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Témoignage encourageant d'un Frère Dominicain

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Témoignage encourageant d'un Frère Dominicain  Empty Témoignage encourageant d'un Frère Dominicain

Message par jaimedieu Sam 29 Mar 2014 - 14:09

Thierry, frère dominicain pour 245 euros par mois et plein de « surprises »

Chloé Andries
Journaliste au "Nouvel Observateur, Rue 89"
Publié le 23/02/2014 à 17h01

Frère Thierry assis dans une des stalles de l’église du couvent, où il prie trois fois par jour avec ses seize frères.

Dans une autre vie, frère Thierry était Thierry Hubert, prof agrégé de maths. Il enseignait en collège et lycée à Rennes et « appréciait plutôt bien » sa vie :

« J’aimais beaucoup mon métier et la vie sociale que j’avais. Je sortais pas mal, j’avais beaucoup de vacances, j’en profitais pour voyager. »

Niveau finances, Thierry touchait environ 2 500 euros net par mois, il était même propriétaire de son appartement, « un loft à Rennes ».
Une provocation pour une vie « plus épaisse »

Né dans une famille catholique de Fougères, en Bretagne, Thierry a toujours été « attiré par la parole de Dieu », mais ne se voyait « ni curé, ni moine ».

« En CM2, j’adorais la fable de La Fontaine “ Le Loup et le chien ”. Je me disais que je serais le loup, qui éventuellement n’a rien dans son assiette mais a une liberté totale. C’est paradoxal, car cette liberté s’est manifestée par l’entrée dans un ordre religieux. On peut le voir comme une chaîne, mais je ne le vis pas du tout comme ça.

Il y a une forme de provocation dans ce choix, une remise en cause des règles mondaines. Et surtout, je touche ici à une véritable épaisseur de la vie, avec ses aspérités mais aussi sa beauté. »

Ce choix radical, il le fait en 2001. A 31 ans.

« Quand j’ai rencontré les dominicains, ce fut une évidence. Leur prédication dégageait l’actualité de la parole de Dieu, de façon joyeuse, moderne, créative et intelligente. Je voyais en eux non pas le refus du monde mais la volonté d’amener le monde plus loin. »

Vœu d’obéissance

L’ordre des dominicains, appelés aussi frères prêcheurs, fondé au XIIIe siècle, est un ordre mendiant qui se caractérise par une double vocation :

la contemplation,
l’apostolat (par la prédication).

Il mise sur la formation intellectuelle poussée de ses frères, d’où sa réputation d’ordre intellectuel, tout en « sortant des couvents » pour « évangéliser » par tous les moyens de communication dans un esprit de recherche. Pour rappel, c’est d’ailleurs les dominicains qui sont à l’origine de l’émission « Le Jour du Seigneur », diffusée sur France télévisions.

Frère Thierry, comme ses seize autres frères au couvent de Lille, a prononcé un vœu d’obéissance, qui implique ceux de pauvreté et de chasteté. Et son quotidien oscille entre vie réglée au couvent et missions extérieures.
« Comme quand on est amoureux »

Sur le plan matériel, Thierry assure n’avoir eu aucun mal à changer de vie. Pendant ses années préparatoires, qu’il passe à Strasbourg (avec 50 euros « d’argent de poche » par mois) puis à Lille (avec 120 à 150 euros), il se souvient à peine – et sur le ton de la blague – « être passé devant des magasins de fringues » en se disant : « Bon, là, faut pas traîner trop souvent par ici. »

Son argent, il le dépense à l’époque dans des sorties au ciné, des bouquins et quelques billets de train pour aller voir la famille ou les amis quand il en a l’occasion (deux à trois fois par an).

« Mais vous savez, quand on entre dans l’ordre c’est comme lorsqu’on est amoureux. »

Sous-entendu, les côtés négatifs, on ne les voit même pas.
« J’ai donné ma vie, pas mes biens »

Lorsqu’il prononce ses vœux définitifs, que fait-il de son « patrimoine » ?

« On a le choix de donner ses biens à l’ordre ou pas. Moi j’ai donné ma vie, pas mes biens. »

Il laisse donc son appartement à ses parents, qui le revendront quelques années plus tard.

Si le frère Thierry trouve qu’il a été « facile de se débarrasser de son micro-ondes », il a eu plus de mal à « quitter » sa vie sociale. Et ajoute que la vie religieuse n’est pas toujours une partie de plaisir.

« Oui, parfois, la solitude, l’idée de ne pas fonder de famille, tout cela peut être difficile. Ne pas avoir quelqu’un qui vous dit qu’il vous aime, que ce que vous faites est bien, cela peut être quelque chose sur lequel on peut buter. Mais nous vivons en communauté. Ce que l’on perd sous une forme, on le retrouve sous une autre. »

12 m2, un lit un bureau, une armoire

Et pour le frère Thierry, c’est justement la régularité qu’il trouve dans la vie au couvent qui lui permet de s’épanouir dans le monde.

Dans l’église du couvent de Lille. Son habit blanc, il le porte comme une marque de « service » (Chloé Andries/Rue89)

« Chez les dominicains, nous sommes à la fois dedans et dehors. C’est un peu comme le principe de la respiration, c’est parce qu’on est dedans que l’on peut être pleinement dehors et inversement. »

Aujourd’hui, il vit au couvent de Lille, où il occupe une petite « cellule » de 12 m2, « un lit un bureau une armoire », comme les seize autres frères du couvent.

Chaque jour, en plus des repas pris en communauté, il retrouve ses frères pour prier :

à 7h30 pour les laudes,
12 heures pour la messe,
19 heures pour les vêpres.

« Cette régularité des bâtiments, des offices, des repas, c’est reposant et très important. »

C’est aussi cela qui lui sert de boussole lorsqu’il est « dehors ».
Chef d’entreprise surbooké

Dehors, justement, le quotidien de Thierry est celui d’un chef d’entreprise « surbooké », l’oreille vissée au téléphone, enchaînant les rendez-vous pour faire vivre une communauté de fidèles connectés.

Frère Thierry, à son poste de travail dans les locaux de Retraite dans la ville, au couvent de Lille (Chloé Andries/Rue89)

Il dirige l’association Retraite dans la ville, plateforme de sites internet et applications qui propose à plus de 94 000 inscrits des rendez-vous de prière variés. Il occupe également une fonction d’aumônier à l’Edhec (école de commerce lilloise) et développe tout un tas d’activités en lien avec une de ses passions : le théâtre. Dans les plateformes de Retraite dans la ville, il propose par exemple la lecture de psaumes par des artistes et chaque été il se rend au Festival d’Avignon, pour les rencontres foi et culture.

Pour toutes ces activités, voilà ce qu’il gagne et ce qu’il dépense.
Revenus : 245 euros par mois

• Salaire : 245 euros net par mois

C’est le salaire net qu’il touche chaque mois sur son unique compte personnel pour sa fonction d’aumônier auprès des étudiants de l’Edhec, où il se rend deux fois par semaine.

« Cela me permet de ne jamais demander au frère trésorier, qui s’occupe des comptes et cotisations de la communauté, de me verser de l’argent supplémentaire pour mes dépenses quotidiennes personnelles. »

• Un smic dans le pot commun

Pour son travail – l’équivalent d’un temps plein – d’animateur de Retraite dans la ville, frère Thierry ne perçoit rien directement, mais sa communauté touche une « indemnité du personnel congréganiste », soit l’équivalent du smic (environ 1 100 euros net), versée par l’association, qui vit exclusivement des dons des retraitants.

Mise en place et encadrée par la circulaire La Martinière de 1966 [PDF], cette indemnité permet aux congrégations qui mettent un de leurs membres à disposition d’une œuvre de recevoir de la part de celle-ci une indemnité basée sur la « valeur d’entretien » du religieux.

Sur cette somme, qui n’est pas un salaire, la communauté se charge ensuite d’affilier le religieux à une caisse de retraite, la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac), et de souscrire à une mutuelle.

Lorsqu’il célèbre une messe (frère Thierry a été ordonné prêtre en 2008), un baptême ou s’il prêche une retraite, comme tous ses frères, il reçoit également une « indemnité » qu’il reverse à la communauté. La Conférence des évêques de France, en concertation avec les conférences des religieux de France, a établi un barème indicatif [PDF] pour ces diverses prestations. Pour une retraite, par exemple, le tarif est établi à 110 euros par jour, auxquels s’ajoutent les frais de transport.

• La logique communautaire

Comme pour toutes les communautés religieuses, les frères dominicains mettent en commun tous leurs revenus, qu’ils soient salariés, indemnisés ou retraités. Ce à quoi il faut ajouter les dons de fidèles.

Ensuite, les dominicains suivent la règle de Saint Augustin : « A chacun selon ses besoins. »

La redistribution se fait au cas par cas :

« Il n’y a aucune uniformité entre les frères, chaque cas se réglant entre le frère et le prieur (le supérieur du couvent), sur une base de responsabilité et confiance partagées. »

Quand on lui parle retraite, accident de travail, maladie, frère Thierry sourit en précisant que « ça lui passe complètement au dessus de la tête ». Il fait confiance.

Ce qu’il pourrait éventuellement toucher grâce à ses dix ans passés comme prof de maths, où il n’était pas encore dominicain ?

« Je le donnerai à la communauté, qui redistribuera. »

Dépenses fixes : 76 euros par mois

Toutes les dépenses de frère Thierry dans le cadre de sa mission de Retraite dans la ville lui sont remboursées ou sont directement prises en charge par l’association. Voici donc ses dépenses personnelles, qu’il règle avec ses 245 euros mensuels.

• Internet et téléphone : 20 euros par mois

« Nous avons un abonnement de 85 euros par mois dans le cadre de Retraite dans la ville, sur lequel je paye 20 euros, que l’on a évalué comme étant la part de mon usage personnel en dehors de cette mission. »

• Cigarettes : 15 à 20 euros par mois

Frère Thierry fume trois à cinq cigarettes par jour, « jamais le matin ».

• Vêtements : 0 euros

Quasiment tout ce qu’il porte – sous son habit blanc – lui a été donné.

« La chemise que j’ai mise aujourd’hui et mes chaussures, ce sont mes parents qui me les ont offerts. Le pantalon, c’est aussi un cadeau. »

• Livres : 15 à 20 euros par mois

« J’aime beaucoup lire, même s’il faut parfois que je me force à m’y remettre, car mon activité peut vite me prendre tout mon temps. »

Dernier roman lu : « Les Particules élémentaires », de Houellebecq.

Derniers livres achetés : deux livres écrits par des dominicains, « Ce que dit la Bible sur le vin », de Philippe Lefebvre et « En finir avec la Tolérance ? Différences religieuses et rêve andalou » d’Adrien Candiard.

• Essence : environ 16 euros par mois

Le couvent de Lille dispose d’une voiture communautaire, une Peugeot 306 « pourrie » selon frère Thierry, qui prend en charge environ un plein tous les trois mois.

Le couvent est aussi adhérent de la coopérative Lilas autopartage, qui propose la location de véhicules partagés sur la métropole lilloise. C’est la communauté qui paie ce service, que Thierry utilise.
Dépenses variables

De temps en temps, lorsqu’il est en déplacement, il se paye un resto. Il prend aussi quelques semaines de vacances par an :

« La dernière fois, c’était quatre jours à Berck-sur-mer en décembre. Je vais bientôt aller voir ma famille à Lisbonne et cet été en Bretagne. »

Lorsqu’il rend visite à sa famille, c’est bien souvent cette dernière qui l’invite et prend en charge ses dépenses.

« Ma sœur trouve ça insupportable, elle dit que je profite de la générosité des gens, mais moi je n’en éprouve aucune culpabilité. »

Des « surprises »... inestimables

Pour frère Thierry, ce qu’il est impossible de chiffrer, ce sont toutes ces « bonnes surprises ». Pendant tout l’entretien, il le répète :

« La parole du Christ, “ce que vous abandonnez, vous le recevrez au centuple”, c’est exactement ce qui se passe et de façon très concrète. Les gens sont extrêmement généreux avec nous. »

Un exemple ? S’il se rend tous les étés pour travailler à Avignon, dans le « in » du Festival, où il a déjà pu rencontrer Romeo Castellucci ou encore Olivier Py, c’est grâce à un enchaînement de coups de chance... Ou de miracles, c’est selon.

« Ça a commencé quand j’étais aumônier en soins palliatifs. On m’avait invité à la lecture d’une pièce de théâtre dans l’hôpital. Le metteur en scène m’a dit : “Je vais à Avignon cet été. Vous, les frères, vous n’avez qu’à venir.” On était évidemment partants, mais on ne savait pas comment se loger »

Des invitations, une maison à prêter...

De fil en aiguille, ils rencontrent une chrétienne qui leur propose sa maison à Avignon, qu’elle n’occupe pas l’été. Ils peuvent y loger, à condition d’arroser les plantes. Banco.

Sur place, « la vie est très chère, mais les artistes nous accueillent à chaque fois avec générosité ».

Pour Thierry, ce genre de « surprises », « c’est tout simplement merveilleux » ! Une formule qu’il a piquée à Jean-Damien Barbin, un comédien qu’il a d’ailleurs connu à Avignon... et qui bosse désormais de temps en temps pour ses sites internet.
jaimedieu
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Féminin Date d'inscription : 02/03/2011
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