« La prière est un art, il faut s’appliquer »

par Lumen Mar 14 Déc - 14:33

« La prière est un art, il faut s’appliquer »

Le Père Césaire Falletti a été moine à Lérins puis prieur du monastère Dominus Tecum, en Italie. Il est l’auteur de La Garde du temps (Salvator), une série de méditations sur la prière et la vie intérieure.

« La prière est un art, il faut s’appliquer » Pere_cesaire_falletti

« Si on ne fait pas entrer la prière dans notre journée, rappelle le Père Falletti, elle nous échappe. » - M.FERRERO - SYNC

Publié le 27/11/2021 à 08:00

Peut-on apprendre à prier ?

On n’apprend à prier qu’en priant, comme le dit saint Basile. Je ne suis pas très friand des méthodes, je ne suis pas sûr que cela soit une voie nécessaire. Tout sert ! Mais ce n’est pas magique. La prière est un art, il faut s’appliquer. Plus on progresse, plus on mesure le chemin qui nous reste à parcourir.

Quelle est l’importance de vivre et de prier dans le présent ?

Le présent est l’unique lieu où nous pouvons rencontrer Dieu. Je ne peux pas dire à quelqu’un : « Je t’ai aimé hier, ou je t’aimerai demain. » De la même manière, on ne peut pas dire à Dieu : « Je T’ai prié, ou je Te prierai. » Je peux lire le bréviaire ou dire des chapelets. Mais est-ce que je suis devant Dieu à ce moment-là ? Si je pense à Dieu, je me mets en présence de Dieu, même si c’est une simple prière jaculatoire. Nos vies ne sont pas constantes, elles sont comme faites de petits points qui forment des lignes mais ne sont pas très unis.

Parfois, le temps de la prière peut nous sembler long...

Il faut accepter de n’être pas l’acteur principal de la prière. J’attends. L’Évangile nous demande de veiller dans l’attente. C’est tout ce que le Seigneur demande. Pas que nous allons nous amuser à attendre. Parfois, l’adoration est très courte, et la prière jaillit. Un point capital, c’est l’Écriture. La prière, c’est un dialogue, et le premier à parler, c’est Lui ! « Ne parle que si on t’interroge », nous a-t-on appris quand nous étions petits. La Parole peut nous aider : il faut avoir une petite bible dans la tête, connaître des phrases qui rejaillissent et nous interpellent. Alors, et c’est important, on peut répondre dans la prière.

Souvent, nous ne trouvons pas le temps de prier...

Pourtant, on prie naturellement ! Celui qui prie seulement quand il prie ne prie jamais... La pensée de Dieu est continuelle, mais cela doit être alimenté par des temps gratuits. Nous avons le devoir de nous asseoir avec le Seigneur, c’est capital. Je conseille d’avoir un temps de prière, même court, le matin, si on peut se le permettre. Si on ne fait pas entrer la prière dans notre journée, elle nous échappe.

Dans la dynamique de l’amour, la gratuité est importante. Cela ne veut pas dire qu’il faille compter les minutes passées à prier, c’est la qualité qui compte pour Dieu et non la quantité. Ce n’est pas le fait de donner cinq, dix, ou vingt minutes qui est important, mais le fait d’avoir pensé à Lui donner quelque chose, à le mettre dans notre journée. Quand on souhaite y mettre sa part, Dieu nous donne gratuitement ce que l’on n’arrive pas à faire, si on peut vraiment ne pas le faire.

La prière peut-elle apporter des consolations ?

Veillons toujours à discerner si ce n’est pas nous-mêmes qui créons telle ou telle consolation. Est-ce que ce n’est pas moi qui crée telle ou telle consolation ? Si on a bien prié, on le comprend après si on est en paix.

Comment purifier ses aspirations ?

Ce n’est pas facile, mais il faut accepter de ne pas être parfait. Dieu ne nous demande pas d’être parfaits, mais de viser la perfection. Parfois, on voit clairement l’obstacle : une pensée de colère, par exemple. Mais il ne suffit pas de le voir pour passer l’obstacle. C’est un travail continuel. Il faut laisser le Saint-Esprit prier en nous. Nous croyons, en étant baptisés, qu’Il prie en nous. C’est Lui qui sait tout, qui nous montre les choses à corriger, mieux que nous ne pourrions le savoir avec un examen de conscience. La force de ma prière, c’est l’Esprit qui crie en moi, et je Le trouve en prière quand je me mets en prière. S’Il est avec moi, Il trouve un moyen de me le faire comprendre. Dieu n’est pas un sphinx : s’Il veut me faire savoir quelque chose, Il me le dit. Mais le temps de Dieu est différent du nôtre. Il épelle une lettre à la fois et je crois comprendre la phrase entière. Il faut une grande patience. C’est pour cela que l’on ne peut pas dire le résultat d’une prière. Moi, je change, mais je ne me vois pas changer.

De quelle manière avez-vous vécu les confinements dans votre vie de prière ?

Il faut absolument garder de l’espace pour la présence de Dieu, c’est un effort, épidémie ou pas épidémie !

Théophane Leroux