« Nous vivons au jour le jour » : en Syrie, les chrétiens plongés dans l’incertitude
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« Nous vivons au jour le jour » : en Syrie, les chrétiens plongés dans l’incertitude
« Nous vivons au jour le jour » : en Syrie, les chrétiens plongés dans l’incertitude
Partagés entre l’espoir inspiré par la chute du régime de Bachar el-Assad et la crainte due à l’arrivée d’islamistes radicaux au pouvoir le 8 décembre, les chrétiens syriens espèrent pouvoir pratiquer leur foi librement et aspirent à une paix durable.
Des membres de la coalition de groupes islamistes mettent le feu à un portrait de Bachar el-Assad.
- SOPA Images/SIPA
Partagés entre l’espoir inspiré par la chute du régime de Bachar el-Assad et la crainte due à l’arrivée d’islamistes radicaux au pouvoir le 8 décembre, les chrétiens syriens espèrent pouvoir pratiquer leur foi librement et aspirent à une paix durable.
Des membres de la coalition de groupes islamistes mettent le feu à un portrait de Bachar el-Assad.
- SOPA Images/SIPA
« Après tout ce qui s’est passé, nous sommes sûrs que Dieu n’a pas abandonné le peuple syrien et chrétien et nous espérons que l’avenir sera meilleur. » Comme 20 000 à 25 000 autres chrétiens résidant à Alep, Hannah*, contactée par Famille Chrétienne, vit l’enchaînement des événements en Syrie avec un mélange de crainte et d’incertitude. Le régime de Bachar el-Assad tombé en l’espace de dix jours, le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) compte bien asseoir son autorité sur cet Etat ravagé par des années de guerre civile. « Nous n’avons aucune garantie pour l’avenir, s’alarme la jeune femme. Nous vivons au jour le jour. »
En quelques jours, les Syriens ont vécu un véritable tremblement de terre institutionnel. La fin du régime dictatorial de Bachar el-Assad est souvent vécue comme une libération à travers tout le pays. Sa chute rime pour beaucoup avec une potentielle sortie de la crise économique et de la répression massive que traversaient le pays. « Nous célébrons la joie de la liberté et la renaissance de la Syrie », se réjouissait l’archevêque de l’Eglise syrienne catholique de Homs, sur BFM TV ce 10 décembre.
Des paroles rassurantes
Bachar el-Assad renversé et contraint à l’exil, la coalition de rebelles et djihadistes menée par le groupe islamiste HTS a tenu d’emblée un discours rassurant, promettant aux Syriens et aux populations chrétiennes protection et liberté de culte. Plusieurs réunions rassemblant les responsables des Eglises locales et les représentants des groupes islamistes ont eu lieu. « Leurs intentions sont bonnes », a indiqué à l’Agence Fides l’évêque chaldéen d’Alep, parlant d’une « rencontre très positive ». Pour l’Eglise locale, la plus grande urgence doit être l’aide apportée aux populations, qui manquent de tout. Il n’y a pas le choix : il faut négocier avec les nouveaux maîtres du pays. En 2019, les Etats-Unis avaient lancé une série de sanctions économiques contre la Syrie, dans le but d’asphyxier financièrement le régime de Bachar el-Assad. Résultat : plus de 90% de la population s’était trouvée sous le seuil de pauvreté, en quelques années. « Nous sommes dans une impasse, résumait le prélat. Il n’y a pas d’électricité, tout est cher, il est difficile de manger pour beaucoup de gens. » Devant l’urgence de la situation, les magasins ont été vidés.
Pour l’heure, les islamistes semblent appeler à l’apaisement. « En tant que chrétiens, nous espérons que leur discours est vrai, commente Hannah. Les groupes rebelles ont confirmé aux prêtres que les chrétiens ont le droit de vivre une vie sûre et qu’ils ne commettraient aucun acte sectaire. D’ailleurs, l'évêque de l'église latine d'Alep a invité les chrétiens vivant en-dehors de la Syrie à y revenir. » Mais tous ne sont pas aussi optimistes : « La situation est confuse. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Beaucoup restent enfermés par peur », déclarait le responsable d’une association italienne qui vient en aide aux franciscains de Terre Sainte, sur OSV News.
Un avenir incertain
Pour les chrétiens, seules demeurent l’espérance et la prière. Si Bachar el-Assad autorisait ces populations à vivre leur foi librement, son régime répressif ne les a pas épargnés. « Depuis 2011, nous n’avons pas pu penser à l’avenir, nous n’avons pas vécu un seul jour sûr », raconte Hannah. Dix années de guerre civile ont fait baisser drastiquement le nombre de chrétiens dans cette zone. « Avant le début de la guerre, la Syrie comptait 1,5 million de chrétiens. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 250 000, s’alarme Amélie Berthelin, responsable du service information de l’Aide à l’Eglise en détresse (AED). Comme beaucoup de Syriens, les chrétiens sont dans l’expectative : ils ne savent pas ce qui va se passer. C’est un énorme bouleversement pour eux. Certains sont soulagés, d’autres sont inquiets. »
A juste titre : « ceux qui prennent le pouvoir n’apportent pas toujours la paix », analyse Amélie Berthelin. D’autant plus quand le chef de ces rebelles a fait ses premières armes dans les rangs d’Al-Qaïda au début des années 2000. Dès 2011-2012, Abou Mohammad al-Jolani montait la première tête de pont djihadiste dans une Syrie empêtrée dans la guerre civile. Le dernier rapport de l’AED pour la période 2022-2024 en Syrie est préoccupant. Dans le nord-ouest du pays, « le HTS a continué à interdire les pratiques religieuses et à saisir des biens, transformant certains bâtiments en mosquées. Des membres du clergé témoignaient de tentatives d’effacer les symboles chrétiens des églises et des monastères », précise le document. Sous le contrôle des islamistes du HTS, « les chrétiens de la région d’Idlib sont passés de 20 000 à 600, et dans certaines régions ils ont frôlé l’extinction. En avril 2024, le cardinal Mario Zenari signalait que 500 chrétiens syriens quittaient la Syrie chaque jour. » « Nous voyons les églises mourir », alertait le prélat auprès de l’AED. « Personne n’ose croire à une situation paisible », résume Amélie Berthelin.
« Noël sera un bon indicateur pour les populations chrétiennes, note Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d’Orient. Nous verrons comment se déroulent les fêtes de la Nativité, d’habitude très exubérantes, avec de grandes processions dans les rues, beaucoup de faste, des crèches vivantes… Est-ce que cela va durer ? » « Nous sommes un peuple qui a toujours rêvé d’une vie dans laquelle il y a la paix, la sécurité et un avenir, expose Hannah. Rien de plus. Nous espérons simplement un avenir pacifique et sans guerre. »
*Le prénom a été modifié
Louis de La Houplière
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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