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Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones

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Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones Empty Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones

Message par Lumen Mar 2 Aoû 2022 - 19:44

Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones

Le pape François a effectué, fin juillet, un « pèlerinage pénitentiel » auprès des Amérindiens du Canada. Retour sur ce 37e voyage marqué par l’histoire sombre des pensionnats autochtones.

Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones Pape_francois_alma_desjarlais
Le pape François embrasse la main d’Alma Desjarlais, de la Première Nation de Frog Lake et survivante d’un pensionnat. - REUTERS


Dès l’arrivée du pape François, le 24 juillet à Edmonton, dans l’Alberta, le ton de ce voyage était donné. Sur le tarmac de l’aéroport, la simplicité était de mise et les couleurs autochtones dominaient. Coiffes à plumes, danses et tambours indigènes ont accompagné tous ses pas. Le chef de l’Église catholique a choisi de réserver ses premiers moments et ses premières paroles aux communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits, les trois grandes réalités autochtones canadiennes qui représentent 5 % de la population. À Maskwacis, en terre indigène « depuis des temps immémoriaux », le chef de l’Église catholique a dénoncé la marginalisation systématique des autochtones et les « abus physiques et verbaux, psychologiques et spirituels », endurés par les enfants dans les écoles résidentielles. « Je demande pardon, a déclaré le pontife, en particulier pour la manière dont de nombreux membres de l’Église et des communautés religieuses ont coopéré, même à travers l’indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d’assimilation forcée des gouvernements de l’époque, qui ont abouti au système des écoles résidentielles. […] Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones. »

Sa démarche était très attendue, depuis la visite de délégations amérindiennes au Vatican en mars. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 150 00 enfants autochtones ont été enrôlés de force, entre 1831 et 1996, dans les pensionnats gérés par l’Église catholique à travers le pays. D’après des études nationales, 38 000 accusations d’agressions physiques et sexuelles dans l’ensemble des pensionnats ont été déposées entre 2005 et 2015. Et au moins 6 000 enfants autochtones sont morts dans le système des pensionnats, selon le juge Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation. Le pape, alors, n’a cessé de demander pardon au fil du voyage, y compris devant les autorités civiles à la Citadelle de Québec, impressionnante forteresse surplombant la ville au bord du fleuve Saint-Laurent.

Des images fortes sont restées de ce périple. Un pape fatigué et limité, en fauteuil roulant, descendant d’avion en passerelle élévatrice, et suivant un rythme fortement réduit ne dépassant pas plus de deux rencontres officielles par jour. Un pape baisant la main d’une vieille femme autochtone. Un pape rendant des mocassins d’enfants qu’il avait promis de rapporter en personne au Canada, comme un symbole de sa demande de pardon. Un pape au milieu des Inuits, sous le ciel morne d’une petite ville montée de préfabriqués dans l’immensité désertique du territoire arctique. Et un pape silencieux dans des lieux symboliques. Un silence saisissant a ainsi entouré son recueillement au cimetière de Maskwacis, abritant probablement des restes d’enfants autochtones au milieu d’un champ marqué de simples croix dans l’herbe. Le temps s’est aussi suspendu lorsque le chef de l’Église catholique a fait halte devant le tipi marquant l’entrée de l’ancienne école résidentielle d’Ermineskin, tristement fameuse pour les conditions de vie sordides imposées aux élèves. Au bord du lac Sainte-Anne, dans l’Alberta, le pape a également prié seul au bord des ondes que les nations autochtones considèrent comme sacrées.



Canada : Le pape pénitent auprès des autochtones Lac_sainte-anne_pape_alberta

Sainte Anne, patronne du Québec et figure chère aux Amérindiens, était la protectrice de ce déplacement, qui a fait la part belle à son culte. Depuis la cathédrale de Québec, berceau du christianisme canadien où s’installa le premier évêque venu de France, saint François de Laval (1623-1708), le pape a aussi encouragé la communauté catholique.

S’adressant aux évêques, prêtres et religieux, il a prodigué ses conseils pour survivre dans une société canadienne très sécularisée, où l’Église se retrouve souvent en opposition avec l’État sur des lois permissives en matière de doctrine morale – comme dernièrement l’euthanasie. Le successeur de Pierre a encouragé à ne pas rester en position défensive ni à se laisser aller au « pessimisme » en accusant « amèrement la réalité ». Il a exhorté au contraire à cultiver « un regard bon sur le monde ». Car Dieu « bénit notre vie, Il dit du bien de nous et de notre réalité, Il s’incarne dans les situations de l’histoire non pas pour condamner, mais pour faire germer la graine du Royaume précisément là où les ténèbres semblent triompher ». Un discours très applaudi.


Des autochtones émus

Ce voyage au pays de l’érable a été l’occasion de toucher du doigt des blessures intergénérationnelles profondes, prégnantes et encore à vif, comme celle de la « Doctrine de la découverte », visant plusieurs bulles papales du XVe siècle (voir encadré ci-dessous). Les autochtones, souvent très émus, la voix brisée par les souvenirs du passé et les souffrances familiales, venaient aux événements avec des attentes lancinantes, certains portant leurs revendications sur des bannières et des pancartes : rendre les objets d’art autochtones exposés dans les Musées du Vatican, présenter des excuses au nom de l’institution, offrir des compensations financières… une série de doléances qui montrent que le chemin de la réconciliation sera encore long et fait de discernement.

Au terme de son voyage, dans l’avion qui le ramenait à Rome, le pape François a prononcé un mot puissant : « Oui, cela a été un génocide », a-t-il déclaré, tout en ayant veillé, au cours de sa visite, à ne faire peser la responsabilité de ce drame sur la seule Église catholique. Le pape a condamné ce génocide perpétré avec la volonté expresse « d’enlever  enfants », de « changer la culture », « la mentalité » et « les traditions » des autochtones.

Les journalistes qui voyageaient avec le pontife se sont fait l’écho de questions revenues de façon récurrente ces derniers mois, où l’on a vu le pape annuler de nombreux événements, dont un voyage en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Avec ses douleurs au genou, le chef de l’Église catholique est-il en mesure de poursuivre ces déplacements internationaux ou songe-t-il à passer la main ? « Je ne crois pas que je puisse conserver le même rythme de voyage qu’auparavant, a-t-il convenu. Je crois qu’à mon âge, et avec ces limites, je dois m’économiser un peu pour pouvoir servir l’Église, ou au contraire penser à la possibilité de me mettre de côté. » Pour le pape, la porte d’une renonciation « est ouverte », mais il n’est pas encore temps de l’emprunter. Il souhaite encore se rendre à Kiev en Ukraine, au Kazakhstan en septembre, puis effectuer son voyage au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo. Cependant, il fera « ce que le Seigneur dira. […] C’est le Seigneur qui commande ».



Une doctrine caduque

Le voyage du pape François a été marqué par le brandissement de pancartes appelant à « abroger la doctrine ». Ces protestations visaient la « Doctrine de la découverte », établie par la bulle Romanus Pontifex du pape Nicolas V en 1455. Elle avait instauré le droit pour tout monarque chrétien de prendre possession de terres non chrétiennes, ce qui apparaît a posteriori comme une justification religieuse de la colonisation. La bulle Inter cætera du pape Alexandre VI, établissant en 1493 le partage du monde entre Espagnols et Portugais, est aussi considérée comme une bénédiction accordée à l’aventure coloniale, et le pape François était appelé par certains autochtones à abroger ces documents. Mais cette revendication s’avère anachronique dans la mesure où, durant les cinq derniers siècles, le magistère pontifical s’est distancié de ces arbitrages contestés en s’élevant contre l’esclavage et la spoliation des terres autochtones. Le tournant le plus important fut mené lorsque le pape Paul III publia en 1537 la bulle Sublimis Deus, dénonçant comme un « mensonge inspiré par Satan » l’argument qui prétendait que les indigènes étaient des sous-humains. Il sera repris et confirmé par ses successeurs, jusqu’à Jean-Paul II.
En 2010, l’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies avait assuré qu’« Inter Caetera [avait] déjà été abrogée ». Un document du Vatican est toutefois envisagé pour clore la polémique.



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