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Enseignements de l'Église

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Enseignements de l'Église - Page 5 Empty Enseignements de l'Église

Message par jaimedieu Sam 16 Aoû 2014 - 20:02

Rappel du premier message :

N.B. Si une personne désire émettre un commentaire, une critique ou une suggestion, il serait préférable de la poster sous "Annonces et Suggestions" ou tout autre fil, et ce, afin d'éviter de "briser" la continuité des posts mis en ligne. Merci de votre compréhension et de votre collaboration.

Introduction aux enseignements de l'Église

Pour cette introduction, j'ai pensé qu'il serait utile présenter certaines définitions concernant la provenance de ceux-ci:

EXHORTATION APOSTOLIQUE

Une exhortation apostolique est un texte voisin de l'encyclique, par son esprit et ses destinataires. À la différence de l'encyclique, l'exhortation plaide toujours pour inciter à s'engager dans telle ou telle activité, ou pour prendre une voie particulière.

L'exhortation apostolique est qualifiée de exhortation apostolique post-synodale quand elle est publiée à la suite d'un synode épiscopal réunissant les évêques des différentes parties du monde. Dans ce cas, l'exhortation apostolique traduit la conclusion du pape sur le thème du synode et la vision commune qui s'en est dégagée.

S'ils n'ont pas la valeur juridique d'une encyclique, ces actes pontificaux sont rendus publics sur une base régulière.

ENCYCLIQUE

Une encyclique (en latin encyclia, de l'adjectif grec ἐγκύκλιος / enkuklios d'après κύκλος / kuklos, « cercle ») est une lettre adressée par le pape à tous les évêques, et parfois également à l'ensemble des fidèles. C'est une lettre « circulaire ».

Une encyclique se rattache à la mission d'enseignement du pape. Elle est destinée à exposer à ses destinataires la position officielle de l'Église catholique sur un thème précis. Le plus souvent, celui-ci se situe hors des questions d'actualité, ce qui donne à l'enseignement une portée générale et relativement permanente. Cependant, l'opportunité de traiter un thème particulier est souvent appréciée en fonction de l'état du monde ; et les encycliques comportent parfois des mises en garde plus précises, voire des condamnations spécifiques.

Tout en étant formellement destinée aux évêques, la lettre s'adresse en pratique à tous les fidèles, confiés à l'enseignement de leur évêque respectif, et présente un intérêt pour toute personne intéressée par la position de l'Église. Néanmoins, sauf mention contraire, l'encyclique n'engage pas l'infaillibilité pontificale : un fidèle reste libre de ne pas suivre cet enseignement si sa conscience le lui dicte, tout en restant dans l'Église.

LETTRE APOSTOLIQUE

Une lettre apostolique est une forme d'exhortation apostolique rédigée en s'adressant à un destinataire particulier et non à l'ensemble des évêques (comme le fait une exhortation apostolique ou une encyclique). Le pape publie ainsi une lettre ouverte d'intérêt général pour l'Église.

CONSTITUTION APOSTOLIQUE

En diplomatique vaticane, une constitution apostolique (du latin constitutio apostolica) est un acte émanant du pape. Le terme constitution correspond ici à un sens large, et désigne un texte équivalent à une loi dans le domaine civil. Le qualificatif apostolique signifie simplement qu'elle est issue du siège apostolique : une constitution apostolique est une loi que le pape promulgue au titre de son autorité de gouvernement général sur l'Église.
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Message par jaimedieu Ven 3 Avr 2015 - 17:20

MARIE AU CALVAIRE

Quoique Marie eût consenti à l'immolation de Jésus-Christ, en l'offrant extérieurement à Dieu dans le temple au jour de la Purification, il était nécessaire qu'elle fût présente à son immolation sanglante, soit pour témoigner de nouveau de son consentement, soit pour accomplir les desseins de Dieu, indiqués par la prophétie que lui avait faite le saint vieillard Siméon. Mais cette fois ce n'est plus au temple qu'elle doit se rendre, c'est hors de ce lieu et même hors de la ville sainte. Jérusalem, le siège de la vraie religion, figurait et rappelait aux hommes le paradis terrestre et le ciel, d'où ils se trouvaient exclus par le péché; et comme Adam était mort hors du paradis, que d'ailleurs rien de souillé n'a d'entrée dans le ciel, Jésus-Christ, qui portait sur lui les crimes d'Adam et de tout le monde, devait être immolé hors de l'enceinte de cette ville. Voilà pourquoi, au milieu de la dispersion des apôtres, Marie, inébranlable dans la foi de Jésus-Christ et dans l'estime de sa grandeur, l'accompagne au Calvaire avec saint Jean. Elle se tient auprès de ta croix, et là Jésus , qui au temps de sa vie avait semblé ne reconnaître ni père ni mère, comme lorsqu'on lui dit : Votre mère et vos parents sont là, à sa mort reconnaît publiquement sa Mère en Marie. Du haut de sa croix, la voyant près de lui avec le disciple qu'il aimait, il lui dit ces paroles: Femme, voilà votre Fils; et à saint Jean : Voilà votre mère. Par ces paroles, voilà votre Fils, il semble dire à Marie : « Voilà une personne qui est pure, vierge et sainte, et qui pendant le reste de votre vie mortelle vous représentera quel je suis en vérité, et même quel je serai après ma résurrection, dans ma vie immortelle. Pour cela, la veille de ma mort, j'ai voulu qu'il reposât sur ma poitrine; je l'ai fait héritier de ma vie ressuscitée, que je lui ai communiquée d'avance, ainsi que de mon application intérieure à Dieu; il vous parlera donc continuellement de mes vérités, de mes lumières et de mon amour; et, vous représentant mon extérieur, il suppléera aux accidents du pain dans l'Eucharistie qui vous déroberont mes beautés extérieures. » Comme les paroles de Jésus-Christ produisent ce qu'elles expriment, par celles-ci : Voilà votre Fils, la très-sainte Vierge reçut un coeur de mère pour saint Jean; et par celles-ci : Voilà votre Mère, saint Jean reçut un coeur d'enfant pour Marie, ainsi que le remarquent les docteurs.

Ainsi, après avoir été sur le Calvaire semblable à l'ange confortant Notre-Seigneur au jardin des Oliviers, saint Jean devient l'ange visible de la très-sainte Vierge, dont il doit être le gardien et la protection, après la perte de son fils. En outre ces mêmes paroles , voilà votre fils, renfermaient pour nous un grand mystère, que nous avons à expliquer.

Dieu, voulant réformer le monde et faire une génération nouvelle, avait donné au genre humain un nouvel Adam dans la personne de Jésus-Christ. Or, pour être époux, Notre-Seigneur ne pouvait être seul. Il fallait qu'il eût une compagne, une aide; et comme Adam, dans le paradis terrestre, avait reçu Ève pour épouse, le Fils de Dieu devait recevoir sur le Calvaire l'Église pour la sienne. Toutefois, au temps de la passion du Sauveur, l'Église n'était point parvenue encore à l'âge nubile. Elle devait être d'abord la fille et devenir ensuite l'épouse de Jésus-Christ, comme Ève, figure expresse de l'Église, avait été la fille d'Adam, de qui elle fut tirée, et son épouse tout ensemble. Ainsi Jésus-Christ devait d'abord donner la vie à son Église, et l'ayant formée parfaite, comme Ève l'avait été, en faire aussitôt son épouse, afin de donner par elle des enfants à Dieu.

C'est dans la personne de la très-sainte Vierge que le Fils de Dieu reçoit l'Église pour épouse, car Marie en était le membre le plus auguste, et elle en possédait en éminence toutes les grâces et toutes les perfections, ainsi qu'il a été dit. Aussi sur le Calvaire, comme à Cana, Marie n'apparaît que comme épouse : Femme, voilà votre fils; comme aussi Jésus semble perdre sa qualité de fils, qu'il donne à saint Jean, pour prendre uniquement celle d'époux. Il ne la nomme donc pas sa mère, mais femme, parce qu'il s'adresse à l'Église elle-même dans la personne de Marie, comme, dans celle de saint Jean, il s'adresse à tous les chrétiens. Il faut savoir, en effet, que saint Jean, outre qu'il était à l'égard de Marie le substitut de Jésus-Christ ressuscité, à cause des dons magnifiques qu'il avait reçus à la Cène, figurait de plus tous les enfants que Jésus-Christ devait engendrer avec elle sur la croix, contenant en abrégé toutes les prérogatives de l'Église, en sa qualité de prophète, d'apôtre, d'évangéliste, de martyr, de confesseur, de vierge.

Marie paraît donc au Calvaire auprès de Jésus-Christ comme Ève dans le paradis terrestre auprès d'Adam, pour être la mère des croyants. Mais qu'elle y parait dans une condition différente de celle d'Ève ! Celle-ci se trouvait dans un lieu de délices et de voluptés: le paradis terrestre, le séjour et la couche de l'innocence, où elle était dans l'extase et l'abondance de la joie; au lieu que la nouvelle Ève est mise avec le nouvel Adam, réparateur des pécheurs sur le Calvaire, dont Dieu le Père veut faire le lieu de leurs noces. Il les place dans le lieu des supplices, dans la demeure des criminels, dans un lieu de sang, de douleur et de délaissement, et par conséquent pour y souffrir et y être abîmés dans l'amertume. C'est, en effet, par sa pénitence, par son sang, par sa mort, que Jésus-Christ doit engendrer des enfants à Dieu; et comme il veut que sa sainte Mère participe à ce mystère, qu'il y ait entre elle et lui union parfaite de sentiments et de dispositions, pour tout partage c'est la douleur que Marie reçoit de son Fils, qui lui est donné sur le Calvaire, comme l'homme de douleurs.

Pour comprendre la douleur de Marie, il faut considérer l'excès de celle de Jésus-Christ. Les douleurs les plus accablantes du Sauveur naissaient, non des souffrances corporelles qu'il endurait sur la croix; mais de la vue nette et distincte de la multitude et de la diversité des crimes dont il était chargé, et qu'il devait expier par sa pénitence. Hélas! qui saurait concevoir à quoi s'étend cette douleur! Jésus-Christ était en proie aux peines les plus sensibles qui affligent le coeur, et aux plus mortelles angoisses intérieures qui accablent l'esprit. « Nous l'avons vu, dit Isaïe, comme celui qui avait reçu sur lui les coups, qui portait les marques de la vengeance divine; et il n'y avait rien en son corps depuis la plante des pieds jusqu'à la tête qui fût exempt de maux. »

Et toutefois, quelque grands que fussent ses tourments, ils étaient peu de chose, comparés à l'affliction,que causait à son âme la vue de son Père irrité contre lui. Jésus-Christ tenant la place des pécheurs, et s'exposant en cette qualité à son Père, pour recevoir de lui ce que chacun de nous méritait, il se voyait comme le sujet sur lequel Dieu le Père déchargeait tout son courroux. Quel tourment plus rigoureux que de savoir qu'un père est en colère contre nous, qu'il ne peut plus nous supporter, qu'il ne peut nous souffrir davantage, surtout quand nous avons été longtemps l'objet de son amour, et que nous avons reçu de lui les témoignages d'affection les plus continuels et les plus touchants !

Ce tourment était extrême pour :Jésus, dont l'amour envers son Père n'avait point de bornes. Mais le,voyant justement irrité contre lui, il s'abandonne entre ses mains pour porter tous les effets de sa colère et de sa vengeance, et cherche, dans la tendresse dé sa Mère, ce qu'il ne rencontre plus dans celle de son Père éternel. Hélas ! Marie, qui semblait seule pouvoir le consoler, lui cause une seconde mort par la vue des douleurs qu'elle éprouve elle-même des tourments de son Fils. On dit communément que Jésus-Christ souffrait de très-grandes peines par la présence de sa Mère au Calvaire; je crois qu'intérieurement il supportait avec une joie incroyable ses tourments propres, en voyant qu'ils devaient se changer pour elle-même en repos, en délices et en gloire; mais qu'il souffrait cruellement de la vue de sa Mère, par ressentiment et par rejaillissement de ses douleurs ! Ces douleurs de Marie, chargée de nos péchés, percée par la componction qu'elle ressentait de nos crimes et par la vue de son Fils en proie aux horreurs de la mort, étaient donc autant de glaives qui, sortant de son coeur, allaient traverser celui de Jésus. Le glaive de douleur qui pénétrait le coeur de la Mère faisait, en effet, mille plaies sur celui de son Fils, et les blessures que son amour pour elle lui faisait ressentir dans le fond de l'âme étaient tout autres que celles que lui portaient la haine et la cruauté des bourreaux. Ce contre-coup des douleurs de Marie lui causa une douleur plus grande que toutes les autres douleurs qu'il souffrit dans sa passion, parce que le plus grand amour fait les plus grandes plaies et les peines les plus véhémentes. Ainsi Notre-Seigneur, qui, dans sa passion, a voulu souffrir toutes les peines possibles, a enduré dans cette occasion même les douleurs de cette Mère bien-aimée, qui étaient pour lui les plus sensibles et les plus violentes du monde.

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Message par jaimedieu Ven 3 Avr 2015 - 17:26

Sur le Calvaire, Marie se voit bien différente dé ce qu'elle était à Bethléem, Là, comme Mère de celui qui est l'innocence même, Mère du Saint des saints, elle participait à la gloire que l'on rendait à son Fils; elle prenait part aux adorations des hommes et aux acclamations des anges. Comme la Mère du Juste par essence, elle ne sentait aucun des effets de l'arrêt porté contre les mères des pécheurs. Mais sur le Calvaire, où elle est faite la mère des pécheurs, la mère des criminels, elle enfante dans la douleur et dans les angoisses, et saint Jean est le premier fruit de cette maternité, le premier-né de l'adoption, figure et symbole de tous les enfants de l'Église.

En sa qualité de nouvelle Ève, pendant que le sacrifice universel est offert sur la croix en la personne de Jésus-Christ, la très-sainte Vierge, offrant de son côté pour les hommes cette divine hostie, se sent aussi elle-même chargée de leurs péchés et obligée de satisfaire pour leurs crimes. Elle peut bien dire, en imitant le langage de Noémi : « Ne me regardez plus maintenant comme au jour où je mis au monde mon Fils à a Bethléem, ce paradis de volupté; en engendrant l'auteur de toute sainteté, j'étais alors la mère des saints; mais à présent que je suis la mère des pécheurs, regardez-moi au contraire comme couverte de confusion, comme noyée dans un océan d'amertume et de douleur. »

De son côté Jésus, du haut de la croix, en lui adressant ces paroles : Femme, voilà votre fils, semble lui dire : « Je ne suis pas ici comme à Bethléem, où ma naissance vous donnait tant de joie et de consolation : alors, sortant du sein du Père pour m'unir à votre âme, je portais avec moi ses parfums, ses délices et ses douceurs. Ici que vous enfantez l'Église et que je deviens un Époux de sang pour vous, vous êtes chargée de confusion et de honte, et vous sentez les tranchées des crimes de vos enfants. » Au Calvaire, pour gage précieux de l'amour de son divin Fils, Marie reçoit le glaive de douleur, qui le fait mourir lui-même : la douleur qui perce Jésus perce aussi le coeur de sa sainte Mère. C'est aussi ce que reçoit' l'Église, épouse de Jésus-Christ sur la croix. Comme les sentiments doivent être communs entre les époux, il ne lui donne non plus ici-bas d'autre partage que ses souffrances.

Voilà pourquoi il disait lui-même au premier-né de la très-sainte Vierge, à saint Jean, figure de l'Église: Pouvez-vous boire le calice que je boirai? Vous boirez mon calice, et vous serez baptisé du baptême dont je dois être moi-même baptisé; c'est-à-dire le calice de mes souffrances et le baptême de ma mort et de ma sépulture. C'est là toute la dot qu'il fait ici-bas à son épouse, pour la rendre ensuite participante de sa gloire dans le ciel; ce qui fait dire à saint Pierre, parlant à l'Église: Réjouissez-vous de communier aux souffrances de Jésus-Christ, afin que vous surabondiez de joie au jour de la révélation de sa gloire.

Mais ce n'était pas assez pour nous que sur le Calvaire Marie devînt la mère de tous les coupables, en sa qualité de nouvelle Ève, il fallait encore qu'elle contribuât à nous réconcilier avec Dieu le Père, en détournant de dessus nos têtes les châtiments que
nous méritions, et en attirant sur nous ses bénédictions et ses complaisances.

Nous avons dit que les actions du Sauveur étaient pleines de mystères, et figuraient des choses sublimes : telle fut, en particulier, l'action de Jésus, donnant saint Jean pour Fils à Marie. Ce disciple, image de tous les chrétiens, se trouvait substitué déjà à la place de Jésus-Christ, qui l'avait rempli à la Cène de son propre intérieur et de sa vie divine. Au moment donc où Marie entend prononcer ces paroles : Voilà votre Fils, nous considérant comme substitués à Jésus-Christ dans la personne de saint Jean, elle nous offre tous au Père éternel; et, de son côté, Dieu le Père, qui nous regarde comme ses fils adoptifs, dans la personne de ce disciple, nous comble de ses bénédictions, fulminant sur son propre Fils l'anathème et la malédiction que nous méritions tous pour nos crimes.

Sur le Calvaire, en effet, il ne traite plus Jésus comme son Fils bien-aimé. Le considérant comme criminel à cause de nous, il lui a retiré l'usage sensible de tous les dons qu'il possédait, et de tous ces augustes privilèges qu'il ne devait pas porter sur un gibet. On ne mène point à la mort un fils de France avec ses livrées; on lui ôte auparavant son apanage et toutes les marques de la royauté. Avant de supplicier les prêtres, on les dégrade, on les dépouille extérieurement des insignes d'une si haute dignité, de peur d'en profaner la sainteté au milieu d'un appareil de choses si criminelles.

Ainsi, le Père éternel semble avoir dégradé notre Sauveur et lui avoir ôté ses marques augustes de Fils de Dieu, quoique le fond de sa dignité ne lui soit point ôté, non plus que le caractère à un prêtre; c'est-à-dire que Jésus-Christ recevant sur lui les châtiments qui nous étaient dus, le Père éternel lui retire les biens et les dons si magnifiques dont il avait comblé la partie inférieure de son âme, et qui ne devaient pas être le partage des pécheurs auxquels Jésus-Christ était alors substitué.

Si Notre-Seigneur se punit lui-même dans toute l'étendue de son zèle, comme tenant la place d'Adam et de sa postérité, qui a perverti toute sa voie; s'il se fait, à notre place, objet de malédiction à l'égard de son Père, c'est afin de nous revêtir de son innocence, comme d'autres Jacob, et d'attirer sur nous la bénédiction qui lui était due comme Fils de Dieu. Voilà donc pourquoi, à l'heure de son agonie, il donne pour fils à sa sainte Mère ce même disciple transformé en lui; et nous substituant tous à sa propre place dans la personne de saint Jean, il dit à Marie: Femme, voilà votre Fils. Il ne la nomme plus sa Mère, ayant transféré sa qualité de Fils à saint Jean, comme s'il lui répugnait, vu l'état si déplorable, si malheureux, si plein d'ignominie où il se trouve, de l'appeler la Mère d'un pendu.

Alors fut réalisée la figure de la substitution de Jacob à Ésaü, son -frère aîné, procurée par les industries de Rebecca, leur mère. Isaac était le symbole de Dieu le Père, et Rebecca, née au milieu de la Gentilité, représentait la très-sainte Vierge, issue d'Adam pécheur, quoique non comprise dans la malédiction, et qui devait être Mère de Jésus-Christ et de l'Église tout ensemble, signifiées par Ésaü et Jacob.

Au Calvaire,. Marie accomplit en notre faveur cette figure, nous substituant nous-mêmes dans la personne de saint Jean à son Fils premier-né; et nous revêtant dans ce moment des mérites de Jésus-Christ, elle nous présente à Dieu le Père, ainsi que Rebecca couvrit Jacob des habits précieux d'Ésaü. Il est expressément marqué dans l'Écriture que Rebecca avait les habits d'Ésaü en sa garde : c'est que les mérites de Jésus-Christ, notre aîné, sont confiés à la très-sainte Vierge, sa Mère et la nôtre, qui est la dépositaire de ses richesses et de ses trésors; et que, par la cession que Jésus-Christ lui a faite de tous ses droits sur ses mérites infinis, elle en devient la maîtresse et en dispose en notre faveur.

Alors Dieu le Père, à qui Marie nous présente ainsi revêtus de Jésus-Christ, nous prenant pour son propre Fils, l'objet de ses complaisances, nous bénit dans la personne de saint Jean, qui devient le sujet de la bénédiction de tout le monde. C'est Isaac qui, en bénissant Jacob son fils puîné, bénit en lui les douze tribus, c'est-à-dire toute l'Église, et qui n'a plus de bénédiction pour son fils aîné.

Ou plutôt, Dieu le Père le voyant chargé de nos péchés, et étant alors son juge, ne le regarde plus comme un fils, comme un fils unique et bien-aimé, il le traite comme un étranger, comme un criminel, qui a commis lui seul les péchés les plus abominables du monde, et fait tomber sur lui toutes les injures, toutes les malédictions, tous les rebuts, tous les mépris, tous les pécheurs mauvais traitements que méritaient tous les pécheurs ensemble. Dieu le Père ne semble plus connaître Jésus-Christ, son aîné. il le traite avec la même rigueur que si c'eût été nous-mêmes, l’accablant de châtiments, le chargeant de supplices, et punissant en lui notre péché dans toute la rigueur de sa vengeance et de son courroux. Dans cette extrémité, Jésus-Christ voyant la colère et la fureur de Dieu ainsi allumées sur lui, se sert de ce qui lui reste de voix pour lui dire: Eh! mon Dieu! mon Dieu! vous m'avez donc délaissé. C'est ce qui le met aux derniers excès de la douleur, le noie dans les larmes, et le fait s'écrier à son Père avec de puissantes clameurs.

C'est donc l'amour de Marie pour les hommes qui la conduit au Calvaire. Aussi quelle constance ne fait-elle pas paraître ! Pour exprimer la force de son cœur et la fermeté de son âme dans la tribulation de la croix, l'Écriture sainte nous marque qu'elle était debout : La Mère de Jésus était debout à côté de la croix. Agar, voyant son fils aux abois, le délaisse; elle dit qu'elle n'a pas le courage de le voir expirer, et a besoin d'un ange qui la ramène à lui, et Marie voyant son Fils sur la croix, souffrir intérieurement et extérieurement, voyant allumées contre lui la colère de Dieu et sa fureur, ce qui était pour elle un coup d'épée qui lui perçait le coeur de part en part, elle assiste courageusement et le sacrifie pour le salut du monde.

La force de la vertu divine en Marie est en proportion avec celle de Jésus-Christ. Elle montre plus de force .de Dieu en elle qu'il n'en a jamais paru dans toutes les créatures. Elle porte les tentations, les peines, les tribulations et les langueurs qui l'accablent de toutes parts sans faire paraître aucune sorte d'infirmité ou ces faiblesses ordinaires qui abattent le corps. Généreuse, forte et vigoureuse, malgré l'accablement des douleurs de son Fils, elle l'offre pour nous à Dieu en sacrifice, comme une mère pleine de compassion et d'amour pour ses enfants. Alors que tous les apôtres l'ont abandonné, hormis saint Jean, elle qui n'a jamais manqué de foi pour confesser le saint nom de son Fils et pour le publier le Messie, paraît ici comme la reine de Confesseurs et la reine des Martyrs; et c'est avec beaucoup de raison que l'Église lui applique en cette circonstance les paroles de l'Ecclésiastique : Comme un cyprès j'ai été élevée sur la montagne de Sion. Le cyprès est l'image de la mort, parce que, une fois coupé, il ne repousse plus; et, pour cela, on s'en servait autrefois dans les funérailles, et on l'attachait même à la maison des morts. Sur le Calvaire, cette Mère de douleur, se tenant debout, était là comme un cyprès attaché à la maison, c'est-à-dire à l'humanité de son divin Fils, et y servait d'ornement pour signaler ses funérailles.

C'est ainsi que par sa charité, Marie, en sa qualité
de nouvelle Ève, contribue à la naissance de l'Église que Jésus-Christ engendre sur la croix. La fin qu'il s'était proposée dans son Incarnation était de s'associer tous les peuples de la terre qui adoraient chacun à part quelque fausse divinité, et de ne faire qu'un seul cœur du sien propre et de tous les autres coeurs, afin de louer et de glorifier son Père dans l'unité d'un même esprit qui est le sien. Car l'Église n'est que la diffusion de la religion du cœur de Jésus-Christ; elle est son supplément, l'explication et l'exposition des sentiments renfermés dans son coeur, l'expression des devoirs qu'il rend à Dieu son Père. Aussi sur la croix était-elle. censée comprise et reposer dans son coeur, comme Ève au côté d'Adam avant qu'elle fût créée. Cette unité d'esprit avec lui était l'objet de son travail en croix, et c'est ce qui lui fait verser la dernière goutte de sang qui lui reste.

Ce sang le plus cher, le plus précieux de son corps, qui avait maintenu sa vie jusqu'au moment où il expira; ce sang, que quelques-uns disent qu'il avait gardé depuis son Incarnation, le même qu'il tira du sein de Marie, il le verse sur la croix comme la chose la plus chère qui lui restât pour mériter de ramener à Dieu, dans une même foi et un même amour toutes les nations de la terre.

L'eau et le sang sorti de son côté signifièrent, en effet, qu'il répandrait la religion de son cœur par les sacrements spécialement par le Baptême et l'Eucharistie, qui sont le commencement et la consommation de la religion de Jésus-Christ ; celui qui est baptisé commence à vivre de la vie de jésus, et celui qui communie à son corps et à son sang est dans la consommation de cette vie. Comme donc ces deux sacrements servent à Jésus-Christ pour engendrer et pour nourrir son Église, et qu'ils furent figurés par l'eau et le sang, sortis de son. côté, les Pères disent qu'il engendra l'Église elle-même sur la croix par cette ouverture; ce qui avait été exprimé d'avance dans la personne d'Adam ravi en extase, lorsque Dieu lui tira, d'auprès du coeur, une partie de lui-même pour lui en former une aide semblable à lui, Ève figure de l'Église.
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Message par jaimedieu Ven 3 Avr 2015 - 17:33

RÉFLEXIONS PRATIQUES

Quelle reconnaissance ne devez-vous pas à Marie pour l'amour qu'elle vous a témoigné en endurant tant de tourments, afin de donner la vie à votre âme! Il est vrai que Jésus-Christ, père du siècle futur, est seul la source de notre vie; mais ne pensez pas que vous puissiez pour cela vous dispenser de donner aussi à Marie des témoignages de sincère reconnaissance pour le bienfait de votre régénération? Par la volonté de Dieu, elle a été associée à Jésus-Christ, nouvel Adam, afin qu'elle contribuât de sa part à votre naissance spirituelle, en l'offrant elle-même et en s'offrant aussi de son côté avec lui comme hostie pour votre salut. Dans l'ordre naturel, vous êtes redevable de votre naissance à votre mère comme à votre père; ainsi en a-t-il été de votre régénération. C'est pourquoi le Sage, après avoir dit: Honorez votre père, ajoute aussitôt, en parlant mystérieusement de Marie : Et n'oubliez pas les gémissements de votre mère; souvenez-vous que sans eux vous ne seriez pas né.

Votre mère, selon la chair, s'est sans doute acquis des droits à votre reconnaissance par les douleurs qu'elle a endurées pour vous; mais ces douleurs, quelque violentes qu'elles aient pu être; n'ont été qu'une figure et une ombre légère de celles que Marie a souffertes, par amour pour vous, au pied de la croix.

Pour vous mériter le pardon de vos péchés, il a fallu que Jésus-Christ les connût, qu'il les confessât et les détestât intérieurement devant son Père, et qu'enfin il s'abandonnât à la rigueur de sa justice, afin de recevoir sur lui les châtiments qui auraient dû tomber sur vous; et c'est aussi ce que Marie a fait de son côté dans l'oeuvre de votre réconciliation. De quelle douleur n'a-t-elle pas été accablée à la pensée de tant de fautes que son Fils avait à expier ! Pour la comprendre, il faudrait sonder la profondeur de sa charité, celle de sa sainteté incomparable, la connaissance qu'elle avait de la grandeur de Dieu que le péché outrage, et de la bassesse de la créature qui ose bien se révolter contre cette adorable Majesté.

Si l'on a vu de saintes âmes verser de torrents de larmes, exercer sur leur corps d'affreuses pénitences pour des fautes très-légères, à cause de la vivacité de leur amour pour Dieu, quelle idée pourrons-nous donc nous former de la componction et de la douleur de Marie, élevée à la sainteté la plus éminente qui puisse être après celle de Dieu !

Pour nous donner quelque idée de la douleur de Marie, le Saint-Esprit, par l'organe du saint vieillard Siméon, l'a comparée à celle qu'eût pu produire un coup d'épée, qui eût percé d'outre en outre le coeur de cette divine Mère. Mais cette comparaison, prise des choses sensibles, est plutôt pour aider votre imagination que pour vous donner la mesure exacte des tourments qu'elle a endurés : jamais vous ne les connaîtrez. L'Église, comme pour expliquer et commenter les paroles du saint vieillard Siméon, représente Marie le coeur percé de sept glaives. Par ce nombre de sept, qui est mystérieux, elle veut dire que cette divine Mère a souffert pour expier tous les péchés sans exception, qu'on rapporte ordinairement à sept, appelés capitaux, parce qu'ils sont la source de tous les autres; et c'est ce qui lui fait justement appliquer ces paroles : O vous qui passez par le chemin, venez et considérez s'il est une douleur comparable à la mienne; et encore ces autres paroles Votre contrition est vaste comme la mer.

Savez-vous quelle était la considération qui soutenait Marie au milieu des ces angoisses inexprimables, et qui les lui faisait endurer pour votre amour avec tant de constance et de générosité? La pensée qu'un jour vous la dédommageriez en vous appropriant sa propre pénitence, c'est-à-dire en recevant dans votre coeur ces sentiments d'humiliation, de componction et d'abandon à la justice divine auxquels elle se livrait alors pour vous.

Ah ! si vous avez eu le bonheur de vous humilier devant Dieu et d'être touché du véritable esprit de pénitence, c'est à Marie, l'avocate des pécheurs, que vous le devez. C'est elle qui, par le grand désir qu'elle a de votre salut, a communiqué à votre âme les sentiments qu'elle avait conçus dans son coeur pour vous aider à pleurer, à détester et à expier toutes vos offenses. Sa pénitence, si agréable à Dieu et si puissante sur son coeur, est, en effet, un immense trésor qu'elle est ravie de mettre à notre disposition pour subvenir à nos nécessités. Aussi n'avez-vous jamais reçu le sacrement de Pénitence, qu'en même temps l'Église ne vous ait fait une application spéciale, non-seulement des mérites de la passion de Notre-Seigneur, mais encore de ceux que la très-sainte Vierge a acquis pour vous.

Ouvrez donc votre coeur à Marie, et priez-la de le remplir de ces saintes dispositions d'humiliation, de componction et d'abandon de tout vous-même à la justice divine. Entrez dans ces sentiments toutes les fois que, récitant : Je confesse à Dieu, vous arrivez à ces paroles : La bienheureuse Marie toujours vierge; mais spécialement lorsque vous approchez du saint Tribunal ou que voue recevez l'absolution.

Rappelez-vous dans ce moment que, si Jésus-Christ est la source de toute vraie pénitence, Marie est le canal qui en amène les eaux jusqu'à nous. Recourez donc à elle comme à une fontaine intarissable et vivifiante, c'est-à-dire unissez-vous intimement à Marie, désirant d'être,pénétré de ses sentiments intérieurs, d'attirer en vous son esprit pénitent, et d'être tout transformé en lui-même. Par là, vous consolerez le coeur de cette tendre Mère, vous réjouirez celui de Dieu, et vous sentirez s'augmenter dans le vôtre la confiance et l'amour, toujours inséparables d'une âme qui a le bonheur d'être en paix avec Dieu et avec soi-même.

Considérez l'amour que Marie vous a témoigné sur le Calvaire, en substituant Jésus à votre place pour l'exposer à tous les traits de la justice de son Père qui n'auraient dû tomber que sur vous. Vit-on jamais une mère sacrifier son propre fils par amour pour un enfant étranger? Marie seule en est venue à cet excès. Quoique vous fussiez alors un étranger pour elle et de plus l'enfant du démon, et par conséquent l'ennemi de Dieu et de Marie elle-même, elle n'a pas hésité à livrer à la justice divine son Fils unique, l'objet de ses complaisances, pour vous acquérir à ce prix comme son enfant d'adoption. Eussiez-vous pensé qu'elle pût avoir pour vous une telle prédilection? Y aura-t-il jamais rien de comparable?

En vérité, son amour pour vous ne saurait être comparé qu'à celui du Père éternel; mais cette comparaison est juste, puisque si Jésus est le Fils de Dieu le Père, il est également le Fils de Marie, sa véritable Mère selon la chair. Il faut donc dire d'elle, comme du Père éternel, qu'elle vous a aimé jusqu'à donner pour vous son Fils unique; qu'elle n'a pas épargné son propre Fils, et l'a livré pour vous à la mort.

En le sacrifiant ainsi, elle vous a montré qu'elle vous aimait mille fois plus qu'elle-même. N'est-il pas certain que par l'amour incompréhensible qu'elle portait à Jésus, Marie aurait été ravie de donner sa propre vie des milliers et des millions de fois pour lui si elle l'eût pu? Si donc elle a livré ce même Fils à la justice divine pour vous procurer le salut, un pareil excès d'amour vous dit assez hautement que pour vous elle se serait livrée à la mort mille fois elle-même; peut-il y avoir rien de plus incompréhensible? Jugez par là de l'estime qu'elle fait de vous, et si elle est jalouse de posséder votre coeur tout entier.

Que pouvez-vous lui refuser après un pareil sacrifice? N'est-il pas vrai que la moindre réserve ne pourrait manquer de blesser et d'affliger la générosité, la grandeur et la délicatesse de son amour? Prenez donc la résolution de ne lui rien refuser de ce que vous savez qu'elle demande de vous, dans l'état où elle vous a placé, et de désirer toujours de faire toutes vos actions par amour pour elle.

Par là, vous serez assuré de n'agir que pour le pur amour de Jésus, à qui elle serait ravie de donner et de consacrer tous les coeurs. C'est le seul moyen que vous ayez pour la dédommager du sacrifice qu'elle a fait sur-le Calvaire; c'était la seule espérance qui pût la soutenir debout au pied de la Croix, et c'est le seul retour qu'elle attend de votre coeur s'il est reconnaissant et sensible.

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Message par jaimedieu Dim 5 Avr 2015 - 14:41

MYSTÈRE DE LA RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR

Le Fils de Dieu, en se faisant homme, avait pris non un corps glorieux, comme il convenait au Fils unique du Père, mais un corps passible, dans lequel il pût endurer la mort pour les pécheurs. Il avait donc souffert un grand déchet de sa condition de Fils de Dieu; et de même la très-sainte Vierge, sa Mère, sembla déchoir de la condition de Mère du Fils de Dieu en lui donnant naissance dans l'infirmité de notre chair.

Car, quoique Jésus-Christ dût naître d'une Vierge issue d'Adam afin qu'il eût une chair en ressemblance de celle du péché, Marie, en lui donnant cette naissance, était véritablement devenue la mère du Fils éternel du Père. Ce qui naîtra de vous, lui avait dit l'Ange, sera le Fils de Dieu, par conséquent Dieu lui-même égal au Père en toutes choses. Elle avait donc partagé l'abaissement de son Fils en l'engendrant dans la chair infirme et mortelle.

D'ailleurs Marie, conçue dans la justice originelle, n'aurait pas dû, non plus qu'Ève innocente, engendrer un homme mortel. C'est pourquoi Dieu le Père, qui ne souffre point que. son Fils bien-aimé perde rien pour son amour, a résolu de lui rendre sa gloire avec usure au jour de sa Résurrection et dans celui de son Ascension; pareillement, pour réparer la perte que la très-sainte Vierge a soufferte, il veut qu'après avoir paru, en Jésus-Christ, mère du fils de l'homme, elle paraisse aussi la Mère du Dieu de gloire.

C'était par ses souffrances, et en endurant tous les tourments réservés aux pécheurs, que Notre-Seigneur devait entrer dans cette gloire extérieure; et Marie, de son côté, avait dû acquérir la maternité du Dieu de gloire par les douleurs que ressentent les mères des criminels; ce fut une des raisons du martyre violent qu'elle ressentit au Calvaire. Elle ne subit pas ce martyre à cause de la conception de Jésus-Christ, qui fut le principe de sa vie, ni pour sa naissance à Bethléem ; elle ne devait pas non plus le souffrir précisément dans sa naissance à la gloire, qui sera sa résurrection; mais seulement dans sa mort, qui est la peine du péché et par laquelle il devait entrer dans sa gloire.

Car alors Jésus-Christ sur un gibet, comme un pauvre pécheur couvert de tous les crimes du monde, devait trouver dans sa mort ignominieuse le principe de sa glorification, et dans son tombeau le sein de sa conception à la résurrection; en un mot, c'était de cet état d'ignominie qu'il devait sortir pour, entrer dans sa gloire. C'est pourquoi, au jour de la mort de Jésus, Marie, en participant aux sentiments de son Fils en croix, en recevant cette blessure mortelle qui perce son âme, en partageant les souffrances, les ignominies et le martyre de la croix de Jésus-Christ, acquiert par avance et mérite aussitôt la maternité du Dieu de gloire. Comme donc le tombeau, image de Marie, devait être le lieu effectif dans lequel Dieu le Père allait engendrer son Fils en gloire, il voulut que ce tombeau fût tout neuf, en figure de la très-sainte Vierge, cette terre neuve et innocente qui avait été le sépulcre vivant de Jésus-Christ en sa sainte conception ; et parce que Dieu devait glorifier son Fils dans le tombeau, image de Marie, Isaïe avait dit, en figure de la gloire de cette divine Mère, que son sépulcre semait glorieux à cause de la gloire de Jésus-Christ.

Dans les sacrifices de l'ancienne loi, l'hostie ayant été immolée et placée sur l'autel, elle attendait sa clarification, c'est-à-dire cette lueur dans laquelle elle entrait, lorsqu'elle passait dans la nature et la lumière du feu qui la consumait sur l'autel même. Ainsi, après que Notre-Seigneur eut été immolé sur la croix, il fut mis dans le tombeau; et là, comme l'hostie sur l'autel, il attendait que le feu divin, c'est-à-dire que Dieu le Père descendît dans le sépulcre pour faire passer son hostie dans sa nature de lumière et de gloire. il est vrai que le Verbe, ayant épousé la sainte humanité par l'Incarnation, s'était lié à elle d'un lien indissoluble, qui ne fut pas interrompu par la mort; et qu'au tombeau la divinité du Verbe était cachée dans son corps sacré sans cesser d'être unie à son âme, quoique l'âme fût alors séparée du corps.

Il est vrai encore que Dieu le Fils devait se ressusciter lui-même par sa divinité, ou plutôt être réveillé du tombeau par l'action des trois personnes divines; mais c'était la puissance du Père qui devait le rappeler de la mort à la vie de la gloire; car si la puissance du Fils est la même que celle du Père, elle est originaire et émanant du Père.

C'est donc selon les desseins de Dieu le Père que toutes choses dans son Fils, et hors de son Fils, s'exécutent et s'accomplissent. Dieu le Père, usant donc de sa puissance, réunit au corps de Jésus-Christ son âme qui. en était séparée; et, se rendant principe de vie en l'âme, il anima par elle le corps. Car l'âme n'est ici qu'un simple instrument, l'instrument de la vie que Dieu voulait donner à ce corps, savoir: une vie immortelle et glorieuse-, une vie divine, laquelle ne peut être trouvée qu'en Dieu et opérée par lui seul. Aussi Dieu le Père dit-il lui-même à Jésus-Christ au jour de sa résurrection : Vous êtes mon Fils, aujourd'hui je vous ai engendré.

Pensant à ce mystère, il me semblait voir le Père embrassant son Fils encore tout étendu dans le tombeau, l'environnant de gloire, le prenant dans ses bras, le portant dans son sein, rejoignant et reliant le corps et l'âme, les pressant sur sa poitrine, les réchauffant dans le sein de sa gloire. Je le voyais consommant ce qui en Jésus-Christ était de son état infirme, lui donnant, dans les entrailles du tombeau, une vie de gloire à la place de la vie d'infirmité et de corruption qu'il avait reçue de David; enfin le faisant passer de l'état d'hostie pour le péché en celui d'hostie de louange, par une clarification de la chair et de l'âme de Jésus-Christ, qui fut solide, véritable, réelle et substantielle.

Isaïe, parlant de la résurrection du Sauveur, disait: Qui racontera sa génération.? parce que sur la terre sa vie lui sera ôtée; c'est-à-dire qui parlera de cette génération qui lui sera rendue après qu'on lui aura ôté sa vie sur la terrer? Je ne puis pénétrer, je ne puis qu'adorer les secrets de la génération temporelle de Jésus en gloire. Je ne puis concevoir ses grandeurs. J'adore ce qui se passe dans ce tombeau, si glorieux et si magnifique. J'adore cette mutation adorable de vie; j'adore ce changement du corps de mon Sauveur; j'adore la communication que le Père lui fait de cette vie nouvelle, et cette ressemblance, ce rapport qui se trouve entre Jésus et le Père éternel.

En le ressuscitant ainsi, Dieu le Père, qui est le premier fond et l'origine de toute miséricorde, de toute grâce, de tout don, lui donne le droit de communiquer sa vie nouvelle au monde, en récompense de ce qu'il a sacrifié sa vie temporelle pour lui; et, selon la prophétie d'Isaïe, il l'établit, au jour de sa résurrection, Père du siècle futur. Il avait communiqué au premier Adam, la fécondité naturelle, il donne la fécondité spirituelle au second; c'est-à-dire un esprit vivifiant, une vie féconde pour être distribuée aux autres hommes, qui voudront vivre divinement. Comme il avait formé le premier à l'âge de trente ans, et l'avait créé parfait soit en science pour régir le monde, soit en puissance pour l'engendrer, il ressuscite son Fils parfait, à l'âge même qu'il était mort; il le ressuscite tout rempli de splendeur et de puissance, pour la sanctification, la conduite et la glorification de son Église.

Au moment de sa résurrection, Jésus-Christ, tout pénétré de la divinité, tout brillant de la clarté et de la splendeur de son Père, tout rempli de ses sentiments mêmes et de ses inclinations, s'unit à la très-sainte Vierge en sa splendeur divine, et se porte à elle par l'amour même de Dieu son Père pour elle, comme vers le plus bel objet qui fut jamais après Dieu. Il. demeure en elle, et elle en lui; et comme, dans sa résurrection, il est revêtu des titres d'honneur les plus magnifiques, que son Père lui donne en récompense de ses ignominies et de sa mort, Jésus, épris des beautés et des perfections divines qui éclatent dans sa Mère, et de l'amour qu'elle lui a témoigné dans sa Passion, veut qu'elle entre elle-même en participation de son triomphe et de sa gloire.

Aussi témoigne-t-il à sa Mère l'amour immense qu'il lui porte. Comme Père du siècle futur, il se lie d'inclination à elle et devient avec elle, pour tout le corps de l'Église, un principe de divine génération. Ainsi, ayant reçu de Dieu, dans sa résurrection, d'avoir en soi la vie pour la donner à tous les hommes et les justifier par le fond de la justice divine qui est en lui, il prend pour son aide la très-sainte Vierge, comme une nouvelle Ève; et, en même temps, il la met en communion de tout ce qu'il a reçu de son Père, pour la rendre Mère des vivants.

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Message par jaimedieu Dim 5 Avr 2015 - 14:48

O grand Dieu ! quels inexplicables secrets sont renfermés dans ce divin mystère de l'union du Fils de Dieu avec sa sainte Mère ! quelle communication intime, quelle donation de ce qu'il est et de ce qu'il possède ne lui fait-il pas au jour de sa résurrection ! O merveille des merveilles ! tout ce que Jésus-Christ opèrera, depuis le moment de la formation de l'Église jusqu'au jour du jugement, il l'a formé dans sa Mère, et plus parfaitement, plus hautement, plus saintement, plus divinement qu'il ne l'aura formé dans toute l'étendue des chrétiens, dans tout le cours des siècles! Je ne m'étonne pas si saint Jean a entendu, mieux que personne, le saint et glorieux mystère de l'Église de Dieu, puisqu'il avait toujours devant soi la très-sainte Vierge, en qui il voyait toute l'Église abrégée et renfermée. Il voyait cette divine Mère plus belle, plus resplendissante, plus éclatante mille fois que tout ce qu'il a vu en cette femme revêtue du soleil, qui est la forme et la figure de l'Église, et qui, auprès de Marie, n'a en soi que de faibles communications du Soleil de justice.

Oui, tout ce qui paraît dans l'Église est petit en comparaison de l'éminente participation que Jésus-Christ donne de soi-même à sa sainte Mère. Il sera en elle non-seulement sept fois plus resplendissant que le soleil, comme il est dit des justes, mais il sera septante fois sept fois plus éclatant, plus beau dans l'âme de Marie que dans tous les justes ensemble; et cela, parce qu'elle s'est livrée et abandonnée à lui sans réserve, sans mesure, sans retour et sans règle, et qu'elle a voulu partager les ignominies et les douleurs de sa Passion. O chère et sur-aimable princesse! vous étiez la Mère de Jésus infirme dans l'Incarnation; aujourd'hui, par la Résurrection, vous êtes la Mère et l’Épouse de Jésus en gloire, et sans rien perdre de l'alliance que vous avez avec le Père éternel, et de vos droits en qualité de son Épouse recouvrant un Fils plein de gloire, vous le recevez pour votre Époux et devenez ainsi, en Dieu le Père et en son Fils, la dispensatrice de leurs trésors envers toutes les créatures.

RÉFLEXIONS PRATIQUES

1° En contemplant, par la foi, les grandeurs et la béatitude de Marie au saint jour de la résurrection de son Fils, entrez dans les sentiments d'une joie vive, pure et surnaturelle. Cette joie n'a' rien qui dissipe l'esprit, rien qui altère la pureté du coeur; tout au contraire, elle nous unit plus intimement à Dieu et augmente en nous son saint amour. C'est qu'elle prend sa source en Dieu même; qu'elle a pour objet l'espérance de partager un jour la gloire de Jésus; et qu'enfin elle n'est qu'une participation de la joie même de Marie.

Unissez-vous donc à cette divine Mère, et avec elle remerciez Jésus-Christ de l'avoir fait participer à tous les titres d'honneur qu'il a reçus dans sa Résurrection, et qu'il pouvait lui communiquer. Bénissez-le spécialement pour la participation qu'il lui a donnée à son titre de Père du siècle futur, en l'établissant la véritable mère de tous ceux qui vivront de la vie divine, qu'il ne veut donner que par elle, dans toute la suite des générations.

Félicitez Marie de son bonheur, réjouissez-vous avec elle de l'accomplissement de ce grand et auguste mystère, à imitation de l'Église, qui, pendant tout le temps pascal, ne se lasse pas de la féliciter et de se réjouir elle-même par le chant du Regina coeli, loetare, Alleluia!

2° Jésus-Christ ne ressuscita Lazare qu'après que Marthe et Madeleine, ses soeurs, l'en eurent supplié avec larmes : il veut qu'à votre tour vous demandiez à Marie la résurrection de tant de morts, encore ensevelis dans le tombeau du péché. Ils sont ses enfants; sa joie ne sera complète que lorsqu'elle. les verra rendus à la vie. Il sont vos frères et vos soeurs en Jésus-Christ: soyez donc touché de compassion sur leur sort; et vous adressant à Marie, notre commune mère, dites-lui, avec la confiance parfaite que doivent vous inspirer sa puissance auprès de Dieu et sa bonté sans bornes pour les hommes : « Sainte Mère de Dieu, rompez les chaînes des coupables, donnez la lumière aux aveugles, éloignez d'eux tous les maux, demandez pour eux tous les biens. » A vos prières, joignez vos bonnes oeuvres, surtout de sages et prudents conseils pour éclairer leurs esprits, et de saints exemples pour toucher leur coeur.

3° Enfin, si vous ôtes retenu vous-même dans les liens funestes de la tiédeur, dont il est si difficile de se défendre entièrement, conjurez-la de vous en délivrer et de vous faire entrer dans la voie parfaite. Il est vrai que, pour être du nombre des tièdes, vous n'êtes pas privé pour cela de la vie de Dieu; mais, en vous, cette vie est languissante. C'est pourquoi, à l'imitation de Marthe et de Madeleine, dites à la très-sainte Vierge, en lui exposant votre état: « Celui que vous aimez est malade, ayez compassion de lui; vous pouvez le guérir, si vous le voulez. » Surtout, faites tous vos efforts pour sortir de l'état de tiédeur, en rompant généreusement les petites attaches qui vous ont retenu et embarrassé jusqu'ici. La joie de Marie, c'est de voir son divin Fils servi par des âmes ferventes, qui ne mettent volontairement aucune borne à leur perfection. Réjouissez donc le coeur de cette divine Mère, en lui promettant de vous déclarer enfin pour le parti de la ferveur, et, ce qui est l'essentiel, en vous montrant fidèle à exécuter vos promesses. Ce sera alors que, lui adressant ces paroles de félicitation : Reine du Ciel, réjouissez-vous, vous pourrez ajouter avec confiance et dire de vous-même, aussi bien que du Sauveur : Parce que Celui que vous avez porté est ressuscité comme il l'avait dit, Alleluia !

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Message par jaimedieu Dim 26 Avr 2015 - 4:18

Qui est Saint Paul ?

Sait-on à quand remonte exactement la naissance de saint Paul ?


Non. L’Année saint Paul que nous célébrons cette année est fondée sur une hypothèse traditionnelle selon laquelle Paul serait né aux alentours de l’An 8 après J.C. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse. Du reste on ne sait pas non plus à quand remonte précisément la naissance du Christ. Selon moi, Paul avait l’âge de Jésus.

Où est-il né ?

A Tarse, la capitale de la Cilicie, de parents juifs pharisiens. Les « Actes des Apôtres » disent que c’était un citoyen de Rome, et lui dit qu’il l’était depuis sa naissance. C’est pourquoi à côté de son nom juif Saul figure aussi son nom romain Paul.

Sa famille était-elle une famille aisée ?

Dans une de ses lettres, Paul dit qu’il gagnait sa vie en construisant des tentes. En général, les enfants apprenaient le métier de leur père. On suppose donc que le père de Paul faisait ce métier. C’était un métier usuel, du peuple, qui permettait de vivre et de subvenir aux besoins de sa famille, rien de plus.

Quelle sorte d’éducation avait-il reçu dans sa famille ?

Les parents de Paul étaient des juifs de la diaspora, autrement dit des juifs qui, pour fuir des persécutions ou pour d’autres raisons, avaient émigré loin de leur terre, mais étaient restés fidèles à leurs traditions. Paul était circoncis. Il a été élevé et instruit dans l’observance de la loi de Moïse. Mais Tarse étant une ville « cosmopolite », lorsqu’il sortait de chez lui, il respirait un climat hellénique et ouvert à différentes cultures. En famille, il parlait l’hébreux et l’araméen, mais à l’extérieur de chez lui il parlait le grec. Il a donc grandi avec une mentalité ouverte. Au moins jusqu’à 12-13 ans.

Et après ?

Plus ou moins à cet âge il est parti pour Jérusalem, se consacrant totalement à l’étude de la Torah, auprès de rabbi Gamaliel l’Ancien, un rabbin de renom. A partir de ce moment-là son intérêt intellectuel tournera exclusivement autour de la loi juive et de la culture israélite.

Dans les écrits de Paul, ou de ses contemporains, trouve-t-on des allusions ou des éléments utiles qui permettent de nous faire comprendre à quoi il ressemblait physiquement ?

Nous avons une description physique de Paul qui revient souvent. On dit qu’il était de petite taille, gros, les jambes arquées, les sourcils unis, mais qu’il ressemblait néanmoins à un ange. Mais cette description date de la fin du deuxième siècle. L’iconographie traditionnelle le présente sous les traits d’un homme barbu, chauve, selon l’image imposée qu’il fallait donner aux philosophes après le 3ème siècle. Dans sa seconde lettre aux Corinthiens, Paul dit « ne pas savoir parler », certains supposent alors qu’il bégayait. Dans sa lettre aux Galates, il dit : « Vous vous seriez arrachés les yeux pour me les donner », certains ont alors pensé qu’il avait des problèmes de vue.

Je pense quant à moi que ces phrases doivent être comprises dans un sens métaphorique. Nous savons qu’il a rencontré beaucoup de difficultés dans sa vie : les veilles, les jeûnes, le froid , trois naufrages, des milliers de kilomètres parcourus à pied, il a été lapidé, fouetté cinq fois par les juifs, trois fois par les romains, fait prisonnier pendant de longues périodes. Tout cela laisse supposer qu’il avait un physique exceptionnel, une volonté de fer et une capacité d’adaptation extraordinaire.

Est-il possible de dire à partir de ses Lettres quel était son tempérament ?

Le fait d’avoir été un persécuteur aussi acharné contre la communauté chrétienne avant ce qui lui est arrivé sur la route de Damas, en dit long sur son tempérament fougueux. Il s’était rendu compte que la figure du Christ pouvait mettre en crise certains éléments constitutifs du judaïsme, et il persécutait donc de manière forte et dure les chrétiens. On pourrait le comparer à un « taliban » de l’époque. Puis il y a eu Damas, et vint le grand changement.

Il a continué à avoir un caractère fort, qui pouvait s’exprimer sous des tons très rudes, durs, mais qu’il ponctuait souvent d’intonations affectueuses, douces, gentilles, presque féminines. Lui-même se comparait à un père mais aussi à une mère. Sa psychologie est une psychologie complexe, à multiples facettes, très riche.

Dans sa « Lettre aux Romains » il dit clairement qu’il faut accueillir tout le monde, s’entendre avec tout le monde, accepter aussi ceux qui pensent différemment : il y a de l’irénisme, un sens de l’accueil, de la réciprocité, qui est vraiment évangélique.

Qu’a fait Paul après sa conversion sur la route de Damas ?

Il a passé trois ans de sa vie à méditer dans le désert, puis il est allé à Jérusalem pour rencontrer les apôtres et la communauté chrétienne, puis à Antioche, où il a reçu officiellement l’ordre de diffuser l’Évangile. Antioche de Syrie a été une ville très importante dans l’histoire du christianisme, car c’est dans cette ville que l’Évangile a été annoncé pour la première fois aux païens. Jésus n’a jamais prêché aux païens. Il a prêché uniquement aux juifs, de même que les apôtres au début. C’est à Antioche qu’a eu lieu le grand tournant. Et c’est de là que Paul est parti pour son premier voyage apostolique.

On dit que, pendant ce premier voyage, il s’était disputé avec les autres apôtres ... est-ce exact ?

Il y avait eu des divergences. Paul avait une très forte personnalité. Et Jésus lui avait confié une mission spéciale, celle d’annoncer l’Évangile aux païens. C’était un projet impensable pour les juifs de l’époque. Et pour les apôtres aussi. Ils estimaient que Jésus était venu pour le peuple d’Israël. Alors que Paul voulait prêcher aux païens.

Par ailleurs, Paul se trouvait dans une position délicate. Les chrétiens le regardaient avec méfiance, se souvenant de l’acharnement qu’il avait mis à les persécuter ; les juifs le considéraient comme un traître, qui avait abandonné la religion des pères. Il a eu beaucoup de mal à faire accepter ses idées par les premiers chrétiens.

Surtout sa conviction que le Christ était venu non pour les juifs mais pour tous. Et que les païens, pour devenir des disciples de Jésus ne devaient pas se plier à toutes les dispositions de la loi de Moïse. Même parmi les apôtres, tout le monde ne partageait pas ses idées. Alors il se mettait en colère et les appelaient « faux frères ». Il a même eu maille à partir avec saint Pierre qui, dans un premier temps avait adhéré à ses idées, mais s’était ensuite rétracté, Paul le réprimandant alors publiquement.

Quoiqu’il en soit, il a continué à croire aux intuitions qu’il avait eues durant sa mystérieuse rencontre avec le Christ sur la route de Damas. Il sentait très fort en lui l’urgence d’évangéliser les païens. Après son premier voyage, il en a entrepris deux autres, fondant beaucoup d’Églises. Tous les apôtres ont fini par adhérer à ses intuitions, comprenant que Jésus était venu pour sauver tous les hommes et pas seulement les juifs.

Quels sont les éléments-clefs de l’enseignement de saint Paul ?

Dit en termes essentiels, la liberté de la loi se trouve au cœur de Paul et du courant paulinien. Paul enseigne que ce qui compte d’abord dans notre rapport avec Dieu, ce n’est pas la morale, mais la grâce de Dieu lui-même, en Jésus Christ. Je deviens juste devant Dieu non pour ce que je fais « moi », mais pour ce que Dieu a fait pour moi en Jésus Christ. Et la foi est l’acceptation de ce don de grâce qui m’est offert.

Cet enseignement de saint Paul s’oppose à la conception selon laquelle c’est « moi » qui construit ma justice, ma sainteté devant Dieu. Je la construis à travers ma morale, mon comportement, mon éthique et en observant les commandements. Cette conception est une position très répandue qui met en première place la morale. Mais, prise à la lettre, ce n’est pas la bonne.

Une phrase de Luther, que nous pouvons partager, explique bien ce concept : « Ce n’est pas en faisant des choses justes que nous devenons justes. Mais si nous sommes justes nous faisons les choses justes ». Le trait moral, opérationnel, de l’action, est donc secondaire par rapport à la dimension du fait d’ « être », qui le précède et qui est fondamental.

« Être en Jésus Christ » et recevoir la bienveillance de Dieu à travers Jésus Christ, est indépendant de ma moralité qui, justement parce que « je vis » « l’être en Jésus Christ », sera certainement en phase avec cette merveilleuse réalité. Voilà le point essentiel. L’élément phare du courant paulinien.

Le deuxième élément important de la pensée de Paul touche « l’identité chrétienne », qui est définie non seulement par des catégories « juridiques » telles que la justice, le juste, la justification, mais également par des catégories « mystiques » ou « participatives ». Autrement dit, le chrétien est quelqu’un qui est devant Jésus Christ avec foi, mais qui « participe » au Christ lui-même et vit « en » Jésus Christ.

Entre le chrétien et Jésus se réalise une véritable participation interpersonnelle. Le chrétien « vit » en Jésus Christ et Jésus Christ vit dans le chrétien.

Et cette manière d’être nous amène au troisième point fondamental de l’enseignement de saint Paul, la « dimension communautaire », ce que Paul lui-même appelle l’Eglise. Pour lui, le terme « Eglise » n’a pas une signification abstraite, mais concerne toujours une communauté concrète, qui se trouve dans un lieu déterminé. Il y a l’Église de Corinthe, celle de Thessalonique, de Philippe etc. Nous, aujourd’hui, nous donnons au mot « Église » un sens « catholique », c’est-à-dire universel. Mais la formation de ce concept est postérieure à Paul.

Paul utilisait le mot Église pour désigner chaque communauté. Et il donnait à ce terme une connotation de « partage communautaire » extraordinaire. Le lieu de rencontre des chrétiens était la maison, la maison d’un particulier, où ils se rassemblaient pour le dîner, pour la lecture et l’explication des textes sacrés. Ainsi, la communauté ecclésiale avait un cadre domestique. Et c’est dans le contexte de cette manière de vivre que s’est formée et développée la définition de l’Église selon saint Paul : l’Église « corps du Christ ». Cet extraordinaire concept n’appartient qu’à Paul. On peut débattre ensuite du sens de la phrase selon laquelle « l’Église est le corps du Christ ».

On se demande s’il veut dire par là que l’Église est un corps dans le sens social du terme, qui appartient au Christ, ou si c’est le Christ lui-même présent dans son corps, dans une forme de corps, dans une dimension non sociale, mais individuelle, mystique. Je pense que c’est plutôt le deuxième concept qui est le bon. Et toujours dans cette optique de partage commun, l’Église pour Paul était totalement « égalitaire ». Il enseignait qu’en Jésus Christ il n’y avait plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. A l’intérieur de cette communauté il y avait aussi de véritables fonctions ministérielles, mais qui n’étaient pas des fonctions sacerdotales dans le sens hiérarchique qu’on a connu par la suite. Il y avait des présidents, des personnes chargées de guider, d’organiser l’assemblée et rien d’autre.

(Source: Catholique.org)
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Message par jaimedieu Lun 27 Avr 2015 - 4:22

Catéchèse de Benoît XVI sur la petite Pentecôte

Chers frères et sœurs,

Après les grandes fêtes, nous revenons maintenant aux catéchèses sur la prière. Lors de l’audience avant la Semaine sainte, nous nous sommes arrêtés à la figure de la bienheureuse Vierge Marie, présente au milieu des apôtres en prière au moment où ils attendaient la venue de l’Esprit Saint. Une atmosphère priante accompagne les premiers pas de l’Église. La Pentecôte n’est pas un épisode isolé, puisque la présence et l’action de l’Esprit Saint guident et animent constamment le chemin de la communauté chrétienne. Dans les Actes des Apôtres, en effet, saint Luc non seulement raconte la grande effusion survenue au Cénacle cinquante jours après Pâques (Ac 2, 1-13), mais il fait aussi allusion aux autres irruptions extraordinaires de l’Esprit Saint, qui reviennent dans l’histoire de l’Église.

Et en ce jour, je désire m’arrêter sur ce que l’on a appelé la « petite Pentecôte », qui s’est produite au terme d’une phase difficile dans la vie de l’Église naissante.

Les Actes des Apôtres rapportent qu’après la guérison d’un paralytique près du Temple de Jérusalem (Ac 3, 1-10), Pierre et Jean furent arrêtés (Ac 4, 1) parce qu’ils annonçaient la résurrection de Jésus à tout le peuple (Ac 3, 11-26). Après un procès sommaire, ils furent remis en liberté, ils rejoignirent leurs frères et leur racontèrent ce qu’ils avaient dû subir à cause du témoignage qu’ils avaient rendu à Jésus le Ressuscité. A ce moment, dit saint Luc, « d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu » (Ac 4, 24).

Ici, saint Luc rapporte la prière la plus ample de l’Église que nous trouvions dans le Nouveau Testament, à la fin de laquelle, comme nous l’avons entendu, « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31).

Avant de considérer cette belle prière, notons un comportement de fond important : face au danger, à la difficulté, à la menace, la première communauté chrétienne ne cherche pas à faire des analyses sur la façon de réagir, de trouver des stratégies, de se défendre, sur les mesures à adopter, mais, dans l’épreuve, elle se met en prière, elle prend contact avec Dieu.

Et qu’est-ce qui caractérise cette prière ? C’est la prière unanime et d’un seul cœur de la communauté toute entière, qui est confrontée à une situation de persécution à cause de Jésus.

Dans l’original grec, saint Luc utilise l’expression « homothumadon » - « tous ensemble », « d’un seul cœur » - un mot qui apparaît dans d’autres parties des Actes des Apôtres pour souligner cette prière persévérante et d’un seul cœur (Ac 1, 14 ; 2, 46). Cette union des cœurs est l’élément fondamental de la première communauté et devrait être toujours fondamentale pour l’Église.

A ce moment-là, ce n’est pas seulement la prière de Pierre et de Jean, qui se sont trouvés en danger, mais celle de toute la communauté, parce que ce que vivent les deux apôtres ne les concernent pas seulement eux, mais cela regarde toute l’Église. Face aux persécutions subies à cause de Jésus, la communauté non seulement ne s’effraie pas ni ne se divise, mais elle est profondément unie dans la prière, comme s’il s’agissait d’une seule personne, pour invoquer le Seigneur.

Je dirais que ceci est le premier prodige qui se réalise quand les croyants sont mis à l’épreuve à cause de leur foi : leur unité se consolide, au lieu d’être compromise, parce qu’elle est soutenue par une prière inébranlable. L’Église ne doit pas craindre les persécutions, qu’elle subit forcément au cours de son histoire, mais, comme Jésus à Gethsémani, elle doit garder confiance en la présence, l’aide et la force de Dieu, invoqué dans la prière.

Faisons un pas supplémentaire : que demande à Dieu la communauté chrétienne en ce moment d’épreuve ? Elle ne demande pas la sécurité de la vie face à la persécution, ni que le Seigneur se venge de ceux qui ont incarcéré Pierre et Jean ; elle demande seulement qu’il lui soit permis « d’annoncer en toute assurance » la Parole de Dieu (Ac 4, 29), ce qui veut dire qu’elle prie pour ne pas perdre le courage de la foi, le courage d’annoncer sa foi. Mais avant cela, elle cherche à comprendre en profondeur ce qui s’est passé, elle cherche à lire les événements à la lumière de la foi et elle le fait justement à travers la parole de Dieu qui nous fait déchiffrer la réalité du monde.

Dans la prière qu’elle élève au Seigneur, la communauté part du souvenir et de l’invocation de la grandeur et de l’immensité de Dieu : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve » (Ac 4, 24). C’est une invocation au Créateur : nous savons que tout vient de lui, que tout est dans ses mains.

C’est dans cette conscience que nous trouvons certitude et courage : tout vient de lui, tout est dans ses mains. Ensuite, elle reconnaît comment Dieu a agi dans l’histoire – elle commence donc avec la création et continue dans l’histoire – comment il a été proche de son peuple en se montrant un Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui ne s’est pas retiré, qui n’abandonne pas l’homme, sa créature ; et c’est ici qu’est cité explicitement le Psaume 2, à la lumière duquel on lit la situation difficile que vit l’Église à ce moment-là. Le Psaume 2 célèbre l’intronisation du roi de Juda, mais il fait référence, de manière prophétique, à la venue du Messie, contre qui ni la rébellion, ni la persécution, ni les débordements des hommes ne pourront rien : « Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint » (Ac 4, 25).

Le psaume dit déjà ceci, de manière prophétique, au sujet du Messie et cette rébellion des puissants contre la puissance de Dieu est caractéristique dans toute l’histoire. C’est justement en lisant la Sainte Écriture, qui est parole de Dieu, que la communauté peut dire à Dieu, dans sa prière : « Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, … pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance » (Ac 4, 27). Les événements sont lus à la lumière du Christ, qui est la clé pour comprendre même la persécution, à la lumière de la Croix, qui est toujours la clé pour la Résurrection.

L’opposition à Jésus, sa Passion et sa mort, sont relues, à travers le Psaume 2, comme la réalisation du projet de Dieu le Père pour le salut du monde. Et c’est là aussi que trouve son sens l’expérience de persécution que la première communauté chrétienne est en train de vivre ; cette première communauté n’est pas une simple association, mais c’est une communauté qui vit dans le Christ ; ce qui lui arrive fait donc partie du dessein de Dieu. Comme cela s’est passé pour Jésus, de même les disciples rencontrent-ils l’opposition, l’incompréhension, la persécution. Dans la prière, la méditation sur l’Écriture sainte à la lumière du mystère du Christ aide à lire la réalité présente à l’intérieur de l’histoire du salut que Dieu réalise dans le monde, toujours à sa manière.

C’est justement pour cela que la demande que la première communauté chrétienne de Jérusalem formule à Dieu dans la prière n’est pas d’être défendue, d’être épargnée par l’épreuve, la souffrance, ce n’est pas une prière pour obtenir le succès, mais seulement pour pouvoir proclamer avec « parresia », c’est-à-dire avec franchise, avec liberté, avec courage, la parole de Dieu (Ac 4, 29). Elle ajoute ensuite la demande que cette annonce soit accompagnée de la main de Dieu, pour que s’accomplissent des guérisons, des signes et des prodiges (Ac 4, 30), c’est-à-dire pour que soit visible la bonté de Dieu, comme une force qui transforme la réalité, qui change les cœurs, les esprits, la vie des hommes et qui apporte la nouveauté radicale de l’Évangile.

A la fin de la prière, note saint Luc, « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) ; l’endroit trembla, ce qui veut dire que la foi a la force de transformer la terre et le monde. L’Esprit qui a parlé par le Psaume 2, dans la prière de l’Église, fait irruption dans la maison et remplit le cœur de tous ceux qui ont invoqué le Seigneur. C’est le fruit de la prière unanime que la communauté chrétienne élève vers Dieu ; l’effusion de l’Esprit, don du Ressuscité qui soutient et qui guide l’annonce libre et courageuse de la parole de Dieu, qui pousse les disciples du Seigneur à sortir sans peur pour apporter la bonne nouvelle jusqu’aux extrémités du monde.

Chers frères et sœurs, nous aussi, nous devons savoir porter les événements de notre vie quotidienne dans notre prière, pour en rechercher la signification profonde. Et, comme la première communauté chrétienne, nous aussi, en nous laissant illuminer par la Parole de Dieu, à travers la méditation de l’Écriture sainte, nous pouvons apprendre à voir que Dieu est présent dans notre vie, présent aussi et justement dans les moments difficiles, et que tout – même ce qui est incompréhensible – fait partie d’un projet d’amour supérieur, dans lequel la victoire finale sur le mal, sur le péché et sur la mort est vraiment celle du bien, de la grâce, de la vie, de Dieu.

Comme pour la première communauté chrétienne, la prière nous aide à lire notre histoire personnelle et collective dans une perspective plus juste et plus fidèle, celle de Dieu. Et nous aussi, nous voulons renouveler notre prière en demandant le don de l’Esprit Saint, afin qu’il réchauffe nos cœurs et illumine nos esprits et que nous puissions reconnaître comment le Seigneur répond à nos requêtes selon sa volonté d’amour et non selon nos idées. Guidés par l’Esprit de Jésus-Christ, nous serons capables de vivre avec sérénité, courage et joie toutes les situations de la vie et nous pourrons, avec saint Paul, nous vanter « des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance »: cette espérance qui « ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 3-5).
Merci.

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Message par jaimedieu Jeu 30 Avr 2015 - 4:31

Un coup d'œil sur les grands moments de l'histoire de l'Église nous permet de saisir que le modèle catéchétique proposé à chaque époque est intiment lié à la compréhension de la mission d'évangélisation et aux besoins perçus au niveau de la formation chrétienne.

Dans ce texte, nous voudrions rappeler les principaux tournants de l'histoire de l'Église dans sa mission d'annoncer la Bonne Nouvelle qui engendre des disciples de Jésus. Ce faisant, nous tenterons de dégager les modèles catéchétiques correspondants pour en tirer des leçons pour aujourd'hui.

Au départ, une parabole source

Pour comprendre le dynamisme de l'évangélisation, il faut remonter à la source de tout engagement au service de la Parole. De façon judicieuse, le Directoire général pour la catéchèse (DGC) fait appel à la prédication de Jésus : « Voici que le semeur est sorti pour semer » (Mc 4,3).

Cette parabole est source d'inspiration pour l'évangélisation d'aujourd'hui comme hier. « La semence, c'est la parole de Dieu » (Lc 8,11). Le semeur est Jésus-Christ. Il annonça l'Évangile en Palestine il y a deux mille ans et envoya ses disciples le semer dans le monde. Jésus-Christ, aujourd'hui, présent dans l'Église par son Esprit, continue de répandre la Parole du Père dans le champ qu'est le monde.

La qualité du terreau est toujours très variée. L'Évangile tombe « au bord du chemin » (Mc 4,4) lorsqu'il n'est pas réellement écouté; il tombe sur le « terrain rocheux » (Mc 4,5), sans pénétrer la terre en profondeur; « dans les épines » (Mc 4,7), et il est aussitôt étouffé dans le cœur des hommes, aux prises avec nombre de préoccupations. Mais une partie tombe « dans la bonne terre » (Mc 4,8), c'est-à-dire en des hommes et des femmes ouverts à la relation personnelle avec Dieu et solidaires avec leur prochain, et elle donne du fruit en abondance.

Jésus, dans la parabole, annonce une bonne nouvelle: le Royaume de Dieu vient, en dépit des difficultés dues au terrain, des tensions, des conflits et des problèmes du monde. La semence de l'Évangile féconde l'histoire des hommes et annonce une récolte abondante. Jésus informe également que la Parole de Dieu ne germe que dans un cœur disposé à l'accueillir (cf. DGG 15).

Après avoir examiné le terrain, le semeur envoie ses ouvriers annoncer l'Évangile dans le monde entier, en leur communiquant — dans ce but — la force de son esprit. Il leur enseigne, en même temps, à lire les signes des temps et exige d'eux qu'ils soient bien préparés pour les semailles (DGG 31).

La parabole de Jésus garde toute sa force aujourd'hui encore. Nous sommes tous envoyés pour faire retentir la Parole de Dieu dans notre milieu d'insertion, comme le rappelle Mgr Bertrand Blanchet :
« On sait que le mot "mittere", d'où origine celui de "mission", signifie envoyer. Or, quand nous considérons le grand plan de Dieu sur notre humanité, nous constatons, assez étrangement, que tout le monde est envoyé.

Jésus est envoyé : " L'Esprit du Seigneur est sur moi, Il m'a consacré par l'onction, Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle... " L'Église est envoyée. Jésus dit à ses Apôtres et à ses disciples : " Allez, je vous envoie... ".

Toute communauté chrétienne est envoyée. Cela lui est rappelé au terme de chaque célébration eucharistique: "Allez, dans la paix du Christ..." Tout baptisé est envoyé. Il reçoit, au moment du Baptême, la redoutable mission d'être, au coeur du monde, prêtre, prophète et roi. »

Regard panoramique de la catéchèse

À la suite des apôtres, témoins du Christ ressuscité, chaque génération de baptisés transmet à d'autres ce qu'elle a reçu à la génération suivante qui, à son tour, prend le relais pour assurer le pèlerinage de la Parole et la formation de nouveaux disciples du Christ.

Jetons un regard sur l'histoire de cette annonce de l'Évangile et sur les modèles catéchétiques mis en place. Cet exercice jettera une lumière sur les options catéchétiques qui influencent notre engagement catéchétique d'aujourd'hui...

Dans l'Église primitive

Comme l'a rappelé Benoît XVI, c'est l'Esprit Saint qui conduit les croyants et croyantes à vivre l'expérience du Christ ressuscité à travers les âges. La source première en sera, bien sûr, le témoignage des Apôtres tels que nous le rapportent les Évangiles. En effet, au cœur de la Bible, les Évangiles sont destinés à susciter de véritables disciples de Jésus Christ. Dans cette ligne, nous aurions avantage à découvrir, à la suite du Cardinal Martini, les Évangiles comme des manuels d'initiation chrétienne utilisés par l'Église primitive.

Le modèle catéchétique : dans l'Église primitive, la catéchèse se présente comme une annonce explicite de Jésus Christ, sous forme de récits, et un appel à devenir disciple. Mais cette foi naissante devait progressivement se vivre en communauté et apprendre à rayonner dans le monde.

Non seulement on reconnaissait des étapes dans la formation chrétienne, mais celle-ci durait toute la vie et s'adressait d'abord aux adultes et aux petites communautés.

Leçons à retenir : les Évangiles doivent être la source première et le modèle de tous nos parcours catéchétiques. Raconter Jésus Christ demeure la forme la plus captivante pour catéchiser les générations d'aujourd'hui.

Le Directoire général pour la catéchèse affirme ce caractère christocentrique du message évangélique transmis par la catéchèse (No 98).

Devenir chrétien dans les 1ers siècles

Les années passent et l'on voit le christianisme émerger dans l'empire gréco-romain comme une bonne nouvelle qui se répand de bouche à oreille. Pourquoi? Parce que dans un monde païen rempli de cultes et de diverses religions, on se demande où trouver une issue devant la fatalité et la mort.

Or, dans les lieux publics et dans l'intimité des maisons, on se met à parler d'un certain Jésus qui est mort mais que des témoins disent toujours vivant (cf Ac 25,19). Un salut offert par Jésus devenait ainsi fascinant. Mais pour suivre Jésus et devenir disciple, cela exigeait un nouveau style de vie. L'adhésion à Jésus et la décision de vivre l'Évangile conduisaient à l'entrée dans une Église non reconnue par la loi, donc menacée, et même persécutée.

C'est à cette époque que la liturgie baptismale a mis en place de forts symboles qui signifiaient le rejet des idoles pour se tourner vers le Christ. Pour y préparer ceux et celles qu'elle en juge capables, l'Église propose une initiation, dans l'institution du catéchuménat : un long temps d'écoute de la Parole annoncée et célébrée pour essayer d'en vivre chaque jour, dans ses comportements.

Le modèle catéchétique

Dans l'Église des premiers siècles, la catéchèse est proposée à travers une initiation dans un long parcours, appelé catéchuménat.
Le cœur de cette démarche reposait sur l'écoute de la Parole de Dieu, sa célébration et sa mise en œuvre dans la vie.

Leçons à retenir

L'initiation chrétienne portera sans doute de meilleurs fruits si elle puise dans le cheminement catéchuménal qui s'appuie sur la Parole de Dieu, approfondie à travers des étapes progressives.

En effet ...« la catéchèse est une activité graduelle et les éléments du catéchuménat doivent inspirer la catéchèse actuelle » (DGC 88 et 90).

Un monde de chrétienté (6e–15e siècles)

Nous savons jusqu'à quel point le monde de chrétienté a influencé l'éducation de la foi chez nous. Ce fut le cas pour une très longue période dans l'histoire de l'Église. En effet, à partir du 6e siècle, l'Empire romain s'est mis à décliner et l'Occident fut ébranlé par les invasions, l'insécurité et des pénuries de toutes sortes.

Dans ce contexte, les populations voyaient tout naturellement en l'Église une force stable. Même les rois se sont mis à chercher son appui. De là est né ce qu'on a appelé un monde de chrétienté. Au centre, l'Église occupe la place de mère et d'éducatrice. N'a-t-elle pas sauvé le meilleur de l'Antiquité gréco-romaine pour le transmettre à la civilisation européenne qui se forgeait lentement?

Pour survivre dans ce monde dur, il fallait compter sur le clan et le village. C'est dans cet environnement que l'Église s'est engagée au développement de la foi collective, en misant sur l'imprégnation par la liturgie, l'art, le sentiment du sacré, l'encadrement paroissial.

Rien n'est prévu pour les enfants baptisés dès leur naissance. La catéchèse consiste dans l'apprentissage, tout au long de la vie, des mœurs et des attitudes chrétiennes : un art de bien vivre et de bien mourir.

Cependant, à partir du XIIIe siècle, une sorte de révolution pastorale est en route, appuyée sur la communion et la confession obligatoire au moins une fois l'an et sur l'apport des ordres mendiants comme les Dominicains et les Franciscains.

Le modèle catéchétique

Pendant une très longue période de l'Église, la foi s'est donc transmise par le témoignage, le vécu chrétien de la famille et celui de la communauté paroissiale.

Nous pouvons dire que la catéchèse revêtait un caractère communautaire, en s'appuyant sur la liturgie et l'art chrétien.

Leçons à retenir : l'éducation de la foi, amorcée dans la famille et consolidée par le vécu de la communauté chrétienne produit d'excellents fruits. Ce rôle des parents, premiers éducateurs de la foi de leurs enfants et celui de la communauté chrétienne comme foyer de catéchèse sont rappelés par le Directoire (226 et 253).

L'apparition du catéchisme (16e–19e siècles)

Après une longue période de relative stabilité, l'Occident se réveille au 15e et 16e siècles. Il redécouvre la littérature et l'art antiques, tout en manifestant un vif intérêt pour l'être humain, pour ce qu'il peut trouver et penser par lui-même.

Au plan extérieur, l'Europe découvre le Nouveau Monde et ses richesses. Cependant, elle connaît un dur réveil avec la réforme protestante et la contre-réforme catholique qui entraînent les guerres de religion et l'ignorance religieuse.

L'Église répond par le catéchisme, conçu comme une instruction religieuse systématique qui doit permettre à chacun de savoir ce qui est nécessaire au salut. Le catéchisme s'exporte au Nouveau Monde comme un condensé de la foi chrétienne, le même, valable pour tous et partout.

Le modèle catéchétique

Pendant trois siècles, l'Église mise avant tout sur les connaissances à acquérir dans l'éducation de la foi, peut-être au détriment de l'expérience de Jésus Christ. Un retour à la Parole de Dieu deviendra nécessaire pour un vrai renouveau catéchétique.

Leçons à retenir : il nous apparaît impensable de revenir à ce modèle catéchétique basé sur les questions-réponses pour engendrer de vrais disciples de Jésus Christ et susciter des communautés chrétiennes où la foi est annoncée, vécue et célébrée. Cependant, retenons la nécessité de transmettre la connaissance des principaux éléments de la vie chrétienne pour que les baptisés puissent rendre compte de leur foi.

Le Directoire nous rappelle les tâches fondamentales de la catéchèse : aider à connaître, à célébrer, à vivre et à contempler le mystère du Christ. Il faut donc favoriser la connaissance de la foi, assurer une éducation liturgique, donner une formation morale et enseigner à prier, sans oublier l'éducation à la vie communautaire et à la mission.

(Source: Catéchèse/ressource, Pères Saint-Viateur)
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Message par jaimedieu Ven 28 Aoû 2015 - 14:52

Vendredi 28 août

Catéchèses du pape émérite Benoît XVI sur Saint-Augustin:


Saint Augustin (1)



Chers frères et sœurs,

Je voudrais revenir aux méditations sur les Pères de l'Église et parler aujourd'hui du plus grand Père de l'Église latine, saint Augustin: homme de passion et de foi, d'une très grande intelligence et d'une sollicitude pastorale inlassable, ce grand saint et docteur de l'Église est souvent connu, tout au moins de réputation, par ceux qui ignorent le christianisme ou qui ne le connaissent pas bien, car il a laissé une empreinte très profonde dans la vie culturelle de l'Occident et du monde entier. En raison de son importance particulière, saint Augustin a eu une influence considérable et l'on pourrait affirmer, d'une part, que toutes les routes de la littérature chrétienne latine mènent à Hippone (aujourd'hui Annaba, sur la côte algérienne), le lieu où il était Évêque et, de l'autre, que de cette ville de l'Afrique romaine, dont Augustin fut l'Évêque de 395 jusqu'à sa mort en 430, partent de nombreuses autres routes du christianisme successif et de la culture occidentale elle-même.

Rarement une civilisation ne rencontra un aussi grand esprit, qui sache en accueillir les valeurs et en exalter la richesse intrinsèque, en inventant des idées et des formes dont la postérité se nourrirait, comme le souligna également Paul VI: "On peut dire que toute la pensée de l'Antiquité conflue dans son œuvre et que de celle-ci dérivent des courants de pensée qui parcourent toute la tradition doctrinale des siècles suivants". Augustin est également le Père de l'Église qui a laissé le plus grand nombre d'œuvres. Son biographe Possidius dit qu'il semblait impossible qu'un homme puisse écrire autant de choses dans sa vie. Nous parlerons de ces diverses œuvres lors d'une prochaine rencontre. Aujourd'hui, nous réserverons notre attention à sa vie, que l'on reconstruit bien à partir de ses écrits, et en particulier des Confessions, son extraordinaire autobiographie spirituelle, écrite en louange à Dieu, qui est son œuvre la plus célèbre. Et à juste titre, car ce sont précisément les Confessions d'Augustin, avec leur attention à la vie intérieure et à la psychologie, qui constituent un modèle unique dans la littérature occidentale, et pas seulement occidentale, même non religieuse, jusqu'à la modernité. Cette attention à la vie spirituelle, au mystère du "moi", au mystère de Dieu qui se cache derrière le "moi", est une chose extraordinaire sans précédent et restera pour toujours, pour ainsi dire, un "sommet" spirituel.

Mais pour en venir à sa vie, Augustin naquit à Taghaste - dans la province de Numidie de l'Afrique romaine - le 13 novembre 354, de Patrice, un païen qui devint ensuite catéchumène, et de Monique, fervente chrétienne. Cette femme passionnée, vénérée comme une sainte, exerça sur son fils une très grande influence et l'éduqua dans la foi chrétienne. Augustin avait également reçu le sel, comme signe de l'accueil dans le catéchuménat. Et il est resté fasciné pour toujours par la figure de Jésus Christ; il dit même avoir toujours aimé Jésus, mais s'être éloigné toujours plus de la foi ecclésiale, de la pratique ecclésiale, comme cela arrive pour de nombreux jeunes aujourd'hui aussi.

Augustin avait aussi un frère, Navigius, et une sœur, dont nous ignorons le nom et qui, devenue veuve, fut ensuite à la tête d'un monastère féminin. Le jeune garçon, d'une très vive intelligence, reçut une bonne éducation, même s'il ne fut pas un étudiant exemplaire. Il étudia cependant bien la grammaire, tout d'abord dans sa ville natale, puis à Madaure et, à partir de 370, la rhétorique à Carthage, capitale de l'Afrique romaine: maîtrisant parfaitement la langue latine, il n'arriva cependant pas à la même maîtrise du grec et n'apprit pas le punique, parlé par ses compatriotes. Ce fut précisément à Carthage qu'Augustin lut pour la première fois l'Hortensius, une œuvre de Cicéron qui fut ensuite perdue et qui marqua le début de son chemin vers la conversion. En effet, le texte cicéronien éveilla en lui l'amour pour la sagesse, comme il l'écrira, devenu Évêque, dans les Confessiones: "Ce livre changea véritablement ma façon de voir", si bien qu'"à l'improviste toute espérance vaine perdit de sa valeur et que je désirai avec une incroyable ardeur du cœur l'immortalité de la sagesse".

Mais comme il était convaincu que sans Jésus on ne peut pas dire avoir effectivement trouvé la vérité, et comme dans ce livre passionné ce nom lui manquait, immédiatement après l'avoir lu, il commença à lire l'Écriture, la Bible. Mais il en fut déçu. Non seulement parce que le style latin de la traduction de l'Écriture Sainte était insuffisant, mais également parce que le contenu lui-même ne lui parut pas satisfaisant. Dans les récits de l'Écriture sur les guerres et les autres événements humains, il ne trouva pas l'élévation de la philosophie, la splendeur de la recherche de la vérité qui lui est propre. Toutefois, il ne voulait pas vivre sans Dieu et il cherchait ainsi une religion correspondant à son désir de vérité et également à son désir de se rapprocher de Jésus. Il tomba ainsi dans les filets des manichéens, qui se présentaient comme des chrétiens et promettaient une religion totalement rationnelle. Ils affirmaient que le monde est divisé en deux principes: le bien et le mal. Et ainsi s'expliquerait toute la complexité de l'histoire humaine. La morale dualiste plaisait aussi à saint Augustin, car elle comportait une morale très élevée pour les élus: et pour celui qui y adhérait, comme lui, il était possible de vivre une vie beaucoup plus adaptée à la situation de l'époque, en particulier pour un homme jeune. Il devint donc manichéen, convaincu à ce moment-là d'avoir trouvé la synthèse entre rationalité, recherche de la vérité et amour de Jésus Christ. Il en tira également un avantage concret pour sa vie: l'adhésion aux manichéens ouvrait en effet des perspectives faciles de carrière. Adhérer à cette religion qui comptait tant de personnalités influentes lui permettait également de poursuivre une relation tissée avec une femme et d'aller de l'avant dans sa carrière. Il eut un fils de cette femme, Adéodat, qui lui était très cher, très intelligent, et qui sera ensuite très présent lors de sa préparation au baptême près du lac de Côme, participant à ces "Dialogues" que saint Augustin nous a légués. Malheureusement, l'enfant mourut prématurément. Professeur de grammaire vers l'âge de vingt ans dans sa ville natale, il revint bien vite à Carthage, où il devint un maître de rhétorique brillant et célèbre. Avec le temps, toutefois, Augustin commença à s'éloigner de la foi des manichéens, qui le déçurent précisément du point de vue intellectuel car ils étaient incapables de résoudre ses doutes, et il se transféra à Rome, puis à Milan, où résidait alors la cour impériale et où il avait obtenu un poste de prestige grâce à l'intervention et aux recommandations du préfet de Rome, le païen Simmaque, hostile à l'Évêque de Milan saint Ambroise.

A Milan, Augustin prit l'habitude d'écouter - tout d'abord dans le but d'enrichir son bagage rhétorique - les très belles prédications de l'Évêque Ambroise, qui avait été le représentant de l'empereur pour l'Italie du Nord, et le rhéteur africain fut fasciné par la parole du grand prélat milanais et pas seulement par sa rhétorique; c'est surtout son contenu qui toucha toujours plus son cœur. Le grand problème de l'Ancien Testament, du manque de beauté rhétorique, d'élévation philosophique se résolvait, dans les prédications de saint Ambroise, grâce à l'interprétation typologique de l'Ancien Testament: Augustin comprit que tout l'Ancien Testament est un chemin vers Jésus Christ. Il trouva ainsi la clef pour comprendre la beauté, la profondeur également philosophique de l'Ancien Testament et il comprit toute l'unité du mystère du Christ dans l'histoire et également la synthèse entre philosophie, rationalité et foi dans le Logos, dans le Christ Verbe éternel qui s'est fait chair.

Augustin se rendit rapidement compte que la lecture allégorique des Écritures et la philosophie néoplatonicienne pratiquées par l'Évêque de Milan lui permettaient de résoudre les difficultés intellectuelles qui, lorsqu'il était plus jeune, lors de sa première approche des textes bibliques, lui avaient paru insurmontables.

A la lecture des écrits des philosophes, Augustin fit ainsi suivre à nouveau celle de l'Écriture et surtout des lettres pauliniennes. Sa conversion au christianisme, le 15 août 386, se situa donc au sommet d'un itinéraire intérieur long et tourmenté dont nous parlerons dans une autre catéchèse, et l'Africain s'installa à la campagne au nord de Milan, près du lac de Côme - avec sa mère Monique, son fils Adéodat et un petit groupe d'amis - pour se préparer au baptême. Ainsi, à trente-deux ans, Augustin fut baptisé par Ambroise, le 24 avril 387, au cours de la veillée pascale, dans la cathédrale de Milan.

Après son baptême, Augustin décida de revenir en Afrique avec ses amis, avec l'idée de pratiquer une vie commune, de type monastique, au service de Dieu. Mais à Ostie, dans l'attente du départ, sa mère tomba brusquement malade et mourut un peu plus tard, déchirant le cœur de son fils. Finalement de retour dans sa patrie, le converti s'établit à Hippone pour y fonder précisément un monastère. Dans cette ville de la côte africaine, malgré la présence d'hérésies, il fut ordonné prêtre en 391 et commença avec plusieurs compagnons la vie monastique à laquelle il pensait depuis longtemps, partageant son temps entre la prière, l'étude et la prédication. Il voulait uniquement être au service de la vérité, il ne se sentait pas appelé à la vie pastorale, mais il comprit ensuite que l'appel de Dieu était celui d'être un pasteur parmi les autres, en offrant ainsi le don de la vérité aux autres. C'est à Hippone, quatre ans plus tard, en 395, qu'il fut consacré Évêque. Continuant à approfondir l'étude des Écritures et des textes de la tradition chrétienne, Augustin fut un Évêque exemplaire dans son engagement pastoral inlassable: il prêchait plusieurs fois par semaine à ses fidèles, il assistait les pauvres et les orphelins, il soignait la formation du clergé et l'organisation de monastères féminins et masculins. En peu de mots, ce rhéteur de l'antiquité s'affirma comme l'un des représentants les plus importants du christianisme de cette époque: très actif dans le gouvernement de son diocèse - avec également d'importantes conséquences au niveau civil - pendant ses plus de trente-cinq années d'épiscopat, l'Évêque d'Hippone exerça en effet une grande influence dans la conduite de l'Église catholique de l'Afrique romaine et de manière plus générale sur le christianisme de son temps, faisant face à des tendances religieuses et des hérésies tenaces et sources de division telles que le manichéisme, le donatisme et le pélagianisme, qui mettaient en danger la foi chrétienne dans le Dieu unique et riche en miséricorde.

Et c'est à Dieu qu'Augustin se confia chaque jour, jusqu'à la fin de sa vie: frappé par la fièvre, alors que depuis presque trois mois sa ville d'Hippone était assiégée par les envahisseurs vandales, l'Évêque - raconte son ami Possidius dans la Vita Augustini - demanda que l'on transcrive en gros caractères les psaumes pénitentiels "et il fit afficher les feuilles sur le mur, de sorte que se trouvant au lit pendant sa maladie il pouvait les voir et les lire, et il pleurait sans cesse à chaudes larmes". C'est ainsi que s'écoulèrent les derniers jours de la vie d'Augustin, qui mourut le 28 août 430, alors qu'il n'avait pas encore 76 ans. Nous consacrerons les prochaines rencontres à ses œuvres, à son message et à son parcours intérieur.

Saint Augustin (2)

Chers frères et sœurs!

Aujourd'hui, comme mercredi dernier, je voudrais parler du grand Évêque d'Hippone, saint Augustin. Quatre ans avant de mourir, il voulut nommer son successeur. C'est pourquoi, le 26 septembre 426, il rassembla le peuple dans la Basilique de la Paix, à Hippone, pour présenter aux fidèles celui qu'il avait désigné pour cette tâche. Il dit: "Dans cette vie nous sommes tous mortels, mais le dernier jour de cette vie est toujours incertain pour chaque personne. Toutefois, dans l'enfance on espère parvenir à l'adolescence; dans l'adolescence à la jeunesse; dans la jeunesse à l'âge adulte; dans l'âge adulte à l'âge mûr, dans l'âge mûr à la vieillesse. On n'est pas sûr d'y parvenir, mais on l'espère. La vieillesse, au contraire, n'a devant elle aucun temps dans lequel espérer; sa durée même est incertaine... Par la volonté de Dieu, je parvins dans cette ville dans la force de l'âge; mais à présent ma jeunesse est passée et désormais je suis vieux". A ce point, Augustin cita le nom du successeur désigné, le prêtre Eraclius. L'assemblée applaudit en signe d'approbation en répétant vingt-trois fois: "Dieu soit remercié! loué soit Jésus Christ!". En outre, les fidèles approuvèrent par d'autres acclamations ce qu'Augustin dit ensuite à propos de ses intentions pour l'avenir: il voulait consacrer les années qui lui restaient à une étude plus intense des Écritures Saintes.

De fait, les quatre années qui suivirent furent des années d'une extraordinaire activité intellectuelle: il mena à bien des œuvres importantes, il en commença d'autres tout aussi prenantes, il mena des débats publics avec les hérétiques - il cherchait toujours le dialogue -, il intervint pour promouvoir la paix dans les provinces africaines assiégées par les tribus barbares du sud. C'est à ce propos qu'il écrivit au comte Darius, venu en Afrique pour résoudre le différend entre le comte Boniface et la cour impériale, dont profitaient les tribus des Maures pour effectuer leurs incursions. "Le plus grand titre de gloire - affirmait-il dans sa lettre - est précisément de tuer la guerre grâce à la parole, au lieu de tuer les hommes par l'épée, et de rétablir ou de conserver la paix par la paix et non par la guerre. Bien sûr, ceux qui combattent, s'ils sont bons, cherchent eux aussi sans aucun doute la paix, mais au prix du sang versé. Toi, au contraire, tu as été envoyé précisément pour empêcher que l'on cherche à verser le sang de quiconque". Malheureusement, les espérances d'une pacification des territoires africains furent déçues: en mai 429, les Vandales, invités en Afrique par Boniface lui-même qui voulait se venger, franchirent le détroit de Gibraltar et envahirent la Mauritanie. L'invasion atteint rapidement les autres riches provinces africaines. En mai ou en juin 430, les "destructeurs de l'empire romain", comme Possidius qualifie ces barbares, encerclaient Hippone, qu'ils assiégèrent.

Boniface avait lui aussi cherché refuge en ville et, s'étant réconcilié trop tard avec la cour, il tentait à présent en vain de barrer la route aux envahisseurs. Le biographe Possidius décrit la douleur d'Augustin: "Les larmes étaient, plus que d'habitude, son pain quotidien nuit et jour et, désormais parvenu à la fin de sa vie, il traînait plus que les autres sa vieillesse dans l'amertume et dans le deuil". Et il explique: "Cet homme de Dieu voyait en effet les massacres et les destructions des villes; les maisons dans les campagnes détruites et leurs habitants tués par les ennemis ou mis en fuite et dispersés; les églises privées de prêtres et de ministres, les vierges sacrées et les religieuses dispersées de toute part; parmi eux, des personnes mortes sous les tortures, d'autres tuées par l'épée, d'autres encore faites prisonnières, ayant perdu l'intégrité de l'âme et du corps et également la foi, réduites en un esclavage long et douloureux par leurs ennemis".

Bien que vieux et fatigué, Augustin resta cependant sur la brèche, se réconfortant et réconfortant les autres par la prière et par la méditation sur les mystérieux desseins de la Providence. Il parlait, à cet égard, de la "vieillesse du monde", - et véritablement ce monde romain était vieux -, il parlait de cette vieillesse comme il l'avait déjà fait des années auparavant, pour réconforter les réfugiés provenant de l'Italie, lorsqu'en 410 les Goths d'Alaric avaient envahi la ville de Rome. Pendant la vieillesse, disait-il, les maux abondent: toux, rhumes, yeux chassieux, anxiété, épuisement. Mais si le monde vieillit, le Christ est éternellement jeune. D'où l'invitation: "Ne refuse pas de rajeunir uni au Christ, qui te dit: Ne crains rien, ta jeunesse se renouvellera comme celle de l'aigle". Le chrétien ne doit donc pas se laisser abattre, mais se prodiguer pour aider celui qui est dans le besoin. C'est ce que le grand Docteur suggère en répondant à l'Évêque de Tiabe, Honoré, qui lui avait demandé si, sous la pression des invasions barbares, un Évêque, un prêtre ou tout autre homme d'Église pouvait fuir pour sauver sa vie: "Lorsque le danger est commun pour tous, c'est-à-dire pour les Évêques, les clercs et les laïcs, que ceux qui ont besoin des autres ne soient pas abandonnés par ceux dont ils ont besoin. Dans ce cas, qu'ils se réfugient même tous ensemble dans des lieux sûrs; mais si certains ont besoin de rester, qu'ils ne soient pas abandonnés par ceux qui ont le devoir de les assister par le saint ministère, de manière à ce qu'ils se sauvent ensemble ou qu'ils supportent ensemble les catastrophes que le Père de famille voudra qu'ils pâtissent". Et il concluait: "Telle est la preuve suprême de la charité". Comment ne pas reconnaître dans ces mots, le message héroïque que tant de prêtres, au cours des siècles, ont accueilli et adopté?

En attendant la ville d'Hippone résistait. La maison-monastère d'Augustin avait ouvert ses portes pour accueillir ses collègues dans l'épiscopat qui demandaient l'hospitalité. Parmi eux se trouvait également Possidius, autrefois son disciple, qui put ainsi nous laisser le témoignage direct de ces derniers jours dramatiques. "Au troisième mois de ce siège - raconte-t-il - il se mit au lit avec la fièvre: c'était sa dernière maladie". Le saint Vieillard profita de ce temps désormais libre pour se consacrer avec plus d'intensité à la prière. Il avait l'habitude d'affirmer que personne, Évêque, religieux ou laïcs, aussi irrépréhensible que puisse sembler sa conduite, ne peut affronter la mort sans une pénitence adaptée. C'est pourquoi il continuait sans cesse à répéter, en pleurant, les psaumes pénitentiels qu'il avait si souvent récités avec le peuple.

Plus le mal s'aggravait, plus l'Évêque mourant ressentait le besoin de solitude et de prière: "Pour n'être dérangé par personne dans son recueillement, environ dix jours avant de sortir de son corps, il nous pria, nous tous présents, de ne laisser entrer personne dans sa chambre, en dehors des heures où les médecins venaient l'examiner ou lorsqu'on lui apportait les repas. Sa volonté fut exactement accomplie et, pendant tout ce temps, il se consacra à la prière". Il cessa de vivre le 28 août 430: son grand cœur s'était finalement apaisé en Dieu.

"Pour la déposition de son corps - nous informe Possidius - le sacrifice, auquel nous assistâmes, fut offert à Dieu, puis il fut enseveli". Son corps, à une date incertaine, fut transféré en Sardaigne, puis, vers 725, à Pavie, dans la Basilique "San Pietro in Ciel d'oro", où il repose encore aujourd'hui. Son premier biographe a exprimé ce jugement conclusif sur lui: "Il laissa à l'Église un clergé très nombreux, ainsi que des monastères d'hommes et de femmes pleins de personnes consacrées à la chasteté sous l'obéissance de leurs supérieurs, ainsi que des bibliothèques contenant ses livres et ses discours et ceux d'autres saints, grâce auxquels on sait quels ont été, par la grâce de Dieu, son mérite et sa grandeur dans l'Église, où les fidèles le retrouvent toujours vivant". C'est un jugement auquel nous pouvons nous associer: dans ses écrits nous aussi nous le "retrouvons vivant". Lorsque je lis les écrits de saint Augustin, je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un homme mort il y a plus ou moins 1600 ans, mais je le perçois comme un homme d'aujourd'hui: un ami, un contemporain qui me parle, qui nous parle avec sa foi fraîche et actuelle. Chez saint Augustin qui nous parle, qui me parle dans ses écrits, nous voyons l'actualité permanente de sa foi; de la foi qui vient du Christ, Verbe éternel incarné, Fils de Dieu et Fils de l'homme. Et nous pouvons voir que cette foi n'est pas d'hier, même si elle a été prêchée hier; elle est toujours d'aujourd'hui, car le Christ est réellement hier, aujourd'hui et à jamais. Il est le chemin, la Vérité et la Vie. Ainsi, saint Augustin nous encourage à nous confier à ce Christ toujours vivant et à trouver de cette manière le chemin de la vie.

Saint Augustin nous rappelle que Dieu n'est pas loin de notre raison et de notre vie

Saint Augustin (3)

Chers amis,

Nous revenons aujourd'hui sur la grande figure de saint Augustin. La catéchèse d'aujourd'hui est en revanche consacrée au thème foi et raison, qui est un thème déterminant, ou mieux, le thème déterminant dans la biographie de saint Augustin. Enfant, il avait appris de sa mère Monique la foi catholique. Mais adolescent il avait abandonné cette foi parce qu'il ne parvenait plus à en voir la caractère raisonnable et il ne voulait pas d'une religion qui ne fût pas aussi pour lui expression de la raison, c'est-à-dire de la vérité. Sa soif de vérité était radicale et elle l'a conduit à s'éloigner de la foi catholique. Mais sa radicalité était telle qu'il ne pouvait pas se contenter de philosophies qui ne seraient pas parvenues à la vérité elle-même, qui ne seraient pas arrivées jusqu'à Dieu. Et à un Dieu qui ne soit pas uniquement une ultime hypothèse cosmologique, mais qui soit le vrai Dieu, le Dieu qui donne la vie et qui entre dans notre vie personnelle. Ainsi, tout l'itinéraire spirituel de saint Augustin constitue un modèle valable encore aujourd'hui dans le rapport entre foi et raison, thème non seulement pour les hommes croyants mais pour tout homme qui recherche la vérité, thème central pour l'équilibre et le destin de tout être humain. Ces deux dimensions, foi et raison, ne doivent pas être séparées ni opposées, mais doivent plutôt toujours aller de pair. Comme l'a écrit Augustin lui-même peu après sa conversion, foi et raison sont "les deux forces qui nous conduisent à la connaissance". A cet égard demeurent célèbres à juste titre les deux formules augustiniennes qui expriment cette synthèse cohérente entre foi et raison: crede ut intelligas ("crois pour comprendre") - croire ouvre la route pour franchir la porte de la vérité - mais aussi, et de manière inséparable, intellige ut credas ("comprends pour croire"), scrute la vérité pour pouvoir trouver Dieu et croire.

Les deux affirmations d'Augustin expriment de manière immédiate et concrète ainsi qu'avec une grande profondeur, la synthèse de ce problème, dans lequel l'Église catholique voit exprimé son propre chemin. D'un point de vue historique, cette synthèse se forme avant même la venue du Christ, dans la rencontre entre la foi juive et la pensée grecque dans le judaïsme hellénistique. Ensuite au cours de l'histoire, cette synthèse a été reprise et développée par un grand nombre de penseurs chrétiens. L'harmonie entre foi et raison signifie surtout que Dieu n'est pas éloigné: il n'est pas éloigné de notre raison et de notre vie; il est proche de tout être humain, proche de notre cœur et proche de notre raison, si nous nous mettons réellement en chemin.

C'est précisément cette proximité de Dieu avec l'homme qui fut perçue avec une extraordinaire intensité par Augustin. La présence de Dieu en l'homme est profonde et dans le même temps mystérieuse, mais elle peut être reconnue et découverte dans notre propre intimité: ne sors pas - affirme le converti - mais "rentre en toi-même; c'est dans l'homme intérieur qu'habite la vérité; et si tu trouves que la nature est muable, transcende-toi toi-même. Mais rappelle-toi, lorsque tu te transcendes toi-même, que tu transcendes une âme qui raisonne. Tends donc là où s'allume la lumière de la raison". Précisément comme il le souligne, dans une affirmation très célèbre, au début des Confessiones, son autobiographie spirituelle écrite en louange à Dieu: "Tu nous as faits pour toi et notre cœur est sans repos, tant qu'il ne repose pas en toi".

Être éloigné de Dieu équivaut alors à être éloigné de soi-même: "En effet - reconnaît Augustin en s'adressant directement à Dieu - tu étais à l'intérieur de moi dans ce que j'ai de plus intime et plus au-dessus de ce que j'ai de plus haut", interior intimo meo et superior summo meo; si bien que - ajoute-t-il dans un autre passage lorsqu'il rappelle l'époque antérieure à sa conversion - "tu étais devant moi; et quant à moi en revanche, je m'étais éloigné de moi-même, et je ne me retrouvais plus; et moins encore te retrouvais-je". C'est précisément parce qu'Augustin a vécu personnellement cet itinéraire intellectuel et spirituel, qu'il a su le rendre dans ses œuvres de manière immédiate et avec tant de profondeur et de sagesse, reconnaissant dans deux autres passages célèbres des Confessiones, que l'homme est "une grande énigme" (magna quaestio) et "un grand abîme" (grande profundum), une énigme et un abîme que seul le Christ illumine et sauve. Voilà ce qui est important: un homme qui est éloigné de Dieu est aussi éloigné de lui-même, et il ne peut se retrouver lui-même qu'en rencontrant Dieu. Ainsi il arrive également à lui-même, à son vrai moi, à sa vraie identité.

L'être humain - souligne ensuite Augustin dans De civitate Dei - est social par nature mais antisocial par vice, et il est sauvé par le Christ, unique médiateur entre Dieu et l'humanité et "voie universelle de la liberté et du salut", comme l'a répété mon prédécesseur Jean-Paul II: hors de cette voie, qui n'a jamais fait défaut au genre humain - affirme encore Augustin dans cette même œuvre - "personne n'a jamais trouvé la liberté, personne ne la trouve, personne ne la trouvera". En tant qu'unique médiateur du salut, le Christ est la tête de l'Église et il est uni à elle de façon mystique au point qu'Augustin peut affirmer: "Nous sommes devenus le Christ. En effet, s'il est la tête et nous les membres, l'homme total est lui et nous" .

Peuple de Dieu et maison de Dieu, l'Église, dans la vision augustinienne est donc liée étroitement au concept de Corps du Christ, fondée sur la relecture christologique de l'Ancien Testament et sur la vie sacramentelle centrée sur l'Eucharistie, dans laquelle le Seigneur nous donne son Corps et nous transforme en son Corps. Il est alors fondamental que l'Église, Peuple de Dieu au sens christologique et non au sens sociologique, soit véritablement inscrite dans le Christ, qui - affirme Augustin dans une très belle page - "prie pour nous, prie en nous, est prié par nous; prie pour nous comme notre prêtre, prie en nous comme notre chef, est prié par nous comme notre Dieu: nous reconnaissons donc en lui notre voix et en nous la sienne".

Dans la conclusion de la Lettre apostolique Agustinum Hipponensem Jean-Paul II a voulu demander au saint lui-même ce qu'il avait à dire aux hommes d'aujourd'hui et il répond tout d'abord avec les paroles qu'Augustin confia dans une lettre dictée peu après sa conversion: "Il me semble que l'on doive reconduire les hommes à l'espérance de trouver la vérité"; cette vérité qui est le Christ lui-même, le Dieu véritable, auquel est adressée l'une des plus belles et des plus célèbres prières des Confessiones : "Je t'ai aimée tard, beauté si ancienne, beauté si nouvelle, je t'ai aimée tard. Mais quoi! Tu étais au dedans, moi au dehors de moi-même; et c'est au dehors que je te cherchais; et je poursuivais de ma laideur la beauté de tes créatures. Tu étais avec moi, et je n'étais pas avec toi; retenu loin de toi par tout ce qui, sans toi, ne serait que néant. Tu m'appelles, et voilà que ton cri force la surdité de mon oreille; ta splendeur rayonne, elle chasse mon aveuglement; ton parfum, je le respire, et voilà que je soupire pour toi; je t'ai goûté, et me voilà dévoré de faim et de soif; tu m'as touché, et je brûle du désir de ta paix".

Voilà, Augustin a rencontré Dieu et tout au long de sa vie, il en a fait l'expérience au point que cette réalité - qui est avant tout la rencontre avec une Personne, Jésus - a changé sa vie, comme elle change celle de tous ceux, femmes et hommes, qui de tous temps ont la grâce de le rencontrer. Prions afin que le Seigneur nous donne cette grâce et nous permette de trouver sa paix.

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Message par jaimedieu Ven 28 Aoû 2015 - 15:01

La leçon de saint Augustin sur la véritable laïcité (4)

Chers frères et sœurs,

Après la pause des exercices spirituels de la semaine dernière nous revenons aujourd'hui à la grande figure de saint Augustin, duquel j'ai déjà parlé à plusieurs reprises dans les catéchèses du mercredi. C'est le Père de l'Église qui a laissé le plus grand nombre d'œuvres, et c'est de celles-ci que j'entends aujourd'hui brièvement parler. Certains des écrits d'Augustin sont d'une importance capitale, et pas seulement pour l'histoire du christianisme, mais pour la formation de toute la culture occidentale: l'exemple le plus clair sont les Confessiones, sans aucun doute l'un des livres de l'antiquité chrétienne le plus lu aujourd'hui encore. Comme différents Pères de l'Église des premiers siècles, mais dans une mesure incomparablement plus vaste, l'Evêque d'Hippone a en effet lui aussi exercé une influence étendue et persistante, comme il ressort déjà de la surabondante traduction manuscrite de ses œuvres, qui sont vraiment très nombreuses.

Il les passa lui-même en revue quelques années avant de mourir dans les Retractationes et, peu après sa mort, celles-ci furent soigneusement enregistrées dans l'Indiculus ("liste") ajouté par son fidèle ami Possidius à la biographie de saint Augustin Vita Augustini. La liste des œuvres d'Augustin fut réalisée avec l'intention explicite d'en conserver la mémoire alors que l'invasion vandale se répandait dans toute l'Afrique romaine et elle compte plus de mille trois cents écrits, numérotés par leur auteur, ainsi que d'autres "que l'on ne peut pas numéroter, car il n'y a placé aucun numéro". Évêque d'une ville voisine, Possidius dictait ces paroles précisément à Hippone - où il s'était réfugié et où il avait assisté à la mort de son ami - et il se basait presque certainement sur le catalogue de la bibliothèque personnelle d'Augustin. Aujourd'hui, plus de trois cents lettres ont survécu à l'Évêque d'Hippone et presque six cents homélies, mais à l'origine ces dernières étaient beaucoup plus nombreuses, peut-être même entre trois mille et quatre mille, fruit de quarante années de prédication de l'antique rhéteur qui avait décidé de suivre Jésus et de parler non plus aux grandes cours impériales, mais à la simple population d'Hippone.

Et encore ces dernières années, la découverte d'un groupe de lettres et de plusieurs homélies a enrichi notre connaissance de ce grand Père de l'Église. "De nombreux livres - écrit Possidius - furent composés par lui et publiés, de nombreuses prédications furent tenues à l'église, transcrites et corrigées, aussi bien pour réfuter les divers hérétiques que pour interpréter les Saintes Écritures, en vue de l'édification de saints fils de l'Église. Ces œuvres - souligne son ami Évêque - sont si nombreuses que difficilement un érudit a la possibilité de les lire et d'apprendre à les connaître".

Parmi la production d'Augustin - plus de mille publications subdivisées en écrits philosophiques, apologétiques, doctrinaux, moraux, monastiques, exégétiques, anti-hérétiques, en plus des lettres et des homélies - ressortent plusieurs oeuvres exceptionnelles de grande envergure théologique et philosophique. Il faut tout d'abord rappeler les Confessiones susmentionnées, écrites en treize livres entre 397 et 400 pour louer Dieu. Elles sont une sorte d'autobiographie sous forme d'un dialogue avec Dieu. Ce genre littéraire reflète précisément la vie de saint Augustin, qui était une vie qui n'était pas refermée sur elle, dispersée en tant de choses, mais vécue substantiellement comme un dialogue avec Dieu, et ainsi une vie avec les autres. Le titre Confessiones indique déjà la spécificité de cette autobiographie. Ce mot confessiones, dans le latin chrétien développé par la tradition des Psaumes, possède deux significations, qui toutefois se recoupent. Confessiones indique, en premier lieu, la confession des propres faiblesses, de la misère des péchés; mais, dans le même temps, confessiones signifie louange de Dieu, reconnaissance à Dieu. Voir sa propre misère à la lumière de Dieu devient louange à Dieu et action de grâce, car Dieu nous aime et nous accepte, nous transforme et nous élève vers lui-même. Sur ces Confessiones qui eurent un grand succès déjà pendant la vie de saint Augustin, il a lui-même écrit: "Elles ont exercé sur moi une profonde action alors que je les écrivais et elles l'exercent encore quand je les relis. Il y a de nombreux frères à qui ces œuvres plaisent" : et je dois dire que je suis moi aussi l'un de ces "frères". Et grâce aux Confessiones nous pouvons suivre pas à pas le chemin intérieur de cet homme extraordinaire et passionné de Dieu. Moins connues, mais tout aussi importantes et originales sont les Retractationes, composées en deux livres autour de 427, dans lesquelles saint Augustin, désormais âgé, accomplit une œuvre de "révision" (retractatio) de toute son œuvre écrite, laissant ainsi un document littéraire original et précieux, mais également un enseignement de sincérité et d'humilité intellectuelle.
Le De civitate Dei - une œuvre imposante et décisive pour le développement de la pensée politique occidentale et pour la théologie chrétienne de l'histoire - fut écrit entre 413 et 426 en vingt-deux livres. L'occasion était le sac de Rome accompli par les Goths en 410. De nombreux païens encore vivants, mais également de nombreux chrétiens, avaient dit: Rome est tombée, à présent le Dieu chrétien et les apôtres ne peuvent pas protéger la ville. Pendant la présence des divinités païennes, Rome était caput mundi, la grande capitale, et personne ne pouvait penser qu'elle serait tombée entre les mains des ennemis. A présent, avec le Dieu chrétien, cette grande ville n'apparaissait plus sûre. Le Dieu des chrétiens ne protégeait donc pas, il ne pouvait pas être le Dieu auquel se confier. A cette objection, qui touchait aussi profondément le cœur des chrétiens, saint Augustin répond par cette œuvre grandiose, le De civitate Dei, en clarifiant ce que nous devons attendre ou pas de Dieu, quelle est la relation entre le domaine politique et le domaine de la foi, de l'Église. Aujourd'hui aussi, ce livre est une source pour bien définir la véritable laïcité et la compétence de l'Église, la grande véritable espérance que nous donne la foi.

Ce grand livre est une présentation de l'histoire de l'humanité gouvernée par la Providence divine, mais actuellement divisée par deux amours. Et cela est le dessein fondamental, son interprétation de l'histoire, qui est la lutte entre deux amours: amour de soi "jusqu'à l'indifférence pour Dieu", et amour de Dieu "jusqu'à l'indifférence pour soi", à la pleine liberté de soi pour les autres dans la lumière de Dieu. Cela, donc, est peut-être le plus grand livre de saint Augustin, d'une importance qui dure jusqu'à aujourd'hui. Tout aussi important est le De Trinitate, une œuvre en quinze livres sur le noyau principal de la foi chrétienne, écrite en deux temps: entre 399 et 412 pour les douze premiers livres, publiés à l'insu d'Augustin, qui vers 420 les compléta et revit l'œuvre tout entière. Il réfléchit ici sur le visage de Dieu et cherche à comprendre ce mystère du Dieu qui est unique, l'unique créateur du monde, de nous tous, et toutefois, précisément ce Dieu unique est trinitaire, un cercle d'amour. Il cherche à comprendre le mystère insondable: précisément l'être trinitaire, en trois Personnes, est la plus réelle et la plus profonde unité de l'unique Dieu. Le De doctrina Christiana est, en revanche, une véritable introduction culturelle à l'interprétation de la Bible et en définitive au christianisme lui-même, qui a eu une importance décisive dans la formation de la culture occidentale.

Malgré toute son humilité, Augustin fut certainement conscient de son envergure intellectuelle. Mais pour lui, il était plus important d'apporter le message chrétien aux simples, plutôt que de faire des œuvres de grande envergure théologique. Cette profonde intention, qui a guidé toute sa vie, ressort d'une lettre écrite à son collège Evodius, où il communique la décision de suspendre pour le moment la dictée des livres du De Trinitate, "car ils sont trop difficiles et je pense qu'ils ne pourront être compris que par un petit nombre; c'est pourquoi il est plus urgent d'avoir des textes qui, nous l'espérons, seront utiles à un grand nombre". Il était donc plus utile pour lui de communiquer la foi de manière compréhensible à tous, plutôt que d'écrire de grandes œuvres théologiques. La responsabilité perçue avec acuité à l'égard de la divulgation du message chrétien est ensuite à l'origine d'écrits tels que le De catechizandis rudibus, une théorie et également une pratique de la catéchèse, ou le Psalmus contra partem Donati. Les donatistes étaient le grand problème de l'Afrique de saint Augustin, un schisme volontairement africain. Ils affirmaient: la véritable chrétienté est africaine. Ils s'opposaient à l'unité de l'Église. Le grand Évêque a lutté contre ce schisme pendant toute sa vie, cherchant à convaincre les donatistes que ce n'est que dans l'unité que l'africanité peut également être vraie. Et pour se faire comprendre des gens simples, qui ne pouvaient pas comprendre le grand latin du rhéteur, il a dit: je dois aussi écrire avec des fautes de grammaire, dans un latin très simplifié. Et il l'a fait surtout dans ce Psalmus, une sorte de poésie simple contre les donatistes, pour aider tous les gens à comprendre que ce n'est que dans l'unité de l'Église que se réalise réellement pour tous notre relation avec Dieu et que grandit la paix dans le monde.

Dans cette production, destinée à un plus vaste public, revêt une importance particulière le grand nombre des homélies souvent prononcées de manière improvisée, transcrites par les tachygraphes au cours de la prédication et immédiatement mises en circulation. Parmi celles-ci, ressortent les très belles Enarrationes in Psalmos, fréquemment lues au moyen-âge. C'est précisément la pratique de la publication des milliers d'homélies d'Augustin - souvent sans le contrôle de l'auteur - qui explique leur diffusion et leur dispersion successive, mais également leur vitalité. En effet, en raison de la renommée de leur auteur, les prédications de l'Évêque d'Hippone devinrent immédiatement des textes très recherchés et servirent de modèles, adaptés à des contextes toujours nouveaux.

La tradition iconographique, déjà visible dans une fresque du Latran remontant au VI siècle, représente saint Augustin avec un livre à la main, certainement pour exprimer sa production littéraire, qui influença tant la mentalité et la pensée des chrétiens, mais aussi pour exprimer également son grand amour pour les livres, pour la lecture et la connaissance de la grande culture précédente. A sa mort il ne laissa rien, raconte Possidius, mais "il recommandait toujours de conserver diligemment pour la postérité la bibliothèque de l'église avec tous les codex", en particulier ceux de ses œuvres. Dans celles-ci, souligne Possidius, Augustin est "toujours vivant" et ses écrits sont bénéfiques à ceux qui les lisent, même si, conclut-il, "je crois que ceux qui purent le voir et l'écouter quand il parlait en personne à l'église, ont pu davantage tirer profit de son contact, et surtout ceux qui parmi les fidèles partagèrent sa vie quotidienne". Oui, il aurait été beau pour nous aussi de pouvoir l'entendre vivant. Mais il est réellement vivant dans ses écrits, il est présent en nous et ainsi nous voyons aussi la vitalité permanente de la foi pour laquelle il a donné toute sa vie.

Les trois étapes de la conversion de saint Augustin, un modèle pour chaque être humain (5)

Chers frères et sœurs,

Avec la rencontre d'aujourd'hui je voudrais conclure la présentation de la figure de saint Augustin. Après nous être arrêtés sur sa vie, sur ses œuvres et plusieurs aspects de sa pensée, je voudrais revenir aujourd'hui sur son itinéraire intérieur, qui en a fait l'un des plus grands convertis de l'histoire chrétienne. J'ai consacré une réflexion à cette expérience particulière au cours du pèlerinage que j'ai accompli à Pavie l'année dernière pour vénérer la dépouille mortelle de ce Père de l'Église. De cette façon, j'ai voulu lui exprimer l'hommage de toute l'Église catholique, mais également rendre visible ma dévotion personnelle et ma reconnaissance à l'égard d'une figure à laquelle je me sens profondément lié, en raison du rôle qu'elle a joué dans ma vie de théologien, de prêtre et de pasteur.

Aujourd'hui encore, il est possible de reparcourir la vie de saint Augustin en particulier grâce aux Confessiones, écrites en louange à Dieu, et qui sont à l'origine de l'une des formes littéraires les plus spécifiques de l'Occident, l'autobiographie, c'est-à-dire l'expression personnelle de la conscience de soi. Eh bien, quiconque approche ce livre extraordinaire et fascinant, beaucoup lu aujourd'hui encore, s'aperçoit facilement que la conversion d'Augustin n'a pas eu lieu à l'improviste et n'a pas été pleinement réalisée dès le début, mais que l'on peut plutôt la définir comme un véritable et propre chemin, qui reste un modèle pour chacun de nous. Cet itinéraire atteint bien sûr son sommet avec la conversion et ensuite avec le baptême, mais il ne se conclut pas lors de cette veillée pascale de l'année 387, lorsqu'à Milan le rhéteur africain fut baptisé par l'Évêque Ambroise. Le chemin de conversion d'Augustin continua en effet humblement jusqu'à la fin de sa vie, si bien que l'on peut vraiment dire que ses différentes étapes - on peut facilement en distinguer trois - sont une unique grande conversion.

Saint Augustin a été un chercheur passionné de la vérité: il l'a été dès le début et ensuite pendant toute sa vie. La première étape de son chemin de conversion s'est précisément réalisée dans l'approche progressive du christianisme. En réalité, il avait reçu de sa mère Monique, à laquelle il resta toujours très lié, une éducation chrétienne et, bien qu'il ait vécu pendant ses années de jeunesse une vie dissipée, il ressentit toujours une profonde attraction pour le Christ, ayant bu l'amour pour le nom du Seigneur avec le lait maternel, comme il le souligne lui-même. Mais la philosophie également, en particulier d'inspiration platonicienne, avait également contribué à le rapprocher ultérieurement du Christ en lui manifestant l'existence du Logos, la raison créatrice. Les livres des philosophes lui indiquaient qu'il y d'abord la raison, dont vient ensuite tout le monde, mais ils ne lui disaient pas comment rejoindre ce Logos, qui semblait si loin. Seule la lecture des lettres de saint Paul, dans la foi de l'Église catholique, lui révéla pleinement la vérité. Cette expérience fut synthétisée par Augustin dans l'une des pages les plus célèbres de ses Confessiones: il raconte que, dans le tourment de ses réflexions, s'étant retiré dans un jardin, il entendit à l'improviste une voix d'enfant qui répétait une cantilène, jamais entendue auparavant: tolle, lege, tolle, lege, "prends, lis, prends, lis". Il se rappela alors de la conversion d'Antoine, père du monachisme, et avec attention il revint au codex de Paul qu'il tenait quelques instants auparavant entre les mains, il l'ouvrit et son regard tomba sur la lettre aux Romains, où l'Apôtre exhorte à abandonner les œuvres de la chair et à se revêtir du Christ. Il avait compris que cette parole, à ce moment, lui était personnellement adressée, provenait de Dieu à travers l'Apôtre et lui indiquait ce qu'il fallait faire à ce moment. Il sentit ainsi se dissiper les ténèbres du doute et il se retrouva finalement libre de se donner entièrement au Christ: "Tu avais converti mon être à toi", commente-t-il. Ce fut la première conversion décisive.

Le rhéteur africain arriva à cette étape fondamentale de son long chemin grâce à sa passion pour l'homme et pour la vérité, passion qui le mena à chercher Dieu, grand et inaccessible. La foi en Christ lui fit comprendre que le Dieu, apparemment si lointain, en réalité ne l'était pas. En effet, il s'était fait proche de nous, devenant l'un de nous. C'est dans ce sens que la foi en Christ a porté à son accomplissement la longue recherche d'Augustin sur le chemin de la vérité. Seul un Dieu qui s'est fait "tangible", l'un de nous, était finalement un Dieu que l'on pouvait prier, pour lequel et avec lequel on pouvait vivre. Il s'agit d'une voie à parcourir avec courage et en même temps avec humilité, en étant ouvert à une purification permanente dont chacun de nous a toujours besoin. Mais avec cette Veillée pascale de 387, comme nous l'avons dit, le chemin d'Augustin n'était pas conclu. De retour en Afrique et ayant fondé un petit monastère, il s'y retira avec quelques amis pour se consacrer à la vie contemplative et à l'étude. C'était le rêve de sa vie. A présent, il était appelé à vivre totalement pour la vérité, avec la vérité, dans l'amitié du Christ qui est la vérité. Un beau rêve qui dura trois ans, jusqu'à ce qu'il soit, malgré lui, consacré prêtre à Hippone et destiné à servir les fidèles, en continuant certes à vivre avec le Christ et pour le Christ, mais au service de tous. Cela lui était très difficile, mais il comprit dès le début que ce n'est qu'en vivant pour les autres, et pas seulement pour sa contemplation privée, qu'il pouvait réellement vivre avec le Christ et pour le Christ. Ainsi, renonçant à une vie uniquement de méditation, Augustin apprit, souvent avec difficulté, à mettre à disposition le fruit de son intelligence au bénéfice des autres. Il apprit à communiquer sa foi aux personnes simples et à vivre ainsi pour elles, dans ce qui devint sa ville, accomplissant sans se lasser une activité généreuse et difficile, qu'il décrit ainsi dans l'un de ses très beaux sermons: "Sans cesse prêcher, discuter, reprendre, édifier, être à la disposition de tous - c'est une lourde charge, un grand poids, une immense fatigue". Mais il prit ce poids sur lui, comprenant que précisément ainsi il pouvait être plus proche du Christ. Comprendre que l'on arrive aux autres avec simplicité et humilité, telle fut sa véritable deuxième conversion.

Mais il y a une dernière étape du chemin d'Augustin, une troisième conversion: celle qui le mena chaque jour de sa vie à demander pardon à Dieu. Il avait tout d'abord pensé qu'une fois baptisé, dans la vie de communion avec le Christ, dans les Sacrements, dans la célébration de l'Eucharistie, il serait arrivé à la vie proposée par le Discours sur la montagne: à la perfection donnée dans le baptême et reconfirmée dans l'Eucharistie. Dans la dernière partie de sa vie, il comprit que ce qu'il avait dit dans ses premières prédications sur le Discours de la montagne - c'est-à-dire ce que nous à présent, en tant que chrétiens, nous vivons constamment cet idéal - était erroné. Seul le Christ lui-même réalise vraiment et complètement le Discours de la montagne. Nous avons toujours besoin d'être lavés par le Christ, qu'il nous lave les pieds et qu'il nous renouvelle. Nous avons besoin d'une conversion permanente. Jusqu'à la fin nous avons besoin de cette humilité qui reconnaît que nous sommes des pécheurs en chemin, jusqu'à ce que le Seigneur nous donne la main définitivement et nous introduise dans la vie éternelle. Augustin est mort dans cette dernière attitude d'humilité, vécue jour après jour.

Cette attitude de profonde humilité devant l'unique Seigneur Jésus le conduisit à l'expérience de l'humilité également intellectuelle. En effet, au cours des dernières années de sa vie, Augustin, qui est l'une des plus grandes figures de l'histoire de la pensée, voulut soumettre à un examen critique clairvoyant toutes ses très nombreuses œuvres. C'est ainsi que sont nées les Retractationes ("révisions"), qui insèrent de cette façon sa pensée théologique, vraiment grande, dans la foi humble et sainte de celle qu'il appelle simplement par le nom de Catholica, c'est-à-dire l'Église. "J'ai compris - écrit-il précisément dans ce livre très original, qu'une seule personne est véritablement parfaite et que les paroles du Discours de la montagne ne se sont totalement réalisées que dans une seule personne: en Jésus Christ lui-même. En revanche, toute l'Église - nous tous, y compris les apôtres - doit prier chaque jour: pardonne nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés".

Converti au Christ, qui est vérité et amour, Augustin l'a suivi pendant toute sa vie et il est devenu un modèle pour chaque être humain, pour nous tous, à la recherche de Dieu. C'est pourquoi j'ai voulu conclure mon pèlerinage à Pavie en remettant idéalement à l'Église et au monde, devant la tombe de ce grand amoureux de Dieu, ma première Encyclique, intitulée Deus caritas est. Celle-ci doit en effet beaucoup à la pensée de saint Augustin, en particulier dans sa première partie. Aujourd'hui aussi, comme à son époque, l'humanité a besoin de connaître et surtout de vivre cette réalité fondamentale: Dieu est amour et la rencontre avec lui est la seule réponse aux inquiétudes du cœur humain. Un cœur qui est habité par l'espérance, peut-être encore obscure et inconsciente chez beaucoup de nos contemporains, mais qui, pour nous chrétiens, nous ouvre déjà à l'avenir, à tel point que saint Paul a écrit que: "Nous avons été sauvés, mais c'est en espérance" (Rm 8, 24). J'ai voulu consacrer ma deuxième Encyclique, Spe salvi, à l'espérance; elle doit elle aussi beaucoup à Augustin et à sa rencontre avec Dieu.

Dans un très beau texte, saint Augustin définit la prière comme l'expression du désir et il affirme que Dieu répond en élargissant notre cœur vers Lui. Quant à nous, nous devons purifier nos désirs et nos espérances pour accueillir la douceur de Dieu. En effet, celle-ci est la seule qui nous sauve, en nous ouvrant également aux autres. Prions donc pour que dans notre vie il nous soit donné chaque jour de suivre l'exemple de ce grand converti, en rencontrant comme lui à chaque moment de notre vie le Seigneur Jésus, l'unique qui nous sauve, qui nous purifie et nous donne la vraie joie, la vraie vie.

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Message par jaimedieu Mer 2 Déc 2015 - 16:37

Saint Paul relu par les Pères de l'Église

Les Pères de l'Église ont particulièrement aimé, vénéré, célébré et imité Saint Paul...

par Stefan Munteanu, professeur de Théologie Biblique et d’Hébreu biblique
à l’Institut Saint-Serge (Paris)

Par « Pères de l’Église », on désigne habituellement les écrivains chrétiens des cinq premiers siècles qui ont eu un rôle fondamental dans l’histoire et la vie de l’Église. Par leur prédication et leurs écrits, les Pères de l’Église ont contribué à partir de la fin de l’ère apostolique au développement de la doctrine chrétienne, à la formation liturgique et spirituelle des fidèles de leur époque et des siècles à venir. Leur enseignement, fondé notamment sur les Saintes Écritures, ne se limita pas à analyser les paroles, mais il visait à proclamer la Parole vivante et vivifiante de Dieu, à interpréter les Écritures de façon « à nous introduire sur la Voie qui mène au Royaume de Dieu ».

Tous ces écrivains, successeurs des Apôtres et grands pasteurs du peuple chrétien, ont aimé, vénéré, célébré et imité Saint Paul, de la même manière que les autres Saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. À vrai dire, les Pères de l’Église mériteraient d’être comptés, dans leur ensemble, parmi les plus grands admirateurs et imitateurs de l’Apôtre. Les Pères ne se sont pas contentés de lire et commenter aux catéchumènes et aux fidèles les épîtres pauliniennes, mais ils ont eu de Saint Paul une connaissance concrète et existentielle. Par le témoignage de leur vie, qui a souvent pris fin par le martyre, ils nous offrent comme Saint Paul, un modèle d’amour centré sur le Christ et d’abnégation que tous les chrétiens sont appelés à suivre.

L’importance accordée à l’œuvre et à la vie de Saint Paul fait que la littérature patristique nous transmet certaines informations sur l’Apôtre qui ne se trouvent pas dans le Nouveau Testament (du moins explicitement). Ainsi, par exemple, Jérôme (qui le tiendrait d’Origène) affirme que Saint Paul est d’origine galiléenne et que très jeune il quitta la Galilée avec sa famille pour s’installer à Tarse ; Tertullien, Origène, Augustin et Jérôme partagent l’opinion que Saint Paul était chaste ; Clément de Rome, quant à lui, nous dit qu’avant son martyre, l’Apôtre a prêché l’Évangile jusqu’en Espagne ; enfin, Eusèbe de Césarée nous rapporte la tradition du martyre par décapitation de Saint Paul à Rome au temps de Néron et l’information que les reliques sont conservées sur la route d’Ostie.

À côté de ces renseignements, nous devons également mentionner un autre point important. Il s’agit du destin posthume de Saint Paul et de son œuvre dans l’Église ancienne. En effet, contrairement à ce que l’on peut croire, Saint Paul n’a eu d’influence prédominante qu’à partir du IIe siècle. C’est seulement après une période controversée, « après une sorte de purgatoire » qu’il acquit l’importance qu’il a aujourd’hui dans l’Église. De cette période, les Pères ne sont pas seulement les principaux témoins, mais aussi les grands défenseurs de l’Apôtre et de son œuvre. C’est justement cet épisode de l’époque patristique que je propose de vous présenter dans cette conférence intitulée : « Saint Paul relu par les Pères de l’Église ».

Compte tenu de l’ampleur du sujet et du temps à ma disposition, je me limiterai à trois étapes de cette période controversée, celles qui me semblent être les plus importantes et utiles à connaître.

Le point de départ de notre réflexion sera dédié à la formation du Corpus Paulinum et à son insertion dans le canon des Écritures. Cette insertion nous permettra dans une deuxième étape de présenter les positions hérétiques et sectaires liées à la figure et aux lettres de l’Apôtre, ainsi qu’à la réaction des Pères pour réhabiliter Saint Paul dans la tradition de l’Église. Enfin, dans une troisième étape, nous verrons comment, à travers leurs écrits et leurs homélies, les Pères de l’Église ont lu, interprété et prêché les épîtres de Saint Paul aux fidèles de leurs temps.

1. Le Corpus Paulinum chez les Pères de l’Église

Le Corpus Paulinum est le titre souvent utilisé par les théologiens pour indiquer l’ensemble des 14 lettres attribuées à Saint Paul qui forment une partie assez importante et caractéristique à l’intérieur du Nouveau Testament. En employant ce titre, les théologiens ne cherchent pas à dissimuler les problèmes liés à l’auteur, à la date de rédaction ou aux destinataires, mais seulement à souligner qu’en dépit de leur individualité bien nette, aucune des lettres pauliniennes n’a été transmise séparément. Au moment où l’Église établit le canon du Nouveau Testament ces 14 lettres font déjà partie du même recueil épistolaire.

Nous savons que derrière la formation du canon du Nouveau Testament, tel que nous le connaissons aujourd’hui, se cache un long processus de maturations et de vérifications, avec des incertitudes et des doutes, processus qui a amené l’Église à considérer que seulement 27 livres sont sacrés et inspirés par Dieu. Alors, la présence dans le Nouveau Testament d’un Corpus Paulinum si bien délimité nous amène souvent à nous poser la question : comment ce Corpus s’est-t-il constitué et transmis afin que l’Église tranche au moment de la constitution du canon du Nouveau Testament pour un recueil formé de seulement 14 lettres ?

Il est vrai que cette question a fait l’objet de vifs débats entre les spécialistes sans qu’aucun consensus n’ait émergé. Sans trop rentrer dans les détails, l’hypothèse couramment acceptée est que, dès les premiers temps de l’ère apostolique, après la rédaction des livres néotestamentaires, un processus de sélection des écrits canoniques avait déjà commencé, principalement autour des quatre Évangiles et d’une partie des lettres de Saint Paul. Les Églises locales qui possédaient les originaux des épîtres de Saint Paul, les ont non seulement gardés précieusement, lus et utilisés dans la vie ecclésiastique, mais les ont copiés et distribués aux autres communautés chrétiennes. Les épîtres ont ainsi pu former dès la fin du Ier siècle un noyau du recueil d’Écriture Sainte du Nouveau Testament.

Dans ce processus de formation et de transmission du Corpus Paulinum à l’intérieur du Nouveau Testament, il y a une chose moins connue aujourd’hui : c’est le rôle des Pères de l’Église. Et pourtant, leur contribution fut assez importante. Une brève présentation de l’usage des épîtres de Saint Paul dans les quatre premiers siècles peut mieux nous éclairer sur le rôle des Pères dans la constitution, la transmission et l’acceptation dans l’Église d’un Corpus Paulinum tel que nous le connaissons aujourd’hui.

• Le rôle des Pères de l’Église à la fin du Ier et le début du IIe siècle

En ce qui concerne la fin du Ier et le début du IIe siècle, des allusions aux lettres de Saint Paul ou des citations de celui-ci se trouvent déjà dans les œuvres des premiers Pères de l’Église, appelés également Pères Apostoliques. Bien qu’ils ne trahissent pas dans leurs écrits l’influence de chacune des lettres de Saint Paul, ils laissent néanmoins supposer l’existence de collections partielles.

Le premier document patristique qui fait allusion à l’Apôtre Paul et à ses lettres semble être la Première épître aux Corinthiens de Clément de Rome (90-99). Autour de l’année 95, le pape Clément envoie une lettre à la communauté de Corinthe dans laquelle il invite les destinataires à lire l’épître que Saint Paul leur avait adressée 40 ans auparavant ; c’est là qu’ils trouveront les solutions nécessaires pour éviter leurs disputes et leurs discordes. La lettre de Clément contient des citations de deux lettres de Saint Paul, notamment 1 Corinthiens et Romains, auxquels s’ajoutent des allusions aux Galates, Éphésiens, Colossiens, 1-2 Timothée, Tite. Et selon Eusèbe de Césarée, on y retrouve « des idées (tirées) de l’Épître aux Hébreux et même des formules qu’il lui emprunte ».

Après Clément de Rome, un contact plus étroit avec l’œuvre de l’Apôtre Paul se trouve chez Ignace d’Antioche († vers 110-117). Dans les premières années du IIe siècle, probablement pendant le règne de Trajan (98-117), l’évêque d’Antioche fut conduit avec d’autres chrétiens jusqu’à Rome pour souffrir le martyre. Ignace d’Antioche nous a laissé une abondante correspondance car tout au long de sa route vers Rome il écrivit sept lettres à diverses communautés. Deux d’entre elles, respectivement Ephèse et Rome, furent aussi des destinataires des épîtres pauliniennes. Naturellement, Ignace d’Antioche se situe dans la tradition de l’Apôtre et fait dans ses écrits un grand usage des lettres et de la pensée de Saint Paul). Pourtant, il ne le cite jamais textuellement et mentionne son nom dans deux passages seulement (Éphésiens 12,2 et Romains 4,3).

Le témoignage le plus complet d’une connaissance des écrits pauliniens au début du IIe siècle se trouve chez Polycarpe de Smyrne. Des lettres écrites par l’évêque de Smyrne aux diverses Églises, nous a été transmise seulement celle aux Philippiens. Polycarpe accorde une grande importance aux écrits de l’Apôtre, qui d’ailleurs est mentionné trois fois (3,2 – avec référence à l’épître paulinienne aux mêmes destinataires – ; 9,1 ; 11,2-3). Dans la lettre, nous trouvons des allusions à toutes les épîtres pauliniennes, à l’exception de celle à Philémon. Polycarpe de Smyrne est même le premier Père de l’Église qui fait une citation littérale des lettres Pastorales.

• La canonicité du Nouveau Testament

Comme nous pouvons le constater à partir de ces trois exemples, les œuvres des Pères Apostoliques sont imprégnées de références aux textes pauliniens, mais on ne trouve que rarement des citations précises. Les citations retrouvées ne permettent pas d’affirmer qu’il y avait à cette époque un accord unanime sur l’ensemble des épîtres pauliniennes, mais elles montrent à quel point certaines d’entre elles étaient connues de ces auteurs et supposées connues de leurs lecteurs. En effet, la question de la canonicité des livres du Nouveau Testament, et donc d’un Corpus Paulinum bien délimité, ne commença à se poser vraiment qu’à partir de l’année 150, car à partir de ce moment-là ont existé dans l’Église plusieurs « prototypes » du canon du Nouveau Testament.

Celui qui présente le plus d’intérêt pour nous par rapport aux lettres de Saint Paul, est le « canon » dit de Marcion. Marcion était un prêtre (hérétique gnostique) venu du Pont jusqu’à Rome vers 140-144 qui, en raison d’une philosophie dualiste, niait l’origine divine de l’Ancien Testament. Il arriva ainsi à enseigner qu’il faut renoncer complètement à l’Ancien Testament. En conséquence, non seulement il sépara le Nouveau Testament de l’Ancien, mais il expurgea du texte du Nouveau Testament toute référence à l’Ancien Testament. Son « canon » fut finalement composé d’un « Évangile » (Euanghèlion), recueil qui comprenait seulement l’évangile selon Luc, sans les chapitres 1 et 3, et d’un « Apôtre » (Apostolikón), comprenant dix lettres pauliennes à l’exception des Pastorales et des Hébreux.

Contre ces prétentions hérétiques, le besoin de disposer d’une collection de livres reconnus comme normatifs par la tradition ecclésiale devint donc indispensable vers la fin du IIe siècle. La réaction ne tarda pas, et plusieurs témoignages des Pères apologètes attestent clairement que la question était posée à ce moment-là.

Parmi ces écrivains de l’Église ancienne qui cherchent dans leurs ouvrages à défendre ou présenter aux autorités politiques, au public païen, aux Juifs et aux hérétiques la doctrine et la vie chrétiennes, le plus connu est Justin Martyr encore appelé Justin le Philosophe (†165). Cependant, dans son Dialogue avec le Juif Tryphon, écrit vers l’an 150, l’influence de Saint Paul est très limitée et il cite principalement les Évangiles. Pour Justin, les écrits de Saint Paul n’ont pas l’importance de l’Ancien Testament ou des paroles de Jésus. Fait significatif, il ne nomme jamais l’Apôtre dans ses écrits. Il est cependant évident que ce silence ne relève pas d’une ignorance puisque plusieurs textes précis semblent directement inspirés des Épîtres. Ce silence pourrait s’expliquer par le fait que la pensée paulinienne n’était peut-être pas celle qui correspondait le mieux aux intentions apologétiques de Justin.

Environ trente ans plus tard, Irénée de Lyon († après 193) atteste dans ses livres qu’il reçoit avec clarté et précision le texte des quatre Évangiles, confirme la canonicité des Actes, reconnaît et apprécie les lettres pauliennes, y compris les Pastorales mais pas celle aux Hébreux, et accepte aussi comme inspirées l’Apocalypse, 1 Pierre et 1 Jean. Avec Irénée, on va vers une réception globale du Corpus Paulinum car il fait un grand usage des écrits de Saint Paul et le cite souvent de façon explicite. Environ 1/3 des citations néotestamentaires de son traité Contre les hérésies renvoie aux textes pauliniens, en leur attribuant la même importance qu’à l’Ancien Testament et aux évangiles. Cependant, Irénée de Lyon n’ose pas appliquer aux épîtres de Saint Paul le terme d’« Écriture », ni introduire les citations par la formule « il est écrit » ou d’autres formulations traditionnelles comme il le fait pour les évangiles et les Actes.

Après Irénée, Tertullien (160-220), le premier théologien en langue latine, va encore plus loin : en réaction au canon tronqué de Marcion, il considère les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament comme formant un tout réglé par ce qu’il nomme une consonantia (Contre Marcion 3,20,1). Pour le Nouveau Testament, Tertullien propose un canon plus élargi, c’est-à-dire un « Évangile » composé des quatre évangiles et un « Apôtre » comprenant les treize lettres de Saint Paul, Hébreux, 1 Jean et les Actes (Contre Marcion 4,2,5).

Ce n’est que dans l’œuvre de l’apologète Théophile d’Antioche († 181) que les paroles de Saint Paul auront pour la première fois la même autorité que celles de l’Ancien Testament et des Évangiles ; elles y sont considérées comme des « paroles de Dieu ». Pourtant, l’influence de Saint Paul n’est pas primordiale chez Théophile ; le témoignage de l’Ancien Testament reste pour l’apologète déterminant, et celui des évangiles et de Saint Paul est introduit seulement lorsqu’il s’en rapproche.

Comme nous pouvons le voir, dans les écrits dits « apologétiques », on note une utilisation assez variée de Saint Paul. Contrairement à l’impression laissée par ces premières tentatives d’établir le canon du Nouveau Testament, les écrivains ecclésiastiques grecs et latins, autour de l’an 200, retenaient pour le Corpus Paulinum une collection de seulement treize lettres. Quant à l’épître aux Hébreux, ils exprimaient des incertitudes relatives à son auteur.

La préoccupation d’établir le contenu exact du canon du Nouveau Testament conduit, entre le IIIe et le IVe siècle, à l’apparition de diverses listes canoniques qui présentent de multiples et intéressantes variantes. Le but même de ces listes, attestées en différentes Églises, à Rome, à Alexandrie, en Asie Mineure et en Afrique, fut d’accélérer le processus de canonisation par la recommandation de l’exclusion ou de l’inclusion de tel ou tel livre.

• Des listes assez diverses aux IIIe et IVe siècles

Parmi les quelques rares données du IIIe siècle, Origène (185-254), selon les informations fournies par Eusèbe de Césarée (265-340), reconnut comme Saintes Écritures les quatre Évangiles, les treize lettres pauliennes, 1 et 2 Pierre (bien qu’il y ait des doutes sur la deuxième), les trois lettres de Jean, et la lettre aux Hébreux qui, selon son jugement, n’aurait pas été écrite par Saint Paul.

À partir de la deuxième moitié du IVe siècle, les listes avec les livres du Nouveau Testament établies en Orient et en Occident devinrent très importantes pour l’achèvement du processus de canonisation.

En Orient, Cyrille de Jérusalem retint comme canoniques dans sa liste les quatre Évangiles, les Actes, les sept lettres catholiques, et « enfin les quatorze lettres de Paul » (Homélies Catéchétiques 4,33.35-36). Athanase d’Alexandrie sera le premier à reconnaître comme canoniques les 27 livres du Nouveau Testament (Lettre Festale 39). Grégoire de Nazianze ne retiendra quant à lui que 26 livres « parmi les authentiques », omettant l’Apocalypse (Poème 1,12). En Occident, les 27 livres du Nouveau Testament sont inclus dans les listes canoniques du IVe siècle chez Rufin d’Aquilée (Explication du Credo des Apôtres 34-36), Augustin (De la doctrine chrétienne 2,8,13) et Jérôme (Vulgata).

Un regard sur le tableau concernant les principales listes canoniques révèle que, vers la fin du IVe siècle, dans l’Orient grec comme dans l’Occident latin, on s’accorde largement, mais pas totalement, sur un canon de 27 ouvrages. Le canon néotestamentaire reste loin d’être définitivement clos à la fin du IVe siècle. Ce seront en effet par la suite les conciles provinciaux et œcuméniques de l’Antiquité tardive et du Moyen Age qui proclameront à partir des listes établies pas les Pères de l’Église les livres canoniques du Nouveau Testament, y compris les 14 lettres du Corpus Paulinum.

2. Le paulinisme et l’antipaulinisme à l’époque des Pères de l’Église

Vu la façon dont les lettres de Saint Paul furent incorporées au fur et à mesure dans le canon du Nouveau Testament, nous pouvons à juste titre nous interroger sur l’importance de l’œuvre de Saint Paul dès la fin du Ier siècle et sur les raisons pour lesquelles on parle si peu de l’Apôtre dans l’Église au IIe siècle.

• Des interprétations opposées

Pour répondre à ces questions, il faut avant tout éviter de mesurer la réception de la tradition concernant l’Apôtre Paul dans les deux premiers siècles avec la compréhension que nous avons aujourd’hui de lui. En effet, une lecture attentive du Nouveau Testament et des premiers écrits patristiques démontre que depuis le début, l’intérêt pour Saint Paul a été bipolaire : pour certains, l’Apôtre est un homme choisi par Dieu pour proclamer l’Évangile aux païens ; pour d’autres, au contraire, il est un dangereux propagateur d’une forme de christianisme qui dépasse ou contredit celle fondée par Jésus Christ.

À la fin du Ier siècle, l’auteur anonyme de la deuxième lettre canonique connu sous le nom de l’Apôtre Pierre, reconnaissait d’une part que « notre cher frère Paul » a écrit « avec la sagesse que Dieu lui a donnée » et d’autre part il mettait ses lecteurs en garde contre le danger d’une interprétation erronée des épîtres de l’Apôtre. Il disait clairement qu’ « il s’y trouve des passages difficiles dont les gens ignares et sans formation tordent le sens, comme ils le font aussi des autres Écritures pour leur perdition » (2 P 3,14-16).

Des associations analogues à Pierre et des exaltations de l’autorité de l’enseignement de Saint Paul sont également présentes chez les Pères apostoliques. Clément de Rome, par exemple, dans son Épître aux Corinthiens, exhorte ses destinataires à reprendre « la lettre du bienheureux Apôtre Paul » car « en vérité, il était inspiré par l’Esprit » lorsqu’il l’a écrite. Ignace d’Antioche dans sa Lettre aux Éphésiens considère que les éphésiens sont « initiés aux mystères avec Paul le saint » qui « est digne d’être appelé bienheureux ». Polycarpe de Smyrne dans la Lettre aux Philippiens avoue que : « ni moi ni un autre tel que moi ne pouvons approcher de la sagesse du bienheureux et glorieux Paul, qui, étant parmi vous, parlant face à face aux hommes d’alors enseigna avec exactitude et avec force la parole de vérité ».

Mais la littérature patristique ne fait pas toujours l’unanimité. L’influence paulinienne est beaucoup plus lointaine dans d’autres écrits. Ainsi, par exemple, la Didachè, considéré comme le plus ancien texte chrétien en dehors du Nouveau Testament, ne semble nullement se rattacher aux lettres ou à la pensée de l’Apôtre. L’ouvrage se limite à fournir des informations liturgiques pour la communauté chrétienne et à établir une première discipline ecclésiale, en s’appuyant particulièrement sur l’évangile de Matthieu. Le Pasteur d’Hermas, une œuvre capitale pour notre connaissance du christianisme du IIe siècle, ne cite pas davantage Saint Paul. Bien qu’il soit « imprégné des textes sacrés », Hermas ne semble pas utiliser directement les épîtres, bien qu’il en ait eu connaissance. Quant à Papias de Hiérapolis, il écrivit vers 130-140 cinq livres intitulés Explication des paroles du Seigneur, dans lesquels l’influence paulinienne était également très effacée. Bien que Papias ait été l’évêque d’une ville qui se trouvait à seulement quelques kilomètres de Colosse, il semblait ignorer la personne et l’œuvre de Saint Paul. Il est néanmoins significatif qu’il cite dans ses œuvres la première épître de Saint Pierre, qui est, comme on l’a déjà noté, assez influencée par la théologie paulinienne.

S’agit-il dans ces trois derniers exemples d’un silence intentionnel ou casuel ? Nous ne pouvons donner aucune explication satisfaisante. En tout cas, à la fin du IIe siècle et au début du IIIe, l’apologète latin Tertullien, dans son traité Contre Marcion donne à Saint Paul le titre d’ « Apôtre des hérétiques ». L’influence assez faible de l’œuvre et de la pensée de Saint Paul chez les Pères apostoliques fait que l’Apôtre se trouvait à cette époque revendiqué ou critiqué par les courants marginaux et hérétiques. Plus exactement, autour de la figure du grand missionnaire et penseur chrétien se sont créés deux groupes : un qui trouvait sa doctrine justifiée par ses œuvres, ce que les théologiens appellent « paulinisme », et un autre groupe qui le dénigrait, d’où l’appellation d’ « antipaulinisme ».

• « Paulinisme » et « antipaulinisme »

Parmi ceux qui cherchaient à justifier leur enseignement en s’appuyant sur les écrits de Saint Paul, il y a le prêtre Marcion. Comme nous l’avons déjà mentionné dans la première partie de notre conférence, vers la moitié du IIe siècle, Marcion donna une importance démesurée à l’épistolaire de Saint Paul, afin de créditer sa pensée de caractère dualiste. Marcion affirma qu’il existe deux Dieux : d’une part, le Dieu de l’Ancien Testament, caractérisé par sa justice implacable et sa domination sur les hommes à travers la Loi ; d’autre part, le Dieu du Nouveau Testament, révélé par la prédication de Jésus Christ qui a été envoyé dans le monde pour libérer les hommes à travers sa mort de la tyrannie de la Loi du premier Dieu. Dans cette position dualiste, le rapport que Saint Paul fait dans ses épîtres entre Loi et Évangile, fut relu par Marcion comme opposition : d’une part, la Loi, œuvre du Dieu vindicatif, et d’autre part l’Évangile, œuvre du Dieu bon. Cela explique pourquoi Marcion rejette tous les autres textes néotestamentaires, en dehors de l’évangile de Luc et des épîtres de Saint Paul (dont il exclut les lettres Pastorales et l’Épître aux Hébreux). De plus, Marcion considère Saint Paul comme la seule source de la vérité parce que c’est à lui que le « mystère de Dieu » a été révélé.

À l’opposé de l’extrémisme paulinien de Marcion, s’est développé au IIe et IIIe siècle l’ « antipaulinisme ». Ce groupe voyait dans Saint Paul et son œuvre le plus grand ennemi de l’authentique tradition chrétienne. Saint Paul était contesté pour ses positions contre la Loi et l’observation des prescriptions légales du judaïsme. Ainsi, par exemple, dans certains milieux chrétiens, Saint Paul était considéré comme le promoteur de l’émancipation féminine et du rôle actif des femmes dans l’Église, chose interdite par la Loi. Les représentants de cette tendance « antipaulinienne » appartenaient plutôt à des groupes sectaires et marginaux d’origine judéo-chrétienne (tels que les ébionites, les cérinthiens et les elchasaïtes). Leurs positions « antipauliniennes » sont connues de manière fragmentaire à travers le témoignage d’écrivains chrétiens comme Irénée, Tertullien, Origène, Jérôme et Epiphane.

• Une juste réhabilitation de Paul et de son message

Contre ces deux positions extrêmes, l’ « antipaulinisme » des judéo-chrétiens et le « paulinisme » maximaliste de Marcion, les Pères de l’Église ont réagi en tant que défenseurs de l’« orthodoxie », tentant de réhabiliter la figure et le message de l’Apôtre. En effet, ce ne sera qu’à travers les commentaires des Pères, des écrivains chrétiens et des prédicateurs, que les lettres de Saint Paul commenceront à faire effectivement partie de la vie spirituelle et de la tradition théologique de l’Église.

Parmi les Pères de l’Église, c’est surtout Irénée de Lyon vers la fin du IIe siècle qui a soutenu la parfaite harmonie entre l’œuvre de l’Apôtre et les Évangiles, les Actes et l’Ancien Testament. Irénée est ouvertement contre « tous ceux qui disent que Paul seul a connu la vérité manifestée par révélation » (Contre les Hérésies 3,13,1), mais aussi contre ceux qui ne le reconnaissent pas comme Apôtre (Contre les Hérésies 3,15,1). Voilà comment il s’exprime dans la conclusion du quatrième livre Contre les Hérésies : « Il nous faut encore ajouter, à la suite des paroles du Seigneur, les paroles de Paul : nous aurons à scruter sa pensée, à exposer l’Apôtre, à élucider tout ce qui a reçu d’autres interprétations de la part d’hérétiques […], à montrer la stupidité de leur folie, à établir par ce même Paul qu’eux-mêmes sont des menteurs, tandis que l’Apôtre, en prédicateur de la vérité, a enseigné toutes choses en accord avec le message de la vérité ».

À vrai dire, avec Irénée, c’est l’ensemble des Écritures, l’Ancien et le Nouveau Testament, qui est relu dans l’intention d’en montrer l’unité absolue. Il s’agit d’une unité invisible des deux alliances, de l’histoire du salut, et finalement du même Dieu, créateur et sauveur, auteur du monde et Père de Jésus Christ. Toutes les lectures qu’Irénée fait de textes bibliques dans Contre les hérésies visent à manifester cette convergence des signes et des figures. Dans ce contexte, la lecture de Saint Paul ne peut être isolée de celle des évangiles et de l’ensemble du corpus biblique. À la limite, les épîtres de Saint Paul seraient un prolongement des évangiles.

Ainsi, par exemple, pour montrer que le Christ a aussi agi par signes et figures – comme les prophètes de l’Ancien Testament – afin d’enseigner à ses disciples ce qui devait venir, Irénée reprend l’épisode de Gethsémani avant la Passion. Dans son commentaire, il rappelle que Jésus laissa d’abord ses disciples dormir : cela signifie « la patience de Dieu devant le sommeil des hommes ». Puis, après avoir prié, Jésus revient et met debout ses disciples : cela signifie « que sa Passion serait le réveil » des hommes. Et Irénée continue son argumentation sur l’enseignement du Christ en citant le texte d’Éphésiens 4,9 : « car c’est pour eux qu’il descendit dans les régions inférieures de la terre afin de voir de ses yeux la partie inachevée de la création ». Le témoignage de Saint Paul est ainsi intégré dans le commentaire d’Irénée comme une explication et une continuation logique du récit évangélique. À travers l’utilisation de Saint Paul dans ses œuvres, Irénée de Lyon confère aux écrits pauliniens une autorité incontestable, dont ils jouissent dès lors dans l’Église.

Nous pouvons donc considérer que l’usage que les hérétiques et les sectaires firent des textes pauliniens a été le moteur de la forte réaction des Pères de l’Église pour la réhabilitation de l’Apôtre. Néanmoins, cette réaction ne doit pas être surévaluée. Avant tout, il ne faut pas considérer que le silence des Pères Apostoliques et des Apologètes sur la personne et l’œuvre de l’Apôtre était dû à l’utilisation qu’en faisaient les groupes hérétiques ou sectaires. Il ne faut pas non plus considérer qu’en « redécouvrant » par la suite l’œuvre de Saint Paul, l’Église ne faisait que réagir à l’utilisation des hérétiques ou des sectaires. En effet, à partir d’Irénée de Lyon, Saint Paul amplifie sa présence dynamique dans l’Église. L’importance capitale de son œuvre pour la théologie chrétienne se concrétisera comme nous allons le voir dans la dernière partie de notre conférence aux IIIe et IVe siècles à travers les commentaires des Pères grecs et latins.

3. Saint Paul dans l’œuvre des Pères de l’Église

Dans son œuvre polémique Contre les hérétiques, Irénée de Lyon montre que Saint Paul est en parfaite harmonie non seulement avec les Prophètes de l’Ancien Testament, mais aussi avec le témoignage des Évangiles et des autres écrits du Nouveau Testament. Mais malgré cette réévaluation de la figure et de l’œuvre de Saint Paul, la présence des références pauliniennes vérifiables dans le IIe siècle reste discontinue et, de toute façon, assez fragmentaire. Cette situation sera dépassée, selon les informations en notre possession aujourd’hui, seulement à partir du IIIe siècle grâce à l’immense œuvre d’Origène. Celui-ci fut le premier à relire et commenter de manière systématique l’entier Corpus Paulinum soit dans des homélies, soit dans de vrais commentaires exégétiques. Cependant, il faudra attendre le IVe siècle pour assister à un épanouissement véritable des œuvres dédiées à l’interprétation des lettres de Saint Paul. Et lorsque Jérôme traduit la Vulgate, il mentionne une vingtaine d’auteurs qui ont commenté avant lui les différentes lettres de l’épistolaire paulinien entre le IIIe et le Ve siècle. De ceux-ci, quatorze ont écrit en grec, un en syrien (Ephrem le Syrien) et six en latin.

Les quatorze commentaires en grec proviennent, dans leur grande majorité, d’auteurs ecclésiastiques qui se sont consacrés aussi à l’interprétation d’autres textes scripturaires. Pour eux, le travail exégétique eut une importance capitale. Il était considéré comme l’instrument le plus adapté pour affronter des situations ou des problèmes religieux typiques de leur époque, capable de résoudre et clarifier des questions théologiques générées par des passages de l’Écriture susceptibles de lectures diversifiées et même contraires. Ainsi, par exemple, les textes pauliniens ont joué un rôle important dans le contexte de la controverse arienne pour le développement et la fixation de la christologie.

La situation en Occident apparaît comme considérablement différente de celle du milieu oriental. Des six recueils exégétiques en latin dont nous connaissons l’existence, quelques-uns sont dédiés au Corpus Paulinum dans son intégralité, tandis que la plupart sont limités à quelques lettres. Si les commentaires grecs sont très fragmentaires, ceux qui sont en latin sont parvenus jusqu’à nous dans leur grande majorité.

Il n’est évidemment pas question de poursuivre ici, auteur par auteur, ce parcours sur les commentaires de Saint Paul dans l’Église ancienne. Nous nous limiterons seulement à quatre écrivains, deux grecs et deux latins, qui, à travers leurs écrits, ont su relever non seulement l’extraordinaire richesse et profondeur de la pensée de l’Apôtre Paul, mais aussi les nombreuses difficultés que son style offre aux lecteurs de tous les temps. Il s’agit dans notre exemple d’Origène, Jean Chrysostome, Jérôme et Augustin.

• Origène

Le plus ancien commentateur connu de Saint Paul est, comme nous l’avons déjà dit, Origène d’Alexandrie (185-254). Origène s’impose à côté de tous les Pères de l’Église parce qu’il a consacré sa vie à la méditation des Saintes Écritures, et aussi parce que tous les auteurs chrétiens postérieurs (grecs et latins) l’ont lu et grandement utilisé. Le catalogue des œuvres d’Origène dressé par Eusèbe de Césarée contient environ 2000 ouvrages, dont la majorité a malheureusement été perdue. La plus grande partie de son œuvre était consacrée à l’exégèse biblique et elle se composait de scholies (qui sont de simples notes explicatives sur des passages ou des mots difficiles), d’homélies (prêchées aux fidèles de Césarée) et de commentaires (études plus étendues, de caractère scientifique, sur les livres de l’Écriture). Dans ses commentaires, Origène ne s’arrête pas au sens littéral du texte saint, dont il scrute mieux que personne la signification, mais il s’efforce de découvrir le sens caché, c’est-à-dire moral et spirituel. Pour cela, il suit les principes de la méthode allégorique caractéristique de l’exégèse alexandrine, méthode également utilisée par Saint Paul dans ses épîtres afin d’interpréter un passage obscur ou choquant de l’Ancien Testament. En effet, le célèbre exégète et théologien alexandrin prit de Saint Paul les règles fondamentales d’interprétation de la Bible.

Vers 243, Origène écrivit un Commentaire complet à la Lettre aux Romains qu’il considère comme l’écrit le plus difficile à comprendre et aussi le plus utilisé par les « hérétiques » (gnostiques). Origène relève que parfois « Paul utilise des périodes confuses et peu explicites et qu’il accumule pensée sur pensée au point de compliquer les choses » (Commentaire sur l’épître aux Romains, préface). À part le commentaire aux Romains, Origène en a consacré un autre, sans doute moins important, à l’épître aux Galates, malheureusement totalement perdu. Les autres épîtres qu’il avait commentées sont : Éphésiens, Philippiens, Colossiens, 1 et 2 Thessaloniciens, Tite et Philémon.

Dans ses œuvres, Origène subit l’influence de la personnalité et de la pensée de Saint Paul. Pour Origène, être « chrétien » a le même sens qu’être « disciple » de Saint Paul. En effet, il considère Saint Paul comme « le véritable disciple du Christ » et le plus grand des « apôtres » : « … nous aussi, – dit Origène – quand nous pensons à Paul, nous ne croyons pas que puisse exister quelqu’un capable de le dépasser dans l’amour pour le Christ ».

• Saint Jean Chrysostome

Un autre admirateur de Saint Paul est Jean, l’évêque de Constantinople (344-407), que la postérité appellera Chrysostome, c’est à dire « Bouche d’or ». Originaire d’Antioche de Syrie, Jean Chrysostome fut ordonné diacre en 381 puis prêtre en 386. Jusqu’à son élévation sur le siège épiscopal de Constantinople en 398, il exerça la responsabilité de prédicateur officiel de l’Église d’Antioche. Durant les douze années de ministère passées à Antioche, Chrysostome écrit sept « Panégyriques » (c’est-à-dire des discours de louange) dédiés à Saint Paul, où il avoua une grande admiration pour l’Apôtre. Dans la deuxième année de son ministère à Antioche, Jean Chrysostome commença un cycle d’homélies sur l’épistolaire paulinien dans son intégralité – en tout 244 homélies –, cycle qui sera complété après 398, pendant son épiscopat à Constantinople.

La grande admiration vouée par Jean Chrysostome à l’Apôtre fait qu’il est parfois considéré comme un second Saint Paul. C’est à l’Apôtre qu’il s’efforça de conformer sa vie, sa pensée et son action. Voici la confession qu’il nous fait dans le Prologue au Commentaire de l’épître aux Romains : « Moi qui écoute continuellement la lecture des épîtres du bienheureux Paul, deux fois par semaine, souvent même trois et quatre fois, au cours des célébrations à la mémoire des saints martyres, je jouis et me réjouis de savourer cette trompette spirituelle. Je m’exalte et m’enflamme de désir, appréciant cette voix qui m’est chère et j’en arrive à croire dans mon imagination, qu’il est là, présent et que je le vois parler ».

Dans ses commentaires, Jean Chrysostome reste fidèle aux règles exégétiques de l’école d’Antioche, selon lesquelles le sens littéral est à rechercher dans chaque page de l’Écriture. Tout en se limitant au sens littéral du texte saint, Jean Chrysostome se préoccupe aussi de recueillir le sens immédiat qui trouve application sur le plan spirituel et pratique. Ce n’est pas un hasard si ses préférences vont aux lettres de Saint Paul, maître de vie spirituelle et morale pour le peuple chrétien. Pour cela, il invite sans cesse les fidèles à la conversion de la pensée et de l’action selon l’exemple offert par l’Apôtre : « Saint Paul – dit-il – est de tous les hommes celui qui a le mieux montré quelle est la grandeur de l’homme, quelle est la dignité de notre nature, à quelle vertu nous pouvons atteindre. […] Sans avoir reçu une autre nature que nous, sans être né avec une autre âme, sans avoir habité un autre monde, mais placé sur la même terre et dans les mêmes régions, élevé suivant les mêmes lois et les mêmes coutumes, il a surpassé tous les hommes de tous les siècles ».

Saint Jérôme

À la même époque que Jean Chrysostome, Jérôme (342-420), en Occident, fut chargé par le Pape Damase d’établir un texte officiel de l’ancienne version latine de la Bible. La nouvelle traduction, la Vulgate contient les 14 épîtres de Saint Paul. Par ailleurs, lors de son séjour à Bethléem entre 386 et 388, Jérôme commenta (à la demande de ses amies Paula et Eustochia) les lettres de Saint Paul à Philémon, aux Galates, aux Éphésiens et à Tite. En dehors de ces œuvres, Jérôme se réfère souvent aux écrits de Saint Paul, non pas de manière continue mais seulement pour proposer des solutions à quelques versets controversés. Dans le prologue à l’Épître aux Galates de la Vulgate, Jérôme dit expressément qu’il a recours dans son travail à tous ceux qui ont commenté le texte avant lui. Ainsi, le commentaire de Jérôme sur les lettres susmentionnées de Saint Paul dépend en particulier de celui d’Origène et de Didyme l’Aveugle.

Mais Jérôme est capable de repenser d’une manière personnelle la tradition exégétique paulinienne, en dehors du contexte théologique de son époque. Dans ses commentaires, Jérôme ne semble pas être trop intéressé à approfondir les pensées trinitaire ou christologique de Saint Paul, mais plutôt à rechercher le sens des écrits de l’Apôtre. Ainsi, il enrichit son enquête d’interprétation soit avec des références historiques, soit avec des applications parénétiques (qui a rapport à la parénèse, à l’exhortation morale), soit avec une attentive analyse philologique (qui cherche à révéler tous les sens cachés) des termes.

Néanmoins, Jérôme ne cache pas dans son travail exégétique les difficultés que représente l’épistolaire paulinien. Non, l’Apôtre n’est pas facile à lire pour Jérôme ! Jérôme avertit ses lecteurs que la lettre aux Romains « est si contournée et obscure que, pour la comprendre, il faut l’Esprit Saint (c’est lui, en plus, qui a dicté le texte en se servant de l’Apôtre) » (Lettre 120,10). En bref, Saint Paul est un penseur robuste, dense, surchargé, débordant de doctrine et de passion, explosif, qui pose des vrais problèmes à Jérôme qui dit : « Je citerai l’apôtre Paul ; car, toutes les fois que je le lis, je crois entendre, non pas des paroles, mais des coups de tonnerre… » (Lettre 49,13).

• Saint Augustin

À côté de Jérôme, émerge dans l’Occident latin la figure d’un autre grand écrivain et penseur, Augustin (354-430). La vie du futur évêque d’Hippone est marquée par sa rencontre avec Saint Paul. De fait, Saint Paul est pour Augustin un maître. Sa véritable conversion en 386 est liée à la lecture de Saint Paul. Selon ses propres Confessions, pendant qu’il se trouvait dans le jardin de la maison dans laquelle il était accueilli par son ami Alypius, Augustin fut partagé entre l’idéal d’une vie « chaste et sereine » et les liens avec sa vie passée. En proie au trouble, il s’éloigne de son ami et s’assied sous un figuier où il commence alors à pleurer et dans les larmes à invoquer l’aide du Seigneur. Pendant qu’il continue à prier et pleurer, de la maison voisine lui vient une voix « comme une voix d’enfant ou de jeune fille qui chantait et répétait : “Prends, lis ! Prends, lis !” ». Augustin cherche à comprendre et réfléchit sur le sens de cette invitation. Il se rappelle ce qui était arrivé à Antoine d’Alexandrie qui avait interprété le texte évangélique (Mt 19,21) écouté par hasard comme un message adressé à lui-même. Ainsi, confesse Augustin, « je revins vite à la place où Alypius était assis ; car, en me levant, j’y avais laissé le livre de l’Apôtre. Je le pris, l’ouvris, et lus en silence le premier chapitre où se jetèrent mes yeux ». Il s’agit du texte de la lettre aux Romains 13,13-14 : « Non, pas de ripailles et de soûleries ; non, pas de coucheries et d’impudicités ; non, pas de disputes et de jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans les convoitises ». Augustin applique à lui-même ce verset. Il reconnaît que depuis ce moment-là se répandit dans son cœur comme il dit « une lumière de sécurité qui dissipa les ténèbres de mon incertitude ». Tout comme Saint Paul a été « renversé par une voix d’en haut » et converti, pareillement Augustin se décrit comme soudainement transformé après avoir entendu « une voix venant de la maison voisine » qui répétait : « Prends, lis ! » (Tolle, lege) et avoir lu alors ces mots de la lettre aux Romains.

Ce récit des Confessions est révélateur de l’importance de Saint Paul dans la manière dont Augustin a compris sa conversion. Il s’agit moins d’une conversion au christianisme que d’une conversion au paulinisme. Sa découverte des épîtres de Paul lui fait voir tout à fait différemment non seulement le christianisme qu’il connaissait, mais aussi ses propres inquiétudes préalables.

Si Saint Paul joua un tel rôle dans la formation théologique d’Augustin, on ne s’étonne guère qu’Augustin emprunte à Saint Paul les principes qui le guident dans sa lecture et son interprétation de l’Écriture. Il suffit de relever les titres des premiers travaux exégétiques d’Augustin pour constater la place que tiennent les lettres de Saint Paul.

Ainsi, par exemple, dans l’espace d’une année, entre 394 et 395, il y a deux tentatives accomplies par Augustin – une à Carthage et l’autre à Hyppone probablement – de commenter la Lettre aux Romains. En réalité, la première, intitulée Commentaire de quelques problèmes tirés de la Lettre aux Romains, n’est pas un véritable commentaire. Il s’agit plus exactement de l’explication qu’il offre aux 76 questions liées aux passages de la Lettre aux Romains sur lesquelles les amis et les disciples l’avaient interrogé. La seconde tentative, intitulée Commentaire inachevé de la Lettre aux Romains, aurait dû être dans l’intention d’Augustin, cette fois-ci, un vrai commentaire systématique du texte de Saint Paul. Effrayé cependant de la fatigue et du volume de l’entreprise qui l’attendait encore, après avoir consacré un livre entier seulement au commentaire de la lettre aux Romains 1,1-7, Augustin interrompit le travail. Bien sûr, l’intérêt qu’Augustin montre pour l’Apôtre Paul ne se limite pas à ces deux premières œuvres, dont l’objectif fut de commenter, en partie ou totalement, l’épître aux Romain. La pensée et la théologie de Saint Paul est présente chez Augustin dans les écrits de différents genres qu’il composa tout au long de sa vie.

Les quatre exemples des écrivains grecs et latins nous montrent bien comment les Pères du IIIe au Ve siècle ont relu l’œuvre de l’Apôtre Paul. Une interprétation moraliste et théologique de Saint Paul est assez commune aussi bien en Orient qu’en Occident. Cette attitude s’explique par le fait qu’ils ont éprouvé la nécessité de proposer un modèle de cheminement propre à la vie chrétienne, et dans le même temps, de répondre aux questions agitées de leur temps, notamment les controverses doctrinales sur la personne du Christ et sur la question du salut. La réception et la lecture de Saint Paul dans l’Église à cette époque reste néanmoins assez variée d’une Église à l’autre. C’est justement la situation que Chrysostome expose : « je souffre et je m’attriste à l’idée que tous ne connaissent pas cet homme comme ils devraient le connaître, que certains l’ignorent à ce point de ne pas connaître exactement le nombre de ses épîtres ». Tandis qu’Augustin n’hésite pas à dire à ses auditeurs à propos de Saint Paul : « rien n’est plus connu que ce grand homme, rien de plus doux, rien de plus familier dans les Saintes Écritures ».


Conclusions

Après avoir traité de manière relativement concise les trois points annoncés dans l’introduction, permettez-moi de passer à ce qui constitue les conclusions de mon exposé. Les conclusions seront très brèves car le temps l’impose :

Le cadre qui vient d’être tracé permet de se faire une idée des tensions concernant la figure de Saint Paul et de la réception de ses lettres. Cela confirme le fait que l’histoire de la théologie paulinienne au IIe siècle constitue l’un des problèmes les plus fascinants de l’histoire de l’Église, qui n’a pas encore trouvé de réponse définitive.

2) Les choses changent au IIe siècle avec Irénée, car c’est précisément la conception même du Nouveau Testament qui change, formant désormais un corpus bien repéré et clos, qui fait pendant à l’Ancien Testament. Irénée de Lyon est le premier auteur chrétien à citer aussi abondamment le Nouveau Testament que l’Ancien. Le rapport à Saint Paul devient rapport à un corpus écrit. C’est sans aucun doute à partir du IIe siècle et avec Irénée que les épîtres de Saint Paul ont fait l’objet d’une lecture théologique plus large.

3) Les Pères de l’Église ont manifesté un grand intérêt pour l’œuvre et la figure de Saint Paul aux IVe-Ve siècles. Cette période est, comme nous l’avons vu, en contraste avec l’ « antipaulinisme » du IIe siècle et avec les rares commentaires des épîtres du IIIe siècle. Les controverses doctrinales sur la personne du Christ et sur la question du salut expliquent en partie cette relecture de l’œuvre de l’Apôtre de la part des Pères. Cependant, à cette argumentation, s’ajoute aussi le souci de proposer un idéal de vie chrétienne : Saint Paul est présenté par les Pères de l’Église comme modèle de conversion et maître spirituel.
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Message par jaimedieu Ven 4 Déc 2015 - 14:57

SAINT AUGUSTIN

SERMON XVIII. POURQUOI LE JUGEMENT DERNIER.

ANALYSE. - Autant le premier avènement du Sauveur a été caché, autant le dernier sera éclatant. Pourquoi? .

Malgré les traits de justice que Dieu fait briller quelquefois dans ce monde, il n'est pas moins vrai que les biens et les maux paraissent également distribués entre les bons et les méchants. Il n'en est rien cependant, car les bons et les méchants amassent inégalement des trésors inadmissibles de mérite ou de colère. Le résultat de leur travail est secret; il faut le faire briller au grand jour. II Or c'est ce que Jésus-Christ fera de la manière la plus solennelle au jugement dernier. Il mettra en relief les vertus et la récompense des uns; les crimes et les châtiments des autres. Donc empressons-nous de faire pénitence. N'ayons ni présomption ni désespoir.

Recevez avec plaisir, comme encouragement à votre charité, les quelques réflexions que m'inspire le Seigneur à l'occasion de ce psaume. C'est de Jésus-Christ notre Seigneur que doivent s'entendre ces paroles prophétiques que nous venons d'ouïr et de chanter: «Dieu viendra avec éclat; c'est notre Dieu et il ne gardera point le silence.» En effet le Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Fils de Dieu, est venu voilé dans son premier avènement, dans le second il viendra avec éclat. Quand il est venu voilé, il ne s'est fait connaître qu'à ses serviteurs; lorsqu'il viendra avec éclat, il se manifestera aux bons et aux méchants. En venant voilé il venait pour être jugé; en venant avec éclat il viendra pour juger. Enfin il garda le silence lorsqu'on le jugeait et c'est de ce silence que le prophète avait dit: «Il a été conduit comme une brebis à l'immolation, et comme l'agneau devant celui qui le tond, il n'a pas ouvert la bouche. Mais notre» «Dieu viendra avec éclat; c'est notre Dieu et il ne gardera point le silence. Il ne se taira point» lorsqu'il jugera, comme il s'est tu lorsqu'il était juge. Maintenant il ne se tait point pour qui veut l'entendre mais il est dit qu'alors « il ne gardera point le silence,» parce que sa voix sera reconnue de ceux-mêmes qui le méprisent aujourd'hui.

Il est des hommes qui se rient des commandements de Dieu lorsqu’on en parle présentement, et parce qu'ils ne voient ni ses promesses réalisées ni ses menaces accomplies, ils se moquent de ses préceptes. Car ce qu'on appelle la félicité de ce monde est égaiement pour les méchants: les bons éprouvent aussi ce qu'on nomme le malheur de ce monde; et les mortels qui voient le présent et ne croient pas à l'avenir remarquent que les biens et les maux du siècle sont distribués indistinctement aux bons et aux méchants. Désirent-ils les richesses? Ils les voient aux mains des plus coupables comme aux mains des hommes de bien. Ont-ils horreur de la pauvreté et des misères du siècle? Ils observent aussi que les méchants en souffrent comme les bons, et ils disent dans leur coeur que Dieu ne regarde ni ne dirige les choses humaines et qu'il nous laisse rouler au hasard dans l'abîme de ce monde, sans prendre aucun soin de nous. Ainsi méprisent-ils le commandement parce qu'ils ne sont pas témoins de l'éclat du jugement.

On devrait cependant remarquer que maintenant même Dieu regarde et juge, quand il le veut, sans différer, et qu'il diffère quand il lui plaît. Pourquoi? Parce que, si jamais il né jugeait dans cette vie, on croirait qu'il n'y a pas de Dieu, et si présentement il jugeait tout, il ne réserverait rien pour le jugement à venir. Il est donc beaucoup de choses qu'il réserve, il en est quelques unes qu'il juge actuellement; son but est de frapper d'une crainte salutaire et de porter à se convertir les coupables dont il remet la cause. Il n'aime pas de condamner, il cherche à sauver. Voilà pourquoi il est patient envers les méchants, il veut les rendre bons.

Cependant l'Apôtre dit: «La colère de Dieu éclatera contre toute impiété;» et «Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres.» De plus il adresse à l'indifférent cet avertissement et ce reproche: «Méprises-tu les richesses de sa bonté et de sa patience?» Quoi! Parce qu'il est pour toi bon, tolérant et patient; parce qu'il remet ta cause et ne te brise pas, tu le méprises et ne crois pas à son jugement! «Ignores-tu que la patience de Dieu t'invite à la pénitence? Cependant, par la dureté de ton coeur, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres".

Ainsi tout ce que l'homme fait maintenant, il le jette dans un trésor sans savoir ce qu'il amasse. Les riches savent peut-être ce qu'ils jettent dans leur trésor terrestre, mais ils ignorent pour qui ils travaillent, car ils ne savent nullement ce que deviendront leurs richesses après leur mort: elles sont quelquefois le partage de leurs ennemis; et tel qui se prive de nourriture pour s'enrichir, travaille pour les excès, les débauches et les dissolutions d'un autre.

Il en est donc qui savent ce qu'ils amassent sans savoir pour qui Ainsi les bons connaissent ce qu'ils envoient dans le céleste trésor, les méchants ignorent ce qu'ils se préparent. Le bon met dans ce trésor toutes les oeuvres de miséricorde qu'il a faites envers les malheureux secourus par lui, et il compte sur la fidélité du gardien qui lui conserve tout ce qu'il amasse. Il ne voit pas tout mais il est tranquille sur le trésor même; il sait que le voleur n'en emporte rien, que l'ennemi ne l'attaque pas, qu'un adversaire injuste et puissant ne l'enlève point comme ce que l'on enlève au vaincu; mais qu'il lui restera, toujours parce qu'il a pour gardien le Tout-puissant lui-même. Eh! Si l'on est sans souci après avoir confié son argent à un serviteur fidèle, comment les bons seraient-ils dans l'inquiétude en recommandant le trésor de leurs charités au Seigneur? Ils savent donc que tout ce qu'ils y mettent est en sûreté: fidèles, ils sont foi à la puissance de leur Maître; ils croient qu'il veille et qu'ils retrouveront tout ce qu'il garde.

Est-ce que les hommes voient toujours le coffre où ils mettent leur argent? Le mettent-ils même toujours dans un coffre? L'enfouissent-ils ou le gardent-ils toujours? Ils ne l'ont pas toujours sous les yeux: toutefois ils ont comme la conscience qu'il est encore au lieu où ils l'ont déposé. Peut-être le voleur l'a-t-il déjà emporté, lorsque celui qui l'a inutilement conservé se laisse encore aller à une vaine joie. Mais si nous plaçons quelque chose dans les célestes trésors, nous sommes sûrs que le Seigneur le garde fidèlement; le voleur ne peut absolument rien nous prendre, nous ne subissons aucune perte.

Les méchants aussi mettent dans un trésor toutes leurs oeuvres mauvaises et Dieu les leur conserve. C'est ce que signifient ces paroles de l'Apôtre: «Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère du juste jugement de Dieu.»

Puisqu'à l'insu des méchants Dieu conserve tout ce qu'ils font; quand il viendra dans son éclat et non plus pour garder le silence, il convoquera près de lui toutes les nations, comme il l'annonce dans l'Évangile. Il fera alors la grande séparation, plaçant les uns à sa droite et les autres à sa gauche, puis il commencera à ouvrir les trésors afin que chacun reconnaisse ce que chacun y a mis. «Venez, bénis, de mon Père, dira-t-il à ceux de droite, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde. Recevez en partage le royaume des cieux, le royaume éternel, la compagnie des anges, l'éternelle vie, où personne ne naît et où ne meurt personne. Car en mettant vos oeuvres dans votre trésor, vous achetiez le royaume même des cieux. Recevez le royaume des cieux qui vous a été préparé dès l'origine du monde.» Et voici comment il leur montre leurs trésors: «J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais nu, et vous m'avez vêtu; voyageur, et vous m'avez recueilli; en prison, et vous êtes venus à moi; malade, et vous m'avez visité. - Seigneur, lui répondent-ils, quand est-ce que nous vous avons vu» éprouver ces besoins et que nous vous avons servi? Et lui: «Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait.» Et parce que c'est à moi que vous l'avez fait chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, prenez ce que vous avez déposé, possédez ce que vous ave acheté. C'est pour cela que vous l'avez confié à votre Sauveur.

Il se tournera ensuite vers ceux de la gauche et leur montrera leurs trésors vides de toute bonne oeuvre. «Allez, dira-t-il, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. J'ai eu faim et vous rie m'avez pas donné à manger.» Avez-vous jamais rien trouvé, rien déposé dans ce trésor? Cherchez bien, on vous rendra tout. «Mais jamais, disent-il, nous ne vous avons vu avoir faim.» Et lui: «Chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, vous ne me l'avez pas fait non plus.» Ce qui peut-être vous a empêchés de me le faire, c'est que vous ne m'avez pas vu marcher sur la terre. Mais vous êtes si pervers qui si vous me voyiez vous me crucifieriez comme les Juifs. Car les méchants qui voudraient qu'aujourd'hui, s'il était possible, il n'y eût plus d'églises où on prêchât les commandements de Dieu, ceux-là ne feraient-ils pas mourir le Christ, s'ils le trouvaient vivant sur la terre?

Cependant ils oseront lui dire, comme s'il ignorait les pensées des hommes. «Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim?» Et lui: «Chaque fois que vous avez manqué à l'un de ces plus petits, vous m'avez manqué aussi.» J'avais placé devant vous sur la terre mes petits dans l'indigence. Comme chef, j'étais assis dans le ciel à la droite de mon Père; mais sur la terre mes membres souffraient, ils étaient indigents sur la terre il fallait leur donner, ce don serait allé jusqu'au chef; il fallait savoir qu'en plaçant devant vous ces indigents sur la terre, je voulais en faire comme vos serviteurs chargés de porter vos oeuvres dans mon trésor: vous n'avez rien mis dans leurs mains; ne soyez pas étonnés de ne rien trouver ici.

Ainsi il ne gardera point alors le silence; il se montrera: c'est pourquoi il est dit: «Il ne se taira point.» Quand le Lecteur lit maintenant cela dans le livre sacré, on le méprise; si l'évêque l'interprète et l'explique de vive voix, on s'en moque. S'en moquera-t-on ainsi lorsque le Juge tout-puissant le fera entendre lui-même? Chacun recevra ce qu'il aura fait, le bien ou le mal.

Sous l'inspiration d'une pénitence infructueuse et tardive, des hommes diront alors: Ah! Si nous pouvions revivre, écouter et pratiquer ce que nous avons dédaigné! Ces malheureux que leurs iniquités placent dans les rangs ennemis répèteront alors ce qui est dit au livre de la Sagesse: «Que nous a servi l'orgueil? Que nous a procuré l'ostentation des richesses? Toutes ces choses ont passé comme l'ombre.»

Vous voyez qu'ils se repentiront; mais ce repentir les torturera sans les guérir. Veux-tu faire une pénitence utile? Fais-la maintenant. Si tu la fais maintenant tu te corrigeras, et quand tu seras corrigé, on jettera ce trésor d'iniquités où étaient recueillies tes mauvaises actions, et l'on te donnera un autre trésor pour le remplir de tes bonnes oeuvres.

Mais si tu mourais immédiatement après ta conversion, trouverait-on aucune bonne oeuvre dans ce trésor? Oui, tu y trouveras de bonnes oeuvres, car il est écrit: «Paix sur terre aux hommes de bonne volonté.» Ce n'est pas le pouvoir que Dieu demande, c'est la bonne volonté qu'il couronne. Il sait que tu as voulu sans pouvoir: il te marque comme si tu avais fait ce que tu as voulu: Il est donc nécessaire de te convertir; tu pourrais en différant être enlevé par une mort subite et ne rien trouver qui fasse ta richesse dans le présent et ton bonheur dans l'avenir. Tournons-nous avec un coeur pur, etc.




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Message par jaimedieu Sam 21 Mai 2016 - 15:31

Qui est la Trinité ?

S’il y a quelque chose de difficile à comprendre dans la foi chrétienne, c’est bien lle mystère d'un seul Dieu en trois personnes. Un éclairage du P. Jean-Paul Sagadou, assomptionniste. Publié le 28 mai 2015.

Croire en un Dieu unique, et aussi relations en lui-même au point d’être trois, c’est tout de même un étrange mystère. Et ce d’autant plus que le mot n’apparaît pas dans le vocabulaire biblique. On raconte que saint Augustin, auteur d’un magnifique Traité sur la Trinité, vit un jour un ange qui essayait de mettre toute l’eau de la mer dans un seul petit coquillage. Lorsque l’évêque d’Hippone lui faisait remarquer la difficulté de son entreprise, l’ange lui répondit que cela lui serait plus facile que de vouloir épuiser, avec ses seules ressources de la raison humaine, le mystère de la Trinité. Pourtant, la Bible n’est pas muette à ce propos.

Au tout début du livre de la Genèse, Abraham reçoit la visite du seigneur sous la forme de trois mystérieux personnages. Le texte de la Bible alterne singulier et pluriel au point que l’hospitalité d’Abraham devint, pour les chrétiens, le symbole par excellence et la préfiguration de la Trinité. Les évangiles eux aussi connaissent les trois termes : le Père, le Fils et l’Esprit, pour désigner Dieu. Les textes les plus clairs à cet égard sont ceux de l’annonciation, du baptême de Jésus et, à la fin de l’Évangile de Matthieu, de l’envoi en mission.

Divinité une et trine

Mais il faudra plus de trois siècles pour que le mot Trinité apparaisse, sous la plume d’Athanase d’Alexandrie. Le terme, formé à partir du grec "trias", décrit cette réalité étonnante d’une divinité une et trine proposée à la foi des chrétiens. S’agirait-il d’une invention tardive, quelque peu éloignée du message originel de Jésus? N’a-t-on pas "brodé" sur Dieu?  Pour se convaincre du contraire, il faut revenir à l’histoire des premiers chrétiens. Juifs avant tout, ils partagent le monothéisme ombrageux d’Israël face à l’idolâtrie régnante. Ils ont donc assez logiquement du mal à rendre compte, par des concepts, de l’expérience vécue avec Jésus.

Sa résurrection est le meilleur gage de sa divinité, mais il ne nie pas l’existence d’un Créateur et Père, au contraire. Ainsi Jésus est vraiment Fils de Dieu et il envoie aux apôtres un Défenseur (Paraclet), l’Esprit, qui leur met, au cœur et sur les lèves, les paroles de vérité et de vie. Mais il existe une autre source de la foi : la liturgie. Le baptême n’est-il pas donné, selon Matthieu, "au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit?". Ne commençons-nous pas nos prières par un signe de croix qui est fait "au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit?".

La liturgie eucharistique est d’une  grande richesse à cet égard. Les textes des prières qui la composent proclament un mouvement interne à Dieu. Il est don, dans la Création, l’Incarnation et l’action permanente et renouvelée de l’Esprit. Il est amour, et l’amour est tout sauf immobile. Il est vie, et il n’existe pas de vie sans engendrement. Il est impossible au chrétien de se fixer sur une personne de la Trinité, car chacune d’elle réoriente le regard vers une des deux autres. Le croyant est alors en quelque sorte intégré à ce mouvement de vie et d’amour. Ce mouvement perpétuel d’une personne à l’autre de la Trinité montre aussi la divinité du Fils et celle de l’Esprit, ainsi que leur unité au Père.

L'amour absolu

Ni l’un ni l’autre ne sont des intermédiaires entre un Dieu solitaire et ses créatures. Pour contempler l’unité de la Trinité, la voie la plus accessible est de considérer l’amour dans sa forme d’absolue gratuité que nous appelons charité ou agapè. Cet amour désintéressé tend vers l’unité comme tout amour, dans une distance respectueuse de chacun. Lorsque l’amour est divin et donc parfait, il génère ce paradoxe inouï qu’est une unité plurielle. Pour avancer dans la saisie de ce mystère, deux voies s’offrent à nous, celle, simple et sûre, de la liturgie et celle, plus âpre mais indispensable, de l’amour réciproque.

P. Jean-Paul Sagadou, assomptionniste, article paru dans le quotidien burkinabè l’Observateur Paalga, cité sur le site " Croire "
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Message par jaimedieu Sam 16 Juil 2016 - 16:24

Le progrès spirituel ou épectase chez Grégoire de Nysse

par Fr. Jimmy
Cet article du Fr. Jimmy-Yannick Buzaré de Kergonan présente une introduction à la doctrine de l’épectase chez Grégoire de Nysse.


La doctrine grégorienne du progrès spirituel ou « épectase » (ἐπέκτασις), repose sur le passage suivant de la lettre de saint Paul aux Philippiens : « Non que j’ai déjà atteint [le but], ou que je sois déjà parfait, mais je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. […] oubliant ce qui est derrière moi, et tendu (ἐπεκτεινόμενοϛ), vers ce qui est en avant, je cours droit au but… » (3, 13-14). Cette doctrine apparaît chez Grégoire à de nombreuses reprises, principalement dans sa Contemplation sur la vie de Moïse ou traité de la perfection en matière de vertu et dans ses Homélies sur le Cantique des cantiques. En quoi consiste-t-elle ? Nous le verrons en étudiant successivement le but du progrès spirituel, son moyen, et la place de la liberté et de la grâce dans ce progrès.

Le but du progrès spirituel

2La Béatitude

Pour Grégoire de Nysse, tout l’effort spirituel doit viser à la Béatitude, « synthèse de tout ce que l’on comprend sous le nom de bien dont rien de ce qu’on peut désirer ne fait défaut ». Or, la Béatitude appartient en propre à Dieu : « Seule la divinité peut être vraiment déclarée bienheureuse » ; « est appelée bienheureuse, au sens propre et premier, la nature qui est au-delà de tout. » Pour l’homme donc, être heureux ce sera participer à la nature divine, « fondement de toute béatitude », « par [sa] ressemblance avec [Dieu] », car « comme Celui qui a modelé l’homme l’a créé à l’image de Dieu, on peut, en second lieu, appeler heureux celui qui mérite cette appellation par la participation à la véritable Béatitude. » Bref, « la définition de la béatitude humaine, c’est la ressemblance avec le divin ». Cette ressemblance va s’établir progressivement et comporter diverses étapes.

2Les étapes vers la Béatitude

La participation à la Béatitude divine commence au baptême et se développe dans la mesure où l’homme harmonise sa vie avec cette purification [10]. Elle est donc susceptible d’un accroissement, d’« ascensions successives » parmi lesquelles Grégoire distingue trois grandes étapes : « le rejet du mal […] ; la méditation des réalités sublimes et plus divines […] ; enfin la ressemblance avec le divin que réalisent ceux qui, grâce à ces étapes, parviennent à la perfection, en vertu de laquelle sont également dites bienheureuses les étapes précédentes. » Leur correspondent trois livres bibliques : les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des cantiques. Le premier a été écrit « pour naître au désir des vertus. » Le deuxième pour purifier le cœur de l’attachement aux apparences et le pousser à désirer la beauté invisible. Enfin, le troisième « introduit la pensée dans les secrets de Dieu. »

2Le paradoxe de la Béatitude

L’état bienheureux auquel l’homme parvient à travers les différentes étapes de sa vie spirituelle, et c’est là proprement l’originalité de la doctrine grégorienne, est un état paradoxal parce qu’il comporte « à la fois pour l’âme un aspect de stabilité, de possession, qui est la participation qu’elle a à Dieu - et de l’autre un aspect de mouvement qui est l’écart toujours infini de ce qu’elle possède de Dieu et de ce que Dieu est » ; « C’est là la plus paradoxale de toutes les choses, que stabilité et mobilité soient la même chose. Car d’ordinaire celui qui avance n’est pas arrêté et celui qui est arrêté n’avance pas. Ici il avance du fait même qu’il est arrêté. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que plus quelqu’un demeure fixé et inébranlable dans le bien, plus il avance dans la voie de la vertu. ». La divinisation implique donc un progrès et une « extension » - ἐπέκτασις - sans fin : « Jamais l’âme n’atteindra la perfection dernière, car elle ne touchera jamais sa limite. […] Le Bien premier en son essence est illimité, la communion d’être avec lui, pour qui s’en rassasie, doit également être sans limite et capable de recevoir toujours davantage. » En somme, « vouloir étreindre la Beauté toujours plus, là se trouve la perfection de la nature humaine. ».

Cette union croissante à Dieu n’est d’ailleurs pas réservée, selon Grégoire, au temps de la vie sur terre, mais se poursuit jusque dans l’éternité : « La part sans cesse atteinte de cette nature bienheureuse des biens est abondante, mais la surabondance de ce que l’on obtient éternellement est infinie, et cela est sans fin pour celui qui y prend part, et les progrès, pour ceux qui y participent, passant par des biens toujours plus grands, perdurent dans toute l’éternité des siècles. »

2.Rôle du Verbe dans la quête de la Béatitude

Sur le chemin de la Béatitude, l’homme est précédé par le Verbe divin qui, dans le Christ, ne cesse de l’éveiller à désirer Dieu toujours plus. Le Christ est en effet le Bien-aimé du Cantique des cantiques qui appelle sa Bien-aimée, l’âme, à le suivre dans une ascension sans limite : « Le Verbe commande à l’âme qui a progressé dans la divinité de venir à lui. Cette âme, fortifiée aussitôt par cet ordre, devient telle que le voulait son fiancé, métamorphosée en un sens plus divin et étant passée de la gloire dans laquelle elle se trouvait à une gloire plus élevée, par ce bon changement »; « La fiancée ne cesse de tendre vers des réalités encore plus élevées, toujours aidée dans son ascension par le Verbe. ».

Cette ascension est un exode de l’âme vers Dieu, une extase de l’âme en Dieu : « Ô bienheureuse sortie de l’âme à la suite du Verbe ! […] une sortie qui est en même temps une entrée. Car la sortie de l’endroit où nous sommes devient entrée dans les biens transcendants. C’est donc cette sortie qu’a connue l’âme, sous la conduite du Verbe qui a dit : “Je suis la voie et la porte”, et : “Si quelqu’un passe par moi, il entrera et il sortira” sans jamais cesser d’entrer et sans cesser de sortir, mais en pénétrant toujours par son élan dans les réalités supérieures, et en se dégageant toujours de ce qui a déjà été saisi. »

Voir Dieu, participer à sa Béatitude, revient à le suivre sans cesse : « L’homme qui désire voir Dieu voit celui qu’il recherche dans le fait même de toujours le suivre ; la contemplation de sa face, c’est la marche sans répit vers Lui, qui est réussie si on marche à la suite du Verbe » [22] ; « C’est en cela que consiste la véritable vision de Dieu, dans le fait que celui qui lève les yeux vers Lui ne cesse jamais de le désirer » ;
« suivre Dieu où qu’il conduise, c’est là voir Dieu. » [24] Pour ce faire, la vertu est nécessaire.

Le moyen du progrès spirituel

2La Béatitude et la vertu

Sans vertu, la Béatitude ne peut être atteinte : « La fin de la vie vertueuse est la Béatitude. […] L’acquisition de la vertu a pour fin de rendre bienheureux celui qui vit conformément à elle. » La vertu est donc le moyen de progresser spirituellement et de parvenir à la ressemblance avec Dieu : « Le but d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu »; « ressembler à Dieu, tel est le but de cette vie de vertu » car la divine beauté se contemple « dans l’indicible Béatitude selon la vertu » [28] et « le vêtement des vertus imite la Béatitude divine » Bref, « la nature humaine [est] conduite vers la perfection par la vertu. »

2Définition de la vertu

Comment Grégoire définit-il la vertu ? Selon lui, elle « n’a d’autre limite que le vice » parce qu’elle est « le milieu entre deux vices contraires. » Ainsi, le courage se tient entre la lâcheté et la témérité. Mais la vertu en elle-même n’est pas quelque chose d’achevée : « Sa perfection n’a qu’une limite, c’est de n’en avoir aucune. » Ceci vient de ce qu’elle est une participation à Dieu qui n’a pas de limites : « Celui qui participe à la vraie vertu, à quoi participe-t-il, sinon à Dieu, puisque la vertu parfaite est Dieu même. » Surtout, elle est une qualité que Dieu infuse dans l’âme. Ce que Grégoire exprime de manière poétique en disant que les vertus sont « les rayons jaillis du Soleil de la justice pour nous illuminer ». La première d’entre elles, la prière, « tête du chœur des vertus », est aussi celle « par laquelle nous demandons à Dieu toutes les autres vertus. » Néanmoins, le fait qu’elles sont toutes des dons divins ne dispense pas l’homme de les exercer car « elles élèvent au sommet ceux qui les pratiquent. » p

2La vertu et le Christ

La ressemblance avec Dieu que permet d’atteindre la vertu passe par le Christ. C’est Lui en effet le grand modèle de toutes les vertus que l’homme doit chercher à imiter. Pour le faire comprendre, Grégoire recourt à une comparaison empruntée au monde de la peinture artistique : « Il faut utiliser bien purifiées les couleurs des vertus, et les mêler les unes aux autres, comme font les artistes, pour imiter la beauté, de manière à devenir nous-mêmes image de l’Image, en reproduisant la beauté-prototype par une imitation aussi efficace que possible ; c’est ce que faisait Paul en se rendant l’imitateur du Christ par une vie vertueuse. » Le Christ est le Bien-aimé du Cantique des cantiques chez qui la Bien-aimée, l’âme, « contemple fermement les exemples des vertus. »

2Les différentes vertus2

Pour Grégoire, toutes les vertus sont surnaturelles. Elles ne se distinguent pas entre vertus morales et vertus théologales. De plus, sont inclus parmi elles ce que nous appelons les fruits et les dons du Saint-Esprit. Leur liste, jamais donnée de manière exhaustive, varie selon les ouvrages. Elle comprend : la droiture, l’obéissance, la foi, l’espérance, la justice, le service, l’humilité, la douceur, la joie, l’amour ; « la sagesse, la prudence, l’équité, le courage, la réflexion, etc » ; « l’absence de colère, l’oubli du mal infligé par ses ennemis, l’amour pour ceux qui souffrent, la bonne action rendue en échange du mal, la tempérance, la pureté, la patience, […] le refus de se laisser séduire par la vaine gloire et l’illusion de cette vie. »; « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté. » Leur pratique supposent liberté humaine et grâce divine.

Liberté, grâce et progrès spirituel

2Liberté de l’homme

L’âme humaine, créée à l’image de Dieu Maître de l’univers, « est, dès sa création, une nature royale », donc indépendante, autonome et libre car : « La liberté est la ressemblance avec ce qui est sans maître, ce qui se régit par soi-même ». Autrement dit, « [Dieu] a donné à la nature raisonnable la grâce du libre-arbitre. » C’est pourquoi l’homme peut choisir entre Dieu et le mal : « [la liberté de choix] ne peut se définir que comme un mouvement libre vers le bien ou le mal, c’est-à-dire comme une progression vers la plénitude de l’être, ou comme une régression vers le néant. » Selon qu’il opte pour Dieu ou pour le mal, l’homme s’y assimile : « La nature humaine […] se transforme selon l’image produite par ses choix. » L’homme s’enfante en quelque sorte lui-même : « [notre naissance spirituelle] est le résultat d’un choix libre et nous sommes ainsi en un sens nos propres parents, nous créant nous-mêmes tels que nous voulons être et par notre volonté nous façonnant selon le modèle que nous choisissons […] par la vertu ou par le vice. » ; « Dans les autres naissances, les êtres doivent leur existence à l’impulsion de leurs parents : la naissance spirituelle dépend de la volonté de celui qui naît. » La liberté de l’homme préside à sa naissance spirituelle soit pour Dieu en pratiquant la vertu, soit pour le mal en usant du vice. Dans le premier cas, la grâce précède et accompagne l’action humaine.

2Rôle de la grâce

Ce que Grégoire écrit de la liberté, pourrait donner à penser que, d’une certaine manière, l’homme n’a pas besoin de Dieu pour parvenir à la Béatitude. Il n’en est rien : « la couronne ne dépend pas uniquement du labeur des hommes ni de leurs efforts. » L’aide divine est requise : « la grâce de l’Esprit Saint est donnée à chacun en vue de son labeur, c’est-à-dire pour le progrès et la croissance de celui qui la reçoit. » Le progrès spirituel suppose donc une collaboration, une synergie, entre la liberté humaine et la grâce de Dieu qui est première : « [La volonté de Dieu], c’est que l’âme prenne la forme de la piété, à mesure que la grâce de l’Esprit la fait fleurir jusqu’à la beauté suprême, travaillant avec l’homme qui peine à sa transformation. »

Grâce et liberté sont toutes deux nécessaires à qui s’avance vers Dieu. Que l’une fasse défaut et le salut est compromis : « La grâce de l’Esprit et l’œuvre bonne, concourant à la même fin, comblent de cette vie bienheureuse l’âme dans laquelle elles se réunissent. Séparées au contraire, elles ne procureraient à l’âme aucun profit. Car la grâce de Dieu est de telle nature qu’elle ne peut visiter les âmes qui refuse le salut ; et le pouvoir de la vertu humaine ne suffit pas à lui seul pour élever jusqu’à la forme de la vie [céleste] les âmes qui ne participent pas à la grâce. “Si le Seigneur ne bâtit la maison et ne garde la cité, dit l’Écriture, c’est en vain que le gardien veille et que peine le bâtisseur”. »

La reconnaissance par l’homme de l’œuvre de la grâce en lui garantit son humilité : « Il faut à la fois mettre tout son entrain, toute sa charité, toute son espérance, dans les labeurs de la prière, du jeûne et des autres exercices, et rester cependant persuadé que les fleurs et les fruits de ce travail sont l’œuvre de l’Esprit. Si quelqu’un en effet, met le succès à son compte et attribue tout à ses efforts, la jactance et l’orgueil pousseront chez lui, au lieu des bons fruits. […] Que doit donc faire celui qui vit pour Dieu et pour son espérance ? Soutenir allègrement les combats de la vertu, mais fonder sur Dieu seul la liberté de l’âme […] et son ascension vers la cime des vertus. »

Conclusion

La doctrine du progrès spirituel chez Grégoire de Nysse est particulièrement riche et nous n’avons pu ici que la survoler. Son originalité tient à l’identification du progrès et de la perfection : « Le fond de notre pensée : la vie parfaite est celle dont aucune borne ne limite le progrès dans la perfection et que la croissance continuelle de la vie vers le meilleur est la voie pour l’âme vers la perfection. »

Soutenu par la grâce divine depuis le baptême, conduit par le Christ et cherchant à l’imiter, l’homme, libre de ses choix, est appelé à pratiquer les vertus infusées en son âme pour ne jamais cesser d’entrer toujours plus avant en possession de la Béatitude divine. L’épectase est la destinée même de l’homme : « Nulle limite ne saurait interrompre le progrès de la montée vers Dieu, puisque d’un côté le Beau n’a pas de borne et que de l’autre la croissance du désir tendu vers Lui ne saurait être arrêtée par aucune satiété. »

(Source: Patristique.org)


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