l`immodestie jusqu`à l`excès. Le vêtement doit être modeste et les modes qui pèchent contre cette règle sont mauvaises. Certaines modes ne servent qu`à découvrir la passion honteuse des personnes qui s`y abandonne et à verser ce poison subtil sur les spectateurs.  Ces femmes capables de supporter le froid le plus rigoureux pour montrer leur belle peau ne poussent t`elles pas à enflammer les désirs ?  Comment d`un côté demander dans la prière d`être délivrer de la Tentation et ensuite de s`y abandonner avec plaisir?  Mais Dieu qui ne veut pas que l`on se moque de Lui et qui « sonde les cœurs et les reins » ne manquera pas au dernier jour de leur demander des comptes.

Les hommes et les femmes devraient se contenter des habillements qui convienne à leur Sexe et à leurs conditions. Les habits ne donnent aucun véritable mérite à qui que ce soit. La Beauté n`a pas besoin d`ornement et la Laideur n`en demande pas d`autre que celui que nous devons tous désirer et qui est « un esprit doux et tranquille».  Revêtez-vous aussi somptueusement que vous le pouvez des vertus chrétiennes, qui seules peuvent vous rendre agréable aux yeux de Dieu et qui ne contribueront pas peu à vous faire aimer des hommes.
La Charité vous portera à jeter les yeux aussi bien sur les habits de votre Prochain, que sur les vôtres. Revêtir les Pauvres est un des devoirs qui ont la félicité éternelle pour récompense et la parole d`un bon Chrétien sur ce sujet doit être très solide : « Un seul habit que tu mets sur le corps d`un pauvre homme, te fera mieux que vingt habits magnifiques que tu mettras sur toi-même.»

Les jeunes sont fort sujet à tomber dans l`excès à propos de l`habillement. Ils ont un désir naturel et violent de plaire. Les Modes changent sans cesse dans les habits et les meubles selon les caprices des vendeurs et vous risquez de payer cher pour tous ces changements en suivant les Modes. C`est ainsi que la personne se plait dans des changements ruineux, qu`on bannit la Gravité et la Simplicité des mœurs qu`on y substitue la Légèreté et la Folie. Les personnes doivent apprendre que l`honneur ne s`acquière que par une bonne conduite et que le bon sens est préférable à l`Or et aux Diamants.

On devrait inculquer aux jeunes gens des choses utiles et solides, sans pourtant les ennuyer en les leur répétant trop souvent. Il faut leur apprendre à préférer la beauté de l`Esprit a la beauté du Corps. Ce n`est pas que l`on doit négliger la Beauté extérieure. La Beauté a des effets trop sensibles, et dans les personnes qui en sont avantagées, et dans celles qui la remarque dans les autres pour que tous vos raisonnements les plus graves puissent les convaincre, qu`elle ne mérite pas que l`on en ait soin. Lorsque vous les exhortez à ne pas trop y attacher leur cœur, il faut leur rappeler que comme c`est un grand avantage temporel, il faut en rendre grâces à Dieu et le voir comme un Don du Ciel. Il ne servira pas plus de déclamer contre la Beauté que contre la Santé, les Richesses et la Paix. On peut abuser aussi bien de ces avantages que de la Beauté, mais cet abus n`empêchera pas que le monde ne les désire, et ne portent envie aux personnes qui en jouissent.

Il est bon d`expliquer aux jeunes gens de véritable idées de la Nature et de leur montrer comment la Religion la corrige et la perfectionne ; quelle sagesse il y a se servir des avantages temporels ( de la vie) pour acquérir des biens éternels et à faire en sorte que les avantages du Corps servent à accroitre ceux de l`Âme; que la religion et les Vertus sont les plus grandes beautés dont les Chrétiens doivent se glorifier et que le Christianisme est ce qui donne le plus de lustre à la Nature et la droite Raison.  Il serait aussi inutile de se déchainer contre la beauté que contre la Lumière. Donnez-lui au contraire toute la louange qui lui est due, mais représenté aussi à ces aimables personnes combien les attraits de la beauté deviennent plus puissants lorsqu’une belle Âme anime un beau Corps.

La Piété combat et dompte l`Incontinence et convertit le Désir en Admiration. La Beauté se flétrit avec le temps et perd sa force mais la Vertu brille constamment sans perde son lustre. La Beauté cause tous les jours des tourments et des inquiétudes ; la Vertu est toujours en paix et joie. La beauté aura toujours ses Avocats et saura si bien défendre sa cause que même si nous témoignions des intérêts de la Vertu, nous ne devons pas abandonner ceux de la Beauté, mais représenté les malheurs qu`elle attire lorsqu`on s`en fait gloire et qu`on y attache trop son cœur. La beauté n`influe pas moins sur le jugement que sur la vue et il vaut mieux la rendre amie, qu’ennemie de la Vertu.

Plus la Beauté est victorieuse et plus elle est sujette à être vaincue. Ce qui est aimé de plusieurs est de difficile garde; le cœur peut résister aux attaques de divers ennemis déclarés, mais tandis qu`il se défend contre eux, un Ennemi caché le surprend. Quelle assurance y a-t-il dans la possession d`une chose que tout le monde convoite? Plus les Belles font des conquêtes et plus elles sont en danger; elles seront en butte à de nouveaux assaillants. La Flatterie est une science qui perd les Belles; le cœur suce ce poison avec avidité.

La Beauté sans mérite et sans Vertu n`est qu`une amorce pour les fous. Pour se marier heureusement, il faut qu`une femme se marie avec Prudence et si elle fait le mauvais choix, elle n`en sera pas plus heureuse, de même que sa Beauté ne l`a pas rendue plus sage.  L`Affectation dans l`habillement ne rencontre jamais le but qu`elle se propose et ne rencontre jamais le but. D`un côté, la Négligence dans l`habillement est une erreur qui doit être corrigée, la Propreté, la Proportion et la Bienséance dans l`Habillement sont toujours choses recommandables. La Vertu elle-même devient désagréable, lorsqu`elle se trouve accompagnée de la Malpropreté.

Le Défaut est dans l`Excès : Ayez soin de vos personnes mais ayez soin aussi de vos esprits, et ne poussez pas la folie à vouloir être des Coquets et des Coquettes. Que les Dames, sur toutes choses consultent la Décence et la Commodité. La Mode vise toujours à la perfection, mais jamais elle ne la trouve, ni ne s`arrête où elle devrait.  Changer pour changer, sans cesse, c`est se soumettre aux Lois du Caprice.

En qualité d`hommes, nous devrions éviter la sottise et l`extravagance ; en qualité de Chrétiens, nous ne devrons nous attachés qu`a ce qui est modeste et convenable.

Voici deux passages du Nouveau Testament qui établissent la règle à suivre pour les Chrétiens en matière d`habillement.

St-Pierre Apôtre : « Que leur Ornement ne soit pas celui de dehors; qui consiste dans l`entortillement des cheveux, ou dans une parure d`or, ou dans un ajustement d`habits. Mais l`homme qui est caché, savoir celui du cœur, qui consiste dans la pureté incorruptible d`un esprit doux et paisible, qui est d`un grand prix devant Dieu.»


St-Paul Apôtre : « De même aussi, que les femmes se pare d`un vêtement honnête avec pudeur et modestie, non pas avec des tresses ou de l`or, ni des babillements somptueux. Mais de bonnes œuvres, comme il convient a des femmes qui ont fait profession de servir Dieu.»

Ceux qui veulent rendre tous les passages de l`Évangile a la lettre ne manquent pas de tomber dans une infinité d`erreurs ; et cette exactitude exagérée a été la source de mille hérésies. S`il n`était pas permis de donner quelques restrictions aux expressions figurées, on trouverait des difficultés insurmontables. Les pensées des Anciens et surtout des Orientaux, ne peuvent pas s`accommoder en toutes choses à celles des Modernes et à ceux d` Occident. Il est donc de notre devoir de nous tenir aussi attaché, qu`il est possible, au sens, sans être toujours obligé de suivre la lettre.

On ne peut pas dire qu’il y a plus de danger ou de mal dans l`or que dans aucun autre métal, dans les étoffes riches ou grossières. Que ce soit sagesse, folie ou caprice d`estimer plus ces choses que les autres, il n`importe ; il n`y a certainement pas plus de mal dans l`une que dans l`autre, et dans leur nature, elles sont toutes également innocentes. Et quoique quelquefois elles sont l`occasion de grand maux ; on ne peut pas dire qu`elles en soient proprement la cause. Tout le mal qui en provient doit être imputé aux Passions des hommes, qui pour satisfaire leurs désirs, prennent des moyens qui ne peuvent produire que des effets pernicieux.  Il faut dans toutes ces choses garder modération.

Si nous considérons ces deux textes , quoi que les paroles en soient très positives, nous trouverons pourtant que le sens n`est pas de défendre absolument l`usage de l`or, des perles ou diamants dans l`habillement.  Pour en découvrir le véritable sens nous n`avons qu`à découvrir quel qu’autre passage de l`Écriture ou la négative est aussi forte et ou la défense ne peut en aucune manier être envisagée comme un défense générale.

Par exemple Notre Seigneur nous dit expressément :« Ne vous amassez point de trésors sur la terre, ou les vers et la rouille gâtent tout, et ou les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le Ciel.» Quoique ces paroles sont très positives, le sens n`en est pourtant pas d`interdire absolument d`amasser des richesses, puisque les besoins et les devoirs de la Vie rendent la chose inévitable. S`il fallait prendre cette défense au pied de la lettre, ou serait le moyen de pourvoir aux besoins des familles et de ses enfants, et d`avoir des fonds, des biens, un commerce, ni rien qui puisse remédier aux urgentes nécessités d`une famille ou d`un État?

Si nous croyons qu` il nous soit absolument défendu « d`amasser des trésors sur la terre», nous devons croire en même temps que l`intention du Christ a été d`interdire tout commerce, et de pourvoir aux besoins de nos familles et de nos enfants.  Quelque absolu et positif que soit ce commandement, le sens des paroles est : Que les Chrétiens doivent plus s`appliquer à s`assurer des biens éternels que de ceux de cette vie qui sont périssables et de courte durée.

On trouve dans l`Écriture une foule de semblables expressions, qui, prisent à la lettre se trouvent directement opposées à d`autres passages. Il est dit aussi dans les Écritures, que c`est commettre un péché plus abominable que l`Infidélité que de ne pas prendre soin de sa famille; et quel soin peut-on en prendre sans argent et biens? Lorsque des choses sont d`elles-mêmes illicites, comme l`Excès et l`Ivrognerie, la Luxure et l`Impudicité, les Débats et l`Envie; on doit alors toujours prendre la défense dans toute son étendue. Mais lorsque des choses ne sont pas d` elles-mêmes illicites, il faut chercher le sens que la Raison et l`Équité nous dictent et que les circonstances du temps, du lieu et des personnes doivent déterminer.

Les choses qui sont indifférentes et qui ne deviennent criminelles que par l`abus qu`on en fait, ne sont défendues qu`autant qu`on en abuse, quoique la défense soit conçue en termes généraux.  Ainsi bien que l`Apôtre défende en terme formel aux femmes « les tresses de cheveux, l`or, les perles et les habillements somptueux », nous ne devons pas entendre qu`il défende de se servir et de se parer d`aucune de ces choses en général ; parce que leur nature ne sont point mauvaises et qu`elles ne le deviennent qu`accidentellement et pas abus.
Il semble que le but de cette Défense soit de recommander aux femmes tout ce qui peut les rendre de bonnes chrétiennes ; comme sont entre autre choses les bonnes œuvres et un habillement décent et sobre qui ne donne point de scandale ou de sujet de Tentation.

La Modération dans tous ces divers ornements n`empêche pas qu`on ne tende à ce But. Ainsi quand on considère la nature des choses ou la manière dont l`Apôtre s`exprime, et la fin qu`il se propose, il n`est ni nécessaire, ni raisonnable de conclure, que toutes les choses, qui sont ici particularisées, soient généralement défendues aux femmes.  Mais quoiqu’il est raisonnable de ne pas prendre cette Défense a la lettre et à la rigueur, il ne faut pourtant pas douter qu`il n`y ait quelque chose de défendu ; comme toute sortes de vains habillements dont l`éclat et la somptuosité excitent l`Orgueil et nourrissent la Vanité, et comme tout ce qui est criminel et qui tend à flétrir la Gloire de Dieu. Il est clair que c`est l`effet, et non la cause qui est ici le sujet de la Défense.

L`Écriture défend tout habillement qui sert au Libertinage et a l`Immodestie ; non seulement quand on s`y propose cette fin criminelle, mais aussi lorsque la chose y conduit naturellement et ordinairement. Le dessin en lui-même d`échauffer les imaginations, d`enflammer les cœurs, d`embraser des désirs impurs, est mauvais. A l`égard des habillements somptueux dont l`Apôtre parle, on peut raisonnablement supposer qu`il ne défend que les habillements dont le haut prix met hors d`état de faire tout le bien qu`on ferait autrement et de satisfaire aux devoirs de la Charité.

Non que tout l`argent qu`on dépense en des choses qui nous font plaisir soit mal employé et qu`il ne doive être destiné qu`a des actes de Charité. Ce serait une opinion fausse et extravagante car bien des choses sont nécessaires mais une dépense exagérée qui ôte les moyens de faire de bonnes œuvres est condamnable car Dieu accorde la richesse en ce monde afin de pratiquer la Charité envers ceux qui souffre.  

Les premiers Chrétiens sont donné l`exemple, qui vendaient leurs habits somptueux, leur joyaux et ornements pour nourrir et revêtir les pauvres.  Nos réflexions sur l`habillement n`ont portées sur ce que les Lois divines ne défendent pas absolument ; considérons maintenant ce qu`elles ordonnent positivement et particulièrement les ornements qu`elles prescrivent aux femmes chrétiennes.

Ces Ornements consistent dans « l`homme qui est caché, savoir celui du cœur et dans la pureté incorruptible d`un Esprit doux et paisible.»  Leur principal soin doit être d`orner leur âme, et de ne pas donner tout leur temps et toute leur application à l`Embellissement extérieur; mais de l`enrichir de toutes les vertus chrétiennes, de la Charité, de l`Humilité, de la Douceur et de la Modestie; de n`ambitionner que les Dons spirituels et de ne bruler que de l`Amour Divin.

La beauté de l`Âme consiste dans sa Pureté, et quoique cette beauté ait de la misère à se faire connaitre à l`homme, elle parait à plein aux yeux de Celui, à qui rien n`est caché, et qui aime la pureté du cœur, et qui la préfère à tous les diamants et l`or du monde.  L`Or, les Perles et les Habillements somptueux sont des choses périssables que le temps corrompt et détruit, que les vers et la rouille gâtent et qui peuvent nous être enlevées par les voleurs et mille accidents.  Mais l`Âme qui est immatérielle et immortelle, ne veut que des ornements qui conviennent à sa nature. Un des plus considérable est un Esprit doux et paisible, une Humeur bénigne et docile, une Opinion humble et modeste de soi-même, un Esprit content de sa condition.
Cet Ornement est beaucoup au-dessus du vêtement le plus magnifique, c`est une chose de grand prix « aux yeux de Dieu» et qu`il nous recommande et nous ordonne lui-même. Les inclinations d`un homme change plus souvent que la mode ; mais les bonnes qualités de l`Âme ont une influence merveilleuse et captivent l`Esprit des autres, elles s`attirent le respect du mari et des autres.

L`Âme est la partie la plus importante de l`homme, aussi mérite-t-elle que nous ayons un soin tout particulier de l`orner; c`est le Guide du Corps, c`est son Gouverneur, donnons-lui donc tout le lustre et l`éclat dont nous sommes capables. Il est ridicule et criminel de négliger son Âme dont l`Essence est éternelle, et d`avoir plus de soin du Corps dont la durée est courte, passagère et incertaine.  Les belles qualités de l`Esprit s`acquièrent de la même manière que plusieurs qualités du Corps par l`Usage et la Coutume. Ceux qui aiment la Lecture, la Prière et la Méditation ne donnerons pas plus de soins à leurs habillements qu`il n`en faut pour éviter une singularité qui choque les autres. Ils trouveront dans les replis du Cœurs des défauts, qui les empêcherons de s`idolâtrer et de se flatter que les autres les admirent.

Ils ne rechercheront que l`estime des personnes sages et vertueuses et apprendront que ce n`est pas par l`habillement et la dépense que cette Estime s`acquiert.
Bannir de nos cœurs tous ces principes de d`Amour propre, donneront à nos âmes un nouveau degré de Perfection et nous ferons regarder avec mépris le procédé ce ceux qui ne pensent absolument qu`à se concentrer en eux-mêmes et qui rapportent tout à leur Amour propre.

Quand nous aurons en partage cette Droiture de l`Âme, qui fait l`un des principaux Ornements de l`Essence divine, nous nous garderons d`offenser personne et de faire aucun tort aux autres, et c`est là le moyen le plus sûr pour les empêcher de nous en faire.  Il n`y a presque point de Vertu chrétienne qui n`est sa récompense dans cette vie. La compassion et la Charité envers ceux qui ont besoin de notre assistance sont des choses qui relève et perfectionnent notre Nature.

Pardonner les injures et les affronts qu`on nous a faits, donner de la nourriture a ceux qui ont faim, et des vêtements a ceux qui sont nus, visiter ceux qui sont malades et en prison, consoler ceux qui sont dans l`affliction, protéger les faibles et les innocents, faire droit à ceux qui sont opprimés et injuriés; voilà ce qui donne à l`homme une supériorité et un Pouvoir indisputable et ce qui lui acquiert la louange, l`estime et la vénération de tous ceux qui ressentent les effets de sa charité.

Les Réflexions que nous venons de faire sur la Vertu, ne sont point étrangère au sujet que nous traitons. Si une fois on pouvait imprimer dans le cœur des hommes l`amour de la Charité, on pourrait aisément les détourner de cet Amour propre qui leur fait oublier leur Prochain ; et de ce soin avec lequel ils s`appliquent entièrement à orner leur corps, et qui leur fait négliger les Devoirs de la Compassion et de la Charité.  Après la Religion et la Vertu, la Sagesse et la Prudence sont les plus agréables et les plus souhaitables ornements que l`Âme peut avoir. Par la Prudence et la Sagesse, il ne faut pas entendre seulement la connaissance de la Vertu et de la Religion, mais aussi l`art de se conduire dans toutes les occasions et à l`égard de toutes sortes de personnes, avec prudence et avec bienséance.

Quoique l`on peut être Juste et Vertueux ; sans avoir de la Prudence ; cependant ceux qui sont tels, ne contribuent en rien à rendre la Vertu et la Religion plus recommandable : Encore qu`ils soient gens de bien, leur Conduite, bien loin d`édifier, est plutôt nuisible à la Piété. Un zèle extravagant, une Dévotion indiscrète et mal ménagée, des Gestes et des Manières extraordinaires et ridicules bien loin de porter les autres à la Piété et la Religion font souvent le contraire.  Mais ce qui dans le Service divin est véritablement convenable, bienséant et propre à exciter le zèle des autres, c`est d`avoir un air modeste, c`est de régler ses actions et ses paroles d`une manière qui ne marque aucune affectation.

Si la Religion et la Vertu reçoivent un si grand avantage de la Prudence, quoiqu’elles puissent subsister sans elle, il n`y a pas de doute qu’elle ne soit nécessaire dans les choses de moindre importance. Comme c`est elle qui ménage les agréments de la Conversation et qui la dirige; que c`est elle qui donne du prix a toutes nos actions et a toutes nos paroles, on ne doit la négliger en quoi que ce soit. Il est difficile de dire de quelle manière elle se peut acquérir, mais peu semble l`avoir en partage.

C`est un Art qui nous apprend à bien nous conduire, et qui contribue si fort à nous perfectionner nous-mêmes, et à nous rendre utile aux autres, que ce doit être le principal objet de nos soins et de nos applications. C`était peut-être ce que le Roi Salomon voulait enseigner en partie quand il a dit : « Il y a un temps pour chaque chose, et un temps pour chaque affaire sous le Ciel; un temps d`abattre et un temps de bâtir, un temps de pleurer, un temps de rire, un temps de gagner, un temps de perdre; un temps de garder, un temps de jeter; un temps de se taire, un temps de parler.»

C`est-à-dire qu`il y a pour toutes les choses de ce monde un temps si propre et si convenable, que si l`on a pas le soin de l`observer, on ne peut manquer de commettre une infinité de fautes contre la Bienséance ; au lieu que si l`on a soin d`observer ce qu`exige les différentes circonstances où l`on se trouve, on ne manquera pas de faire paraitre qu`on a le Jugement et la Sagesse en partage, de venir mieux à bout de ses desseins et de s`attirer l`estime des honnêtes gens.

La Prudence nous dit qu`il est nécessaire de proportionner nos paroles et nos actions à l’âge, au lieu, à la personne, a la qualité, tant par rapport à nous-mêmes, que par rapport aux autres, ce qui fait voir comment la Règle générale de la Prudence a lieu dans les habillements. Plus les Réflexions que nous ferons sur ces choses seront étendues et générales et plus notre conduite sera sage et prudente, nous donnerons moins de scandales et serons coupables de moins d`égarements ; notre conversation et nos manières serons plus honnêtes, bienséantes et utiles.

La plupart des maux domestiques viennent plutôt du manque de Prudence, que de Vertu et de Religion. C`est pourquoi en parlant des Ornements que l`Âme doit avoir, je n`ai pu m`empêcher de joindre la Sagesse et la Prudence avec la Piété et la Vertu ; car puisqu`il est du devoir des Femmes Chrétiennes d`être bonnes aussi bien que vertueuse et religieuse, suivant le précepte de l`Apôtre, il faut de nécessité qu`elles travaillent à acquérir les qualités nécessaires pour s`acquitté du devoir qui après la Vertu et la Piété est le plus important.
Ainsi puisque sans une mesure suffisante de Prudence et de Sagesse, il n`est pas possible de faire les fonctions de Femmes bonnes, ou de bonne Mère, ou de bonne Maitresse de famille, il leur importe de travailler à acquérir autant de Prudence et de Discernement qu`il est possible afin de pas tomber dans l’extravagance.

Ce genre d`enseignement n’est souvent pas gouter des Esprits mondains qui aimeraient mieux avoir matière à nourrir leur Vanité qu`à la dompter, et qui ne peuvent souffrir les leçons qu`on leur donne à cet égard, à moins qu`elles ne soient raffinées par les agréments de la Nouveauté. Mais mon intention est de travailler, autant qu`il est possible, a la Réformation des mœurs, et de ne jeter dans l`Esprit que des semences qui produisent des fruits d`une éternelle durée.

Je ne saurais par une lâche complaisance flatter ces esprits déréglés, ni leur tracé une autre route vers la Vertu, que celle que j`ai suivie moi-même et qui est la Parole de Dieu et la Bonne Doctrine. En nous considérant nous-mêmes et toutes les merveilles de la Création qui nous environnent, nous remplirons notre Esprit de la connaissance de Dieu et de la vérité de son existence et nous serons convaincu de la nécessité de l`adorer. Nous remarquons tant de beauté, tant de perfections dans toutes les choses qu`Il a créés.

Plut à Dieu que ces femmes chrétiennes qui passent des heures devant un miroir, a s`ajuster pour s`attirer les regards des hommes, se demandaient à elles-mêmes; est-ce un habit convenable pour aller au-devant l`Époux Céleste? Et disposés comme je suis à tenter les autres, et à être tentée moi-même ne suis-je pas comme les vierges folles de la parabole des Évangiles. Si elles rentraient en elles-mêmes, elles retrancheraient du temps, qu`elles emploient à satisfaire leur Vanité pour le consacrer à l`Étude de la Piété et de la Vertu, qui sont les véritables Ornements de l`Âme et pour acquérir cet « Esprit doux et paisible» qui est selon l`Apôtre, ce qui leur convient le mieux, j`entends cette Douceur, cette Tranquillité et cette Modération d`âme, qui est opposée à l`Aigreur, à la Hauteur, a l`Humeur querelleuse, a l`Impatience, et au Mécontentement perpétuel.


5 -  La Chasteté ( extraits)


De toutes les Vertus chrétiennes, il n`y en a point qui fassent plus éclater la Dignité et le Pouvoir de l`Âme, que la Chasteté. Elle triomphe d`un désir violent que la Nature inspire au cœur humain, fier et indocile.

La Chasteté étouffe tous les dérèglements de cette Passion, et tout désirs que le Mariage, l`ordre de la Nature et la Modération chrétienne n`autorise pas est illégitime. Ce sujet est extrêmement délicat et difficile à manier, lorsqu`on veut éviter de blesser la Pudeur.  On s`est aviser d`adoucir la Fornication sous le nom de Galanterie. Le Fornicateur que Dieu jugera se présente sous le nom de galant-homme et l`Adultère se glorifie de ses crimes qui sont autant d`assauts donnés à l`Innocence et la Vertu.

Les péchés cachés de l`un et l`autre sexe ne sont pas d`une nature à être exposé au jour. Ils ne sont que trop connus et la pratique en est trop commune, pour avoir besoin d`explications. Mais que ceux qui s`abandonnent à ces vices sachent qu`il y a un Juge qui sonde les cœurs et les reins et aux yeux duquel rien ne peut échapper, qui les jugeras et les condamnera pour leurs péchés secrets.

La Chasteté consiste dans l`Abstinence ou la Continence. La première concerne les Vierges et les Veuves, l`autre les personnes mariées. Une Veuve est à plaindre par rapport à sa perte ; mais son état ne laisse pas d`être estimable lorsqu`il est accompagné de gravité et de pureté.

Les vœux de Virginité se font généralement dans les Cloitres et ont une belle apparence de piété lorsqu`ils sont faits volontairement pour se dévouer entièrement à Dieu.
Le mariage exige la fidélité de l`homme et de la femme dans leur couple. Chaque État a ses avantages particuliers.

La Honte est la fille ainée de l`Impureté. La nuit est le temps du Meurtre et de l`Adultère qui vont souvent l`un avec l`autre et si l`Adultère n`est pas toujours taché de sang, il est néanmoins dans des craintes continuelles d`en répandre, ou d`en faire répandre.  Il est vrai que la Conscience réveille quelquefois les plus endurcis de ces Pécheurs; mais le Tentateur étouffe bientôt tous ces mouvements intérieurs lors qu`on a étouffé ceux de la Religion et de la Vertu.

Si nous faisions de sérieuses réflexions sur les soins et les inquiétudes qui accompagnent les Désirs impudiques ; si nous considérions que la tristesse et le repentir succèdent aux plaisirs charnels; que l`Adultère se trouve toujours dans un chemin bordé d`épines; qu`il est continuellement agité de crainte,  de jalousie, de désirs impatients, et exposé à souffrir mille affronts sanglants; si nous considérerions les suites funestes de ce Crime, nous l`aurions en horreur. Il cause en même temps la ruine entière de deux âmes; en un mot, l`Adultère et le Fornicateur sont les instruments dont l`Ennemi commun du genre humain se sert, pour peupler son monde infernal.

La Morale et la Religion nous inspirent de l`horreur pour ce péché : « Quelque autre Péché que l`homme commette, il est hors du Corps; mais celui qui commet Fornication pèche contre son propre Corps.» ( 1 Corinthien 6,18) Ce péché renverse les fondements de la société civile et exemple nous est donné dans l`Ancien Testament par l`histoire du Roi David et de son péché avec Bethsabée.  Dans le sacrement du Baptême nous recevons le St-Esprit dont nos Corps deviennent les Temples vivants, dans lequel il habite. L`Impureté par conséquent est un sacrilège et déshonore le Temple du Dieu vivant.

« Ne savez-vous pas, dit l`Apôtre, que votre Corps est le temple du St-Esprit? Celui qui déshonore ce Temple; Dieu le détruira. C`est pourquoi Glorifiez Dieu en vos Corps et fuyez la Fornication.» A quoi nous pouvons ajouter que nos Corps sont les Membres de Christ, or «Dieu défend de prendre les Membre de Christ pour en faire les Membres d`une Impudique.» Ainsi l`Impureté déshonore et Jésus-Christ et le St-Esprit.

Un des Anciens Peres de l`Église dit que l`Impureté aveugle l`Esprit de tous ceux qui s`y abandonnent ; qu`elle les plongent dans une infinité d`autres dérèglements; qu`elle leur fait concevoir de mépris pour les Préceptes de la Religion et pour les Récompenses qu`elle nous promet. Au contraire la Pureté éclaire notre Entendement; elle nous rend sages et prudents; elle nous inspire l`Amour et la Crainte de Dieu; elle produit la Paix et la Consolation dans notre âme; et elle nous fait enfin gouter des Plaisirs plus solides que les plaisirs charnels.

Toutes les nations et mêmes les peuples barbares ont puni l`adultère par leurs lois. L`Église chrétienne primitive refusait la communion aux personnes adultères jusqu’à ce que suivant la discipline de ces temps-là, elles eussent fait sept années de Pénitence et données des marques de véritable Contrition.

La Chasteté en général consiste à détester l`Impureté, a en étouffé tous les mouvements, et à éviter avec soin tout ce qui peut nous y porter. Que notre Langue soit chaste, que nos Oreilles soient bouchées a tous les discours sales qui encouragent la Convoitise. La Concupiscence est une Tentation trop forte pour que la Raison seule puisse la combattre, les efforts de l`esprit ne servent qu`à exciter le Désir; elle détruira bientôt tous vos raisonnements. Le meilleurs est de fuir toute Tentation, de ne pas y penser et d`avoir recours à la religion ou à des occupations, pour la bannir de notre esprit.

On ne peut entrer en dispute avec l`impureté sans voir qu`on y a du penchant et si l`Esprit n`a pas remporté la victoire sur l`impureté alors le corps lui fera une très faible résistance. On doit éviter l`oisiveté par le travail du corps par une occupation honnête et utile ou il se trouve à l`abri des attaques du Tentateur.  La Pauvreté n`enfreint pas moins les règles de la Chasteté, que l`Abondance et l`Impureté ne se trouve pas moins dans les maisons des pauvres que dans les palais des riches.

Fuyez donc les occasions qui peuvent vous faire tomber dans ce vice, les mauvais amis, la vie nocturne, l`alcool et les drogues. Dans les conversations et les soirées restez dans les limites de la bienséance et évitez les conversations trop galantes et la licence des langues trop libertines.

Ce sujet est en lui-même délicat, qu`on ne peut le toucher qu`avec la dernière circonspection. C`est une chose bien déplorable qu`un Péché qui peut conduire à la damnation éternelle ne soit considéré que comme une peccadille qu`on passe pour ridicule, lorsqu`on entreprend d`en représenter l`énormité, lorsqu`on ne veut pas défendre la cause du Fornicateur et de l`Adultère.

( la suite bientôt)


Dernière édition par MichelT le Ven 18 Aoû 2017 - 17:16, édité 10 fois

MichelT

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Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne Empty Re: Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne

Message par MichelT Lun 28 Déc 2015 - 18:45

6 -  La Modestie ( extraits)


Les femmes se trouverons-elles offensées si nous osons croire qu`elles aient besoins de leçons par rapport à cette Vertu?

Qu`il est triste de voir que dans un pays où l`on professe la foi Chrétienne, la plupart des Vertus soient hors de mode et que ceux qui veulent les recommander passent pour des esprits farouches et grossiers.

Des gens qui n`appréhendent pas de se damner, ont peur de devenir la risée du Public; et ceux qui corrigent d`une manière grave et intéressante, peuvent a la vérité suivre les mouvements de leurs propres consciences, mais tous leurs Discours graves et sérieux produiront peu d`effets sur l`esprit des autres.

Que cela néanmoins ne nous empêche pas de nous acquitter de notre devoir, de chercher les sentiers de la Vérité et du Salut, ni de travailler à remettre ceux qui s`égarent dans le véritable chemin qu`ils devraient tenir. Il n`est point de Vertu, qui puisse plus relever toutes nos actions, que la Modestie, soit qu`on la considère comme opposée de l`Effronterie et à l`Indécence, soit qu`on la mette en opposition a la légèreté et à l`impudicité.  

La Modestie est « la science du mouvement décent». Elle nous sert de guide et de règle dans toute notre conduite, elle réprime et censure toutes les grossièretés, et elle polit surtout la conversation. Certainement c`est une Vertu d`une influence générale, qui non seulement sert de contrepoids à l`Orgueil et à l`Amour propre, mais qui guide aussi tout nos mouvements extérieurs. Elle parait sur le visage d`un air calme et doux, qui donnent un éclat extraordinaire à la beauté la plus parfaite. Son pouvoir est si grand qu`elle fait gagner des Cœurs insensibles à tout autre charme. Une Modestie innocente et un regard naturel et simple fait éclipser toutes les fausses lueurs de l`habillements et l`Art.

Ce n`est pas seulement sur le visage que la Modestie a son siège, mais elle se fait remarquer de manière encore plus sensible dans les paroles et dans les actions, d`où elle bannit tout ce qui peut donner la moindre atteinte à la Bienséance et à la Politesse, et tout ce qui peut rendre une personne ridicule et désagréable. Elle adoucit la voix et lui donne un ton agréable, et purge le langage de toute sorte de grossièreté, de rudesse et de licence.  Si la Modestie réprime la licence de la Langue, elle en arrête aussi le torrent; défaut ou tombent plusieurs personnes. Vouloir toujours tenir le dé dans une Conversation est une marque de Présomption et un moyen assuré de nous attirer le Mépris de toute une compagnie; chacun aime être entendu à son tour.

Celui qui veut plaire dans la conversation doit tâcher d`obliger tout le monde; à quoi vous ne pourrez jamais réussir, si vous ne voulez pas écouter les autres avec la même patience que vous exigez des autres. Vouloir toujours parler dans une compagnie, c`est s`arroger une supériorité sur les autres. C`est une arrogance, disait le sage Socrate et un défaut ou tombe l`homme et la femme.  Ce vice de trop parler est souvent accompagner de la Médisance. Les femmes exercent souvent leur langue à déchirer les autres soit qu`elles en ont été offensés ou non. Ce Vice existe beaucoup dans la population générale et même dans la haute société. Plusieurs se conduisent comme s’ils ne trouvaient de moyens plus assurés d`établir leur réputation en noircissant celle des autres.

On aurait de la peine à concevoir que la plupart de ces visites de cérémonie parmi les personnes de qualité puissent se soutenir si la Médisance ne faisait la principale matière de la Conversation. La Piété, la Sagesse, la Vertu, la Discrétion, l`Économie sont pour ces personnes de sujets trop fades et stériles pour faire partie de leurs entretiens.  Leur conversation est autant de Répertoires pour la Médisance, pour satisfaire l`Envie, la Haine, la Jalousie et le Vengeance. Rien n`excite plus la Médisance, que la démangeaison de passer pour un Bel Esprit. La Satire donne carrière à l`esprit et lui donne non seulement matière à s`exercer, mais même de triompher, et les esprits vains réfléchissent rarement sur les faiblesses des autres, sans concevoir une bonne opinion d`eux-mêmes.

On peut donc dire que la licence de la Langue est directement opposée à la Modestie, et plut à Dieu, qu`elle n`eut pas d`autres suites et qu`on ne le vit pas si souvent violer tous les devoirs de la Justice et de la Charité.  Un autre défaut venant des conversations et de la Médisance, c`est de ne pouvoir garder un secret. Avoir assez d`empire sur soi-même pour pouvoir garder fidèlement un secret qui nous a été confié est une marque de fermeté et de la solidité de l`Esprit.

Une femme qui s`abandonne trop à l`alcool, se donne en proie à l`Impudicité, ayant congédié la Raison et la Religion, ses fidèles gardes, elle se trouve exposée à la merci du premier venu.

Après avoir envisagé la Modestie en opposition à l`Effronterie et à l`Indécence, considérons-la comme opposé à la Légèreté et à l`Impudicité.

L`Impudence nous est si peu naturelle, qu`il n`en faut pas d`autres preuves, que les difficultés et les combats que nous sentons dans les premiers actes de l`Immodestie ; nous nous y laissons entrainer avec honte et à regret, et il faut que nous renoncions pour ainsi dire, a nous-même, et que le Vice nous donne beaucoup de courage pour nous opposer, comme nous le faisons, aux assauts et aux reproches de la conscience.  Les Séducteurs n`épargnent ni les cajoleries, ni le temps, ni l`argent pour y préparer les femmes, ils utilisent les Vices et les occasions que leurs fournissent l`orgueil, l`avarice et les occasions joyeuses, la bonne chère, la danse, la musique. C`est pourquoi la femme doit rester sur ses gardes et de défier même des premières approches des Séducteurs.

Les manières trop libres, les regards amoureux, les discours obscènes, sont des choses qui envoient de mauvais messages et qui laissent penser au séducteur que le fort se rendra bientôt à ses volontés. Elles allument le désir dans les autres que nous le voulions ou non.  Une femme qui prête l`oreille a des louanges sur son esprit et sa beauté, le fait peut-être au début dans le seul but de flatter sa vanité, mais à la fin la Flatterie l`enchante et lui inspire insensiblement de la tendresse pour la personne qui l`a si fort louée. Elle commence par croire que sa passion ne va pas au-delà de l`Estime et la Vanité lui fait chérir ce que l`Amour lui fait récompenser dans la suite. Elle est toujours prête à interpréter en bien les actions et les paroles de cette personne. Ses manières indécentes sont pour elle la marque de la violence de sa passion. Peu à peu elle souffre en lui ce qu`elle trouverait insolent dans un autre et elle oublie que tous ses compliments sont mercenaires, que toute sa passion n`est que convoitise, qu`il est immodeste de l`écouter et mauvais de se plaire en sa compagnie et elle risque de se trouver surprise par un amour illicite qui risque d`avoir de graves conséquences.

Il est certain qu`une contenance modeste réprime la convoitise et imprime un certain respect. Une des plus grands obstacles à la pratique de la Modestie, est la crainte ou les femmes sont qu`elle n`affaiblissent l`éclat de leur beauté. Les hommes estiment d`autant plus les choses, qu`ils ont de la peine à les obtenir, au lieu qu`une condescendance qui répond facilement et promptement à leurs désirs, leurs fait concevoir du mépris pour une chose qui leur coute si peu. Les femmes qui se gouvernent par les lois exactes de la Prudence, leur éclat ressemble à celui du Soleil.  Sous l`artifice de la Galanterie, le Séducteur attaque le corps et l`âme, en corrompant l`un par l`Impureté, et l`autre par l`Infidélité, en pervertissant leurs mœurs et s`assurant de l`Impénitence.

Ce n`est pas seulement la Religion Chrétienne qui enseigne la Modestie, la morale préchrétienne des peuples païens l`enseignait aussi, Aristote disait : «Nous avons non seulement honte de l`acte d`Incontinence, mais encore des discours, des actions lascives; non seulement des personnes débauchées, mais même de leurs amis et de leurs connaissances.» Le Christianisme dont la doctrine est pleine de leçons de Pureté et d`Innocence, devrait nous rendre plus vertueux que les Païens, puisque ce qui était chez eux Indécent est parmi nous péché mortel.

Puisque la connaissance et l`amitié des femmes libertines et déréglées ne nous procurent que de la honte, il est très important pour la femme de faire un choix judicieux sur les personnes qu`elle fréquente. Cette règle regarde aussi les hommes bien sûr, mais les femmes doivent particulièrement observer cette règle car le Vice est contagieux.
Une des suites du Vice les plus ordinaire est l`Envie; de quelques ruses une femme de mauvaise vie ne se sert-elle pas pour perdre celles qui sont dans l`Innocence, et pour les précipiter dans le même gouffre ou elle s`est plongée? Si elle en trouve une qui évite ses pièges, elle met tout en œuvre pour ternir sa réputation. Ce qui fait voir qu`on ne peut converser avec de telles personnes sans se mettre à risque. Il est vrai qu`on ne peut pas toujours éviter de se trouver avec elles car elles aiment venir se mêler aux conversations et pour ne pas les rencontrer il faudrait comme le dit l`Apôtre : « Sortir du monde».  Toute Conversation volontaire suppose un choix; à quoi l`on peut remédier facilement, si l`on veut, en se tenant aux règles générales de la Civilité, sans entrer dans aucune familiarité, ni liaison trop étroite.

On peut considérer la Modestie comme une branche de la Sobriété, et qui relève extrêmement la Chasteté, la Modération et l`Humilité; il faut les regarder comme des grâces divines qui modèrent un Esprit trop actif et trop curieux, et qui guide les passions; elle est directement opposée à l`Effronterie, l`Indécence et la Curiosité mal placée.
Ceux-là se trompent beaucoup qui fouillent dans les secrets du Tout-Puissant, dont la curiosité va jusque dans les Conseils du Ciel, qui glosent sur les voies de la Providence, et qui, non contents des Lois que Dieu a faites pour tous les Hommes, en demande de nouvelles, et prétendant être même leurs propres Législateurs.

Il est difficile et désagréable de s`étudier et de se connaitre soi-même : qui peut avoir assez de Modestie pour s`informer de ses défauts? Qui est assez humble pour être content de sa condition. Il faut qu`un homme soit Impudent pour se mêler d`entrer de lui-même dans des affaires d`autrui a moins que  cela ne soit dans une bonne et honnête intention d`aider sans arrière-pensées.

Une autre espèce d`Immodestie peu charitable et très fatigante est celle qu`on commet en écoutant aux portes et aux fenêtres. C`est une usurpation sur votre Prochain, et mettre au jour ce qu`il voulait tenir caché, c`est une chose qui n`est pas moins dangereuse qu`indécente.

Si nous voulons avoir part aux félicités d`un autre monde de même que de celles de cette vie, nous ne devons pas nous contenter d`examiner ce qui peut nous attirer l`approbation des hommes, mais ce qui peut nous rendre agréable aux yeux de Dieu; cette considération devrait être le Principe de toutes nos actions.  Il n`y a pas un Homme qui ne commette une infinité de péchés, dans sa vie, chacun a ses peines et ses maux et lorsqu`il s`agit de remplir ses devoirs, on trouvera, après-tout, assez d`omissions et d`erreurs pour fournir à ses recherches.

C`est pourquoi, la curiosité que l`on a pour les affaires d`autrui ne peut être sans envie, ou sans mauvais desseins. Ordinairement les gens qui se mêlent de tout, ne s`informent guère des Perfection et des Vertus des Hommes, et du bel ordre qui règne dans une famille bien gouvernée, mais s`il y a quelque chose de honteux dans les mœurs, ou de défectueux dans la nature, quelque chose qui ne saurait voir le jour sans rougir, leur grande affaire est de l`y faire paraitre.

La contemplation des merveilleux Ouvrages de Dieu dans la nature nous portera à avoir une haute idée de son Être et une petite idée des hommes en général et de nous-même, et nous fera chercher avec bonheur les sources de la Vérité. Quelle impudence de notre part, qui sommes des êtres créés, de prendre la place du Créateur, et comme si nous nous étions formés nous-mêmes, de lui dérober la Gloire de notre Création ?  Ceux qui osent nier l`existence de Dieu ne méritent pas qu`on la leur démontre, ou qu`on raisonne avec eux d’une autre manière qu`avec des gens que l`on prendrait pour des stupides et sur qui la raison humaine n`a aucun pouvoir.

Faisons seulement ces réflexions. Il y a quelques années, nous n`étions point, et il n`était pas en notre pouvoir de ne jamais être, et maintenant que nous sommes, il n`est pas en notre pouvoir de ne pas être. Notre existence a donc eu un commencement, sa continuation dépend de quelque chose qui est hors de nous et qui subsistera après nous, qui est plus excellent et plus puissant que nous.

Considérons la Modestie en tant qu’elle est opposée à la Fierté, principalement par rapport à la Religion et la Sainteté; non pour entretenir notre curiosité, mais pour faire voir le crime qu`il y a dans la fierté et pour exciter les hommes à corriger les erreurs ou ils sont tombés par rapport à cette Vertu. Dans cette vue, nous devons toujours avoir au-dedans de nous une telle impression de respect et de crainte pour Dieu que nous tremblions à sa voix et que nous témoignons les frayeurs que nous avons de sa Grandeur, dans tous les accidents extraordinaires, tels que sont les Jugements qui tombent sur un Peuple, les grands coup de Tonnerre, les tempêtes et tremblements de terre, nous seulement dans la crainte d`être nous-même accablés, mais pour nous humilier devant le Tout-Puissant en réfléchissant à la distance formidable et infinie qu`il y a entre Son pouvoir, Sa puissance et notre faiblesse.

La vertu de Modestie nous enseigne à être respectueux et réservé envers nos supérieurs et à rendre à chacun,  selon ses titres et ses qualités les honneurs qui lui appartiennent. Nous ne sommes pas juges du mérite de ceux qui possèdent ces titres et des moyens par lesquels ils les ont acquis. Un tel jugement partial diminuerait notre respect pour tous les honneurs et titres et si nous nous laissons conduire par nos Passions, nous ne tiendrons jamais les bornes de la Modestie, en nous mettant au même niveau ou même au-dessus de ceux à qui nous devons respect.

Ne nous empressons pas de parler : que nos réponses soient pertinentes : en particulier n`interrompons pas les autres car il n`y a rien qui choque davantage dans les conversations. Faites-vous connaitre par ce qu`il y a de plus beau dans votre entretien et dans votre tempérament; dites toujours la vérité, et s`il vous est arrivé d`avancer quelque chose qui ne soit pas vrai, ne vous obstinez pas à le soutenir, mais confessez votre faute, demandez-en pardon et tâcher de la réparer.

Ne vous vantez pas de vos fautes et regardez votre crime comme un sujet de honte pour vous. Celui qui ne rougit pas de son crime mais ajoute l`Impudence a la faute n`a aucun moyen pour espérer parvenir à la Vertu. N`affirmez rien positivement et avec confiance dans les matières douteuses. Rapportez les choses avec modestie et modération : ne vous arrogez pas plus de connaissance des choses que vous en avez. Consentez à paraitre ignorant lorsque vous l`êtes effectivement ou attendez-vous au fort de ceux qui joignent la présomption a l`ignorance, c`est-à-dire qu`on vous méprise et qu`on vous évite.

Comme la Modestie est opposée à la fierté, aussi l`est-elle à l`Indécence, c`est-a quoi il faut prendre garde dans tous les Actes d`Adoration qu`il faut faire avec grand soin. Mettez-vous dans une posture décente lorsque vous dites vos Dévotions; ayez-y une grande attention, ne vous contentez pas d`observer les cérémonies extérieures, sans humilier votre Esprit aussi bien que votre Corps.

Quand un homme est animé d`une véritable Piété, il se montre naturellement humble, sachant bien qu`il est en présence de Dieu qu`il offense continuellement, et a qui aucune de ses offenses secrètes n`est cachée. Ceux qui courbent seulement leur Corps, tandis que leur âme s`élève orgueilleusement dans l`opinion de leur prétendue innocence, ou qui se repaissent des avantages temporels dont ils jouissent; ceux-là ne s`aperçoivent pas qu`ils ressemblent aux soldats a l`exercice qui ne remuent que selon ce que prescrit la discipline qu`un long usage leur a appris.

Toutes les fois qu`il s`agit de la préséance, les gens sages l`accordent à ceux qui veulent l`avoir. L`Humilité est le caractère des Serviteurs de Dieu et plus particulièrement de ceux qui sont employés plus immédiatement a son service; non pas par petitesse d`esprit, ni par servile complaisance pour la volonté des autres, mais par une sainte sujétion à celle de Dieu, et par la connaissance de notre propre incapacité. Une autre règle de la Modestie, par rapport à ce qui est décent, est d`agir d`une manière qui convienne au temps et aux occasions; par exemple, ne pas pleurer a des Noces et de ne pas rire a des Funérailles, mais il faut se réjouir avec ceux qui sont en joie et pleurer avec ceux qui sont en pleurs.

Les badineries, les rires immodérés, les bouffonnerie malséantes, les railleries et manières inciviles sont en même temps des fautes contre la Modestie chrétienne. Le respect que nous devons avoir pour nos Peres et Mères nous est prescrit par la Loi de Dieu et une conduite douce et complaisante avec nos Amis augmente le nombre de ceux-ci et nous gagne leur Amitié.
Observez toutes les choses qui contribuent à la bonne réputation et qui sont une partie de l`honnêteté publique car l`opinion des personnes sages sont la règle du bon et du mauvais dans les choses qui sont indifférentes est elles-mêmes.

Que chacun observe les règles de la Modestie envers soi-même, à l`égard du soin qu`il prendra de son corps, et cela selon son pouvoir.


7 -  La Douceur ( extraits)

Quoique la Douceur regarde en général plus les femmes que les Hommes, nous devons pourtant la considérer par rapport au deux sexes puisque la pratique de toutes les Vertus est également du devoir de tous les deux. La Nature elle-même nous enseigne, que la Douceur est une propriété des Femmes, qu`elle a formées d`une tissure plus douce à laquelle elle sans doute intention que le caractère de leur Esprit réponde.

Nous avons vu qu`un «Esprit doux et paisible» est le caractère que l`Écriture assigne aux Femmes chrétiennes; et il faut le reconnaitre à moins qu`on ne veuille entrer en dispute contre Dieu, et contester le Jugement qu`il en porte qui est, selon l`Apôtre, « que cette disposition est d`un grand prix devant Dieu». Quoique la Douceur soi elle-même une seule Vertu, elle est pourtant diversifiée en plusieurs manières, selon les diverses Facultés de l`Âme sur lesquelles elle a de l`influence; car il a une douceur d`Entendement, une Douceur de Volonté, une Douceur d`Affections et toutes ces diverses espèces concourent à former un « Esprit doux et paisible».

La Douceur dans l`Entendement consiste à se laisser convaincre, ce qui est directement opposé à cette forte attache à ses propres sentiments, laquelle on remarque dans plusieurs personnes qui jugent des choses, non selon la conformité qu`elles peuvent avoir avec la Vérité et la Raison, mais selon les préjugés que l`Éducation ou les Conversations leurs ont inspiré, sans parler des penchants que leur donnent leurs passions particulières et leurs intérêts.

Persécution qui tire son origine de l`Enfer, Satan étant le père de l`Orgueil, l`Éternel ennemi de la Douceur. Ces préjugés mettent ceux qui en sont possédés dans le même état ou sont ceux qui tirent à la Loterie; leur sort étant déterminé par le billet qui se présente le premier.  Si Mahomet était venu le premier, sa mission aurait été regardée par ces gens-là comme aussi certaine qu`ils croient présentement celle de Jésus-Christ. Nous pouvons aisément remarquer la force de ces préjugés dans la grande opposition que la Doctrine Chrétienne a rencontrée quand elle a été publiée. Le zèle aveugle des Juifs pour les Traditions de leurs Peres les a engagés à faire mourir le même Messie que ces Traditions leur faisaient attendre et ensuite à persécuter ses Disciples et ses fidèles.

L`Attachement à une Opinion ne peut exposer qu`a une seule Erreur; mais un Esprit ouvert à tout ce qu`on veut lui inspirer peut être en proie à un nombre infinie d`illusions. Une pareille facilité n`est pas Douceur mais servitude de l`Esprit. La Douceur de la Volonté consiste en la juste soumission a la Volonté de Dieu à l`égard des choses Divines, des Naturelles et Morales, selon la droite raison, dans l`Obéissance aux autorités supérieures. Mais l`expérience fait voir, que la Volonté est une faculté impérieuse, encline à rejeter la sujétion à laquelle elle a été destinée, et à agir indépendamment des motifs qui devraient la déterminer. Cette disposition, Dieu le sait, n`est que trop commune dans tous les temps. C`est la dignité de la nature humaine et ce qui la distingue des bêtes, dont celles qui sont les plus opiniâtres sont celles qui sont le plus méprisées. L`obstination de l`âne, l`a fait passer en proverbe, au lieu que le naturel traitable de quelques autres animaux qui se laisse dresser, à tenter certaines gens de leur attribuer de la raison.

On ne peut rien concevoir de plus violent qu`une Volonté qui ne se laisse point conduire : elle précipite dans la destruction et prive de la seule consolation qui reste aux misérables, c`est-à-dire de la pitié, qui est au moins excité par la misère, qu`elle n`est détournée par l`Opiniâtreté qui y a conduit.  Une Volonté soumises aux supérieurs légitimes n`est pas seulement aimable aux autres mais est aussi souverainement heureuse pour celui qui en est doué. C`est la Mère de la Paix et de l`Ordre Public en particulier. Une Bénédiction aussi considérable est achetée à bon marché puisqu’elle ne coute que de se départir de sa propre Volonté ou de son Humeur, au lieu que le tempérament contraire est la source d`une infinité de confusions : c`est le grand Incendiaire qui met en Combustion les Royaumes, les Églises et les Familles. C`est la contradiction, non seulement à la Parole de Dieu, mais aussi à ses Ouvrages, c`est s`arroger une espèce de Pouvoir opposé à celui de sa Création par ou les choses sont ramenées dans le Chaos d`où Dieu les a tirées.

Quoique la plupart de ces Réflexions soient adressées aux Dames, elles sont aussi destinées pour les Hommes, car il n`y a pas de Vices auxquels les deux Sexes ne soient sujets, ni de bons conseils que l`on puisse donner dont l`un et l`autre puisse profiter. Certainement l`embarras où se jette un esprit revêche est si grand qu`il n`y a qu`à lui comparer le calme et l`heureuse sérénité de la Douceur et de l`Obéissance, pour n`avoir besoin d`autre leçon, qui nous engage à aimer et pratiquer ces deux vertus.

La Douceur dans les Affections consiste à réduire les Passions dans la Modération et le Calme, sans souffrir qu`elles se soulèvent au-dedans pour nous troubler nous-mêmes, ni au-dehors pour troubler les autres. Le plus grand usage de cette Douceur est lorsqu`on l`oppose à la Colère.

Cette Passion a deux tranchants, qui pendant qu`elle exhale sa furie au-dehors, blesse encore plus dangereusement en-dedans celui qui en est possédé. Le Trouble et la Peine que souffre un homme en Colère lui sont plus sensible que le mal qu`il peut ordinairement causer a un autre; ce qui justifie ce que l`on dit de la Colère, que c`est une courte Folie. C`est en vérité une si grande maladie de d`Esprit, que celui qui en est atteint est incapable de rien faire de raisonnable et qu`on devrait l`empêcher d`agir. C`était le sentiment du philosophe grec Platon qui arrêta de châtier son valet lorsqu`il se rendit compte qu`il se mettait lui-même en colère et ne se jugeant pas apte à châtier avant d`avoir dominé sa propre colère.

Il suffit d`écouter le plus sage de tous les hommes qui s`étaient appliquer à connaitre l`Extravagance et la Folie; La Colère, nous dit-il, habite dans le sein des Insensés.
Apprenez à retenir cette Humeur acre qui est si accoutumée à couler sur la langue : au lieu de injures aux autres, corrigez-vous et prenez-vous-en seulement a vous-même, si pour satisfaire une Passion qui cause de la peine vous dégénérez de l`état ou la nature, votre Éducation ou votre Condition vous avaient destinée.

La Colère est corrosive et si elle s`exerce et si elle ne s`exerce que sur soi elle se rongera elle-même et ne durera pas longtemps, si on ne lui permet pas d`aller chercher de quoi la nourrir au-dehors et de l`entretenir de mauvaises pensées et de soupçons contre les autres, ni de prendre le contrôle de notre langue.  La Douceur est une qualité si aimable, si propre à gagner les cœurs, et en particulier à embellir les femmes que si elles voulaient y donner la moitié de l`attention qu`elles mettent à se mettre des ornements elles le regarderaient comme une mode constante.

Après avoir vu la Beauté et le Bonheur de la Douceur, considérons maintenant la laideur et la misère du Vice qui y est opposé,  c`est-à-dire la Colère et le remède qu`on peut y apporter.
La Colère est l`ennemi jurée du bon Conseil ( d`une bonne prise de décision). C`est une véritable Tempête pendant laquelle rien de ce qu`on peut dire ou faire comprendre à ceux qui en sont possédé ne peut être entendu. Si vous donnez un avis modéré, vous êtes méprisés, si vous insistez avec force pour que votre avis soit reçu, vous augmentez l`irritation contre vous.
Nous devons donc faire une grande provision de la Raison, pour pouvoir, comme dans une ville assiégée, nous défendre nous-même par nos propres forces. La Colère ne peut être étouffée que par quelque chose d`intérieur comme elle.

De toutes les Passions, c`est elle qui s`efforce le plus à rendre la raison inutile; elle a une influence générale et se répand sur une infinité d`objet. La Colère est émue de toutes choses par toute sorte de personnes et d`incidents et si elle n`est pas réprimée, elle tient la vie dans une agitation continuelle. Si elle est causée par un sujet considérable elle se tourne en fureur; et si c`est par un petit, elle se tourne en humeur chagrine; de sorte que elle est toujours terrible ou ridicule. Elle défigure le Corps et le fait mépriser, elle rend la Voix horrible, les yeux hagards, le visage pale ou enflammé, le discours élevé et retentissant. Elle est incommode non seulement à celui qu`elle possède, mais aussi à ceux qui en sont les témoins et il n`y a rien de plus incivil que de faire éclater la Furie et l`extravagance de cette Passion en compagnie et dans le public.  

La Colère fait du mariage un État de trouble nécessaire; elle détruit les Amitiés, les Familiarités et les Sociétés, elle change souvent la Joie en Tristesse, l`Amitié en Haine, un Homme sage en Fou qui se perd lui-même pendant qu`il est en proie à la Colère. Elle pervertit le désir d`acquérir la connaissance, favorise la contestation, change la Justice en Cruauté, les Sentences en Oppression et le Pouvoir en Insolence. Elle est cause que au lieu d`aimer à être instruit, on a du dégout et de l`aversion pour une bonne Éducation. Elle fait qu`on porte envie a ceux qui sont dans la prospérité et qu`on que du mépris pour les malheureux.

Dans le dessein de chasser cette redoutable Passion, et de nous délivrer de sa tyrannie, examinons soigneusement si en désirant d`étouffer la Colère, nous sommes fâchez contre nous-même d`y être sujets et prenons garde d`en user avec les autres, car on ne fait qu`émouvoir la personne et augmenter la Passion. Nous devons nous attacher à contrôler ce défaut d`une manière tranquille et non pas avec Colère. Prenez garde à votre tempérament pendant un jour, cela ne vous donnera pas une trop grande peine : Ajoutez un jour à votre vigilance, la chose vous sera encore plus aisée; et ainsi en vous accoutumant peu à peu à veillez sur votre tempérament, vous vous ferez une habitude de votre devoir.

La Colère est criminelle lorsque elle va contre la Charité que nous devons avoir pour nous-même, ou pour nos Prochains; mais la Colère contre le Vice est un saint zèle et un effet de l`Amour que nous avons pour Dieu et pour le Prochain dont les intérêts me sont très cher comme d`une personne qui me touche de près. Si j`ai soin d`éviter que ma Colère ne cause aucun dommage a celui qui m`a offensé, soit en lui témoignant du mépris, soit en le traitant durement et qu`elle ne soit pas en moi un effet de l`Orgueil, de la Violence ou de l`Emportement, alors la Colère devient Charité. Lorsque quelqu`un louait le roi de Sparte Charilaus  comme un prince modéré, bon et doux, son collègue eut raison de dire : comment peut être bon celui qui n`est pas ennemi des vicieux?


Dans le temps que la Colère commence à s`allumer en vous, mettez un sceau sur vos lèvres et ne permettez pas qu`elle éclate au-dehors, car cette passion est comme le feu qui s`éteint de  lui-même lorsqu`il n`y a pas de vent pour l`entretenir.  Les paroles aigres que la Colère suggère entretiennent le feu tout comme le vent et sont comme l`acier et la pierre a fusil provoquant des étincelles qui font sortir le feu. Il y a des gens qui ne cessent de parler lorsqu`ils sont en colère, jusqu`à ce qu`ils aient échauffé celui à qui ils parlent et alors les uns et les autres se jettent feu et flammes avec la même violence et rage.

De tous les remèdes naturels, il n`y en a pas de meilleurs contre la Colère que l`Humilité. Celui qui considère à tous les jours ses faiblesses et ses manquements, qui regarde les Défauts de son Prochain et de son Domestique comme étant les mêmes auxquels il est sujet, et qui pense qu`il a tous les jours besoin du Pardon de Dieu, et de la Charité de ses frères, sera moins sujet à se laisser emporter à la Colère, pour quelques fautes légères, ou quelques Indiscrétion des autres; surtout s`il considère que souvent, il en commet de plus grandes et de plus inexcusables.

Quoique notre Sauveur souffrit toutes les contradictions des Pécheurs, et reçu tous les affronts et les reproches des gens malicieux, téméraires et fous, il fut toujours exempt de passion, et demeura aussi modéré que le soleil du matin en automne. En cela il se proposa comme un exemple que nous devons suivre, car si l`Innocence même a souffert de si grandes Injures et Disgrâces, n`est-ce pas une grande raison pour nous obliger à recevoir paisiblement toutes les calamités de la fortune, de souffrir de même l`indiscrétion de ceux qui nous servent, les bévues de nos amis, les mauvais traitements de nos parents et l’insolence de nos Ennemis puisque nous avons mérité quelque chose de bien pire et l`enfer même?

Éloignez de vous ce qui peut vous porter à la Colère. Les jeux de hasard ou de jouer beaucoup d`argent au jeu. N`attachez pas votre cœur a des raretés fragiles. Évitez la compagnie des grands diseurs. Le choix de nos amis ne contribuera pas peu à parvenir au but que nous nous proposons; de vivre tranquillement avec des gens doux et tranquilles. Ne vous informez pas des affaires d`autrui. Dans les querelles soyez toujours sur la défensive, répondez doucement et que votre douceur impose silence à la fureur et a l`indiscrétion des autres.


8 -  La Charité ( extraits)


La charité est une vertu si aimable aux yeux de Dieu, et du monde même, que l`Évangile en a fait le devoir essentiel du Chrétien et le caractère particulier du Christianisme. C`est le « nouveau commandement » que Notre Sauveur nous a donné : «Aimez-vous les uns les autres : car c`est en cela que tous connaitrons que vous êtes de mes Disciples, si vous avez de l`amour l`un pour l`autre.» Ce que Dieu dit de la Charité dans sa Loi, la relève infiniment plus au-dessus de toutes les vertus que ne pourraient faire les Discours les plus beaux et les plus étudiés de la sagesse humaine. La Charité doit être considérée comme ayant des relations intimes avec les Affections et avec les Actions.

Par rapport aux Affections, c`est une intégrité de Cœur, et surtout une bénignité qui nous fait souhaiter à notre prochain tous les droits qu`il a droit de se souhaiter lui-même; et cela de la même manière que la Justice nous défend de faire du mal à qui que ce soit; soit à Corps, soit à son Âme, dans les Biens ou sa Réputation : c`est à tous ces égards que la Charité veut que nous souhaitions du bien à nos prochains.  Nous ne saurions sentir dans nos cœurs la moindre étincelle de ce feu divin que nous ne souhaitions surtout à nos prochains tous les Biens spirituels qui peuvent rendre heureuse une âme dont le prix est si grand qu`elle n`a pu être rachetée que par le sang d`un Dieu. Si nous ne nous aimons pas les uns les autres, nous sommes bien éloigné d`être les disciples de celui qui veut que nous brûlions du même amour dont son cœur a été enflammé. Sans doute qu`il n `y a personne au monde assez cruel pour ne pas souhaiter à l`Âme de son prochain la Félicité éternelle.

Cette tendresse que nous avons généralement pour nous-même et envers notre propre Corps, et qui parait si fort dans les soins que nous prenons d`écarter tout ce qui a la moindre apparence de mal, et de nous procurer les biens, la santé et tous les aises de cette vie : C`est cette même tendresse que la Charité Évangélique veut que nous ayons pour les autres. C`est cette même tendresse qui doit nous rendre attentif à éloigner d`eux tout ce que nous soupçonnons pouvoir leur faire du chagrin. Attentif à leur fournir autant qu`il est en notre pouvoir la santé du Corps, l`Avancement de leurs affaires, Attentif à rendre leur réputation florissante; enfin c`est cette même tendresse sans laquelle nous ne pouvons dire que nous aimons notre Prochain comme nous-même.

J`admire le Tempérament de cet homme doux, paisible et débonnaire envers tout le monde; qui bien loin de donner lieu aux disputes, en fuit les occasions avec soin; j`admire et je cherche d`où vient qu`il possède son âme par sa patience malgré les attaques insolentes et réitérées de ces Esprits chagrins et turbulents; je cherche d`où vient qu`on le provoque en vain, et j`en découvre la cause, son cœur brule d`un st-amour, il est remplit de charité. Et c`est le propre de la Charité de ne pouvoir pas être facilement provoquée.

Il y a plus : Cet homme compatit extrêmement aux malheur des autres. Avec eux il est dans la misère, dans le Deuil, dans l`abattement. Il partage toutes leurs disgrâces, il sent tous leurs revers de fortune; mais aussi avec eux il est dans la joie, il prend part à leur prospérité, il se réjouit de leur élévation. N`est-ce pas encore ici un effet de la Charité, qui nous dit : «Soyez en joie avec ceux qui sont dans la joie, et pleurez avec ceux qui pleurent.» ( Romains 12,15)

Autre effet de la Charité, elle nous fait prier les uns pour les autres, mais prier d`une manière ardente, et enflammée. Nous sommes naturellement des créatures faibles, incapable de donner aux autres les biens que nous leur souhaitons avec le plus d`ardeur. C`est pourquoi, si nos désirs sont sincères, si non désirons en effet la prospérité de notre Prochain, nous devons souvent avec ferveur, avec zèle, élever nos cœurs en haut vers :« Celui de qui descend toutes grâces excellentes et tout don parfait» ( Jacques 1,17).  Que la sincérité d`un homme m`est suspecte quand je vois qu`il ne demande pour moi ni la vie, ni la Vertu par des Prières ardentes qui ne manqueraient pas d`être exaucées.

St-Paul nous exhorte d`adresser à Dieu des prières et des Actions de grâces pour «tous les hommes». Voilà quels sont les véritables fruits de la Charité. Et quiconque ne se sent pas en état d`en produire de tels n`a aucun droit de se croire charitable.  Un des plus grands avantages que la Charité nous apporte, c`est de préserver notre âme de plusieurs Vices très dangereux , comme par exemple de l`Envie. « La Charité n`est point envieuse» dit l`Apôtre et en effet, le sens commun nous montre même cette vérité. Car qu`est-ce que l`Envie? Un chagrin que nous donne la prospérité de quelqu`un. Y a t`il rien de plus contraire aux Effets de l`Amour?

La Charité étouffe dans nos cœurs toutes les semences de l`Orgueil : « Elle n`use point d`insolence; elle ne s`enfle point», dit St-Paul; et partout où cette Vertu nous est commandée, l`Humilité nous y est commandée aussi en terme exprès et formels : « C`est pourquoi, dit St-Paul, comme étant élus de Dieu, saints et bien aimés, soyez revêtus des entrailles de Miséricorde, de Bénignité, d`Humilité et de Douceur» et ailleurs « Que chacun ait pour son Prochain une affection, une tendresse véritablement fraternelle; prévenez-vous les uns les autres par des témoignages d`honneur et de déférence.»

La Charité produit naturellement l`Humilité, de même que l`Amour produit, ou pour mieux dire, donne toujours le prix à la chose aimée; et c`est qui se voit fort bien dans l`Amour propre, qui nous donne de si grandes idées de notre mérite que nous croyons en avoir plus que qui que ce soit. Ainsi puisque l`Amour de nous-même produit l`Orgueil, travaillons à l`arracher de notre cœur, mettons y a sa place l`Amour du Prochain, qui produira infailliblement l`Humilité, et nous serons en État de juger des Dons et des Vertus qu`il possède, et que notre Orgueil, ou notre haine nous faisait mépriser ou du moins négliger.

Nous ferons «plus de cas des autres que de nous-même» selon l`exhortation de l`Apôtre, mais si nous ne pouvons nous défaire de cette humeur dédaigneuse et hautaine, concluons que nous n`avons pas la Charité. Autre avantage que procure la Charité, elle nous délivre de cet Esprit de critique qui nous fait toujours prendre le mauvais côté des Actions du Prochain «car la Charité ne pense point a mal», au contraire, elle croit tout, elle espère tout, c`est-à-dire qu`elle est entièrement disposée à croire que tout est bien et à espérer que tout tournera en bien. Mais notre propre expérience ne nous permet pas de douter un moment de cette vérité. Car enfin, lorsque nous aimons, nous voit-on chercher des défauts a l`objet de notre passion, ou grossir ceux que nous ne pouvons-nous empêcher de voir? Que dis-je, sommes-nous en état d`en voir aucun? Témoin l`aveuglement prodigieux ou nous sommes pour nous-mêmes. Ne cherchons donc point ailleurs que dans le défaut de Charité la cause de ces Censures impitoyables, de ces jugements téméraires qui sont si fort en usage dans le Monde. C`est de là, c`est de gens de ce caractère indigne que nous viennent ces Libelles exécrables que l`on voit publier de nos jours. L`ardeur de flétrir et de diffamer a été si furieuse que rien ne peut l`arrêter. Ces Écrivains infâmes diront-ils qu`ils savent ce qu`est la Charité? Ils pèchent donc contre leur propre conscience, un crime énorme.

La Charité ne connait point cette Douceur envers le Prochain affectée et feinte. La faux Amour ne se trouve jamais dans un cœur avec celui que l`Écriture appelle « Amour sans dissimulation » et dont elle veut que nous soyons possédés. Un cœur qui en est enflammé n`a que faire de feindre. Il est en effet ce que les autres s’efforcent de paraitre ; aussi relevé au-dessus d`eux que la Nature l`est sur l`Artifice, et la Sainteté de Dieu sur la Corruption des hommes. Mais de tous ces visages masqués je n`en trouve pas de plus indigne, ni de plus coupable que cet homme qui après vous avoir accablé d`amitié en présence de tout le monde, n`attend que le moment où vous quitté la compagnie pour se moquer de vous ou pour vous jouer quelque mauvais tour.

La Charité, toujours noble, toujours généreuse rejette ces principes d`intérêts, qui sont si fort en vogue dans le monde; elle méprise les projets de gains : L`Amour, «le véritable Amour ne cherche point son propre avantage». Méditez profondément ce texte âmes de boues qui n`avez de passions que pour les Biens de cette vie, et d`attention que pour ce qui peut vous les procurer.

«La Charité supporte tout.» Elle est incompatible avec toute haine et tout désir de vengeance, et elle ne manque point d`en purger le cœur qu`elle anime. Que cette vertu doit être excellente puisqu’ elle approche si fort l`homme de la Divinité! En effet, elle le délivre du penchant naturel qu`il a a la vengeance et le rend parfait imitateur de Dieu, «qui pardonne ceux qui pardonnent». Cependant remarquons ici que le Cœur humain est capable de pratiquer cette Vertu d`une manière éclatante envers certaines personnes, et de garder en même temps une haine mortelle pour d`autres. Mais la Charité chrétienne, cette vertu divine que Notre Sauveur nous a si fort recommandée et dont il a été lui-même un si grand exemple, la Charité enfin n`a point de bornes, elle embrasse généralement tous les hommes, et ne distingue ses ennemis qu`en les aimant pour ainsi dire, davantage.

L`Amour que nous avons pour nos Amis et pour nos Bienfaiteurs est si peu de cette Charité chrétienne qu`il ne nous distingue même pas «des Publicains et des Gens de mauvaise vie», c`est-à-dire des plus indignes de tous les hommes. De la vient qu`il n’est même pas compté parmi les qualités d`un vrai disciple de Jésus-Christ. Ce disciple a bien d`autres efforts à faire. Il doit secouer le joug de la Chair, se soustraire à la Corruption de la Nature, qui crie sans cesse Mal pour Mal, au lieu que le christianisme veut que nous rendions le bien pour le mal.

« Je vous dis, aimez vos ennemis; bénissez ceux qui vous maudissent; priez pour ceux qui vous persécutent et qui vous calomnient». C`est le Commandement du Fils de Dieu, il n`y a point de Précepte si souvent répété dans le Nouveau Testament que celui de la Charité. « Soyez bons les uns envers les autres, pleins de compassion et de tendresse, vous pardonnant les uns aux autres». Ailleurs : « Vous supportant les uns les autres, vous pardonnant les uns les autres et si l`un a querelle contre l`autre, comme Christ vous a pardonné, vous aussi faites en de même.» Et encore, « ne rendant pas le mal pour le mal, ni injure pour injure, mais au contraire bénissant.»

Chose étrange, que des gens qui prennent le nom de Chrétiens, qui ont l`Évangile devant leurs yeux, qui le lisent ou l`entendent lire, observent si peu un Précepte si souvent répété, dirai-je même qu`ils font profession ouverte de le contredire et de l`anéantir ?  « Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et il envoi sa pluie sur les justes et les injustes» ( Matthieu 5,45). Considération puissante pour nous porter à la Charité! Dieu est la source de toutes les perfections, que peut-on faire de mieux que de l`imiter?

Dieu fait éclater sa Charité et sa Miséricorde envers ses Ennemis, par les Biens temporels et surtout par les Grâces spirituelles qu`il répand sur eux. Nous étions tous ses Ennemis en nos mauvaises Œuvres ( chute de l`homme et péché originel), et les suites funestes de cette Inimitié, ne pouvait que nous accabler. D`Ailleurs, il n`y avait rien qui put faire souhaiter à Dieu notre réconciliation avec Lui; rien sauf sa Charité infinie. Cependant, bien loin de nous payer d`un juste retour, haine pour haine, bien loin de venger sa majesté outragée, et nous perdre pour toujours, il entre dans son Conseil Éternel; il forme le dessein de nous mettre en paix avec Lui, il en cherche, il en trouve les moyens.

Et quel moyens? O Profondeur des richesses, Charité, Miséricorde infinies! Le Fils quitte le sein de la Gloire; il vient sur la terre opérer notre Salut, non seulement par ses Prédications mais par ses souffrances. Cet agneau de Dieu donne sa propre vie pour nous, ses Ennemis; et si Dieu nous a aimé de cette sorte, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. Je trouve une différence totale des fautes que le Prochain commet contre nous, aux crimes que nous commettons contre Dieu. Considérez je vous prie, la Majesté et la Puissance de l`Être que vous offensez; considérez sa Bonté immense pour vous, et jugez si un homme, quelque inférieur qu`il puisse vous être en dignité et en puissance, peut étant d`ailleurs de même nature que vous, vous offenser au point que vous offensez Dieu bénit éternellement.

Hommes et femmes, reconnaissez donc ce Dieu Tout-Puissant et rendez-lui la Gloire qui lui est si légitimement due. Nous n`avons rien que nous n`ayons reçu de Dieu; il est donc impossible qu`un homme en offense un autre dans le même degré que nous offensons Dieu chaque jour. Il est notre Créateur, notre Conservateur; il nous comble de biens; il fait plus, il nous pardonne lorsque nous avons un véritable regret de l`avoir offensé; ne pardonnerai-je pas aussi mon Prochain? Dira t`on que la perte d`un emploi, de sa réputation ou autre chose peut excuser un homicide, ni éluder la sentence terrible du Dieu des vengeances. Ce crime est regardé comme si peu de chose par ces malheureux qui répandent à si bon marché le sang d`un homme, qu`ils regardent même la Patience et la Charité comme la partage des fous et des sots, blasphème horrible a tous égard puisque Dieu lui-même se qualifie du titre de Patient et de Charitable.

Quiconque a la charité en partage, a éprouvé les douceurs de la Grâce divine et sent a tout moment de saintes impatiences de les gouter encore; il en cherche avec ardeur les occasions; mais celui qui n`a point exercé la Charité ne saurait connaitre par lui-même comment elle est aimable. Pour se former quelques idées de ces charmes, il n`a qu`a comparer cette Vertu avec les Vices qui lui sont opposés. Tels sont la haine et le désir de vengeance, passions qui seules font souffrir a un homme qu`elles possèdent plus de maux que toutes les autres ensembles.

Entrez dans le cœur de ce Vindicatif, voyez ce ver qui le ronge continuellement et qui lui fait trouver de l`amertume dans les plaisirs les plus doux. Plus de tranquillité, plus de repos pour lui jusqu`à ce qu`il ait fait le mal qu`il médite, jusqu`à ce que quelques-uns de ses ennemis soient complètement détruits. L`homme de colère et vindicatif est semblable à l`onde que le moindre souffle agite et soulève et l`emporte en un moment bien loin de la place qu`elle occupait. Ajoutez que ces troubles intérieurs ne manquent guère de nous attirer bien des disgrâces ; les Inimitiés s`aigrissent, on cherche à faire de plus grands maux que l`on a reçu, souvent même en poursuivant une vengeance, on se précipite volontairement dans le dernier malheur; n`y ayant rien de plus ordinaire que de voir des gens exposer dans ces occasions leurs biens, leur repos, leur réputation, leur vie et leur âme même.

Celui qui prétend juger la justice de sa cause non par la force de la Vérité, mais par la force des armes, s`il vient à perdre la vie dans ce combat horrible, sans avoir eu recours à la Grace de Dieu par la Pénitence ( et comment se repentir à l`heure de la mort?) cet homme-là n`a t`il pas immolé son âme à sa haine et a sa vengeance? La seule pensée que par cette passion diabolique, on va jeter son âme ou celle de son Prochain dans l`Abime affreux ou il n`y a plus de rédemption, devrait faire frémir une créature raisonnable et lui donner de l`horreur pour la vengeance.

«La Réponse douce apaise la fureur» dit un homme sage et un roi. La Douceur n`apaise t`elle pas souvent un Ennemi dans ses plus grands emportements ? Et si un homme est assez dur pour ne pas se laisser fléchir, le débonnaire n`y perd pourtant rien. Il a l`occasion d`exercer sa Charité et sa Miséricorde, les deux plus grandes vertus du Christianisme, il obéit à Dieu, il imite son Sauveur, l`Esprit divin éclaire de plus en plus sa Foi, soutien son Espérance et lui fait sentir les Douceurs d`une grande paix intérieure.

C`est un des articles de la Prière que Notre Seigneur nous a enseignée « que nous pardonnons les autres comme nous voulons que Dieu nous pardonne.» Condition terrible! Et qui me fait trembler pour la plupart des mortels. La haine que tu gardes contre ton Frère te fait plus de mal, te fait bien plus de tort qu`a lui. Car quel mal peux-tu lui faire, égal à celui que tu t`attires en Perdant la Rémission de tes péchés? L`Enfer et la Damnation est la portion assurée du pécheur impénitent, sans parler des autres effets de la Colère de Dieu en cette vie même.
Un dicton dit que «la vengeance est douce», ce sont des paroles maudites que le démon seul a pu mettre en la bouche des hommes. Quelle douceur peut-on trouver dans une chose dont les suites sont une amertume éternelle? Nous nous abandonnons à la fougue d`une humeur violente, sans considérer combien chèrement nous devrons payer cet excès. Telle une Abeille imprudente dans sa colère pique et perd en même temps son aiguillon et sa vie.

La sentence est irrévocable : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes leur offenses, votre Père ne vous pardonnera pas les vôtres.» ( Matthieu 6,14) Quelle terrible malédiction ne prononce point le Vindicatif contre lui-même, toutes les fois que récitant le Notre-Père, il dit à Dieu « Pardonne nous comme nous pardonnons.» En effet cet homme ne demande point la rémission de ses péchés et il doit être assuré que cet endroit de sa prière sera exaucé. Cet homme sera pardonné de la même manière qu`il pardonne, c`est-à-dire point du tout.

Jésus-Christ dans une Parabole nous assure qu`un Serviteur ayant obtenu de son Maitre, la rémission d`une dette de dix milles Talens fut assez cruel pour prendre à la gorge son compagnon et de l`étouffer presque en lui disant rend-moi ce que tu me dois, ce qui était cent deniers.  Ce que le Maitre ayant appris il rappela le premier et lui dit :« Méchant Serviteur, je t`avais remis tout ce que tu me devais, ne fallait-il pas aussi avoir pitié de ton compagnon ? Et étant ému de colère, il livra l`homme entre les mains des Sergents jusqu`à ce qu`il ait tout payé ce qu`il devait.» C`est ainsi que mon Père qui est dans le Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son Frère qui l`a offensé. Un tel défaut de Charité nous fait perdre la Grace que Dieu nous avait accordée et alors tous crimes retombent sur nos têtes et nous précipitent dans l`abime éternel.

Serons-nous donc a jamais insensibles à ce que celui qui est «mort pour nous tous», demande de nous? Et n`est il pas juste que nous ne vivions plus désormais pour nous-mêmes, mais pour celui qui est mort pour nous? Ce doux Jésus montra pendant les jours de sa chair qu`il faisait un si grand cas de la Paix et de l`Union qu`il crut ne rien pouvoir laisser à ses disciples de plus précieux : c`est pourquoi il leur donne dans son Testament sa Paix, comme par manière de Legs «Je vous laisse ma Paix». Nous sommes d`ordinaire fort exact à faire ce dont un Ami nous a prié avant sa mort.

La nécessité d`insister sur le Devoir de Charité ne peut manquer de faire sentir à tout homme qui voit que dans nos malheureux jours, la Modération, même dans les choses indifférentes, bien loin de passer pour Vertu, est déclarée hautement un crime dans des lieux, ou on ne devrait entendre que la céleste de la Vérité. La Charité n`est-elle pas inséparable de la Modération, comme le vrai zèle l`est de la Sainteté? Et pouvons-nous être saints sans garder les Commandements qui nous ordonnent la Paix, l`Union, l`Humilité, la Patience, et tout ce qui est contraire à l`esprit de Cruauté et de Persécution? C`est une erreur de croire que la Modération est incompatible avec un juste zèle pour notre Religion.

Les Réflexions que nous avons faites jusqu`ici sur le devoir de la Charité sont fort propres à prévenir tous les mouvements de haine et de vengeance, et cependant nous les proposons plutôt comme un bouclier pour défendre que comme un Baume pour nous guérir. Si cette Passion, je dis la haine, le désir de vengeance règne encore chez vous, ne manquer pas à la première occasion de le réprimer. Gardez-vous de rouler continuellement dans votre imagination l`injure qui vous a été faite. Pensez que vous allez décider entre Dieu et le diable, pensez-y avant que votre colère s`enflamme, de peur qu’il ne s`élève au milieu de ce brasier des vapeurs si noires et si épaisses que votre raison en soit offusquée et mise hors d`état de discerner, quelque aisé qu`il soit naturellement de le faire, s`il vaut mieux obéir à Dieu et vous procurer la vie éternelle, ou obéir au diable et souffrir éternellement.

Mais de la Charité spéculative passons à la Charité pratique sans laquelle l`autre n`est rien, on pourrait même dire qu`elle ne subsiste point. Faire tout ce qui dépend de nous pour soulager le Prochain dans sa Misère; tacher par tous les moyens que la Religion nous permet, de le consoler dans ses afflictions; lui donner de véritables sujets de se réjouir; fortifier son Esprit, et son cœur abattu, en un mot « consoler ceux qui sont dans la Tristesse». Voilà ce que j`appelle pratiquer la Charité, mais il faut de plus un zèle ardent pour le salut de nos Frères; il ne faut pas se contenter de faire ces vœux indolents et stériles, vœux indignes des vrais Imitateurs du Rédempteur du Monde, qui a tant travaillé et tant souffert pour nos âmes : Il faut redoubler nos efforts pour rendre notre Prochain ce que nous voudrions qu`il fut.

Ici vous trouverez un ignorant qu`il faut instruire, la un homme qui est dans l`égarement et qu`il faut ramener et partout des gens qui ont besoins de conseils et d`admonitions. Chaque défaut Spirituel de votre Prochain vous fournit une occasion d`exercer votre Charité. Mais si vous vous trouvez dans de telles circonstances, qu`après des réflexions sérieuses, vous ayez lieu de penser que soit par rapport au peu de connaissance que vous avez avec une personne, ou par la différence de vos conditions, ou par tel autre obstacle, vos exhortations seraient inutiles; néanmoins pour peu que votre Charité soit agissante et industrieuse, vous trouverez probablement le moyen d`arriver au but que vous vous êtes proposé.

Il n`y a pas d`application d`esprit plus noble que celle qui a pour objet le bien des Ames : c`est pourquoi lorsque les moyens ordinaires ne suffisent pas, il faut tacher d`en découvrir d`autres et les mettre en usage. Mais si après tous nos efforts, l`opiniâtreté d`un homme le prive, et nous aussi, des fruits de notre Travail, si nos Prières, nos Instances d`avoir pitié de son Âme, ne le touchent pas, il nous reste encore un bon exemple à lui donner, un exemple que nous ne devons jamais cesser de lui mettre devant les yeux. « Que votre âme s`afflige en secret pour eux, que vos yeux fondent continuellement en larmes parce qu’ils ne gardent pas la Loi de Dieu.»

Le Christ lui-même a pleuré sur eux «parce qu’ils ne connaissent point les choses qui appartiennent à leur paix.» Quoique nos importunités ne puissent rien sur leur cœur, ne cessons point d`importuner Dieu pour eux.  Samuel ne pouvant point détourner le peuple de la résolution criminelle qu`il avait prise, proteste qu`il n`en continuera pas moins de prier pour eux, de peur de se rendre lui-même coupable devant l`Éternel. « Dieu me garde de pécher contre l`Éternel et que je cesse de prier pour vous».  Nous ne devons pas seulement être touché des Maux que souffrent nos Frères, nous devons travailler à les en délivrer et à les mettre dans un meilleur état.  « Si un de vos Frères, ou une de vos Sœurs n`ont pas de quoi se vêtir et qu`ils manquent de ce qu`il leur est nécessaire chaque jour pour vivre; et que quelqu`un d`entre vous leur dise : Allez en paix, je vous souhaite de quoi vous garantir du froid, et de quoi manger sans leur donner néanmoins ce qui est nécessaire à leurs corps; à quoi leur serviront vos paroles?»

A rien sans doute pour leur Corps, mais aussi a rien pour vos âmes. C`est si fort un Devoir, mais un devoir d`une telle importance, de secourir nos Frères dans leur nécessité, que l`Évangile nous apprend que c`est une des articles dont nous aurons à rendre compte au dernier jour et que ceux qui auront négligé d`y satisfaire entendront ces terribles paroles « Retirez-vous de moi Maudits, allez au feu éternel; car vous n`avez point donner à manger à celui qui avait soif, vous n`avez point logé celui qui était sans logement, vous n`avez point revêtu celui qui était sans habits, vous n`avez point visité celui qui était malade, ni celui qui était en prison.»  Voilà quels sont les exercices ordinaires de la Charité et dont les occasions ne manquent jamais. La Providence nous offre souvent l`occasion de rendre à nos Prochains d`autres bons offices.

Tantôt c`est un homme blessé dont nous devons être le Samaritain; tantôt c`est un innocent accusé, une Suzanne condamné à mort dont nous devons être le Daniel. N`allons pas nous faire illusion et compter sur des vaines excuses, Dieu connait les plus secrètes de nos pensées et nous jugera lorsque et nous aurons volontairement négligé la pratique de cette Vertu.
On voit hélas trop souvent un homme qui par ses débauches est en danger d`abréger sa santé et ses jours; alors il est de notre Charité non seulement par rapport à son Âme mais a son Corps de mettre tout en usage pour le retirer du cloaque dans lequel il est engagé. D`ailleurs il est si naturel aux hommes de s`entrefaire du bien que celui qui refuse son secours a un autres n`est pas seulement vu comme un mauvais Chrétien, mais comme un barbare.

Le même Précepte qui nous oblige à prendre soin du Corps de notre Frère, veut aussi que nous prenions soin de ses Biens, et de son Héritage. Nous devons donc toujours être prêt à les lui conserver et à les lui augmenter par toutes sortes de moyens licites. Et c`est ici encore ou les occasions d`exercer notre Charité se présentent en foule. Une Veuve, un Orphelin, ont besoin de notre Pouvoir et de nos bons offices, pour retirer leurs biens des mains d`un voleur ou d`un oppresseur.

Celui-ci a besoin de conseil dans une entreprise qu`il médite pour le bien de ses affaires ; cet autre a pris de fausses mesures et s`il n`est secouru par vos connaissances et vos conseils, il va se ruiner. Enfin, il n`y a presque pas d`hommes, soit plus riche, soit plus pauvre que nous, à qui nous ne puissions être utiles, du moins à qui nous puissions nous refuser sans injustice. Ce n`est pas que nous soyons tenus de donner aux autres ce qui nous mettrais nous-mêmes dans la nécessité ; il s`agit seulement ici des cas ou par une petite perte, ou par le sacrifice d`un petit profit, nous pouvons procurer un grand avantage à notre Prochain.

La Charité nous unit à tous les hommes mais elle étreint ses liens en faveur des pauvres et nous ordonne d`être attentif à leurs besoins, d`être généreux a proportion des biens que Dieu nous a donné et a proportion de la misère ou ils se trouvent. Ce n`est pas aimer Dieu que d`aimer nos richesses et de les aimer jusqu`à voir un pauvre misérable souffrir la faim, la soif, le froid ou la maladie et expirant à notre porte, faute de miettes qui tombent de notre table. La Pratique de ce devoir est si agréable à Dieu qu`elle est appelée un sacrifice qui plaît à Dieu ou des Hosties qui rendent la Divinité favorable.

Examinons les perfections et les conditions nécessaires au sacrifice de Charité. Je trouve que ce doit d`abord être un sacrifice d`obéissance et d`actions de grâces à Dieu, qui nous ordonne de faire l`Aumône. C`est sans doute le moyen le plus propre de lui marquer notre reconnaissance des biens que nous tenons de sa seule Libéralité. « Notre bien ne va point jusqu`à Dieu» (Psaumes 16,2) ; le Tribut que nous lui devons de nos richesses, nous ne saurions lui payer en sa Personne; mais seulement aux pauvres qui le représentent, et qui sont ses Receveurs. Nous n`avons donc que le moyen de l`Aumône pour nous acquitter envers Lui. Nous devons compatir aux misères de notre Prochain. Au reste en faisant des œuvres de Miséricorde nous pouvons avoir égard à notre propre intérêt; nous devons même avoir la récompense éternelle que Dieu y a attachée « Amassez-vous des trésors dans le Ciel» ( Matthieu 6,20), en dispersant favorablement vos Biens temporels, et faites-vous la haut un fond, qui vous donne droit à l`héritage éternel.

La Moisson de la Charité est si abondante que nous recevons dès ce monde même beaucoup plus que ce que nous avons semé de même que nous ne laisserions pas d`être fort riches quand même « nous aurions donné tout notre bien pour la subsistance des Pauvres» ( Luc 18,30). Mais prenez garde que ce ne soit votre unique vue et surtout ne vous proposez jamais les applaudissements du Monde, car ils seraient tout votre Salaire. « En vérité je vous le dis qu`ils ont reçu leur récompense» ( Matthieu 6,1) disait Jésus-Christ dans une semblable occasion. « Vous n`en recevrez pas la récompense de mon Père qui est dans les Cieux.» dit-il encore ailleurs.

Quel échange malheureux ne serait-ce si nous préférerions la Vaine Gloire de ce Monde a la joie solide et éternelle du Paradis?  Jésus-Christ dans les paroles que nous venons de citer, foudroie toutes ces Charité d`éclat, qui tendent uniquement à se faire un grand Nom dans le Monde. Il n`est pas rare de voir des gens porter la Vanité au-delà du Tombeau et travailler à laisser des monuments de leur magnificence plutôt que de leur Charité. Ces Charités dont le principe est l`Amour Propre ou l`Esprit de faction, reçoivent leur salaire en ce Monde et n`en doivent point attendre de «Notre Père qui est dans les Cieux.» Quelle que soit notre Aumône, donnons-la de bon Cœur, non avec tristesse, ni comme par force. La manière de donner l`emporte infiniment sur la valeur du présent.


Dernière édition par MichelT le Dim 13 Mar 2016 - 22:47, édité 3 fois

MichelT

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Message par MichelT Dim 10 Jan 2016 - 3:31

La Charité ( suite)

Quelle que soit notre Aumône, donnons-la de bon Cœur, non avec tristesse, ni comme par force. La manière de donner l`emporte infiniment sur la valeur du présent. Il y a plus de bonheur à donner qu`à recevoir. Vous donc hommes riches ou qui avez les moyens, donnez aux pauvres d`un cœur ouvert, joyeux, avec des manières riantes et qui vous attirent leur affection. N`oubliez pas bénédictions que Dieu promet de répandre sur ceux qui pratiqueront cette vertu? « La personne qui bénit sera engraissé et celui qui arrose abondamment regorgera lui-même.» « Celui qui donne aux pauvres n`aura pas de disette» « Celui qui  a pitié du pauvre prête à l`Éternel et il lui rendra son bienfait»

St-Paul compare l`Aumône a la semence jetée en terre : elle croit, elle multiplie; c`est ainsi que nos actes de Charité ne reviennent jamais à nous comme ils en sont sortis, mais rapporte une moisson abondante « pour un, trente, soixante et même cent.» Ceci ne tend pas du tout a favoriser certains excès de Charité ou quelques Chrétiens se laissent aller de bonne foi, par un zèle mal placé. Vous les voyez répandre leurs biens avec profusion sur les pauvres du dehors et négliger ceux du dedans; nuit et jour occupé du soin des autres familles mais indolents à propos de la leur. Il faut à la vérité donner de bon cœur mais aussi donner avec prudence. Il faut mesurer les besoins du Prochain aux moyens que nous avons d`y subvenir et nous souvenir qu`il ne nous est redemandé qu`en proportion de ce que nous avons reçu.

Ayons surtout un soin particulier de bien distinguer les temps et les lieux dans la dispensation de nos Charités. Il est vrai qu`il y a des gens si pauvres qu`ils ont toujours besoins qu`on leur donne ; cependant il y a des moment plus favorables les uns que les autres. La meilleure règle que nous pouvons faire est de donner promptement, le retardement étant souvent nuisible et à celui qui est dans la misère et a nous-même. A lui parce que il reste plus longtemps dans la souffrance et plus le mal augmente. Le retardement peut être nuisible a nous-même car il donne lieu à la Tentation. L`Ange déchu est toujours attentif à nous perdre; notre Chair, nos Convoitises; notre Avarice, tout s`unit pour nous détourner de nos meilleures pensées, et la bonne œuvre ne se fait point.

Mais si nous devons distinguer les Temps et les Lieux, nous ne devons pas moins aussi distinguer les personnes. On voit quelquefois des gens dont la pauvreté n`est que l`effet de leur Paresse et du Libertinage, d`où ils sortiraient peut-être s`ils avaient moins sujet de compter sur nos libéralités, outre qu`on se met souvent pour eux hors d`état de pouvoir en secourir d`autres qui le méritent mieux. Ce n`est pas que nous devrions abandonner un homme dans une nécessité pressante, quelque indigne qu`il soit de notre secours ; mais a une telle occasion près, nous ferons beaucoup mieux de choisir de plus dignes objets de notre Charité. Telles sont les personnes incapables de travailler ou qui par leur travail ne sauraient fournir à tous leurs besoins. Mais encore ici, la Prudence doit accompagner la Charité, afin de proportionner le secours aux différentes circonstances ou ces Personnes peuvent se trouver.

Aux uns il est bon de donner peu à peu, aux autres il faut donner tout à la fois, ou bien leur prêter lorsqu`on pas en état de donner absolument ; car un prêt fait à propos est souvent aussi profitable qu`un don. Un prêt est un don que lorsqu’il est fait sans intérêt. Un prêteur Charitable doit même se résoudre à perdre le capital si le dérangement des affaires de son débiteur le demande.

Autre caractère essentiel de la Charité, c`est d`être généreuse, elle doit se répandre en bienfaits. « Que celui qui a deux habit en donne un a celui qui n`en a point.» (Luc 3,2) St-Jean Baptiste ne dit point, celui qui a une garde-robe bien fournie, mais celui qui a deux habits. Les premiers Chrétiens donnaient tout leurs biens pour être distribué à chaque Frères selon qu`il en avait besoin. Nous ne sommes pas obligés de suivre leur exemple à la rigueur, et je ne le rapporte que pour montrer que la Charité doit être regardé comme l`Âme de la Religion, puisqu`elle a jeté les Fondements de l`Église de Christ. L`Évangile veut que nous soyons près à donner même «notre vie pour nos Frères.» ( 1 Jean 3,16)

On ne saurait trop insister sur l`Exemple de Notre Sauveur en cette occasion car vous savez dit St-Paul, «quelle a été la bonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui étant riche, s`est rendu pauvre pour l`Amour de vous, afin que vous deveniez riche par sa pauvreté. Il a bien voulu quitter la Gloire et la Félicité dont il jouissait dans le Ciel avec son Père, il a bien voulu vire ici-bas dans la Pauvreté et dans la Bassesse, et le tout pour nous enrichir» (1 Corinthiens 8,9) : serons-nous donc assez ingrats que de lui refuser les secours qu`il nous demande avec tant de tendresse pour ses pauvres et ne lui donnerons-nous pas une partie de ces trésors que nous tenons de sa pure Libéralité? Donnez, mais donnez libéralement à celui qui est en nécessité si vous voulez que Dieu vous donne gratuitement la vie éternelle. « Celui qui sème peu moissonne peu; et celui qui sème avec abondance moissonne aussi avec abondance.» (1 Corinthiens 9,6) Je n`ai garde de déterminer ce que c`est que de donner libéralement ; la libéralité a ses degrés et doit être mesurées moins par le Don, que par les moyens que l`on a de donner. Exemple : Jésus-Christ déclare à ses Disciple que la pauvre veuve avait donnée plus que tous les riches présents des autres, puisque c`était tout ce qui lui restait pour vivre, au lieu que les autres avaient donnés de leur abondance et de leur superflu.

Que chacun soit donc en ceci son propre juge. Je remarque que St-Paul n`a rien voulu prescrire aux Corinthiens sur ce sujet dans le temps même où il sollicite le plus puissamment a la générosité. « Que chacun donne ce qu`il s`est proposé en son cœur» (2 Corinthiens 9,7) ; cependant ce qu`il leur conseille dans un autre endroit, doit nous servir de Guide dans la pratique de ce Devoir; c`est que chaque premier jour de la semaine, chacun de vous mette à part chez soi ce qu`il pourra assembler pour la bénignité de Dieu. ( 1 Corinthiens 16,2) C`est pourquoi il est à propos de vérifier régulièrement ce que nous pouvons mette a part pour les pauvres et pour des aumônes.  

Quant à la pratique de cette Vertu dans les occasions ou la réputation du Prochain est attaquée; je trouve que il a bien des rencontre ou doit prendre le parti du coupable aussi bien que de l`innocent. On cite devant un tribunal une personne dont l`innocence m`est connue; on la diffame : que faire? La Charité m`ordonne de faire tout ce qui dépend de moi pour montrer qu`on la noircit à tort et sans attendre qu`on me demande mon témoignage que j`aille l`offrir de mon pur mouvement. Mais si la Réputation de cette personne est seulement attaquée par de faux bruits que la malignité des gens fait courir dans le Monde, alors je prendrai toutes les occasions de déclarer publiquement la vérité qui m`est connue.  Cependant, on peut tomber ici dans un excès : Souvent en déclarant trop publiquement l`innocence de l`un, on découvre l`infamie de l`autre : c`est pourquoi nous ne saurions agir avec trop de circonspection.  Il est à la vérité de notre devoir de défendre la Réputation de notre Prochain, mais cette règle, quelque générale qu`elle paraisse, a pourtant ses exceptions ; il y a des circonstances où nous ne pouvons pas décharger nos consciences. Que ceux-là ont donc peu de droit d`être appelé charitables, qui se servent de tout leur pouvoir pour appuyer la calomnie, et qui se plaisent à entendre mal parler indistinctement et des gens de mérite et de ceux qui mènent une vie peu réglée.

Nous devons toujours être discret sur les dérèglements du Prochain, à moins que par là nous ne fassions a quelqu`un un tort considérable, ou que ces dérèglements ne soient tellement connus, qu`il soit inutile d`en faire un mystère. On ne saurait guère donner d`atteintes a la Réputation qui ne soient mortelles; il est donc de la Charité chrétienne de parer tous les coups qu`on voudrait porter a la réputation du Prochain, quand même il se les serait justement attiré. La tendresse qu`on lui témoigne, en dérobant ses défauts aux yeux du monde, soutenue d`une Admonition vive dans le Particulier est un moyen très propre à le porter à l`amendement. « Ne point penser a mal, juger de tout en bien», c`est le propre de la Charité.

Un des plus beaux objets et des plus nécessaires que la Charité puisse se proposer est la Réconciliation des Ennemis ; c`est de rétablir et de maintenir la Paix entre les Frères. L`Avantage qui leur en revient est si grand, qu`il influe sur l`Âme, sur le Corps, sur les Biens, sur la Réputation; et d`ailleurs, c`est un des actes de Charité ou Dieu prend le plus de plaisir et qui ne manque jamais d`attirer sur son auteur toutes sortes de bénédictions. « Bienheureux sont ceux qui procurent la Paix» ( Matthieu 5,9), c`est ce que Jésus-Christ nous assure et c`est aussi ce qui doit nous animer à embrasser avec joie les occasions de remettre bien ensemble ceux qui sont désunis, et à faire nos efforts pour déraciner les sujets de haine et de vengeance que nous pouvons trouver en eux.

Nous ne devons pas seulement travailler à rétablir l`union, nos soins doivent s`étendre à empêcher qu`elle ne soit rompue par la suite. Un ami sage, un voisin charitable doit surtout s`attacher à éclaircir d`abord ces malentendus, qui sont d`ordinaire la source de toutes les querelles; car il est bien plus aisé et plus avantageux de prévenir le désordre que de l`arrêter. Ce ne sont que de petites étincelles mais si on néglige de les étouffer dès le moment qu`elles paraissent, elles causent bientôt un grand embrasement.  L`Inimitié une fois déclarée traine avec elle une suite de crimes qu`on ne saurait presque plus prévenir. « La multitude de paroles n`est point exempte de péchés» ( Proverbes 10,19)  dit le roi Salomon; ce qui ne saurait mieux convenir aux paroles qui échappent pendant la Colère. Et quoique dans la suite les querelles soient apaisées, cependant le péché demeure sur le compte de celui qui l`a commis; c`est donc une grande Charité que de les prévenir.

Une personne qui veut remplir dignement et avec succès le travail de Pacificateur, doit être reconnu lui-même comme pacifique; car comment oseriez-vous demander aux autres ce que vous n`avez pu obtenir de vous-même? Il y a un certain degré d`humeur paisible, d`Amour de la Paix qui passe dans le monde pour une délicatesse outrée, mais faute de quoi il se commet une infinité de crimes contre la Charité.  Au reste la Charité pratique s`étend même à nos plus cruels ennemis. Nous avons vu qu`il est de notre devoir de les pardonner et que du moment que nous l`avons fait nous ne pouvons plus les regarder même avec indifférence; tellement que la Chair et le Sang ne doivent trouver rien de rude à leur donner toutes sortes de marques d`Affection et de bonne volonté. Lorsque le retour est sincère, on ne s`empresse pas moins de faire du bien à l`ennemi qu`a l`ami. Une personne véritablement charitable a une grande joie de faire du bien à ceux qui la haïsse, selon le Précepte de Jésus-Christ et de témoigner avec la dernière évidence de la vérité de sa réconciliation.

Si nous agissons avec nos ennemis de telle sorte que nous puissions nous gagner leur cœur et les porter à la Paix, nous avons un double avantage. C`est la fin que l`Apôtre nous propose dans les Œuvres de Miséricorde « Afin, dit-il, que nous puissions amasser des charbons ardents sur leurs têtes.» ( Romains 12,10) non pas pour les consumer, mais pour fondre leur dureté à notre égard et les faire bruler d`un amour tendre et réciproque.

Il serait bien difficile de trouver rien de plus opposer à la pratique de la Charité que l`Amour propre, cet Amour de nous-même, qui s`empare si fort de toutes les affections de notre Âme qu`elle n`est plus capable de tendresse pour le prochain, pas même souvent de lui rendre justice. Par cet Amour propre j`entends cette Passions immodérée que nous avons pour les objets de cette vie et que je regarde comme la source de tous nos manque de charité et de toutes nos injustices. L`Apôtre représente l`Amour propre comme le général des armées du démon et cet Amour n`apparait jamais sans sa suite de péchés et d`abominations qui semblable a la queue du dragon de l`Apocalypse, fait le dégât dans l`héritage du Seigneur. Cette passion nous rends si ardent et si attaché à nous complaire qu`il ne nous reste aucune attention pour les autres, au lieu que St-Paul nous ordonne de « complaire chacun a son Prochain dans le bien pour l`Édification.» ce qu`il appui par l`exemple de Jésus-Christ, car, ajoute-il, « Christ aussi n`a point voulu complaire a soi-même.»

La Charité et l`Amour propre sont deux Passions incompatibles, elles ne sauraient se trouver dans la même personne, l`une doit nécessairement faire place à l`autre. C`est à nous de choisir, mais si nous choisissons la bonne part, travaillons donc à arracher de notre cœur cet Amour de nous-mêmes, qui y a poussé de si profondes racines. Et surtout quand nous aurons eu le bonheur de réussir, souvenons-nous que c`est une grâce, qui nous vient de la même source que toutes les autres et non point de nous, mais de Dieu.

C`est pourquoi nous devons prier celui de qui descend toutes bonnes Donations, de travailler lui -même en nous, de nous envoyer son St-Esprit, qui nous rende des Créatures humbles, débonnaires, sans fiel et capable de remplir le grand devoir de Charité; devoir si aimable, si utile à la société, si agréable aux yeux de Dieu, que nous ne saurions jamais trop longtemps méditer tant notre bonheur en cette vie et dans celle qui est à venir s`y trouve intéressé. La Miséricorde et l`Aumône sont le corps et l`âme de la Charité; c`est le tribut que nous devons à Dieu et au nécessité de nos Prochains. Dieu nous a donné ce Commandement afin que la grande différence qu`il a permis qu`il y eu dans les Biens que les Hommes possèdent fut « réduite à une sorte de tempérament et d`égalité» ( 2 Corinthiens 8,14) et que le plus misérable ne fut pas entièrement privé de toutes consolations et de toutes félicités.

Pour bien connaitre quels sont les devoirs de la Charité a cet égard il n`y a qu`à nous mettre devant les yeux l`ordre que l`Écriture nous donne touchant la nudité des pauvres a quoi un savant Prélat a ajouter de : donner sépulture aux morts et des remèdes aux malades, de conduire auprès du feu les pauvres qui ont froids ou de leur donner vêtements chauds, de mettre un aveugle dans le bon chemin, de prêter de bon cœur et de remettre même la dette lorsque la nécessité le demande, pourvoir à l`entretien et sureté des chemins publics, conduire les ouvriers dans leur travail et leur fournir des instruments convenables, aider les pauvres, procuré des établissements convenables pour les filles.

Il marque aussi les devoirs de Charité spirituelle : instruire dans la Foi, aider de nos avis et conseils judicieux les personnes qui en ont besoin, exhorter et reprendre les pécheurs à propos, avec prudence, avec zèle, avec diligence et enfin de la manière la plus propre à les ramener de leurs égarements et de les porter aux bonnes œuvres. Consoler les affligés, pardonner nos ennemis, secourir les infirmes, supporter les faibles, prier pour tous les hommes en général et demander à Dieu de soulager toutes leurs misères. Nous pouvons aussi ajouter, châtier les rebelles, corriger les opiniâtres ; être doux et fort réservé lorsqu`il faut censurer les actions d`autrui, s`appliquer à lever les scrupules des esprits irrésolus, flottants et légers, confirmer dans la Vérité ceux qui la connaissent, de point donner de scandales, guérir un homme de ses craintes, retirer les filles de la prostitution, réconcilier les ennemis, établir des leçons de théologie, ériger des collèges de piété et des endroits de retraites contre le bruit et les tentations de ce monde, donner de l`ouvrage et des professions honnêtes.

Nous devons donner des Aumônes autant que nous le pouvons à tous les pauvres qui se présentent, mais cependant plutôt aux gens de bien qu`aux méchants lorsqu`ils sont tous dans une égale nécessité. Cependant la Charité ne permet que l`on laisse périr un pauvre même s’il vit très mal. Lorsque l`Aumône entretien un homme dans ses vices, comme dans l`oisiveté :« Si un homme ne veut point travailler, qu`il ne mange point aussi» ( 2 Thessaloniciens 3,10) ou bien si ce qu`on lui donne lui sert à l`ivrognerie ou l`impudicité, il faut alors bien mesurer les secours qu`on lui donne. Il ne faut pas l`abandonner mais il faut chercher à le sortir de ses débauches.

Que tous les Chrétiens soient moins délicats, moins somptueux, moins amoureux d`eux-mêmes, moins attentifs à se procurer toutes les commodités de la vie, plus modéré à rechercher leurs aises et leur plaisir. Qu`ils règlent seulement leur vie et leur dépense sur les préceptes évangéliques, et vous verrez que sans être obligé de faire un sacrifice de tous nos biens; nos revenus augmenter par la réduction de nos dépenses, nous mettrons en état de remplir tous les Devoirs de la Charité, et de secourir les pauvres abondamment.  Soyez sobre, frugal, bon économe, mais gardez-vous avec soin d`être avare, chiche, taquin. Que votre industrie à amasser des biens tourne au profit des Pauvres et vous serez bientôt riche en bonnes œuvres. Pourquoi ne travaillez-vous pas plutôt pour exercer la Charité que pour satisfaire la cupidité des richesses ? Pourquoi pas plutôt pour le Ciel que pour la Terre, pour Dieu, pour Jésus-Christ que pour l`Orgueil, l`Intempérance et le dérèglement ?

La Charité ne dépend point des richesses. Celui qui manque de moyens de faire l`aumône peut être aussi charitable que le plus riche, s`il est véritablement touché de la misère des pauvres et s`il prie ardemment pour eux. Soulagez les pauvres dans leurs besoins spirituels et corporels, secourez-les de vos biens et de vos prières; donnez peu ou beaucoup, un verre de vin ou un verre d`eau, pourvu que l`amour du prochain, et le désir de les secourir tous ou quelques-uns a proportion de vos forces soit l`Âme de vos Aumône. « Elle seront reçues de Dieu, qui demande de nous ce que nous pouvons et non ce que nous ne pouvons pas.» (2 Corinthiens 8,12) Sans Amour nous ne saurions accomplir aucun des Commandements, et celui-ci moins que tout autre.

Dieu aurait pu me réduire à la nécessité de demander l`Aumône et cependant il m`a mis en état de la donner. Il me demande instamment pour ses pauvres qui sont ses membres, serais-je assez ingrat de les lui refuser? C`est la Charité qui fait prendre l`essor à mon Âme et porte mes prières jusqu`au Trône de la Miséricorde, elle est la couronne de toutes les bonnes œuvres, qu`elle fait la matière de l`Action de Grace que les pauvres rendent à Dieu comme aussi de leurs bénédictions et de leurs prières pour moi. L`Aumône est comme l`huile de la Veuve qui augmentait dans les vaisseaux à mesure qu`on la tirait ou de la farine qui ne diminuait point dans la cruche quoi qu`on en prit tous les jours pour la nourriture d`un Prophète.
Le Sauveur a dit : « Donnez l`Aumône de ce que vous avez, et voici toutes choses seront pures.» ( Luc 11,41) C`est pourquoi exerçons notre Charité, faisons nos Aumônes de telle manière que semblables aux tourbillons de fumées qui sortaient de l`encensoir sacré il en monte « Une odeur agréable a Dieu.» ( Philippiens 4,18); c`est la seule moyen de rendre nos charités, un sacrifice agréable à ses yeux par l`effet d`une Piété et Dévotion véritables.

Au lieu que si dans nos Aumônes nous nous proposons l`applaudissement des hommes, ou quelque avantage temporel, elles ne sont plus l`effet de la Miséricorde, mais seulement de l`Amour propre. Commerce honteux que le Sauveur du monde nous défend en termes formels. « Prenez garde, dit-il, de ne pas faire votre Aumône devant les hommes pour en être regardé, autrement vous n`en recevrez pas de salaire de votre Père qui est aux Cieux. Quand donc vous ferez vos Aumônes, ne faites pas donner de la trompette devant vous, comme le font les hypocrites dans les Synagogues et dans les rues pour être honoré des hommes; en vérité je vous dis qu`ils reçoivent déjà leur récompense.»  Plusieurs s`attachent si fort à l`extérieur de la Charité, qu`il n`ont presque aucune attention à ce qu’elle a d`intérieur, je veux dire ce mouvement de tendresse et de compassion que nous devons à notre prochain. Faire l`Aumône c`est donner une partie de ce qui est à nous en propre pour survenir aux nécessité de notre Prochain. Ainsi donner le bien d`autrui ce n`est pas faire l`aumône, mais un vol. La pratique de l`Aumône donne une grande satisfaction intérieure. L`homme sent ordinairement en lui-même un instinct secret qui l`attendrit pour ces Misérables et le porte à les secourir.

Lorsque la Miséricorde est le premier mobile de nos Aumônes, elles sont abondantes, elles sont pour ainsi dire gai, libres et elles coulent de source de notre cœur qui se sent ravir hors de lui-même, à mesure qu`il porte la joie et la consolation dans le sein des Misérables et des affligés. Cette Félicité et ces doux transports ne sont pas connus de ceux qui donnent par contrainte, qui n`accorde leur secours qu`a une fausse honte qu`ils auraient à ne pas donner, ou à la crainte d`être blâmé du Monde; aussi de telles Aumône ne font pas une Charité, une telle Charité n`est pas une Vertu; et une telle vertu n`a aucune récompense à attendre. Et certes donner de la sorte ce n`est point faire l`Aumône, c`est payer une taxe, c`est acheter son repos. La Charité n`est une Vertu qu`autant qu`elle est généreuse et ne mérite de récompense qu`autant qu`elle n`en espère point.

Dans un temps de maladie épidémique, dans un temps ou le travail est rare, dans un temps de disette, dans les premiers jours de la chute d`une famille, ou souvent un petit secours peut la tirer des grosses eaux qui sont prête à la submerger, lorsque nous voyons des jeunes gens capables encore d`Instruction et d`une Éducation que les Parents ne peuvent payer, lorsque en leur procurant un emploi honnête on peut empêcher qu`ils ne deviennent des voleurs ou des mendiants et ainsi les rendre utile à leurs parents, à leurs amis et à la société, lorsque nous en voyons qui n`ont pas de métier ou un fond suffisant pour vivre et qu`un petit don ou un petit prêt peuvent remettre sur pied.

Soit que vous donniez l`Aumône, soit que vous pratiquiez les autres Vertus Chrétiennes, vous n`y sauriez jamais trop apporter de Prudence et de Circonspection. C`est ce que le Prophète nous enseigne dans ces belles paroles : « L`homme de bien fait aumône et prête, il dispense ses affaires avec Droiture et Jugement» ( Psaumes 112,5) A moins que la Prudence ne soit elle-même dispensatrice de nos Charités, la Miséricorde est frustrée de nos attente et nous n`arrivons pas à la fin que nous nous proposons qui est de faire du bien aux vrais membres de Jésus-Christ, de suppléer à leurs besoins et de diminuer ou de faire cesser par nos bienfaits l`amertume de leur Âme. Il en est des Aumônes comme des richesses, tout consiste à les bien ménager. C`est ainsi que nous devons nous assurer que les Aumônes ne servent pas aux oiseaux de proie (faux mendiants, criminels ect) et aident les personnes et familles humbles, infirmes, laborieuses qui souffrent de la misère.

Cette Prudence consiste à bien connaitre la nature, la qualité et la quantité des choses dont nous devons nous pourvoir pour faire notre Aumône et de la manière de la dispenser.
Le Fils de Dieu béni éternellement voulu bien quitter le sein de son Père, descendre du Ciel, revêtir notre nature, pour secourir le Monde qui périssait et le sauver d`une destruction éternelle. La Charité peut-elle avoir auprès de nous une recommandation plus glorieuse? Il aima mieux venir faire le bien sur la terre que de régner dans le Ciel; la seule occupation qu`il trouva digne de lui fut de nourrir ceux qui avaient faim; de rendre la vue aux aveugles, de faire marcher les boiteux, de guérir les malades, d`instruire les ignorants et d`appeler les pécheurs a la Repentance. C`est dans ce but qu`il fait tant de miracles, de Prédications, sa vie ne fut qu`un tissu d`actions de Charité et de bonté; « Il fit tout bien». Repassez un peu toutes les périodes, tous les moments de votre vie, Chrétien endurci, vous qui bouchez vos oreilles aux cris du misérable, représentez-vous ce qu`aurait fait en votre place votre doux Sauveur.


9 -  De l`Envie ( extraits)


L`Envie est un vice qui bien loin d`avoir comme tous les autres quelque chose de doux et d`attrayant, fait souffrir mille peines à celui qui en est atteint; il ronge, il dévore, il dessèche la moelle des os. L`Envie ne sert qu`à rendre malheureux celui qu`elle possède. C`est le plus indigne de tous les vices : car les bienfaits même, qui souvent apaise la haine et la colère, ne servent qu`à irriter l`Envieux, qui ne peux même pas souffrir qu`un autre ait le pouvoir et la volonté de faire du bien : il se plaint, il murmure et le vautour qui lui ronge le cœur ne lui donnera jamais de relâche, que l`objet de sa haine n`est reçu quelque revers accablant.  

Cette passion a quelque chose de plus bas que les autres, on envie que ce qu`on reconnait au-dessus de soit; du moment que j`envie le mérite ou la fortune d`un homme, je me reconnais inférieur à lui, du moins, en ces choses, quoique cette supériorité que je lui attribue, et qui fait le sujet de la haine et de mon tourment, ne soit souvent qu`une maladie de mon imagination. Enfin, pour bien connaitre la difformité de ce vice, il n`y a qu`à considérer la vertu qui y est opposée; c`est la Charité dont nous venons de parler dans le traité précédent.  N`avoir d`attachement qu`a ses propres intérêts, rapporter tout à soi-même, ne pouvoir souffrir de supérieur, ni d`égal, ne croire son bonheur parfait que lorsqu`on est le seul à en jouir; c`est le caractère d`un esprit chagrin, d`un cœur mal fait, en un mot de l`Envieux. Mais une Âme noble, grande, généreuse, forte, hors d`elle-même, se plait à faire du bien, à étendre ses pensées et ses soins sur l`Intérêt des autres, à se servir de son crédit et de ses richesses pour satisfaire le désir extrême qu`elle a de leur communiquer le bonheur dont elle jouit et qu`elle sent augmenter à mesure qu`il y a plus de gens qui y participent.

L`Envie est un des vices de l`Ange déchu qui ayant été chassé a jamais du Paradis, ne peut souffrir que l`homme y soit reçu.

La Bonté est une très belle vertu et sa nature est de se communiquer. De la vient que Dieu prend le titre de Bon par excellence, il s`appelle « le Seigneur puissant pour sauver» : il se plait à protéger l`innocent, à secourir les affligés; et laisse aux tyrans de la Terre à montrer leur puissance par la destruction des faibles et de ceux qui sont dénués de tout secours; il laisse à ces Princes absolus et cruels à s`imaginer qu`ils ne peuvent jamais donner de plus haute idée de leur despotisme, qu`en exerçant une justice sévère, ou en faisant couler des ruisseaux de sang, comme s`il suffisait de pouvoir le mal pour avoir droit de le faire; vrais imitateurs du démon ( des anges déchus) qui porte de titre de Destructeur.

Ou la Bonté manque, il ne saurait y avoir de véritable perfection. Une grande Puissance, une Science profonde ont quelque chose d`effrayant, elles ne s`attirent pas du moins notre confiance. Sans la Bonté, le Pouvoir est une tyrannie, une oppression et la science une ruse et une trahison. Un Être qui connaitrait tout, qui pourrait tout, mais qui n`aurait point de Bonté ne ferait-il pas de maux infinis et inévitable. L`Ange déchu ne manque pas de connaissance, il a beaucoup de pouvoir; ces deux natures peuvent se trouver dans une nature directement opposés à celle de Dieu, aussi ne sont-elles pas propre à s`attirer notre affection.

La Puissance nous effraye, nous admirons la Science, nous nous méfions de la Prudence, mais la seule Bonté se fait aimer et rend aimable toutes les autres vertus qu`elle accompagne. Rien ne marque mieux la grandeur de l`Âme que ce penchant de rendre les autres heureux, que de leur rendre toute sorte de bons offices, en un mot que la Bonté.  La Vérité est que nous avons généralement en nous des principes d`anarchie et quoique nous puissions voir très patiemment tout le monde au-dessus de nous, nous ne pouvons digérer qu`il y ait quelqu’un au-dessus : « Nous seulement le pied se plaint de ce qu`il n`est pas l`oreille, mais l`oreille de ce qu`elle n`est pas l`œil»  Les gens de la classe des travailleurs et ceux qui tiennent les premiers rangs sont inquiets lorsqu`ils voient quelqu`un les devancer d`un seul pas. Et cette ardeur à être le premier nous ronge, et nous jette dans de tels excès que l`on voit des gens forcés de la nourrir de fumée et de chimères. Celui qui ne peut se distinguer par des dignités ou s`élever au-dessus des autres par des qualités réelles, tente de le faire par le faste et s`il a le malheur de ne pas réussir, alors l`Envie, ce ver cruel qui se nourrit de sa propre substance, s`attache au cœur de cet homme, le ronge, le dévore et lui fait souffrir mille morts.

Il y a des gens à qui il ne manquerait rien pour être heureux, si l`Envie qu`ils portent à l`abondance de leur Prochain ne les rendait misérables. L`ange Lucifer était heureux dans l`état ou Dieu l`avait créé, mais il ne le crut pas ainsi, parce que il ne se voyait pas égal au Très-Haut; il trouva sa perte dans son ambition démesurée; mais ce fut pour lui un surcroit de peine, lorsqu’il vit les Hommes en possession du bonheur dont il était déchu et des lors il forma le dessein de le leur faire perdre.  Quelle ressemblance entre cet Ange rebelle et les hommes qui ne peuvent se contenter d`un bonheur inférieur, et qui ne sauraient supporter qu`un autre soit plus heureux qu`eux et que je crains qu`ils ne ressemblent à cet Ange s`ils ont occasion de saper et de détruire cette félicité qu`ils envient.  Nous devons nous tenir sur nos gardes contre les atteintes d`une passion si pernicieuse.

Veillons, et par une sympathie chrétienne loin de nous chagriner du bonheur des autres faisons-en nos plus chères délices. La Charité, vertu dont nous avons parlé fort au long est fort propre à nous inspirer ces sentiments. «Jethro, quoique étranger, se réjouissait de tous les biens que Dieu avaient fait à Israël» et nous , ne serions-nous pas aussi sensibles au faveurs que Dieu accorde à ceux qui sont appelé avec nous au même héritage, qui sont les membres du même corps, qui participent à la même promesse en Jésus-Christ?

Il semble qu`un vice si bas, si impuissant et qui cause tant de maux, ne devrait pas être si commun; mais telle est la nature du cœur humain de ne pouvoir souffrir la moindre sujétion : il porte sa complaisance pour lui-même, jusqu’à se forger des qualités qu`il n`eut jamais pour s`indemniser de celles qui lui manquent et dont il trouve que les autres sont revêtus. Heureux si même notre Orgueil pouvait nous affranchir de l`Envie, lorsque la Vertu et la religion y ont travaillé inutilement?


10 -  La Médisance ( extraits)


Il faudrait être bien peu versé dans l`histoire et connaitre bien mal le monde pour ne pas avouer que la Médisance est un vice courant. Nous en avons touché quelque chose en plusieurs endroit des traités qui précédent ; considérons présentement ce vice plus à fond; montrons-en l`énormité; marquons tous les maux qu`il nous attire et dont sans doute peu de gens n`en n`ont fait une fâcheuse expérience.

Pour cet effet nous devons parler de la Médisance dans toutes ses parties et la considérer répandant son venin soit dans les Conversations, soit dans les Écrits. Et si nous trouvons des Médisants qui osent lancer leurs traits empoisonnés contre le Ciel, ne soyons pas surpris d`en trouver encore davantage qui déchirent les Gens de bien. C`est ce qui se voyait au temps même de David ( roi d`Israël vers 950 Av JC); ce Roi nous dit dans un de ses Psaumes que « les Méchants mettent leur bouche aux Cieux et que leur langue trotte par toute la Terre»

La Médisance est si généralement répandue qu`on s`y abandonne imperceptiblement. On ne croit même pas dans son cœur que ce soit un crime ou qu`il soit aussi grave qu`il l`est en effet. On s`en forme des idées, sinon fausses, du moins fort imparfaites; ainsi n`en connaissant pas les suites pernicieuses, nous nous jetons tout ou tard dans des extrémités qui nous coutent souvent notre perte. Il y a bien des gens qui ne peuvent sans frémir entendre jurer, ou prononcer des paroles obscènes, qui cependant se laissent aller à la Médisance, dans leurs discours les plus polis et les plus châtiés; cela vient, selon moi, de ce que les sentiments relâchés que nous avons du crime, nous en aplanissent le chemin. La Médisance choque ouvertement la Charité qui nous ordonne «d`aimer notre Prochain comme nous-même»; ainsi elle pèche contre la seconde table de la Loi. Est-ce donc là ce petit crime qui ne mérite pas qu`on y fasse la moindre attention?

Le terme de Détraction ( dont on servait autrefois pour Médisance) montre que c`est un vol que l`on fait au Prochain, car Détraction vient d`un verbe Latin, qui signifie – ôter, retrancher quelque chose d`un tout; et comme la Détraction en veut à l`estime que le monde fait de quelqu`un, ce terme marque la perte qu`on tache de lui causer d`une partie de sa Réputation, en le rendant moins estimable; ce qui est l`unique fin de la Médisance, quoi qu`elle prenne divers chemins pour y arriver. On a bien raison de regarder ce projet comme barbare puisque la plupart des hommes font attention à leur réputation. C`est ce qui a fait dire à Solon dans ses Lois, que celui qui consent à la perte de sa propre gloire aura peu de peine à consentir à la ruine du bien public.  Il est vrai que l`on a vu des hommes bruler de cet amour de la gloire a un tel excès que semblable a des volcans, la terre en a été ravagé. Tel furent Alexandre le Grand et César, chefs de guerre altérés du sang humain, qu`ils ont fait couler a torrent, sans avoir jamais pu assouvir leur brutale fureur. Mais n`a t-on pas vu de nos jours ( 18 eme siècle) des guerres sanglantes et très injustes n`avoir que pour premier motif que l`Honneur et la Gloire du Prince, ou de la Nation?

Ces excès même montre que la Réputation est regardée par tout le monde comme un chose précieuse et désirable. Mais nous n`avons pas seulement le suffrage des hommes; Dieu lui-même nous assure « que la renommée est préférable aux grandes richesses, et qu`elle vaut mieux que le bon parfum» ; et pour nous faire d`autant plus estimer la réputation, il nous la propose comme une récompense de la Piété, et de la vertu, ajoutant que l`Impie en sera privé : « La mémoire du Juste sera en bénédiction; mais le nom du Méchant périra». C`est pourquoi les gens de bien regardent la Réputation comme ce qu`ils ont de plus cher après leur âme, et qu`ils en font plus de cas que des richesses et de la vie. L`Amour de la liberté et de la Gloire nous assure les applaudissements de la Postérité la plus reculée, quoiqu`il serve souvent de prétexte à ceux avec qui nous vivons, de nous mépriser et de nous humilier.

Les Tyrans et leur supporteurs ne font aucun cas de cette bonne réputation; ils voudraient attirer les autres dans le sale bourbier ou ils se trouvent engagés, ils ne mettent aucune différence entre l`honneur et le déshonneur; ils lâchent la bride a leurs Passions et tout ce qui ne s`y rapporte pas leur parait insipide et ridicule; sans honte, sans pudeur, ils ne se mettent pas en peine du qu`en dira t`on, pourvu qu`ils puissent aller à leur fin. Mais ce sont des monstres dans la Morale; on ne saurait tirer de justes conséquences de leur désordre contre l`opinion commune des honnêtes-gens. Ceux-ci ne peuvent supporter le moins du monde que l`on touche à leur réputation. Puisque la raison met la réputation a si haut prix, et que la Passion la met à un plus haut prix encore, nous pouvons conclure que tout ce qui y donne quelque atteinte est une offense bien cruelle. Il est de la prudence d`un Chrétien d`éviter avec soin les pierres d`achoppements qui se trouve sur son chemin, je veux dire ces gens brusques et grossiers, pourvu qu`il puisse le faire sans trop les irriter.

Quel enchainement de Malheurs ne voit-on point à la suite de la Médisance? Serait-il bien possible de les compter? N`est-ce pas de là que viennent la plupart des Querelles? N`est-pas la Médisance qui est l`un de ces grands Boutefeux, qui allument la discorde par toute la Terre, et qui mettent tout en combustion? Si nous cherchons la source de ces haines mortelles qui rongent le cœur de tant de personnes, qui troublent la Paix des Familles et même des Nations entières, nous ne manquerons guère de la trouver dans ces paroles malignes, qui tendent à noircir le Prochain.  C`est pourquoi après avoir bien considéré l`énormité de ce vice, tous les Crimes et tous les Malheurs qu`il traine après soi, je conclus que nous n`avons pas de plus grand intérêt que de veiller sur nous sans cesse, non seulement à cause du penchant naturel que nous avons pour ce Crime, mais surtout parce que les occasions de le commettre se présentent en foule; bien différent en cela des autres, auxquels tous les lieux, tous les moments, ne sont pas propre.

Je puis Médire de mon Prochain, lors même que je ne puis point lui faire d`autre offense; d`ailleurs j`ai autant d`occasions et de moyens de commettre ce crime, qu`il y a de personnes au monde qui me sont connues ou dont j`ai seulement entendu parler. Il est vrai qu`on se contente souvent de noircir certaines gens pour qui l`on a une haine mortelle; d`autre fois aussi on se donne plus de carrière; assuré qu`on est de plaire généralement a tout un cercle, on attaque tous les absents sans distinctions; de la vient la facilité avec quoi on se laisse aller à ce vice plutôt qu`a tout autre : une pratique générale semble l`autoriser. En effet comment se défendre de ce que l`on voit à tout moment pratiquer a ceux que l`on fréquente, et de ce qui fait le sujet ordinaire de toutes les conversations?

On déchire la Réputation du Prochain en deux manières, qui, quoique différentes en apparence, viennent du même principe et tendent à la même fin; l`une consiste à répandre des bruits diffamants et faux, et l`autre a en répandre de véritables mais désavantageux. Dans la première je trouve diverses circonstances : un homme noircit son prochain par une fausseté entière de sa propre invention; un autre répand cette invention dans le monde, quoiqu`il soit persuadé que ce  n`est qu`une Calomnie, et un troisième enfin, sans avoir examiné si une chose est véritable ou fausse, la publie, la donne pour certaine, ou du moins il se sert de détours malins pour la faire croire telle a ceux qui l`écoutent.  Le premier de ces crimes est si odieux, que, quoiqu`il se trouve des âmes assez basses pour le commettre, il ne s`en trouve point qui ait assez d`impudence pour l`avouer. Chose étonnante dans un siècle corrompu comme le nôtre, ce crime est forcé de se cacher tandis que l`Impiété va partout la tête levée. C`est en effet un crime diabolique, une combinaison de deux propriétés de l`Ange déchu ( démon), la Malice et le Mensonge : le démon est particulièrement appelé «L`accusateur des frères»; et lorsque nous l`imitons, nous prenons pour ainsi dire sa nature.

Le second crime n`est moindre que le premier; celui qui le commet ne manque pas de malice, car en adoptant le mensonge d`un autre, il montre qu`il voudrait bien en être le père. En effet, je ne trouve pas plus de différence entre eux, qu`entre celui qui falsifie des denrées et celui qui les vend. Les Médisants que nous avons placés dans la troisième classe semble être un peu plus réservés que les autres ils sont comme le Proverbes « Ils essuient leur bouche et disent je n`ai point commis d`iniquité».

Ils ne connaissent point la fausseté de ce qu`ils rapportent et parce qu`ils sont dans l`ignorance, ils ne se croient ni imposteurs, ni malins mais je crains bien pour eux qu`ils ne soient l`un et l`autre. Car enfin leur ignorance est volontaire, ils ne font aucune démarche pour en sortir. Suffit-il de ne pas connaitre qu`une chose est fausse?  Non, pour n`être point menteur, il faut être bien assuré que ce que l`on dit est vrai. Si je connais qu`une chose est en partie vraie et en partie fausse et que tache de la faire passer pour une vérité absolue, ce qu`il y a de vrai ne m`empêche pas d`être un menteur et l`on peut dire que « La vérité n`est point en moi». Dans un tel cas l`intégrité veut que l`on fasse bien remarquer aux autres ce qu`il y a de plus douteux; et la Charité même demande que l`on cache les vérités qui ne sont pas avantageuses. Le mal que vous dites de votre Prochain d`une manière qui laisse même la liberté d`en douter, imprime même sur sa réputation une tache souvent ineffaçable, combien plus vous en direz d`un ton positif et absolu?

En fait de Médisance on peut dire que si moins de gens se chargeaient d`y donner cours, il y aurait moins de faiseurs de Libelles, personne ne voudrait inventer s`il ne se trouvait personne pour débiter.  Il n`y a pas besoin de pénétration d`esprit ni d`une application particulière pour connaitre combien une telle conduite est mauvaise et pernicieuse, il n`y a qu`à la comparer à la Loi naturelle qui nous défend de faire aux autres, ce que nous ne voudrions pas qu`on nous fit. Ou est celui qui consentirait à être l`objet de la Calomnie. On a remarqué fort à propos que ceux qui sont le plus acharné contre la réputation des autres, ont une sensibilité outrée pour tout ce qui touche la leur; ce qui met la Médisance dans une opposition diamétrale avec le Précepte évangélique « d`aimer notre prochain comme nous-même.» Si nous examinons le principe qui fait agir le calomniateur nous trouverons que cette cause est généralement la haine ou l`intérêt. Le Calomniateur a si peu d`égard aux liens sacrés de la société, il montre si peu de sentiments d`humanité et de Religion. La Haine peut être assez comparée à un Tourbillon, vent impétueux, qui détruit et renverse les États et les Familles avec la même facilité qu`il abat de simples particuliers. C`est une passion si violente qu`elle entraine souvent l`Agent et le Patient dans le même précipice. Pour ce qui est de l`Intérêt, c`est le Monarque universel, qui a rendu tous les autres Empires tributaires du sien; il est la grande divinité du Monde, c`est à lui que les hommes sacrifient leur innocence, et même ce qui leur est plus cher encore,  leur sensualité et tous leurs autres vices.

Tel méprise les promesses de Dieu, brave ses menaces, et ne voudrait pas pour l`amour de lui réprimer le moindre de ses désirs, qui plie, cède, se soumet au premier ordre de Mammon; c`est a dire qui force ses inclinations et les accommodes a son intérêt. Puisque la Calomnie a deux si puissants fauteurs je ne m`étonne plus de son agrandissement. Tant que les hommes auront le cœur malin, et que toutes leurs vues ne tendront qu`à leur intérêt particulier, la Médisance sera sur le trône; ils ne cesseront pas de se diffamer entre eux.

Badiner avec des Armes à feu, c`est se mettre en danger d`ôter la vie a quelqu`un; de même, se donner la liberté de rire et de se divertir de son Prochain, c`est risquer de lui faire perdre sa Réputation. Nous sommes si fort portez à croire le mal que nous recevons avidement tous les rapports désavantageux qu`on veut nous faire, et ces rapports, quelques faux qu`ils puissent être, font une telle impression sur notre esprit que souvent rien n`est capable de l`effacer. Il en est de ces railleries que l`on fait sur la réputation d`une personne, comme dans l`épreuve des forces de la Naphta, qu`on dit qu`Alexandre voulut faire sur un de ses Pages, à qui il en pensa couter la vie. Souvent un trait malin qui part d`un Esprit qui badine et qui veut briller dans un cercle, porte coup a la Réputation d`une personne autant que Médisance étudiée et qui a ses vues.

On trouve des Médisants de toutes sortes d`humeurs; d`une humeur gaie, d`une humeur fantasque, d`une humeur chagrine et mélancolique; on en trouve par tout pays : qui est-ce comme le Sage qui peut se flatter d`échapper au « fléau de la langue» et ajoutons au fléau de la presse? L`Usage en est établi, chacun diffame et est diffamé à son tour. Les Puissants protègent et récompensent même les Médisants, et les moins riches se jettent pour ainsi dire à corps perdu dans ce vice, parce qu`ils y trouvent leur plaisir et leur avantage. Ce Mal est si épidémique qu`il se glisse même dans les Églises. Quel spectacle affligeant et quel scandale pour les âmes pieuses, que des hommes qui se disent Chrétiens, ne s`accordent en rien qu`à violer la Charité, Vertu que le Christianisme nous recommande sur toutes choses.

Un bon Chrétien souhaite que ceux qui sont dans l`erreur viennent se jeter de bon cœur entre les bras de l`Église mais il souhaite aussi que ses bras soient toujours ouverts pour les recevoir. Il ne voudrait point de ses regards sévères qui épouvante les brebis égarées et les empêche de rentrer dans le parc, ni ces paroles dures qui aigrissent les deux partis et qui font un obstacle perpétuel a la réunion. Le Médisant ne se contente point d`insulter les gens de biens, il se moque de la Piété même; et quand il veut se divertir peu lui importe que ce soit au dépend ou de sa religion ou du Prochain, ou de Dieu même.  Vous donc qui faites de votre un esprit malin un si pernicieux ouvrage, Médisants, Calomniateurs, voyez quelle est la fin de votre malheureux ouvrage, souvent vos trames les plus secrètes ,  vos lourdes pratiques pour perdre vos prochains, se découvrent et le venin que vous vouliez versé sur eux, retombe sur vous et vous donne la mort. Mais quand même votre malice resterait caché aux yeux des hommes, viendra le jour, le grand Jour du Seigneur, ou toutes les actions des Ténèbres seront exposés à la Lumière, en présence de Dieu, des Anges et de tout le genre humain.

Passons maintenant à la seconde manière de diffamer le Prochain, qui est le rapport d`une vérité désavantageuse. J`avoue que ce n`est pas un si grand crime que le premier; cependant, quant au genre, la même définition convient bien à l`une et à l`autre, puisque la réputation d`un homme peut-être aussi noircie par un rapport véritable que par un faux. Chaque crime porte en soi sa punition, mais il faut en excepter la Calomnie, dont le châtiment est plus ou moins éloigné, qu`elle est plus tout ou plus tard découverte. Un homme peut faire des choses abominables, et si fort en secret qu`elle ne seront connue qu`à Dieu et a lui-même et ainsi se conserver l`estime du monde; mais dès que les Ténèbres font place à la Lumière, dès que ces crimes sont mis en évidence et alors non pas plutôt cet homme devient infâme.

Il est bien vrai qu`il est réellement infâme du moment qu`il commet son crime, mais je veux dire qu`il n`est connu et déclaré tel que du moment que son crime est découvert. Il s`ensuit donc qu`un homme est responsable des suites que peut avoir la connaissance qu`il aura donnée au Monde d`une faute inconnue et cachée; mais s`il l`est autant que s`il avait commis le crime même, c`est ce que doivent déterminer les circonstance de la cause qu`il l`a fait agir. Cependant n`oublions pas ici de faire une exception; car bien qu`à prendre les choses à la rigueur, ce soit toujours médire du Prochain que de publier le mal qu`il a fait, ce n`est pourtant pas toujours commettre un crime, parce que on peut se trouver dans une telle situation que l`on est entièrement dégagé de ce que l`on doit au Prochain : dans un tel cas je ne m`embarrasse plus du sort que sa réputation aura; je dois et je puis même l`exposer. En effet, pour ménager la réputation d`une personne, irai-je causer la ruine d`une famille, et souvent même de toute une société?

Les Lois divines et humaines me déclare complice du crime que je cache dans de pareilles occasions. Mais si ce que je dois aux autres m`oblige quelquefois à publier les dérèglements d`une personne, ce que je me dois a moi-même me le permet, surtout s`il y va de ma propre réputation. Au reste, faire des vacarmes, crier a plein gosier contre les fautes, et n`avoir rien de moins en vue que de les corriger, c`est plutôt l`effet d`une bile noire que de la droiture de cœur.  Je dois donc fuir avec soin un tel caractère et surtout je dois prendre bien garde de perdre un homme qui n`est coupable à mon égard que de quelques négligences, ou tout au plus de quelque petite Malice.


Pour ce qui est du Bien Public, la chose ne souffre aucune difficulté, elle n`en souffre pas même lorsqu`il y va de l`intérêt de plusieurs Particuliers : autrement il ne serait pas permis d`écrire l`Histoire puisque on ne peut le faire avec quelque exactitude sans rapporter les Fautes de bien des gens; il ne serait même pas permis de rechercher ou de mettre au jour les crimes d`un malfaiteur; ce qui renverserais de fond en comble, l`Ordre, les Lois, la Discipline et jetterait bientôt le monde dans un désordre si affreux que la Charité veut que nous nous attachions a le prévenir, quelque infamie qu`il en revient au Coupable. Qui ne sait qu`il y a des occasions ou l`indulgence est criminelle et où l`on ne saurait épargner le coupable sans cruauté envers l`Innocent ? Y a t`il quelqu`un qui ignore cette règle de morale, que de deux Maux, il faut éviter le pire, et que de deux Biens il faut choisir le plus grand?

La première Charité commence par soi-même, le Prochain suit après; je ne suis point obliger de l`aimer plus que moi.  La chose est décidée, il ne m`est point imposé de me taire, de crainte que celui qui me diffame injustement, ne sois reconnu Calomniateur, il m`est permis de crier contre un homme qui m`enlève mon pain et va me réduire à la dernière Misère.
Quand je repasse dans mon imagination les excès ou les Hommes se sont de tout temps porté contre la Justice et la Charité, je ne puis m`empêcher de croire que des effets si suivis et non interrompus n`aient des causes extrêmement puissantes. D`abord je trouve que l`Orgueil a beaucoup de part à nos Médisances. Cette Passion est une ardeur démesurée de dominer, aussi voit-on l`orgueilleux travailler de toutes ses forces à détruire les autres pour s`élever sur leurs ruines. Il n`a pas de plus grande joie à trouver quelque ombre, qui donne un nouveau lustre à la Gloire et la Réputation dont il se pique. Et pourquoi croyez-vous qu`il prend tant de peines pour déterrer les défauts des autres? C`est afin que par la comparaison que vous en ferez avec ses belles qualités, son mérite en devienne plus éclatant.

L`Envie est aussi une des principales cause de la Médisance; un homme possédé de cette passion n`a jamais un moment de repos; tantôt il en veut à celui-ci, tantôt a celui-là, et souvent à tout le monde en général, il voudrait que l`objet de sa jalousie fut la haine de la haine de tout le genre humain. Tout ce qui augmente l`estime du monde pour vous l`afflige et l`abat, tout ce qui la diminue, le relève, le réjouit. Habile à découvrir vos faiblesses les plus cachées, plus habile encore à faire naitre les occasions de vous perdre. Un vautour ne font pas plus vite sur sa proie que l`Envieux sur les défauts du Prochain. La moindre faiblesse est un crime, le plus petit péché est un monstre.  On voit d`autres Médisants qui lorsqu`ils ont appris que quelqu`un est tombé dans quelque faute, se font un mérite d`aller la dire tout bas a l`oreille de ceux qu`ils appellent leurs amis ou leurs confidents. Certains médisent sans savoir pourquoi, d`autres qui ont une démangeaison furieuse de parler toujours et il leur semble impossible de mettre un frein à leur langue.

Il en est de la Médisance de comme un grain de moutarde, le plus petit grain devient un grand arbre qui ne reprend plus sa première forme et qu`il est impossible de réduire à sa dimension originale. Un homme diffamé risque de ne pas rester sans impatience de s`entendre dire ses vérités et risque fort de rendre injure pour injure et l`autre ne restera pas sans agir et on verra encore une réplique et des lors, point de secret de famille qu`on ne découvre, qu`on ne publie, qu`on envenime, a la Médisance succède la Calomnie; les querelles naissent, la colère s`allume et ne peut quelquefois s`éteindre que dans le sang, et si on ne vient pas toujours à cette extrémité, il reste dans le cœur une haine irréconciliable.

La Médisance pèche surtout contre le grand principe de la Charité. Puis-je dire que j`aime mon Prochain comme moi-même tandis que je lui fais par mes médisances ce que je ne voudrais pas qu`on me fasse. J`aurais de faux poids, tandis que je me sers de balances inégales.  Je regarde mes défauts avec une grande indulgence tandis que les défauts de Prochain je les juge durement. Une telle partialité n`est pas digne d`un Chrétien.

Pour guérir nos maladies spirituelles, nous devons commencer par examiner la cause du mal afin d`y apporter des remèdes convenables. Que chacun étudie le caractère de son esprit, consulte son cœur, ses affectations et tâche de bien connaitre les choses qui le font succomber à la Tentation, et qui en particulier, le porte à la Médisance : l`Envie, l`Orgueil, la Légèreté, ou telles autres passions cachées, qui ne peuvent être trouvées que par celui qui est atteint. Il faut agir pour mieux contrôler sa langue pour éviter de blesser les autres.


11 -  De la Censure ( extraits)


La censure est une espèce de Médisance mais nous en faisons un traité à part. Le plus indigne de tous les caractères est celui d`une personne curieuse des affaires d`autrui seulement pour y trouve à redire. Elle a l`œil pénétrant, et toujours ouvert, la langue envenimée et rien de lui échappe.

Qui dit Censeur dit Impoli ; la Critique et la Politesse s`excluent mutuellement. Si les hommes et les femmes savaient combien les gens raisonnables sont choqués de ce caractère, ils se garderaient bien de faire dans le monde un personnage aussi bas. En vain des Flatteurs indignes vantent notre bel esprit et nous incitent à diffamer notre Prochain. Un bon Critique doit être un esprit pénétrant, habile, expérimenté, capable surtout de bien démêler, de bien distinguer toutes choses, juste et droit. Personne ne s`avisera sans doute de dire que j`en demande trop, s`il fait réflexion que dès que l`on se met à examiner une chose, on est comme forcé d`en porter, pour le moins en soi-même, quelque jugement.

On approuve ou l`on condamne, suivant l`exigence du cas ; la difficulté est de bien discerner la manière, le temps, le lieu de se prononcer. Quand on a l`Esprit juste et le Cœur droit, on ne peut s`empêcher de Haïr le Vice et de mépriser l`Impertinence, mais il est à craindre que cette haine et ce mépris n`aillent trop loin; et quoi qu`il ne soit ni possible, ni à propos de les supprimer, nous devons pourtant les tenir en bride, de crainte qu`elles ne s`échappent au-delà des bornes de la Justice et de l`Équité.

Se donner trop de liberté sur cette matière, c`est à peu près déclarer la guerre au Monde; Ennemi redoutable et contre qui vous ne sauriez-vous battre à armes égales. Quand même vous auriez tout le droit de votre côté, si vous l`attaqué vous êtes perdu sans ressource; cet Ennemi vieux et rusé en ne faisant que se défendre saura vous déchirer; il vous mettra en pièces.  Gardez-vous donc bien de le provoquer; ne cherchez« point à vous divertir à ses dépens; en fait de railleries surtout, vous ne sauriez être trop réservé, à moins que vous ne soyez si fort assuré de ceux avec qui vous parlé. Ce serait tirer avec de la poudre seulement sur un Ennemi qui peut tirer sur vous à boulets rouges. Le bruit est égal mais l`effet ne l`est pas. C`est aussi le désavantage d`une femme lorsque la haine du monde qu`elle s`est attirée, anime la brutalité de ceux qui cherche à la couvrir de honte et d`infamie.

C`est pourquoi nous devons nous ménager avec beaucoup de soins, cacher nos chagrins et nos impatiences et ne pas attirer sur nous la haine des écervelés. Un étourdi peut dans sa colère vous faire une réplique sanglante et ne vous croyez pas en sureté parce que votre réputation semble hors des atteintes de la Médisance, car si vous pensez être bien gardé d`un côté, on vous attaquera d`un autre. Si vous avez un endroit sensible, le Monde est assuré de le trouver, il vois les fautes les plus légères, il les fera passer pour des crimes affreux, vos vertus mêmes paraitront des vices par les couleurs qu`il saura leur donner. Ces défauts que l`ami ne voit point et que l`honnête-homme fait semblant de ne pas voir, l`Ennemi les étales aux yeux de toute la terre.


Dernière édition par MichelT le Dim 13 Mar 2016 - 22:49, édité 3 fois

MichelT

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Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne Empty Re: Le livre de la femme chrétienne - Angleterre - par une dame chrétienne

Message par MichelT Sam 20 Fév 2016 - 15:54

La Censure ( suite)

Si l`Envie, qui dort rarement, veut bien sommeiller quelquefois, quelle imprudence à nous de faire du bruit pour l`éveiller.  Gardez-vous d`être le premier à censurer. Ce n`est point à vous a prononcer comme des Magistrats ou comme une autorité particulière de décider à votre gré de la bonne ou de la mauvaise réputation d`une personne.
Loin d`appuyer sur les endroits peu avantageux, faites-vous un véritable plaisir de vous arrêter et de vous étendre sur les choses qui font honneur à votre Prochain et d`où vous pouvez tirer un juste sujet de le louer, c`est ainsi que les Abeilles s`attachent uniquement aux herbes odoriférantes pour en tirer le suc dont elles composent leur miel. Une vertu hérissée a quelque chose de trop sauvage et son visage austère a tendance à rebuter, elle a besoin d`adoucissement et de parure pour été reçu avec plaisir. Censurez donc quand vous ne pourrez pas vous en dispenser ; mais censuré avec toute la douceur et toute l`honnêteté possibles.

C`est le moyen de ne vous faire aucun tort a vous-même et beaucoup de bien à votre Prochain. Vos avis mieux reçus en seront plus efficaces; la violence et l`aigreur irritent toujours, et ne corrigent presque jamais. Être subtil, pénétrant, prompt à voir les fautes, mais lent à les censurer, voilà le triomphe de l`esprit.  

Les personnes distinguées par leurs emplois ou par leur naissance, se donnent de grandes libertés à l`égard de leurs inférieurs. Quoiqu’ils soient obligés par leurs emplois, plus que les autres,  à garder beaucoup de mesures, en général et de ne mortifier qui que ce soit par des paroles choquantes. Leur qualité n`excuse pas leur impolitesse. Ne pas répondre à la Médisance qu`on fait de nous est un bon moyen de fermer la bouche du médisant. Les plaintes et les reproches ne servent quelquefois qu`a l`animer de plus en plus, mais il laisse en repos celui qu`il voit ne faire aucun compte de ce qu`il dit.

Une grande vertu est de répondre doucement aux malhonnêtes gens. Il faudrait renoncer à la société si on ne voulait rencontrer que des gens sages, paisibles et de bon naturel; les brusques, les bizarres, les emportés y fourmillent. Contentons-nous de déplorer leurs faiblesses, ils sont plus dignes de pitié que de censure. La Médisance et la Censure se servent de plusieurs artifices pour cacher leur malignité. Tel qu`un serpent malin et rusé s`entortille, s`étend, se glisse sous les fleurs et lance son venin mortel avant qu`on s`en soit aperçu, tel le Médisant et le Censeur se plie en mille façons, prend milles formes nouvelles pour porter des coups plus assurés et plus ruineux. Mais soit qu`il se serve de termes clairs et directs ou d`expressions obscures et détournées; soit qu`il censure sans ménagement ou avec politesse, et seulement après avoir fait l`éloge de celui qu`il veut déchirer, toutes ces différentes manières de diffamer, pour être plus ou moins subtiles ou grossières n`en sont pas plus innocentes.

Il y a des cas ou la censure est permise et louable. Il est même de notre devoir de censurer une personne qui en fera probablement son profit mais souvenons-nous toujours d`agir avec toute la sagesse possible. Un homme peut et doit être repris de ses fautes dans le privée, ou si vous n`êtes pas d`un caractère à vous donner une telle liberté, adressez-vous a quelqu`un qui le puisse. Un tel procédé est si peu contre la charité, que vous ne sauriez jamais mieux pratiquer cette vertu que par là. Car peut-être ce qu`on dit de cette personne est faux, et alors c`est sans doute une marque de tendresse que de lui donner une occasion de se justifier et que si ce qu`on dit est véritable, peut-être qu`une exhortation dans le particulier la fera revenir de son égarement.  

C`est dans cette vue que le fils de Sirach conseille de ne pas dissimuler les fautes du Prochain : « Reprend ton ami, dit-il, peut-être n`a-t-il pas fait le mal dont on l`accuse; et s`il l`a fait qu`il ne continue pas. Reprend ton ami afin qu`il se taise, et s`il a parlé une fois, qu’il ne parle plus. Reprend ton ami car bien souvent il a de la vilaine calomnie et ne croit pas à toutes paroles.» Mais surtout que la Passion n`ait aucune part à vos censures. La Charité seule doit en être le mobile. Loin d`ici donc ces personnes, qui sous prétexte de réformation donne à leur bile une libre carrière, et attaques les fautes pour montrer leur autorité, plutôt que leur Charité.

Ce n`est pas d`eux que nous devons attendre cette adresse chrétienne, cette douceur d`esprit, cette prudence consommée, si nécessaire a un censeur évangélique, et sans laquelle la censure ne fait qu`aigrir les gens au lieu de les ramener à leurs devoirs.  Si je suis appelé à témoigner dans les tribunaux de Justice je le ferai dans le respect de la loi et des serments et je regarderai comme un crime de ne pas dévoiler ce qui m`est connu de la vérité jusqu`à ses moindres circonstances. Mais est-il permis de publier les fautes d`autrui pour me défendre et me justifier?  Oui sans doute si je ne puis les cacher sans trahir notre innocence. La Charité n`exige point que je me laisse déclarer infâme pour sauver la réputation de qui que ce soit.  La Charité commence par soi-même, je commencerai donc par assurer ma réputation, ensuite je ménagerai celle de mon Prochain. Plut à Dieu que nous n’attaquions jamais la réputation des autres que lorsque la nôtre est dans un danger imminent.

La censure est permise non seulement pour corriger le coupable, mais aussi pour avertir les autres de se tenir sur leurs gardes. Dissimuler les fautes, c`est exposer bien des gens à se laisser corrompre par les mauvais exemple d`une personne ou à se faire beaucoup de préjudice par la confiance qu`on a en elle et qu`elle ne mérite pas. Une des causes les plus ordinaire de nos censures, c`est la malignité qui nous est si naturelle. Oui nous sommes naturellement cruels. La Malignité, par une erreur générale, passe dans le monde pour de l`Esprit, de même que la ruse passe pour sagesse quoi qu`elles diffèrent autant entre elles autant que le vice diffère de la vertu. Rien ne montre tant la dépravation du cœur humain que le penchant que nous avons pour ce vice. Toujours porté à la critique, toujours prêt à tourner les choses du mauvais côté, hélas que nous sommes déchus de notre droiture et de notre innocence première ! Que fait-on dans les Assemblées, dans les Visites et les Entrevues? On censure, on critique, a peine les Cérémonies et les Compliments ordinaires sont finis, a peine chacun a pris sa place, que c`est à qui ouvrira la Conversation par quelques traits malins « raillons et divertissons-nous au dépend de tout le monde.»

La Médisance ne sert qu`à nous irriter les uns contre les autres; c`est là que viennent les querelles dont les suites sont ordinairement si funestes. Et c`est aussi ce qui a porté le fils de Sirach à nous dire : « ne parle pas de la vie d`autrui, ni à ton ami, ni à ton ennemi, car il t`écoute et se donne garde de toi.» avec le temps d`une manière ou d`une autre la chose viendra à sa connaissance; « et avec le temps, il te haïra» c`est-à-dire que il cherchera à se venger.  Tout au moins c`est toujours grand chagrin pour la personne diffamée, et le christianisme, qui est la loi la plus douce et la plus conforme à la droite raison, nous défend de rien faire aux autres ce qui peut faire de la peine. Il n`y a rien de plus tendre que la réputation, n`y touché donc point.


12 -  De l`Ignorance ( extraits)


Si nous ne savons pas discerner les choses, ni en juger, si nous sommes incapables de faire un bon choix, et de proportionner les moyens à la fin que nous nous proposons ; si nous ne connaissons pas la juste valeur des choses, si nous prenons l`ombre pour le corps, l`apparence pour la réalité, si nous poursuivons avec ardeur les choses que nous rejetterions et que nous haïrions même, si elles nous étaient connues; mais qui nous paraissent aimables quoi qu`elles n`aient rien que le nom des véritables biens, seuls dignes objets de  notre estime, de nos désirs et de nos recherches, d`où peuvent nous venir tous ces malheurs si ce n`est de notre ignorance et du défaut des bonnes connaissances?

L`ignorance et le défaut d`Instruction sont le principe du vice et le mauvais exemple achève de corrompre. La coutume aussi, ce torrent impétueux, peut aussi corrompre dans certains cas, quand il est en opposition avec la prudence et la vertu. Ce serait un grand embarras pour une personne judicieuse, que de rendre raison de tous les dérèglements et de toutes les passions folles qui règnent dans le monde et qui n’ont assurément rien de fort engageant ; mais la coutume tranche la difficulté. Car il faut convenir à tous égards que la Vertu est préférable au Vice. Sa pratique est plus agréable et ses suites sont plus avantageuses, comme il est aisé de s`en convaincre.  Pour la plupart des gens, c`est une faute impardonnable de ne pas faire comme les autres, ainsi au dépend de notre tranquillité et de notre bonheur, aux dépends même de notre innocence et de notre vertu et par une pure complaisance pour une mode extravagante, nous nous livrons à tous ces dérèglements sans savoir par ou nous en dégager.

Ajoutons que les soins, les tracas de ce monde, nous préviennent, nous occupent tellement que nous avons peu de loisir, et encore moins d`inclinations, de nous fixer et de réfléchir sur nous-mêmes. Ces amusements ridicules que nous faisons, nous possèdent et nous attachent si fort, que nous ne sommes plus capables de suivre les préceptes de la Raison, ni les douces invitations du St-Esprit, qui par ses influences divines, nous dispose à faire un bon usage de nos lumières naturelles, à secouer le joug du péché et à reprendre notre liberté première.
Notre esprit se relâche, il se dissout, il ne lui reste rien de solide par notre attachement à la vanité et aux vices. Par une dissipation d`habitude notre esprit devient incapable de réflexion sérieuse et utile et prend la nature des objets qui l`occupent, vain et superficiel comme eux. Ajoutons l`habilité extrême des méchants à corrompre les bons et la froideur de la plupart des gens de bien pour l`accroissement de la piété.

Une femme chrétienne instruite doit étudier les fondements et les preuves de la Religion et elle doit en connaitre à fond les conditions et les promesses. Certainement pour mener une vie véritablement Chrétienne, il faut avoir un entendement éclairé, aussi bien que des affections réglées afin que notre volonté sache choisir le bien et ne jamais s`en départir. Car si l`entendement est couvert des sombres nuages de l`ignorance, la bonté même du cœur n`est point un sur garant de la droiture de la volonté.


13 -  De l`Orgueil ( extraits)


La tranquillité de l`âme consiste à bien gouverner ses passions;  mais ce n`est pas l`effet d`un petit nombre de vertus; cependant il n`y en a sans point de plus nécessaire que l`humilité, non seulement à cause de son excellence propre mais surtout parce que elle est la base de toutes les autres. Vouloir donc sans elle se rendre vertueux c`est aussi dangereux que de bâtir sa maison sur le sable.

L`Orgueil est un si grand péché, qu`il chassa du Ciel les Anges rebelles; et si l`on peut juger du crime par la punition, ce n`est pas seulement le premier, mais le plus grand crime que l`Ange rebelle ait jamais commis. Il ne faut point d`autre preuve de son énormité que l`horreur extrême que Dieu en témoigne dans les Écritures ou l`on trouve que « l`Éternel a en abomination tout homme de cœur hautain » que Dieu « résiste aux orgueilleux » et plusieurs autres textes qu`il n`est pas nécessaire de rapporter, l`Écriture sainte étant partout si opposée à ce vice qu`une personne qui l`a lue ne saurait ignorer la grande aversion que Dieu en a. Or Dieu déteste seulement ce qui est mal. Mais si ce péché est grand, il est encore plus dangereux; dans combien de désordres l`orgueil ne nous précipite t`il pas ? Il est la source de tous les vices, tout comme l`humilité est la source de toutes les vertus. L`homme orgueilleux fait de lui-même sa propre divinité, il ne connait de règles ni de lois que celles qu`il a faites; et «il est si impie qu`il ne se soucie point de Dieu». C`est l`effet de son orgueil dit le Psalmiste et quand on en est venu là les autres crimes ne coutent plus rien.  

J`en tire la preuve d`une multitude de péchés particuliers, qui trouvent leurs principes uniquement dans ce vice; la Colère par exemple que le Sage appelle «emportement superbe, dispute, querelle». L`Orgueil, dit-il ne produit que des querelles. Un homme hautain s`emporte; il est enflammé de colère et de rage; il pense qu`on lui a manqué au respect qu`il s`imagine lui être du. L`orgueil ne nous livre pas seulement à des iniquités de toutes les sortes, il nous rend même incapable d`être ramené, car il empêche les corrections qui nous sont adressées, d`agir efficacement sur nous. Ces corrections nous viennent ou de la part de Dieu ou de celle des hommes. Si c`est de la part de Dieu elle se font ou par voie de douceur ou de bénignité, ou par voie de rigueur et de châtiment. Que si Dieu veut amener l`orgueilleux a la repentance, on voit cet homme, qui détournant l`intention divine, s`imagine que toutes les grâces qu`il reçoit ne sont que la récompense de son mérite et il ne croie jamais avoir besoin de repentance.

Mais si d`un autre côté, Dieu use de rigueur avec lui, s`il l`afflige, s`il le châtie, les afflictions et les châtiments ne produisent que le murmure dans son cœur superbe et hautain; il en conçoit de la haine pour Dieu, comme si Dieu lui avait fait grand tort. Quant aux hommes, ils peuvent lui adresser censure et exhortations, mais la censure des hommes ne fera pas plus d`effet que les corrections divines, car celui qui peut penser que Dieu est injuste à son égard pensera aussi que les hommes le sont aussi. Mais les exhortations fonctionneront encore moins, sollicitez un orgueilleux avec toute la douceur et toute l`honnêteté imaginable, il prend la chose en mauvaise part et au lieu d`avouer ses fautes et de s`en corriger, il vous dira des injures, vous traitera d`homme qui se mêle des affaires d`autrui, de critique, de censeur, et pour un acte de Charité nécessaire il va vous regarder comme son ennemi.

Concluons qu`un homme qui rejette si obstinément les moyens de se corriger est dans un état bien désespéré. Il est aisé de comprendre la peine qui est réservée à ce péché, si l`on considère que Dieu se déclare lui-même l`ennemi juré de l`Orgueilleux et qu`il lui résiste. Que ce que l`Écriture Sainte en dit est terrible : « L`Orgueil va devant l`écrasement et la fierté d`esprit devant la ruine.» Une chose bien digne de remarque dans l`Ancien Testament est l`histoire de Nabuchodonosor le roi de Babylone et le plus grand roi de son époque. Il fut chassé d`entre les hommes, condamné à vivre avec les bêtes des champs et n`avoir d`autre nourriture que la leur et l`on voit arriver fréquemment que Dieu fait fondre, même en cette vie, des jugements extraordinaires sur la tête des orgueilleux et souvent la vengeance divine est réservée à la vie a venir.

Si Dieu n`a pas épargné ses Anges, mais en a précipité une partie en Enfer, l`homme peut-il s`attendre à un traitement plus doux et un meilleur sort ?

La folie et l`indignité de ce vice paraitront si l`on considère les différentes choses dont les hommes ont coutumes de s`enorgueillir comme les bien de la nature, les biens de la fortune et les biens de la grâce.  Par les biens de la nature on entend la beauté, la force, l`intelligence et l`esprit et avoir orgueil de ces choses est grande folie. Un homme qui se berce de la haute opinion de son intelligence ne voit pas le danger ou il est de se séduire lui-même et que les autres l`abaissent à mesure d`autant qu`il ne veut trop s`élever.

Il se trouve tant d`hommes et d`animaux qui ont des dons supérieurs aux nôtres. Que d`animaux sur la terre sont plus forts et plus adroits que l`homme. De la vient que l`Écriture Sainte nous les propose souvent en exemple. Mais nous donnons à nos qualités toute la préférence imaginable et nous ne saurions pourtant prolonger leur durée, ni éviter les accidents qui les diminues et qui vienne nous les ravir.  L`esprit le plus fort ne tiendra pas contre la frénésie, une maladie flétrira la beauté et ruinera notre vigueur et ce que ces accidents ne feront pas, la vieillesse le fera certainement. Ainsi une gloire si mal fondée est folie et c`est sans raison que l`on se glorifie de posséder beauté, talents ou intelligence.

Devenir orgueilleux des biens de la fortune n`est pas moindre folie. On entend par ces biens les richesses, les dignités et autres choses. Or il est certain que tout cela ne contribue en rien au véritable mérite de l`homme. La richesse, la pompe et la magnificence peuvent lui donner un beau dehors mais ne change rien au-dedans. Souvent il n`est pas en notre pouvoir de conserver ces choses qui s`évanouissent avant que nous nous en soyons aperçus.  Celui qui est riche aujourd’hui peut être pauvre demain. Nous ne sommes que les économes de nos biens et nous devons les employer au profit de notre Maitre (Jésus-Christ); il vaudrait donc mieux préparer le compte qui nous en sera demandé, qu`à nous glorifier de les avoir reçus.

Les biens de la Fortune et les biens de la Nature ne viennent pas de nous; s`ils ont été légitimement acquis, nous en sommes redevables à Dieu seul dont la Bénédiction enrichit; et si c`est illégitimement nous les avons à des titres qui nous donnent certes bien moins de raison de nous enorgueillir. Par les biens de la Grâce, on entend ordinairement toutes les vertus qu`un homme peut posséder. Ces choses sont sans doute d`un grand prix; elles sont infiniment plus précieuses que toutes les choses de ce monde, cependant, s`en faire un sujet de vanité, c`est le dernier degré de la folie, non seulement par l`impossibilité ou nous sommes de nous les procurer; la Grace étant l`opération immédiate de Dieu en nous, mais particulièrement parce que c`est s`en rendre tout à fait indigne et de les perdre pour toujours.

Dieu qui donne sa Grace à l`humble, et la retire de l`orgueilleux. Si le Talent, comme il dit dans la Parabole, fut enlevé à celui qui n`avait fait que l`enfouir, comment osons nous espérer qu`il nous sera laissé quand nous en faisons un si mauvais usage, qu`au lieu de l`employer au service de Dieu, nous en faisons trafic avec l`Ange déchus? Y a t`il de plus grands abus de la Grace que de la faire servir à des fins directement opposées à celles de Dieu? La Grace nous est donnée pour nous rendre humble et non orgueilleux, pour la Gloire de Dieu et non pas pour notre propre Gloire.


La nécessité de fuir de vice doit se faire sentir à tout chrétien qui médite sérieusement sur ce qui vient d`être dit. Une telle méditation produira en lui l`éloignement de ce vice. Elle le rendra attentif à tous les mouvements de son cœur, pour rejeter ce qui a la moindre apparence de vanité et pour ne pas souffrir de se repaitre de son propre mérite; mais que lorsqu`il s`élève en nous de telles pensées, nous devons les abattre sur le champ par le souvenir de quelque uns de nos égarements et ainsi nous faire de ces sentiments d`orgueil des sentiments d`humilité.
Dans cette vue nous ne devons jamais comparer nos actions à celles d`autrui que nous croyons plus criminelles ou moins sages, de peur de ressembler aux Pharisiens qui se vantaient d`être plus saints que les autres, mais si nous voulons faire des comparaisons profitables, comparons-nous a des gens sages et pieux.

Surtout attachons-nous fortement a la prière, et demandons à Dieu d`arracher lui-même de notre cœur jusqu'à la plus petite racine de ce vice et nous rendre comme ces Pauvres d`Esprit auxquels il a promis sa Bénédiction et sa Gloire. Il est a remarqué que Dieu qui a formé tous les peuples de la terre d`un même sang, a fait une distribution si égale des plus grands privilèges de la nature humaine, qu`il a eu sans doute en vue d`empêcher qu`un homme n`eut lieu d`en insulter un autre et c`est ce qu`il a marqué dans sa Loi, ou il prend un soin tout particulier de modérer la rigueur des peines Judiciaires, de « peur que ton Frère devienne méprisable à tes yeux.»

Tant il trouver injuste que le crime ou la misère d`un homme serve à l`élévation d`un autre. L`Orgueil ne porte pas plus les gens à s`élever qu`à fouler impitoyablement le coupable et le malheureux ; ce qui fait que St-Paul censure grièvement les Corinthiens, de ce qu`a l`occasion de l`Incestueux, ils s`étaient enflés d`Orgueil au lieu qu`ils devaient mener deuil.

Lorsque nous voyons un cadavre, nous n`avons garde de l`insulter, ou de nous applaudir de notre embonpoint ou de notre vigueur. Cette vue au contraire nous abat le courage et nous fait réfléchir sur le moment de notre mort. Mais certes le spectacle d`une mort spirituelle devrait bien nous émouvoir et nous toucher aussi sensiblement. Nous avons le même principe de corruption qui a fait tomber nos Frères, et pour nous garantir des mêmes effets, nous avons la Grace de Dieu, laquelle nous éloignons par nos réflexions insultantes sur les fautes qu`ils ont commises car « Dieu ne donne sa Grace qu`aux humbles de cœur » .

St-Paul dit : « Lorsque un homme est surpris en quelque faute, redressez-le avec un esprit de douceur; et toi prend garde a toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté.» La chute des autres doit exciter notre compassion pour eux, notre vigilance sur nous-mêmes; et notre gratitude envers Dieu qui nous a soutenus. « Car qui est-ce qui a mis une différence entre toi et un autre?» Mais si sur la mer orageuse de ce monde nous déployons toutes nos voiles, comme pour insulter aux malheurs des autres que les vagues sont prêtes d`engloutir à nos yeux, nous nous exposons surement à un naufrage pareil au leur.

L`Orgueil est un gouffre ouvert à nos pieds, et nos vertus, lorsqu`elles nous enflent le cœur, deviennent des fardeaux lourds et accablant qui nous entrainent dans les abimes les plus profonds. L`Apôtre a donc bien raison de dire :« Ne soyez point arrogant, mais humbles et débonnaires.» (bienveillants)

La Folie et l`Impiété de l`Orgueil ayant été ainsi représentée tant par rapport au monde que par rapport à la Religion, ce Vice paraitra sans doute si ridicule et si odieux, dans les choses mêmes qui regardent uniquement cette vie, qu`il n`en faudra pas davantage pour porter les gens raisonnables a en avoir de l`horreur.

FIN

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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