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QUINCY JONES, musicien, producteur et génie du son, est mort

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Message par Lumen Dim 10 Nov 2024 - 19:00

QUINCY JONES, musicien, producteur et génie du son, est mort

Le producteur américain à qui l’on doit le “Thriller” de Michael Jackson passa du jazz au hip-hop toujours avec succès. Une exceptionnelle carrière qui a durablement défini les canons musicaux dominants le marché. Quincy Jones est mort ce dimanche 3 novembre à 91 ans.

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Quincy Jones en 1980. Photo Bettmann Archive/Getty Images


On se souvient de lui assoupi, sous le charme d’un vin de Vevey, dans les coulisses d’une nuit spéciale dance music au festival de Montreux 2012. De Nile Rodgers à Mark Ronson et de Grace Jones à Cerrone, tous le saluaient révérencieusement en sortant de scène. Ce respect, Quincy Jones le devait pour beaucoup à un record jamais battu : Thriller, l’album de Michael Jackson dont il fut le producteur, s’est vendu à 65 millions d’exemplaires depuis sa sortie, en 1982.

Mais Quincy Jones ne fut pas seulement l’homme d’un jackpot. Nommé soixante-dix-neuf fois aux Grammy Awards, il en a remporté vingt-sept. Il a même adapté la première musique jouée sur la Lune, Fly me to the Moon, chantée par Frank Sinatra, un ami cher dont il portait une bague. Du jazz au hip-hop, son génie a couvert toute l’évolution moderne des musiques afro-américaines, en même temps qu’il militait sans relâche pour défendre les droits de sa communauté.



À 13 ans, il joue avec Ray Charles


Dans le grand livre du rêve américain, un long chapitre devrait être consacré à Quincy Jones, parti de très bas pour arriver au plus haut. Sa vie est un scénario — on attend le biopic — qui débute dans le Chicago des années 1930. Enfant, il compose avec un père membre des Jones Boys, gangsters noirs et adversaires ultraviolents d’Al Capone ; une mère à qui l’on passe la camisole sous ses yeux, et que l’on conduit à l’asile pour démence ; des macs qui lui glissent quelques dollars pour surveiller les filles ; la litanie des règlements de comptes et autres exécutions sommaires ; sa propre main clouée contre un poteau par un couteau à cran d’arrêt — il avait 7 ans et il en a gardé une cicatrice à vie.

Quincy a 11 ans quand son père déménage à Seattle pour fuir la pègre. Parfois cireur de chaussures, le gamin reproduit la tradition familiale en enchaînant les cambriolages. Jusqu’au jour où, occupé à dévaliser une épicerie avec son frère, il tombe sur un piano dans l’arrière-boutique. « Quand je l’ai touché, chaque cellule de mon corps m’a dit que c’est ce que je ferai le restant de ma vie », raconte-t-il un jour au Hollywood Reporter. Au Guardian, il confie : « C’est alors que j’ai choisi la musique comme mère. Et la musique ne m’a jamais laissé tomber. »

Il choisit d’abord le trombone, pour être le plus proche possible des majorettes dans les fanfares. Puis la trompette, que lui enseigne Clark Terry, un futur pilier des orchestres de Count Basie et de Duke Ellington, qui deviendra son mentor et ami. À 13 ans, Quincy, en compagnie d’un certain Ray Charles, souffle déjà cinq nuits par semaine dans les clubs de la ville. Si bien qu’il ne se pointe jamais à l’école avant 11 heures du matin. Mais son professeur, plutôt que de punir le cancre, encourage le musicien : « C’est ce que Dieu veut que tu fasses, et c’est ce que tu devrais faire. »


Quincy Jones a fait ce que Dieu voulait qu’il fasse et ce que Dieu n’imaginait même pas qu’il ferait. Une bourse lui a permis d’intégrer, à 18 ans, le prestigieux Berklee College of Music de Boston, pour parfaire ses connaissances d’autodidacte. Engagé dans l’orchestre de Lionel Hampton, Quincy exploite ensuite ses qualités de trompettiste-compositeur-arrangeur-producteur avec Duke Ellington, Sarah Vaughan et Dinah Washington notamment.

À Paris, où il étudie auprès de Nadia Boulanger, Eddie Barclay fait de lui son directeur artistique à la fin des années 1950. Poste qu’il occupera aussi chez Mercury Records, devenant l’un des premiers Afro-Américains à endosser de telles responsabilités dans l’industrie musicale. Alors qu’il décroche son premier grammy grâce à un arrangement pour Count Basie (I can’t stop loving you), sa musique du Prêteur sur gages, film de Sidney Lumet, le propulse comme compositeur de BO, de Guet-apens, de Sam Peckinpah, à La Couleur pourpre, de Steven Spielberg. Dans les années 1970, le CV de Quincy Jones, qui publie régulièrement des albums de jazz sous son nom, est déjà impressionnant.



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Dionne Warwick, Stevie Wonder, Quincy Jones, Michael Jackson et Lionel Richie
se retrouvent dans les coulisses des Grammy Awards à Los Angeles en 1986. Photo AP/SIPA


Quincy rencontre Aretha Franklin quand elle a 12 ans, Stevie Wonder quand il a 12 ans, Michael Jackson quand il a 12 ans aussi. Mais il ne fait vraiment sa connaissance que sept ans plus tard. Quincy supervise alors la musique de The Wiz, le film de Sidney Lumet qui réunit Diana Ross et Michael Jackson, lequel cherche un producteur pour booster sa carrière solo.

On connaît la suite : l’association des deux génies accouche d’Off the wall (1979), Thriller (1982) et Bad (1987). La trilogie sacre le « King of pop », alors que la production de Quincy Jones définit des canons musicaux qui dominent toujours le marché, arasant au passage la distinction raciale — pop ou R & B — de mise dans les charts américains. Sur le toit du monde, « Q » rassemble en 1985 un plateau de stars d’une densité inégalée, pour chanter We are the world contre la famine en Ethiopie, précisant dans sa lettre d’invitation : « Laissez vos ego à la porte du studio. »



Une carrière remplie comme dix


Quincy Jones fut capable d’un album aussi flamboyant que Back on the block (1989), au casting duquel figurent notamment Miles Davis, Barry White, Ray Charles, Ella Fitzgerald et le rappeur Ice-T. En dépit de ses infidélités, les jazzmen lui ont toujours témoigné un grand respect — il a dirigé l’ultime concert de Miles à Montreux, en 1991. En France, on se souviendra qu’une tournée symphonique fit étape à l’AccorHotels Arena de Paris en 2019. Assis sur un trône, Quincy Jones regardait défiler des stars reprenant les tubes de Michael Jackson, dix ans presque jour pour jour après la mort du chanteur, avant de se lever et de diriger l’orchestre, baguette en main, sur Let The Good Times Roll, chanté par Véronique Sanson. Quittant la scène, il dit : « Paris je t’aime » et « laissez le bon temps rouler ». Une carrière remplie comme dix, ici survolée, à laquelle s’ajoutent son activisme auprès de Martin Luther King dans les années 1960, ses initiatives en faveur des expressions afro-américaines, son soutien aux candidats et présidents démocrates, jusqu’à Barack Obama, à qui il demandera — en vain — la création d’un ministère de la Culture.

Quincy Jones a tout fait, il est même déjà mort avant d’être mort. C’était en 1974 : après une rupture d’anévrisme qui lui laissait peu de chances de survie, ses proches organisèrent une cérémonie d’adieux à Los Angeles. Quincy Jones lui-même y assista, aux côtés de son neurologue, qui veillait à ce qu’il garde son calme, alors que Marvin Gaye et Sarah Vaughan chantaient ses louanges. Marvin et Sarah sont finalement partis bien avant lui. « Q » vient seulement de les rejoindre.



Par Eric Delhaye

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