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HOMÉLIE SUR LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN - Père Raulica – 19 ème siècle

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HOMÉLIE SUR LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN - Père Raulica – 19 ème siècle Empty HOMÉLIE SUR LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN - Père Raulica – 19 ème siècle

Message par MichelT Mar 2 Aoû - 9:39

«Quand nous prions, c`est nous qui parlons a Dieu; mais quand nous lisons la Bible, c`est Dieu qui nous parle.» (Saint-Augustin - 4 ème siècle) - Il faut chercher activement à s`instruire des choses de Dieu; car on ne peut faire de progrès dans son amour qu`en apprenant a Le mieux connaître.

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Le Bon Samaritain

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La route entre Jérusalem et Jéricho ou se passe l`action de cette parabole

HOMÉLIE SUR LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN - Père Raulica – 19 ème siècle

(Extraits)

Oeuvres posthume du père Raulica – Italie et France – 19 ème siècle

L'Esprit de Dieu est sur moi , le Seigneur m'ayant marqué de son onction , afin que je puisse guérir toutes les plaies de l'âme et consoler tous ceux qui pleurent. (Isaïe 61, 1)

C'est au nom et en la personne du Messie qui allait venir, que le prophète a prononcé ces douces et touchantes paroles ; et ainsi ces paroles furent une révélation anticipée qui manifestait d'avance et le but , et l'esprit , et l'importance, et les avantages de la mission de Jésus- Christ en ce monde. Or cet aimable Sauveur est venu ensuite dire lui-même à ses apôtres : « Comme mon Père m'a envoyé , je vous envoie (Jean 20,21) . » Et par là il nous a fait comprendre que dans la suite des siècles, la mission des pasteurs, ministres de l'Église, est exactement la même que la mission de Jésus-Christ, fondateur de l'Église . C'est-à- dire que le prêtre ne reçoit l'onction divine de l'Esprit - Saint que pour continuer dans le monde la mission d'amour que le Sauveur a commencée ici bas , et qu'à l'exemple de son divin modèle , le prêtre, en tant que prêtre, ne doit pas dominer par la force, mais gagner les cœurs par la charité; qu'il ne doit pas être le ministre de la justice et des châtiments , mais l'ange de la miséricorde et du pardon ; qu'il n'existe, en un mot , que pour guérir ses semblables de tous leurs maux, leur assurer la vraie liberté , les vraies consolations , le vrai bonheur : Spiritus Domini super me, etc. Mais il n'a pas suffi à Jésus -Christ de déléguer à ses apôtres et à leurs successeurs cette précieuse et touchante mission, il a voulu aussi la leur présenter comme en action et en un tableau vivant, dans la délicieuse parabole du Samaritain .

Ainsi, en ce moment où ces vénérables prêtres, entourant leur saint évêque de leur respect et de leur amour après s'être retrempés, par les exercices de la retraite, dans l'esprit de leur vocation, sont venus ici renouveler publiquement, en présence de Dieu et du peuple , les engagements de leur sacerdoce , rien ne m'a semblé plus opportun que l'explication de cette parabole , dans laquelle le Fils de Dieu , tout en nous révélant les prodiges de son amour, a tracé d'une manière si frappante le caractère véritable de son Église , les devoirs du prêtre envers le peuple , et les devoirs du peuple envers le prêtre. Esprit-Saint, par qui seul la charité de Dieu se répand dans les cœurs , descendez aujourd'hui d'une manière toute spéciale sur nous tous : afin qu'à l'école de l'amour infini, pénétrés tous de cette charité sainte , qui fait les délices de Dieu et le bonheur des hommes, nous apprenions à nous aimer, à nous servir , à nous soulager mutuellement dans nos misères et dans toutes nos afflictions. Nous vous demandons cette grâce par l'intercession de Marie, la mère de la parfaite dilection . Ave Maria

PREMIÈRE PARTIE .

Le mot Jérusalem signifie la vision de la paix ; le mot Jéricho signifie la lune. Ainsi dans la parabole que j'entreprends d'expliquer , la ville de Jérusalem représente l'état d'innocence dans lequel l'homme jouissait de la paix et du repos de l'âme, et la ville de Jéricho figure l'état de notre chair après le péché . Car, comme la lune a différentes phases, de même notre chair, à cause du péché, naît dans la misère , grandit dans la souffrance, vieillit dans la douleur et disparaît par la mort. Ces rapprochements et ces interprétations nous sont fournis par saint Augustin. Le voyageur de la parabole qui se rendait de Jérusalem à Jéricho , et qui tomba entre les mains des voleurs ( Luc 10,30), c'est donc , selon saint Augustin , Adam et toute sa race , c'est l'humanité entière , qui par le péché est sortie de la véritable Jérusalem , de la vision de paix, de l'état de grâce où l'on est en relation et en union avec Dieu , pour passer à Jéricho , pour commencer à vivre de la vie du péché, de cette vie , qui, comme l'astre des nuits , est muable, inconstante et sujette à défaillance .

Les voleurs aux mains desquels est tombé le malheureux voyageur , ce sont , dit saint Ambroise (4 ème siècle – Italie), les anges de ténèbres ( Genèse 3,1), aux mains desquels est tombée l'humanité pour n'a voir pas cherché en Dieu sa force et son appui ( Jean 8,44) . Il est dit dans la parabole que les voleurs, après avoir dépouillé le voyageur de tout ce qu'il avait, après l'avoir brisé de coups , le laissèrent couvert de plaies et à demi mort au milieu du chemin ( Luc 10,30 ) . Or les esprits mauvais en ont fait autant avec l'homme tombé en leur pouvoir. Ils l'ont dépouillé, dit saint Ambroise, de la robe d'innocence, de tous les ornements de la grâce spirituelle. Ils lui enlevèrent , dit saint Augustin ( 4 ème siècle – Hippone – Algérie et Italie), toutes les habitudes vertueuses qui forment les véritables ornements de l'âme. Ils lui ravirent enfin , dit saint Jean Chrysostome ( 4 ème siecle – Constantinople – Empire Romain d`Orient) , le principe de l'immortalité du corps et le droit à la candidature du Ciel. Ils consommèrent ce dépouillement sacrilège, dit aussi saint Augustin , en blessant profondément l'âme humaine dans ses plus nobles facultés , dans son libre arbitre , et en la couvrant des plaies hideuses du péché ; car les péchés, dit le vénérable Bède, ( Bède le vénérable – Angleterre – 7 ème siècle) sont des plaies véritables qui altèrent, qui défigurent l'intégrité de l'âme, comme les plaies altèrent et défigurent l'intégrité du corps.

Le prêtre et le lévite , qui, passant tout près du malheureux voyageur blessé et mourant, ne sont pas touchés de son sort et continuent leur chemin sans lui porter le moindre secours ( Luc 10,31 ) , signifient, selon certains interprètes les prêtres et les philosophes païens, qui connurent de près les misères et les plaies de l'humanité ; mais qui, au lieu de les faire disparaître, les rendirent plus profondes et plus inguérissables par les infamies et les horreurs de leurs superstitions, et par leurs doctrines au moins vaines et stériles , quand elles n'étaient pas funestes aux moeurs par leur licence. Oh ! comme il représente bien l'humanité tout entière, ce pauvre voyageur, dépouillé, brisé de coups, perdant avec son sang le reste de ses forces, torturé par la douleur de ses plaies, impuissant à se relever, près d'expirer sans remède et sans secours ! C'est bien là, selon la pensée de saint Augustin , cette humanité blessée par la faute primitive et par ses fautes actuelles , gisante sur le chemin qui pourrait la conduire à la vie, mais impuissante à se relever de sa corruption , incapable de se procurer elle-même les secours spirituels , et sans espoir d'en obtenir d'autrui, n'ayant en perspective que le désespoir et la mort éternelle.

Mais rappelons- nous, mes frères, que, lorsque des Juifs, dans leur audace, dirent au Sauveur du monde : « Vous êtes un Samaritain et un possédé (Jean 8,48), » Jésus-Christ, avec un air de douceur et de patience infinie , répondit : « Non, je ne suis pas possédé du démon (Jean 8,49) ; » Ainsi, comme l'a remarqué Origène , des deux insultes qu'on lui jette à la face, notre aimable Sauveur n'en a repoussé qu'une seule , la seconde ; mais il laisse subsister la première ; il ne se refuse pas à être traité de Samaritain ; il accepte même cette insulte comme un titre d'honneur, et comme son nom véritable. En effet, le mot Samaritain signifie gardien . Comment donc ce Dieu de bonté pourrait -il repousser cette qualification , lui dont le Prophète avait dit qu'il veille toujours sur son peuple, qu'il ne suspend jamais un instant sa tendre sollicitude, et qu'il le protège et le conserve avec amour comme la prunelle de ses yeux ? Il n'est donc pas douteux, dit saint Augustin , que dans le Samaritain de l'Évangile, Jésus-Christ n'ait voulu se peindre et se représenter lui-même. Et voyez comme le portrait représente bien l'original.

Il est dit du Samaritain que, voyageant par la même route de Jérusalem à Jéricho et rencontrant sur son chemin le malheureux blessé , il s'approcha de lui avec sa monture ; et le voyant dans l'état déplorable où les brigands l'avaient laissé , il en eut compassion ( Luc 10,33 ) . Est-il possible , dit saint Ambroise, de lire ces détails sans se rappeler que le verbe divin, descendu du ciel , et faisant par son humanité le même voyage que l'homme, a eu compassion de l'homme, dans l'état désespéré où il l'a trouvé , et s'est approché de lui en lui faisant éprouver les effets de sa miséricorde? La monture sur laquelle le Samaritain est arrivé tout près du voyageur mourant signifie, d'après un grand nombre d'interprètes, la nature humaine par laquelle le Verbe de Dieu daigne venir jusqu'à nous. Oui, c'est sur cette humble monture de son humanité , aussi frêle, aussi passible que la nôtre, c'est en qualité de Fils de l'homme, ainsi qu'il l'a dit lui-même, que le véritable Samaritain , le véritable ami de l'homme, est venu à la recherche de l'homme pour le sauver. Le Samaritain de la parabole ne se borna pas à de stériles mouvements de compassion envers le malheureux blessé. Mais, descendant de sa monture, il s'incline sur lui , il l'encourage, il le console . Il lave et panse ses plaies en y répandant de l'huile et du vin ; il les bande ensuite soigneusement. O compassion , ô tendresse , ô charité de ce bon Samaritain ! Mais tout cela, dit saint Jean Chrysostome, n'est que la peinture fidèle des soins pieux dont nous sommes les objets de la part de Jésus-Christ.

En effet, par le vin mystérieux du sang de sa passion , par l'huile symbolique des sacrements, il a pansé les plaies de nos péchés, il nous a appliqué les seuls remèdes qui guérissent, c'est-à-dire , qui sanctifient efficacement. Saint Jean n'a - t - il pas dit que Jésus-Christ nous a en effet lavés dans son sang (Apocalypse 1,5) ? Le Prophète -roi dit aussi que Dieu, par l'huile de la grâce, nous a donné l'onction sainte qui de la tête descend et se répand dans tout le corps. Il a aussi pansé et bandé soigneusement nos plaies; parce que, dit saint Augustin , il ne s'est pas contenté de nous présenter dans les sacrements le remède contre le péché commis, mais qu'il nous y assure aussi des préservatifs puissants contre tous ceux que nous serions tentés de commettre. Mais tous les soins les plus exquis prodigués par le Samaritain au blessé n'auraient servi de rien , s'il l'avait laissé gisant, épuisé de forces, au milieu du chemin, dans un lieu désert. Il le relève donc avec le plus de précaution possible , il le place de son mieux sur sa monture , l'emmène et le dépose dans la première hôtellerie qu'il rencontre . Là, il lui fait fournir tout ce dont il avait besoin, lit, chauffage, remèdes, nourriture , et il continue d'en prendre soin avec l'affection d'un ami et le dévouement d'une mère ( Luc 10,24) .

Semblablement la passion et la mort par lesquelles Jésus Christ, le Samaritain céleste , avait lavé et pansé nos plaies, puis les sacrements si nécessaires pour la guérison et la consolidation de ces mêmes plaies , tout cela serait demeuré inutile et n'aurait servi de rien si le Sauveur nous eût laissés dans le désert de ce monde, sans autre secours, abandonnés à nous-mêmes . Que fit donc cet aimable Sauveur ? Il éleva jusqu'à lui , par la confiance qu'il sut lui inspirer, l'humanité qu'il venait de sauver par la Rédemption et qu'il portait en lui-même dans la personne d'Adam notre premier père. Il emmena cette humanité et la déposa dans l'hôtellerie de l'Église qu'il venait de fonder tout exprès. Là, il lui prodigua tous les soins, toutes les tendresses de sa charité infinie , pendant les quarante jours qui suivirent sa résurrection. Car l'Église , dit Origène , est une véritable hôtellerie, toujours ouverte à ceux qui veulent y entrer ; toujours prête à nous accueillir tous à toute heure, et ne refusant à personne son hospitalité et son secours.

Remarquez aussi , dit Théophilacte, que ce n'est pas sans mystère qu'il est dit que le Samaritain emmena le blessé à l'hôtellerie sur sa monture. Cela signifie que Jésus- Christ a mis notre humanité blessée sur sa propre humanité en nous faisant devenir ses membres et que personne, ajoute le vénérable Bède, n'entre dans l'hôtellerie de l'Église, à moins qu'il n'y soit porté par Jésus-Christ lui-même, qui au baptême nous incorpore à son corps mystique. Mais voici le plus beau trait de la charité du Samaritain . Obligé de repartir le lendemain, il fait venir le maître de l'hôtellerie , et en lui indiquant le voyageur blessé : «Je vous recommande, lui dit-il, ce malheureux. Ayez-en le même soin que si c'était moi-même. Voici deux pièces d'or ; dépensez les sans ménagement pour tout ce dont il pourrait avoir besoin ; et s'il vous faut dépenser encore quelque chose pour sa guérison, dépensez-le sans difficulté, et je vous en tiendrai compte à mon retour.»( Luc 10,35 ) .

Or le maître de l'hôtellerie , c'est , selon Origène ( Alexandrie – Égypte – 2 ème siècle), celui qui préside à l'Église ; c'est le souverain pontife, ce sont les évêques , c'est le clergé entier, qui tous réunis ne forment qu’un corps, une personne morale qui gouverne l'Église et qui exerce toute l'action de l'Église. Les deux pièces de monnaie sont, d'après saint Ambroise, les saintes Écritures des deux Testaments, qui présentent d'une manière sensible les caractères de l'inspiration divine , en même temps que les dogmes de l'unité et de la Trinité en Dieu , de la divinité et de l'humanité de Jésus- Christ. C'est là comme l'image du grand Roi des cieux , de même que les monnaies portent l'empreinte et l'image des rois de la terre. Dieu a laissé ces Écritures en dépôt entre les mains de l'Église , et elles sont d'une immense utilité pour guérir les blessures de l'âme. On peut dire aussi que ces deux pièces de monnaies figurent la VÉRITÉ et la GRACE : la vérité, qui guérit les esprits en les éclairant ; la grâce , qui ferme les plaies des coeurs en les sanctifiant ; la vérité dans l'ensemble de la révélation , la grâce dans l'institution des sacrements ; la vérité et la grâce dont Jésus -Christ, le lendemain de la résurrection , avant de repartir pour le ciel, a confié le dépôt au maître de la véritable hôtellerie, au corps des pasteurs de l'Église.

Ce sont là , dit saint Jean Chrysostome, les deux pièces de monnaie qui nous procurent les moyens de remettre sur pied ceux qui sont tombés, de soigner les malades et de guérir les blessés dans l'ordre spirituel, comme aussi de conserver la santé à ceux qui l'ont recouvrée. Oh ! que ces interprétations sont belles ! s'écrie Origène , quelles sont en même temps et solides et touchantes , agréables à l'esprit et conformes à la raison! Arrêtons- nous un instant, mes frères, à méditer cette grande et délicieuse parole : Prenez-en soin; en nous souvenant que c'est en réalité la parole prononcée par le céleste Samaritain , lorsqu'il voulut charger les ministres de son Église du soin de l'humanité languissante et blessée . Prenez-en soin, curam illius habe ! Cette parole prononcée par le Dieu Tout-Puissant, qui opère tout ce qu'il dit , qui réalise tout ce qu'il nomme, cette parole , dis-je, a été en même temps dans l'Église et pour l'Église un commandement et un décret, une loi et une institution .

Par cette parole le Sauveur du monde a transmis et laissé à l'Église son esprit, son cœur, tous les sentiments, tous les transports de sa charité infinie en faveur de l'homme. L'Église dès lors s'est considérée, s'est montrée comme animée de l’Esprit de Dieu, comme remplie de l'onction de la bonté divine , pour essuyer toutes les larmes, pour adoucir toutes les douleurs, pour fermer toutes les plaies , pour éloigner, ou diminuer du moins, tous les maux de l'humanité. Et, en effet, dès l'instant où cette parole aussi puissante qu'affectueuse, et dans laquelle se résume tout l'esprit de l'Évangile, a été prononcée par le divin Samaritain , elle va se répétant dans la grande hôtellerie de l'Église, et elle s'y répétera toujours avec la même énergie et la même fécondité. C'est cette parole qui y maintiendra toujours actif cet esprit de charité ardente , inépuisable, qui est le caractère propre et distinctif de l'Église , l'auréole qui de toutes parts rayonne autour d'elle .

Il est vrai que l'humanité, cette malade impatiente et inquiète, étourdie et légère , se révolte souvent contre l'Église qui veut la soigner, qu'elle la repousse , la persécute et l'outrage . Mais l'Église, garde-malade qu'on ne saurait lasser ni rebuter, ne fait nulle attention à tous ces délires du patient, pour ne se rappeler que ses besoins et ses douleurs . Toujours vigilante, elle accourt, elle vole pour soulager et pour sauver, même avec la certitude de ne recueillir que de la haine, du mépris, des malédictions pour récompense de ses sollicitudes et de son amour. C'est que le Sauveur a recommandé à l'Église de ne jamais abandonner l'humanité, quelle que soit son ingratitude envers l'Église . C'est que cette grande et efficace parole : Prenez-en soin, retentit toujours à l'oreille de l'Église et se répète avec un puissant écho dans son cœur. Voilà qui vous explique l'étonnant mystère de cette charité de l'Église, que les ennemis eux-mêmes de l'Église admirent sans la comprendre ; de cette charité qui fait braver par les envoyés de l'Église et les persécutions des gouvernements et les antipathies des peuples, et l'injustice des édits et la cruauté de leur exécution, et les prisons et les cages de fer,  quand il s'agit de pénétrer dans les contrées les plus intolérantes et les plus barbares, pour y répandre la lumière de la foi, les consolations de l'espérance et tous les baumes de l'amour chrétien .

Mais dans la parabole du Samaritain Jésus-Christ ne nous fait pas connaître seulement son cœur et celui de son Église qui en est le reflet; il a tracé en même temps, et par une conséquence nécessaire, les principaux devoirs du peuple envers les ministres de l'Église, et c'est ce que nous allons voir dans la seconde partie de ce discours.


DEUXIÈME PARTIE.

Jésus - Christ avait vu de haut toutes ces aberrations des pouvoirs humains, lorsqu'il disait : « Les princes des nations les dominent ; mais il n'en sera pas ainsi parmi vous. Celui qui, parmi vous, est le plus grand doit se faire, le serviteur de tous, de même que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie pour la rédemption de tous ( Matthieu 20,25) . » Or, d'après ces simples et profondes paroles , le Fils de Dieu paraît avoir très-bien distingué le droit public des princes païens, d'avec le droit public des peuples chrétiens. D'après ces simples et profondes paroles, le pouvoir suprême païen est , quelle que soit sa forme, un pouvoir dominateur et tyrannique, absorbant en lui-même et effaçant tous les autres pouvoirs, les exploitant tous dans son propre intérêt, et de là l'esprit permanent de haine, de mépris et de révolte dans les rangs du peuple . Mais le pouvoir suprême chrétien est un pouvoir dévoué. Vous l'entendez : dévoué à tous ; c'est- à - dire, conservant tous les autres pouvoirs, s'immolant, s'il le faut, dans l'intérêt des autres, à l'exemple de Jésus Christ, et disant : Moi, je suis à l'État ! et de là , dans le peuple, esprit d'amour, de respect et de soumission. Enfin, d'après. ces simples et profondes paroles, l'ordre social païen est fondé sur l'égoïsme ; l'ordre social chrétien, sur le dévouement.

Confiance donc dans le ministère de l'Église ; ne craignez donc plus de ramener son influence dans la politique, pour l'empêcher d'être absurde ; dans la législation , pour l'empêcher d'être injuste et oppressive ; dans la science et l`éducation, pour l'empêcher d'être vaine, stérile et même funeste . Voilà le premier devoir envers l'Église pour tout peuple chrétien , qui, ne se sentant pas malade, ne veut pas périr. Mais à la confiance en l'action de l'Église il faut que tout peuple vraiment chrétien unisse la l'obéissance à l'enseignement et à la direction de l'Église . En effet, remarquez bien que le Samaritain de la parabole, en déposant le blessé dans l'hôtellerie, ne lui a pas dit de se soigner lui même. Il ne lui a pas confié à lui les deux pièces de monnaie pour subvenir aux dépenses d'entretien . C'est le maître de l'hôtellerie qui est chargé de soigner le malade ; c'est dans ses mains que sont remises les deux pièces de monnaie ; c'est à lui que sont données les instructions et que sont promises les récompenses.

Par toutes ces circonstances, le Samaritain céleste, Notre Seigneur Jésus-Christ, nous a révélé le dessein de sa providence par rapport au salut des âmes et toute l'économie de sa religion . Nous apprenons par cet admirable récit que Jésus-Christ n'a pas chargé l'homme de se guérir lui -même de ses infirmités spirituelles, ou bien de s'éclairer, de s’instruire, de se corriger, de se sanctifier lui-même. Non, il n'a pas rendu chaque chrétien dépositaire des deux mystérieuses pièces de monnaie, de sa vérité et de sa grâce, pour interpréter nous-mêmes et entendre sa doctrine comme il plairait à chacun de nous. Il ne nous a pas laissés libres de déterminer nous-mêmes les moyens par lesquels nous devrions participer à sa grâce ; mais, ayant chargé l'Église et ses ministres de soigner l'humanité malade , et confié aux pasteurs de l'Église le dépôt de ses révélations et de ses sacrements , il nous fait entendre que c'est à eux d'interpréter les unes et de nous conférer les autres. C'est ce que saint Paul a résumé dans ces célèbres paroles : «Que l'on ne nous regarde pas comme des hommes ordinaires, mais comme les ministres de Jésus Christ et comme les dispensateurs des mystères de Dieu.» ( 1 Corinthiens 4,1)

Sans doute Dieu pouvait faire avec tous les hommes ce qu'il a fait avec le premier homme. Il pouvait exercer immédiatement par lui-même toute son action sur l'homme. Mais il lui a plu d'en agir autrement : il lui a plu d'agir sur l'homme par le ministère d'autres hommes. De même donc que dans l'ordre temporel il fait naître l'homme par ses parents , qu'il le gouverne par les pouvoirs politiques, qu'il le juge par les magistrats, qu'il l'éclaire par les savants , qu'il lui porte secours par les riches , qu'il le protège par les forts ; de même aussi, dans l'ordre temporel, selon un grand interprète, il ne nous instruit, il ne nous sanctifie, il ne nous conduit dans la voie du salut éternel (Paradis) que par les prêtres qu'il a lui-même - établis ses ministres dans l'Église. C'est aussi pour cela que saint Paul appelle les ministres de l'Église les coadjuteurs de Dieu dans l’œuvre du salut des hommes (1 Corinthiens 3,9) , et que Jésus-Christ lui- même les avait appelés la lumière du monde (Matthieu 5,14) et le sel de la terre (Matthieu 5,13) , voulant qu'ils eussent à éclairer les hommes par l'interprétation de ses doctrines et à les sanctifier par la dispensation de ses sacrements .

TROISIÈME PARTIE.

Notre- Seigneur Jésus-Christ, racontant dans la parabole que le bon Samaritain soigna d'abord lui-même le voyageur blessé et puis le confia aux soins du maître de l'hôtellerie , a fait usage de la même expression dans ces deux circonstances de son récit, il en prit soin : prenez-en soin. Or cela n'est pas sans mystère . L'identité d'expression , d'après les interprètes , est ici adoptée pour indiquer l'identité de procédés et de sentiments . Jésus-Christ a donc voulu nous apprendre par là , dit saint Bernard (Bernard de Clairvaux – France – 12 ème siècle), que comme le Samaritain constitua le maître de l'hôtellerie successeur et vicaire de sa propre sollicitude pour le blessé , de même Jésus- Christ a constitué les ministres de son Église successeurs et vicaires de son amour envers les hommes. Ainsi le soin que Jésus Christ a pris de l'humanité malade et malade à la mort par les suites de l'erreur et du vice , le prêtre doit constamment le prendre lui-même. Oui , le même soin , exactement le même. Le Samaritain n'a pas cherché à savoir la nationalité , les croyances , les opinions du voyageur blessé, avant de songer à lui donner ses soins . Il n'a vu que son malheur, il n'a considéré que le besoin qu'il avait de secours . Ses blessures et son délaissement furent le seul titre à la compassion du Samaritain et aux démonstrations de sa charité. Le Samaritain , le voyant dans cet état , fut touché de compassion ( Luc 10,33 ) . C'est ainsi que Jésus- Christ en a usé envers les hommes. Il a eu compassion de nous ; il s'est livré pour nous tous sans distinction de personnes ( 2 Corinthiens 5,15) . Il n'a vu en nous qu'une créature déchue , blessée à mort par le péché , incapable de se réhabiliter elle même. Oui , mon Dieu , comme l'a dit le prophète-roi , vous n’excluez personne du bienfait de votre miséricorde ( Sagesse 11,24) . Voilà donc le premier devoir du prêtre envers le peuple. Il doit le soigner sans distinction de rang , d'âge , de sexe , de croyances , d'opinions. Le dévouement du prêtre catholique doit être catholique, c'est -à -dire, comme l'exprime le mot , il doit être universel ; il doit être large comme l'univers, humanitaire comme l'Évangile , sans acception de personnes comme la charité .

Ah ! dirait peut - être une charité restreinte , et qui par conséquent ne serait pas la charité catholique : « Mais ce sont des hommes profondément pervers descendus au fond du gouffre de la corruption ! ce sont des hérétiques ! des incrédules ! des impies ! » N'importe , il s'ensuit seulement qu'ils sont plus malades et qu'ils ont plus de droits à nos soins. Dès qu'ils sont dans notre diocèse , dans notre paroisse , ils nous sont , eux aussi, confiés par Jésus- Christ et par l'Église. De quel droit prétendrions-nous les abandonner et désespérer de leur salut ? Pauvres âmes! plus malheureuses peut-être que coupables ;  aveuglées par de funestes préjugés d'éducation et d'origine ; égarées par l'erreur, abruties par l'ignorance, victimes de leurs propres passions et des passions d'autrui ! Pauvres âmes où tout est à refaire ! où il reste à peine quelque vestige de moralité, quelque étincelle de raison et d'aspiration vers la vérité et la vertu ! Plus sont profondes les plaies, plus elles ont droit à des soins affectueux et intelligents. Ce sont bien elles qui doivent plus particulièrement attirer les saints artifices de notre zèle, les industries ingénieuses de notre dévouement.

N'était -ce pas ce que Jésus voulait nous insinuer, lorsqu'il prononça ces tendres et touchantes paroles : « Je veux la miséricorde et non les sacrifices. Ce ne sont pas ceux qui sont en santé, mais les malades qui ont besoin du médecin. Je ne suis pas venu appeler les justes , mais les pécheurs.» ( Matthieu 9,13 ) . Par la même raison que notre dévouement doit être universel, il est facile de conclure que nous n'avons , comme prêtres, aucun rôle déterminé à remplir dans l'ordre politique. Nous ne devons être ni pour les gouvernements contre les peuples, ni pour les peuples contre les gouvernements ; ou plutôt nous devons, tour à tour, plaider la cause des gouvernements en exhortant les peuples à la tranquillité et au bon ordre , plaider la cause des peuples en rappelant aux gouvernements les lois de la justice et les conseils de la bonté . Nous ne devons appartenir à aucun parti, si ne n'est à celui de Dieu , de la vertu et du malheur qui implore la pitié . En nous rangeant d'un seul côté , nous devenons suspects à ceux du côté opposé . Au milieu des dissensions civiles, le presbytère, comme l'Église, doit rester un terrain neutre, où toutes les opinions peuvent se rencontrer et se respecter dans l'esprit de la même charité , comme tous les rangs s'y réunissent et s'y confondent dans l'esprit de la même égalité .

La grâce de notre ministère évangélique peut être comparée à l'eau qui n'a pas de couleur et lave tout ce qui est souillé, féconde tout ce qui est stérile , désaltère tout ce qui est altéré. Lorsque l'homme veut entrer par le baptême dans l'Église, on ne lui demande pas ses opinions politiques , mais sa croyance religieuse. Malheur donc à nous , si nous mettions à l'exercice de notre ministère des exceptions que Jésus Christ et son Église n'y mettent pas ; et si nous faisions des démonstrations de notre charité la récompense de ceux qui partageraient nos propres opinions . Jésus -Christ nous demandera un compte rigoureux de cette partialité , injuste dans tout citoyen qui respecte l'homme, sacrilège dans le prêtre , qui, dans le premier homme venu, doit respecter Jésus-Christ au nom de qui il se présente . C'est en effet Jésus-Christ lui-même qui a dit au prêtre : Tout homme digne de pitié pour ses erreurs, pour ses désordres, pour ses souffrances, pour ses désolations , doit être l'objet de vos soins . C'est moi qui vous l'adresse . Ses malheurs sont ses seuls droits ; ses besoins sont sa seule recommandation ; ses maladies et ses plaies sont ses seuls privilèges. Prenez - en soin.

Le dévouement du Samaritain pour le voyageur blessé a été , comme nous l'avons vu, l'image du dévouement généreux avec lequel Jésus- Christ s’est livré lui-même pour l'humanité déchue, pour l'humanité entière, elle aussi dépouillée et blessée à mort par suite du péché . D'où nous devons conclure que notre dévouement doit être non -seulement universel , mais encore généreux . A l'imitation de celui qui a porté sur lui-même nos infirmités et nos douleurs ( Isaïe 53,4 ) , le véritable prêtre de Jésus -Christ doit, au fond de son cœur, sentir les misères, les maladies de son peuple ; il doit souffrir de ses souffrances, languir de ses langueurs ; être peiné de ses peines, alarmé de toutes ses alarmes et de ses dangers ; être prêt, s'il le faut, à en prendre sur lui tout le poids et toute l'amertume .

Volontiers le prêtre laissera aux savants et aux politiques du siècle l'or, les plaisirs, les honneurs, la domination et le pouvoir. Mais ce qu'il n'abandonnera jamais , ce sera le soin des âmes que Jésus - Christ lui-même lui a confiées ; ce sera la dispensation de la vérité et de la grâce ; ce sera le doux et saint empire de la charité. Il a appris de Jésus-Christ que les véritables plaies de l'âme sont l'erreur et le vice ; et que les âmes ne vivent que de vérité et de sainteté . Sa foi lui dit qu'il n'y a pas d'autre vérité et d'autre sainteté que la vérité et la sainteté catholiques. Il sent que Jésus-Christ , dans le mystère eucharistique, fait passer dans son cœur de prêtre toute l'ardeur de cette charité divine qui ne connaît ni dangers ni obstacles, qui dévore , pour ainsi dire , les difficultés, et qui sait au besoin immoler son repos, sa santé , sa vie même. Ceux qui ne voient rien au delà des mobiles ordinaires de l'activité humaine se demandent quel peut être l'aliment et le soutien de ce zèle si constant et si généreux . Le voici : c'est que le prêtre attend de Dieu et de Dieu seul sa récompense , de même même que le maître de l'hôtellerie n'attendit pas du malheureux blessé, mais du Samaritain seul, la récompense de son zèle et de ses soins . Nous aussi nous ne devons attendre que de Jésus-Christ, lorsqu'il viendra nous demander compte de notre ministère, la récompense et le dédommagement de tous nos sacrifices.  

Priez , intercédez pour la paix , mais pour la paix fondée sur la justice , appuyée , embellie par la charité . Car c'est l'égoïsme de l'homme qui perd le monde ; et il ne peut être sauvé que par la charité de Dieu . Amen!

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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