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DE L'ÉDUCATION - CONFÉRENCE de 1881 DEVANT LE CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC

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Message par MichelT Sam 5 Nov 2016 - 17:21

DE L'EDUCATION

CONFÉRENCE FAITE EN FÉVRIER 1881 DEVANT LE CERCLE CATHOLIQUE DE QUEBEC

BOUCHER de La BRUERE.

DE LA BRUÈRE, PIERRE (baptisé Joseph-René-Pierre-Hypolite), avocat, journaliste, auteur, fonctionnaire et homme politique, né le 5 juillet 1837 à Saint-Hyacinthe, Bas-Canada, fils de Pierre-Claude Boucher de La Bruère, médecin, et d’Hippolyte Boucher de Labroquerie ; le 8 janvier 1861, il épousa dans cette ville Victorine Leclère, et cinq filles et quatre fils lui survécurent ; décédé le 6 mars 1917 à Québec et inhumé le 10 à Saint-Hyacinthe.  Pierre Boucher de La Bruère appartient à la grande famille des Boucher de Boucherville ; il est un descendant de Pierre Boucher, fondateur et seigneur de Boucherville, et le petit-fils de René Boucher de La Bruère, seigneur de Montarville.


DE L'ÉDUCATION - CONFÉRENCE de 1881 DEVANT LE CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 5-istockphoto-compassandcamera-ville-de-quebec


DE L'ÉDUCATION

Monsieur le Président, Messieurs,

Depuis un siècle la démagogie a pris dans le monde un développement extraordinaire et son insolence ne connait plus de bornes. Semblable à un torrent impétueux ses eaux écumantes répandent la terreur ; dans leur marche rapide elles brisent les obstacles qu'elles rencontrent et laissent partout sur leur passage des traces de leur rage et de leur puissance.

L'esprit de Voltaire est parvenu à transformer le vieux continent européen ; avec l'aide des sociétés secrètes il a pénétré partout et réussi à ébranler la société jusque dans ses fondements. Aussi la révolution, devenue arrogante, haineuse et féroce, exerce ses ravages sur tous les points à la fois ; en littérature comme en histoire, en métaphysique comme en morale, dans le domaine de la foi, comme dans le sanctuaire de la famille.

Ennemie irréconciliable du genre humain, rien n'échappe à son intelligente tactique, et ses desseins diaboliques sont admirablement exécutés par des fils dévoués et puissants. C'est la lutte du mal contre le bien, la lutte de Satan contre Dieu.

Il est un point surtout sur lequel se concentrent particulièrement les efforts de l'impiété : c'est l'éducation de la jeunesse ; et si, dans ces derniers temps, nous avons eu à déplorer les coups si rudement portés contre l'enseignement du christianisme, c'est parce que les disciples du mal comprennent que la doctrine catholique est le rempart contre lequel leurs efforts ont échoué, et qu'en se faisant elle-même institutrice, la révolution pourra avoir plus facilement raison de la société.

C'est le chef de la famille que Dieu désigne pour inculquer dans l'intelligence de l'enfant les notions du devoir, de l'obéissance et de l'amour, car la famille est la sentinelle avancée de l'humanité ; elle veille à l'éducation première ; elle est la source d'où s'échappent les vertus sociales ; l'enfant y puise à longs traits le breuvage de la vie, et, lorsqu'il quitte le toit paternel, son cœur a déjà reçu la semence qui fera de lui un homme.

Considérée à ce point de vue, l'œuvre de l'éducation nous apparait comme un des reflets les plus admirables de la bonté de Dieu ; c'est une œuvre divine dans la plus large acception du mot, en fortifiant ses facultés intellectuelles, en développant ses facultés physiques, morales et religieuses, et en le préparant à remplir ses devoirs envers sa famille, son pays et son Dieu.

C'est ce que ne veut point l'irréligion, et s'emparer de la jeunesse, l'éloigner du foyer domestique, la soustraire à la douce influence de la mère de famille, la façonner aux idées démagogiques, tel est le but qu'elle poursuit ardemment. Sa devise est que la science tient aujourd'hui en ce qui touche la direction des intérêts sociaux, le rôle que remplissait autrefois la religion.

L'éducation de la jeunesse, telle est donc la grande question du moment. Mon intention ce soir est de vous parler du rôle de l'Église dans l'éducation ; en second lieu, de l'éducation sans la foi, et de faire voir les résultats de l'éducation dans les pays de foi. Le sujet est très vaste, et afin de me maintenir dans de justes bornes, je devrai être sobre de paroles.

1.

Disons d'abord en peu de mots ce qu'a été le rôle de l'Église dans l'éducation. L'Église, messieurs, a particulièrement reçu de Dieu la mission d'enseigner. «Allez et enseignez toutes les nations,»  a-t-il été dit à ses ministres. St. Paul l'appelle «le pilier et le fondement de la foi, la dispensatrice des mystères de Dieu.» D'après le langage des saints,  «ils n'ont pas Dieu pour père ceux qui n'ont pas l'Église pour mère.»

Cette mission elle ne peut donc s'en départir, et quand on lui demande de cesser d'instruire la jeunesse, on lui demande l'impossible, car ce serait pour elle un véritable suicide, il vaudrait autant lui dire : cessez d'exister. De tout temps l'Église s'est occupée d'une manière spéciale de répandre l'instruction dans les esprits, soit au moyen des écoles, soit au moyen de la prédication. Jésus-Christ lui-même commença à enseigner et donna à ses apôtres un exemple qu'ils suivirent avec dévouement et constance. Il entrait dans leur mission d'éclairer les peuples, et leurs préoccupations constantes furent de leur faire connaitre la vérité.

Les évêques qui succédèrent immédiatement aux apôtres donnèrent des formes stables aux réunions des fidèles et en firent des écoles régulières. Et qui ne se rappelle quel éclat jeta l'école d'Alexandrie, dès le second siècle de l'Église, et combien elle contribua à faire briller la science catholique au milieu des ténèbres du paganisme. A ceux qui prétendent que la foi, à son origine, ne se transmit dans le monde que par le fanatisme et l'ignorance, il est facile de répondre en citant ces paroles de St. Grégoire sur le plan d'une éducation chrétienne au III siècle par le célèbre Origène : « Comme un habile agriculteur, disait-il, qui sonde en tous sens le terrain qu'il entreprend de défricher, Origène creusait et pénétrait les sentiments de ses disciples, les interrogeant et considérant leurs réponses. Quand il les avait préparés à recevoir la semence de la vérité, il leur enseignait les diverses parties de la philosophie ; la logique pour former leur jugement, en leur apprenant à discerner les raisonnements solides d'avec les sophismes spécieux de l'erreur ; la physique pour leur faire admirer la sagesse de Dieu par la connaissance raisonnée de ses ouvrages ; la géométrie pour habituer leur esprit à la rectitude par la rigueur des propositions mathématiques ; l'astronomie, afin d'élever et agrandir leur pensée, en leur donnant l'immensité pour horizon ; enfin la morale, non pas celle des philosophes dont les définitions et les divisions stériles n'enfantent aucune vertu, mais la morale pratique, leur faisant étudier en eux-mêmes les mouvements des passions, afin que l'âme se voyant comme dans un miroir pût extirper jusqu'à la racine des vices. Il abordait la théologie ou la connaissance de Dieu....»

Si dès ces temps primitifs l'Église enseignait les plus hautes sciences et ouvrait aux intelligences les routes les plus ardues des vérités chrétiennes, elle ne perdit point par la suite, au milieu des bouleversements des empires et des guerres des barbares, le pouvoir ni la volonté d'instruire. Le célèbre Bacon disait lui-même qu'au septième siècle les écoles fondées par l'Église catholique étaient les meilleures, à cette époque, dans le monde.

Puis, au milieu du moyen-âge, apparut la grande figure de Charlemagne, et son règne fut comme un phare lumineux qui éclaira l'Europe. Il eut pour l'inspirer dans son œuvre régénératrice le célèbre anglais Alcuin qui dévoua ses efforts à l'enseignement et au rétablissement des écoles. C'est à cette époque que l'ardeur pour la reproduction des anciens manuscrits fut plus grande, Pendant les révolutions politiques des VI, VII et VIII siècles les manuscrits sacrés et profanes étaient tombés aux mains de copistes ignorants ; les textes étaient devenus méconnaissables, et Alcuin, avec l'autorité de Charlemagne, rendit un immense service à la science en s'efforçant de réparer le mal.

Les monastères contre lesquels les niveleurs de notre siècle éprouvent tant de haine, devinrent les foyers où l'on exécuta les manuscrits les plus exacts que l'on répandit ensuite dans les différentes bibliothèques de l'Europe, afin de les soustraire à la destruction. Dans chaque Évêché et chaque monastère on créa des écoles où les jeunes gens pussent s'initier aux connaissances divines et humaines, et plusieurs de ces institutions acquirent une grande célébrité. Après que la gloire du règne de Charlemagne fut disparue, au 10e siècle, période d'enfantement où tous les éléments religieux, intellectuels et politiques étaient confondus, il exista des écoles ecclésiastiques où on venait puiser la science du droit canonique.

Ce fut même à la fin du 9e siècle que l'Église jeta en Angleterre les fondements de l'Université d'Oxford qui, au dire du protestant Huber, «devint le siège d'une école de la plus haute culture intellectuelle alors existante.» La plupart des universités du continent, continue cet écrivain, prirent origine sous la dépendance de l'Église. Parlant du moyen-âge, Huber dit encore : « Les temps qui suivirent n'ont pas produit une agglomération d'hommes éminents par leur savoir et la science tels qu'Oxford et Cambridge en produisirent alors, influençant grandement le développement intellectuel de tout l'ouest de la chrétienté.»

L'historien McAuley quoiqu'imbu de préjugés à l'égard des catholiques, n'a pu s'empêcher, dans son histoire d'Angleterre, de rendre à l'Église le témoignage suivant sur sa mission civilisatrice dans les temps les plus reculés du Moyen-Âge. «Il était bon, dit-il, dans un âge de violence et d'ignorance qu'il y eût des cloitres paisibles où les arts de la paix pussent être cultivés avec sécurité, où les douces et contemplatives natures pussent trouver un asile; où tel moine pût s'occuper à transcrire l'Eneide de Virgile, et tel autre à méditer les Analytiques d'Aristote ; où celui qui possédait le génie artistique pût enluminer un martyrologe ou sculpter un crucifix, et où cet autre dont l'esprit était tourné vers la philosophie naturelle pût faire des expériences sur les propriétés des plantes et des minéraux. Si de telles retraites n'avaient été disséminées çà et là parmi les huttes de misérables populations rustiques et les châteaux d'une féroce aristocratie, la société européenne n'aurait été composée que de bêtes de somme et de bêtes de proie. L'Église a été comparée bien souvent par les théologiens à l'arche dont parle la Genèse ; mais jamais cette image ne fut d'une vérité plus frappante que durant ces jours détestables où seule elle flotta au milieu de la nuit et de la tempête sur les eaux de ce déluge où gisaient englouties toutes les grandes œuvres de l'antique politique et de l'antique sagesse, portant en elle le faible germe d'où devait sortir une seconde et plus glorieuse civilisation.»

Quand, messieurs, l'instruction fit-elle de plus rapides progrès, si ce n'est au XII et au XIII siècles ? Alors parurent des hommes dont les travaux n'ont point été surpassés par ceux des siècles suivants, tels qu'Albert le Grand, St Bernard, Roger Bacon, Vincent de Beauvais, St Bonaventure, St Thomas d'Aquin. Leurs écrits sont de vastes répertoires où toutes les questions tant sur les choses divines que sur les choses humaines sent traitées à fond et avec une science que l'on ne rencontre que chez de telles intelligences.

Puis n'est-ce point encore au moyen-âge que naquirent ces grandes institutions qui rendirent la science accessible à tous et donnèrent aux études de larges développements ? Qui ne se rappelle Cluny et Citaux. Cette dernière abbaye eut jusqu'à 2,000 couvents d'hommes et 6,000 couvents de femmes sous sa juridiction. L'Université de Paris compta jusqu'à 40,000 élèves ; celle d'Oxford 30,000 ; le couvent de St-Benoit sur Loire, 5,000 ; Bologne 12,000 ; Salamanque 20,000. Outre ces célèbres universités, il y avait celles de Palencia, de Toulouse, de Naples, de Cambridge, de Vienne, d'Upsal, de Montpellier qui étaient autant d'établissements rivaux se le disputant par leur zèle et la force des études. De plus à coté d'elles s'élevaient les institutions monastiques qui leur faisaient concurrence et répandaient l'instruction.

Et quels étaient les instituteurs de la jeunesse de l'Europe à cette époque ? C'était des moines de l'ordre des Bénédictins, des Franciscains, des Dominicains,, des Carmélites, des Augustins. Bacon écrivait : «Quant à l'art d'instruire la jeunesse le plus court moyen serait de dire : voyez les écoles des Jésuites, car parmi les institutions de ce genre, il n'y en a pas de meilleures.»

Voilà en peu de mots ce que fît l'Église pour l'instruction des peuples jusqu'au 17e siècle. Préposée par son fondateur à la garde de la foi et des mœurs, ayant reçu de lui la mission d'enseigner, elle se mit dès le commencement de son existence, à remplir le rôle qui lui avait été assigné. Forte de son droit, imprégnée de l'esprit divin, elle parcourut les siècles en répandant sur son passage glorieux le baume de ses vertus, et en illuminant les intelligences des reflets de sa grâce.

Au milieu des persécutions comme au sein de la paix ; dans la nuit obscure des premiers siècles comme au soleil de la civilisation, l'Église partout et toujours fut à la hauteur des circonstances et répondit aux besoins des populations. Elle fut la barrière la plus puissante contre la barbarie, et l'ignorance, comme le flot de la mer sur le rivage, s'arrêta à la porte des monastères. Et maintenant la grande institutrice des siècles passés a-t-elle perdu tous droits à l'éducation de la jeunesse ? Quel qu’esprit supérieur est-il venu lui en lever le sceptre de l'enseignement que Dieu avait placé en ses mains ? A-t-elle perdu ses prérogatives et s'est-elle montrée indigne de la glorieuse mission qui lui avait été confiée ?

Ce qu'elle a fait antérieurement, elle le fait aujourd'hui, et jamais peut être à aucune époque de son histoire elle n'a combattu plus énergiquement pour la liberté de l'enseignement chrétien et pour conserver au sein des nations les principes de foi. Constamment sur la brèche elle fait face à l'ennemi avec un courage qu'elle puise dans la divinité de son origine, et son plus ardent désir est d'instruire les hommes sur la beauté et la grandeur de leur mission et la sublimité de leur fin.

La foi et la science sont inconciliables, disent les libres-penseurs. Ce prétendu axiome, messieurs, est plus qu'un contre -sens, c'est une absurdité. Que ces esprits forts interrogent les grands hommes qui ont illustré le monde et particulièrement ceux qui furent les pères de la science moderne comme Newton, Kepler, Leibnitz, Descartes, Pascal, Bacon, et qu'ils leur demandent si la foi répudie la science. C'est Dieu lui-même qui a donné l'autorité à son église ; or comment cette autorité peut-elle être adverse à la liberté de l'esprit ? N'est-ce pas plutôt sa plus sûre défense ? Le créateur a voulu aussi que tout se coordonne et s'harmonise ; comment pourrait-il arriver qu'il y eut conflit entre les choses que Dieu a faites ? Ce n'est pas parce que l'Église refuse de reconnaitre des privilèges à l'erreur qu'on peut prétendre qu'elle arrête l'essor de l'esprit : au contraire, elle encourage la liberté de penser, d'autant plus que son autorité est pour les catholiques une garantie contre leurs erreurs et leurs excès.

Le libéralisme sent bien tout le poids et la gravité des enseignements de la Cour de Rome ; il n'ignore point l'empire qu'exercent sur les esprits les généreux défenseurs de la morale et de la doctrine catholiques ; aussi fait-il des efforts surhumains pour captiver la jeunesse, lui inculquer une fausse indépendance d'esprit et l'éloigner des splendeurs doctrinales du Vatican. Alors, qu'elle est la panacée qu'offrent les adversaires de l'enseignement catholique ? Ce sont les écoles où l'on n'enseigne aucune religion et qu'on est convenu d'appeler «les écoles laïques.» Eh bien ! Examinons ensemble, messieurs, les résultats de l'éducation sans la foi chez différentes nations de l'univers.

II

La destruction de l'enseignement chrétien n'est pas une idée de ce siècle, et lorsqu'on voit les Jules Ferry et les Paul Bert faire la guerre aux communautés enseignantes, ils ne poursuivent que l'exécution d'un plan conçu et mûri par Voltaire, d'Alembert et toute la gente maçonnique du 18e siècle. Dès 1750 les loges avaient décrété l'abolition de la société de Jésus comme un premier pas vers la destruction des autres ordres religieux.

A cette époque un seigneur anglais franc-maçon ayant fait la connaissance d'un Jésuite, le P. Raffay, professeur à Ancône, et s'étant pris d'affection pour lui, lui dit qu'il ferait bien de songer à se procurer un état, parce qu'avant peu, et sûrement avant vingt ans, sa société serait détruite. Le Jésuite étonné du ton d'assurance de son interlocuteur, lui demanda en punition de quel crime on avait décrété l'abolition de son ordre. «Ce n'est pas, reprit le franc-maçon, que nous n'estimions bien des individus de votre corps ; mais l'esprit qui l'anime contrarie nos vues philosophiques sur le genre humain. En assujettissant, au nom de Dieu, tous les chrétiens à un pape et tous les hommes à des rois, vous tenez l'univers à la chaine. Vous passerez les premiers ; après vous, les despotes auront leur tour.»

Voltaire disait de son coté : «ce n'est pas assez d'abolir les Jésuites, quand on a tant d'autres moines. Le plan d'études qui eut une grande vogue parmi les philosophes impies du temps fut celui connu sous le titre d'essai d'éducation nationale ou plan d'études pour la jeunesse, déposé, en mars 1763, au greffe du parlement de Bretagne par Louis René Caradeuc de Lachalotais, procureur-général du roi. Cet ouvrage eut une importance exceptionnelle par les principes nouveaux qu'il posa. D'après le P. Deschamps, il proclama que le contrôle de tout l'enseignement doit être entre les mains de l'état. Celui-ci doit prendre la charge complète de l'éducation de tous les enfants, depuis 6 ou 7 ans à 17 et 18 ans et faire composer de nouveaux livres classiques élémentaires en laissant de côté tous ceux qui avaient servi jusque là.


Puis cet enseignement donné au nom du pouvoir civil doit être exclusivement aux mains des laïques.« Le bien de la société, dit LaChalotais, exige manifestement une éducation civile, et si on ne sécularise pas la nôtre, nous vivrons éternellement sous l'esclavage du pédantisme. Ce que l'auteur entend par pédantisme c'est la morale révélée chrétienne. J'ai parlé, dit-il, de la morale qui précède toutes les lois positives divines et humaines ; l'enseignement des lois divines regarde l'église ; mais l'enseignement de cette morale appartient à l'état et lui a toujours appartenu ; elle existait avant qu'elle fut révélée, et par conséquent elle n'est pas dépendante de la révélation. Il faut réduire la religion à un pur déisme, et la dégager de toutes les controverses futiles et bagatelles sacrées.»

Il n'est pas besoin de vous dire, messieurs, que ce plan d'études, dont je ne mentionne qu'une partie, reçut l'approbation enthousiaste de Voltaire et de ses amis, puisqu'il ne tendait rien moins qu'à renverser tout l'ensemble du christianisme, à détruire sa morale, et ravir au profit de l'état les droits sacrés du père de famille. En Allemagne eurent lieu les mêmes tentatives pour s'emparer des écoles et chasser les religieux.  Il y avait entente parfaite entre les chefs de l'impiété dans les divers pays de l'Europe, comme le démontre la citation suivante d'une lettre de l'Allemand Weishaupt, un des grands maîtres de la Franc-Maçonnerie.

«Il est de la plus haute importance pour le succès de notre sublime projet et pour en faciliter et mieux en assurer l'exécution de ne rien négliger pour entrainer dans notre ordre des membres marquants dans le clergé, dans les autorités civiles et militaires, les instituteurs de la jeunesse, sans excepter les rois, les princes et surtout leurs enfants, leurs conseillers et leurs ministres, et enfin tous ceux dont les intérêts seraient en opposition avec notre doctrine. Il faut adroitement dans leur éducation, et sous les formes les plus séduisantes, glisser le germe de nos dogmes et les accoutumer par là insensiblement et sans qu'ils s'en doutent au choc qui doit les atteindre. C'est par des auteurs célèbres dont la morale s'accorderait avec nos desseins, que nous paralyserons et ébranlerons leur autorité et leur puissance.»

Telles furent donc, au 18e siècle, les origines de l'enseignement d'état que la Maçonnerie philosophique voulait imposer à l'Europe. On ne put réussir tout-à-coup à gangrener le corps social, car l'enseignement chrétien que l'Église avait répandu dans toutes les classes de la société était trop, fortement enraciné dans le cœur des populations pour que celles-ci s'abreuvassent de suite à la coupe empoisonnée que leur offraient les sociétés secrètes.

Cependant sous l'impulsion énergique que d'Alembert donna au comité d'éducation qu'il avait formé pour éclairer la jeunesse, de même qu'au bureau d'instituteurs qu'il avait créé et auquel devaient s'adresser tous les adeptes qui avaient besoin de recommandations pour se procurer des places de précepteurs dans les maisons des riches et des grands seigneurs, il ne fallut pas plus que 25 ans de ce régime pour former les hommes de la révolution française, comme en font foi les Mémoires du Duc de Richelieu dans lesquels on lit la phrase significative suivante : «Après avoir longtemps harcelé les Jésuites et fondé l'opinion des peuples, disent ces Mémoires, le grand coup leur fut porté enfin le 5 août 1762. La révolution de 1789 principalement a été faite par les français nés depuis 1750, éclairés par la philosophie du temps et préservés dès 1763 de l'éducation , de cette compagnie.»

Les principes pernicieux s'infiltrent promptement chez un peuple, et cet exemple de la France doit servir de leçon au peuple canadien qui ne saurait trop se prémunir contre les dangers d'une fausse éducation et doit veiller scrupuleusement à ce que jamais l'état n'empiète sur les droits du père de famille et de l'Église à qui revient la mission d'enseigner.
C'est un écrivain anglais qui a dit que l'éducation, laïque ne tend pas plus à produire la vertu chez aucun homme qu'à apprendre à un chien à porter un paquet ou à un singe à sauter à travers un cercle.

Jetons un regard chez les nations où a pris racine l'éducation sans Dieu.

En Allemagne cette éducation se résume dans les lois de Falk ; c'est-à-dire qu'elle est l'ennemie la plus acharnée de l'Église catholique et par conséquent de la liberté. C'est assez de liberté pour les Allemands, dit le code Falk, que de penser comme l'état pense ; excepté qu'on peut ne croire en rien du tout si on le désire. Ce césarisme religieux a engendré la persécution à laquelle est en butte le catholicisme en Prusse; le socialisme jubile de voir les curés catholiques privées de leurs pasteurs et les évêques exilés ; aussi l'immoralité exerce de grands ravages dans les rangs de la société Allemande.

Un témoin compétent, chapelain de la Cour à Potsdam, le Dr. Krummacher, déclare que parmi le peuple il y a une indifférence complète pour l'assistance à l'Église, et que sur une population d'un demi-million, pas plus de trente mille personnes assistent aux offices du dimanche, et la plupart sont des femmes. En Prusse, un sixième des bénéfices protestants, en devenant vacants, restent tels faute de sujets pour les remplir. Les étudiants protestants en théologie ont diminué rapidement, et, dans les huit universités, le nombre en était de 740 en 1873 contre 2,203 en 1831. Ainsi quoique la population ait augmenté d'un tiers depuis cette époque, les sujets pour le ministère ont diminué des deux tiers. L'Allemand Julius Froebel faisant la comparaison entre les indiens de l'Amérique du sud et la masse de ses compatriotes va jusqu'à confesser franchement que, sous plusieurs rapports, ils sont supérieurs aux paysans allemands.

L'écrivain anglais, Henry Mayhew, comparant à son tour la classe moyenne de la Saxe, berceau de la réforme, avec les classes du quartier le plus abject de Londres, donne la préférence à celles-ci sur la première, moralement et socialement. Cette absence de tous principes religieux et de toute morale est le résultat des efforts des sociétés secrètes, depuis un siècle, pour s'emparer de l'éducation de la jeune génération allemande. Laissez-moi vous citer à ce sujet une page d'un livre dû à la plume de l'Archevêque de Cologne, et intitulé «la paix entre l'Église et les États.»

C'est sur le terrain des écoles, écrit-il, que d'Alskentein, (ministre de Prusse sous le règne de Frédéric- Guillaume IV) s'efforçait principalement d'attaquer dans son principe vital, de dissoudre et d'extirper le catholicisme plus spécialement, mais en même temps aussi le christianisme tout entier. «Il s'était peu à peu rendu maître, non pas seulement des universités, mais encore de tous les gymnases, de toutes les écoles secondaires et enfin même des écoles primaires dans les villes et les campagnes. Pour la moindre école de village il avait déterminé et prescrit le plan des études, les livres scolaires et jusqu'à ceux qui ne devaient servir qu'à de simples lectures»

Plus loin l'éminent prélat ajoute : « Une disposition plus importante encore du ministre fut l'exclusion complète de toute influence ecclésiastique sur les séminaires pédagogiques (écoles normales). C'est là que s'établissent en force toutes les tendances anticatholiques, c'est de là que, sous forme d'instructions morales ou d'habiles commentaires d'ouvrages souvent innocents et exempts de tout reproche d'hétérodoxie, ces tendances se répandent dans toutes les veines du peuple catholique. Là tout contrôle devenait à peu près impossible, et, il faut l'avouer à la honte de quelques évêques et de leur clergé, ce contrôle ne fut pas même tenté contre eux.»

«Laissez-nous les écoles, disait le ministre d'Alskentein, et nous vous laisserons volontiers les pompes de votre culte et les splendeurs de votre hiérarchie, vos évêques et vos chapitres ; nous les honorerons même à l`extérieur, et nous les protégerons, car ils nous servent, pour un temps encore, de manteau pour couvrir nos vues et nos mesures, et par leur moyen nous tenons les catholiques en repos. Mais lorsqu'une fois ce qui est essentiel au catholicisme sera effacé du cœur de votre peuple, lorsque la chaine de vos traditions sera rompue, votre hiérarchie tombera d'elle-même comme un vieux chiffon ; elle ira se confondre dans les ordures que le balai jette dehors ; elle sera foulée aux pieds de chacun, à moins que nous ne voulions bien la sauver en la classant parmi les autres fonctionnaires de l'état.» ( En 1933, l`Allemagne soutien le régime national-socialiste athée et son idéologie païenne)

La Russie, messieurs, est bien un autre exemple de la triste situation intellectuelle des pays où la foi ne marche pas de pair avec l'éducation de la jeunesse. Le peuple russe est naturellement porté à la religion et s'il fut resté en communion avec l'Église de Rome, il aurait pu rivaliser avec les peuples de l'Irlande pour l'ardeur de sa foi. Mais sous le souffle dissolvant d'une église liée si intimement au point de vue national et politique avec l'état et son chef, la superstition s'est substituée aux vraies croyances religieuses, et aujourd'hui, au lieu de posséder une seule foi, la Russie est divisée en cent sectes différentes qui vont chez elle jusqu'à compromettre l'avenir de ce qu'on peut appeler la portion orthodoxe du peuple.

Le schisme a fait des ravages désolants et ceux qui ont écrit sur la Russie font un triste récit de l'aspect religieux de cette contrée. Le Czar Nicolas a prédit que «la Russie périrait par ses divisions religieuses.» ( En 1917, la Russie plonge dans le cauchemar de la révolution communiste et bolchévique athée) Cette prédiction est dit-on, en voie de s'accomplir. M. Dixon, écrivain protestant, écrivait en 1870 : «Le résultat de trente années de persécution sauvage est qu'aujourd'hui les non conformistes sont plus nombreux, plus riches, plus compactes qu'ils étaient lorsque Nicolas commença à régner. C'est tellement le cas, ajoute-t-il, que dans les cercles officiels on comprend qu'on ne peut rien entreprendre sûrement, à moins que les vieux croyants ne l'approuvent.

Ce qu'ils appellent les croyants orthodoxes ne sont qu'une secte officielle ayant ses ramifications à la Cour. Beaucoup de ces sectes professent des opinions entièrement opposées à la sécurité de l'état ; quelques-unes ne veulent point prier pour le Czar Alexandre, le croyant perdu pour Dieu, et elles sont autant ennemies de l'empire que de l'Église officielle. Au reste les sociétés secrètes poursuivent dans ce vaste pays comme dans d'autres leur œuvre de destruction et de mort. Le Nihilisme, dont la liaison avec le naturalisme allemand est si étroite, désire la suppression de la famille, de l'hérédité, de toute tradition et de toute religion comme empêchant la mort de réaliser pleinement ses effets.

Son dogme se retrouve dans cette phrase d'une lettre de Naquet au journal des débats : « La famille ne peut désormais qu'être nuisible à l'homme L'éducation de la famille neutralise les heureux effets de la mort. La famille empêche l'homme de mourir tout entier, elle le perpétue et le continue.» Cette secte sinistre qui fait trembler sur sa base le puissant empire moscovite ne recule devant rien, et les tentatives de meurtre sur la personne de l'empereur Alexandre prouvent bien que pour elle l'assassinat n'est qu'un moyen de parvenir au but auquel elle tend, car suivant ce qu'écrivait Garibaldi à Félix Pyat le 6 mars 1880 : «L'assassinat politique est le secret pour conduire à bon port la révolution.»

Vous parlerai-je de la France, messieurs, de cette France que nous chérissons comme un fils chérit sa mère ? Hélas ! un ciel de plomb pèse sur le beau pays de nos ancêtres ; celle qui mérita le titre glorieux de fille ainée de l'Église, enveloppée dans les langes immondes des sociétés secrètes, se débat contre les maîtres qui veulent ternir son blason et sa renommée. Ses mains, liées comme celles d'une esclave, se sont souillées au contact du naturalisme ; sa robe fleurdelisée est tachée de sang ; le bonnet de la liberté moderne cache son front autrefois si radieux, et ses joues se sont flétries sous le baiser impur de la Franc-maçonnerie. Elle git haletante, et sa voix jadis si puissante en Europe reste éteinte dans sa gorge qu'écrase le pied du socialisme. ( Toujours d`actualité...)

Qu'avons-nous vu depuis plusieurs années ? Les libres-penseurs cherchant à s'emparer de l'éducation de la jeunesse et à chasser Dieu de l'école. Comme je vous le disais en commençant, c'est là la grande question du jour, et c'est sur ce terrain que l'Église a engagé la lutte contre ses ennemis acharnés.

Les événements qui se déroulent actuellement en France se préparent depuis plusieurs années, car le mouvement qui aboutit aux projets de loi de M.Ferry eut pour précurseur la ligue de renseignement fondée en 1866 par le franc-maçon Jules Macé, alors que M. Duruy était ministre de l'instruction publique. Cette ligue voulait l'enseignement laïque, gratuit et obligatoire, et procureurs impériaux, préfets, professeurs de l'Université se firent volontiers dans toutes les parties du pays les agents de recrutement de cette nouvelle institution. Les loges lui furent aussi d'un puissant secours, et le journal le Monde maçonnique, de mai 1867, s'écriait : «Les maçons doivent adhérer en masse à la ligue bienfaisante de l'enseignement, et les loges doivent étudier dans la paix de leurs temples les meilleurs moyens de la rendre efficace ; leur influence sera des plus utiles. Les principes que nous professons sont en parfait accord avec ceux qui ont inspiré le projet du frère Macé.»

Sous le gouvernement de M. Thiers la ligue reçut également les faveurs ministérielles ; ses soutiens augmentèrent, et M. de Moussac a relevé cent onze loges adhérant expressément et en corps à la ligue. Il n'est pas besoin de dire que, depuis, son but antichrétien s'est affirmé davantage, et dans un banquet donné à Paris à l'occasion de l'exposition universelle de 1878, un grand maître de la franc-maçonnerie belge s'exprimait comme suit en parlant des obstacles au développement intellectuel en France. «Levons-nous donc tous ensemble ; que Rome, que l'ultramontanisme, que l'ignorance, que tout ce qui en dérive succombe, périsse à jamais par le développement de l'éducation qui conduit à la morale et par le développement de l'instruction qui conduit au développement complet de l'intelligence.»

Finalement on en arriva au mois de Mars 1879 à la présentation de la loi de M. Jules Ferry. Cet homme sans foi était digne d'attacher son nom à la suppression de la liberté d'enseignement, et, plus tard, d'en venir à l'exécution contre les communautés religieuses de ces décrets de proscription qui ont déshonoré le gouvernement de la république et l'ont couvert de ridicule et d'ignominie.

Dans la présentation de ses mesures pour donner à l'état tout pouvoir et toute initiative en fait d'éducation. M. Ferry n'était qu'un instrument entre les mains des sociétés secrètes ; il n'était que le bourreau des loges. En effet, à Marseille, en mai 1879, M. Gambini, vénérable de la loge La parfaite sincérité, disait : «Le F. Jules Ferry qui a eu l'insigne honneur d'être initié à nos mystères en même temps que l'illustre Littré accomplit en ce moment le programme qu'il a lui-même tracé : instruisons nous, instruisons les autres. Mais si le F. Jules Ferry poursuit une œuvre essentiellement maçonnique, il nous appartient à nous maçons de le soutenir dans l'accomplissement de sa mission.»

Aussi lorsque le premier ministre actuel de la France fit, en septembre 1879, un voyage dans le midi, il reçut les hommages de la maçonnerie toulousaine, et, dans une adresse qu'elle lui présenta, on lit le passage suivant : «La France démocratique, la France laborieuse est avec vous, et la Maçonnerie ne saurait oublier que le ministre de l'instruction publique est un de ses fils les plus distingués. Elle vous aidera, T. C. F., elle vous soutiendra dans la lutte que vous avez entreprise, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, car elle comprend que, puisqu'on ne croit pas devoir appliquer aux jésuites une loi non abrogée, il est urgent du moins d'arracher à leurs étreintes la jeunesse française.»

Malheureusement, Messieurs, le mal n'est pas rendu à son terme, et l'œuvre de Satan est destiné à recevoir un plus complet développement. Ce n'est pas assez pour les Maîtres de la France de chercher à ravir la jeunesse des collèges à l'enseignement chrétien et à lui inculquer le venin de l'impiété ; ils veulent corrompre l'intelligence de la femme comme l'éducation des hommes.

La France maçonnique a rencontré dans l'organisation de la famille un obstacle sérieux à la propagande des idées socialistes ; elle veut le faire disparaître en prenant en main l'instruction de la jeune fille. Quelque dévoyé que soit le fils de famille devenu maître de lui-même, il existe au fonds de son cœur façonné par sa mère un germe de vertu auquel il lui est quelquefois difficile de se soustraire.

Désormais on corrompra la source d'où découlent tant de bons sentiments chez l'homme ; on empoisonnera l'intelligence de la jeune fille pour que plus tard elle
ne puisse avec le lait maternel faire sucer à son fils ces principes de vie qui sont pour lui, dans le cours de son existence, le rempart le plus assuré contre les mauvaises passions et le déshonneur. L'enfant n'aura plus de gardienne pour prier près de son berceau ; l'ange de la famille disparaîtra pour faire place à une marâtre, et à la pieuse mère de famille succédera la Louise Michel de l'athéisme.

Comme le disait M. Arnould dans une réunion maçonnique à Anvers : «Il faut refaire l'enseignement des femmes. Il le faut refaire par la science.» Écoutez, messieurs, une parole de M. Noirot dans une conférence faite à Bordeaux le 6 août 1878. Quel est le point d'appui, dit-il, que le XIX siècle doit fournir au levier d'Archimède de la Maçonnerie ?

Ma réponse est bien simple, mes F.F. C`est  la femme ! ! Pourquoi ne lui fait-on pas connaître plutôt les premiers principes de l`hygiène que ceux du catéchisme ?...
Sur les femmes qui comprennent la religion sans culte ni prêtre, le prêtre n'a pas de prise. Selon la tradition biblique, Dieu dit à Ève : Tu écraseras la tête du serpent. Notre devoir mes F., notre devoir à nous, sentinelles avancées de la civilisation, est de montrer à la femme où est le serpent et de lui dire : Écrase ! Morte la bête, mort le venin.»

Ces paroles, messieurs, sont un blasphème, et pardonnez-moi de vous les avoir citées.

L'Europe n'est pas le seul continent où l'on peut apprécier les effets de la bonne et de la mauvaise éducation de la jeunesse. Aux États-Unis d'Amérique il n'y a qu'à comparer les principes qui ont présidé à la direction des écoles au temps de Washington avec ceux qui, depuis trente ans, ont prévalu dans beaucoup d'états de l'Union. Les effets en sont trop évidents pour pouvoir s'y méprendre, et ils viennent confirmer l'opinion qu'en dehors des doctrines religieuses il ne saurait y avoir de saine éducation.

Lorsque les Puritains vinrent habiter la Nouvelle-Angleterre ils apportèrent sans doute beaucoup de préjugés contre le catholicisme ; mais ils possédaient des sentiments religieux qui firent que l'école était intimement liée à l'Église et que les ministres du culte avaient la haute main sur l'éducation des enfants.

Ils obligeaient chaque township à entretenir un ou plusieurs maîtres d'écoles, et un ancien statut de Boston, daté de 1635, contient à ce propos le préambule suivant :
«Attendu que Satan, l'ennemi du genre humain,, trouve dans l'ignorance des hommes ses plus puissantes armes, et qu'il importe que les lumières qu'ont apportées nos pères ne soient pas ensevelies dans leurs tombeaux ; attendu que l'éducation des enfants est un des premiers intérêts de l'état avec l'assistance du Seigneur.»

Dans les commencements de la République cet esprit profondément religieux dominait encore la masse du peuple américain ; l'anglicanisme y avait de profondes racines et la population n'était pas divisée et déchirée en tous sens par les mille sectes qui depuis ont envahi son sol. Ce ne fut qu'à la longue, à la suite d'un travail latent, que l'esprit sceptique de Jefferson se fit jour et pénétra dans les esprits. Il fallut que les loges maçonniques y exerçassent une grande influence, que l'incrédulité européenne s'y implantât avec les émigrants qui viennent chaque année s'établir sur le territoire américain.

Toutes ces circonstances réunies ont fait que les mœurs austères des premiers colons se sont relâchées, et que la sévérité de leurs doctrines a disparu. Avec l'affaiblissement des croyances religieuses et la propagation active des maximes de la libre pensée, le peuple américain a fini par admettre le principe que, dans les écoles publiques, on ne doit donner aucun enseignement spécial d'une confession religieuse quelconque.

Le but apparent a été de respecter la conscience des individus et la liberté des cultes ; mais le motif secret a été de créer une génération étrangère à toute idée de religion, et on peut en juger par cette proposition faite, en juin 1874, dans le board of schools de Toledo (Ohio) : «La lecture de toute version du livre appelé communément la bible, le chant d'hymnes religieux et ce qu'on appelle communément prières ne feront dorénavant nullement partie des exercices dans aucune école sous le contrôle de ce bureau et seront par les présentes prohibés.»

Autrefois de telles paroles auraient excité l'indignation du peuple ; aujourd'hui elles sont acceptées et mises en pratique dans la majorité des états ; indice de la profonde transformation morale et religieuse qui s'est opérée, surtout depuis 1850.

L'école laïque, malgré les récriminations d'un certain nombre, est donc maintenant le système d'instruction publique dominant aux États-Unis. Dans les écoles communes on s'abstient d'enseigner la religion et on ne permet que dans les écoles du dimanche (sunday schools) d'inculquer à la jeunesse des idées religieuses. Comme l'observait, en janvier 1876, le Catholic world, le système d'écoles dans la pensée de ses auteurs signifie «que trente heures par semaine doivent être données au dictionnaire et à la table de multiplication et une heure au catéchisme et aux dix commandements.»

Les États-Unis ont-ils gagné à chasser la religion de leurs écoles et à réformer les mœurs en permettant aux jeunes personnes des deux sexes de suivre ensemble les mêmes classes ? Il est reconnu par beaucoup de monde que les écoles du dimanche sont insuffisantes à instruire les enfants de leurs devoirs religieux, et il n'en peut-être autrement, car si, durant la semaine, le professeur s'est abstenu, en présence de ses élèves, de toute allusion à la religion et les a laissés sous l'impression qu'il est indifférent pour eux d'être chrétiens, juifs ou payens, comment peut-on croire que l'enseignement du dimanche suffira à détruire les mauvaises tendances des six jours précédents ?

Le même écrivain, M. Tremenheere, l'a constaté en disant que plusieurs américains distingués de différentes parties du pays lui ont parlé de la manière la plus positive et la plus emphatique de l'effet visible que, dans leur opinion, le peu de connaissance des doctrines distinctives du christianisme et la manière relâchée de les enseigner dans les
écoles du dimanche produisent sur les convictions religieuses et les habitudes morales de la masse du peuple.

(1) Public education in the united states.

Le Révérend Dr. Edson, recteur de l'église épiscopalienne de Ste Anne de Lowell, s'exprimait ainsi en sa présence : « Mon expérience de près de trente ans comme pasteur, je suis fâché de le dire, a produit chez moi la pénible conviction que notre système d'écoles publiques a miné considérablement déjà chez notre population, les doctrines et les principes du christianisme.»

Dans un livre écrit par un médecin de la Nouvelle-Angleterre et dédié à l'Honorable William Sprague, ex-gouverneur du Rhode-Island, on trouve l'admission suivante :
«L'irréligion et l'infidélité progressent avec les avant-gardes de l'immoralité et du crime, et tous sont propagés sinon engendrés par le système matérialiste de l'instruction scolaire. L'absence entière de toute instruction religieuse à l'école porte rapidement ses fruits dans une génération d'infidèles, et nous devenons pires même que les païens de l'ancien temps.»

Voilà bien la preuve la plus complète que l'on puisse apporter contre le système d'écoles laïques suivi aux États-Unis. Mais là ne se borne point le mal. Ces écoles chez nos voisins engendrent aussi une immoralité révoltante et produisent les effets les plus désastreux. En face de ce qui se passe dans les grandes villes et même dans les campagnes, nous ne pouvons concevoir qu'il y ait des parents assez aveugles et assez indifférents pour permettre à leurs enfants de fréquenter des lieux aussi dangereux pour les mœurs que les écoles mixtes.

Et dire que des pères de famille s'inclinent devant un tel abaissement des idées morales et une prostitution aussi flagrante des sentiments les plus chers et les plus sacrés du cœur humain ! Pour qu'on ne me taxe pas d'exagération, je me suis attaché jusqu'à présent à reproduire les opinions d'écrivains dont on ne peut révoquer en doute la sincérité, et qui avaient plutôt intérêt à atténuer les effets du système scolaire de leur pays qu'à en dévoiler les turpitudes. C'est ce que je veux faire encore en ce qui concerne l'immoralité, et je citerai un témoignage qui n'est pas suspect, celui du New-York Herald du 20 d'octobre 1871.

Parlant de la prostitution dans Boston, voici les termes qu'il emploie : «Il y a peu de mois le professeur Agassiz dont le mérite scientifique est connu de tous, a voulu faire une investigation personnelle sur cette matière, et ce qu'il a vu l'a rempli d'épouvante. En sondant l'abime de dégradation dans lequel sont tombés les hommes et les femmes, il se prend à désespérer de la civilisation tant vantée du dix-neuvième siècle. Il a parcouru les antres de la débauche il a conversé librement avec les malheureuses victimes du vice, il a su les causes qui les avaient conduites à leur perte. A sa grande surprise la majeure partie de ces «colombes souillées» attribuaient leur chute à l`influence qu'elles avaient subie dans les écoles publiques ; et, quoique Boston soit justement fière de ses écoles, il lui parait évident qu'elles ont besoin d'une réforme complète. Dans le plus grand nombre des écoles les livres et les gravures les plus obscènes circulent parmi les enfants des deux sexes Ce mal ne se confine pas dans Boston seulement, il s'étend aux autres cités et dans les campagnes. Il n'y a que peu d'années que la seconde ville du Massachussetts fut frappée d'épouvante en découvrant qu'une des écoles de la cité était le théâtre du libertinage et que les enfants des deux sexes s'y donnaient rendez-vous pour satisfaire leurs passions. Tout récemment le même scandale s'est reproduit, mais les
autorités ne l'ont pas laissé ébruiter pour ne pas faire déserter l'école.»

A Brooklyn existent les mêmes désordres, et dans un rapport qui ne remonte qu'à quatre années, le surintendant des écoles signalait les graves abus moraux que produisait le mélange des jeunes personnes des deux sexes.

III

Si dans plusieurs pays les âmes honnêtes gémissent sur la tendance mauvaise des idées provenant d'un faux système d'éducation ; si elles jettent un regard inquiet vers l'avenir, il y a, messieurs, sur le sol d'Amérique une portion de territoire où l'éducation est complètement religieuse, où les droits de l'Église à l'enseignement sont reconnus, et ce pays, cet heureux pays, c'est le nôtre. Je terminerai cette conférence en esquissant les progrès de l'éducation au Canada, et j'implorerai pour quelques moments encore votre bienveillante attention. L'éducation du peuple canadien sert de contraste avec l'éducation non-seulement du peuple américain, mais également des pays européens, où l'on a cherché à bannir la religion des écoles.

La Providence nous a singulièrement favorisés sous ce rapport, et lorsque l'on parcourt les pages de l'histoire du Canada, on ne peut se lasser d'admirer avec quelle sollicitude Dieu a, veillé sur notre berceau et quelles précautions admirables il a prises pour former notre peuple selon ses vues et ses désirs. La prise de possession du pays fut faite au nom de la religion et du Roi très chrétien, et le premier acte de Jacques-Cartier fut de planter une croix sur les rives du St Laurent. C'était l'Église et l'état s'unissant ensemble pour commencer sur ces plages nouvelles la grande œuvre de la civilisation chrétienne.

Cette croix, messieurs, nous porta bonheur, et fut le signe de la régénération des âmes dans les immenses forêts du Canada. Dès lors commença l'éducation des enfants des bois ; il fallait les civiliser, les élever et Dieu voulut que les premiers éducateurs des tribus sauvages fussent les ministres de cette église à qui il avait été dit : «Allez et enseignez toutes les nations.»

Les missionnaires qui dirent adieu aux rivages de la vieille France pour s'enfoncer dans les solitudes du nouveau-monde avaient donc réellement mission d'enseigner, et les premiers mots qui tombèrent de leur bouche autorisée furent une semence bénie du ciel. Le vertueux Champlain avait compris le rôle civilisateur et de l'Église et de la France. A peine eu t-il
jeté les fondements de Québec qu'il fit venir, pour instruire la jeunesse de la colonie, quatre récollets, précurseurs de cette phalange de prêtres zélés qui devaient jeter les assises de nos nombreuses maisons d'éducation.

A la suite de Champlain arrivèrent aussi les courageux enfants de St Ignace qui ouvrirent les classes du collège de Québec en décembre 1632, sous la direction du Père Lejeune.  
La vénérable fondatrice des Ursulines, la mère Marie de l'Incarnation, à son arrivée à Québec, en 1639, fut logée dans une petite maison ne renfermant que deux chambres servant à la fois de dortoir, de classe et de cuisine. On ne croirait pas, dit cette sainte femme, les dépenses qu'il nous a fallu faire dans cette petite maison, quoiqu'elle soit si pauvre que nous voyons à travers le plancher reluire les étoiles durant la nuit, et qu'à peine y peut-on y tenir une chandelle allumée à cause du vent Avec tout cela nous nous estimons plus heureuses que si nous étions dans le monastère le plus accommodé de la France?

Marguerite Bourgeois, fondatrice des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal, écrivait à son tour quelques années plus tard : «Quatre ans après mon arrivée M. de Maisonneuve voulut me donner une étable de pierre pour en faire une maison et y loger celles qui y feraient l'école. Cette étable avait servi de colombine et de loge pour les bêtes à corne. Il y avait un grenier au-dessus où il fallait monter par une échelle, par dehors, pour y coucher. Je la fis nettoyer, j'y fis faire une cheminée et tout ce qui était nécessaire pour loger les enfants, j'y entrai le jour de la Sainte Catherine (25 novembre 1657).

Ces quelques extraits que je pourrais multiplier révèlent une abnégation, une grandeur d'âme, un courage et une humilité bien extraordinaires, et je me demande si les réformateurs modernes pourraient nous indiquer un semblable dévouement et un tel renoncement à toutes les gloires du monde chez les instituteurs auxquels ils ont donné mission d'inculquer l'indifférence religieuse dans le cœur de la jeunesse ? Je puis répondre hardiment non, car le scepticisme est impuissant de sa nature et n'engendre qu'égoïsme et froideur. De plus l'amour du prochain et la charité sont deux puissants leviers dont la vérité se sert, mais auxquels l'incrédulité ne saurait servir de point d'appui.

La religion, cette Inspiratrice mystérieuse, comme dit Mgr Dupanloup, qui donne la grâce pour faire le bien et fortifie même les plus tendres courages pour accomplir les devoirs les plus pénibles, la religion donc présida aux développements de l'éducation en ce pays et en fut la mère et le soutien. Les commencements furent humbles, mais dans cette humilité nos collèges et nos couvents puisèrent une force de résistance qui les firent surmonter de grands obstacles, et ces œuvres de bien, sous l'égide du clergé, prirent un merveilleux développement.

Quatre ans après l'établissement du Couvent de la Congrégation à Montréal fut fondé le Séminaire de Saint Sulpice ; en 1663, Mgr de Laval établit le Séminaire de Québec pour correspondre aux besoins de son église naissante, et la bourgade des Trois-Rivières, en 1697, vit s'élever dans son enceinte l'institut des Dames Ursulines.

Telles furent, messieurs, nos premières institutions qui, guidées par la charité et sous le souffle puissant de l'esprit de Dieu, jetèrent dans le cœur des jeunes personnes des deux sexes ces germes de foi et de vivifiante éducation qui ne se sont pas altérés depuis. A mesure que le pays se développa et que les habitants augmentèrent en nombre, la religion fut toujours la première à répondre aux besoins delà colonie et à diriger l'éducation du peuple. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les fondateurs de nos collèges classiques furent tous des membres du clergé et en outre les séminaires de Montréal et de Québec, ils ont  fondés le collège de Nicolet par M. Brassifort, le  séminaire de St Hyacinthe par M. Antoine G, le collège de Ste Thérèse par M. Charles Ducharme, celui de Ste Anne de la Pocatière par M. Painchaud, le collège de l'Assomption par M. Frs Labelle, le collège des Jésuites à Montréal, le collège des Trois- Rivières par Monseigneur Laflèche et quelques autres.

Puis comme couronnement à ces œuvres admirables a été fondée l'Université Laval qui, à juste titre, peut être considérée comme une des premières universités d'Amérique. Lorsqu'on déroule chaque feuille de notre histoire et que l'on scrute l'action du clergé sur nos destinées politiques et nationales, quelque chose frappe l'esprit et impressionne le cœur : c'est la forte éducation religieuse que possède le peuple canadien. Mettant en parallèle les idées qui dominent aux États-Unis avec celles qui ont cours dans notre pays, il est facile d'en saisir tout de suite la différence et de voir que la base de l'éducation n'est pas la même. Chez le peuple américain le système de l'instruction publique affaiblit tous les jours davantage les notions de respect envers l'autorité et, en corrompant les mœurs, tend à détruire la famille. Au Canada, le père de famille chérit le foyer domestique ; les enfants restent attachés au toit paternel, et le pouvoir public est entouré de l'auréole du respect et de la loyauté la plus entière.

Dans les écoles mixtes la jeune fille est comme une fleur que le vent détruit avant qu'elle soit éclose, pendant que, dans nos couvents, elle se conserve pure et candide et se prépare à remplir dans la société l'importante mission que Dieu lui a donnée. L`autorité paternelle exerce son empire ; là elle se relâche de plus en plus. Ici la mère de famille vie le cercle des occupations domestiques ; là, non Contente de la protection de ses droits civils, elle sort de ses attributions pour réclamer les droits politiques et l'éligibilité à toutes les fonctions.

Ici l`épouse reste indissolublement attachée à son époux, pendant que là la foi conjugale reçoit à chaque instant les plus violentes atteintes par la loi odieuse du divorce. Aux États-Unis la femme a arboré le drapeau du free love ; ( un mouvement social américain du 19 eme siècle, rejetant le mariage) ici, elle ne partage son affection ,qu'entre son mari et ses enfants.

Et qui n'a entendu parler de ces infanticides commis par les femmes elles-mêmes et auxquels il faut attribuer la diminution de la population indigène dans quelques états de la République, pendant qu'au Canada la mère contemple avec orgueil les fruits d'une nombreuse postérité et les regarde comme une bénédiction du ciel. Voilà la différence qui existe entre les mœurs et les habitudes des deux pays et les résultats de l'éducation qu'on y donne.

Messieurs, quand je songe au passé et que je contemple les événements contemporains, je ne puis m'empêcher de croire que la Providence favorise particulièrement le peuple canadien. La cession de notre pays à l'Angleterre a pu paraître un malheur aux héros français qui avaient si généreusement versé leur sang sur les champs de bataille de Carillon et de Ste Foy. Maintenant qu'on connait les maux effroyables que le scepticisme du dernier siècle a engendrés, et les catastrophes qui ont bouleversé la France, on ne peut s'empêcher d'y voir la main de Dieu qui a voulu conserver à cette colonie la foi ardente de ses fondateurs.

La position exceptionnelle et pénible dans laquelle se trouvèrent les canadiens, après le traité de Paris, fut cause que le clergé se constitua fort heureusement le protecteur de notre nationalité, et, par les maisons d'éducation qu'il fonda, il put, sur ce coin de terre de l'Amérique conserver notre langue et notre foi. Aujourd'hui, par une autre permission de la providence, nous avons pour nous prémunir contre les égarements modernes l'exemple de la France livrée à tous les vents de doctrine, ballottée par la mer houleuse de la révolution, et victime malheureuse de la Franc-Maçonnerie, cette contrepartie du christianisme.

Notre ancienne mère patrie a pu sucer le venin du voltairianisme sans trop s'en douter d'abord ; elle n'a peut-être pu se rendre compte dès le commencement des progrès que faisait l'esprit du mal chez elle, et insensiblement elle est tombée dans les pièges que lui tendaient les sociétés secrètes. Plus heureux que la France le Canada possède deux flambeaux pour le guider : son propre passé et l'état présent de l'Europe. Il est à même de comparer les résultats de l'éducation religieuse avec les résultats de l'éducation sans Dieu, et s'il reniait ses antécédents pour se précipiter dans le gouffre de l'impiété, il serait plus coupable que la France elle-même, car il peut toucher du doigt les plaies du socialisme, examiner et comprendre les causes premières des doctrines malsaines qui tourmentent l'ancien monde, et ils ne tient qu'à lui, avec la grâce de Dieu, d'écraser de son pied le ver rongeur des sociétés modernes. ( La «Révolution tranquille»  a fait les mêmes erreurs au Québec vers 1960.)

Je me hâte de terminer cette conférence par les remarques qui suivent. Le 9 de décembre dernier la France a vu les agents du préfet de la Seine profiter des ombres de la nuit pour accomplir un acte tellement odieux qu'il a fait frémir l'univers entier. Les satellites de l'athéisme non contents de chasser la religion de l'enseignement veulent en bannir Dieu lui-même et, dans cette pensée infernale, ils sont allés arracher des murs des écoles l'image du Christ devant lequel s'agenouillent depuis dix-huit siècles les nations de la terre.

Ils s'étaient attaqués jusqu'à présent aux gloires humaines, et la Commune, dans son délire, avait souillé les pages glorieuses de l'histoire de France en abattant les monuments destinés à en perpétuer le souvenir. Ce n'était pas assez pour satisfaire l'orgueil de ces fous furieux ; il fallait escalader le ciel et s'attaquer au sauveur du monde. Lucifer se croyait l'égal de Dieu ; les chefs de l'incrédulité se croient supérieurs à Dieu.

Voilà pourquoi ils sont allés faire disparaître de l'école les symboles de la religion. Quelle excuse a-t-on donné pour justifier cette turpitude ? Voici ce qu'a répondu le premier-ministre de la France à l'interpellation qui lui fut faite au Sénat. «M. le Préfet, a-t-il dit, s'est cru autorisé à compléter la laïcisation des écoles communales en enlevant les emblèmes religieux appartenant à un culte déterminé. Il a cru ainsi compléter le caractère de la neutralité qui doit appartenir aux écoles laïques.»

De son côté le préfet de la Seine, M. Harold, disait au Sénat pour justifier sa conduite : «J'ai dû m'inspirer des réclamations, des vœux de la population, et j'ai pensé que dans les écoles laïques on ne pouvait plus tolérer aucun emblème appartenant à un culte particulier»

C'est Renan qui osa reprocher au christianisme d'avoir substitué à la beauté du corps humain la maigre image d'un supplicié tiraillé par quatre clous. Comme l'immoralité n'appartient à aucun culte, qui sait si tôt ou tard, on ne souffrira point que «la maigre image du supplicié du calvaire» soit remplacée par les nudités de la dépravation et de la crapule, et la figure auguste de la Vierge immaculée par la déesse du pétrole. Ce serait le comble de la neutralité en matière d'éducation laïque et la digne conséquence de l'établissement des écoles sans Dieu.

Ces crimes, messieurs, auront une fin, car qui s'attaque à Dieu est certain de périr,( éternellement) et la chute de l'ange rebelle est là pour nous l'apprendre.

La France est en ce moment bien abattue ; mais il y a dans son sein des hommes de cœur et de foi et de pieuses femmes. Les communautés religieuses sont dispersées, mais la prière les tient unies et la persécution dont elles sont les victimes ralliera sous un même drapeau les hommes de bien. Dieu viendra au secours de la France catholique agenouillée en ce moment pour intercéder sa clémence, et lorsqu'on croira tout perdu, il retirera de la fange de l'incrédulité cette généreuse nation française sur le front de laquelle il daignera déposer de nouveau le diadème qui appartient à la fille ainée de l'Église. Le Christ qu'on bafoue sera celui qui régénérera la France, comme il a régénéré le monde.

Fin

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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