Forum l'Arche de Marie
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-25%
Le deal à ne pas rater :
PC Portable Gamer 16,1” HP Victus 16 – 16 Go /512 Go
749.99 € 999.99 €
Voir le deal

Des principes pour les décideurs: Des Vertus nécessaire à un Prince chrétien pour bien gouverner.

Aller en bas

Des principes pour les décideurs: Des Vertus nécessaire à un Prince chrétien pour bien gouverner.  Empty Des principes pour les décideurs: Des Vertus nécessaire à un Prince chrétien pour bien gouverner.

Message par MichelT Ven 8 Nov 2024 - 18:35

Des Vertus nécessaire à un Prince chrétien pour bien gouverner.

Auteur : Faret
Des principes pour les décideurs: Des Vertus nécessaire à un Prince chrétien pour bien gouverner.  Jeanne%2B%25C3%25A0%2BReims%2B%2528Charles%2BVII%2Bet%2BArchev%25C3%25AAque%2529

A Monseigneur le Comte de Harcourt
Année 1623 ( extraits) ( Sous le règne de Louis XIII et de Richelieu)

Table des matières

Des Vertus en Général
De la Religion
De la Prudence
De la Justice
De la Clémence
De la Valeur
De la Libéralité
De la Modestie
De la Modération




Des Vertus en général

Un bon Prince qui est obligé d`avoir une modération de vie d`autant plus grande, que sa condition est élevée par-dessus celle du reste des hommes, doit être épris du désir de suivre la Vertu, principalement à cause de son excellence et encore pour le bonheur qu`on voit naître ordinairement parmi les peuples qui sont gouvernés par des personnes, dont les actions sont pures de toutes sortes de vices.

Le Prince doit aussi être excité à embrasser la vertu, pour le salut de ses peuples; puisque la bonne santé (du pays) procède de la tête, et que selon l`état ou elle se trouve, le reste du corps est plein de vigueur, ou languit de la maladie. De sorte que les Rois ne sont pas élevés à cette éminente dignité, afin qu`ils vivent délicieusement, mais afin que par leurs moyen ceux qui sont sous leur domination vivent bien et heureusement.

Et ceux qui gouvernent les Républiques ne doivent avoir pour objet que le repos du peuple, et de rendre abondant en richesses, redoutable en forces de guerres; plein de gloire, et orné de toutes sortes de vertus. C`est pourquoi Trajan ne voulait pas permettre qu`on fit des vœux publics en sa faveur, que premièrement on n`eut reconnu que son règne avait été utile à la République romaine. Et son successeur Adrien promit souvent en plein Sénat de gouverner l`Empire de telle sorte, que les affaires publiques lui seraient plus chères que les siennes propres.

Alors connaissant tous qu`il n`est pas moins pour eux qu`il est au-dessus d`eux, son autorité ( le Prince) sera ferme, et sa puissance soutenue de bons fondements. Cependant il doit être soigneux de les exciter au bien par son bon exemple, parce que  les sujets n`ont jamais tant besoin d`être commandés que d`être instruits, et qu`ordinairement en un État, ceux qui obéissent son enclins aux mœurs de ceux qui commandent : Car le désir qu`ils ont d`imiter des personnes qu`ils croient ne devoir point faillir, est beaucoup plus puissant pour les attirer à suivre la vertu, que la rigueur des lois, et tout ce qu`on peut leur proposer pour les contraindre.

Maintenant il faut avertir le prince des choses qui sont nécessaires pour acquérir la vertu, comme est principalement la bonne instruction, pour que nos esprit soient formés au bien par les salutaires enseignements qu`on nous donne. De sorte que l`éducation désire un grand soin puisque elle est si utile et que d`elle dépend le succès de toute une vie. Et comme il est facile de corriger les défauts qu`on remarque en une âme encore tendre et capable de recevoir toutes les impressions qu`on veut lui donner, il n`est rien de plus malaisé que d`arracher les vices qui ont jeté de fortes racines, et pris croissance avec nous. Les terres les plus fertiles sont celles qui se corrompent le plus facilement lors qu`elles sont négligées, et les meilleurs esprits sont ceux  qui se gâtent le plus tôt si ils ne sont cultivés.

La diligence et le travail servent aussi grandement à acquérir la vertu, et il est impossible de la suivre et de fuir la peine puisqu`il y a quelque sorte de difficulté à éviter les choses qui sont contraires au bien, et qu`on ne surmonte pas les vices sans combat, comme la bonté versus la malice, la continence versus l`impudicité, et la valeur versus la lâcheté. Aussi le chemin du Ciel n`est pas sans épines, et le trône de la Gloire est en un lieu si élevé, qu`il n`est accessible qu`a ceux qui ne se laissant point charmer aux délices, souffrent constamment  les travaux et regardent le péril sans trembler.

Celui qui s`est exercé toute sa vie à faire le bien, tourne à la fin cette façon de vivre en nature, par le moyen de l`habitude. Les choses célestes ne peuvent demeurer en repos, et l`esprit de l`homme doit d`autant plus aimer le travail et s`y accoutumer, que son origine est divine, si bien qu`un grand personnage ne dit pas sans sujet qu`une partie de la vertu consiste en la discipline et l`autre en l`action.

La communication avec des gens de bien est encore beaucoup utile à l`accroissement et la conservation de la vertu. Les choses que nous  voyons et entendons souvent s`impriment peu a peu dans nos esprits, et à la fin nous nous accoutumons à les recevoir comme des enseignements salutaires a notre bien. De sorte que si la rencontre des compagnies mauvaises nous a inspiré quelques commencements de maladie dans l`âme, la compagnie des bons dissipera cette infection.

Tout comme en temps de peste nous craignons d`approcher des zones contaminée, de même en l`élection d`un Prince, il faut regarder soigneusement s`ils ont l`âme pure et saine, de peur qu`ils ne souillent la leur et ne communique la maladie dont ils sont travaillé.  Il faut donc être prudent dans le choix des personnes avec qui l`on désire avoir de la familiarité et ne voir s`il est possible que ceux qui peuvent nous rendre meilleurs que nous ne sommes.

De la Religion

La première partie de la vertu est la Religion qui conserve la société entre les hommes et les fait obéir aux lois sans lesquelles les Monarchies n`auraient aucun fondement solide. On la définit comme un sain et entier sentiment de Dieu, et un zèle de dévotion a son service.

Car il faut premièrement croire qu`il est, et par conséquent qu`il gouverne toutes les choses qu`il a créées avec une parfaite justice, et une extrême bonté, qu`il le faut adorer, et n`avoir jamais de volonté contraire à la sienne, comme étant celui de qui nous avons reçu l`être, et dont la clémence nous fait espérer des contentements éternels.
Il est convenable que ceux qui ont l`âme bonne reconnaissent cette suprême bonté,  que ceux qui commandent, obéissent à celui qui gouverne tout ce qui est dans le monde. Ainsi les peuples pensent ne devoir rien endurer d`injuste sous la domination des Princes, qui ont la crainte de Dieu en l`âme. De fait on voit toujours prospérer ceux qui le servent, et jamais la fin n`est heureuse pour ceux qui méprise Ses Commandements. Il voit qui nous sommes dans la conscience, ce que nous faisons, et de quelle façon nous exerçons la Religion. Nous aurons beau paraître vertueux, et cacher nos crimes aux hommes, se sera inutile, puisqu`il pénètre dans nos plus secrètes intentions, et que nos âmes lui sont toutes ouvertes.

Vivons donc de telle sorte que nos actions soient si nette, que nous les puissions faire en public sans rougir, et que nos pensées soient aussi pures comme si elles devaient être connues de tout le monde. Que nous servirait-il de les dissimuler, puisque Dieu en est spectateur et qu`il nous prépare les récompenses que nous aurons méritées en faisant du bien, ou les supplices dont nos crimes sont dignes, sans que nous puissions les éviter. Sa présence ne nous abandonne jamais et nous sommes assurés d`être toujours devant lui comme devant les yeux de notre Juge : Que tous nos soins s`emploient donc à lui complaire, et soyons scrupuleux a ne commettre aucune offense contre lui, s`il nous est possible.

De la Prudence

Puisque la Prudence est la vertu la plus nécessaire que peut acquérir un Prince qui désire maintenir son autorité et elle est un des fondements d`un État. On peut donc dire que elle est une connaissance et un choix de ce qu`il faut faire, et de ce que il faut éviter; de sorte que elle est la reine des vertus. Celui-là peut se nommer prudent qui sait juger de ce qui est bon, et non seulement en une partie, mais en tous les évènements des choses du monde. Si bien que la Prudence est l`art de bien vivre, comme la médecine est l`art de conserver la santé.  C`est elle qui donne l`ordre aux choses présente, qui prévoit l`avenir, et se souvient du passé.

Comme celui qui veut conduire un navire doit savoir la façon de bien le gouverner, de même celui qui désire régir heureusement un état est obligé d`apprendre la discipline et les lois qui font fleurir les peuples et prospérer les Couronnes. Et comme un bon pilote use moins de la force que d`adresse, ainsi les hautes entreprises se mettent plus souvent à chef par les bons conseils que par la force des armes. Aussi la valeur sans l`assistance de la prudence se détruit elle-même.

La prudence e enseignera aux Prince ce qu`ils doivent entreprendre, et les moyens d`en venir à bout. Cependant pour bien savoir ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter, il est nécessaire de considérer les hommes que nous fréquentons, les choses que nous entreprenons, et le temps auquel nous les faisons, et premièrement quant aux hommes, la plus utile science d`un Prince est de connaitre les siens.  De sorte qu`il doit accommoder sa façon de régner aux mœurs de ses sujets, traiter modérément les gens de bien, être sévère aux séditieux, et débonnaire a ceux qui sont obéissants.

Il doit imiter Henri le Grand, qui attirait les uns par la gloire, les autres par l`espérance, plusieurs par les bienfaits, et tous par une douce façon de vivre avec eux. Ou bien il doit imiter Vespasien, qui excitait les bons par la louange, animait les lâches par son exemple plutôt qu`ils ne les contraignaient par ses commandements, et dissimulait moins les vertus que les vices de ceux qu`il aimait.

Il a aussi des différences d`humeurs et de coutumes parmi les peuples suivant la diversité des climats ou ils habitent, ce qu`un Prince doit bien connaitre pour gouverner. La gravité d`Espagne serait odieuse en France; ce que sont les Vénitiens ruinerait peut-être les états de Hollande et le Turc a plusieurs maximes pour maintenir ses sujets en devoir qui feraient rebeller les Chrétiens. Il a des nations si orgueilleuses, qu`en leur servitude même, elles veulent paraître libres. Une pareille domination est délicate, et un sage Prince saura tenir les rênes justes et les lâcher à propos de crainte de les effaroucher. Il y en a d`autres qui sont tellement nées à l`obéissance, qu`on croirait qu`elles prennent plaisir à être esclave.

D`autres aiment le désordre, et ne peuvent se contenir sans exciter quelques mouvements et c`est alors qu`un Souverain doit se raidir pour rompre ou fléchir cette humeur opiniâtre et tenir le gouvernail si ferme qu`il ne donne aucune prise à la tempête.  L`usage de la Prudence comprend encore la façon de gagner les esprits de ceux qui peuvent servir aux grandes occasions.

C`est pourquoi vous qui êtes nés pour commander, vivez avec vos Citoyens comme avec vos enfants, et provoqué leur amour par la courtoisie, sans toutefois offenser votre dignité. Néanmoins je vous avertis qu`il n`y a rien de plus utile qu`une sage défiance, a ceux qui comme vous doivent donner libre accès auprès d`eux a toutes sortes de personnes, d`autant que lors même qu`ils tachent le plus à se défendre d`être trompé, il leur est bien difficile de s`en empêcher.

Entre deux précipices il faut marcher droit de crainte de tomber; puisque ce n`est pas un moindre vice de se fier à tout le monde que de ne se fier à personne.  C`est le propre d`un esprit ferme et bien arrêté d`examiner tout, de peur que par une trompeuse crédulité, il ne prenne de fausses impressions; car les apparences des choses sont pleines de doutes et de difficultés. Souvent le bien est pris pour le mal, et le mal est reçu comme un bien.

Quant à la connaissance des choses qu`un Prince prudent doit avoir, elle consiste principalement à ne faire rien qu`avec ordre et mesure, et à regarder et maintenir la Vérité en toute ses entreprises : non pas qu`il  faille toujours rechercher une vérité si claire et si pure, qu`elle ne soit entachée d`aucune obscurité, mais seulement qu`il faut suivre ce qui semble vrai le plus possible.

Le Prince doit être persévérant et ne pas se désespérer facilement. Il ne doit pas avoir une assurance trop présomptueuse ce qui arrive aux hommes qui désire faire plus qu`ils ne le peuvent. Un homme d`état ne doit rien entreprendre sans s`être bien préparé. Il doit préparer l`avenir et donner remèdes aux maux. Il faut donc être diligent et voir dans l`avenir de peur que les choses ne se fasse avec négligence et sans considération puisque la témérité et la sagesse ne peuvent être ensemble, et que la diligence est si utile qu`elle vient à bout de toute choses.

Le Prince doit mêler l`utile avec l`honnête et ne pas ignorer que les nécessités doivent être préférées aux plaisirs et les choses importantes à celles qui sont seulement agréables. Et certes ce n`est pas une lâcheté de savoir changer de Conseil à propos, d`autant plus que c`est une orgueilleuse folie de vouloir persévérer en des desseins mal  engagés. Un homme prudent parait égal partout et prend son temps selon l`état ou les affaires se trouvent, sans jamais changer pour quelque sujet que ce soit, mais s`accommode seulement aux choses qu`il voit changer. Il est quelquefois utile d`avancer un peu l`exécution de que l`on veut faire et souvent il est aussi pernicieux de le faire.  Aux choses qui se présentent d`elles-mêmes, le retardement est un vice, et les remèdes qui viennent trop tard sont d`ordinaire estimés superflus, comme aussi la ruine des choses douteuse en est la précipitation. De petites remises apportent souvent de grands biens, et l`attente d`un jour change quelquefois tellement le visage des affaires que ou l`on remarquait de puissants obstacles, on ne trouve plus aucune difficulté.

L`exercice de la Prudence consiste aussi a reconnaître le bien d`avec le mal parce que ils se mêlent ensemble si souvent qu`il est bien difficile de les séparer, de sorte que quelque fois nous suivons l`un pour l`autre, et prenons le faux pour le vrai.

Aussi les vices sont si proches des vertus, qu`ils semblent être unis ensemble, jusques la même qu`il n`y a pas de personnes si infâme sur la terre qui ne voulut se persuader qu`il y a de l`honneur à faire ce qu`elle fait : d`où vient que la témérité veut passer pour valeur, et que la modération est nommée lâcheté; celui qui a peur s`estime prudent, l`avare croit que vivre avec toutes sortes d`incommodités pour assembler des trésors, c`est épargner, et le prodigue qui fait profusion de ce qu`il a ravi aux misérables se loue de sa libéralité.

Parmi cette confusion le Prince doit avoir l`œil subtil pour n`être pas trompé, et si au commencement, il ne peut voir clair. A la fin le vice qui se détruit toujours de soi-même se fera connaitre à lui, si bien que par une longue habitude, il apprendra à ne plus se laisser séduire a ces fausses impressions.

Il reste maintenant à savoir d`où naît la prudence?

Elle naît de la mémoire,  de l`expérience et de la connaissance des choses qui s`acquiert par la longueur de temps. C`est pourquoi les jeunes gens ne sont pas ordinairement prudents parce que elle dépend d`un long usage et comme la sagesse appartient aux vieillards, de même c`est le propre des jeunes d`être téméraires, si bien que les conseils des uns servent de défense aux autres.

Il est vrai que l`ignorance engendre l`audace et que de la peur naît la prudence. Toutefois la crainte est bonne, qui fait haïr le mal, et rend l`homme curieux de son bien, comme aussi l`audace est déplorable qui cause la ruine des peuples, et le naufrage des États.

La mémoire est l`autre source d`où naît la prudence, elle reçoit beaucoup de lustre et d`instruction par l`Histoire qui est utile aux hommes par les exemples en toutes choses anciennes qui peuvent servir de règles  pour régler des affaires publiques et privées et nous avertir que le vice quelque prospérité qui l`accompagne pour un temps a toujours une fin tragique et qu`au contraire la vertu, quelque malheurs dont elle est accompagnée est à la fin suivie d`une gloire qui ne se termine jamais.

La Justice

La justice est une vertu royale. Les Princes dans les Républiques doivent mettre beaucoup de soin à suivre la justice. La justice est définie comme une constante volonté de mettre chacun en possession de ce qui est à lui. L`Équité établit le bon ordre; car il contient les puissants et les petits dans le devoir des fidèles. Parce que les États ne se maintiennent que par la récompense et par la punition, les lois ont proposé l`un a la vertu et l`autre au vice car le désir de bien faire s`éteint en nous et la paresse s`accroît à mesure qu`on nous ôte la crainte et l`espérance. Aussi il n`y a pas de doute que les hommes ne soient bons et mauvais selon qu`on reconnait leurs bonnes actions, et qu`on châtie leurs crimes.

Il y en a peu qui ne suivent ou qui ne fuient ce qui est honnête ou ce qui est infâme, selon qu`il leur a bien ou mal réussi. Les autres remarquant que l`innocence est opprimée, et que toutes choses sont propices aux coupables, se jettent dans le partie le plus sûr, et veulent être et paraître semblables à ceux qu`ils voient prospérer : ainsi en désirant être estimé vicieux, ils le deviennent en effet.

Tout ce qui est  dans le monde n`est loué et souhaité qu`à mesure qu`il est en estime. Il y a des siècles ou la malice a un cours si grand, que tout le monde conspire a l`obliger alors chacun veut s`y exercer; mais qui retrancherait le profit ou le contentement qu`on en retire, peu de personnes voudraient être méchants a plaisir, non plus que difficilement on peut se résoudre à embrasser la vertu quand le vice est en règne.

La sévérité est aussi grandement nécessaire à conserver les États, car comme il fait très mauvais de vivre sous l`empire d`un Prince si rigoureux qui rien n`est permis à personne, encore est-il pire d`être en une République ou toutes choses sont permises a tout le monde. La rigueur peut être  plus utile que la clémence quand il faut donner un exemple qui donnera un exemple aux mauvais. Il vaut mieux enlever un membre gangrené que de voir la gangrène se répandre dans tout le corps.

De sorte que en pardonnant trop facilement aux méchants, il faut craindre de perdre les gens de biens car c`est leur faire tort de souffrir que les crimes soient impunis comme si il n`y avait aucune distinction entre le bien et le mal. C`est encore plus grave de voir ces esprits malicieux qui espère encore avoir leur liberté après avoir été pris à faire des crimes. Il faut toutefois apporter modération a la sévérité autrement elle deviendrait cruauté et le remède serait pire que le mal.

En jugeant le Prince ne doit pas croire tout facilement mais chercher la vérité et favoriser l`innocence. Il doit prendre garde que la peine n`excède pas la faute et que pour un même sujet les uns soient punis et les autres  ne soient pas seulement menacés. Surtout il s`efforcera de n`être touché d`aucune passion, mais tachera d`imiter les lois qui sont portées par l`équité, et non par la colère, à punir ceux qui les ont violées. Il est obligé de châtier que pour trois raisons : corriger celui qu`il punit -  que sa peine exemplaire corrige les autres – ou encore pour  enfermer  les méchants afin que les bons puissent vivre en sureté.

Il est important de bien choisir et de donner des charges a des gens qui ont l`âme pure plutôt que a ceux qui ont la conscience et les mains souillées de toutes sortes d`injustices. Un seul homme méchant peut être corrigé par plusieurs mais un homme seul et bon est trop faible pour pouvoir corriger la mauvaise inclination de plusieurs âmes vicieuses. L`empereur Romain Tibère demandant a Battus pourquoi les Illyriens s`étaient révoltés contre lui  répondit : « C`est parce que vous leur avez envoyé des loups au lieu de Pasteurs.»

La vertu de Justice est si universelle que les Souverains qui l`exercent sur les autres doivent encore l`exercer sur eux-mêmes avec beaucoup plus de soins. Et un Prince est déplorable  lequel est tellement aveuglé de l`éclat de sa fortune, qu`il s`imagine que tout ce qu`il peut lui est permis et que c`est une marque de sa grandeur de pouvoir faire tout impunément. C`est un discours de Tyran, de dire que rien de ce qui lui plait ne lui est défendu comme aussi c`est une pensée Royale de croire que quiconque peut tout, ne doit vouloir que ce qu`il doit faire.

De la Clémence

Il est difficile de définir cette vertu. On dit qu’elle est une inclination de l’esprit de douceur, lors qu’il faut châtier les crimes, cette opinion ne manquera pas de contradictions, combine qu’elle soit la plus proche de la vérité et que l`on oppose que elle  a ce défaut de supporter les méchants puisqu`elle n`est bonne qu`après qu`ils ont commis quelques crimes, et que seule entre les vertus elle ne peut justement être appelée innocente.

Toutefois comme le médecine qui sert au malade, ne laisse pas d`être estimée de ceux qui sont en santé; de même combien qu`il n`y ait que les coupable qui invoquent la clémence, si est-ce que les innocents ne doivent pas laisser de l`admirer. L`On peut dire aussi qu`elle est une modération des punitions que méritent ceux qui ont violé les lois.
Un Prince qui veut être loué de  bien rendre la Justice doit donc en adoucir la rigueur par la clémence autrement elle ne serait plus qu`un exercice de tyran. C`est la Clémence qui nous enseigne à pardonner aux criminels, à surmonter les mouvements de la colère, à n`être pas inexorables aux prières de ceux qui nous implorent, et a ne garder jamais de haine contre ceux qui nous ont offensé.

Enfin elle est si naturelle aux hommes qu`il semble qu`en devenant inhumains, ils cessent d`être ce qu`ils sont. Les Souverains particulièrement doivent aimer cette vertu, parc que ils ont plus de pouvoir de se faire admirer par elle que les autres hommes.  La cruauté des personnes privées est mauvaise, mais celle des Princes peut donner tous les jours la même terreur, et faire la même désolation qu`apporterait de sanglantes batailles.

La Prudence et la valeur sont toujours nécessaires aux Capitaines et la Clémence l`est aux Princes. Car qu`y a t-il de plus merveilleux que de voir cette modération d`esprit en ceux a la colère desquels rien ne peut s`opposer? Ceux qui donnent de la terreur à leurs sujets provoquent leur haine et ne doivent pas vivre sans appréhension puisque celui qui veut être craint de plusieurs personnes, en craigne aussi plusieurs.

Cependant la Clémence sans jugement et justice est vicieuse, car comme c`est cruauté de ne pardonner a personne, c`est aussi  faiblesse d`âme de pardonner a tout le monde. Il faut y apporter de la modération, et connaitre ceux qu`il y a apparence qu`ils doivent devenir gens de biens, après qu`on leur a pardonné, et ceux de qui on ne peut jamais espérer d`amendement.

Il faut donc oublier les petites fautes, et être sévère envers les grandes, et se contenter plus souvent de la repentance, que de la mort de ceux qui sont coupables.
L`homme veut être traité avec un grand artifice, il faut lui pardonner souvent, si on ne veut pas le désespérer, et comme il est sujet a beaucoup de maladies d`esprit, il est souvent plus à propos de lui donner de doux remèdes, que de s`irriter contre son mal.

Toutefois combien qu`il nous soit difficile de vaincre notre colère quand nous avons été offensé ou qu`il y va de l`intérêt de la République un Prince doit savoir modérer sa passion et paraître plus exorable aux injures qu`on lui a faite. L`un des plus remarquables actions que fit jamais Auguste (empereur romain), fut de se moquer de quelques personnes qui parlaient insolemment de lui. Et certes c`est ou la Prudence d`un Prince parait grandement, car il est presque toujours a propos qu`il dissimule l`offense qu`il reçoit des discours libres de ses sujets, de peur que voulant en empêcher le cours, il ne le leur donne plus libre.

Une âme bien faite pardonne même a ses ennemis lors qu`il est en sa puissance de se venger d`eux et croit que elle ne  peut ordonner  pour eux la plus rigoureuse peine.
C`est assez d`avoir ôté aux vaincus le pouvoir de nuire et un Prince doit user glorieusement de la puissance qu`il a de donner et d`ôter la vie a ceux qui ont mérité la mort.
De sorte que quand il est nécessaire de châtier les coupables, il doit avoir de la contrainte et témoigner de le faire non pas tant afin de perdre ceux qui  l`ont offensé, que pour donner de la crainte aux autres puisque il n`y a que les Tyrans qui prennent plaisir à voir souffrir les gens et à faire des supplices, ou qui abusent de la gravité des lois pour autoriser les cruautés qu`ils commettent.

De la Valeur

Comme la Justice est extrêmement utile à un Prince pour gouverner ses sujets durant la paix, la Valeur est nécessaire pour les garantir durant la guerre des injures de ses ennemis. Ce n`est donc pas mon but de recommander au Prince cette fausse valeur qui n`a pour origine que la haine et l`ambition, pour fondement que l`injustice et la témérité, et dont les effets sont si funestes qu`ils sont ordinairement accompagnés de meurtres, de rapines et de désolations.

J`entends parler ici seulement de celle qui anime le courage des Princes à repousser les efforts des rebelles, et des étrangers et qui a l`équité pour règle, la prudence pour conduite et la paix pour objet de tous ses exploits. Ainsi nous voyons que la guerre a ses lois comme la paix, et que la justice n`y est pas moins requise. Cependant plusieurs Princes tiennent que la prospérité de leurs voisins leur donne une légitime occasion de les quereller, et comme si tout le monde était de juste conquête pour eux, ils forment tant de desseins, qu`il semble que la terre entière n`est pas capable de contenir leur ambition.  Aussi se dissipe-t-elle souvent en fumée, et ne leur laisse que la honte d`avoir entrepris plus qu`ils ne pouvaient exécuter.

La Prudence est encore nécessaire a la valeur. Les Monarques fameux n`ont rien entrepris s`il n`était à propos et sans grande préparation. Celui qui craint tout est redouté de tous, et celui qui ne se méfie de rien, n`est guère redouté de ses ennemis. Un bon Capitaine ne laisse rien au hasard et ne fait rien sans avoir remarqué tous les obstacles. Il est facile mêmes aux plus lâches de commencer la guerre, mais lors qu`elle est une fois enflammée ont peut très difficilement l`éteindre. Ceux qui hasardent beaucoup de choses ressemblent à ceux qui pêchent aux petits poissons avec un hameçon en or lequel si ils venaient a le perdre ne seraient récompensés d`aucune prise.

Il ne faut désirer, ni craindre la guerre mais être préparé a tout ce qui peut arriver. Il y a des esprits qui ne peuvent demeurer en repos, ni souffrir que les autres y demeurent, et ne servent que de flambeaux pour allumer la guerre et la sédition dans les États. Un Prince sage doit beaucoup appréhender ce type de personne que l`on nommait anciennement des Furies qui venaient tourmenter les hommes et il doit être soigneux de les mettre hors d`état de nuire si il veut vivre en paix en son Royaume et ne pas souffrir ces auteurs de divisions parmi ses sujets.

Que peut-on trouver de plus abominable que la guerre, puisque les effets n`en sont pas seulement malheureux, mais encore de la seule crainte qu`ont les peuples d`en être victime. Qui peut donc voir sans regret que la plupart des hommes soient réduits à cette brutalité de ne rien décider que par la violence et la force des armes? Cependant puisque c`est un mal nécessaire et  il faut s`y accommoder quand l`occasion et le temps le requièrent, il faut avoir toujours une ferme résolution de consentir plutôt a endurer mille morts qu`à souffrir lâchement. On gagne l`estime des courageux et on est plus redouté, on ôte la hardiesse des insolents qui osent attaquer injustement. Les timides sont malheureux, car ils n`ont pas une heure assurée de repos et sont toujours en danger de recevoir de nouveaux affronts. C`est pourquoi nous ne devons jamais fuir quand le danger se présente, de peur de passer pour lâches, ni hasarder notre vie sans sujet.

La vrai Valeur consiste entre ces deux extrémité, à savoir de ne pas chercher le péril comme un téméraire, et de ne pas s`en éloigner comme timide et lâche.

La Libéralité

Les Princes sont heureux principalement en ce qu`ils peuvent beaucoup donner. Certes, il est très difficile de posséder de grands biens sans ennuie mais on ne saurait jamais faire de grands dons sans en acquérir de la gloire. Cependant plusieurs personnes se trompent, qui pensent être libérales parce que elles donnent de quelque façon que ce soit, sans considérer que tout le monde sait bien perdre ce qu`il donne, mais il y a fort peu qui sachent comment il faut donner. Car si la libéralité n`a la raison pour conduite, elle n`est plus que vanité, et que profusion. Les deux sources les  pures d`où cette vertu prend naissance sont le bon jugement, et l`honnête bienveillance.

Vous que la fortune a mis en état de pouvoir rendre tout le monde redevable, vous devez être soigneux de ne jamais le faire négligemment et de ne jamais imiter ceux qui prennent plaisir à étaler un long spectacle de leur insolence et pensent ne pouvoir pas beaucoup si pour montrer leur autorité, ils font languir ceux qui l`implorent, de sorte qu`on peut dire que leurs bienfaits sont autant d`injures. Sans ces deux conditions il ne peut être aucun véritable bienfait parc qu’il sera ou prodigalité ou avarice. Il est encore nécessaire que les dons soient accompagnés de la bonne volonté de ceux qui les font, et certes ils ne sont jamais plus agréables que quand ils se présentent à nous sans que nous allions au-devant d`eux.

Soyez aussi curieux, si vous désirez que vos dons soient parfaits, qu`ils parviennent entiers jusque dans les mains de ceux qui les reçoivent, que personne n`en retranche rien, ni ne puisse diminuer l`obligation qu`on en a pour se l`attribuer. Vous devez encore être plus prompts à donner qu`à promettre, et considérer plutôt les mœurs, que la fortune de celui à qui vous voulez faire quelques libéralité, parce que cette vertu ne peut pas être esclave de la fortune et aussitôt que elle consent à la suivre, elle devient mercenaire.

Si bien que ce n`est pas à ceux qui sont en prospérité qu`elle s`adresse, mais aux gens de bien, quelques misérables qu`ils puissent être. Et certes c`est auprès des affligés qu`elle doit reluire, si toutefois ils ne sont dignes des calamités qu`ils souffrent. C`est obliger tout ce qu`il y a de vertueux dans le monde, d`en obliger un d`entre eux; comme aussi c`est les offenser que d`assister les vicieux.

C`est également mal de rendre de bons offices aux méchants, et d`en rendre de mauvais a ceux qui sont de bonne vie. L`on commet trois fautes en donnant à ceux qui ne le méritent pas, car c`est perdre ce qu`on donne, c`est aussi ôter aux bons ce qui devrait leur revenir, et rendre ceux à qui l`on donne, pires qu`ils ne sont en leur fournissant de quoi entretenir leurs vices.

Il y en a qui négligeant ceux qui les servent fidèlement, donnent tout a des personnes qui leur demande impudemment, et avec importunité, et le font moins pour contenter leur inclination, que pour ne savoir pas comment il faut refuser. Cette sorte de libéralité se doit nommer faute s`assurance. Il faut donc être grandement judicieux à choisir ceux à qui l`on veut faire du bien, et considérer attentivement leur condition et leur mœurs, parc que en donnant a des avares, on doit être assuré que le désir insatiable qu`ils ont d`acquérir des richesses, ne leur permettra pas d`en avoir du ressentiment.

Faire des dons a des prodigues c`est les perdre. Donner a des ambitieux, c`est ignorer que l`avidité qu`ils ont d`acheter des honneurs leur empêchera d`avoir jamais assez reçu car leur passions n`a pas de terme, ils ne peuvent regarder d`où ils sont venus, mais seulement ou ils veulent aller. Ceux qui donnent pour acquérir la bienveillance de leurs sujets méritent bien d`avoir ce qu`ils désirent, mais difficilement l`obtiennent  ils par ce moyen la parce que l`affection et la fidélité qui est acheté n`est jamais bien assurée.

Il est nécessaire de considérer ce qu`on possède, afin de savoir ce qu`on peut donner, de peur que l`un n`excède l`autre. Un Prince est pernicieusement libéral, qui surpasse son revenu pour paraître magnifique, a cause que ceux qui sont auprès de lui ne sont pas ordinairement d`humeur à se contenter des biens qu`ils ont et les meilleurs sujets demeureront en une éternelle misère et à la fin les bénédictions de ceux qui se sont enrichis ne seront jamais si grandes que la haine et les malédictions des pauvres qui regretteront sans cesse de voir des flatteurs jouir paisiblement de leurs dépouilles.

De la Modestie

Cette vertu est si belle et très aimable en qui que ce soit, mais principalement aux Princes, qui sont d`autant plus éminents, qu`ils daignent s`abaisser pour se rendre égaux a tout le monde, et ne pensent pas moins être comme nous, qu`ils savent être pas dessus-nous. De sorte que quelques honneurs qui nous arrivent, nous ne devons pas laisser de nous garder dans l`humilité. Ceux qui par une folle vanité se persuade qu`ils sont d`un esprit et d`une condition grandement sublime n`ont ordinairement rien de solide, et comme il n`y a que l`ambition qui les soutiennent, ils tombent aux moindres coups que la fortune leur donne.

Car les Princes qui sont d`humeur orgueilleuse, pensent qu`avec une voix grave, des regards farouches et une sévérité de mœurs qui les rend insociables, ils représentent mieux leur dignité, tandis que au contraire cette étrange sorte de grandeur face peur  a ceux qui la regardent, et rende odieux tout ce qui est aimable en eux. Il y a de grandes différences entre les esprits sublimes et les Superbes, parce que les uns sont toujours modestes et sans être agités d`aucune passion violente, et les autres n`ont jamais de repos, mais excitent incessamment quelque tumulte, ou dans leur âme ou dans les lieux où ils se trouvent.

Ceux qui sont d`illustre naissance ou qui entrent en prospérité sont ordinairement sujets a ce vice et méprisent ceux qui leur sont inférieurs. Le moindre vent propice qui leur donne du bonheur, efface en eux tout ce que leur esprit a de léger et leur ôte la mémoire de ce qu`ils ont été et la pensée de ce qu`ils doivent devenir. Tant il est vrai que la fortune n`est pas seulement aveugle, mais encore qu`elle ferme les yeux a ceux qui la suivent pour leur empêcher de voir les précipices ou elle les mène le plus souvent.

Celui qui sait se commander lorsqu`elle le rend malheureux est digne de commander aux hommes, et a la fortune même, puisque Dieu se plait à bénir ceux qui reconnaissent que tout le bien qu`ils ont vient de sa main, et à détruire ces âmes Superbes que l`insolence rend ingrate des faveurs qu`il leur a départies. Aussi devons-nous penser que plus nous désirons avoir d`honneur et de possessions, plus nous désirons donner au malheur de pouvoir sur nous. Nous n`avons rien de si assuré, qui ne soit en danger d`être ravi par le moindre de tous ceux qui vivent. Le lion sert quelquefois de pâture aux plus petits animaux de la terre, et le fer est souvent consommé par la rouille.

La vie même du plus redoutable monarque du monde dépend de quiconque ne se soucie plus de perdre la sienne. On a vu de trop funeste exemples de tout temps qui font assez voir qu`il y a peu de différence entre pouvoir tout et ne pouvoir rien. Que les Princes gardent donc toujours ces pensées en l`esprit et n`entre jamais en orgueil, quelques favorables succès qu`aient leurs desseins. Cependant qu`il fasse reluire en lui la modestie en toutes ses actions, car il ne doit pas contenter seulement les esprits, mais les yeux de ses sujets.

Qu`en son visage, en ses gestes, en son maintien, et en tout ce qu`il fait paraisse de la grâce. Qu`on ne remarque rien de contraint en ses yeux, a cause qu`ils découvrent ordinairement tout ce qui est de plus caché dans l`âme. Qu`il soit modeste en ses habits. Il doit aussi s`étudier à acquérir un discours facile, car on ne saurait estimer combien cette partie rend un Prince recommandable lorsqu`il sait en faire usage judicieusement, c`est-à-dire en écoutant beaucoup et en parlant peu, d`autant que comme un Ancien disait, la nature nous a donné deux oreilles et une seule langue, pour nous avertir d`écouter plus que nous ne disons.

Aussi est-il certain que le silence est  un trésor inestimable à celui qui gouverne un État et que ceux-là sont incapable de grandes entreprises, qui ne peuvent se taire alors qu`il en est temps. D`ailleurs il faut prendre garde que notre discours ne fasse remarquer quelques vice en nos mœurs, et éviter principalement en parlant de nous, les occasions de nous vanter, parce que même si ce que nous disions serait véritable, la modestie doit nous empêcher de le publier de nous-mêmes. Enfin, un Prince doit beaucoup faire et dire fort peu. Car comme c`est une grande vertu de n`avoir que des discours nécessaires et sérieux, il n`est rien aussi qui offense tant la Majesté que d`en tenir de superflus.

De la Tempérance ( la Modération)

Puisque la Tempérance n`est autre chose qu`un pouvoir absolu de la raison sur tous les mouvements déréglés de l`âme, qui ne voit qu`elle est entièrement nécessaire a ceux qui sont nés  pour commander? Car il ne se fait rien de si excellent et magnifique qui n`ait besoin de quelque sorte de modération, autrement toutes les choses de ce monde iraient dans l`excès ou tomberaient dans le manquement.

Mais cette vertu leur donne l`ordre, commande aux voluptés, empêche  les tendances aux unes, et réduit les autres a un bon usage, elle sait régler nos désirs et leur donner autant qu`il faut et non pas autant qu`ils demandent. C`est elle encore qui sert de guide en tout ce que nous faisons, parce que ce n`est pas assez de juger du bien et du mal, mais il faut encore s`arrêter au jugement que nous avons fait. Il y a des esprits si faibles qu`ils ne peuvent prendre aucune résolution ferme, la moindre apparence de plaisir les gagne et sans considérer l`avenir, les objets  présent les touchent tellement qu`ils ne peuvent les quitter qu`avec une extrême violence. La Tempérance retranche ces appétits aveuglés et rend la raison absolue en nous, comme au contraire la dissolution et l`amour des voluptés met l`âme en un éternel désordre et la rend esclave des passions.

De sorte qu`il en est comme de ceux qui prennent avec de grandes peines des bêtes farouches qu`ils ne peuvent garder qu`avec extrêmes dangers. Car ceux qui s`adonnent à leur contentements, courent souvent après leur ruine, et les prenant, se trouvent d`ordinaire pris eux-mêmes, parce que plus le nombre des plaisirs est grand et d`autant plus de maîtres ils sont sujets. Ceux-là sont blâmables qui n`ayant soin que des délices du corps laissent dormir leur esprit, et l`accablent sous l`esclavage des voluptés qu`ils cherchent pour contenter leurs sentiments. Véritablement il faut penser que il n`y a pas de peste plus mortelle au corps et a l`âme puisque elle lui ôte toute sa force, et éteint en elle le désir qui la fait naturellement aspirer à la gloire.

Hannibal que l`horreur des Alpes ni le froid des neiges qu`il devait traverser avec son armée n`avaient pu dompter fut à la fin surmonté des douceurs de la Campanie et lui qui était invincible aux armes ne put résister aux vices qui l`assaillirent en ce délicieux climat. Ce mal est si dangereux que même les âmes les plus généreuses ne peuvent s`empêcher d`en être infecté. Un Prince doit fuir les débordements de mœurs, comme la ruine de sa Majesté qui doit l`accompagner en tous lieux car il est bien difficile de la maintenir parmi les débauches et les excès.

Un vertueux personnage de l`Antiquité disait que la volupté est le mal le plus pernicieux du monde, et que tous les crimes et toutes les calamités des hommes prennent leur naissance d`elle, comme d`une source de toutes sortes de malheurs. Et certes la colère de Dieu et l`effort des ennemis ont moins ruiné de Provinces et de villes, que cette peste n`en a désolé. Vénus a perdu la ville de Troie ( voir l`Iliade de Homère - la luxure d`un prince de Troie avec la reine d`un royaume de Grèce arme toutes les armées de Grèce contre la ville de Troie) et Bacchus a armé les Lapithes et les Centaures les uns contre les autres.

Il n`y à point de force si grande, ni d`amitié si étroite que l`amour et le vin ne puissent détruire, lors que nous en abusons au lieu de nous en servir modérément. L`amour particulièrement est une passion fort ennemie de la Tempérance, et qui perd ordinairement les Princes qui sont touchés, parce que ils ont cette grande liberté de pouvoir avoir tout ce qu`ils désirent et il leur est bien difficile de ne pas se laisser aller aux excès, s`ils n`en sont retirés par un puissant effort de la raison.  Cette mauvaise inclination souille leur honneur, et semble leur ravir le titre de Souverains.

Jamais rien qui offense la modestie ou la Tempérance ne doit paraître parmi les divertissements d`un Prince, mais il doit plutôt faire de telle sorte qu`on y voit toujours reluire quelque lumière d`un esprit qui n`a rien de commun. Ainsi le Prince trouvera ses divertissements plus agréables car il n`y a rien de plus doux dans le monde ou l`on ne trouve de l`amertume lorsque l`on s`en assouvit. Il y a des choses qui portent faussement le nom de plaisir, comme la fait la lubricité qui sous l`apparence d`une volupté qui ne dure qu`un moment laisse après d`éternels regrets.  Le vrai contentement ne naît que de la Vertu, et il n`y a de Juste, de Clément, de Libéral, ou de Tempérant qui n`aient un véritable sujet de s`estimer heureux.

Fin

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum