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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 13:58

CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT

PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

DEUX MOTS D'INTRODUCTION

Je voudrais essayer, mes amis, de vous raconter à grands traits l'histoire l'a plus certaine , la plus intéressante, la plus instructive, et trop souvent, hélas ! la plus négligée. Je vous en fais juges vous-mêmes. N'est- ce pas que, si je vous demandais, à brûle pourpoint, quelle idée vous vous faites de Noé, d'Abraham, de Moïse, de David, d'Isaïe, - en quel lieu est né Notre-Seigneur Jésus - Christ, - de quoi traite le sermon sur la Montagne, qu'il faut entendre au juste par l'Incarnation, la Transfiguration , la Pentecôte, l’Église , - n'est ce pas qu'il y en aurait, pour le moins, neuf sur dix parmi vous de terriblement embarrassés ? J'ai dessein de vous aider, autant qu'il est en moi, à sortir de cette ignorance fâcheuse. Et comme, en toutes choses, il faut commencer par le commencement, nous parlerons d'abord de notre premier père, Adam.

ANCIEN TESTAMENT

CHAPITRE PREMIER.

Adam ou la création .

L'histoire d'Adam, le premier homme, est intimement liée à l'histoire de la création . Les hommes, mes chers amis, même les plus habiles, quand ils font un travail, une œuvre même la plus simple, font cela avec quelque chose . Dieu, qui est souverainement parfait, n'est point soumis à cette loi . Bien loin qu'il ait besoin d'une matière quelconque pour la travailler, rien n'existe que ce que Dieu a bien voulu faire naître par un acte tout- puissant de sa volonté. Et c'est précisément cet acte de la volonté divine faisant quelque chose avec rien que l'on appelle création . Dieu, l'être infini, existait donc de toute éternité , lorsqu'il lui plut de créer le monde. Je n'ai pas besoin de vous dire, chers amis, que le monde n'a pu se faire tout seul. Toutes les merveilles de la création , depuis les étoiles du firmament jusqu'aux moindres fleurs des champs, sont là pour attester la puissance infinie de leur auteur, de Celui qui, non - seulement les a fait sortir du néant, mais leur a posé des lois dont jamais elles ne s'écarteront.

En effet, l'Ancien Testament, le plus vénérable de tous les livres par son antiquité, bien plus vénérable encore parce qu'il a été écrit sous la dictée même du Saint -Esprit, l'Ancien Testament ( Genèse) rapporte qu'au commencement Dieu créa le ciel et la terre et tous les êtres qui les habitent. Il créa toutes ces choses en six jours. Le sixième jour seulement, il créa l'homme, et le septième jour il se reposa. C'est là une histoire vraiment admirable ! Mais il suffit d'un peu de bon sens et de bon coeur pour comprendre que les devoirs de l'homme envers son créateur ne consistent pas seulement dans une stérile admiration . Si nous avons des devoirs envers nos parents, à combien plus forte raison n'en devons-nous pas avoir envers l’Être suprême, sans lequel ni nos parents, ni nous mêmes nous n'existerions ?

Parmi les créatures de Dieu , les unes les êtres inanimés et les êtres animés, mais non raisonnables, – lui obéissent à leur manière, en suivant les règles qu'il leur a tracées. De l'homme, créature raisonnable et libre , Dieu attend nécessairement un hommage plus élevé, hommage d'obéissance, de respect et d'amour. Le seul fait de la création suppose donc la nécessité de la religion, c'est- à -dire d'un lien entre l'homme et Dieu, lien de reconnaissance et de subordination de la part de l'homme. Voulez-vous savoir quelle doit être la nature de cet hommage ? Évidemment nous devons à Dieu le tribut de tout ce que nous avons reçu de Lui.

Qu'est - ce donc que l'homme, mes amis ? Que sommes - nous nous -mêmes ? L’Écriture sainte nous le dit, en racontant comment Dieu a formé le premier homme d'un peu de boue détrempée, c'est notre corps, puis comment, soufflant sur lui , il le fit à son image et à sa ressemblance , c'est notre âme. La religion doit donc être une réunion d'hommages extérieurs que notre corps rend à son créateur ; puis d'hommages intérieurs, c'est- à- dire de prières, d'actions de grâce, de dévouement, de docilité aux ordres qu'il plaît à Dieu de nous donner. Nous aurons plus tard occasion de voir que Dieu nous a, en effet, révélé sa volonté, et que l'ensemble de ces révélations est justement ce que l'on appelle la religion.

J'ai à peine besoin de vous dire que, si Dieu voulut créer le monde en six jours, – soit qu'il faille entendre par là des journées de vingt-quatre heures, ou bien des périodes d'une étendue plus ou moins considérable, deux opinions entre les quelles l’Église n'a pas décidé, entre lesquelles, par conséquent, il nous est loisible de choisir, ce n'est pas qu'il ait été difficile au Tout- Puissant de créer le monde en un instant. Dieu semble par là avoir voulu se proportionner à notre faiblesse et nous donner, en sa personne , des exemples sur lesquels il est bon d'arrêter, en passant, notre attention . Dieu a donc travaillé à la création du monde. Il ne dédaigne pas d'être appelé le Grand ouvrier. Il n'est pas de si petit ouvrier, — et où est l'homme qui ne soit, de façon ou d'autre, un ouvrier ? - qui n'ait à prendre ici des leçons. Les paresseux apprennent que le travail est la loi universelle, les esprits précipités que rien de bien ne se fait vite, et qu'il faut du temps pour chaque chose. Enfin , ceux qui, péchant par un excès contraire, croient bien faire en ne s'arrêtant jamais, en ne connaissant, comme ils disent, ni fêtes, ni dimanches, ceux -là apprennent que Dieu s'est reposé le septième jour.

C'est là l'origine de ce jour dans chaque semaine, consacré plus particulièrement à nos devoirs envers Dieu, au, soin de notre âme, à cette discontinuation du travail dont notre corps lui-même a tant besoin, aux honnêtes délassements, aux réunions de famille. C'est ce jour que nous appelons le dimanche, c'est - à -dire le jour du Seigneur, et dont la fréquente violation est un des malheurs et une des hontes de notre temps et de notre pays. Voici déjà, dans les seules circonstances de la création, le germe de nos devoirs envers Dieu et envers nous -mêmes.

Voulez -vous y voir quelque chose de nos devoirs envers les autres hommes ? Dieu ayant créé l'homme, qu'il fit le roi de la création , se dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul : faisons - lui une aide semblable à lui. » Et Dieu créa la première femme, Ève. — Mais, au lieu qu'un peu de terre et un souffle du Très Haut avaient été la matière première du corps et de l’âme d'Adam, c'est Adam lui- même qui fut la matière première d'Ève tout entière. Deux leçons importantes sont à méditer ici, dans lesquelles sont enfermées en abrégé tous nos devoirs envers nos semblables : devoirs envers la famille, devoirs envers la société. C'est Dieu, vous le voyez, qui est l'auteur du mariage. Et, pour vous rappeler de plus en plus combien est sainte cette institution , dont Notre-Seigneur Jésus-Christ a fait un sacrement, voici les paroles que Dieu prononça, lorsqu'il bénit le premier couple humain, paroles que le Sauveur du monde répéta, lorsque, venant restaurer toutes choses, il voulut rétablir l'union conjugale dans sa dignité première : « C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair » Maris et femmes, qui me lisez, êtes- vous bien pénétrés de ces paroles ? Hélas ! si on les méditait davantage, il n'y aurait pas tant de tristes ménages, pour ne pas parler des scandaleux ; il n'y aurait pas tant d'enfants déplorablement élevés ; car les mauvais époux font presque toujours les mauvais parents .

D’Adam et d'Ève sont nés tous les hommes . Tous les hommes sont donc membres de la même famille ; ils sont frères. Les sentiments que nous éprouvons pour ceux qui sont nés des mêmes parents que nous, nous les devons ressentir pour tous les hommes, enfants, comme nous, du même Dieu , descendants du même père, Adam, de la même mère, Ève. Surtout nous devons, en toute occasion, les leur manifester par nos actions plus encore que par nos paroles . Ce mot de fraternité, l'avons -nous vraiment dans le coeur ? Selon le précepte de Notre-Seigneur, aimons nous notre prochain, c'est - à - dire tous les hommes, nos frères, comme nous-mêmes ? En nous voyant, tous ceux qui nous connaissent sont- ils édifiés de notre charité, et disent- ils, comme les païens disaient de nos pères, les premiers chrétiens : Voyez comme ils s'aiment !  

CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 1102016012_univ_lsr_xl

CHAPITRE II .

Le paradis terrestre et le péché originel. ( Genèse 3)

Formés à l'image et à la ressemblance de Dieu , Adam et Ève furent placés par le Créateur dans un jardin délicieux , appelé le Paradis terrestre . Tous les animaux leur étaient soumis. Ils ne connaissaient ni la souffrance, ni les maladies ; ils ne devaient pas mourir. Surtout ils étaient étrangers aux chagrins, aux douleurs de l'âme et aux remords qui sont la peine du péché. C'est ce que l'on exprime en disant qu'ils avaient été créés dans l'état d'innocence. Cependant l'homme (et c'est là surtout ce qui le distingue des animaux) est un être libre ; c'est - à dire qu'il peut choisir entre le bien et le mal, devenir par conséquent digne de récompense ou de châtiment. Comment allait s'exercer cette liberté de nos premiers parents, comblés de tant de grâces et qui étaient portés vers le bien par une pente si facile ? Il leur fallait une épreuve. C'est pour cela qu'au milieu de cette merveilleuse demeure, Dieu plaça un arbre, appelé l'arbre de la science du bien et du mal, et que, leur permettant de manger du fruit de tous les autres arbres, il leur interdit de toucher à celui-là . « Le jour où vous en mangerez, vous mourrez, » leur dit- il . Vous comprenez quelle source de mérite il y avait là pour Adam et Ève, s'ils eussent obéi. Maîtres de la nature, l’âme remplie des plus vives lumières sur toutes choses, puisant dans ce qui les entourait un bonheur qui semblait sans bornes, la défense du Seigneur apportait une limite à leur indépendance, à leur science, à leur jouissance . Le mérite eût consisté à respecter cette limite.

Abandonnés à eux- mêmes, peut-être nos premiers parents eussent-ils été fidèles. Mais ils furent tentés et ils succombèrent à la tentation . Qui les tenta ? Il faut que vous sachiez qu'avant de créer l'homme, Dieu avait tiré du néant des êtres supérieurs à l'homme, les anges qui sont de purs esprits. Créatures libres, comme nous, les été soumis à une épreuve . Les uns en étaient sortis vainqueurs, c'est- à -dire qu'ils avaient obéi à Dieu. Les autres s'étaient révoltés contre lui , et Dieu les avait punis, en les précipitant dans l'Enfer. Ces mauvais anges ou anges déchus sont les démons: Ils travaillent sans cesse à nous perdre, pour que, nous aussi, nous devenions les ennemis de Dieu . Or, le chef des anges révoltés, que l'on appelle le diable ou Satan , voyant Adam et Ève heureux, parce qu'ils étaient soumis à leur Créateur, résolut de leur arracher ce bonheur en les entraînant dans une révolte semblable à la sienne. Prenant la forme du serpent, il s'adressa d'abord à Ève, plus faible que son mari, lui représenta que Dieu avait voulu les tromper, qu'en mangeant des fruits de l'arbre de la science ils deviendraient comme des Dieux. En même temps il lui présenta un de ces fruits, qui était beau et appétissant.

L'orgueil, la curiosité, la sensualité assiégeant à la fois le coeur d'Ève, elle oublia où méconnut la défense de Dieu, elle ne pensa ni à le prier de la soutenir, ni même à consulter Adam. Elle mangea du fruit défendu et en offrit à son mari. Adam n'eut pas la force de résister à ce dangereux exemple; il l'imita . La première punition de cette coupable désobéissance fut le remords et la honte. Adam et Ève s'enfuirent et se cachèrent. Mais qui peut échapper au regard de Dieu ? Dieu les appelle. Ils cherchent enfin à se justifier en rejetant leur faute, Adam sur Ève, Ève sur le serpent. Le Seigneur irrité leur annonce que le châtiment de leur crime commence. Ils sont chassés du Paradis terrestre, obligés de déchirer, à la sueur de leur visage, le sein de la terre désormais couverte de ronces et d'épines, soumis aux maladies, aux chagrins, à la mort, et ( ce qui est pis) aux funestes penchants que le péché, une fois entré dans leur âme, y a laissés pour jamais .

Ce malheur ne s'arrête pas à eux seuls, il atteint tous leurs descendants. Aussi appelle - t-on ce péché le péché originel. Tout homme, en venant au monde, en apporte la tache, non qu'il soit personnellement coupable ; mais ce péché anéantissant, mutilant, blessant les dons excellents qu’Adam avait reçus de Dieu, ce n'est plus qu'une nature déchue, blessée, mutilée , qu'il transmet à ses descendants.

C'est là sans doute un grand mystère, mes chers amis, et qu'il faut croire, d'abord parce que Dieu lui-même nous l'a révélé . Néanmoins, l'étude de notre âme et de l'humanité nous aidera, sinon à le comprendre, - ce ne serait plus un mystère, - du moins à en concevoir quelque chose! Il y a dans l'âme de l'homme toutes sortes de bons instincts et de nobles aspirations; c'est ce qui reste de l'oeuvre originaire de Dieu. Mais, à côté et les combattant, sont toutes sortes d'inclinations basses et vicieuses ; c'est le triste héritage du péché d'Adam , cette pente vers le mal que la théologie appelle concupiscence.

Cependant Dieu est la bonté même. En même temps qu'il prononçait contre nos premiers parents cette terrible sentence, il leur promettait, en des paroles mystérieuses, qu'un jour il naîtrait de la femme un homme qui relèverait l'humanité déchue (la femme elle-même devait écraser la tête du serpent). Cet homme divin promis à nos premiers pères, c'était le Fils même de Dieu, le Rédempteur et le Sauveur du monde , Notre - Seigneur Jésus-Christ; et cette femme, c'est sa mère, la très- sainte et très - immaculée vierge Marie.

Vous voyez que la religion chrétienne se rattache au berceau même du monde. A peine le crime d’Adam a - t - il amené la chute originelle et rendu nécessaire un Réparateur, que ce Réparateur nous est promis. Pendant 4000 ans, les patriarches et les prophètes annoncèrent sa venue. Jésus- Christ attendu est donc le principe de la religion des premiers âges et de la religion des Juifs ; comme le principe et le centre de la religion des chrétiens, c'est Jésus-Christ descendu parmi nous et y demeurant par son Église et le sacrement de l'Eucharistie . Que de leçons à recueillir, mes amis, dans cette histoire de la chute de nos premiers parents !

1 ° Le péché originel n'est pas le seul péché qui désole la terre. Il y a encore le péché que le catéchisme appelle actuel et que vous et moi nous commettons, hélas ! avec une si déplorable facilité . Or, pour l’un comme pour l'autre , la manière de succomber est la même, et aussi la manière de résister. Que nous soyons tentés de désobéir à notre mère, si nous sommes de petits enfants, ou , si nous sommes des hommes, de manquer à la probité, à la chasteté, de céder à la colère ou à la gourmandise, il y aura toujours trois moyens dont l'emploi nous fera triompher infailliblement. D'abord fuyons les occasions : c'est-à- dire le cabaret pour celui-ci, pour celui- là les camarades vicieux , pour cet autre un mauvais livre , pour tous l'oisiveté.

Si Adam et Ève eussent eu soin de se tenir toujours éloignés de l'arbre fatal, peut être eussent- ils évité la tentation qui les perdit. Lorsque la tentation est venue, par notre faute ou sans notre faute, repoussons-la vigoureusement. Ève entra en pourparler avec Satan ; ce fut sa perte . - Quand plus tard le Sauveur des hommes, voulant nous donner l'exemple en toutes choses, fut tenté à son tour, il n'eut qu'une réponse aux séduisantes propositions de l'Esprit mauvais : Retire-toi, Satan, Vade retro, Satanas ! - Faisons de même.. Enfin surtout prions. Nous ne voyons pas dans l'Écriture que , se sentant en péril, Adam et Ève aient seulement essayé d'invoquer le secours de Dieu. Combattant seuls, ils ont bien vite été vaincus, ou plutôt ils n'ont pas même combattu . Nous, si nous voulons combattre et que nous priions Celui qui peut tout de nous défendre contre le démon ( l`ange déchu) son ennemi, nous sommes assurés de la victoire .

2º Quand nous pensons au péché originel, et que nous sommes tentés d’accuser nos premiers parents, n'oublions pas, surtout si nous avons des enfants, que tous nos péchés ressemblent, par un certain côté, qu péché d'origine . -- Tel père, tel fils, dit le proverbe . Si nous laissons le péché envahir et déformer notre âme, nous avons moins de force pour guider vers le bien les âmes de nos enfants. Eux-mêmes, tout naturellement, s'imprégneront des mauvaises habitudes auxquel les nous sommes adonnés, et nous leur laisserons pour héritage nos vices et nos passions, avec le triste cortège de châtiments qu'ils entraînent, dans cette vie et dans l'autre. Cette pensée n'est-elle pas bien capable de nous arrêter ? Nous désirons que nos enfants soient honnêtes; commençons donc par l'être nous- mêmes.

3 ° Enfin , prenons garde de ressembler, non pas seulement à nos premiers parents qui furent faibles, mais à celui même qui, par son odieuse méchanceté, causa leur perte , au diable, l'ennemi de Dieu et des hommes. Toutes les fois que, par notre exemple , nous entraînons au mal nos semblables, que nous commettons cet énorme péché que l'on appelle le scandale, nous sommes les aides et les suppôts de Satan ( un prince des anges déchus); nous travaillons contre Dieu .

Sommes- nous tout à fait innocents de ce côté ? Bien plutôt, mes chers amis, travaillons pour Dieu, d'abord en combattant le péché dans nos âmes, puis en le combattant, par nos bons exemples et nos bons conseils, dans l'âme de tous ceux qui nous entourent.


CHAPITRE III .

Caïn et Abel. ( Genèse 4,1)

Les deux premiers enfants d’Adam et d’Ève furent Caïn et Abel. Abel était berger et Caïn cultivait la terre. Si vous avez un frère, cher lecteur, un frère à peu près de votre âge, si vous avez suivi la pente de votre coeur en faisant de ce compagnon de vos jeux et de vos travaux le meilleur de vos amis, si vous avez éprouvé ce qu'il y a de douceur, au milieu des peines de la vie, à confier ses chagrins à son frère, à lui demander tour à tour et à lui donner des conseils, à s'appuyer l'un sur l'autre, à aimer ses parents ensemble, à servir Dieu avec une sainte émulation, à être toujours prêt à se sacrifier pour cet ami que donne la nature .... ne vous semble - t- il pas qu'elle dût être bien vive et bien profonde l'amitié qui unit l'un à l'autre Caïn le laboureur et Abel le berger ? A ces premiers jours du monde où l'humanité n'était encore qu'une famille, ne se quittant jamais, rapprochés encore par leurs occupations qui, sans être les mêmes, se prêtaient un mutuel appui, - qui ne sait le besoin réciproque qu'ont l'un de l'autre l'agriculture et le soin des troupeaux ? - Cain et Abel nous offriront sans doute l'exemple de la plus touchante intimité qui ait jamais existé entre deux frères. Hélas ! vous comptez sans le péché auquel la faute originelle avait ouvert une si large porte. Jaloux de ce que les sacrifices d’Abel étaient plus agréables à Dieu que les siens, sans doute parce qu'ils étaient offerts d'un coeur plus pur et d'une main plus généreuse, Caïn proposa un jour à son frère une promenade dans la campagne. Dès qu'ils furent arrivés en un lieu sauvage, Caïn se jeta sur Abel et le tua.

« Nous connaissons cette histoire, me direz vous peut- être. A quoi bon nous la répéter ? Quelle conséquence d'ailleurs prétendez -vous en tirer ? Qu'il ne faut point égorger son frère ! Je vous assure que la leçon est pour le moins inutile . Nous n'avons pas le moindre goût pour l'assassinat. Non, cher lecteur, je ne veux pas vous rappeler qu'il ne faut tuer personne. Le premier crime de Caïn, ce ne fut pas un meurtre ; ce fut l'envie : l'homicide ne fut qu'une conséquence. Or, l'envie est un péché des plus répandus, dont peu de personnes se font scrupule , qu'il est donc utile d'étudier aujourd'hui , surtout à la lumière de cette terrible tragédie du meurtre d'Abel .

Le premier envieux fut le premier homicide. N'y a- t- il pas là de quoi faire trembler ceux qui nous disent tranquillement que l'envie n'est qu'un simple sentiment et ne fait de mal à personne ! ( C'est vrai ! s'écrie, avec une louable explosion de sincérité , le petit Léopold qui m'écoute, je sens qu'il y a dans mon coeur un fond d'aigreur et de fiel... C'est donc l'envie. Je suis jaloux surtout de Fernand , parce qu'il est riche et que moi je suis pauvre, de Jules parce qu'il est doux comme un agneau et que tout le monde l'aime et le caresse. Oh ! je sens que je les déteste ce Fernand et ce Jules.... et bien d'autres. Est- ce que c'est là ce que Caïn ressentait contre son frère ?

Vous avez déjà fait une chose à quoi Caïn ne voulut jamais se résoudre . Il renfermait ses sentiments haineux au fond de son coeur . Vous venez, vous, de m'en faire l'aveu . Faites- en l'aveu à un autre qui a reçu d'en haut le pouvoir de pardonner et de guérir ; et, bien loin de pousser l'envie jusqu'à sa dernière et affreuse conséquence , le sang versé, vous reviendrez sur vos pas et vous aimerez ceux que vous haïssez aujourd'hui, et une grande paix se fera dans votre âme.

Mais, en attendant, laissez - moi vous montrer l'injustice de l'envie et ses déplorables conséquences, deux motifs pour vous engager à rejeter bien vite de votre coeur cet affreux poison. Vous en voulez à Fernand, parce que son père est riche .... C'est en effet là l'une des grandes catégories de l'envie. - Pourquoi un tel nage-t-il dans l'abondance de tous les biens, tandis que, moi, j'ai si grand’peine à gagner ma vie? — Pourquoi ? Parce que, d'après les plans souverainement sages de la divine Providence, il faut qu'il y ait dans ce monde des riches et des pauvres . Mais pourquoi faut -il qu'il y ait des riches et des pauvres ? —Pour que les uns apprennent à exercer les vertus de libéralité, de bienfaisance, de charité, les autres les vertus de résignation, de soumission à la volonté divine, de travail obstiné , de lutte contre la misère. — Mais pourquoi est-ce moi qui suis le pauvre, plutôt que mon voisin ? -Pourquoi serait- ce votre voisin plutôt que vous ? C'est vous plutôt que lui, peut - être parce que Dieu sait que la pauvreté développera chez vous certaines qualités de courage et d'intelligence qui vous empêcheront d'être écrasés par la mauvaise  fortune, qui feront de vous, en ce monde, un sujet d'édification pour votre prochain, qui assureront votre salut dans l'autre . Du reste, si j'essaie de toutes ces réponses, c'est afin de vous montrer que les motifs ne manquent pas pour justifier, - s'il est permis d'employer cette expression la conduite de Dieu à notre égard.

La vraie réponse, c'est que Dieu est souverainement sage, que ce qu'il fait est bien fait, que l'art d'être heureux, c'est l'art d'être content de son sort . Les biens et les maux sont, après tout, près également, répartis entre les hommes ; et si vous demandez pourquoi votre voisin est riche pendant que vous êtes pauvre, à son tour il vous demandera pourquoi vous êtes bien portant, tandis que lui est malade; pourquoi votre femme est douce et vos enfants sont dociles, tandis que sa femme est acariâtre et ses enfants sont insolents ; pourquoi vous habitez le village où vous êtes né, tandis que des révolutions l'ont chassé de sa patrie ; pourquoi vos amis vous demeurent fidèles, tandis que les siens l'ont trahi ? L'inégalité des conditions humaines est le fait de Dieu. Lui en vouloir serait une impiété. En vouloir à votre prochain est une grande injustice. C'en est une plus grande encore peut- être, Léopold, qui vous rend jaloux de ce bon Jules. C'est ici, à proprement parler, le crime de Caïn.- Pourquoi, en général, un homme est - il aimé ? parce qu'il est aimable. Pourquoi est- il haï ? parce qu'il est haïssable. Vous, Léopold, au lieu d'être jaloux de la sympathie universelle qui s'attache à Jules, imitez bien plutôt sa douceur, sa complaisance, sa générosité , son dévouement...... Quand vous serez bon comme lui, comme lui vous serez aimé.... Si, au contraire, vous vous contentez de lui porter envie, vous deviendrez de plus en plus odieux à tout le monde, de plus en plus malheureux, de plus en plus détesté.

J'ai parlé des conséquences déplorables de l'envie . 1 ° D'abord l'ingratitude envers Dieu . Quelle que soit votre position, n'est-il pas vrai que Dieu vous a comblé de biens ? Il vous a donné la vie, la santé, de bons parents, des frères et des soeurs. Il vous a appelé au bonheur d'être chrétien . Et vous oubliez tous ces bienfaits, pour ne voir que ce qui vous manque, ce qui serait votre perte peut -être, si, au lieu de vous le refuser, Dieu vous l'eût accordé! C'est là de l'ingratitude, ou je ne m'y connais pas.

2° L'envieux est ennemi de son propre bonheur. Tout entier à ce qui lui manque, il ne jouit de rien, il n'a de coeur à rien . Il est comme un homme que ronge une cruelle maladie. De quoi voulez vous que se réjouisse celui que tourmentent d'affreuses souffrances ? De même, que voulez -vous qu'il savoure , parmi les petites jouissances de la vie , parmi les douceurs de la famille ou de l'amitié , celui qui a le coeur déchiré par cet odieux serpent de l'envie ?

3 ° Le seul sentiment dont il se repaisse , c'est la comparaison de son sort avec celui de son voisin, toujours plus heureux, suivant lui . La haine croit chaque jour dans son coeur ; et la haine appelle la haine, comme l'amour l'amour. Il est donc de plus en plus haï et détesté. Comment pourrait- il être heureux?

4. Enfin , arrive le crime; pas toujours, mais souvent. Presque tous les voleurs et les assassins ont commencé par être des envieux. Et qu'on ne dise pas qu'on veillera bien sur soi, que l'on ne permettra jamais à l'envie de franchir la limite des sentiments pour entrer dans le domaine des faits, qu'on est un honnête homme après tout, etc. , etc. Serments d'ivrogne que tout cela! Nul de ceux qui prennent plaisir à nourrir dans leur coeur de mauvais sentiments ne peut jurer que ces monstres ne s'échapperont pas un jour de l'âme criminelle qui les a nourris, pour semer la terreur autour d'eux. C'est le propre et la pente naturelle des sentiments de se transformer en actes..... Le premier et le plus grand coupable, c'est le coeur, qui conçoit la pensée du crime, bien plutôt que la main qui l'exécute . Vous n'avez peut- être jamais réfléchi sur l'importance fondamentale des sentiments. Vous n'avez donc jamais lu l'Évangile ! Vous n'avez donc jamais entendu Notre-Seigneur appeler homicide celui qui dit une parole de colère , et adultère celui qui conçoit une pensée impure! Cela est vrai, non seulement parce que le péché consenti est déjà consommé au point de vue de la culpabilité du pécheur, mais parce qu'il est bien rare que l'on s'en tienne à la pensée du mal et qu'on n'arrive pas à l'exécution, parce que, pour en revenir à notre sujet, l'envie mène à la haine et que la haine éprouve comme un besoin féroce de blesser, de briser, de détruire, de tuer ce qu'elle hait.

Le christianisme, qui est une religion divine, a donc très- sagement fait de déclarer une guerre à mort aux mauvais sentiments. C'était le seul moyen d'arrêter les crimes dans leur source et de les déraciner pour de bon du coeur humain . N'attaquer que les actes eux -mêmes, c'est presque ne rien faire . C'est ressembler à ce méchant laboureur qui se contente d'arracher le feuillage des mauvaises herbes. A peine a-t- il le dos tourné que, de la racine qu'il a laissée sottement subsister, naissent des feuilles nouvelles qui envahissent le champ tout entier et finissent par étouffer le bon grain. Toutes les réflexions qui précèdent sont bonnes à faire, mes chers amis . Oui, l'envie est souverainement injuste et absurde dans son principe ; elle est funeste et déplorable dans ses conséquences; elle nous rend malheureux ; elle peut nous pousser aux pires attentats. La conséquence, c'est qu'il faut à tout prix nous en défaire. Mais ce n'est pas une entreprise facile . Demandons à Dieu de nous aider. Après la réflexion et au- dessus de la réflexion qui est toujours bonne , au -dessus des efforts humains que nous ferons pour nous corriger, efforts toujours louables, il y a la prière qui appelle Dieu à notre secours, Dieu à qui rien n'est impossible (Confession des péchés à l`Église), Dieu qui nous a promis que jamais une prière faite d'un coeur humble et de bonne volonté ne demeurerait sans être exaucée . Prions donc Dieu instamment de nous débarrasser de ce vilain défaut de l'envie . Puis, comme ce défaut est une véritable maladie, allons voir souvent le médecin de notre âme ; il nous donnera de bons conseils, il nous indiquera le traitement à suivre, et nous finirons par guérir. Ai- je besoin de vous dire, Léopold, quel est le médecin de votre âme.


CHAPITRE IV .

Noé, ou le déluge. ( Genèse 6,5)

Pour consoler Adam et Ève de la mort de leur fils Abel, assassiné par son frère Caïn, Dieu donna à nos premiers parents de nombreux fils et de nombreuses filles, entre autres Seth, qui fut renommé par sa piété, et dont la postérité, fidèle imitatrice de ses vertus, mérita de recevoir le beau nom d'enfants de Dieu . Mais la vertu la plus éprouvée n'est pas à l'abri de la contagion des mauvais exemples, et ce n'est pas d'aujourd'hui que le proverbe : Dis - moi qui tu ħantes, je te dirai qui tu es ; renferme une grande vérité . Les descendants de Seth s'étant mêlés aux descendants de Caïn, les vices de ceux - ci furent bientôt imités par ceux- là ; une corruption universelle envahit la terre.

Dieu, voyant que la pensée des hommes, la pensée de leur coeur, dit l’Écriture, était en tout temps dirigée vers le mal, se repentit d'avoir créé l'espèce humaine et résolut de la détruire . Cependant admirez ici la bonté de Dieu et le prix qu'il attache au bon usage que nous faisons de notre liberté , si peu de chose que soient nos mérites à côté des perfections divines ! Au milieu de la dépravation générale, un homme, Noé, avait conservé sa vie pure et son âme innocente . Dieu ne voulut point le punir avec les coupables. Noé trouva grâce devant Dieu, non-seulement pour lui- même, mais pour sa femme et ses enfants et les femmes de ses enfants. Il fut ainsi le second père du genre humain , et c'est aux vertus, c'est à la piété de Noé que nous devons, en quelque sorte, l'existence. Ayant ainsi résolu de sauver du fléau qu'il préparait à l'humanité criminelle, Noé et sa famille, Dieu voulut conserver en même temps ceux qu'il avait établis les aides et les serviteurs de l'homme sur la terre, les animaux.

Il donna donc l'ordre à Noé de construire une sorte de grand navire que l'on appelle ordinairement l'arche. Dans cette arche devaient trouver refuge, outre la famille privilégiée, plusieurs paires d'animaux de toutes les espèces, pendant que tomberait une pluie destinée à couvrir la terre entière et à noyer tous ses habitants. Noé fut près de cent ans à construire l'arche . Il ne cessa , pendant ce long intervalle, d'exhorter les hommes à faire pénitence. Mais ils ne tinrent aucun compte de ses avertissements. Noé entra donc dans l'arche , et Dieu ouvrant les cataractes du ciel , il tomba, pendant quarante jours et quarante nuits , une pluie qui dépassa de quinze coudées les plus hautes montagnes.

Excepté Noé, les siens et les animaux enfermés dans l'arche , excepté aussi , naturellement, les poissons, pas un être animé, quadrupèdes, reptiles, oiseaux... ne put échapper à cette destruction générale. Cependant, parmi ces hommes dont la corruption avait attiré sur le monde cet effroyable châtiment, parmi ces hommes qui, pendant près d'un siècle, n'avaient eu que des railleries pour les sages conseils de Noé, plusieurs se repentirent ; plusieurs, voyant leur corps perdu sans ressources, se souvinrent de leur âme, et Dieu, qui est la bonté par excellence, voulut bien les sauver pour l'éternité. Exemple plus applicable que l'on ne pense à notre vie de chaque jour ! Quand un homme est condamné à mort pour quelque grand crime et que, docile aux exhortations d'un pieux aumônier, il revient à Dieu dans ses derniers jours, quelquefois dans ses derniers moments, n'imite - t -il pas ces pauvres victimes du déluge qui, désespérant d'échapper ici-bas à la juste colère de Dieu, voulurent du moins se réfugier, pour la vie à venir, dans les bras toujours ouverts de sa miséricorde !

Et sans aller si loin , que d'hommes ont par leur excès compromis leur santé et se voient, jeunes encore et pleins de vie, tout près de cette heure terrible de la mort! Dieu les châtie dans leurs corps, mais il est toujours prêt à sauver leurs âmes. Qui que vous soyez, cher lecteur, n'oubliez jamais que si Dieu, en vous punissant de vos méfaits dès cette vie, est juste, il est bon surtout..... N'oubliez pas que, lorsque l'on a tout perdu en ce monde, ce serait être son propre ennemi que de ne point chercher à conserver quelque chose du moins pour cette vie qui ne finira jamais ! Cependant l'arche était portée sur les eaux, qui pendant cinquante jours couvrirent la face de la terre..... Puis Dieu se souvint de Noé, les eaux commencèrent à baisser, et le septième mois, l'arche s'arrêta sur les montagnes d'Arménie. Noé ouvrit la fenêtre de l'arche et lâcha un cor beau ; le corbeau ne revint pas . Cet animal sinistre qui se nourrit de cadavres avait trouvé, sur les sommets désormais découverts, une abondante pâture. Noé ensuite donna la volée à une colombe qui revint une première fois . La seconde fois, elle revint encore , apportant dans son bec un rameau d'olivier tout verdoyant. La troisième fois, elle ne reparut point . Alors Noé sortit de l'arche. Son premier soin fut d'élever un autel à Dieu qui l'avait protégé et d'offrir à ce grand Dieu un sacrifice d'actions de grâces .

Quand la divine Providence vous fait échapper à quelque péril, est - ce votre première pensée, - ce devrait être votre premier devoir, de vous jeter à genoux pour le remercier, d'élever du moins vers elle un coeur reconnaissant ? Dieu, touché des bons sentiments de Noé, lui promit de ne plus jamais infliger à l'humanité ce terrible châtiment d’un déluge. L'arc - en -ciel, cette belle écharpe de toutes couleurs qui paraît dans les cieux après l'orage devait être le gage de la promesse divine. En même temps Dieu renouvelait en faveur de Noé et de ses enfants les bénédictions accordées à notre premier père Adam et Ève notre première mère : « Croissez, multipliez et remplissez la terre. »

Telle est, en peu de mots, l'histoire du déluge . Vous entendrez sans doute plus d'un demi-savant, vous dire , à ce propos : «Allons donc ! Est -ce que vous croyez au déluge, vous ? C'est bon pour les imbéciles. » Ne craignez pas de leur rétorquer l'argument. Outre que le fait du déluge nous est raconté par les saintes Écritures, ce qui est la meilleure de toutes les garanties, il est bon que vous sachiez que la vraie science est ici, --- comme toujours, -- en accord parfait avec la révélation . Les traditions de tous les peuples portent la trace de cet évènement, le plus épouvantable qu'ait traversé l'histoire de l'humanité .

Je ne voudrais pas quitter l'histoire du déluge sans vous rappeler que Noé a été considéré comme une figure de Jésus-Christ et l'arche comme l'image de l'Église . Deuxième père de l'humanité, de moeurs irréprochables au milieu de la corruption universelle, Noé nous représente Jésus-Christ, qui est la pureté même, puisqu'il est Dieu en même temps qu'il est homme, Jésus-Christ qui a versé une vie nouvelle dans les veines de l'humanité dégénérée, vie nouvelle qui commence, en chacun de nous, par le baptême, qui est entretenue par les sacrements, particulièrement par l'Eucharistie, cette participation effective au corps, au sang, à l'âme, à la divinité du nouvel Adam . Puis l'arche, c'est l'Église , c'est la barque sur laquelle nous naviguons en sécurité. Oui, au milieu des orages de la vie, celui qui a su se confier à cette nef divine ne craint pas le naufrage. Son esprit est tranquille dans la possession de la vérité, son cœur dans la pratique de la vertu . Pour ma part, il me semble que je ne remercierai jamais assez l'auteur de tout bien de ce qu'il m'a fait naître dans le sein de la sainte Église catholique.

CHAPITRE V.

Noé ou le Déluge . ( Suite . )

Noé, sorti de l'arche avec sa famille, après avoir rendu grâces à Dieu qui l'avait sauvé , se mit à cultiver la terre, tout comme la chose se pratiquait avant le déluge. La prière et le travail, n'est- ce pas là en effet, toute la vie de l'homme ? Et autant sont coupables et impies ceux qui travaillent sans relâche, refusant de donner à Dieu et au soin de leur âme ce jour de repos si bien appelé le jour du Seigneur, autant ceux -là seraient rebelles à la loi divine, qui se contenteraient d'implorer le secours et la bénédiction d'en haut, ne faisant rien pour les mériter, et oubliant ce sage proverbe : Aide toi, le ciel t'aidera ! Donc Noé était laboureur. Il tourmentait la terre, comme dit l'Écriture ; il s'occupait d'améliorer par des soins intelligents , par des croisements (toutes choses qui ne datent pas d'aujourd'hui, comme notre orgueil se le persuade volontiers) les plantes utiles, les arbres fruitiers, qui ne se rencontraient autour de lui qu'à l'état sauvage .

Déjà la première malédiction, suite du  péché originel, avait certainement portée sur la nature matérielle, aussi bien que sur l'âme humaine ; et c'était à la sueur de son front que l'homme pouvait obtenir de la terre ce que, dans le paradis terrestre, elle produisait spontanément. Il est à croire que le déluge affaiblit encore , s'il est permis de s'exprimer ainsi, la constitution du globe, et pas plus que de nos jours, le métier de laboureur n'était , du temps de Noé , un métier de fainéant. Entre autres plantes que le saint patriarche s'efforça de bonifier par la culture, les Livres saints nomment la vigne, ce petit arbre d'une si misérable apparence, quand l'hiver l'a dépouillé, mais qui, le printemps venu, revêt un si charmant feuillage, et se couvre de ces grappes vertes d'abord , puis rougissantes, puis d'un si beau vermeil : le raisin .....

Le raisin c'est le vin, comme le blé c'est le pain, le vin c'est- à - dire cette liqueur généreuse qui, prise modérément, est la force du travailleur, la santé de l'infirme, le lait des vieillards, la joie des réunions de famille ..... Pour nous, chrétiens, c'est quelque chose de plus encore. Le Fils de Dieu, résolu , lorsque finirent les jours de sa vie mortelle , à demeurer néanmoins parmi nous, a choisi le pain et le vin, non pas seulement pour devenir l'image et la représentation, mais pour être convertis en la substance de son corps et de son sang , inséparables de son âme et de sa divinité. Cependant remarquez comme des meilleures choses l'homme abuse déplorablement ! Le vin, bu avec excès, absorbé surtout par ces malheureux qui recherchent le coupable oubli que procure l'ivresse, le vin enlève à l'homme sa raison, sa conscience .

Donc Noé, ayant obtenu de beaux plants de vigne, eut l'idée (Dieu sans doute la lui inspira) de presser le jus du raisin , de le laisser fermenter, de faire du vin , en un mot. Mais, comme il ignorait les propriétés capiteuses de cette boisson, il en but trop et s'enivra. Rentré chez lui, il s'en dormit et dans l'agitation d'un sommeil fébrile, ses vêtements venant à se déranger, il demeura presque nu. Cham, le second de ses fils, le vit en cet état. Au lieu de jeter sur son père quelque couverture, au lieu de le plaindre d'avoir ressenti de la sorte les effets d'une liqueur qu'il ne connaissait pas, Cham eut l'indignité de rire de son père... Il courut avertir ses deux frères, pour qu'ils vinssent en faire autant. - Oh ! l'horrible chose, mes chers amis, que le manque de respect envers un père ou une mère ! Et que cette chose , hélas, est fréquente parmi nous ! Combien ne voit- on pas d'enfants, grands et petits, oublier tout ce qu'ils doivent à leurs parents, leur résister ouvertement ou leur désobéir en cachette, leur adresser des paroles dures ou grossières, quelquefois même, quand ces pauvres parents sont vieux et sans ressources, les abandonner tout à fait !

Combien surtout, et ceux- là ne s'en font seulement pas scrupule, sont ingénieux à découvrir les défauts ou les ridicules paternels, et s'empressent à en faire des gorges chaudes ! Mais, outre que votre coeur devrait vous dire assez, chers lecteurs, tout ce que vous devez à vos parents, et que le premier degré de la reconnaissance envers de tels bienfaiteurs, c'est le respect, sachez que Dieu a en abomination ces fils ingrats, ou insolents ou seulement impertinents ; qu'il  comble au contraire de bénédictions, dès cette vie , les enfants tendres et respectueux .  Vous n'avez sans doute pas oublié le quatrième commandement de Dieu qui le dit formellement : Tes père et mère honoreras Afin que vives longuement.

Les deux autres fils de Noé, Sem et Japhet, au lieu de se joindre aux railleries impies de leur frère, ne voulurent même pas voir leur père dans cet état, où son ignorance, et non sa faute, l'avait fait tomber. Ils mirent un manteau sur leurs épaules, et entrant à reculons dans la tente de Noé, ils laissèrent tomber ce manteau sur le patriarche . Ainsi nous, bien loin de les critiquer amèrement ou de nous en égayer, nous devrions jeter un voile sur les défauts ou les travers de ceux à qui nous devons du respect.

Gardons notre clairvoyance pour nos propres fautes et retournons, en le changeant un peu, le vers du fabuliste . Que chacun de nous soit taupe envers ses parents et lynx : envers lui-même. Lorsque Noé fut sorti de ce sommeil causé par l'ivresse et qu'il eut appris la conduite de ses fils, il bénit Sem et Japhet, Sem de la race duquel devait sortir le Messie, Japhet dont les enfants ont peuplé l'Europe, qui a été si longtemps, qui est encore le centre et le foyer de la civilisation .Il maudit Cham , dans la personne de son fils Chanaan.


CHAPITRE VI .

La tour de Babel. - L'idolâtrie . ( Genèse 11,1)

CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Ca08835b04d0223cc0a2f2be5a423e4a
La tour de Babel


Noé mourut à l'âge de neuf cent cinquante ans . Ses descendants se multiplièrent à l'infini, et s'établirent dans les plaines de Sennaar, riche pays d'Asie situé entre deux fleuves appelés le Tigre et l'Euphrate ( Irak actuel). C'est là qu'ils inventèrent l'art de fabriquer des briques, en les cuisant au feu .

Fiers de cette découverte, ils furent jaloux de laisser , avant de se disperser, un monument impérissable de leur passage , voulant aussi, à ce qu'ont pensé quelques- uns, échapper à la colère de Dieu, dans le cas d'un nouveau déluge, ce qui était une sottise impie ; car où est le moyen, je vous prie, de fuir la juste vengeance de celui qui est le Tout- Puissant ? Et d'ailleurs Dieu lui-même n'avait- il pas promis à Noé qu'il n'y aurait plus de déluge ? Quoi qu'il en soit , les hommes se dirent entre eux : « Allons, faisons -nous une ville et une tour dont le faîte atteigne jusqu'au ciel, et rendons notre nom illustre, avant de nous disperser par toute la terre.»

Dieu , ajoute l'historien sacré, descendit pour voir cette cité et cette tour que construisaient les enfants d'Adam. Quelle ne dut pas être la pitié du Créateur pour cette vaniteuse tentative de sa créature ! Cette vanité devait avoir sa punition. Jusque - là , tous les hommes n'avaient parlé qu'un seul langage, celui- là sans doute que Dieu lui-même enseigna dans le paradis terrestre à nos premiers parents. Mais tout à coup Dieu confondit les langues de tous ces constructeurs de tour. Telle est l'origine de l'infinie variété des idiomes qui se parlent sur la terre.

Les ouvriers ne comprenant plus les ordres que leur donnaient leurs chefs, ceux-ci ne s'entendant plus entre eux, le travail dut être abandonné, et les descendants de Noé se séparèrent, les uns s'en allant au nord et les autres au midi, ceux- ci vers l'orient et ceux - là vers l'occident. Ce monument de l'orgueil humain et de la justice divine demeura inachevé; on lui donna le nom de Babel, ce qui veut dire confusion .

On croit que c'est sur l'emplacement de la tour de Babel que s'éleva plus tard la grande ville de Babylone (Irak actuel), la capitale de l'empire des Assyriens, ville fameuse par la captivité qu'y subirent les Hébreux pendant soixante -dix ans et par ce beau psaume que vous connaissez tous : Super flumina Babylonis ; tristement fameuse aussi par les débordements de ses habitants, ce qui fait que l'on dit une Babylone pour signifier une ville où règnent tous les désordres et toutes les corruptions.

A propos de la tour de Babel, ne vous semble t- il pas que l'Esprit- Saint ait voulu faire allusion à cette vanité des efforts humains et à ce gigantesque travail interrompu tout à coup par un souffle de la puissance divine, lorsqu'il inspirait au roi David cet autre psaume qui commence par ces belles paroles, applicables aussi bien à notre vie de chaque jour et à nos moindres entreprises qu'à l'histoire des conquérants et des empires : « Si ce n'est pas le Seigneur qui bâtit lui- même une maison, c'est en vain qu'ils ont travaillé, ceux qui la construisent. »

Les seules choses vraiment durables sont celles qui ont été faites pour Dieu et avec Dieu . Ces choses -là, si humbles qu'elles soient et quel qu'en doive être le succès ici-bas, amènent avec elles un mérite qui nous suit jusque dans cette vie qui n'aura point de fin . Ce terrible châtiment du déluge et cet avertissement sévère de la confusion des langues auraient dû rattacher les hommes à Dieu , sinon par l'amour, du moins par la crainte. Il n'en fut rien ; la créature humaine est si faible que bientôt les descendants de Noé devinrent pires que n'avaient été ses contemporains. Tous les vices et les crimes envahirent de nouveau la terre . Non contents de commettre le péché, les enfants de Cham, de Sem et de Japhet voulurent oublier ce Dieu qui les gênait, qui les condamnait, qu'ils savaient ennemi du mal.

Endurcis par leur vie criminelle , ils finirent par dire dans leur coeur :« Il n'y a pas de Dieu» . Mais il y a dans l'homme un besoin nécessaire de demander des secours à un être supérieur, à la fois bienfaisant et redoutable ; par un instinct irrésistible , l'homme se sent incapable de se suffire à lui-même. Une religion lui est indispensable, avec la conscience de sa faiblesse et en présence des merveilles de la création , de sorte qu'après avoir adoré le vrai Dieu, ces insensés adressèrent leur culte au soleil, à la lune, aux plantes, aux animaux, à des objets de métal et de bois, et à ceux de leurs chefs qui avaient laissé, en mourant, un plus vif souvenir de gloire et de puissance.

« En ce monde dépravé, dit Bossuet, tout était Dieu , excepté Dieu lui-même. » Ces représentations des faux dieux étaient ce que l'on appelle des idoles, ou images, d'où le nom d'idolâtrie donné à ces fausses religions. Ne nous contentons pas , mes chers amis, de considérer avec étonnement l'impiété de ces hommes qui adoraient l'ouvrage même de leurs mains. Considérons plutôt combien est grande notre misère et rapide la pente qui nous entraîne à tous les excès. Rappelons-nous que l'idolâtrie a régné sur presque toute la terre pendant plus de deux mille ans, que Notre- Seigneur Jésus-Christ, c'est à-dire le Fils de Dieu fait homme , a pu seul détruire ce culte odieux, en y substituant le Christianisme; que, de nos jours et parmi des millions d'hommes qui ne connaissent pas le vrai Dieu , l'idolâtrie règne encore..

Mais surtout faisons un retour sur nous-mêmes et souvenons- nous que, s'il est absurde d'adorer une étoile, un serpent, un chat, une figure grimaçante taillée dans quelque tronc d'arbre, au moins ceux qui se livrent à ce culte grossier ont conservé quelque trace confuse d'une idée très-juste et très salutaire : à savoir que l'homme doit ses hommages à la divinité, que le premier et le plus noble des besoins de notre âme, c'est d'adorer, d'aimer, de servir l'Être suprême.

Si demain , un missionnaire portait à ces pauvres gens la lumière de l'Évangile, ils l'accueilleraient peut-être avec ardeur, ils en feraient peut-être la règle de leur vie. Peut- être mourraient- ils pour elle . Au contraire, au milieu de nos sociétés chrétiennes, après avoir reçu une éducation religieuse , lorsque l'on a sous sa main tous les moyens de se conduire en fidèle adorateur du vrai Dieu ; lorsque, pour ne point voir ce soleil de vérité que l'on nomme l'Église catholique, pour ne point entendre la voix d'en haut qui nous appelle, il faut obstinément se fermer les yeux et se boucher les oreilles, combien d'hommes qui ne rendent absolument à Dieu aucune espèce d'hommages ! combien qui portent leur amour, leurs prières, leur encens à de véritables idoles ! .... Oui, au lieu du doux service du vrai Dieu, leur père, ils sont dans le dur esclavage de l'orgueil, de la haine, de l'envie , de l'impureté; ils adorent l'argent, la bonne chère, le vin, toute sorte d'appétits et de passions honteuses. Mettons la main sur notre conscience , et demandons-nous si nous ne serions pas, par hasard, du nombre de ces idolâtres.


CHAPITRE VII .

Vocation d'Abraham . Histoire de Loth . ( Genèse 12) - REPAIRE TEMPOREL VERS 2000 Av J.C.

Au milieu de la corruption qui envahit la terre, au temps de la dispersion des peuples, quelques hommes demeurèrent fidèles à Dieu et à la vertu. Parmi eux, le plus illustre est Abraham , descendant de Sem et fils de Thérah. Dieu lui apparut un jour et lui dit : « Sors de ton pays et du milieu de tes parents ; quitte la maison de ton père et vas dans la contrée que je t'indiquerai.... Car je ferai sortir de toi un grand peuple . Je te bénirai, et en toi seront bénies toutes les nations de la terre . »

Ce peuple était le peuple hébreu, que l'on appelle aussi le peuple d'Israël, ou le peuple de Dieu . Alors que l'univers entier était plongé dans les ténèbres du paganisme , les Juifs, enfants d’Abraham, conservèrent seuls, à travers les fortunes les plus diverses, le culte du vrai Dieu. De ce peuple privilégié devait sortir le Messie, le Christ, Fils de Dieu, celui qui arracha le monde au culte des fausses divinités, et qui établit par toute la terre cette religion divine, le christianisme, dans laquelle nous avons le bonheur d'être nés !

Docile aux ordres de Dieu , Abraham quitta le pays d'Haran (Irak actuel – région du Golfe persique), où son père venait de mourir, et , prenant avec lui Sara, sa femme, Loth, son neveu , et tous les biens qu'ils possédaient, entra dans la terre de Chanaan (Israël actuel).  Il planta successivement ses tentes dans un lieu appelé Sichem , puis dans un autre appelé Béthel. A chaque nouveau campement, il élevait un autel au Seigneur et lui offrait des sacrifices. Puis une famine l'obligea de se réfugier en Égypte, où, grâce à une protection divine, il put échapper à des dangers sérieux, et il revint, toujours avec son neveu, en Chanaan. Abraham avait déjà fait preuve de deux vertus bien chères à Dieu : l'obéissance et la foi.

Lorsque Dieu lui donna l'ordre de quitter le lieu  qu'il habitait depuis longtemps, ou résidaient tous les siens, il n'hésita pas et partit aussitôt. Puis, quand Dieu lui promit que la terre de Chanaan lui appartiendrait et que pourtant il fallait la quitter pour se rendre en Égypte, sa foi ne fut point ébranlée. Elle ne se troubla pas davantage, lors que Dieu lui promit qu'il deviendrait le père d'un grand peuple, lui qui était déjà d'un âge avancé et qui n'avait jamais eu d'enfants. A peine était- il revenu d'Égypte, qu'il fit éclater une autre vertu bien précieuse , mais bien rare dans les familles, l'amour de la paix et de la concorde . Abraham et Loth possédaient des troupeaux tellement nombreux qu'ils avaient de la peine à trouver dans le même canton des pâturages suffisants, et qu'à cette occasion des querelles s'élevèrent entre les serviteurs des deux patriarches. Abraham dit alors à Loth : « Je t'en prie, qu'il n'y ait point de dispute entre toi et moi, entre tes pasteurs et les miens ; car frères. Toute la terre est devant toi. Choisis donc. Si tu vas à gauche, j'irai à droite ; si tu vas à droite, j'irai à gauche. »

Loth, se préoccupant seulement de la beauté du pays, des magnifiques cours d'eau qui l'arrosaient, des cités florissantes qui s'y élevaient, choisit les bords du Jourdain et les villes de Sodome et de Gomorrhe, sans être arrêté par cette considération que leurs habitants étaient les plus pervers et les plus corrompus des hommes. Abraham continua d'habiter sous des tentes et de parcourir, en tous sens, la terre de Chanaạn, promise de nouveau par Dieu à sa postérité. Cependant Abraham , qui aimait la paix, savait au besoin faire la guerre. Tous les habitants de Sodome, et Loth parmi eux, ayant été emmenés en captivité par des rois voisins, Abraham arme ses serviteurs, et, tombant sur les vainqueurs, leur enlève tout leur butin , les hommes et les femmes, et les troupeaux, qu'il ramène à Sodome.

Plus tard , - j'anticipe un peu sur les évènements pour n'interrompre ni l'histoire de Sodome, ni celle de Loth, — les iniquités des Sodomites et des Gomorrhéens devinrent si criantes que Dieu résolut d'y mettre fin par un châtiment mémorable. C'est alors qu'entre Dieu, qui daignait souvent s'entretenir familièrement avec son serviteur Abraham , qu'entre Dieu, dis-je, et Abraham, eut lieu un dialogue plein d'enseignements et que nous ne saurions trop méditer. « Seigneur, dit Abraham , est- ce que vous voudriez perdre le juste et le coupable ? ... S'il se trouve seulement cinquante justes à Sodome,  n'épargnerez -vous pas, à leur considération, cette ville coupable ? » Le Seigneur le promit. Abraham fit la même requête, toujours suivie de la même réponse, pour quarante -cinq, pour quarante, puis pour trente, puis pour vingt, puis pour dix. Il ne se trouva pas dix justes dans Sodome, et Sodome dut périr . Vous vous demandez quelquefois, chers lecteurs, à quoi servent tant d'hommes et de femmes qui semblent pousser la vertu jusqu'à l'excès, qui se refusent les satisfactions les plus légitimes, qui passent leurs jours dans la pénitence, dans la mortification, dans une vie de prière perpétuelle et de volontaire dévouement. Ces saintes âmes, mes amis, ce sont les justes qui empêchent le courroux de Dieu de nous punir; c'est le paratonnerre qui écarte la foudre de nos têtes coupables. Grâce à cet admirable dogme de la communion des saints, grâce à la bonté de Dieu qui veut bien se laisser désarmer par les bonnes œuvres des innocents, et ne point punir les crimes des méchants, du moins, leur laisser le temps de faire pénitence, - nous échappons à des châtiments qu'hélas ! nous ne mériterions que trop.

Cependant deux anges arrivent un soir aux portes de Sodome. Loth, qui se trouvait là, s'avance à leur rencontre, se prosterne devant eux, et n'a de repos qu'il ne les ait amenés chez lui et leur ait rendu tous ces bons offices avec lesquels, en ces temps antiques, on avait coutume d'ac cueillir les étrangers. Le lendemain , ses hôtes annoncent à Loth que la ville va être détruite de fond en comble, et l'en gagent à sortir au plus vite , lui et tous ceux de sa famille. Avertis par Loth , ses futurs gendres crurent qu'il se moquait d'eux et refusèrent de le suivre. Cependant les anges pressaient Loth de partir, et voyant qu'il tardait, ils l'entraînèrent par la main , lui, sa femme et ses filles . Une fois hors de la ville : « Garde - toi, lui dirent- ils , de t'arrêter en route ou de regarder derrière toi . Ne te repose que quand tu auras gagné la montagne. » Loth obéit. A peine est-il en sûreté que Dieu fait tomber sur les deux villes coupables une pluie de soufre et de feu . Je ne dois pas oublier de dire que la femme de Loth n'avait pas su obéir à l'ordre de l'ange. Pendant la route, elle jette un regard furtif derrière elle .... Elle est immédiatement changée en une statue de sel. Que de statues semblables nous verrions, si Dieu punissait toujours avec une pareille rigueur deux vices qu'on dit fréquents: la désobéissance et la curiosité !


CHAPITRE VIII.

Naissance d'Isaac . - Sacrifice d'Abraham.


Nous avons parlé de la foi d'Abraham , la foi, cette vertu qui consiste à croire même les choses que l'on ne sait pas et que l'on ne comprend qu'imparfaitement, parce que la parole infaillible de Dieu nous est garante de la vérité de ces choses. Or, à plusieurs reprises, Dieu avait promis à Abraham qu'il sortirait de lui un grand peuple. Abraham cependant n'avait jamais eu d'enfant de Sara, sa femme, et Sara était déjà vieille . Selon l'usage de ces temps, il avait pris pour seconde femme Agar, sa servante, et celle-ci lui avait, il est vrai, donné un fils , Ismaël; mais , tout en promettant à Ismaël de brillantes destinées , ce n'était pas de lui, avait dit le Seigneur, que sortirait le peuple d'élection, celui chez lequel le Messie lui même devait naître . Un tel honneur était réservé au fils de Sara . Un jour, au plus fort de la chaleur de midi, Abraham était assis devant la porte de sa tente, dans la vallée de Mambré. Trois voyageurs tout à coup se trouvèrent devant ses yeux. Le patriarche s'empresse de leur faire le meilleur accueil. Il ordonne à Sara de leur cuire des pains sous la cendre ; lui-même choisit dans ses troupeaux le veau le plus gras et le plus tendre , et le donne à ses serviteurs pour le faire rôtir. Il y joint du beurre et du lait, et, pendant que ses hôtes réparent ainsi leurs forces, il demeure debout à côté d'eux.

Ces hôtes étaient des anges ! « Où est Sara? dit l'un . Dans sa tente, répondit Abraham . - A pareil jour, dans un an , je reviendrai, et Sara aura un fils. » Sara rit de cette parole, puis cherche à s'excuser en disant qu'elle n'a point ri. Plus sage, Abraham n'avait pas hésité à croire à la parole de Dieu . « Est-ce qu'il y a quelque chose de difficile au Seigneur ? » avait dit l'ange en réponse au sourire incrédule de Sara ! Parole que nous devrions avoir plus souvent présente à l'esprit, qui donnerait plus de confiance, et par conséquent plus d'efficacité à nos prières, et qui nous servirait à repousser victorieusement tant de pitoyables objections contre les miracles : miracles évangéliques et miracles de la vie des saints, miracles permanents qui éclatent partout dans la religion catholique.

Car, à quoi, je vous prie , se résument toutes ces objections ? A considérer Dieu comme un homme, à disputer sur les limites de sa puissance... comme si Celui qui a fait de rien toutes choses pouvait trouver dans les créatures un obstacle à ses volontés, toujours souverainement sages, toujours souverainement maîtresses et des temps et des lieux ! Donc, selon la promesse de Dieu , Sara mit au monde un fils, que l'on appela Isaac. Abraham avait alors cent ans. Dieu, voulant éprouver de nouveau la foi d'Abraham, lui dit un jour : « Tu vas prendre ton fils Isaac, et me l'offrir en holocauste sur une montagne que je te montrerai. » Abraham ne conteste pas avec Dieu ; il n'hésite pas. Au milieu de la nuit il se lève ; il prépare son âne pour le voyage, il prend avec lui deux serviteurs et son fils Isaac, et, ayant coupé le bois nécessaire au sacrifice, il se dirige vers le lieu que le Seigneur lui avait indiqué.

Le trajet était long, mais son courage ni sa foi n'avaient point faibli . Le troisième jour, il aperçut de loin le lieu, et il dit à ses serviteurs : « Attendez -nous ici avec l'âne ; l'enfant et moi nous allons adorer Dieu sur la montagne, puis nous « reviendrons vers vous. » Il charge Isaac du bois qu'il avait coupé ; lui-même porte en sa main le glaive et le feu . « Mon père, dit Isaac, voici le feu et voici le bois ; où est donc la victime ? - Dieu y pourvoira, mon fils, » dit Abraham . Et ils continuaient de cheminer. Arrivés au lieu que Dieu lui avait désigné, Abraham у élève un autel, y entasse le bois, et ayant attaché dessus son fils Isaac, il saisissait son glaive pour l'immoler, quand un ange du ciel s'écria : Abraham ! « Me voici, dit celui- ci. Ne porte pas la main sur l'enfant et ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant combien tu  crains Dieu, puisque, pour lui obéir, tu n'as pas épargné ton fils unique. Et, se retournant, Abraham vit un bélier arrêté par ses cornes parmi les buissons , et l'ayant pris, il l'offrit en holocauste.

Dieu renouvela ses promesses à Abraham : sa postérité serait multipliée comme les étoiles du ciel et les grains de sable de la mer ; surtout en sa descendance seraient bénies toutes les nations de la terre . Il ne faut pas quitter l'histoire du sacrifice d'Abraham sans considérer de quel sacrifice plus auguste il était la figure. L’Écriture appelle Isaac le fils unique d’Abraham, comme Notre- Seigneur Jésus- Christ était le fils unique de son Père. C'est sur une montagne que se prépare le sacrifice d’Isaac et que se consomme celui de Jésus. De même qu'avant d'arriver à la montagne Isaac chemine trois jours, le nouvel Isaac parcourt, pendant trois ans, les bourgades de la Judée avant de monter au Calvaire . Isaac , comme plus tard Jésus, porte lui- même sur ses épaules le bois de son sacrifice. Tous deux sont innocents, et tous deux sont la tige d'un grand peuple, Isaac du peuple juif, Jésus du peuple chrétien. La douceur d’Isaac, qui marche volontairement où le mène la volonté paternelle, qui se laisse saisir sans résistance et n'a pas une plainte pour cette mort précoce et imméritée, est encore une figure de l'Agneau immolé pour les péchés du monde. Imitons les admirables vertus de ce divin Agneau , sa simplicité, sa douceur, sa pureté, sa résignation , son esprit de sacrifice, et tâchons  qu'il n'ait pas été en vain immolé pour nous.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 13:59

CHAPITRE IX.

Mariage d'Isaac. (Genèse 24,1)

Abraham vieillissait. Le Seigneur avait béni en toutes choses ce saint patriarche, dont il avait mis la foi à de si rudes épreuves. Un jour, Abraham appela le chef de ses serviteurs, Eliezer, et lui fit jurer de la manière la plus solennelle qu'il ne laisserait pas Isaac prendre une épouse parmi les filles de Chanaan . « Va donc, lui dit - il, en Mésopotamie, le pays qu'habitent mes parents, et ramène de là une femme pour mon fils.» Docile à l'ordre de son maître, Eliezer prend avec lui dix chameaux chargés de présents et se dirige vers le lieu qu'habitait Nachor, frère d'Abraham. Arrivé sur le soir aux portes de la ville , il s'arrête auprès d'un puits, où les femmes du pays. avaient coutume de venir puiser de l'eau. « Tel maître, tel serviteur, » dit le proverbe. Eliezer avait appris d'Abraham , de ses exemples plus encore que de ses leçons, à mettre toute sa confiance en Dieu. Désireux de bien remplir la délicate mission dont il est chargé, c'est donc vers Dieu qu’Éliézer se tourne d'abord ... mais avec une confiance filiale, avec cette foi capable, comme l'a dit plus tard Notre-Seigneur Jésus-Christ lui même, de transporter les montagnes. « Seigneur, dit- il, Dieu de mon maître Abraham , venez -moi en aide. Voici que je me tiens auprès de cette fontaine, et que les filles des habitants de cette ville vont sortir pour puiser de l'eau . Que la jeune fille à qui je dirai : Incline ta cruche, afin que je boive, et qui, non contente de me donner à boire, en donnera aussi à mes chameaux, que celle -là soit l'épouse que vous avez préparée à votre serviteur Isaac, »

Il n'avait pas fini d'agiter ces pensées en lui même, et voici venir Rebecca, fille de Bathuel, lequel était lui-même fils de Melcha et de Nachor, frère d'Abraham . Elle portait sa cruche sur son épaule. Toute brillante de beauté, de grâce et de pudeur, elle était déjà descendue jusqu'à la fontaine et s'en retournait, ayant rempli son vase . Éliézer se présente à elle. « Donne-moi, lui dit - il, un peu à boire . Buvez ,mon seigneur ,» lui répondit-elle aussitôt; et, plaçant bien vite sa cruche sur son bras gauche et l'inclinant avec sa main droite, elle donna à boire à Éliézer. Lorsqu'il eut bu, elle ajouta : « Bien plus, je vais aussi puiser de l'eau pour vos chameaux jusqu'à ce qu'ils aient tous bu .» Et, retournant au puits en toute hâte, elle en tira de l'eau qu'elle répandit dans les canaux . Les chameaux en burent tout leur content. Eliezer la contemplait en silence,se demandant si le Seigneur avait béni son voyage.

Puis il lui offrit des pendants d'oreille et des bracelets d'un grand prix; et, l'interrogeant, il apprit de qui elle était la fille, et qu'il y avait chez son père place pour loger les étrangers, et du fourrage en abondance pour nourrir les chameaux . Pendant que, se prosternant jusqu'à terre, il remerciait Dieu, le Dieu d'Abraham, la jeune fille courut à la maison paternelle et redit à ses parents tout ce qui venait de se passer. Alors le frère de Rebecca, Laban, d'accourir vers Éliézer, qui n'avait quitté ni ses chameaux, ni le bord de la fontaine. « Venez donc, lui dit- il, vous qui êtes le béni du Seigneur. Pourquoi demeurez- vous dehors ? J'ai préparé un appartement pour vous et un lieu pour recevoir vos chameaux.»

Et, le faisant entrer chez son père, Laban donna aux chameaux de la paille et du foin , lava les pieds d'Éliézer et des serviteurs qui l'accompagnaient, et leur servit à manger. Mais Eliezer dit : « Je ne mangerai pas jusqu'à ce que j'aie dit ce que j'ai à dire .» - Parlez, lui dit Laban .

«Je suis, dit Éliezer, le serviteur d'Abraham . Et le Seigneur a béni mon maître. Il lui a donné des boeufs et des brebiş, des serviteurs et des servantes, de l'argent et de l'or, des ânesses et des chameaux. Sara, son épouse, déjà avancée en âge, a mis au monde un fils, Isaac. A ce fils, mon maître Abraham abandonne tous ses biens. Et mon maître, craignant par-dessus tout que son fils ne prît une femme parmi les filles des Chananéens , chez lesquels nous habitons, m'a envoyé vers le pays de son frère, pour que j'en ramène celle qui doit être la compagne d'Isaac Le Seigneur, m'a dit Abraham , le Seigneur, en présence de qui je marche, enverra devant toi son ange qui dirigera tous tes pas. Je suis donc arrivé aujourd'hui à cette fontaine. Là, j'ai prié le Seigneur de m'indiquer lui- même celle qu'il destine à Isaac. - Que ce soit celle, ai je dit, qui me donnera à boire à moi et à mes chameaux. Rebecca vous a raconté le reste. Maintenant, si vous êtes favorables à ma demande, dites- le -moi, afin que j'amène au fils de mon maître la fille de Nachor. S'il en est autrement, dites-le-moi aussi, afin que je m'éloigne.»

C'est du Seigneur que vient un tel langage, répondirent le père et le frère de Rebecca. Nous ne pouvons que suivre la volonté d'en haut. «Voici Rebecca devant vous. Prenez- la , partez avec elle , et qu'elle soit l'épouse du fils de votre maître, ainsi que le Seigneur l'a dit .» Entendant ces paroles, le serviteur d'Abraham se prosterna et adora le Seigneur. Puis il offrit à Rebecca, à sa mère, à ses frères, de riches présents. Un magnifique festin , qui se prolongea jusqu'au jour, réunit les voyageurs et leurs hôtes. De grand matin, Eliezer se leva. « Laissez -moi partir, dit- il, afin que je retourne vers mon seigneur.» Les frères et la mère de Rebecca insistèrent pour que la jeune fille restât au moins dix jours avec eux, et, comme Éliézer de son côté insistait pour partir et l'emmener : « Appelons Rebecca, dirent ses parents, et sachons ce qu'elle désire. Veux -tu aller avec cet homme?» lui dirent- ils. «Je le veux bien, » répondit Rebecca.

Ils la laissèrent donc partir, elle et sa nourrice, avec Éliezer et ceux qui l'avaient accompagné. Leurs adieux furent touchants. « Tu seras toujours notre soeur,» dirent- ils à Rebecca . «Puisse ta postérité se multiplier à l'infini, et être toujours prospère et puissante. » Cependant la caravane cheminait. Le jour baissait , et Isaac, étant sorti de son habitation, se promenait, en réfléchissant, à travers la campagne. Ayant levé les yeux, il vit de loin des chameaux qui se dirigeaient de son côté. Rebecca aussi , l'ayant aperçu, dit à Eliezer : « Quel est cet homme qui vient , à travers ce champ, à notre rencontre ? C'est mon maître , dit Éliézer. » Aussitôt la jeune fille se couvrit de son voile . Éliézer raconta à Isaac tout ce qu'il avait fait. Introduisant Rebecca dans la tente de Sara, sa mère, Isaac la prit pour épouse. Et il l'aima tant que la douleur qu'il avait ressentie de la mort de Sara en reçut quelques adoucissements. Je n'ai presque fait jusqu'ici, mes chers amis, que transcrire, mot pour mot, la divine Écriture. N'est-ce pas que ce récit est d'une grande beauté, et qu'il peint d'une manière admirable les moeurs simples des patriarches ?

Les leçons y abondent aussi. Une des plus importantes, une de celles que nous pouvons, avec le plus de fruit, nous appliquer à nous-mêmes, est relative à cet acte si grave, que nous accomplissons souvent avec une si déplorable légèreté : le mariage.

Abraham, se sentant vieillir, veut marier Isaac. Certes, autour du patriarche, il ne manque pas de riches héritières ; il n'a qu'à choisir parmi elles pour trouver à son fils une compagne, en apparence digne de lui . Mais les Chananéennes n'adoraient pas le vrai Dieu ; adonnées à la plus grossière idolâtrie, portées à tous les vices qui en découlent , comment Abraham , sous prétexte qu'elles étaient riches, belles, bien apparentées, eût-il fait entrer dans sa famille de pareilles ennemies de Dieu ? Il préfère envoyer son serviteur Éliézer chercher une femme pour Isaac, là où il sait qu'il rencontrera de la religion et de la vertu .

Avis aux parents qui, quand il s'agit d'établir leurs enfants, ne pensent guère qu'au côté financier de l'affaire. Avis à ceux qui, pourvu que certaines convenances se rencontrent, se décident sans réflexion . Le voyage d'Eliezer nous montre qu'on ne saurait aller trop loin, ni se donner trop de peines pour trouver ce trésor inestimable : une femme selon le coeur de Dieu . J'ai déjà parlé de la foi d'Eliezer, de cette confiance qui lui fait presque demander à Dieu un miracle pour l'aider à découvrir celle qui doit être la femme d'Isaac. Sans doute, Dieu ne doit de miracle à personne, et ce serait souvent une coupable témérité de lui en demander un. Mais mettre sous sa protection une affaire aussi importante que le mariage de nos enfants, implorer ses lumières, c'est une confiance filiale qu'il aime et récompense . La foi nous apprend que la religion est la source , le fondement, la garantie de toutes les vertus ; que nous serions par conséquent aussi imprudents que coupables si , dans l'établissement de nos enfants ou notre propre établissement, nous oubliions de nous informer de cette grave question : mon fiancé, ma fiancée, mon gendre, ma bru , sont- ils de bons chrétiens ? S'ils ont l'habitude de manquer à leurs devoirs envers Dieu, comment espérer qu'ils seront fidèles à cette série d'obligations, souvent pénibles, qu'entrainent le mariage, et plus tard la paternité, la maternité ?

Admirez encore, dans cette histoire , quel empressement chacun des personnages met à suivre la voix de Dieu, dès qu'il croit l'avoir entendue. A peine Éliézer a - t - il raconté le message dont l'a chargé Abraham et les circonstances providentielles qui l'ont amené jusqu'au toit de Nachor, que les parents de Rebecca, tout affectionnés qu'ils lui soient, si affligés qu'ils doivent être de la voir partir, peut-être de se séparer d'elle pour jamais, n'hésitent pas cependant. Dieu a parlé; il n'y a qu'à obéir . Et lorsque, le lendemain, Eliézer veut que le départ soit immédiat, sans doute Bathuel et Laban commencent par réclamer un délai ; mais ils cèdent aussitôt, remettant la chose à la décision même de Rebecca ; et celle - ci, voyant dans toute la suite de ces évènements la volonté d'en haut, consent à partir avec Eliezer sans retard .

Enfin, notez les deux traits suivants. Le moment où Rebecca , du plus loin qu'elle aperçoit Isaac, descend de sa monture et se couvre de son voile : belle leçon de réserve et de modestie. Puis, cette dernière parole de l'Écrivain sacré : « Isaac introduisit Rebecca dans la tente de Sara , et la prit pour épouse. Et il l'aima tant, que la douleur qu'il venait d'éprouver de la mort de sa mère en reçut quelque adoucissement. »

Trait d'amour à la fois ingénu et profond, nous dit un écrivain de nos jours, qui montre dans Isaac le bon fils pleurant sa mère,et le mari touché des grâces de son épouse . Le fils n'oublie pas sa douleur ; mais il la sent s'adoucir. C'est dans la tente de sa mère , dans ces lieux pleins du souvenir de celle qui était le coeur de l'ancienne famille, qu'il introduit son épouse, c'est- à - dire celle qui va devenir à son tour le coeur de la nouvelle famille, rapprochant ainsi sa douleur et sa joie, pour les tempérer l'une par l'autre . Alors le chagrin perd son amertume, la joie perd son ivresse ; et il ne reste plus qu'un bonheur grave et pieux qui est la plus noble expression de l'amour conjugal.  


CHAPITRE X.

Jacob et Esaü (Genèse 25,19)

Vous vous souvenez de la naissance miraculeuse d'Isaac et de cet ange arrêtant, sur la montagne , le bras d'Abraham prêt à frapper son fils unique . Dieu, après avoir fait de si merveilleuses promesses à la postérité d'Abraham , voulut mettre, une troisième fois, à l'épreuve la foi des saints patriarches. Longtemps l'union d'Isaac demeura stérile . Mais, cédant aux prières de son serviteur , Dieu donna deux enfants à Rebecca, Esaü et Jacob . Esaü était l'aîné . Ce que nous avons vu au commencement de l'histoire sainte, à propos des premiers frères, Caïn et Abel, semblait presque devoir se renouveler ici .

A mesure que les enfants grandissaient, Esaü se montra dur et violent, laboureur infatigable et habile chasseur. Jacob, homme doux et simple, était le préféré de sa mère Rebecca, dont il ne se séparait guère. Isaac affectionnait davantage Esaü, qui lui donnait souvent à manger du produit de sa chasse. Ce divertissement favori d'Esaü, qui ne tarda pas à tourner en passion, lui devint fatal. Un jour qu'il revenait harassé, Jacob achevait de préparer un plat de lentilles . « Donne-moi de ce plat roux, dit le chasseur à son frère. Volontiers, mais à condition que tu me vendras ton droit d'aînesse. A quoi me servira mon droit d'aînesse, dit Esaü, puisque voici que mon épuisement est tel que je me sens mourir ? Jure- moi donc que renonces pour moi à ton droit d'aînesse. »

Esaü, cédant à l'attrait de la gourmandise et à cette pente de la passion qui ne voit que la jouissance du moment, jura, sacrifiant ainsi , pour un misérable aliment, tous les privilèges attachés au droit d'aînesse ; - image frappante de la folie du pécheur qui, pour une satisfaction d'un moment, ne craint pas d'offenser Dieu mortellement et de perdre ce qui est bien autrement précieux que le droit d’aînesse, la paix de la conscience et le droit au bonheur éternel.

Cependant, poussé tantôt par une disette , tantôt par des querelles fréquentes qu'amenait entre ses pasteurs et ceux de ses voisins la propriété des puits, chose si précieuse dans ces climats brûlants. Isaac voyageait de contrée en contrée ; vie errante, qui avait aussi été celle de son père et qui doit nous rappeler que la vie de l'homme n'est qu'un voyage, que notre demeure d'ici-bas est semblable à la tente du berger, qu'au ciel seulement est notre habitation permanente. A plusieurs reprises, Dieu renouvela à Isaac les promesses faites à Abraham : promesse de posséder un jour cette terre de Palestine, qu'il sillonnait en tous sens, promesse qu'un jour sa postérité se multiplierait prodigieusement, surtout qu'en lui seraient bénies toutes les nations de la terre.

Cette dernière promesse annonçait clairement la venue du Messie, qui devait naître de la race d'Abraham . Isaac vieillissait. Avant de mourir, il voulut donner une dernière bénédiction à son fils Esaü. L'Écriture raconte tout au long par quelle ruse Jacob, cédant aux instances de Rebecca sa mère, surprit cette bénédiction . Que Dieu, lui dit Isaac, te donne la rosée du ciel et la graisse de la terre... Sois le maître de tes frères, que celui qui te maudira soit maudit; qu'il soit comblé de bénédiction, celui qui te bénira ! Arrivé trop tard, Esaü se répandit en reproches contre Jacob . Pour le calmer, Isaac lui donna aussi une bénédiction , mais bien moins étendue et qui avait trait surtout à une prospérité terrestre. Remarquez en effet qu'intervertissant l'ordre suivi pour Jacob, Isaac dit à Esaü que sa bénédiction porterait sur la graisse de la terre et la rosée du ciel.

Ici, je ne puis m'empêcher de répondre d'avance à une objection que la lecture du texte sacré pourrait suggérer à quelques- uns d'entre vous. Il semble que cette ruse pour supplanter Esaü ne soit, ni de la part de Rebecca, ni de la part de Jacob, une chose bien louable; que surtout en affirmant à deux reprises à son père qu'il était Esaü, Jacob ait formellement blessé la vérité . Il y a à cela trois réponses. La première, c'est que l'Écriture ne dit pas que cette conduite ait été louable, et qu'elle ne la propose pas à notre imitation . En second lieu, Jacob peut avoir suivi une inspiration de Dieu qui ne vous est pas connue. Il y a dans l'Ancien Testament, l'on rencontre souvent dans la Vie des Saints, des faits inexplicables, qui semblent même coupables, et qui trouveraient leur explication , leur justification même quelquefois, dans des circonstances que nous ignorons. En troisième lieu , disons que l'on ne saurait trop admirer la sagesse de l’Église catholique qui n'autorise la lecture des livres saints que moyennant certaines conditions de texte et de commentaires.

Livrés indistinctement à la curiosité de chacun, plusieurs des récits de l'Ancien ou du Nouveau Testament peuvent amener de fausses et fâcheuses interprétations. On peut y voir ce qui n'y est pas, comme ce dépositaire infidèle qui, pour se dispenser de rendre un dépôt, s'appuyait sur ce texte de saint Paul : Depositum custodi; « garde le dépôt; » c'est -à - dire : sois fidèle aux saintes doctrines qui t'ont été confiées. Esaü conservait une profonde rancune contre son frère Jacob . Bientôt mon père mourra, disait- il, et alors je tuerai mon frère Jacob. Ce propos étant arrivé aux oreilles de Rebecca, elle envoya Jacob chez Laban, son frère.... Jacob et Esaü, éloignés pendant près de vingt ans l'un de l'autre, avaient prospéré. Cependant Jacob se vit obligé de revenir dans le lieu qu' habitait son frère.

Mais apprenant qu'Esaü, prévenu de son retour, se disposait à venir à sa rencontre, et craignant que quelque chose de son ancienne animosité ne subsistât, il implora d'abord avec instance la protection de Dieu . « Dieu de mon père Abraham et de mon père Isaac, dit - il, Dieu qui m'as ordonné de retourner au pays de ma naissance, je ne mérite pas toutes les miséricordes et les bienfaits dont tu m'as comblé . Je n'avais que mon bâton quand j'ai passé ce fleuve du Jourdain , il y a longues années, et maintenant je le repasse avec de nombreux serviteurs et des troupeaux de toute sorte. Arrache moi donc des mains d’Esaü, mon frère. N'as- tu pas dit que tu multiplierais ma postérité comme le sable de la mer? »

Puis, il prit toutes les précautions possibles en cas d'attaque. Il envoya au -devant de son frère de riches présents : taureaux et génisses, brebis et béliers, chèvres et boucs, chameaux , ânesses, etc. Adouci par ces prévenances, heureux aussi sans doute de revoir, après vingt ans, le compagnon de son enfance , oubliant ses méchants desseins, conçus jadis sous l'influence de la colère, Esaü se jeta dans les bras de son frère. Leur entrevue fut touchante et ils se séparèrent dans les meilleurs termes .

Ah ! si nous savions toujours opposer la douceur à la violence, vaincre le mal par le bien, comme dit l’Écriture, si nous étions prêts à faire tous les sacrifices pour conserver ou pour reconquérir la paix de nos familles, si nous invoquions, pour obtenir cet heureux résultat , Dieu qui se fait appeler le Dieu de la paix, combien deviendraient plus rares les querelles entre proches parents, les procès, les haines, les rancunes qui passent de génération en génération, et ce grand scandale de voir ceux qui devraient s'aimer comme les enfants d'une même mère, toujours en guerre les uns contre les autres !


CHAPITRE XI.

Histoire de Joseph . (Genèse 37,2) - vers 1700 Av J.C. en Égypte

Jacob , pendant son séjour en Mésopotamie, chez Laban, son oncle , avait épousé successivement,selon l'usage de ces temps primitifs, les deux filles de Laban, Lia et Rachel. Lia eut beaucoup d'enfants; Rachel en eut deux seulement, Joseph et Benjamin, les préférés de leur père . L'histoire de Joseph mérite de nous intéresser, d'abord à cause des évènements extraordinaires et des salutaires leçons qu'elle renferme, ensuite et surtout parce que Joseph a été, dans toute sa vie , l'une des plus parfaites figures de Notre-Seigneur Jésus- Christ. L'affection que le patriarche témoignait à Joseph avait excité l'envie de ses frères ; ceux -ci lui reprochaient d'avoir dénoncé à leur père leurs mauvaises actions, et ne lui pardonnaient pas d'avoir raconté certains rêves dans lesquels Joseph jouait le principal rôle, croyant voir dans un champ où il liait des gerbes avec ses frères la sienne se dresser, tandis que celles de ses frères s'inclinaient devant elle . L'envie ,-nous l'avons vu déjà - quand on n'y résiste pas, conduit bientôt à tous les crimes.

Joseph avait à peine seize ans, il gardait avec ses frères les nombreux troupeaux de son père. Un jour qu'envoyé vers eux par son père, il les cherchait du côté de Sichem , ceux -ci résolurent de le tuer . « Voici notre songeur, » se dirent- ils les uns aux autres. Pourtant l'un d'eux, Ruben, obtint qu'au lieu de le tuer, on se contentât de le dépouiller de ses vêtements et de le jeter dans un vieux puits des séché. Peu de temps après , des marchands ismaëlites qui se rendaient en Égypte venant à passer , les frères de Joseph le vendirent moyennant vingt pièces d'argent. Puis ils rapportèrent à Jacob la tunique de Joseph trempée dans le sang d'un chevreau... Le pauvre père crut qu'une bête sauvage avait dévoré son enfant, et il ne se pouvait consoler.

Amené en Égypte , Joseph fut vendu à Putiphar, l'un des principaux officiers de la cour de Pharaon, roi de ce pays. Joseph obtint bientôt les bonnes grâces de son maître, qui le mit à la tête de toute sa maison ; et Dieu bénissant Joseph, les affaires de l'Égyptien prospérèrent d'une façon merveilleuse. Mais la femme de Putiphar ayant voulu lui faire commettre un grand crime et Joseph s'y étant refusé avec indignation , cette méchante femme l'accusa auprès de son mari, qui le fit mettre en prison . Là encore la grâce de Dieu fut avec lui. Le gouverneur de la prison le prit en amitié et lui remit le soin de tous les prisonniers. Parmi ceux - ci se trouvèrent un jour deux officiers de la cour de Pharaon , Le grand échanson et le grand panetier, qui venaient d'encourir la disgrâce du roi. Une nuit, ils eurent un songe . Le grand échanson raconta ainsi le sien à Joseph : « Il me semblait que je voyais une vigne où il y avait trois branches chargées de boutons, puis de fleurs , puis de fruits, et que, prenant les grappes de raisin, j'en exprimais le jus dans la coupe de Pharaon et que je lui offrais à boire . »

Le grand panetier dit : « Je portais sur ma tête trois corbeilles de farine et dans celle qui était plus élevée que les autres, il y avait des pains et des gâteaux, et les oiseaux en venaient manger. » Joseph interpréta ainsi le songe de l'échanson : « Ces trois branches sont trois jours, après les quels le, roi vous rétablira dans votre charge. Alors, je vous en prie, souvenez-vous de moi. » Il dit au panetier : « Ces trois corbeilles sont trois jours, après les quels le roi vous fera couper la tête et attacher à une croix où les oiseaux déchireront votre chair. » Trois jours après, effectivement, Pharaon rétablit le grand échanson dans sa charge et fit mettre en croix le grand panetier . Le grand échanson , malgré sa promesse, oublia Joseph . Cependant, deux ans plus tard, Pharaon eut un double songe. Il lui sembla qu'il était sur le bord du Nil, le grand fleuve de l'Égypte, d'où sortaient sept vaches grasses qui paissaient dans les marécages. Puis sept vaches maigres sortaient des eaux et dévoraient les premières. Sept épis pleins sortaient d'une tige où ils étaient suivis par sept épis maigres qui les dévoraient. Pharaon , s'étant réveillé , chercha parmi les devins de l'Égypte quelqu'un qui lui expliquât ces songes. Nul ne put y réussir . Alors le grand échanson se souvint de Joseph et raconta au roi combien ce jeune Hébreu était habile dans l'interprétation des songes. On le fit donc sortir de prison et le roi lui raconta sa double vision .

« Vos deux songes, dit Joseph ,signifient la même chose. Les sept vaches grasses et les sept épis pleins indiquent sept années d'abondance dans lesquelles vous allez entrer ; les sept vaches maigres et les sept épis vides, sept années de stérilité qui viendront ensuite . Faites donc choix d'un homme sage qui, pendant les sept premières années, amasse dans les greniers publics une quantité de blé suffisante pour pouvoir traverser les sept années de disette . Où pourrais-je trouver un homme semblable à vous pour faire exécuter ces sages conseils ? » dit Pharaon. Et il établit Joseph sur tout le royaume. Il tira son anneau et le lui mit au doigt. Joseph devint premier ministre de Pharaon et tout-puissant en Égypte. Alors il parcourut tout le pays, fit entasser dans des greniers publics la cinquième partie de la récolte des sept années d'abondance; et, quand vinrent les sept années de stérilité, il vendit le blé aux Égyptiens riches et le distribua gratuitement aux pauvres.

Arrêtons-nous ici un instant pour recueillir  quelques-uns des enseignements que contient cette histoire. Joseph est bien la figure du Messie . Comme lui, il est la douceur et la simplicité même. Comme lui, il excite par ses vertus l'envie des méchants. Comme lui, c'est pour avoir dénoncé leurs désordres que ceux-ci complotent sa mort. Comme Jésus au calvaire, il est dépouillé de ses vêtements. Comme Jésus, il est vendu pour quelques pièces d'argent. En Joseph, comme dans le divin Maître, on voit un étrange enchaînement d'humiliations et de triomphes. Et, de même qu'après avoir traversé les misères de cette vie et les douleurs de sa passion, Jésus-Christ régnera à jamais, non- seulement dans le ciel, mais même ici -bas par les derniers triomphes de son Église, nous voyons Joseph, au sortir de ses épreuves, arriver à une grandeur que rien ne peut plus ébranler. Figure du Christ, Joseph est encore le modèle du chrétien . Admirons particulièrement comme il sut toujours se garder du découragement, l'une des faiblesses les plus ordinaires, même chez de fidèles enfants de l’Église. Les coups successifs qui le frappent ne peuvent l'abattre et Dieu se plaît à justifier son inébranlable confiance. Vendu par ses frères, il est bientôt en faveur auprès de Putiphar. Jeté en prison par celui-ci, à cause de son incorruptible vertu , il devient, même dans la prison, un homme important. Oublié par le grand échanson, il finit pour tant par faire éclater sa sagesse et le roi l'élève aux plus hautes dignités. Savez-vous d'où venait à Joseph cette confiance ? Non de lui-même, mais de Dieu.

« Le Seigneur était avec lui, » dit l'Écriture . Et comme le disent ailleurs les Livres saints : « Si le Seigneur est avec nous, qui sera contre nous ? » Oh ! si nous méditions bien cette parole, que nous serions sages, et que nous serions heureux ! Sages, parce que celui qui sent que Dieu est avec lui s'écarte de tout mal et s'attache invinciblement au bien ; heureux, parce que ce qui fait le bonheur, ce sont moins les grandeurs et les biens de ce monde que la disposition intérieure du coeur. Le chrétien qui est toujours résigné à la volonté de Dieu, qui reçoit de cette main divine la mauvaise comme la bonne fortune, qui sait quelle belle récompense est promise aux âmes dociles, celui-là, fût-il pauvre, est plus heureux que le millionnaire qui n'a pas Dieu avec lui, mais qui au moindre revers de fortune, à la moindre maladie, au moindre chagrin, au moindre contre temps, se révolte, murmure et est tout près de nier la Providence.


CHAPITRE XII.

Histoire de Joseph .  (Suite .)

Nous avons, dans le précédent chapitre, raconté l'intéressante histoire de la première partie de la vie de Joseph : comment, vendu par ses frères, il était devenu entre les mains de la Providence un instrument de salut pour un grand peuple , et com ment Dieu s'était plu à élever son serviteur et à faire briller en lui la sagesse et la prudence.

La famine dont nous avons parlé sévissait non seulement en Égypte, mais aussi dans la terre de Chanaan (de nos jour Israël) qu'habitait Jacob avec sa famille. Jacob, ayant donc appris que l'on vendait du blé en Égypte, y envoya ses dix fils, ne gardant avec lui que Benjamin , ce dernier -né de Rachel. A peine les enfants de Jacob furent- ils arrivés devant Joseph, qu'il les reconnut aussitôt ; mais il ne se fit pas connaître d'eux ; et, craignant, en ne voyant pas le petit Benjamin, qu'ils ne l'eussent traité comme ils l'avaient traité lui-même, il affecta , pour s'en éclaircir, de les prendre pour des espions et commença par les traiter durement. Pour se justifier d'un tel soupçon , ils lui racontèrent qu'ils étaient tous fils d'un même père, resté en Chanaan avec le plus jeune de leurs frères nommé Benjamin , et que la famine les avait poussés en Égypte, pour y acheter du blé. Joseph parut persister dans ses soupçons, et finit par leur dire : « Que l'un de vous aille chercher Benjamin, autrement je ne vous croirai pas. »

Mais, au bout de trois jours, il les laissa partir, ne retenant auprès de lui que Siméon. Ce dur traitement et les paroles sévères de Joseph commencèrent à leur faire sentir leur faute, et la main de Dieu qui les en punissait ; et, comme ils s'en plaignaient entre eux dans la langue de leur pays , Joseph, qui les comprit, en fut touché jusqu'au fond du coeur et se détourna d'eux pour pleurer. Ils s'en allèrent donc emportant sur leurs ânes le blé qu'on leur avait vendu. L'un d'eux, pendant la route, ayant ouvert son sac, reconnut avec surprise qu'on lui avait rendu son argent ; on vérifia , il en était de même pour tous les autres. Joseph, en effet, avait ordonné qu'on remit l'argent dans le sac de chacun d'eux. Retournés auprès de Jacob, ils lui redirent ce qui s'était passé et l'engagement qu'ils avaient pris avec le premier ministre du roi d'Égypte , de lui amener leur plus jeune frère .

Mais Jacob ne pouvait se consoler d'une promesse qui devait lui arracher Benjamin ; il se souvenait de la perte de Joseph, et ne pouvait se résoudre à laisser aller le plus cher et le plus jeune de ses enfants. Cependant la famine sévissant de plus en plus, et Juda, l'un des fils de Jacob, ayant promis à son père de répondre de son jeune frère et de le lui ramener, Jacob finit par consentir à son départ. Ils partirent donc avec des présents qu'ils destinaient au ministre du roi Pharaon. Joseph, les voyant arriver et Benjamin avec eux , leur fit préparer un festin et leur demanda des nouvelles de leur père ; puis, montrant Benjamin qui les accompagnait : «Est-ce là, leur dit- il , ce plus jeune frère dont vous m'avez parlé ? » Et, sur leur réponse affirmative : « Mon fils, ajouta -t-il, je prie Dieu qu'il vous conserve et qu'il vous soit toujours favorable .» - Puis il se hâta de sortir , tant son coeur était ému en voyant ce frère, fils comme lui de Rachel. Il rentra cependant, s'assit à la table, but et mangea avec ses frères. Lorsqu'ils furent prêts à partir, il fit remplir leurs sacs et mettre l'argent dedans comme la première fois, et ordonna que dans le sac de Benjamin on cachât sa propre coupe. Et, quand ils furent à une certaine distance, il envoya à leur poursuite son intendant, qui se plaignit qu'ils lui rendaient le mal pour le bien, ayant volé la coupe de son maître.

Tous protestèrent de leur innocence, mais, les sacs ayant été fouillés, la coupe fut trouvée dans celui de Benjamin . Ils sont ramenés devant Joseph , qui les accable de reproches et veut retenir Benjamin prisonnier. Ils proposent alors de rester à sa place, et Juda, celui qui avait promis de le ramener à son père, représente à Joseph la promesse qu'il avait faite à Jacob et le désespoir que lui causerait la captivité de son plus jeune fils , après la perte d'un enfant dont il n'était pas encore consolé.

Joseph n'avait eu recours à cette ruse que pour mieux faire sentir à ses frères leur faute à son égard, et mieux éprouver leur tendresse envers leur père et envers leur plus jeune frère. Joseph, d'ailleurs, ne pouvait plus se retenir et, voulant mettre un terme à cette scène douloureuse, il commanda que tout le monde sortit, afin que nul étranger ne fut présent lorsqu'il se ferait connaître à ses frères; et alors, laissant échapper des larmes et poussant un grand cri qui fut entendu des Égyptiens et de toute la maison de Pharaon : « Je suis Joseph ! s'écria - t - il, et mon père vit donc encore ! »

Mais ses frères, frappés de terreur au souvenir de ce qu'ils lui avaient fait, ne pouvaient répondre, et lui , s'adressant alors à eux avec bonté : « Approchez- vous de moi ; » et quand ils furent près de lui : « Oui, je suis Joseph, reprit- il, Joseph, votre propre frère, que vous avez vendu en Égypte. Mais ne vous affligez point de m'avoir vendu pour être conduit dans ce pays-ci ; car Dieu l'a permis ainsi pour votre bien, et il m'a envoyé en Égypte pour votre salut.» Il les embrassa tous, les combla de présents, leur dit de se hâter de porter cette nouvelle à leur père, et Pharaon , touché d'un tel évènement, mit des chariots à leur disposition pour ramener de Chanaan leur père, leurs femmes, leurs enfants et jusqu'à leurs troupeaux . Jacob, en revoyant ses fils, eut peine à croire qu'il dût retrouver Joseph et qu'il fût ministre du roi Pharaon . Convaincu cependant par tout ce qu'ils lui disaient et par les présents qu'ils rapportaient avec eux, il se décida à partir . Dès que Joseph, averti par un de ses frères, sut que son père approchait, il alla au -devant de lui, et, voyant son chariot s'avancer, il mit pied à terre pour aller l'embrasser. La joie étouffa leurs paroles et ils se tinrent longtemps dans les bras l'un de l'autre sans rien dire .

Après ces témoignages de joie et les larmes qu’un rapprochement si inespéré causa de part et d'autre, Joseph mena Jacob à Pharaon, et ne rougit pas, dans sa grandeur, d'engager son père et ses frères à déclarer devant le roi qu'ils étaient de simples bergers. Celui- ci leur donna la terre de Gessen (au nord de l`Égypte), pour y habiter, et Joseph , toujours sage , se garda bien d'attirer ses frères à la cour; il préféra qu'ils demeurassent attachés à la vie pastorale qui avait été celle de leurs aïeux, et où ils risquaient moins de s'écarter de la loi de Dieu. N'oublions pas , si nous sommes tentés de trouver notre condition trop humble, que moins on est haut placé dans le monde, moins on y rencontre les tentations de mal faire. Tous les patriarches, le roi David lui - même, ont été bergers ; et le maître des maîtres, Notre - Seigneur Jésus-Christ, a passé trente ans de sa vie dans la boutique d'un charpentier. Jacob mourut en Égypte, mais après avoir fait promettre à Joseph de déposer son corps à côté  de ceux de ses ancêtres, dans la terre de Chanaan .

Il avait commencé par bénir chacun de ses enfants. Arrivé à Juda, il lui annonça qu'il serait le chef de ses frères et que le sceptre ne sortirait pas de sa race, jusqu'à ce que vint le Messie, le désiré des nations. En effet la venue du Messie de Celui que Dieu avait promis dès le commencement du monde, et après lequel soupiraient tous les peuples de la terre coïncide précisément avec l'époque où le sceptre sort de Juda, c'est-à -dire où des rois de race étrangère sont imposés par les Romains au peuple de Dieu.


CHAPITRE XIII.

Moïse . - vers 1200 Av. J. C. (Exode 1 et suivant - Ancien Testament) - Égypte

Après la mort de Joseph et de ses frères, leur postérité se multiplia d'une manière prodigieuse. Un nouveau roi s'éleva en Égypte, qui n'avait point le souvenir des bienfaits dont Joseph avait comblé le pays. Effrayé du grand développement des enfants d'Israël, il les accabla de travaux, et, comme leur nombre augmentait toujours, il ordonna de jeter dans le fleuve tous leurs enfants mâles. Une femme de la famille de Lévi, ayant eu un fils d'une grande beauté, le cacha d'abord pendant trois mois; puis, craignant qu'il ne fût découvert, elle prit une corbeille d'osier, l'enduisit à l'intérieur de poix et de bitume, y plaça le petit enfant, et l'exposa sur la rive du fleuve parmi les roseaux.

La fille du roi, venant pour se baigner, découvrit la corbeille , et , tout émue, s'écria : « C'est sans doute un enfant des Hébreux. Voulez- vous, lui dit la soeur de l'enfant, appostée là par la mère, que je vous aille chercher une femme des Hébreux pour le nourrir ? .. Et elle alla chercher la mère. Adopté par la fille du roi, instruit dans toute la sagesse des Égyptiens , l'enfant fut appelé Moïse, ce qui veut dire sauvé des eaux. Mais, devenu homme, il quitta la cour, pour aller vivre au milieu de ses frères malheureux et persécutés. Poursuivi lui-même, pour avoir pris trop ardemment leur défense contre les violences des Égyptiens, il fut obligé de quitter l'Égypte, et de se réfugier dans la terre de Madian, où il épousa la fille d'un prêtre nommé Jéthro.

Un jour qu'il faisait paître les troupeaux de son beau -père, le Seigneur, qui se souvenait des promesses faites à Abraham , à Isaac et à Jacob, et qui s'indignait des mauvais traitements infligés à leurs descendants, apparut à Moïse dans un buisson que la flamme entourait sans le consumer. Il lui ordonna d'aller trouver les principaux d'Israël, et de leur annoncer la mission qui lui était confiée, de délivrer ses frères de la tyrannie des Égyptiens. Le roi refuserait d'abord de les laisser aller; mais une série de fléaux prodigieux le contraindrait d'accorder un consentement qu'il retirerait chaque fois presque aussitôt que donné, jusqu'à ce qu'un dernier prodige arrachât enfin cette permission de partir . Moïse redit tout cela aux principaux d'Israël : « Celui qui est, leur dit - il, c'est ainsi que Dieu lui -même s'était nommé, – celui qui est m'envoie vers vous. » Puis, devant le roi, Moïse et Aaron , son frère, que Dieu lui avait adjoint, eurent beau rapporter les ordres de Dieu, Pharaon ne fit que redoubler de rigueur envers les Hébreux.

C'est alors que, pour vaincre la résistance de ce monarque orgueilleux, Dieu fit tomber sur l'Égypte une suite de fléaux que l'on appelle les dix plaies d'Égypte : l'eau partout changée en sang ; - une irruption de grenouilles, - de moucherons, de mouches ; une effrayante mortalité parmi les animaux ; -- d'horribles ulcères chez les hommes et les bêtes de somme ; - la grêle et la foudre qui détruisaient tous les fruits de la terre ; -une pluie de sauterelles ; - des ténèbres très- épaisses ... Pharaon résista à tous ces prodiges où éclatait pourtant en traits assez frappants la toute- puissance du Maître de la nature. Dieu se réservait un dernier et décisif argument. Dans une même nuit, tous les premiers-nés des Égyptiens, depuis le fils aîné du roi jusqu'à celui de la plus pauvre femme, furent frappés de mort. La permission de partir fut enfin accordée à Moïse. Avant l'accomplissement de ce dernier prodige, Moïse , de la part de Dieu, avait ordonné à tous les enfants d'Israël d'immoler au Seigneur, chaque année, le quatorzième jour du premier mois du printemps, un agneau d'un an, et d’en manger la chair rôtie, avec des pains sans levain et des laitues amères. Ils devaient, pour ce repas, être debout, les reins ceints, et le bâton du pèlerin à la main.

Cette fête, qui devait perpétuer le souvenir de leur sortie d'Égypte et figurer la grande Pâque des chrétiens, fut appelée la Pâque ou passage. La première fois qu'elle fut célébrée, chaque maison dut être teinte du sang de l'agneau. Dans la nuit , cette marque servit à détourner l'épée de l'ange exterminateur , qui frappa , au contraire, sans en excepter aucune , toutes les demeures des Égyptiens, et fait mourir non -seulement les premiers-nés des hommes, mais même ceux des animaux. Après avoir célébré la Pâque, les Hébreux sortirent d'Égypte. Ils étaient plus de six cent mille , sans compter les femmes et les enfants. Presque tous les évènements rapportés dans la sainte Écriture, nous avons déjà eu plus d'une occasion de le remarquer, sont des figures et comme une préparation du Messie... Mais il n'y a peut- être pas, dans tout l'Ancien Testament, un personnage qui réunisse par anticipation en sa personne un plus grand nombre des traits du divin Sauveur que Moïse.

Comme Jésus naissant échappe au massacre des Innocents et à la fureur d'Hérode, Moïse enfant est sauvé des eaux par une manifeste intervention de la Providence. De même que Jésus s'enfuit en Égypte, et ne revient en Palestine qu'après la mort d'Hérode, Moïse s'enfuit en Madian, et il attend pour retourner dans son pays que le tyran qui l'avait persécuté ait eu un successeur. C'est sur un âne que le divin Enfant voyage avec sa mère, c'est sur un âne que Moïse , revenant de l'exil, place sa femme et ses enfants. Moïse est l'envoyé de Dieu vers son peuple, Jésus le fils unique de Dieu est par excellence le Messie, c'est -à -dire celui qui est envoyé . Moïse est prophète, homme de miracles, libérateur, chef, législateur de son peuple. Dix- sept siècles plus tard, Jésus sera tout cela bien plus excellemment encore . Autres figures : l'agneau pascal est l'image de celui que les prophètes comparent sans cesse à « l'agneau conduit au supplice ; » à « l'agneau qui se tait sous le ciseau du tondeur. »

C'est celui dont saint Jean le Baptiste, son précurseur, dira plus tard : « Voici l'Agneau de Dieu ; » celui que saint Jean, dans sa vision (que l'on appelle l'Apocalypse ), verra au plus haut des cieux , au milieu des adorations et des chants de triomphe des Anges et des Saints . La Pâque des Hébreux, commémorative de leur sortie d'Égypte , est la figure de la Pâque des chrétiens, cette grande fête où nous immolons aussi l'Agneau pascal, où nous célébrons à la fois la résurrection du Christ, sorti vainqueur du tombeau , et la résurrection de l'humanité qui, languissant dans les ombres de l'idolâtrie et la mort du péché, trouva dans Jésus son vrai libérateur, dans le christianisme la vraie terre promise. Pensons à toutes ces choses quand nous lisons l'histoire sainte . Admirons la sagesse et la bonté de Dieu dans ces grands hommes qu'il envoyait à son peuple , en attendant « Celui qui devait venir.» Remercions le ciel d’être nés depuis l'avènement du Fils de Dieu, dans des temps où la lumière de l'Évangile luit pour toutes les âmes de bonne volonté, dans un pays où, dès notre enfance, nous avons été instruits de toutes ces merveilles du christianisme.

Cependant, à peine Pharaon eut- il permis aux Hébreux de partir, qu'il s'en repentit et se mit à les poursuivre avec toute son armée. II atteignit les fugitifs sur les bords de la mer Rouge, que l'on appelle aussi le golfe Arabique, et qui sépare l’Arabie de l'Égypte . Dieu ordonna à Moïse d'étendre la main sur la mer, dont les eaux se séparèrent. A droite et à gauche des Israélites, elles formaient comme deux murailles, entre lesquelles le peuple de Dieu s'avançait à pied sec .... Puis Pharaon , avec ses chars, ses cavaliers , ses fantassins, ayant voulu prendre le même chemin , Moïse étendit de nouveau son bâton sur les eaux. Elles se refermèrent sur l'armée égyptienne, qui périt tout entière .... Pas un seul homme n'échappa. A ce nouveau prodige qui les sauvait d'une perte certaine, les Israélites reconnurent enfin la mission de Moïse , qu'ils avaient accueilli d'abord avec une certaine incrédulité ; et ils célébrèrent par des danses et des chants la puissance et la bonté de Celui qui les avait tirés de l'esclavage.


CHAPITRE XIV .

Moïse . ( Suite. )

En tirant les Hébreux de l'esclavage de l'Égypte, Dieu avait ordonné à Moïse de les conduire dans la terre de Chanaan (de nos jours Israël), cette terre jadis habitée par Abraham, Isaac et Jacob, et dès lors promise à leurs descendants. Sans doute Dieu , qui venait de se jouer, pour ainsi dire, avec les miracles, n'aurait eu qu'à faire un prodige de plus pour amener rapidement son peuple dans la terre promise. Il voulut au contraire qu'avant d'atteindre ce but si désiré , les enfants d'Israël cheminassent pendant quarante ans dans le désert, au milieu de difficultés et de privations sans nombre. Ces quarante années étaient l'image des quarante siècles pendant lesquels l'humanité attendit le Messie . Elles figurent aussi les peines et les misères de cette vie à travers lesquelles nous devons marcher avant d'entrer dans la vie éternelle, notre véritable patrie.

Mais, de même qu'à cause de leurs révoltes et de leurs désobéissances, la plupart de ceux qui avaient quitté l'Égypte moururent dans le chemin et que leurs enfants seuls eurent la joie d'entrer dans la terre de Chanaan, n'oublions pas que le bonheur du ciel ne sera le partage que de ceux qui auront porté vaillamment le poids de cette vie et qui se seront montrés à la fois résignés et courageux . Rien de plus intéressant, rien qui marque mieux la justice et la bonté de Dieu dans le gouvernement des sociétés et des individus, que les divers incidents de ce laborieux voyage des Israélites à travers le désert. Dieu d'abord , comme pour indiquer qu'il doit être notre guide et notre lumière, mit un ange en tête du peuple émigrant. Dans un nuage pendant le jour, pendant la nuit devenu comme une colonne lumineuse, il fut quarante ans le conducteur infaillible des Israélites.

Ne verrons-nous pas là aussi comme une image de la foi, de cette sainte foi catholique que nous avons le bonheur de professer ? Au moment où Pharaon poursuivait le peuple fugitif, la nuée, tournant sa face brillante du côté des Hébreux, n'offrait aux Égyptiens que sa face obscure et contribuait à leur déroute ..... Ainsi, dans la religion, à côté de cette lumière qui frappe et éclaire les âmes de bonne volonté, il y a des obscurités, des mystères. Nous les croyons sans les comprendre, et notre foi n'en est que plus méritoire . Les orgueilleux, au contraire , se révoltent à la pensée que quelque chose dépasse leur faible raison ; et, en dépit de tant de caractères manifestement divins dont est empreint le christianisme, ils oublient cette belle parole d'un philosophe : « Il ne faut pas abandonner un grand nombre de vérités certaines et claires, à cause de quelques points qui sont demeurés obscurs ; » ils tombent dans les ténèbres et les coupables folies de l'incrédulité.

L'homme n'a pas besoin seulement de la lumière qui le conduit. Il lui faut encore la nourriture qui soutient sa vie, l'eau qui le désaltère . Tout cela manquait au désert. Et, à mesure qu'un besoin se faisait sentir, ingrats et oublieux, les Israélites regrettaient la vie dure, mais assurée du moins de la subsistance, qu'ils menaient en Égypte ; ils éclataient en reproches contre Moïse, même en murmures contre Dieu. Dieu, qui est bon avant tout, la plupart du temps pardonnait cette ingratitude . Il parlait à Moïse : Moïse frappait une roche avec son bâton et des eaux abondantes en sortaient. Il ordonnait au peuple de ramasser dès le matin la rosée qui se trouverait aux abords du camp : et cette rosée , que l'on nomma la manne, semblable à de petits grains de gelée blanche, était une nourriture délicieuse qui, pendant quarante années, suffit à l'alimentation de toute cette multitude.

Nous étonnerons-nous de ces prodiges, mes bons amis ? Il faudrait plutôt s'étonner de l'étonnement qu'ils causent à plusieurs.... comme s'il était plus difficile à Dieu de tirer des sources abondantes du flanc d'un rocher que de faire jaillir du néant ce monde et ses merveilles; de répandre autour du camp d'Israël ce pain mystérieux et sans cesse renaissant, que d'avoir déposé dans les plantes qui couvrent la terre cette vertu féconde qui, depuis des milliers d'années, suffit à conserver la vie à des millions de créatures. Mais, comme dit la sainte Écriture, l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu .... Dieu , qui est notre créateur et notre maître, est bien libre sans doute de nous imposer des lois . Et, comme ces lois n'ont d'autre but que de nous rapprocher de lui , chaque fois qu'il daigne se communiquer à nous par un de ces modes plus intimes que l'on nomme révélation, la reconnaissance est le premier sentiment qui doit s'élever dans notre coeur.

Depuis Adam , et pendant l'époque que l'on appelle patriarcale, la loi naturelle avait suffi aux hommes, cette loi que Dieu a gravée dans la conscience de chacun , et qui nous indique que tel acte est bon et doit être accompli , tel autre coupable et doit être évité . Les traditions aussi, ces récits que l'on se faisait de père en fils des merveilles de la création , de ce terrible châtiment du déluge, de la miséricorde de Dieu envers Noé et sa race, contribuaient à maintenir parmi les hommes la connaissance du vrai Dieu.

Pourtant cette connaissance s'était obscurcie de plus en plus, et à l'époque où nous sommes arrivés; seuls les descendants d'Abraham étaient demeurés fidèles à ces traditions et rendaient au Seigneur le culte qui lui est dû . Comme ils allaient être en contact avec un grand nombre de nations chez qui « tout était Dieu , excepté Dieu lui-même, » le Seigneur voulut les prévenir contre les dangers de l’idolâtrie , en leur donnant une loi écrite , où se trouveraient indiquées clairement toutes leurs obligations morales, religieuses, ecclésiastiques, civiles et politiques. Les Israélites étant donc arrivés au pied du mont Sinaï , Dieu communiqua ses intentions à Moïse, et, trois jours après , au milieu des tonnerres et des éclairs, Moïse ayant été appelé sur le sommet de la montagne, une voix se fit entendre qui disait : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t'ai tiré de la terre d'Égypte Vous n'aurez point d'autre Dieu - Vous ne prendrez point en vain le nom du Seigneur votre Dieu. - Souvenez -vous de sanctifier le jour du Sabbat. - Honorez votre père et votre mère, et vous vivrez longuement sur la terre. -Vous ne tuerez point. - Vous ne commettrez point d'adultère. - Vous ne déroberez point. - Vous ne porterez point de faux témoignage contre votre prochain. - Vous ne désirerez pas la femme de votre  prochain . - Vous ne désirerez point la maison de votre prochain , ni son serviteur, ni  sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui est à lui . »

Vous connaissez ces commandements, mes bons amis. On les appelle le Décalogue , c'est-à -dire les dix paroles, ou les commandements de Dieu . Ce sont eux que l'on a mis, pour les plus facilement retenir, en vers français, et que vous récitez tous les jours à votre prière du matin. Vous faites mieux que de les réciter , j'espère; vous les pratiquez . Souvenez-vous de la réponse de Notre-Seigneur à ce jeune homme qui lui disait : « Maître, que ferai-je pour obtenir la vie éternelle ? Observe les commandements, » lui répondit le Maître . Souvenez- vous aussi que toute la loi est renfermée dans ces deux préceptes : Aimez Dieu ; aimez le prochain . Vous auriez beau observer la lettre des commandements, si vous n'aviez pas dans le coeur l'amour de Dieu , si vous nourrissiez quel que sentiment de rancune contre votre prochain , vous manqueriez au premier de vos devoirs.

Vous croirez difficilement que, pendant que Moise était sur la montagne, recevant des mains mêmes de Dieu les commandements gravés sur les tables de pierre , les Israélites, las d'attendre, se construisirent une idole sous la forme d'un veau d'or, et se mirent à l'adorer. Ne commettons- nous pas une faute semblable, lorsque, comblés des bienfaits de Dieu, nous oublions tout pour nous livrer à une de ces passions, véritables idoles que nous portons au fond de nous : l'orgueil, l'amour de l'argent, l'impureté, la colère ? Dans son indignation à la vue d'une semblable ingratitude, Moïse , qui descendait la montagne, brisa les tables de la loi , et, d'après l'ordre de Dieu, punit de mort un grand nombre de prévaricateurs . Puis il retourna à la montagne, obtint le pardon du peuple , et Dieu de nouveau écrivit sa loi sur des tables de pierre . Nous n'entrerons dans le détail ni des lois ecclésiastiques et civiles que Dieu donna à son peuple par l'intermédiaire de Moïse, ni des nombreuses prévarications des Israélites. Notons seulement l'une des dernières. Les murmures de la foule avaient été si violents que Dieu , pour la punir, lui envoya une multitude de serpents venimeux dont la morsure fit périr des milliers d'hommes.

Cependant, comme Dieu est toujours bon, et qu'à peine a -t-il puni, il ne désire rien tant que de pardonner, il ordonna à Moïse d'élever dans les airs un serpent d'airain . Quiconque le regardait était guéri.... Figure manifeste encore de Notre Seigneur Jésus- Christ, élevé, lui aussi, entre le ciel et la terre, et dont la vertu est telle que quiconque tourne vers lui les yeux de son coeur est guéri des blessures que le péché, cet autre serpent, lui avait faites. Moïse, qui avait été le conducteur des Israélites pendant leur long voyage à travers le désert, ne devait point voir la terre promise . Dieu lui avait imposé cette privation pour le punir d'un instant d'incrédulité et de désobéissance. Après la mort d'Aaron , dans la famille duquel Dieu établit l'hérédité du sacerdoce, après que Moïse eut, de la part du Seigneur, imposé les mains à Josué qui devait être son successeur Moïse monta sur le mont Nébo. De loin il aperçut la terre promise, puis il mourut. Moïse est l'auteur des cinq premiers livres de l'Écriture sainte, connus sous le nom de Pentateuque (Genèse – Exode – Lévitique – Nombres - Deutéronome). C'est l'ouvrage le plus antique qui existe ( 1200 ans Av J.C.). Toute l'histoire du monde y est racontée, depuis la création jusqu'aux dernières circonstances du voyage des Israélites dans le désert. Moïse écrivit le Pentateuque sous la dictée de Dieu.  


CHAPITRE XV.

Job. - (Livre de Job – Ancien Testament) ( vers 2,500 à 3000 Av J.C. ?)

Vers l'époque de Joseph ou de Moïse, vivait, dans la terre de Hus, au milieu des idolâtres, un homme appelé Job . C'était un homme simple, droit, craignant Dieu et s'écartant du mal. Il avait sept fils et trois filles. Il était extrêmement riche : c'est par milliers que l'on comptait ses serviteurs, ses brebis, ses chameaux, ses paires de boeufs, ses ânesses . Ici vous m'interrompez, cher lecteur. « Comment ? dites-vous, mais il me semble qu'au contraire ce Job devait être très - pauvre , Ne dit-on pas vulgairement : « Il est pauvre comme Job, » Le Job du proverbe serait- il un autre que le Job de votre histoire ? Le même , mes amis. Mais vous oubliez qu’entre un homme riche et un homme pauvre la différence est bien peu de chose et ne tient le plus souvent qu'à un fil.

Pour Job, voici ce qui arriva. Plusieurs abusent de leurs richesses . Plusieurs n'y voient qu'une occasion de jouissances, quelquefois de désordres. Job , au contraire, non content de faire le bien, de s'écarter du mal, passait une partie de ses journées à prier Dieu pour ses fils et ses filles qui, moins sages que lui, consumaient leurs jours en festins. Sans doute c'est un mérite de ne pas mal user de la prospérité ; mais ce sont les jours mauvais qui sont la véritable épreuve de la vertu . Satan , qui espérait amener le murmure sur les lèvres de Job , le jour où s'écroulerait l'édifice de ses grandes richesses, obtint de Dieu la permission de réduire à une extrême misère cet homme « si grand parmi tous les Orientaux

Un jour donc, quatre messagers vinrent successivement trouver le patriarche, lui annonçant la perte de tous ses troupeaux enlevés par les peuples voisins ou consumés par le feu du ciel, la mort de ses enfants écrasés sous la ruine du bâtiment où ils mangeaient et buvaient. Que croyez-vous que dit Job , en apprenant, coup sur coup, ces terribles nouvelles ? En signe de douleur, il déchira ses vêtements . Mais, loin d'être révolté, sa douleur est résignée ; il se prosterne contre terre, et s'écrie : « Tous ces biens, le Seigneur me les avait donnés ; le Seigneur me les retire. Tout cela s'est fait selon la volonté du Seigneur. Que le nom du Seigneur soit béni ! » Admirables paroles et qui devraient être dans notre bouche, plus encore dans notre coeur, chaque fois que la main de Dieu s'appesantit sur nous ! ...

Dieu ne nous défend pas de regretter les biens qu'il nous retire . Si notre âme est déchirée par la mort d'un père , d'une fille, d'un époux, d'un ami, les larmes ne nous sont point interdites. Notre Seigneur lui-même n'a -t-il pas pleuré sur Lazare son ami (Jean 11,33)? Ce que Dieu nous défend, c'est la révolte contre ses adorables volontés ; ce sont ces murmures aussi insensés qu'ils sont coupables. Dieu n'est-il pas notre maître ? n'est-il pas notre père ? Et, lorsqu'il semble nous accabler , n'y a - t- il pas toujours au fond de ses rigueurs une intention paternelle ? Qu'ils sont heureux ceux qui, au milieu des plus dures afflictions, et alors même que la nature leur fait verser des larmes, répètent la prière résignée de Job, et de qui l'on peut dire, comme l'Écriture le dit de ce saint homme : « En toutes les circonstances , Job ne pécha pas par ses lèvres, et il ne proféra contre Dieu aucune parole insensée. »

Une première fois battu , le démon (l`ange déchu) obtint de Dieu la permission de frapper Job dans son corps. Un ulcère dégoûtant couvrit le saint homme de la tête aux pieds. « Assis sur un fumier, dit l'Écricriture , il râclait avec un tesson la pourriture qui sortait de ses plaies. » Non- seulement Job eut à supporter la douleur et l'horreur de cette affreuse maladie, il lui fallut encore lutter contre les railleries de sa femme. « Persistes-tu encore dans ta simplicité ? lui disait-elle . Bénis donc encore le Seigneur.... et voici que tu vas mourir ! Tu parles comme une insensée, répondit Job. Si nous avons reçu le bien de la main de Dieu , pourquoi ne recevrions-nous pas aussi le mal? »

Et l'Écriture ajoute de nouveau que Job, en tout cela, ne pécha point avec ses lèvres Job avait trois amis . Ils convinrent d'aller en semble le visiter et le consoler. Ils eurent peine à le reconnaître, tant il était défiguré. Puis, s'approchant de lui en pleurant, ils s'assirent à ses côtés, et demeurèrent en silence près de lui, sept jours et sept nuits. Ne vous semble- t - il pas que ce soit le type de la vraie amitié : pleurer avec ceux qui souffrent, se taire près des afflictions profondes, demeurer là, constant sans être importun, à portée de donner aide ou consolation , mais ne voulant rien imposer ? Oui. Eliphaz, Baldad et Saphar, les amis de Job, débutaient bien . Mais , Job ayant lui - même rompu le silence pour épancher sa douleur en sombres lamentations, ses amis voulurent lui répondre.

Se méprenant sur ses sentiments, ils cherchèrent à justifier auprès de lui Dieu qu'il n'avait jamais accusé. Ignorant le mystère de la souffrance, et qu'elle est plus souvent encore épreuve que châtiment, ils voulurent prouver au patient que Dieu, en lui envoyant cette terrible maladie, voulait punir ses crimes... ils précisèrent même sa dureté à l'égard des veuves , des orphelins. La justification de Job est un modèle. Il reconnaît que nul n'est pur, en présence de celui qui est la pureté même... Mais il ne saurait passer condamnation sur des faits évidemment faux. Job n'a jamais été un mauvais riche : sa charité est connue de tous . Poussé à bout par les cruelles observations de ses amis, il les nomme de tristes consolateurs, il en appelle à la justice de Dieu , qui finit par intervenir dans le débat. Dieu parle ... Job se tait , puis s'humilie en quelques mots pour les impatiences qui peuvent lui être échappées...

Mais Dieu a décidé. Les amis de Job ont été injustes. C'est à la prière de Job que Dieu consent à leur pardonner. Quant au patriarche lui-même, Dieu lui rend le double des biens qu'il lui avait retirés . Tous ses parents et ses amis viennent se réjouir avec lui, et lui font de riches cadeaux. Il a de nouveau sept fils et trois filles. Il les établit ; il vit encore 140 ans, au milieu de ses enfants et des enfants de ses enfants, jusqu'à la quatrième génération. Il meurt plein de jours, exemple mémorable de résignation et des bénédictions dont Dieu comble ceux qui le servent dans l'une et l'autre fortune.

N'allez pas cependant, vous tous qui me lisez, vous imaginer que la soumission aux volontés de Dieu soit un moyen infaillible d'arriver ou de revenir à la richesse . Il y a de fidèles serviteurs de Dieu , des chrétiens modèles, qui n'ont connu qu'un instant la richesse ou qui ne connaîtront jamais les aises de la vie. Est-ce à dire que Dieu ne les aime point et qu'ils doivent être privés de cette récompense et de cette compensation que l'histoire de Job nous montre si abondantes ? Non ; c'est que cette vie n'est qu'un voyage, et que, moins on est chargé de bagage, moins on s'attache aux agréments du chemin , et plus on marche rapidement vers le but. C'est que ce but, notre but à tous, c'est la vie éternelle ; et que, quelle que soit notre destinée ici-bas, pourvu que nous soyons résignés au sort que Dieu nous assigne, nous sommes sûrs d'arriver un jour à ce bonheur qui ne finira point, à ces richesses impérissables que la rouille ne peut atteindre, et que les voleurs ne nous peuvent dérober.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 13:59

CHAPITRE XVI .

Josué. ( Livre de Josué – Ancien Testament - vers 1200 Av J.C.)


Aussitôt la mort de Moïse , Dieu dit à Josué : « Lève -toi. Passe le Jourdain, et avec toi tout le peuple. Entre dans la terre promise. Nul ne  pourra vous résister. Comme j'ai été avec Moïse, je serai avec toi ... Médite et observe fidèlement la loi que j'ai donnée à Moïse . » Josué transmit aux principaux du peuple les ordres de Dieu . Ils promirent obéissance à leur nouveau chef. Dieu du reste sanctionna la mission de Josué par un miracle, qui rappelait celui par lequel fut signalé, quarante années auparavant, le départ des Israélites : je veux parler du passage de la mer Rouge. Toujours d'après les ordres de Dieu, les prêtres , portant l'arche d'alliance, s'avancèrent dans le fleuve, dont les ondes aussitôt se partagèrent en deux : une partie coula vers la mer Morte, dans laquelle le Jourdain se décharge; l'autre partie s'éleva en forme de montagne, à mesure que les eaux arrivaient de la source du fleuve. A la suite de l'arche et des prêtres, le peuple entier traversa à pied sec le lit du Jourdain et pénétra dans la terre de Chanaan ( de nos jours Israël).

En souvenir de cet évènement, Josué fit élever sur les bords du Jourdain un monument composé de douze grosses pierres, apportées par des hommes de chacune des douze tribus, afin , dit l’Écriture, « que tous les peuples de la terre apprennent combien est puissant le bras du Seigneur, et que vous aussi vous craigniez le Seigneur, votre Dieu . » Les premiers temps du séjour des Israélites furent marqués par divers prodiges et une protection signalée que le Seigneur accordait à son peuple, le rendant partout vainqueur de ses ennemis . Le premier de ces prodiges fut la prise de Jéricho . Comme pour montrer que toute force vient de lui , et qu'il est le maître de donner ou de retirer la victoire, Dieu, parlant par la bouche de Josué, ordonna que des prêtres, portant l'arche d'alliance sur leurs épaules, fissent le tour de la ville assiégée. Sept autres prêtres devaient les précéder, sonnant de la trompette. Toute l'armée marcherait devant l'arche ; derrière viendrait la multitude du peuple . Six jours de suite cette procession se fit, le septième jour elle se fit sept fois. La septième fois, sur l'ordre de Josué, tout le peuple se mit à pousser de grands cris ; les murailles tombèrent d'elles- mêmes et la ville fut prise.

Malgré ce succès prodigieux, les Israélites éprouvèrent peu de temps après un échec complet devant la ville d'Haï, qu'un petit nombre de soldats défendaient. Josué, en proie à une vive douleur, répandit son âme devant Dieu dans la prière. Dieu lui apprit que cette défaite était la juste punition de la désobéissance du peuple . Contrairement à la défense formelle de Josué de ne rien retenir des richesses qui seraient trouvées à Jéricho, toutes devaient être consacrées à Dieu, un homme avait détourné et caché dans sa tente un manteau d'écarlate, une somme d'argent et une règle d'or ...

Achan, l'auteur de cette prévarication , fut découvert et mis à mort par l'ordre de Dieu . On se demande quelquefois, mes chers amis, pourquoi les entreprises de telle personne ne réussissent pas, pourquoi le malheur semble appesantir sa main sur telle famille ... Je ne veux pas dire que le malheur soit toujours, ni même habituellement, une marque de la malédiction d'en haut : Dieu souvent se plaît à éprouver ceux qu'il aime . Que de fois pourtant la mort de ce fils chéri, la perte de ce procès, cette maladie, cet accident, sont le châtiment de nos infidélités ! Et, au lieu de nous plaindre, de murmurer, de dire que Dieu est injuste , que pareilles choses n'arrivent qu'à nous, combien nous ferions mieux de nous humilier et de corriger notre vie! Après le supplice d'Achan , Haï fut prise sans résistance, et peu à peu la plupart des peuples et des rois de Chanaan furent détruits ou chassés du pays. Effrayés de ces succès, les habitants de la ville de Gabaon recherchèrent et obtinrent l'alliance des Israélites .

Plusieurs rois se liguèrent contre les Gabaonites, et Josué se mit en devoir de secourir leur ville assiégée. Les rois furent vaincus et s'enfuirent avec leurs armées ; Dieu alors fit tomber sur eux une grêle de pierres qui en fit mourir un grand nombre. Et, comme Josué poursuivait ses ennemis et que la nuit qui allait survenir l'aurait arrêté dans sa poursuite, inspiré de Dieu, il dit au soleil de s'arrêter, à la lune de ne point paraître, et cette prolongation du jour permit aux Israélites de ne point interrompre le cours de leur victoire. « Ni auparavant, ni depuis, jamais il n'y eut un aussi long jour, dit l'Écriture, que ce jour où le Seigneur obéit à la voix de l'homme et combattit pour Israël. »

Nous avons deux remarques importantes à faire, à l'occasion de ce prodige. Voyez d'abord la puissance de la foi. Josué sait que Dieu a livré à son peuple la terre de Chanaan (de nos jours Israël), que tous ceux qui s'opposent à ce dessein de Dieu doivent être vaincus. Il ne craint pas en conséquence de demander à Dieu de suspendre le cours ordinaire de la nature . Comment Dieu, qui a posé ces lois en vertu desquelles la nuit succède au jour et le jour à la nuit, n'aurait- il pas assez de puissance pour les modifier, si tel est son bon plaisir ? Josué le demande donc et l'obtient; et c'est en ce sens que l'Écriture dit que Dieu obéit à la parole de l'homme. Notre - Seigneur Jésus -Christ, dont Josué est la figure à plus d'un titre, ne le dit -il pas plus tard lui- même : « Si vous aviez de la foi gros seulement comme la plus petite graine, vous diriez à cette montagne : déplace- toi, et, docile à votre commandement, elle irait se précipiter dans la mer? » « Ce jour où le Seigneur combattit pour Israël. »

N'oublions pas que c'est là le secret de la victoire. Dans cette lutte perpétuelle, dans cette guerre de tous les jours que l'on nomme la vie, nous qui sommes le peuple de Dieu, nous chrétiens, n'oublions donc pas de mettre toujours Dieu de notre côté : par la foi, par la prière , par la résignation, par le courageux accomplissement de tous les devoirs de notre état, ayons Dieu avec nous, et nous serons sûrs, quels que puissent être nos échecs ici-bas, nous serons sûrs de la victoire définitive, la victoire de là -haut.

«Si Dieu est avec nous, disent encore les saints livres, qui sera contre nous? » Voici la seconde observation. Quand les livres saints disent que Josué arrêta le soleil que l'on sait aujourd'hui être immobile, tandis que c'est la terre qui tourné, ils ne font pas un traité d'astronomie . Ils constatent un fait : c'est que le jour se prolongea par la puissance divine; mais ils le constatent en des termes conformes aux connaissances que le peuple hébreu avait alors de la science astronomique. Puisqu'on croyait que le soleil marchait, ils ne pouvaient que se conformer à cette croyance. L'inspiration divine porte sur les rapports de Dieu avec les hommes, sur sa puissance, sur ses commandements, sur l'ordre spirituel. Quant aux choses qui tiennent à la science , les livres inspirés parlent selon ce que pensent et peuvent comprendre les générations auxquelles ils s'adressent; ils les prennent telles qu'ils les trouvent avec leurs traditions, leurs notions, leur degré de connaissance ou d'ignorance du monde, de ses phénomènes et de ses lois, ils ne vont pas au delà de la perfection de l'esprit humain relativement à l'ordre matériel.

De nouvelles victoires signalèrent encore le gouvernement de Josué. Après quoi, et tous les ennemis d'Israël étant vaincus, Josué partagea toute la terre de Chanaan entre les douze tribus. Il serait plus exact de dire les treize tribus, puisque les tribus d'Ephraïm et de Manassé, les deux fils de Joseph , eurent chacune une portion , en souvenir des bienfaits dont ce grand homme avait comblé les siens. La tribu de Lévi ( chargée du service de Dieu dans le pays), consacrée au Seigneur, n'eut que quelques villes en partage ; les autres tribus devaient la nourrir en lui payant la dîme, c'est- à dire le dixième de toutes les productions de la terre .

N'est - il pas juste que le prêtre vive de l'autel ? Et quand vous osez bien vous plaindre de ce que le prêtre catholique trouve quelques minces compensations à sa vie de sacrifice, dans son maigre traitement et un casuel si précaire, n'oubliez-vous pas que c'est Dieu lui- même qui a établi cet ordre contre lequel vous vous révoltez ? Qui est - ce qui baptiserait vos enfants, qui est- ce qui vous marierait, qui est-ce qui enterrerait vos morts ? Qui ferait le catéchisme aux écoliers, qui visiterait les malades, qui serait toujours prêt à prodiguer aux âmes souffrantes ces consolations dont elles ont tant besoin , s'il fallait encore que vos prêtres cherchassent dans quelque profession , - qui d'ailleurs les détournerait de leur saint ministère, - leur pain de chaque jour ?

Le partage des terres effectué entre les tribus, Josué rappela au peuple assemblé les bienfaits de Dieu, les engagea à la reconnaissance et à la fidélité, et mourut âgé de 110 ans. Figure , lui aussi , de Notre- Seigneur Jésus-Christ, par son nom d'abord, par ses miracles et parce que ce fut lui qui introduisit les Israélites dans la terre promise, comme c'est Notre-Seigneur qui, en brisant l'empire du démon ( des anges déchus), nous ouvrit les portes de l'éternelle patrie.

(Note - le péché originel de Adam et Ève avait fermé l`entrée du Paradis  à tous les hommes – tous les hommes après Adam allaient en enfer et cela incluait aussi les saints et les bons – Ils allaient dans les régions supérieures de l`enfer pas dans les profondeurs avec les mauvais mais il ne pouvaient entrer dans le Paradis. Même les peuples païens savaient cela – par exemple les Grecs païens savait que les âmes allaient dans le Styx – une partie de l`enfer – comme on peut le voir dans les livres d`Homère sur la guerre de Troie et le retour d`Ulysse de la guerre de Troie – livre écrit vers 600 Av J.C.. - C`est Notre Seigneur Jésus-Christ  qui après la crucifixion est descendu aux enfers le Samedi Saint prendre tous les bons des temps anciens – les portes du Paradis ont été ouvertes et et ils sont entrés aux Paradis enfin)


CHAPITRE XVII .

Les juges : Gédéon. (Juges 6,1 et suivant – Ancien Testament) - (vers 1100 Av J.C. ?)


Tant que vécut Josué, tant que vécurent après lui quelques- uns de ceux qui avaient vu les merveilles dont Josué avait été l'instrument, Israël fut fidèle au Seigneur et vécut heureux. Mais lorsque eut complètement disparu la génération contemporaine de Josué, le peuple de Dieu oublia de nouveau son bienfaiteur et se livra à l'idolâtrie (adoration de faux dieux et d`anges déchus) . Alors Dieu abandonna ces ingrats et ils tombèrent dans toute sorte de maux. Devenus la proie des nations ennemies, ils finirent par tourner un regard de repentir et d'espérance vers Celui qui avait tiré leurs pères de l'Égypte. Et, toujours miséricordieux, le Seigneur leur envoya des magistrats que l'on appela juges et qui, chaque fois que le peuple pleura ses fautes, l'arrachèrent à la servitude et défirent ses ennemis. Mais Israël avait la mémoire courte. A peine tiré d'esclavage, il oubliait et les calamités dont l'idolâtrie avait toujours été pour lui la source , et la bonté de Dieu qui ne se lassait pas de le sauver. Alors Israël voyait, avec ses infidélités, recommencer l'histoire de ses malheurs. Avant de vous dire quelques mots sur Gédéon, Jephté, Samson, Héli et Samuel, les plus illustres de ces magistrats appelés juges, faisons, s'il vous plaît, un petit retour sur nous-mêmes.

N'est-ce pas que la conduite du peuple d'Israël, cette ingratitude sans cesse renaissante, cet oubli du châtiment qui pourtant suivait infailliblement la prévarication, n'est - ce pas que cela vous semble une chose vraiment odieuse et aussi insensée que criminelle ? Croyez-vous cependant qu'il faille remonter jusqu'au temps de Gédéon et de Jephté pour rencontrer ce crime et cette folie ? Non ; le chapitre II du livre des Juges est l'histoire de bien des âmes, de toutes celles qui, après avoir servi Dieu quelque temps, l'abandonnent pour offrir leur encens à ces idoles que l'on appelle l'orgueil, ou la haine , ou l'avarice, ou l'amour des plaisirs. Ils ne tardent pas, les malheureux! à sentir combien ils ont perdu au change .

Le diable (l`ange déchu), leur nouveau maître, laisse dans ces âmes infidèles, sous le nom de remords, une garnison qui leur enlève toute paix , par conséquent tout vrai bonheur , quels que soient d'ailleurs les éléments de félicité matérielle dont elles soient entourées . Mais Dieu, toujours bon, n'oublie jamais qu'il est le père de ses enfants coupables. Comme il envoyait les juges aux Hébreux, au milieu de leurs prévarications, il vous envoie , ami lecteur, - à supposer que cette histoire soit la vôtre, toute sorte de moyens de revenir à lui . Bonnes inspirations de votre conscience, avis d'une pieuse mère ou d'un camarade chrétien, honte intérieure d'avoir mal fait, dégoût soudain qui vous prend quand vous considérez à quels êtres méprisables vous vous êtes associé , qui sait ? peut- être ce petit livre que vous tenez en ce moment, tout cela vous vient de Dieu ; tout cela peut vous ramener à lui, de bonne volonté. Au moins, quand vous aurez reconquis ce bien , le plus précieux de tous, la paix de l'âme, n'allez pas le perdre une fois de plus, en faisant de nouveau le mal !

Donc, pendant une de leurs trop nombreuses infidélités, les Hébreux, accablés par les Madianites, implorèrent le secours du Seigneur. Le Seigneur leur envoya Gédéon . Un ange apparut à Gédéon et lui dit : «Le Seigneur est avec toi, ô le plus fort des hommes. » Remarquez cette admirable forme de salutation . C'est celle qu'un autre ange adressera, bien des siècles après, à une femme bien plus grande que Gédéon , et qui doit tirer non point seulement le peuple Juif, mais l'humanité tout entière d'une servitude mille fois pire que celle des Madianites. « Dominus tecum» dit aussi l'ange Gabriel à la Vierge Marie .

Gédéon, après quelques objections qui provenaient non d'un manque de foi en Dieu, mais de la défiance qu'il avait de lui-même, après l'affirmation réitérée du Seigneur : « Tu délivreras Israël des mains de Madian ; sache que c'est moi qui t'ai envoyé ; — Je serai avec toi, tu frapperas Madian comme un seul homme, » Gédéon ne craignit pas de demander au ciel un double miracle . Le ciel le lui accorda. Gédéon n'hésita plus. Prenons cette leçon en passant, mes amis. Vous entendez dire, à propos des miracles, une foule de niaiseries. Les uns affirment que les miracles sont impossibles. Comme si quelque chose était impossible à Dieu ! Comme si le Créateur du ciel et de la terre était moins puissant sur cette matière qu'il a tirée du néant que l'horloger sur la montre qu'il a fabriquée !

Partout ici - bas l'ouvrier est le maître de son œuvre. Dieu seul serait l'esclave des siennes ! D'autres disent que les miracles ne prouvent rien , que ce qui nous paraît une dérogation aux lois de la nature, une intervention évidente de la Divinité, c'est tout simplement l'effet de forces cachées, d'une vertu inhérente à la matière et que les sciences, en se développant, découvriront un jour. Laissez ces folles pensées, mes chers amis, à ceux qui veulent à tout prix chasser Dieu de ce monde. Croyez avec le bon sens, avec tous les peuples et avec tous les siècles, avec les plus grands génies qui aient honoré l'humanité, croyez avec les personnes les plus sages et les plus vertueuses, que Dieu ne se tait jamais parmi nous. A ceux qui n'écoutent pas la voix qui sort de la création , à ceux qui, comme Israël du temps de Gédéon, ont oublié les plus élémentaires notions de leurs devoirs envers le ciel, Dieu parle souvent, par le miracle, un langage que lui seul peut parler, parce que c'est évidemment la voix du Maître .

Quand vous voyez , par intermédiaire d'un témoignage certain, comme celui des Écritures, un fleuve remonter vers sa source, un mort ressusciter, une baguette par son seul attouchement communiquer à tout un sacrifice, la flamme qui le consume; une toison , placée toute une nuit sur une aire à battre le blé, trempée d'une rosée abondante, tandis que le reste du sol demeure sec, la nuit suivante rester sèche à son tour, pendant que le sol est comme inondé, ces deux derniers miracles sont ceux que Dieu fit, sur la demande de Gédéon, et pour confirmer la vérité de ses paroles, dites sans hésiter : « Le doigt de Dieu est là ! » croyez et adorez .

Enhardi par tant de signes manifestes de la protection d'en haut, Gédéon réunit trente - deux mille hommes et se disposait à attaquer les Madianites . L'armée de ceux - ci était innombrable . Mais le Seigneur dit à Gédéon : « Tes troupes sont trop nombreuses; je ne veux pas qu'Israël puisse dire : C'est par mes propres forces que j'ai été délivré . » Donc les trente-deux mille hommes de Gédéon furent réduits une première fois à deux mille ; puis, par une dernière épuration, à trois cents. Gédéon les divisa en trois bandes, donnant à chaque soldat une trompette et un vase de terre avec un flambeau allumé dans ce vase . Puis il leur dit : « Quand vous me verrez sonner de la trompette, sonnez de même autour du camp et criez tous ensemble : « L'épée du Seigneur et de Gédéon. » Ainsi fut fait. Au milieu de la nuit, les Israélites pénétrèrent dans le camp de leurs ennemis. Ceux ci effrayés par les cris des envahisseurs, le son de la trompette et le bruit des vases qui se brisaient , prirent la fuite . La victoire de Gédéon fut complète.  

CHAPITRE XVIII .

Les juges : Samson . ( Juges 13,1 – Ancien Testament – vers 1,100 Av J.C.)


La naissance de Samson avait été précédée et accompagnée de miracles. Comme plus tard saint Jean -Baptiste, il ne buvait ni vin ni aucune liqueur fermentée. Jamais ses cheveux ne furent coupés. Sa force corporelle était prodigieuse. Encore presque enfant, il rencontre un lion et le déchire avec ses mains, sans le secours d'aucun instrument. Devenu grand , il n'était sorte de désastres qu'il n'infligeât aux Philistins, les dominateurs et les persécuteurs d'Israël . Il détruisait les récoltes des Philistins . Puis il tua et mit en fuite un nombre considérable d'ennemis.

Lâchement livré par quelques-uns des siens, il rompit ses liens comme vous briseriez un fétu de paille, et saisissant une mâchoire d’âne , il s'en fit une arme avec laquelle il étendit à ses pieds mille Philistins . Une autre fois, emprisonné à Gaza, il arracha les portes de la ville avec leurs gonds et leurs ferrures et, mettant le tout sur son dos, le porta jusqu'au sommet d'une montagne voisine. Désespérant de s'emparer de lui, les Philistins corrompirent Dalila sa femme, afin qu'elle apprît de Samson le secret de cette force prodigieuse. Samson essaya longtemps de donner des réponses évasives. Vaincu par les importunités de Dalila, il finit par lui dire que toute sa vigueur résidait dans sa chevelure, que jamais ni ciseaux ni rasoirs n'avaient touchée . Profitant du sommeil de Samson , Dalila lui coupa les cheveux . Aussitôt sa force l'abandonna et il tomba au pouvoir des Philistins qui lui crevèrent les yeux. Puis ils l'enfermèrent dans une prison, où on l'employait à tourner la meule d'un moulin. Cependant , les chefs des Philistins donnèrent un grand festin, pour célébrer la prise de leur redoutable adversaire. Ils lui firent subir toute sorte d'avanies. Les lâches croyaient qu'il était désormais hors d'état de se défendre. Mais Samson , dont la chevelure commençait à repousser, sentait que sa force lui revenait en même temps. L'édifice dans lequel et autour duquel les chefs et le peuple des Philistins se livraient à la bonne chère, reposait sur deux colonnes d'une merveilleuse élévation et très-rapprochées l'une de l'autre.

Fatigué, Samson se fait amener entre les deux colonnes; et, en prenant une de chaque main, il ébranle la voûte qui s'écroule, avec un épouvantable fracas, sur l'assistance entière .  Il était le général et le juge d'Israël .

CHAPITRE XIX .

Les juges : Héli, Samuel . ( 1 Samuel 1 et suivants – Ancien Testament)

L'histoire des deux derniers juges d'Israël, Héli et Samuel, est pleine des plus utiles leçons. Recueillons - les. Héli, en même temps qu'il était juge , était grand-prêtre du Seigneur. Il habitait à Silo, où se trouvait alors le tabernacle . Il avait deux fils, prêtres aussi, Ophni et Phinée. C'étaient des impies et des sacrilèges. Ils ne craignaient pas de détourner pour leur consommation personnelle les victimes que le peuple immolait au Seigneur, et ils se livraient à toute sorte de désordres. Remarquez, et ceci s'adresse surtout à vous à qui le bon Dieu a donné des enfants , remarquez que l’Écriture ne dit nulle part qu'Héli ait provoqué par de mauvais conseils ou encouragé par de mauvais exemples cette conduite abominable de ses fils. Loin de là, Héli était lui- même un pontife très-pieux ; et , quand il apprit les scandales d'Ophni et de Phinée, il fit venir ceux- ci et leur adressa de paternelles remontrances. Mais il était trop tard. Si par votre faiblesse ou votre négligence, vous laissez vos enfants parvenir à l'âge d'homme avec quelques défauts très- graves qu’une discipline plus sévère eût corrigés, s'ils sont, à vingt-ans, paresseux, ou colères, ou débauchés, il n'est plus temps de les prendre par la douceur ou de se  contenter de molles réprimandes.

Héli eût dû veiller avec plus de soins à l'éducation de ses fils. En tout cas, alors que les justes plaintes du peuple parvenaient à ses oreilles, il ne devait pas se borner à leur dire : « Ne faites plus cela, mes enfants ; car il est bien fâcheux que l'on publie de vous que vous portez le peuple du Seigneur à violer ses commandements. » Héli était père ; il était grand- prêtre ; il était le magistrat souverain d'Israël. Il devait profiter de cette triple autorité pour punir ses enfants coupables, à tout le moins pour les dépouiller de ces nobles fonctions sacerdotales dont ils étaient devenus indignes . Il ne le fit pas, et Dieu le punit. Prenez garde qu’un semblable sort ne vous attende, pères et mères qui croyez que votre seul devoir soit de caresser vos enfants et de leur fournir tout ce qui est nécessaire à leur vie matérielle . Votre première obligation c'est de former au bien ces jeunes âmes ; c'est d'employer pour cela la sainte puissance paternelle que Dieu , vous a confiée; c'est, alors que les représentations ne suffisent pas, d'avoir recours aux châtiments.

Croyez-vous que vos enfants vous soient bien reconnaissants un jour, si de peur de les affliger, de peur plutôt de vous imposer à vous -mêmes l'ennui de les faire pleurer, vous laissez se développer en eux des vices qui deviendront leur tourment et leur honte en ce monde, peut- être leur perdition dans l'autre . Un prophète vint trouver Héli de la part du Seigneur et lui annonça qu'en punition de sa faiblesse, ses fils mourraient tout deux en un seul jour et que le souverain pontificat serait enlevé à sa famille . Mais l'histoire d'Héli ne peut être séparée de celle de Samuel dont il faut que je vous dise quel que chose. Il y avait alors, dans les montagnes d'Éphraim , un homme nommé Elcana . Sa femme, appelée Anne, était extrêmement affligée, parce qu'elle n'avait pas d'enfants. Elle vint donc prier le Seigneur, en répandant beaucoup de larmes devant lui. Grand exemple pour nous ! Quand nous avons quelque profonde douleur, confions-la d'abord à Dieu. Il est assez puissant pour la convertir en joie ; en tout cas, une fervente prière apporte toujours avec elle sa consolation. Anne fit donc le voeu que , si Dieu lui accordait un fils , cet enfant serait à tout jamais consacré au Seigneur.

Comme elle était absorbée dans sa prière et et qu'on voyait seulement remuer ses lèvres, Héli l'apercevant crut qu'elle était troublée par le vin et lui adressa quelques reproches assez vifs . Anne se justifia simplement, et Héli ayant joint ses prière à celles de la pauvre femme, elle s'en alla consolée ! Dieu l'avait exaucée. Anne eut un fils, le nourrit de son lait, et , quand elle l'eut sevré, elle l'amena à Silo dans la maison du Seigneur, où elle le laissa sous la garde d'Héli . Avant de s'en retourner chez elle, elle offrit un modeste sacrifice et voulut épancher sa reconnaissance dans un beau cantique, beau surtout en ce qu'il rappelle par anticipation le cantique sublime de la sainte Vierge: le Magnificat.

Cependant Samuel croissait en âge et en sagesse et plaisait à Dieu et aux hommes. Il servait le grand- prêtre Héli, devenu vieux, malade et presque aveugle. Une nuit que Samuel dormait dans son petit lit, tout près du temple, il entendit à quatre reprises, une voix qui l'appelait. Vigilant et docile, il se leva chaque fois, croyant que Héli avait besoin de lui . La troisième fois, Héli reconnut que cette voix devait être la voix de Dieu, et il dit à Samuel : Si l'on t'appelle encore, réponds : « Parlez , Seigneur ; car votre serviteur écoute.» Admirable réponse et qui devrait être toujours dans notre coeur plus encore que sur nos lèvres, chaque fois que Dieu nous parle par une de ces voix qu'il emploie volontiers : par nos parents , nos maîtres, notre directeur, par notre conscience. Samuel fit ce qu'Héli lui avait recommandé; et Dieu annonça au jeune enfant la punition exemplaire qu'il allait tirer des crimes de Phinée et d'Ophni et de la mollesse de leur père.

Le lendemain matin , Samuel n'osait raconter sa vision au grand -prêtre. Pourtant il dut céder aux instances de celui- ci . Résigné du moins s'il avait été coupable, le vieillard répondit : « Il est le Seigneur ; ce qui est juste à ses yeux, qu'il le fasse ! » Cependant les Israélites qui avaient été battus par les Philistins, transportèrent l'arche dans leur camp, comptant par là sur une protection éclatante de la part du Seigneur. Mais ils s'en étaient rendus indignes. L'arche de Dieu fut prise et les deux fils d'Héli qui l'escortaient furent tués. En apprenant cette nouvelle, Héli qui était assis sur sa chaise de grand- prêtre tomba à la renverse et se brisa le crâne. Samuel lui succéda. D'après ses conseils, les Israélites qui s'étaient encore une fois livrés à l'idolâtrie, revinrent au culte du vrai Dieu. Les Philistins, effrayés par divers fléaux dont le Seigneur les avait frappés, renvoyèrent d'eux -mêmes l'arche d'alliance et furent vaincus et repoussés dans plusieurs batailles . Samuel gouverna en paix, pendant de longues années, le peuple d'Israël.


CHAPITRE XX.

Le roi roi Saül et David . ( vers 950 Av J.C,)

Samuel vieillissait . Il institua ses fils juges à sa place . Mais ceux-ci ressemblaient bien peu à leur père : ils étaient avares et se laissaient corrompre par des présents. Les anciens d'Israël se réunirent donc et demandèrent à Samuel de leur donner un roi qui les gouvernât et les conduisît à la guerre, comme cela se passait chez tous les autres peuples. En vain Samuel leur représenta combien de charges nouvelles la royauté ferait peser sur eux, et qu'il était bien préférable de n'avoir, comme jusqu'ici, d'autre roi que le Seigneur lui-même. Le peuple insista et Dieu dit à Samuel de se conformer aux voeux du peuple. Il y avait alors un homme de la tribu de Benjamin, homme choisi de Dieu, dit l'Écriture, et si bon qu'il n'y avait pas, parmi les fils d'Israël, d'homme meilleur que lui. Il dépassait, de toute l'épaule et au delà, les hommes les plus grands. Un jour que Saül (c'était son nom ) cherchait les ânesses de son père qui s'étaient perdues, la Providence le conduisit vers Samuel, qui, le rassurant sur le compte de son troupeau , l'emmena chez lui , le reçut avec de grands honneurs, puis le sacra roi d'Israël, en lui versant de l'huile sur le front.

Dieu en effet avait révélé à Samuel que l'homme qui lui demanderait où étaient ses ânesses, était celui qui devait être roi et protéger Israël contre les Philistins. Des prodiges confirmèrent ce choix qui fut encore ratifié par le sort. Dirigé par la main de Dieu, le sort tomba d'abord sur la tribu de Benjamin , puis sur la parenté de Saül, puis sur sa propre fa mille, puis sur lui- même. Au moment de remettre ses pouvoirs à Saül, Samuel rappela de nouveau aux Israélites tous les bienfaits dont le Seigneur les avait comblés, leurs fréquentes ingratitudes et les châtiments qui s'en étaient suivis. Il les exhorta à être fidèles, leur  promettant que le Seigneur ne les abandonnerait pas. Cependant l'esprit de Dieu était sur Saül. Il vainquit le roi des Ammonites, puis les Philistins dans plusieurs campagnes. Après l'un des derniers combats, comme Samuel tardait à venir pour offrir un sacrifice au Seigneur, et que le peuple découragé commençait à s'éloigner, Saül fit lui-même l'office de sacrificateur, ce que Samuel lui reprocha vivement, en l'avertissant qu'à cause de sa désobéissance, un autre le remplacerait comme roi d'Israël .

Peut-être le Seigneur eût- il pardonné cette première faute . Car il mit une seconde fois à l'épreuve la docilité de Saül. Samuel lui ordonna, de la part de Dieu, de pour suivre les Amalécites qui, depuis la sortie d’Égypte, avaient été les ennemis impitoyables du peuple d'Israël , et, après les avoir vaincus, de les anéantir eux et tous leurs biens. Saül cependant épargna leur roi Agag et la meilleure partie de leurs troupeaux, se contentant de détruire ce qui avait peu de valeur. Puis il voulut s'excuser auprès de Samuel, disant qu'il avait réservé la plus riche partie du butin , pour l'offrir au Seigneur. « L'obéissance vaut mieux que le sacrifice, lui répondit Samuel, et c'est une sorte d'idolâtrie que de résister à la volonté de Dieu. Mais, parce que tu t'es rendu coupable de ce crime, le Seigneur t'a rejeté et tu ne seras plus roi d'Israël. » L'obéissance est meilleure que le sacrifice .

Comprenons bien cette parole. C'est- à-dire que le premier hommage que nous devons rendre à Dieu, c'est de lui obéir. On en peut dire autant de nos devoirs envers ceux à qui Dieu a délégué une partie de son autorité, de nos devoirs envers nos parents, par exemple.

Oui, c'est un mauvais chrétien , celui qui va à la messe , mais qui refuse d'obéir aux commandements de Dieu (les 10 Commandements – la loi de Dieu). Oui, c'est un mauvais fils, celui qui salue respectueusement ou qui embrasse tendrement sa mère, mais qui ne fait rien de ce qu'elle lui commande, ou qui enfreint sciemment ses défenses. Ah ! que Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient: et que nous devrions nous estimer heureux de ce qu'il ait bien voulu nous tracer lui- même la voie que nous devons suivre ! Cependant Saül étant rejeté de Dieu , Samuel reçut l'ordre de donner l'onction royale au plus jeune des enfants de Jessé (à Bethléem), David . David, au moment où Samuel le cherchait pour le sacrer roi , gardait les brebis de son père. Si jamais vous étiez tenté de mépriser, ou du moins de prendre en pitié ces pauvres vieux ou ces petits enfants qui mènent paître les troupeaux dans la campagne, n'oubliez pas, mes amis, que les deux premiers rois d'Israël étaient bergers, que ce furent des bergers qui, les premiers, vinrent saluer le Sauveur naissant. Puis rappelez vous notre histoire nationale . Sainte Geneviève, la patronne de Paris, Sainte Jeanne d'Arc qui sauva la France du joug des Anglais, étaient bergères. Quand Dieu veut faire de grandes choses, il a coutume de choisir de petits instruments. N'est-ce pas avec douze pêcheurs ignorants qu'il a converti le monde?

L'esprit de Dieu s'étant retiré de Saül, l'esprit mauvais le saisit, et rien ne pouvait le calmer , dans ses accès de fureur, sinon les sons de la harpe. David, qui jouait admirablement de cet instrument, fut pris en amitié par Saül qui en fit son écuyer. Cependant les Philistins continuaient à guerroyer contre le peuple d'Israël. Parmi eux se trouvait un géant nommé Goliath qui bravait les troupes de Saül, appelant en combat singulier les plus braves soldats. Comme nul n'osait se mesurer contre le géant, celui- ci insultait les Israélites . Ce que voyant, David indigné se proposa à Saül pour aller combattre Goliath . Le roi, après avoir cherché à l'en détourner, y consentit et lui donna ses vêtements et ses armes. Mais David peu habitué à les porter, les déposa bientôt et s'avança contre son redoutable adversaire, tenant en sa main un bâton et une fronde : dans sa gibecière de berger étaient cinq pierres polies qu'il avait ramassées dans le lit du torrent. Et, comme le Philistin le méprisait, David lui dit : « Tu viens à moi avec le glaive, la pique et le bouclier. Moi, je viens à toi, au nom du Seigneur , du Dieu des armées d'Israël, de ces armées que tu méprises. Et aujourd'hui même le Seigneur te livrera entre mes mains, et je te couperai la tête ; et j'abandonnerai les cadavres des Philistins aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre, afin que l'univers entier sache qu'il y a un Dieu en Israël. »

Goliath reçut au front une pierre lancée par fronde de David : il fut tué sur le coup. Les Philistins furent taillés en pièces et les Israélites respirèrent. Que d'entreprises échouent parce que les hommes veulent les conduire tout seuls! Elles auraient réussi , si, comme David, ils avaient demandé à Dieu, qui aime tant exaucer nos prières , son appui et sa protection.

CHAPITRE XXI.

Le roi David . (vers 950 Av J.C.)

Le roi Saül devait une grande reconnaissance à David. Mais, au lieu d'engendrer la reconnaissance , trop souvent les bienfaits engendrent l'envie . Lorsque David revint de cette grande victoire sur Goliath et les Philistins que nous rapportions dans le chapitre précédent, les femmes d'Israël se précipitèrent à sa rencontre, en dansant et en jouant des instruments ; et elles chantaient : «Saül a frappé mille Philistins; mais David en a frappé dix mille. » Saül fut irrité de ces paroles ; et depuis lors il n'eut plus contre David qu’une violente jalousie .

Bien que David continuât à jouer de la harpe auprès de lui, il voulut un jour le percer de sa lance . Puis il l'éloigna de sa personne et il le mit à la tête d'une partie de ses troupes, espérant sans doute qu'il périrait dans quelque combat. Mais les calculs de Saül furent déjoués . David se couvrit de gloire dans la guerre, et, malgré son inimitié, Saül fut obligé de lui donner en mariage sa fille Michol. Saül essaya encore à plusieurs reprises de faire tuer David . Celui- ci échappa toujours à ces embûches. Il fit plus : deux ou trois fois, il eut la vie de Saül à sa disposition . Toujours il l'épargna, n'oubliant pas que l'onction royale, avait coulé sur le front de Saül , et pratiquant cette belle vertu du pardon des injures dont Notre - Seigneur Jésus-Christ devait plus tard donner si admirablement le précepte et l'exemple .

Si le roi Saül détestait David, bien autres étaient les sentiments de Jonathas, fils de Saül : Jonathas avait pour David la plus tendre amitié. Plusieurs fois il réussit à le sauver de la mort, et s'il ne parvint pas à calmer la haine de Saül, il le tenta bien souvent. Cette amitié de David et de Jonathas est célèbre dans les saintes Écritures ; et c'est un modèle que bien des hommes de nos jours devraient suivre. Aussi rien n'égala le chagrin de David , quand il apprit que, dans une bataille contre les Philistins, Jonathas avait été tué et que Saül lui - même était mort . Il composa à ce sujet un beau cantique dans lequel il exhalait sa douleur. Et, un Amalécite s'étant vanté d'avoir contribué à la mort de Saül et rapportant à David les insignes de la royauté qu'il avait enlevés à Saül, « Comment as-tu bien osé, lui dit David indigné, porter la main sur l'oint du Seigneur ? » et il le fit mettre à mort. David prit aussi en amitié le petit- fils de Saül, Méphiboseth, fils de Jonathas; et quoique le pauvre Méphiboseth fut estropié, il le traita toujours très -honorablement. Cependant Saül ayant disparu, tout le peuple et les généraux se rallièrent à David comme roi. Il remporta sur les Philistins de nombreuses victoires ; il fixa le siège de son royaume à Jérusalem et y fit transporter l'arche d'alliance. Comblé des bienfaits de Dieu , il semble que le roi David ait dû lui demeurer toujours fidèle .

Hélas ! il fit comme nous qui si souvent par le péché nous révoltons contre notre bienfaiteur. On a dit que l'oisiveté était la mère de tous les vices. Cela se vérifia bien chez le roi David . Tant qu'il avait souffert et qu'il avait combattu , il avait été un modèle de piété et de magnanimité. Maintenant qu'il se reposait dans les douceurs de la paix et du commandement, il rendit infidèle Bethsabée, la femme d'Urie, l'un de ses plus braves officiers. Puis il fit périr celui- ci, pour épouser Bethsabée. Il demeura près d'un an dans l'impénitence. Il fallut les paroles sévères du prophète Nathan pour le faire rentrer en lui-même. Les châtiments ne manquèrent pas à David . L'enfant qu'il avait eu de Bethsabée mourut. La discorde éclata dans sa famille. Absalon, l'un de ses fils , outragé par Ammon, fils aîné de David , fit périr Ammon traîtreusement, puis il se révolta contre son père .

David aimait beaucoup Absalon, et obligé de lui faire la guerre, il avait ordonné qu'on épargnât sa vie. Cependant toutes les troupes du fils rebelle ayant été vaincues, celui-ci s'enfuyait monté sur une mule. Comme il passait sous un chêne, sa chevelure qui était très-épaisse s'embarrassa dans les branches de l'arbre , et la mule continuant de courir, Absalon demeura suspendu par les cheveux. Il eut le coeur percé de trois dards par Joab , général des armées de David . -- N'avait - il pas lui-même, par sa révolte impie, percé le coeur de son père ? Le roi David, frappé des reproches de Nathan , avait commencé une pénitence qui dura jusqu'à sa mort. C'est pour exprimer la profondeur de son repentir et aussi pour célébrer les humiliations et les grandeurs du Messie qu'il composa ces chants sacrés que nous appelons Psaumes.

Quand on veut louer dignement le Seigneur, quand on cherche à s'humilier devant lui et à trouver des accents qui expriment la douleur d'une âme pénitente, surtout quand on veut exalter le Sauveur du monde, il n'y a pas de paroles plus belles que celles que l'Esprit-Saint inspirait à David . David a été surnommé le Roi- Prophète ; et par les injustes persécutions auxquelles il a été en butte de la part de Saül, il fut une des images les plus touchantes du fils de Dieu, de Celui qui a racheté le monde par sa croix et sa passion.  

CHAPITRE XXII.

Le roi Salomon . ( vers 900 Av J.C.)

Cependant, comme David vieillissait, l'ambition de ses fils commença de s'éveiller. Adonias, l’aîné, n'attendant pas la mort de son père , réunit un parti considérable et aspira ouvertement à la royauté . Mais, averti par le prophète Nathan et par Bethsabée, mère de Salomon, poussé d'ailleurs par l'inspiration d'en haut, David déclara que son successeur serait Salomon et il le fit sacrer de son vivant. David mourut et ses dernières paroles furent des recommandations à son fils d'observer fidèlement les préceptes du Seigneur.

Une nuit, Salomon eut un songe . Il entendit une voix qui lui disait : « Demande-moi ce que tu veux. » Le jeune roi répondit : «Seigneur, vous avez comblé de faveur David mon père. Vous m'avez appelé sur le trône après lui . Mais je ne suis qu'un enfant, sachant à peine me conduire. Donnez- moi donc un coeur docile, afin que je puisse juger votre peuple et faire toujours le discernement entre le bien et le mal. » Cette demande plut à Dieu. Outre la sagesse, Salomon reçut encore du ciel une grande puissance et de grandes richesses.

Selon sa promesse , Dieu y avait ajouté la puissance . Non -seulement Salomon régnait en paix sur tout Israël ; mais la plupart des rois voisins étaient ses tributaires . Il crut le moment venu de construire un temple au Seigneur et de réaliser ainsi un projet qu'avait conçu David son père , mais que David , docile aux ordres de Dieu , avait laissé à son successeur, Salomon écrivit donc à Hiram, roi de Tyr, ancien ami de David, pour lui demander des ouvriers et des bois de construction . Hiram s'empressa de se mettre à la disposition de son puissant voisin . Pendant sept années, plus de quatre - vingt mille ouvriers, tant Israélites que Tyriens, furent employés à abattre les cèdres gigantesques qui couvraient la cime du haut Liban , à extraire et à travailler la pierre , à creuser les fondements, puis à bâtir un édifice magnifique.

Mais Salomon savait que rien de durable ne se construit sans la bénédiction d'en haut, et que c'est peu de chose que d'élever au Seigneur un temple matériel, si l'on ne s'attache en même temps à lui rendre, par une vie irréprochable, le culte intérieur auquel il tient par dessus tout. Dieu lui-même, du reste, prit soin de le lui rappeler. Une première fois, alors que la construction du temple tirait à sa fin, il lui apparut et lui dit : « J'ai vu avec plaisir cette maison que tu bâtis en mon honneur. Si tu marches dans mes préceptes, si tu exécutes mes ordonnances et que tu observes tous mes commandements, sans t'en écarter d'un pas, je vérifierai en ta personne la parole que j'ai dite à David ton père . J'habiterai au milieu des enfants d'Israël et je n'abandonnerai pas mon peuple d'Israël . »

Lorsqu'il eut achevé le temple à Jérusalem et qu'il en eut fait le dédicace avec une grande solennité, qu'il y eut fait transporter l'arche d'alliance , qu'il eut célébré en un long cantique les grandeurs de Dieu , le Seigneur lui apparut de nouveau et lui dit : « J'ai exaucé ta prière. J'ai sanctifié cette maison que tu m'as bâtie et mes yeux et mon coeur y seront toujours . Si tu marches en ma présence, fidèle aux exemples de ton père, dans la simplicité et la droiture, si tu fais ce que je t'ai commandé, j'établirai ton trône et ton règne sur Israël pour toujours. Que si vous vous détourniez de moi, toi et tes enfants , et que vous adoriez des dieux étrangers, j'exterminerai les Israélites de cette terre que je leur ai donnée, le temple sera détruit, et ceux qui passeront devant ces ruines s'écrieront : D'où vient donc que le Seigneur a ainsi traité cette terre et cette maison ? »

Longtemps Salomon fut fidèle à ces avertissements. Rien n'égala la splendeur de son règne . Le plus sage des rois, le plus puissant, régnant en paix sur un peuple prospère , admiré de ses voisins, ayant construit, outre le temple du Seigneur, deux palais qui étaient des merveilles, les princes recherchaient son alliance . La reine de Saba vint de très -loin pour le voir, contempler les magnificences de Jérusalem , et proposer à Salomon des difficultés que celui- ci résolut avec une sagesse consommée. Mais, et c'est pour nous tous une grande leçon d'humilité, ce Salomon prévenu dès sa jeunesse de tant de bénédictions, cet homme qui avait dépassé en sagesse tous ses contemporains, qui avait été choisi de Dieu pour construire ce temple magnifique, symbole de l'Église universelle , ce Salomon le roi pacifique, figure lui-même du Christ que l'Église appelle « le prince de la paix, » oublia les avertissements qu'à deux reprises le Seigneur lui avait donnés.

Lui qui avait construit le temple, il ne se souvint pas de cette parole prophétique d'un des psaumes de David son père : « Si le Seigneur ne construit la maison, c'est bien en vain que travaillent ceux qui la construisent; » il abandonna Dieu. Salomon se laissa aller à l'orgueil, les louanges l'enivrèrent; il oublia que l'homme n'est rien par lui-même, que tout lui vient de Dieu . Dieu défendait d'épouser des femmes étrangères. Il ne craignit pas d'enfreindre cette défense. Elles l'entraînèrent dans l'idolâtrie, et après avoir été si sage dans sa jeunesse , parce qu'il était humble, obéissant et pur, il eut une vieillesse orgueilleuse, impure et révoltée contre Dieu .

Il ne rougit pas d'offrir de l'encens à des idoles de pierre et de bois. Dieu, pour le punir, lui annonça qu'il enlèverait à son fils une partie de son royaume. De son vivant, Salomon vit les rois ses voisins, quelques-uns même de ses capitaines, armés contre lui . Et, dès qu'il mourut, Roboam , son fils, homme injuste et cruel, indisposa par ses violences une partie du peuple. Dix tribus se révoltèrent et formèrent, sous la conduite de Jéroboam , ce qu'on appela « le royaume d'Israël . »(le pays se sépara en deux états concurrents et affaiblis). Les deux tribus demeurées fidèles, Juda et Benjamin furent «le royaume de Juda.» Cette division fut appelée « le schisme de Samarie» parce que Jéroboam établit à Samarie le siège de son nouveau royaume.


Dernière édition par MichelT le Sam 20 Jan 2024 - 12:21, édité 1 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 14:00

CHAPITRE XXIII.

Royaume d'Israël. -- Élie .

Quelques mots sur les prophètes.

Jéroboam, à qui Dieu avait donné le royaume d'Israël , fut, dès le commencement, ingrat envers son bienfaiteur. Craignant que les dix tribus ne quittassent Samarie, pour aller offrir des offrandes dans le temple de Jérusalem, il établit à Samarie comme une contrefaçon de ce temple; mais au lieu d'y adorer le vrai Dieu, on y adorait des veaux d'or. (le Pays avait été séparé en deux – le pays de Juda au sud et le Royaume d`Israël au nord)

Tous les successeurs de Jéroboam furent impies comme lui . Je vous parlerai seulement d'Achab, le plus impie et le plus méchant de tous. Il avait épousé, Jésabel, fille du roi de Sidon , femme cruelle et plus méchante, s'il est possible, que son mari . Non contents des veaux d'or de Jéroboam, ils voulurent encore introduire à Samarie le culte de Baal, le prétendu dieu des Sidoniens. Pour les punir, Dieu leur envoya Élie , son prophète, qui leur annonça que, pendant trois ans et demi, il ne tomberait en Israël ni une goutte de pluie ni une goutte de rosée. Cette prédiction s'accomplit, et il s'ensuivit dans tout le royaume une grande famine. Suivant l'ordre du Seigneur, Élie se retira dans le désert. Là il buvait l'eau du torrent. Matin et soir , des corbeaux envoyés de Dieu lui apportaient du pain et de la viande. Le torrent s'étant desséché, Dieu, pour nourrir son prophète , multiplia miraculeusement une petite portion de farine et d'huile que possédait une pauvre veuve de Sarepta, ville des Sidoniens . Enfin , le fils de cette veuve étant venu à mourir, Dieu le ressuscita. Cependant la famine devenant effroyable, Dieu eut pitié du pauvre peuple et envoya Elie à Achab, pour lui annoncer que ce fléau allait cesser. Achab, du reste, ne sachant plus que devenir, faisait depuis longtemps chercher l'homme de Dieu .

Élie, se présentant devant Achab, lui reprocha ses crimes, et, assemblant le peuple , voulut le mettre à même de choisir entre Baal et le vrai Dieu.  « Réunissez, dit -il, tous vos faux prophètes; qu'on dresse deux autels. Que sur chacun on place une victime. Qu’autour de leur autel, vos prêtres invoquent leurs prétendues divinités. Autour de l'autre , j'invoquerai mon Dieu . Celui qui nous aura exaucé en faisant descendre le feu du ciel sur l'un ou l'autre des autels, celui- là sera le vrai Dieu.»

Les faux prophètes s'épuisèrent en prières et en cris, leurs sourdes divinités ne les pouvaient entendre . Élie eut à peine invoqué le Seigneur que le feu du ciel, tombant sur son autel, dévora non - seulement la victime, mais le bois, la pierre, l'autel lui-même tout entier. Le peuple glorifia Dieu. Puis une pluie abondante tomba sur la terre et la famine cessa. Malgré cette indulgence de Dieu, malgré un secours inespéré qu'il lui accorda dans une guerre contre les Syriens, Achab persévéra dans son impiété, sa désobéissance aux ordres les plus exprès du Seigneur et sa tyrannie. Il désirait, pour s'en faire un jardin , la vigne d'un homme pauvre, nommé Naboth. Celui-ci ne voulut pas se défaire de l'héritage de ses pères. Plus audacieuse encore dans le mal que son époux, Jésabel obtint de la lâcheté des principaux d'Israël qu'ils se saisissent de Naboth , qu'ils le fissent accuser par de faux témoins et le condamnassent à être lapidé. Naboth mort, Achab se mit en possession de la vigne. Mais Élie arrivant de la part de Dieu, déclara qu’Achab et Jésabel périraient misérablement et qu'au lieu même où ils avaient commis cette révoltante injustice , les chiens dévoreraient leurs membres, ce qui ne tarda pas à se vérifier.

Avant de passer à Élisée , qui fut le successeur et comme l'héritier d'Élie, disons quelque chose des prophètes en général. Prophète vient de deux mots grecs qui veulent dire : « Prédire l'avenir.» Les prophètes en effet étaient des hommes à qui Dieu avait communiqué ce don qui n'appartient qu'à lui de connaître les choses futures. Presque toujours, comme dans l'histoire d'Élie, il y joignit le don des miracles . Le miracle, nous avons eu déjà l'occasion de le remarquer, c'est une dérogation aux lois de la nature. Dieu qui a établi ces lois peut seul en changer le cours, soit par lui-même, soit par ceux auxquels il délègue sa toute-puissance. La prophétie, à proprement parler, est une espèce particulière de miracle. Remarquez bien la différence qu'il y a entre les choses extraordinaires et les choses miraculeuses. Quand un malade en grand danger est sauvé par un habile médecin, quand le coup d'oeil profond du savant constate des forces jusque-là inconnues, ou fait des vérités connues déjà des applications nouvelles, quand Galilée découvre la rotation de la terre, Newton la loi de l'attraction , quand Fulton construit la première machine à vapeur, que de nos jours on applique l'électricité à la télégraphie; que l'on invente la photographie ; quand un habile diplomate, étudiant le jeu de la politique ou du coeur humain prévoit que de l'accord ou du conflit des intérêts et des passions résultera tel événement, dans tout cela il n'y a pas de miracle, parce qu'il n'y a rien qui soit au -dessus de la puissance du génie humain, rien de contraire aux lois de la nature.

Avant de passer à Élisée , qui fut le successeur et comme l'héritier d'Élie, disons quelque chose des prophètes en général. Prophète vient de deux mots grecs qui veulent dire : « Prédire l'avenir.» Les prophètes en effet étaient des hommes à qui Dieu avait communiqué ce don qui n'appartient qu'à lui de connaître les choses futures. Presque toujours, comme dans l'histoire d'Élie, il y joignit le don des miracles . Le miracle, nous avons eu déjà l'occasion de le remarquer, c'est une dérogation aux lois de la nature. Dieu qui a établi ces lois peut seul en changer le cours, soit par lui-même, soit par ceux auxquels il délègue sa toute-puissance. La prophétie, à proprement parler, est une espèce particulière de miracle. Remarquez bien la différence qu'il y a entre les choses extraordinaires et les choses miraculeuses. Quand un malade en grand danger est sauvé par un habile médecin, quand le coup d'oeil profond du savant constate des forces jusque-là inconnues, ou fait des vérités connues déjà des applications nouvelles, quand Galilée découvre la rotation de la terre, Newton la loi de l'attraction , quand Fulton construit la première machine à vapeur, que de nos jours on applique l'électricité à la télégraphie; que l'on invente la photographie ; quand un habile diplomate, étudiant le jeu de la politique ou du coeur humain prévoit que de l'accord ou du conflit des intérêts et des passions résultera tel événement, dans tout cela il n'y a pas de miracle, parce qu'il n'y a rien qui soit au -dessus de la puissance du génie humain, rien de contraire aux lois de la nature.

La science qui se développe, l'industrie qui applique la science, notre intelligence qui produit des chefs- d'oeuvre, c'est toujours la créature humaine agissant dans les limites que Dieu lui a tracées. Mais, lorsque des fleuves touchés par une baguette , remontent vers leur source ; lorsqu'un homme, en présence de toute une multitude, annonce des faits que rien ne peut faire prévoir, des faits contraires aux lois ordinaires de la nature, il y a là l'intervention évidente de la Divinité, il y a miracle . S'il s'agit de l'avenir prévu, il y a prophétie. Laissez donc les ennemis de la parole divine branler la tête et vous dire qu'en fait de miracles ils ne croient qu'aux miracles de la science ou de l'industrie. Ne méprisons point les grandes choses qui sont le développement des facultés que Dieu nous a données ; en même temps mettons- nous en garde contre la crédulité ou la superstition qui accueillent trop souvent comme merveilleux des faits qui ne sont que le résultat de la ruse et de la supercherie . Mais réservons le nom de miracles pour ceux où apparaît certainement la main de Dieu et dont toutes les explications humaines ne nous donneront jamais la clé. Essayez donc d'expliquer par les forces de la nature la résurrection d'un mort !

Revenons maintenant aux prophètes. A beaucoup d'entre les patriarches, les juges, les rois, Dieu a communiqué le don de prophétie. Abraham et Jacob, Moïse et le roi David ont prophétisé. Mais on appelle particulièrement de ce nom de prophètes ceux dont la vie fut spécialement consacrée à prédire l'avenir . Il y a deux classes de prophètes : ceux qui ont laissé des prophéties écrites ; et ceux dont les prédictions sont relatées dans des livres dont ils ne sont pas les auteurs. Parmi ces derniers, je citerai Élie et Élisée . Les premiers sont divisés en grands prophètes et petits prophètes. Les quatre grands prophètes sont Isaïe , Jérémie, Daniel, Ézéchiel. Parmi les petits prophètes, notons particulièrement Jonas dont j'aurai à vous parler dans un de nos prochains chapitres. Encore un mot sur le ministère de ces hommes extraordinaires. Ils eurent souvent à prédire les châtiments qu'Israël s'attirait par ses infidélités et d'autres évènements d'un intérêt passager et local. Mais la grande mission des prophètes fut d'annoncer la venue du Sauveur, les diverses circonstances de sa naissance, de sa vie, de sa mort.

C'est ici que le doigt de Dieu apparaît à tout observateur des livres dont l'authenticité est sortie triomphante de toutes les attaques , et qui sont de plusieurs centaines , quelques- uns de plusieurs milliers d'années antérieurs à Notre -Seigneur Jésus-Christ, annoncent avec une telle précision tout ce qui se rapporte à ce divin Maître , qu'il semble en lisant Moïse, Isaïe, Daniel, Michée, qu'on lise saint Mathieu, saint Marc, saint Luc ou saint Jean , C'est là une preuve de la divinité de notre sainte religion, à la portée de tous et dont nous ne saurions assez remercier son divin Auteur.


CHAPITRE XXIV.

Élisée .

Élisée fut le disciple et le successeur « d’Élie . Peu de prophètes se sont signalés par autant et de si étonnants prodiges. Sa vocation d'abord est admirable et rappelle, ou plutôt annonce et figure celle des apôtre. Au milieu d'autres laboureurs, il conduisait sa charrue attelée d'une paire de bœufs. S'approchant, Élie laisse tomber sur Élisée son manteau, son manteau de prophète . Élisée comprend que Dieu l'appelle ; il demande seulement la permission d'aller embrasser son père et sa mère. Il immole sa paire de bœufs, se servant, pour alimenter le feu du sacrifice, du bois de sa charrue, et annonçant par là le renoncement le plus absolu à son ancienne vie . Puis il suit Élie partout. Celui- ci, étant arrivé sur les bords du Jourdain, roule son manteau en forme de baguette, frappe le fleuve avec et tous deux passent à pied sec. Puis, pressentant sa fin , le maître demande à son disciple ce qu'il pourrait faire pour lui . « Acccordez-moi votre esprit, » répond Élisée. Élie est enlevé au ciel sur un char de feu ; son manteau tombe, Élisée le ramasse , et repasse le Jourdain , miraculeusement comme naguère avec son maître .

La vie de l'homme de Dieu n'est plus désormais qu’un tissu de miracles. Il rend saines les eaux de Jéricho , en y jetant du sel.  Il obtient par ses prières de l'eau et une victoire éclatante aux rois de Juda et d'Israël . La veuve d'un prophète lui ayant représenté qu'un créancier de son mari voulait lui enlever ses fils et en faire des esclaves, Élisée multiplie un peu d'huile qu'elle avait chez elle et lui donne ainsi le moyen de satisfaire à ce créancier impitoyable. Racontons avec plus de détails l'histoire de la Sunamite . Elisée logeait à Sunam chez une femme riche et charitable . Ne sachant comment reconnaître toutes ses pieuses attentions, il obtint de Dieu qu'il lui accordât un fils, quoiqu'elle et son mari fussent déjà vieux . Au bout de quelques années, l'enfant mourut presque subitement. Sans hésiter et avec une de ces fois robustes que nous verrons plus tard le Seigneur Jésus si empressé à louer et à exaucer, elle va trouver Élisée sur la montagne du Carmel. Elle se plaint respectueusement de ce qu'il lui ait obtenu un fils qu'elle ne demandait pas, pour le lui retirer si tôt. Élisée envoie Giezi son serviteur. Bien qu'il eût le bâton du prophète, et qu'il le mît sur le visage de l'enfant, celui- ci ne revenait pas à la vie . Élisée arrive lui- même. Il prie ardemment le Seigneur.  L'enfant ouvre les yeux.  On fait entrer la mère. Ivre de joie, elle remercie Dieu et l'homme de Dieu et emmène son fils.

En ce temps-là, il y eut une grande famine dans le pays qu'habitait Élisée. Là encore , il fit de nombreux prodiges, adoucissant l'amertume de certaines herbes que l'on avait servies aux enfants des prophètes et rassasiant des centaines de personnes avec un peu de pain . Remarquons ici une figure de la multiplication des pains dans l’Évangile. « Qu'est- ce que cela pour servir à cent personnes? » dit le serviteur d’Élisée . « Et lorsque tout le monde fut rassasié, il y en eut de reste , » expressions que nous retrouverons presque textuellement dans le récit des Évangélistes. L'un des plus touchants miracles d’Élisée est ce lui auquel le divin maître fait allusion, quand il dit : « Il y avait beaucoup de lépreux en Israël, aux jours du prophète Élisée ; et pourtant aucun  d'eux ne fut guéri, si ce n'est Naaman le Syrien.» Quelques voleurs, sortant de Syrie, s'étaient emparés d'une jeune fille d'Israël ; elle avait fini par entrer au service de la femme de Naaman. Naaman était le général de l'armée de Syrie, en grand crédit auprès du roi . Il était vaillant et riche, mais lépreux. Cette jeune fille ayant parlé à sa maîtresse d’Élisée, le prophète qui était à Samarie et qui sans doute guérirait Naaman de sa lèpre. Naaman se fit donner par le roi de Syrie une lettre de recommandation pour celui d'Israël. Cette lettre disait : « Je vous envoie Naaman, mon serviteur, afin que vous le guérissiez de sa lèpre. »

Le roi d'Israël fut profondément affligé. Comment guérirait- il Naaman ? Et, s'il ne le guérissait pas, le roi de Syrie n'allait- il pas lui faire la guerre ? Élisée calme le roi. Qu'on lui envoie Naaman . Naaman, avec une suite nombreuse un brillant état-major, comme nous dirions aujourd'hui arrive à la porte du prophète . Le prophète ne paraît pas, mais envoie quelqu'un dire à Naaman d'aller se laver sept fois dans le Jourdain et qu'il serait guéri. Naaman murmure et se retire . Est-ce la peine d'être venu de si loin ? « Les fleuves de mon pays ne valent-ils pas le Jourdain ! Je croyais que le » prophète, se levant, aurait invoqué son Dieu,  m'aurait touché et que j'aurais été guéri . »

C'est ainsi que la raison humaine est toujours tentée de se révolter contre la raison divine. Nous ne voulons croire que ce que nous comprenons. Et c'est parce nous sommes des hommes de peu de foi, modicæ fidei, que nos prières sont si rarement exaucées.

Mais ce n'avait été là chez Naaman qu’un premier mouvement. Ses serviteurs, Naaman était un bon maître ; ses serviteurs l'appellent père; d'ailleurs leur hardiesse à lui faire des remontrances atteste sa mansuétude ses serviteurs lui disent : « Père , quand le prophète vous aurait ordonné quelque chose de bien difficile, vous auriez dû néanmoins le faire. Ne devez- vous lui obéir, à bien plus forte raison, lorsqu'il vous dit : allez vous lavez et vous reviendrez net ? » Frappé de la justesse de ces observations , étranger à cette fausse honte qui fait que tant de gens persévèrent dans une décision qu'ils savent coupable ou imprudente, pour ne pas avoir l'air de se déjuger, Naaman s'en alla donc et se lava sept fois dans le Jourdain, selon que l'homme de Dieu lui avait ordonné.

Et sa chair devint comme la chair d'un petit enfant et il se trouva guéri. Naaman n'est pas seulement guéri dans son corps. Son âme s'ouvre à la connaissance de la vérité. Il offre à Élisée des présents que celui-ci refuse absolument. Il confesse qu'il n'y a pas de Dieu comparable au Dieu d'Israël. Il emporte avec lui la charge de deux mulets de terre , afin d'élever un autel au Seigneur, auquel seul désormais il veut sacrifier. Il se recommande aux prières d'Élisée et lui soumet un scrupule qui indique une âme vraiment délicate . A côté de l'admirable exemple de foi que nous donne Naaman, Giezi, le serviteur d’Élisée, longtemps son aide et son collaborateur, nous montre jusqu'où peut mener l'amour de l'or. Il court après Naaman, et lui fait un conte afin d'obtenir – pour deux enfants des prophètes, disait-il, mais en réalité pour lui une forte somme d'argent et des vêtements précieux. Interrogé par Élie, il ajoute un second mensonge au premier. « Parce que tu as été avide et menteur, lui dit l'homme de Dieu, voici que la lèpre de Naaman s'attachera à toi et à toute ta race pour toujours. »

Et Giezi se retira d’avec son maître, tout couvert d'une lèpre blanche comme la neige. Quelle morale tirerons- nous de cette histoire d’Élisée, de cette suite inouïe de prodiges ? Que rien n'est impossible à Dieu ; que celui qui a établi les lois de la nature ne saurait être l'esclave , mais demeure le maître de ces lois ; que les guérisons du corps ne sont rien à côté de celles de l`âme ; et que, si nous devons, par une vie sobre et réglée, soigner notre santé matérielle, nous devons être bien plus soucieux de notre santé spirituelle, et employer, pour la conserver et l’accroître, tous les moyens que la bonté de Dieu a mis à notre disposition.


CHAPITRE XXV.

Jonas . (Livre de Jonas - Ancien Testament)

Les évangélistes saint Luc et saint Mathieu rapportent – celui-ci même à deux reprises - qu'un jour que les Pharisiens pour tenter le divin maître, lui demandaient un miracle, Jésus leur dit : « Cette génération mauvaise demande un miracle . Il ne lui en sera pas donné d'autre que celui du prophète Jonas. » Quel était ce prophète ? Écoutez l'histoire de Jonas. Elle est intéressante et instructive. Dieu qui prend soin de tous les hommes et qui se préoccupait non- seulement de son peuple mais des infidèles, comme nous en avons vu plus d'un exemple dans l'histoire d’Élisée , Dieu dit à Jonas : « Lève-toi et va dans cette grande ville de Ninive, et prêches- y ; car la malice des Ninivites est montée jusqu'à moi. » ( Ninive – ville du puissant royaume d`Assyrie dont les ruines sont de nos jours en Irak). Dieu était bon et voulait que la pénitence des Ninivites désarmât son bras irrité . Jonas fut lâche. Il craignit de ne pas réussir dans la mission que Dieu lui imposait.

Il craignit peut- être les violences de ceux auxquels il eût dû reprocher vivement leurs désordres . Il s'embarqua donc au port de Joppe - aujourd'hui Jaffa – ville en Israël , pour Tharsis, tournant ainsi le dos à Ninive. Tout à coup une tempête épouvantable s'élève. Supposant qu'elle était un effet du courroux céleste, les marins adressent des prières à leurs dieux ; ils jettent à la mer toute la cargaison . Jonas dormait. Le pilote lui reproche son sommeil. « Pourquoi, toi aussi, n'invoques - tu pas ton Dieu ? » Puis ils tirent au sort pour savoir lequel d'entre eux est cause de cette soudaine calamité. Le sort tombe sur Jonas. Ces hommes qui n'avaient rien vu de reprochable en Jonas l'interrogent. Il dit qu'il est hébreu , qu'il adore et sert le Dieu véritable, celui qui a fait le ciel et la terre .

Il avoue qu'il s'est soustrait aux ordres de son maître . Cependant la fureur des flots ne faisait qu'augmenter. « Jetez - moi à la mer, dit Jonas. Je sais que c'est à cause de moi que cette tempête s'est élevée. » Les matelots hésitent. Pourtant, sur les instances de Jonas - qui se sentait coupable , qui ne voulait pas que sa faute fût punie sur d'autres , qui avait d'ailleurs en la puissance et en la bonté de Dieu une confiance inébranlable, - l'équipage jette Jonas à la mer , puis adresse des prières au Dieu de Jonas. La mer se calme . Dieu avait préparé, dit l'Écriture, un énorme poisson (baleine) qui avale Jonas. Et Jonas demeure dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits ..   comme plus tard le Sauveur devait demeurer trois jours et trois nuits dans le tombeau.

Que fit Jonas dans ce sépulcre vivant? Il n'eut pas peur ; il ne murmura point ; il ne se laissa point aller au désespoir. Il fit ce que tout homme doit faire , lorsqu'il est dans un grand danger, dans une situation en apparence inextricable : il pria. Quelle belle prière que celle qui remplit le chapitre II du livre de Jonas ! Et que cette prière fut merveilleusement exaucée ! Le chapitre se termine ainsi : « Et le Seigneur parla au poisson ; et il vomit Jonas sur le rivage. » Sauvé par la miséricorde divine du désastre que lui avait attiré sa désobéissance , que va faire Jonas ? Que de fois, sauvés comme lui, nous n'avons employé les forces et la vie qui nous étaient rendues que pour offenser de nouveau Dieu notre bienfaiteur !

Plus fidèle, Jonas obéit tout de suite à la nouvelle sommation de Dieu. Il se lève ; il se rend à Ninive ; et dans cette ville immense dont on ne pouvait faire le tour en moins de trois fois vingt- quatre heures, il s'écrie : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. » Les Ninivites n'essayèrent pas de contester ou de tourner en ridicule la parole du Seigneur. Depuis le plus grand jusqu'au plus petit, ils firent pénitence, jeûnèrent, se couvrirent de sac et de cendre ( comme un Carême). Les animaux eux- mêmes durent prendre part à cette pénitence et à ce jeûne solennels. Ces infidèles avaient le sentiment de la miséricorde de Dieu. « Qui sait, si oubliant sa fureur, Il ne voudra pas nous pardonner ! Et nous ne périrons point.» En effet, Dieu vit leurs oeuvres de pénitence et qu'ils avaient quitté la voie mauvaise ; et il les prit en pitié, et il renonça à la vengeance qu'il avait dit qu'il tirerait d'eux et il leur pardonna.

Dieu est meilleur que nous, mes bons amis ; on ne saurait trop le redire. Le croiriez- vous ? Tandis que le Seigneur se laissait toucher aux larmes et à la pénitence des Ninivites, Jonas fut affligé et presque indigné . Ne semblait - il pas qu'il eût en vain annoncé à ces peuples une vengeance à laquelle Dieu renonçait si vite ? Et le prophète demandait la mort. Au lieu de le raisonner, Dieu fit croître , en un lieu où Jonas se reposait, un lierre, de telle sorte que ce lierre ombrageait la tête du prophète et le protégeait contre les ardeurs du jour. Grande joie pour Jonas. Mais hélas! un ver pique le lierre à sa racine ; la plante est desséchée; elle tombe. Le soleil frappe d'aplomb sur la tête de Jonas. Jonas se plaint, demande encore une fois la mort, regrette son cher lierre . « Comment , lui dit le Seigneur, tu as des plaintes pour un lierre que tu n'as ni planté, ni arrosé, qui est né en une nuit et mort la nuit d'après ! Et moi je n'épargnerais pas Ninive, cette grande ville dans laquelle il y a plus de cent vingt mille enfants qui ne savent pas discerner leur main droite de leur main gauche ! » Appliquons - nous ces paroles à nous - mêmes. Soyons miséricordieux.

Ayons le cœur tendre à l'égard de notre prochain . Combien n'avons- nous pas besoin, pécheurs que nous sommes, de la miséricorde d'en haut ? Sachons donc, nous-mêmes, pardonner à ceux qui nous auraient offensés. Implorons le pardon du ciel, non - seulement pour nous, mais pour les autres. Et quand nous voyons le bras de Dieu , prêt à frapper, s'arrêter soudain, réjouissons-nous. Notre Dieu n'est pas un Dieu cruel ni impitoyable. Il est bon, avant même d'être juste. C'est le bon Dieu. Heureux ceux qui sont bons aussi et doux, parce qu'ils seront appelés ses enfants !


CHAPITRE XXVI.

Histoire de Tobie . (Livre de Tobie – Ancien Testament) - vers 727 Av J.C.

Tobie était un Israélite de la tribu de Nephtali . Jeune encore, tandis que tous ses concitoyens adoraient les veaux d'or jadis établis par Jéroboam (dans le nord du pays), il allait, lui, adorer le Seigneur à Jérusalem ; il observait fidèlement la loi ; il était charitable pour ses frères. Marié à Anne, il eut un fils appelé aussi Tobie et qu'il instruisit dès son enfance à craindre Dieu et s'abstenir de tout péché.

Emmené en servitude à Ninive ( ancienne ville dont les ruines sont de nos jours en Irak), du temps du roi Salmanazar, il ne cessa d'être fidèle à Dieu ; et Dieu , pour récompense, lui fit obtenir un grand crédit auprès du roi . Il en profita pour rendre aux compagnons de sa captivité toute sorte de bons offices. Plus tard, comme il ensevelissait pieusement les corps des Israélites mis à mort par Sennachérib , fils de Salmanazar, Sennacherib irrité , voulut le faire mourir . Tobie s'enfuit et se cacha avec sa femme et son fils. Mais Sennacherib étant mort, on rendit à Tobie tous ses biens. Il n'en persista pas moins, en dépit des remontrances de ses voisins, à ensevelir les corps de ceux qui étaient tués. Un jour que, fatigué de ce charitable ministère, il s'était endormi le long d'un mur, il lui tomba sur les yeux de la fiente d'hirondelle et il devint aveugle. Semblable au saint homme Job, il supporta avec patience cette cruelle épreuve ; et les reproches que lui adressèrent à ce sujet sa femme et ses parents, ne surent pas tirer de lui un mur mure. · Au contraire, il leur répondit : « Ne parlez pas ainsi. Ne sommes- nous pas les enfants de Dieu, et n'attendons-nous pas de lui cette vie qu'il doit donner à ceux qui lui auront été toujours fidèles ? »

Cependant, le coeur navré, Tobie se plaignait tendrement à Dieu, et tout en se soumettant à sa justice, il demandait de mourir . Au même moment, dans le pays des Mèdes, Sara, fille de Raguel, parent de Tobie, répandait sou coeur devant le Seigneur. Elle avait successiment épousé sept maris qui tous avaient été, la première nuit de leurs noces, frappés de mort subite : le démon (l`ange déchu) les avait étranglés. La servante de Sara l'appelait : « Meurtrière de ses maris. » Cette injure la touchait vivement, et dans sa confiance, elle demandait à Dieu de faire cesser cet opprobre ou de la retirer de ce monde.  

Dieu exauça en même temps la prière de Tobie et la prière de Sara. Tobie, croyant qu'il allait mourir, fit venir son fils, et lui adressa des conseils que je veux transcrire presque en entier. Écrites il y a plus de vingt-cinq siècles , il semble que ces paroles soient d'hier, tant elles sont applicables à nous tous, riches ou pauvres, qui vivons aujourd'hui.

Heureux les pères dont la vie n'a été que la mise en pratique de pareils conseils ! Heureux les fils qui les écoutent d'une oreille docile et y con forment toutes leurs actions !

Voici donc ce testament du vieux Tobie : « Écoute, mon fils, les paroles de ma bouche, a et place-les dans ton coeur, comme un fondement solide. Lorsque Dieu aura repris mon âme, ensevelis mon corps : et honore ta mère tous les jours de ta vie . Car tu dois te souvenir de ce qu'elle a souffert et à combien de périls elle a été exposée, quand elle te portait dans son sein . Et lorsqu'elle aussi sera parvenue au terme de sa carrière, ensevelis- la à côté de moi.  Аie Dieu dans ton esprit tous les jours de ta vie ; et garde-toi de consentir jamais à aucun péché et de violer les préceptes du Seigneur notre Dieu. Fais l'aumône de ton bien, et ne détourne ton visage d'aucun pauvre ; car c'est ainsi que le Seigneur ne détournera point non plus son visage de dessus toi . Sois charitable en la manière que tu le pourras. Si tu as beaucoup , donne beaucoup; si tu as peu, ingénie -toi à donner même de ce peu... Garde- toi aussi, mon fils, de toute impureté. Sois fidèle à ta femme, et que la pensée du mal n'approche même pas de ton coeur... Ne permets pas que l'orgueil devienne jamais le maître de tes pensées ou de tes paroles; car l'orgueil est la source de toute perdition. Lorsqu'un homme aura travaillé pour toi , paye - lui tout de suite le salaire dû pour son travail . Ne fais jamais à autrui ce que tu serais fâché qu'on te fit à toi-même. Mange ton pain avec les pauvres et ceux qui ont faim ; et que tes vêtements couvrent ceux qui sont nus. Demande toujours conseil à un homme sage. Bénis Dieu en tout temps ; conjure-le de te diriger dans toutes tes voies et, dans toutes tes entreprises, que sur Dieu seul reposent tes espérances de succès. »

Puis Tobie rappela à son fils qu'il avait jadis prêté à leur parent Gabelus, alors dans la peine, dix talents d'argent. Gabelus habitait à Rhagès, dans le pays des Mèdes . Tobie engagea son fils à chercher quelqu'un qui put le mener à Rhagès, pour rendre à Gabelus son papier et en recevoir la somme due. Un ange du Seigneur, l`archange Raphaël, se présenta au jeune Tobie et s'offrit à le conduire et à le ramener sain et sauf. Ne sachant point que ce fût un ange, mais plein de confiance en la bonté de Dieu , le vieux Tobie accepta. Les deux jeunes gens partirent. Arrivés sur les bords du Tigre (rivière en Irak), comme Tobie se  disposait à se laver les pieds, un énorme poisson sortit de l'eau pour le dévorer.  Effrayé, Tobie allait s'enfuir . Mais l'ange lui dit : « Ne crains rien. Tire le poisson dehors ; vide le ; prends- en le fiel, le coeur et le foie. » Tobie obéit .

Ils firent cuire, ou salèrent pour leur route, le reste du poisson ; et, chemin faisant, l'ange expliqua à Tobie que, placés sur des charbons ardents, le coeur et le foie chassaient par leur fumée tous les démons, que le fiel était bon pour guérir les yeux malades. Arrivés à Ecbatane, ils allèrent loger chez Raguel. L'ange avait expliqué à Tobie que Dieu lui destinait Sara, qu'il n'eût point à s'effrayer de ce qui était arrivé aux sept premiers maris, que semblable chose ne lui arriverait pas à lui, qui se marierait saintement et en présence de Dieu. A peine arrivés chez Raguel, celui- ci fut frappé de la ressemblance de l'un des voyageurs avec Tobie son parent ; et quand il apprit de la bouche de l'ange que ce voyageur était bien le jeune Tobie, il l'embrassa en pleurant et s'écria : « Que la bénédiction de Dieu soit sur toi, mon fils ; car tu es le fils d'un homme bon et excellent. »

Puis il fit préparer un grand festin . Mais Tobie déclara qu'il ne boirait ni ne mangerait, tant que Raguel ne lui aurait pas promis sa fille en mariage . Effrayé au souvenir des sept premiers maris, Raguel hésitait. L'ange le décida : « Ta fille, lui dit- il, était réservée à cet homme craignant Dieu . » Raguel accorda donc sa fille à Tobie et le mariage se fit. Fidèle au conseil de l'ange, à peine entré dans la chambre nuptiale, Tobie fit brûler une partie de foie du poisson, pour chasser les démons. Puis il passa en prières, avec Sara, les trois premières nuits de ses noces, noces vraiment saintes et que l'Église elle- même a pris soin de proposer à l'imitation des chrétiens.

Ces paroles de la messe du mariage : « Que le Dieu d'Abraham , d'Isaac et de Jacob soit avec vous, que lui- même vous unisse et qu'il accomplisse sur vous ses plus abondantes bénédictions,» et ces autres paroles : « Nous sommes les enfants des saints ; nous ne pouvons donc pas nous marier comme les païens qui ne connaissent pas Dieu. » sont tirées textuellement du livre de Tobie. Raguel, quand il vit qu'aucun mal n'était arrivé à sa fille, fut bien heureux. Il donna à Tobie la moitié de son bien , lui assura l'autre moitié après sa mort et obtint de lui qu'il restât dans la famille de sa femme deux semaines entières. L'ange voulut bien, sur la prière de Tobie, aller trouver Gabelus.

Celui-ci rendit l'argent, reprit son reçu et vint à Ecbatane (Iran), aux fêtes qui suivaient les noces de Tobie . Dès qu'il vit le jeune homme, il pleura et dit ces paroles, bien douces à entendre pour le coeur d'un fils : « que le Dieu d'Israël te bénisse ; car tu es le fils d'un homme excellent et juste. » Cependant Tobie tardant à revenir, ses parents étaient dans l'inquiétude. Sa mère surtout ne se pouvait consoler. Tous les jours, elle parcourait les chemins par où son fils pouvait revenir, afin de l'apercevoir de loin . Tobie s'était attaché à son beau -père, emmenant sa femme à qui, en la quittant, ses parents avaient adressé ces sages paroles : « Honore ton beau -père et ta belle -mère, aime ton mari, gouverne ta famille et ta maison, garde-toi à l'abri de tout reproche. »

Tout à coup, du haut d'un monticule où elle était assise, Anne, la mère du jeune Tobie, vit son fils qui, avec l'ange, avait pris les devants : elle courut avertir son mari.... Au même instant, dit l'Écriture, - et je serais fâché de ne pas reproduire ce détail si simple et si touchant le chien de la maison qui avait suivi les voyageurs, courut devant eux ; et, comme s'il eût porté la bonne nouvelle de leur retour, il témoignait sa joie par le mouvement de sa queue et par ses caresses. Le vieux Tobie, tout aveugle qu'il fût, se mit à courir aussi ; mais, il fut obligé de donner la main à un de ses serviteurs .... Tobie arrive . Les parents embrassent leur fils en pleurant, remercient Dieu, s'asseyent. Puis Tobie, enduisant les yeux de son père avec le fiel du poisson , lui rend la vue.

Enfin Sara , femme de Tobie, arrive aussi avec ses serviteurs, ses troupeaux, ses chameaux, ses richesses. Tobie ne se lassait pas de redire à ses parents tout ce qu'il devait à son charitable guide. Ils ne savaient quelle récompense lui offrir , et ils voulurent lui faire accepter la moitié de leurs biens. Alors l'ange leur déclara qui il était, leur apprit que les oeuvres de miséricorde de Tobie avaient trouvé grâce devant Dieu, les engagea à louer le Seigneur et à lui demeurer toujours fidèles ; et il disparut à leurs yeux.  

La fin de l'histoire de Tobie se raconte en peu de mots. Après avoir chanté un cantique d'actions de grâces, dans lequel, s'élevant au -dessus de sa reconnaissance particulière, il célébrait le triomphe de Jérusalem et l'établissement de l'Église , Tobie le père vécut encore quarante ans. Sentant sa fin approcher, il appela son fils et les sept fils de son fils, leur recommanda de nouveau la fidélité à Dieu, l'aumône et la miséricorde, et il mourut. Peu de temps après, la mère de Tobie mourut aussi, et celui- ci se retira à Ecbatane, auprès de ses beaux parents. La sainte Écriture termine ainsi cette histoire, pour nous montrer les heureux effets des bons exemples, des traditions pieuses dans les familles, et comme quoi le bien que nous faisons s'étend non -seulement à ceux qui nous touchent de près, mais par eux à ceux qui viendront après eux, souvent pendant des siècles : « Et lorsque Tobie eut accompli sa quatre vingt-dix -neuvième année, dans la crainte du Seigneur, on l'ensevelit avec joie . Toute sa parenté et toute sa descendance persévéra dans la bonne vie dont il leur avait donné l'exemple et dans une conduite si sainte qu'ils furent toujours agréables à Dieu et aux hommes. »


CHAPITRE XXVII.

Ézéchias. - Judith . (Livre de Judith - Ancien Testament) - vers 659 Av J.C.


Je vous ai dit, chers lecteurs, qu'il n'entrait pas dans mon dessein de vous présenter successivement tous les rois de Juda. Une observation générale à faire, c'est que, pour eux, comme pour les rois d'Israël , l'impiété eut toujours son châtiment. Vous vous étonnez sans doute qu'assurés comme ils étaient par une expérience constante des heureux résultats de la vertu, des tristes conséquences du péché, le peuple de Dieu et ses chefs soient pourtant retombés si souvent dans l'idolâtrie. Hélas ! étonnons-nous plutôt sur nous-mêmes. Est- ce que nous ne savons pas parfaitement que Dieu est juste; et que, si ce n'est pas dans cette vie, du moins dans la vie à venir, une sentence infaillible et sans appel attend nos actions bonnes ou mauvaises ?

Et pourtant nous continuons de nous laisser aller à tant d'actions coupables. Nous avons de la peine , je ne dis pas à être des saints, mais à remplir nos plus stricts devoirs de chrétiens. Ne savons-nous pas que, même ici-bas, l'ivrogne et le libertin sont punis par l'altération de leur santé ; que l'homme vindicatif, envieux ou colère, perd la paix de son âme et la paix de son ménage ? Et pourtant nous ne nous tenons guère en garde contre l'intempérance, contre les excès de toute sorte , contre les violences de notre caractère .


Citons deux ou trois seulement des rois de Juda.  Ezéchias, remarquable par sa piété, fut heureux dans la paix et dans la guerre. Le prophète Isaïe lui ayant annoncé que la fin de sa vie approchait, Ezechias conjura le Seigneur de ne pas le faire mourir encore. Il mit à sa prière tant d'ardeur et de confiance, que Dieu l'entendit et lui accorda un répit de quinze années. Nous nous plaignons souvent que nos prières ne sont pas exaucées. C'est presque toujours parce que nous prions sans persévérance, avec défiance de la bonté, quelquefois même de la puissance de Dieu , sans cet abandon absolu dont le divin Maître nous a donné l'exemple, quand il disait, au jardin des Oliviers : « 0 mon père, que ce calice s'éloigne de moi. Pourtant que ce ne soit pas « ma volonté qui se fasse, mais la vôtre ! » Le fils du pieux Ezechias fut Manassés. Ce prince impie, irrité des avertissements d'Isaïe qui le menaçait de la colère du ciel, fit scier le prophète avec une scie de bois. Mais bientôt, vaincu, il fut fait prisonnier par les Assyriens. Dieu qui se souvenait sans doute de son fidèle serviteur Ezechias, accorda au fils coupable une grande grâce, la grâce du repentir.

C'est sous Manassès qu'il faut placer une des histoires les plus extraordinaires de l'Ancien Testament, l'histoire de Judith. (Livre de Judith – Ancien Testament). Le roi qui régnait alors en Assyrie (Royaume guerrier autrefois en Irak actuel) était Nabuchodonosor Ier. Puissant et ambitieux, il réunit un jour tous ses généraux et leur déclara qu'il avait conçu la pensée de soumettre toute la terre à son empire. En conséquence, le principal de ses généraux, Holopherne, conduisit une immense armée à travers les contrées qu'il dévastait, prenant les villes d'assaut, et rançonnant les populations. La terreur se répandit dans tout l'Orient. Partout Holopherne détruisait les temples : Nabuchodonosor voulait être seul adoré de ses nouveaux sujets. Cependant les Juifs, à la nouvelle de l'approche d'Holopherne, avaient mis garnison dans plusieurs de leurs villes fortes . D'après l'avis du prêtre Eliachim, qui leur avait rappelé l'histoire de leurs pères et les antiques promesses du Seigneur, ils faisaient pénitence , persévérant dans le jeûne et la prière ; et, dit l'Écriture, « tous priaient Dieu de tout leur coeur qu'il voulût bien visiter son peuple d'Israël . »

Holopherne apprit tout à coup que les Israélites se disposaient à lui résister et qu'ils avaient fortifié les défilés de leurs montagnes. Et, comme il demandait quel était ce peuple dont il entendait pour la première fois prononcer le nom, Achior, chef des Ammonites, lui fit un résumé très-exact de l'histoire du peuple de Dieu. Il insista sur ce point, que jamais, s'ils étaient fidèles à leur Dieu , les Israélites ne seraient vaincus. Irrité de ce propos , Holopherne voulut montrer à Achior qu'il n'y avait pas d'autre Dieu que Nabuchodonosor. Il fit conduire l'Ammonite à Béthulie, petite ville dont Holopherne allait commencer le siège . Une fois la ville prise, Achior serait passé au fil de l'épée, avec toute la garnison. Achior raconta son histoire aux Juifs et à leur chef Ozias. Ceux - ci accueillirent très-bien Achior, et redoublèrent leurs confiantes prières au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Ce Dieu préparait leur salut. Holopherne ayant coupé les conduits qui menaient l'eau à Béthulie, Ozias avait dû céder aux supplications du peuple et promettre de se rendre après cinq jours, si d'ici là le Seigneur n'intervenait . Il y avait alors à Béthulie une veuve d'une grande sagesse, d'une grande vertu et d'une grande beauté, nommée Judith . Ayant appris la promesse d'Ozias, elle lui adressa, ainsi qu'aux prêtres, de graves reproches d'avoir fixé un terme, pour ainsi dire, à la miséricorde du Seigneur. Elle rappela toutes les grâces dont leurs pères avaient été comblés, tant qu'ils s'étaient montrés dociles, tous les châtiments qui étaient venus punir leurs infidélités. Tous l'admirèrent. « Laissez- moi donc faire, leur dit- elle, sans m'interroger, ce que Dieu m'inspire de faire. » Puis elle invoqua l'assistance du Très- Haut. « Permets, Seigneur, dit-elle, que ton glaive me serve à renverser cet orgueilleux... Ce sera une marque de ta puissance que la main d'une femme abatte un ennemi si fort... Tu as toujours aimé, Seigneur, la prière des humbles et des petits. » Judith quitte ses vêtements de deuil, se revêt d'habits magnifiques. Escortée d'une seule servante , elle se rend au camp des Assyriens. Ébloui par sa beauté, Holopherne la laisse circuler librement dans le camp, prier seule, habiter seule, avec sa servante , la tente qu'elle a choisie .

Puis, un jour, Holopherne voulant la fêter, lui donne un repas magnifique dans lequel il boit outre mesure. Judith , après avoir de nouveau invoqué avec larmes le secours de Dieu , entre dans la tente d'Holopherne, saisit son sabre pendu à côté du lit, et, en deux coups, détache la tête du tronc. Elle confie la tête à sa servante , et toutes deux reviennent à Béthulie, où le peuple l'accueille comme une libératrice . Frappés par la mort de leur chef, les Assyriens s'enfuient. Les Juifs les poursuivent, en tuent un grand nombre, font un butin immense. On rendit à Judith des honneurs considérables. Le grand prêtre lui adressa ces paroles : « Tu es la gloire de Jérusalem, tu es la joie d'Israël, tu es l'honneur de ton peuple . » Judith , toujours humble, rendit grâces au Seigneur par un magnifique cantique. Elle vécut jusqu'à l'âge de cent cinq ans... Et, tant qu'elle vécut, et bien des années après, nul, disent les saints livres, n'osa troubler Israël qu'elle avait sauvé.

Ai- je besoin de vous dire qu'il serait absurde autant qu'impie de chercher dans cette histoire la justification de l'assassinat ? Ce crime a toujours été expressément condamné par les lois divines comme par les lois humaines. Mais il ne faut pas oublier que les Juifs, entourés de nations idolâtres, recevaient, pour l'enseignement du monde, des communications directes et particulières de Dieu, qui manifestait sa puissance, tantôt par des miracles opérés en son nom par ses prophètes, tantôt par des actions extraordinaires pour lesquelles il employait les instruments les plus faibles. Dans cette circonstance, Judith agis sait sous l'inspiration immédiate de Dieu qui se servait de la main d'une femme pour confondre l'orgueil, punir l'impiété, et répondre à cette belle prière que lui avaient adressée les habitants de Béthulie : « Seigneur, Dieu du ciel et de la terre, considérez l'orgueil de nos ennemis, et la faiblesse de vos enfants; jetez sur nous un regard favorable, et montrez que vous n'abandonnez pas ceux qui s'appuient sur vous seul, mais que vous humiliez les présomptueux qui comptent sur eux -mêmes. »


CHAPITRE XXVIII.

Daniel. - Nabuchodonosor. (Livre de Daniel - Ancien Testament) - vers 587 Av J.C.


A l'exception de Josias, tous les rois de Juda furent désormais impies comme Achaz. Dieu employa successivement pour les châtier les Égyptiens et les Assyriens. Enfin , sous Sédécias, qu'avertissaient en vain les prophètes Jérémie et Ezéchias , Nabuchodonosor, roi d`Assyrie, brûla le temple de Jérusalem , fit périr les principaux habitants et emmena un grand nombre d'Israélites captifs à Babylone (de nos jours en Irak). Jérémie, resté à Jérusalem avec quelques-uns des plus pauvres habitants, pleura les malheurs de sa patrie dans ces belles lamentations que l’Église chante aux Ténèbres de la semaine sainte, et qui, outre leur sens propre, figurent l'humanité , misérable et dépouillée , depuis qu'elle avait perdu la connaissance du vrai Dieu ; elles figurent aussi l’âme de chacun de nous, lorsque, par le péché, nous l'avons dévastée et livrée au démon ( ange déchu) qui se plaît dans les ruines, comme les renards et les chacals .

Ézéchiel suivit les Juifs à Babylone et leur prédit que la captivité ne durerait pas au - delà de soixante -dix ans . Parmi les Juifs transportés à Babylone, l'Écriture nous signale quatre jeunes hommes, Daniel, Azarias, Mizaël et Ananias. Le roi les faisait élever et instruire dans son palais. Il voulait qu'ils se nourrissent des mets de sa table et qu'ils bussent du vin dont il buvait lui-même. Daniel , craignant de se souiller par des viandes qui auraient sans doute été offertes aux idoles, obtint qu'on ne leur servit que des légumes et qu'on ne leur fît boire que de l'eau. Cela ne les empêcha pas d'éclipser par l'éclat de leur teint et leur frais embonpoint, comme aussi par leur science et leur sagesse, – tous les jeunes Babyloniens. De bonne heure , Daniel avait donné une preuve de cette remarquable sagesse. Une femme vertueuse, Suzanne, avait été accusée par deux misérables vieillards d'un crime infâme, précisément parce qu'elle s'était refusée à leurs conseils coupables. Au moment où, condamnée , elle allait être conduite au supplice, Daniel protesta ; il fit suspendre l'exécution ,et, par un habile interrogatoire, il mit les vieillards en contradiction avec eux- mêmes.

Suzanne fut sauvée, et ses calomniateurs lapidés à sa place. Entre les dons miraculeux dont Dieu avait enrichi son serviteur Daniel, l'interprétation des songes était un des plus remarquables. Une nuit, Nabuchodonosor avait eu un songe dont il avait été fort troublé. Réunissant tous ses devins, il leur ordonna non- seulement de l'interpréter mais de le lui raconter. Tous ayant déclaré la chose impossible , le roi irrité condamna à mort tous les sages de Babylone. On cherchait Daniel et ses compagnons pour leur faire partager le supplice commun , lorsque Daniel alla trouver le roi et lui demanda grâce pour lui et les siens, et un délai afin de le satisfaire . Le délai obtenu, Daniel, Ananias, Mizaël, Azarias, se mirent en prière, afin d'obtenir la lumière qui devait les préserver de la mort. Pendant la nuit, Daniel éclairé s'écria : « Je te confesse et je te loue , ô Dieu de nos pères, parce que tu m'as donné la sagesse et la force et que tu viens de me montrer ce que nous t'avons demandé , en me faisant connaître le songe du roi.»

Admirable humilité de ce grand homme qui ne voulait pas s'attribuer à lui- même, comme nous ne sommes que trop portés à le faire, un don qu'il tenait de la munificence divine ! Introduit auprès de Nabuchodonosor, Daniel lui dit : « Les sages, les devins, les mages, les aruspices ne peuvent te satisfaire. Mais il y a au ciel un Dieu qui révèle les mystères et qui t'a indiqué  Ô roi Nabuchodonosor, les choses qui doivent arriver dans les derniers temps. » Puis il se mit à raconter le songe que le roi avait eu. Il avait vu une immense statue ayant la tête d'or, le buste d'argent, le bas du corps d'airain , les pieds de fer et d'argile . Une pierre tombant, on ne sait comment, du haut d'une montagne, brisait la statue et de ses débris faisait une masse informe.  Puis la pierre elle-même devenait une montagne immense qui couvrait toute la terre . L'or, l'argent, l'airain , le fer mêlé à l'argile , figuraient les quatre grands empires : l'empire des Assyriens ou de Babylone que Nabuchodonosor gouvernait alors, l'empire des Mèdes et des Perses qui devait être fondé par Cyrus, l'empire des Grecs ou des Macédoniens par Alexandre, puis l'empire Romain , empire de fer, à cause de la dureté du joug qui pèserait sur toute la terre , empire d'argile à cause de sa fragilité. La petite pierre qui jetait bas l'empire de fer et d'argile, puis recevait un si merveilleux accroissement, c'était la société chrétienne , établie sur les ruines de l'empire Romain, et dont rien jusqu'à la fin des temps ne devait arrêter le prodigieux développement.

Le roi stupéfait se prosterna devant Daniel, en fit son principal ministre, éleva aussi à de hautes dignités ses trois compagnons. Serons-nous plus incrédules que ce monarque idolâtre ? Quel autre que Dieu pouvait montrer dans un si clair miroir à ce jeune Hébreu, Cyrus, Alexandre, l'empire Romain et surtout l'Église ? L'histoire a vérifié mot pour mot toute cette prophétie. Donc c'est Dieu qui parlait. Donc c'est Dieu qui a inspiré les Écritures, qui a guidé, à travers ses étranges destinées, le peuple qu'il s'était choisi, qui a fondé, qui dirige cette société impérissable dans laquelle nous avons le bonheur de vivre, le Christianisme . Nabuchodonosor était un orgueilleux. En vain sous le coup des révélations de Daniel, il lui avait dit : « Vraiment, ton Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs. »

Nabuchodonosor, comme tous les ambitieux n'avait d'autre dieu que lui-même. Il se fit élever une statue d'or, de soixante coudées, et ordonna par la voix des hérauts qu'à un moment donné tous, grands et petits, se prosternassent devant la statue et l'adorassent. Quiconque résisterait serait, à l'instant même, jeté dans une fournaise ardente. Ananias, Mizaël et Azarias, ayant refusé au roi lui-même de se soumettre à cet ordre impie, furent précipités dans la fournaise . « Or , dit l'Écriture , ils se promenaient au milieu des flammes, louant Dieu et bénissant le Seigneur. » Je voudrais que l'espace me permît de transcrire l'admirable cantique où s'exhalaient leur confiance, leur reconnaissance, l'invitation qu'ils adressaient successivement à toutes les créatures, grandes et petites , animées et inanimées, douées ou dénuées de raison , de bénir le Seigneur. Cependant Nabuchodonosor, étonné qu'ils n'eus sent pas été consumés par les flammes, les fit sortir de la fournaise.

Pas un cheveu de leur têtes , pas un fil de leurs vêtements n'avait été entamé. Encore une fois, Nabuchodonosor ne put s'empêcher de rendre hommage à la fidélité des jeunes Hébreux , à la puissance du Dieu d'Israël qui les avait protégés. Il réintégra Ananias , Mizaël et Azarias dans toutes leurs dignités , et rendit même un édit qui reconnaissait la puissance du Dieu d'Israël et condamnerait à mort quiconque le blasphémerait. Puis , de nouveau , Nabuchodonosor se livra à l'orgueil. Il eut un songe, et Daniel encore le lui expliqua : Dieu allait lui retirer son empire. Pendant sept années , il serait confondu avec les bêtes des forêts, se nourrissant, comme elles, de l'herbe des champs. « C'est pourquoi, o roi, ajoutait Daniel, suis mon conseil. Rachète tes iniquités par des aumônes. Peut-être Dieu te pardonnera. » Nabuchodonosor n'écouta point Daniel . Peu de temps après, tandis qu'il se complaisait dans la contemplation de sa puissance , tout à coup la prophétie s'accomplit. Après sept ans seulement de cette vie quasi- animale, Nabuchodonosor leva les yeux vers le ciel , demanda pardon à Dieu. Dieu lui rendit son royaume. « Et moi donc, ainsi se termine cette histoire , - moi, Nabuchodonosor, je loue , et j'exalte , et je glorifie le roi du ciel, parce que toutes ses œuvres sont glorieuses, toutes ses voies équitables, et qu'il peut humilier ceux qui marchent dans l'orgueil. »


CHAPITRE XXIX.

Daniel dans la fosse aux lions.

Cependant le moment approchait où le royaume des Assyriens serait détruit et où se terminerait la captivité des Juifs à Babylone. Cyrus, général des Mèdes, assiégeait Babylone. Balthazar, fils ou petit- fils de Nabuchodonosor, comptant sur les hautes murailles de sa capitale, passait ses jours et ses nuits dans les festins et la débauche. Un jour, il avait réuni à un festin magnifique tous les grands de sa cour. Les convives avaient déjà bu au delà de toute mesure. Le roi , ne sachant comment donner quelque saveur de plus et quelque montant nouveau à des plaisirs dont il était à la fois insatiable et rassasié, fait apporter les vases d'or que Nabuchodonosor, son père , avait jadis enlevés au temple de Jérusalem ; et tous, joignant l'impiété à l'ivresse, de boire à leurs faux dieux dans ces vases sacrés . Au même moment apparurent sur la muraille comme les doigts d'une main qui traçait des caractères mystérieux: Mane, Thécel, Pharès.

Effrayé, le roi consulte ses devins, qui ne savent que répondre. La reine, tout à coup, rappelle à Balthazar Daniel qui, tant de fois, a expliqué à Nabuchodonosor les songes les plus étranges, et que celui- ci avait comblé d'honneurs. Daniel est amené devant Balthazar. Balthazar lui offre les plus riches présents, s'il peut expliquer le sens de ces paroles tracées sur la muraille . Daniel repousse les présents du roi. Il lui rappelle quelles faveurs Dieu avait accordées à son père, à quelles terribles épreuves Nabuchodonosor fut soumis chaque fois qu'il s'était abandonné à l'orgueil. « Toi aussi, son fils, Balthazar, bien que tu susses ces choses, tu n'as pas humilié ton coeur. Au contraire, tu t'es élevé contre le dominateur du ciel ; tu as fait apporter devant toi les vases de sa maison ; toi, tes courtisans et tes femmes, vous avez bu dans ces vases ; tu as loué tes dieux d'or, d'argent, d'airain, de fer, de bois, de pierre, quine voient, ni n'entendent, ni ne sentent .  Voici le sens de ces trois mots : Mané, Thécel, Pharès. « Manè, nombre : Dieu a compté les jours de  ton règne et en a marqué la fin . - Thécel, poids : Tu as été pesé dans la balance , et tu as été trouvé trop léger. – Pharès, division : Ton royaume a été divisé et donné aux Mèdes et aux Perses. »

Le roi ordonna que Daniel fût couvert de pourpre , qu'un collier d’or lui fut passé au cou, qu'un héraut le proclamât le troisième personnage de l'empire . Le soir même, Balthazar fut tué . Cyrus entra en vainqueur dans Babylone . L'empire des Assyriens finissait et cédait la place à celui des Mèdes et des Perses. Cyaxare, roi des Mèdes que l’Écriture appelle Darius le Mède, prit aussi Daniel en grande amitié ; il le plaça au- dessus de tous ses premiers officiers appelés satrapes. Ceux- ci étaient dévorés d'envie . « Nous ne trouverons, se dirent- ils , aucune occasion de nuire à Daniel, si ce n'est peut- être dans son attachement à sa religion .» Ils suggérèrent donc au roi l'idée d'ordonner par un édit que, pendant trente jours, nul n’adressât à personne aucune prière ni aucune demande, si ce n'est au roi , et que quiconque contreviendrait à cette défense serait jeté dans la fosse aux lions. Voyez la tendance de l'homme à se faire adorer, à s'attribuer à lui-même ce qui n'appartient qu'à Dieu . Suspendre, pendant trente jours, la prière , cette communication entre l'homme et Dieu, cette respiration de l'âme naturellement religieuse, quelle impiété ! Daniel ne pouvait s'y prêter. Ses fenêtres ouvertes, il continua de s'agenouiller trois fois par jour, comme il avait coutume de le faire et les yeux tournés vers Jérusalem, il pria le Seigneur.

Cette rébellion de Daniel est rapportée au roi qui veut d'abord le sauver, mais qui finit par le jeter dans la fosse , lui disant : « Ton Dieu, que tu es si constant à adorer, te délivrera lui- même. » Admirez, en passant, comme chez tous ces rois idolâtres , le contact avec le peuple de Dieu avait répandu des idées justes sur la puissance du Seigneur . Le roi ne mangea ni ne dormit. Puis, de grand matin , s'approchant de la fosse et des larmes dans la voix : « Daniel, dit- il, Daniel , serviteur du Dieu vivant , ton Dieu que tu sers si fidèlement n'aurait- il pas pu te délivrer de la dent des lions ? » Et Daniel lui répondit : « O roi, vis éternellement , c'est- à -dire , peut - être en récompense de ta commisération , mérite de connaître cette vérité qui mène à la vie éternelle. Mon Dieu a envoyé un ange, et il a fermé la gueule des lions , et ceux- ci ne m'ont point fait de mal, parce que j'ai été trouvé juste en présence de mon Dieu . Mais envers toi, non plus,  Ô roi, je n'ai point commis de faute. »

Il voulait dire que celui-là n'est jamais coupable envers les hommes dont tout le crime consiste à avoir été fidèle à ce précepte : «Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes.» Daniel sortit de la fosse où furent précipités à sa place et immédiatement dévorés tous ceux qui avaient voulu le perdre . Daniel fut de nouveau comblé d'honneurs sous le règne de Darius et de Cyrus son successeur.

Ne quittons pas Daniel sans parler de sa célèbre prophétie. C'est lui qui annonça qu'après soixante - neuf semaines d'années et pendant le cours de la soixante dixième, - ce qui fait 490 ans — paraîtrait le Christ, fils de Dieu, chef du peuple chrétien ; qu'il serait mis à mort, mais que Jérusalem elle même serait détruite , et la loi de Moïse abolie . Nous verrons plus tard l'accomplissement littéral de cette prédiction . Cependant l'un des premiers actes de Cyrus fut de permettre aux Juifs de retourner à Jérusalem et de rebâtir le temple du Seigneur. Il leur rendit même les vases d'or et d'argent que Nabuchodonosor avait dérobés au premier temple et qui avaient été si indignement profanés dans le festin de Balthazar. Sous la conduite de Zorobabel, les Juifs retournèrent donc à Jérusalem . Les fondements du nouveau temple furent jetés.

Néanmoins les Samaritains , voisins et ennemis des Juifs, entravèrent longtemps la construction de l'édifice lui-même. Pourtant, sous le règne d'un autre Darius, l’Assuérus de l'Écriture, cette construction, encouragée par le roi, fut menée à bonne fin, et la dédicace en fut célébrée avec une grande pompe. Notons ici le nom des prophètes Aggée et Malachie . Lorsque les vieillards qui avaient vu l'ancien temple en regrettaient la magnificence , ces prophètes le consolaient en disant que, moins beau comme architecture, la gloire du nouveau temple laisserait pourtant bien loin derrière elle celle de l'ancien, car le nouveau temple verrait le Messie . Mentionnons aussi Esdras , docteur de la loi qui ramena en Judée beaucoup de Juifs restés d'abord en Assyrie , et Néhémias , qui engagea le peuple à rebâtir les murs de Jérusalem , pour n'être plus en proie aux incursions des peuplades voisines. L'épée d'une main et la truelle de l'autre, Néhémias présida lui-même à cette construction . Puis Esdras donna au peuple une lecture publique de la loi. Une grande fête fut célébrée qui dura neuf jours. Et le peuple, renonçant à ses anciennes prévarications, jura désormais au Seigneur une inviolable fidélité .

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 14:01

CHAPITRE XXX.

Esther. -  Livre d`Esther – Ancien Testament - ( vers 480 Av J.C.)

Malgré les autorisations données par Cyrus et ses successeurs, tous les Juifs n'étaient pas retournés à Jérusalem . Plusieurs avaient continué d'habiter l'Assyrie et la Perse. C'est au règne de Darius, fils d'Hystaspe, appelé Assuérus par l'Écriture, que se rapporte la touchante histoire d'Esther. Esther habitait, avec Mardochée son oncle , la ville de Suse (Iran actuel). Orpheline de père et de mère, élevée par Mardochée qui l'avait adoptée, Esther était d'une beauté remarquable . Un jour il arriva que le roi , mécontent de son épouse Vasthi, la répudia , et donna ordre que, de toutes les provinces de son empire, on réunît à Suse , sa capitale, toutes les jeunes filles les plus belles. Il choisirait celle qui devrait prendre la place de Vasthi et devenir la reine.

Mardochée voulut qu'Esther prit part à cet étrange concours. Ce fut elle qui l'emporta: Elle plut au roi plus que toutes les autres. Le roi l'épousa et célébra ses noces par des festins magnifiques et toute sorte de faveurs accordées aux diverses provinces de son empire. Cependant Mardochée qui veillait toujours sur Esther, ne quittait guère la porte du palais. Il eut même , une fois, l'occasion de saisir le fil d'une conspiration que deux des principaux officiers d’Assuérus ourdissaient contre lui . Il en instruisit Esther, qui le dit au roi dont la vie fut ainsi sauvée . Obéissante à Mardochée, - toute reine qu'elle fut, - comme jadis et alors que petite enfant, Mardochée l'élevait , Esther n'avait pas confié au roi qu'elle était juive. Or Assuérus avait un favori appelé Aman . Aman était le second dans l'empire après le roi. Tous se prosternaient devant lui , - tel était l'ordre souverain , -- tous, excepté Mardochée , qui savait qu'on ne doit adorer que Dieu seul. Irrité, Aman voulut se venger de Mardochée , non point sur Mardochée seul, mais sur tous ceux de sa race .

Il sut exciter adroitement les soupçons d’Assuérus contre les nombreux Israélites répandus dans ses États ; ces Israélites formaient comme un peuple à part, toujours prêt à la révolte . Un édit fut rendu en conséquence, ordonnant aux gouverneurs de toutes les provinces de faire périr tous les Juifs sans exception, à une date fixe, et de s'emparer de leurs biens. Aman triomphait. Les Juifs étaient dans la consternation . Mardochée ordonna à Esther d'aller trouver le roi et d'intercéder pour les malheureux Israélites . Esther répondit d'abord que celui-là était immédiatement puni de mort qui se présentait devant le roi sans avoir été appelé. Pourtant Mardochée lui ayant fait remarquer qu'elle n'avait sans doute été élevée à cette haute dignité que pour sauver son peuple, docile et dévouée, Esther se mit en prière avec ses femmes ; elle demanda à Mardochée d'en faire autant avec tous les Juifs de Suse . Puis, confiante dans la protection de Dieu, elle se revêtit de ses plus beaux habits et se présenta devant Assuérus. Celui-ci étendit tout de suite la baguette d'or qu'il tenait à la main , ce qui voulait dire qu'il entendait pardonner à Esther, et il lui demanda ce qu'elle voulait de lui . « Quand bien même, ajouta -t-il, ce serait la moitié de mon empire,  je vous l'accorderais..» Esther demanda seulement au roi de vouloir bien , ainsi qu'Aman, assister à un repas qu'elle désirait leur donner. A ce repas , Antiochus renouvela ses offres à Esther. Et Esther répondit : « Seigneur, veuillez encore demain, vous et Aman, être mes hôtes , et demain je vous découvrirai mon désir. »

Si flatté qu'il fût d’être , à deux reprises, invité par la reine, Aman, ayant à sa sortie, rencontré Mardochée qui refusa de se courber devant lui, en conçut un mortel déplaisir. Il le communiqua à sa femme et à ses amis, qui lui conseillèrent de faire construire une haute potence et de dire au roi d'y suspendre Mardochée.  Cependant le roi, ne pouvant dormir, se faisait lire les annales de son règne. On en vint au récit de la conjuration qui avait été découverte par Mardochée. « Quelle récompense, dit le roi , a obtenu cet homme qui m'a sauvé ? » Aucune , lui fut- il répondu. Aman étant dans la pièce voisine, le roi le fit entrer et lui demanda comment devrait être traité un homme que le roi désirait honorer grandement. - Sire , répondit Aman, ne doutant pas qu'il ne fût question de lui, faites- le revêtir des vêtements royaux. Qu'il monte un de vos chevaux, qu'il ait sur la tête la couronne royale, et que l'un de vos premiers officiers, tenant le cheval par la bride et promenant cet homme à travers la ville, s'écrie : « Ainsi sera honoré celui que le roi voudra honorer. »

Eh bien ! dit le roi, faites tout cela à Mardochée, le juif. C'est lui que je veux honorer. Vous jugez de la rage d’Aman , obligé d'obéir sur l'heure . Cependant on l'attendait au festin d'Esther. Interrogée de nouveau par le roi sur l'objet de sa requête, Esther raconta qu’un ennemi voulait les perdre, elle et tout son peuple, et que cet ennemi était Aman . Le roi , transporté de colère , fit pendre Aman à la potence qu'il avait préparée pour Mardochée. Tous les biens du méchant furent donnés à Esther, qui expliqua au roi que Mardochée était son oncle et qu'elle était de la race d'Israël . L'édit porté contre les Juifs fut révoqué, remplacé par un édit favorable aux Juifs et terrible a leurs ennemis.

Mardochée obtint un grand crédit auprès du roi. Cette histoire d'Esther, qui a inspiré à notre grand poète Racine une belle tragédie biblique, est assurément une de celles où se montrent, sous les traits les plus frappants, la protection dont Dieu entoure ceux qui se confient à lui, et les voies mystérieuses par lesquelles il arrive à ses desseins. On y apprend voit comme il tient dans sa main le cœur des rois et comme il déteste les orgueilleux, les envieux, tous ces Aman qui, non contents de la richesse et du pouvoir, veulent encore pour eux les honneurs qui n'appartiennent pas à la créature, et finissent presque toujours par se prendre dans leurs propres filets .


CHAPITRE XXXI.

Les Juifs sous le grec Alexandre le Grand et ses successeurs (vers l`an 330 Av J.C.).
Héliodore .  (vers 167 Av J.C.)


Alexandre le Grand , roi de Macédoine ( nord de la Grèce antique), l'un des conquérants les plus prodigieux dont le monde ait gardé la mémoire, s'était rué sur l'Asie et avait soumis les uns après les autres tous les États dont se composait la vaste monarchie des Perses. Il alla à Jérusalem, désireux de châtier les Juifs qui s'étaient montrés fidèles à leur protecteur , Darius Codoman, dernier roi de Perse.  Mais là , subjugué par la majesté du grand -prêtre Jaddus, et lisant dans les livres saints la prophétie de Daniel qui, près de deux cents ans auparavant, prédisait si clairement sa venue, Alexandre sentit son coeur changé. Il fit faire au Dieu des Juifs de riches présents et prit le peuple sous sa protection .
 
Après avoir étonné le monde par ses conquêtes, - la terre, dit l'Écriture, se tut devant lui, - Alexandre mourut très-jeune à Babylone (de nos jours en Irak), et, vérifiant encore en cela les prophéties, il laissa son empire naissant en partage à ses principaux capitaines. Quatre royaumes surtout se formèrent ainsi: la Macédoine , la Thrace , la Syrie et l'Égypte. Les Juifs furent successivement soumis aux Lagides, rois d'Égypte (des Grecs - ainsi nommés du premier d'entre eux, Ptolémée, fils de Lagus) et aux Séleucides, rois de Syrie (Grecs), qui prirent leur nom de Séleucus, chef de cette dynastie.

Au protectorat des Lagides se rapporte ce que l'on appelle la Version des Septante, traduction grecque des livres saints qui fut, dit- on , demandée par Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte, au grand-prêtre des Juifs. Celui- ci la fit exécuter par 72 vieillards, – en compte rond 70, — d'où le nom de septante. Quelques- uns estiment que Ptolémée ne fut pour rien dans cette traduction, mais qu'elle fut entreprise pour permettre aux Juifs hellénistes , c'est-à -dire qui habitaient des pays où se parlait la langue grecque, et qui eux -mêmes n'en connaissaient point d'autre, — de lire le Pentateuque dans une langue qu'ils comprissent. Quoi qu'il en soit , cette version, évidemment exécutée par des Juifs et d'une incontestable authenticité, est un argument de plus en faveur de cette vérité du christianisme que les juifs refusent de croire , bien que, par leurs livres comme par leur existence, ils lui portent un incessant témoignage.

Les Séleucides, - entre autres le plus illustre de tous, Antiochus le grand, - furent d'abord favorables aux Juifs. Plus tard , sous Séleucus IV Philopator, puis sous Antiochus Épiphane, Dieu se servit de ces rois de Syrie pour éprouver et châtier son peuple . Depuis quelque temps déjà, la renommée du temple de Jérusalem et du Dieu qu'on y adorait s'était répandue dans tout l'Orient. Les rois et les princes y envoyaient des présents. Simon, chef des gardiens du temple , jaloux du grand - prêtre Onias, profita de cette circonstance pour exciter la convoitise de Séleucus, roi de Syrie . Aussitôt averti, celui- ci fit partir pour Jérusalem Héliodore, l'un de ses principaux officiers , chargé de s'emparer de toutes ces richesses.

Malgré les représentations du grand - prêtre, Héliodore insista pour entrer jusque dans le sanctuaire et remplir sa mission impie. Cependant les prêtres et tout le peuple, en proie à la plus vive douleur, conjuraient Dieu de ne pas permettre une si affreuse profanation. Tout à coup on voit paraître un cheval sur lequel était monté un homme terrible , habillé magnifiquement, et qui, fondant avec impétuosité sur Héliodore, le frappa, en lui donnant plusieurs coups des deux pieds de devant; et celui qui était monté dessus paraissait avoir des armes d'or. Deux autres jeunes hommes parurent en même temps, pleins de force et de beauté et richement vêtus qui , se tenant à droite et à gauche d'Héliodore, le fouettaient chacun de son côté et le frappaient sans relâche . Héliodore est emporté sans connaissance et presque sans vie . Il fallut que le grand-prêtre Onias offrit pour sa guérison un sacrifice . Héliodore lui - même en fit autant.

Et, de retour auprès du roi, il disait ces paroles qui peuvent si  bien s'appliquer à nos églises, et à ceux qui ne craignent pas d'en être les violateurs : « Celui qui habite dans le ciel est lui - même présent en ce lieu ; il en est le protecteur : et il frappe et il fait périr ceux qui y viennent pour faire du mal. »


CHAPITRE XXXII.

Persécution d'Antiochus. ( vers 167 Av J.C.)

Pendant le règne d'Antiochus Epiphane, successeur de Séleucus, il y eut de nombreuses intrigues à propos du souverain Pontificat, dont disposaient, jusqu'à un certain point, les rois de Syrie. S'imaginant que les juifs s'étaient réjouis de sa mort supposée, Antiochus mit Jérusalem à feu et à sang, dépouilla et profana le temple, et, non content de ces violences, voulut encore arracher au peuple de Dieu sa plus grande richesse : la foi. On vit alors ce qui se représenta si souvent depuis, dans la suite des âges chrétiens, surtout pendant les trois premiers siècles, l'un des plus beaux spectacles que puissent contempler le ciel et la terre : d'une part, un tyran disposant de toutes les forces imaginables : soldats , bourreaux, juges prévaricateurs, supplices, séductions, plaisirs, richesses, etc .; - d'un autre côté, des vieillards, des femmes, des enfants, tout ce qu'il y a au monde de plus faible . Le tyran emploie toutes ses forces pour réduire cette faiblesse , c'est- à -dire pour contraindre ces vieillards, ces femmes, ces enfants, à quelque action contraire à la loi de Dieu. Mais, comme cette faiblesse a Dieu pour elle, elle est plus forte que les tortures, elle résiste à toutes les promesses comme à toutes les menaces. Elle traverse le martyre pour aller au ciel . Entre autres beaux exemples de cet invincible courage , on cite le saint vieillard Éléazar et la mère des Machabées. On voulait forcer Éléazar à manger de la chair de porc, ce qui était défendu par la loi. Il s'y refuse, même de faire semblant d'en manger. Et, comme il était près de mourir des coups dont on l'accablait, il jeta un grand soupir et dit : « Seigneur, vous à qui rien n'est caché, vous savez clairement que , lorsque je pouvais me délivrer de la mort, j'ai préféré souffrir dans mon corps de très -cruelles douleurs ; mais dans mon âme je les souffre très- volontiers , pour votre crainte . »

Le martyre des sept frères Machabées et de leur mère est plus touchant et plus instructif encore. Tous refusent, les uns après les autres, de violer la loi du Seigneur. Tous manifestent par des paroles admirables leur ferme espérance du bonheur éternel, même l'assurance que ce corps qu'ils abandonnaient aux violences des méchants ressusciterait un jour, pour ne plus mourir. Mais ce qu'il y a de plus sublime, ce qui dépasse évidemment les forces de la nature, ce qui indique que le doigt de Dieu était là , c'est la constance de la mère qui, à mesure qu'arrivait le tour de chacun de ses fils, l'encourageait à tout souffrir plutôt que de céder. Comme il ne restait plus que le dernier, Antiochus essaya des flatteries et des promesses, et engagea la mère à lui donner de sages conseils, afin  qu'il préférât à d'horribles tourments une vie pleine de délices. Mais la mère de l'exhorter plus vivement à regarder le ciel, à mépriser la douleur, à suivre le noble exemple de ses frères. Docile à ces leçons, le courageux enfant, après avoir adressé au tyran, de la part de Dieu , des menaces qui ne devaient pas tarder à se réaliser , s'écria : « Pour ce qui est de moi, j'abandonne volontiers, comme mes frères, mon corps et mon âme pour la défense des lois de mes pères, conjurant Dieu de se rendre bientôt favorable à notre nation et de châtier ses persécuteurs. »

La mère périt la dernière. Si vous étiez tentés, chers lecteurs, de vous étonner de ces tourments des martyrs , de ce triomphe des méchants, souvenez - vous que ce triomphe ne devait être que passager, que ces tourments étaient le prix d'une gloire éternelle; redites- vous ce que, prévoyant nos objections, écrivait, en tête de ce premier livre des Machabées, l'écrivain sacré : « Je conjure ceux qui liront ce livre de ne pas se scandaliser de tant d'horribles malheurs, mais de considérer que tous ces maux nous sont arrivés non pour notre perte, mais pour nous éprouver et nous instruire, » éprouver notre fidélité, nous instruire, nous et les âges futurs, de la petitesse des biens qui passent, de la grandeur des biens éternels.»


CHAPITRE XXXIII.

Les Machabées . Fin de l'ancien testament. - Naissance de Notre - Seigneur Jésus-Christ.

Les violences d'Antiochus contre le peuple de Dieu avaient comblé la mesure . La patience du Seigneur était à bout. Après avoir inspiré à beaucoup d'hommes et de femmes le courage du martyre , Dieu, qu'Antiochus bravait directement, en substituant partout aux cérémonies de la vraie religion le culte des idoles, résolut de se choisir des vengeurs . Ne pouvant plus supporter l'aspect de tant de profanation, le prêtre Mathathias s'enfuit de Jérusalem , accompagné de ses cinq fils, dont le plus illustre fut Juda, surnommé Machabée. Il gagna la ville de Modin, sa patrie . Les émissaires du roi étant venus l'y trouver, pour l'engager à sacrifier aux idoles, Mathathias répondit à haute voix ces nobles paroles , qui devraient être la devise de tous les chrétiens : « Quand toutes les nations obéiraient au roi Antiochus, et que tous ceux d'Israël abandonneraient la loi de leurs pères pou soumettre à ses ordonnances, mes enfants, mes frères et moi nous obéirons toujours à la loi de nos pères. » Puis il se retira dans les montagnes où le suivirent bientôt tous ceux qui avaient du zèle pour la loi. Ils détruisirent partout les autels des faux dieux. Grâce à Mathathias, Israël commença de respirer.

Intrépide dans sa vie , Mathathias fut admirable dans sa mort, et je regrette de ne pouvoir transcrire en entier le beau discours qu'il adressa à ses fils, comme une sorte de testament, au moment de rendre le dernier soupir. Après avoir rappelé l'exemple de tant de grands hommes, Abraham , Joseph, Josué, David , Élie, Daniel, à qui la confiance de Dieu avait fait accomplir des merveilles : « Vous donc, mes enfants, leur dit- il , armez-vous de courage et combattez vaillamment pour la défense de la loi, parce que c'est elle qui vous comblera de gloire . » Enflammé par ces paroles , Judas remporta contre Antiochus et ses lieutenants de nombreuses et brillantes victoires .

Aussi pieux que brave , il se disposait au combat par le jeûne et la prière. Les ennemis défaits, Judas alla à Jérusalem , purifia les lieux saints et y rétablit le culte du Seigneur. Ses victoires continuelles finirent par obtenir la paix du roi de Syrie, Antiochus Philopator, successeur d'Antiochus Épiphane . Celui-ci était mort misérablement , dévoré vivant par les vers , et reconnaissant, au milieu de son désespoir, qu'il était justement puni de ses cruautés et de ses impiétés. Puis Judas conclut une alliance avec les Romains, dont la réputation et la puissance se répandaient alors par tout l'univers, et de nouveau battit les peuples voisins dans de nombreuses rencontres. Cependant Démétrius, roi de Syrie , envoya contre Judas une armée formidable, sous la conduite de ses deux plus habiles généraux. La petite troupe de Judas était alors à peine de trois mille hommes. Encore, effrayée de la multitude des ennemis, plus de la moitié quitta le camp hébreu, où Judas se trouva n'avoir plus avec lui que huit cents soldats . Avec cette poignée de braves, il fit des prodiges de valeur et réussit à enfoncer l'aile droite des Syriens. Ceux-ci étaient en pleine déroute et Judas les poursuivait, lorsque, poursuivi lui-même par l'aile gauche des Syriens et enveloppe de toutes parts, il tomba percé de coups , mourant d'une mort glorieuse, pleuré par tout le peuple dont il avait été le rempart et laissant la mémoire d'un des plus illustres capitaines que la terre ait jamais porté.

A Judas succéda d'abord Jonathas son frère, qui acheva de chasser les Syriens de la Judée, puis son autre frère Simon , choisi comme chef suprême par les Juifs, sous le titre de Souverain Pontife . Cette dignité lui était assurée pour toujours, à lui et à sa postérité « jusqu'à ce que s'élevât un prophète fidèle, » allusion évidente à la venue du Messie qui devait, en effet , mettre un terme au Souverain Pontificat des Juifs, en même temps qu'il faisait succéder à l'étroite société du peuple hébreu l'immense et universelle société des chrétiens .

Simon contracta des alliances avantageuses et gouverna le peuple glorieusement. Mais, jaloux de la prospérité des Juifs, Antiochus recommence les hostilités . Simon était trop vieux pour faire la guerre lui même. Il mit donc à la tête de l'armée juive ses deux fils aînés, Jonathas et Jean. Tandis qu'ils battaient le général syrien , le gendre de Simon, Ptolémée, dévoré d'ambition et voulant usurper le pouvoir suprême, fit assassiner, dans un festin , son beau - père et deux de ses beaux - frères, Jonathias et Judas. Il réservait un pareil sort à Jean. Prévenu à temps, celui- ci fit mourir les émissaires que Ptolémée avait chargés de l'assassiner . Sous le nom de Jean Hircan, il succéda à son père et joignit le titre de roi à la dignité de grand-prêtre. Le règne de ses descendants et successeurs, Aristobule , Alexandre Hircan II , Aristobule II, fut rempli par des dissensions civiles et des guerres où les Romains apparaissent de plus en plus comme arbitres du sort des nations . Enfin ceux-ci enlevèrent toute indépendance aux Juifs, en leur imposant comme roi Hérode, iduméen de naissance, étranger à la famille des Machabées.


La Naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ

Le temps était venu en effet où s'achevaient les 70 semaines fixées par le prophète Daniel. Le sceptre sortait de Juda. Le monde entier était dans l'attente d'un libérateur. L'an 4004 de la création du monde , dans la nuit du 24 au 25 décembre, naissait dans une pauvre étable , d'une jeune vierge de la tribu de Juda et de la race de David , Notre- Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme , le désiré des nations. L'Ancien Testament était achevé. Le Nouveau commençait.

Notre -Seigneur Jésus - Christ est le lien de ces deux Testaments, comme il est le centre de l'histoire. Depuis le jour où, dans le Paradis terrestre, Dieu promit un Sauveur à nos premiers parents, les saints de l'ancienne loi n'ont cessé de soupirer après ce Sauveur. Plusieurs d'entre eux , Noé, Joseph, Moïse, Josué, Élie ont été plus spécialement la figure du Messie . Les prophètes l'ont salué de loin , et ont écrit son histoire bien des siècles à l'avance. David l'a chanté dans ses psaumes immortels. Même les peuples idolâtres étaient dans l'attente de Celui qui devait venir . De même que l'ancien testament annonce et prépare, pour ainsi dire , Notre Seigneur Jésus Christ, le Nouveau testament nous le raconte. Il nous fait connaître sa vie , sa mort, sa doctrine ; - sa vie et sa mort, dont un philosophe impie, vaincu par la force de la vérité, n'a pu s'empêcher de dire : « Si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu, sa doctrine si admirable, que ceux- là même qui ne veulent y reconnaître la main de Dieu, proclament hautement que jamais les efforts de la sagesse et de la vertu des hommes ne se sont élevés si haut. » Si vous le voulez , chers lecteurs, après être arrivés au terme de l'Ancien Testament, nous entreprendrons ensemble une petite excursion dans le Nouveau. Vous connaissez ceux qui ont été les précurseurs et les hérauts de Notre - Seigneur Jésus- Christ. Il est temps de l'étudier lui-même.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Lun 17 Juil 2023 - 14:02

CHAPITRE PREMIER.

La sainte Vierge, mère de Notre-Seigneur Jésus- Christ.


Vous savez, mes bons amis, que la Bible, ce livre le plus ancien et le plus vénérable de tous, écrit par divers rédacteurs successifs , toujours sous la dictée du Saint- Esprit, se compose de deux parties bien distinctes, quoiqu'il y ait entre elles un lien très- intime . C'est d'abord l'Ancien Testament, qui nous raconte l'histoire de la création et des temps primitifs ; puis l'histoire du peuple d'Israël , appelé « le peuple de Dieu » à cause de la protection dont le Seigneur l'entourait, et parce que seul, au milieu de l'idolâtrie universelle, il conservait la connaissance de la vraie religion. A cette histoire du peuple de Dieu se trouvent rattachées les prophéties qui annonçaient, bien des siècles à l'avance et dans les plus petits détails, l'avènement du Messie promis à nos premiers parents. Et tel est précisément le lien entre les deux Testaments.

Tout en relatant des faits de la plus grande importance, l'Ancien Testament ne fait presque qu'annoncer et préparer le nouveau . La plupart des évènements, la plupart des grands personnages de l'ancienne loi sont autant de figures de Celui qui devait venir accomplir toute justice et des principaux évènements de sa vie . Le Nouveau Testament raconte ce que prédisait l'Ancien. Notre-Seigneur Jésus- Christ est venu sur la terre . Il y a semé ses enseignements et ses exemples divins . Ses apôtres , c'est -à -dire ses envoyés, ont porté par tout l'univers la bonne nouvelle de l'Évangile. Plusieurs de ses apôtres et de leurs disciples , dans le courant du premier siècle de l'ère chrétienne, écrivirent les livres qui composent le Nouveau Testament, c'est- à-dire :

1 ° Les quatre Évangiles. Dans ces quatre ouvrages , saint Matthieu et saint Jean, apôtres, saint Marc, disciple de saint Pierre, et saint Luc, disciple de saint Paul, racontent la vie, les miracles, la doctrine, la mort, la résurrection , l'ascension du Sauveur. Écrits en diverses langues et à diverses époques, ces quatre récits, qui se fortifient et se complètent les uns les autres, ne se contredisent jamais. Et il a fallu la plus insigne mauvaise foi pour chercher à les mettre en désaccord les uns avec les autres .

2° Les Actes des Apôtres, rédigés par saint Luc, nous disent l'histoire de l’Église et de ses premiers propagateurs, depuis l'ascension du Sauveur jusqu'un peu après l'arrivée de saint Paul à Rome, où il devait souffrir le martyre.

3° Les Épîtres sont des lettres que les apôtres écrivaient soit à des villes ou à des contrées entières  qu'ils avaient évangélisées et qu'ils quittaient pour porter ailleurs la parole de Dieu, soit à des disciples isolés. Il y en a de saint Pierre, de saint Jean , de saint Jacques et de saint Jude ; les plus nombreuses sont de saint Paul.

4° Enfin l'Apocalypse, ou révélation, est le récit de visions prophétiques, la plupart relatives aux derniers âges du monde, écrit par l'apôtre saint Jean, dans l’île de Pathmos, où il était exilé . Le Nouveau Testament, commence aux évènements qui ont immédiatement précédé, et comme préparé la naissance du Sauveur. Les temps étaient accomplis. L'époque précise annoncée par la prophétie de Daniel approchait. Le sceptre venait de sortir de la maison de Juda : Hérode, roi des Juifs, était un étranger. Tous ceux qui étaient versés dans la connaissance des Écritures savaient parfaitement que le Sauveur ne pouvait tarder de naître . Que venait- il faire ici-bas ? « Pourquoi Notre- Seigneur est-il venu sur la terre ? » C'est une question que l'on peut vous adresser souvent et à laquelle il importe que vous sachiez répondre. Dieu avait parlé une première fois à l'homme par la voix de sa conscience. Dans les temps primitifs, aussi bien ceux qui précédèrent que ceux qui suivirent le déluge, l'homme n'eut d'autre guide que le souvenir encore récent des bienfaits de la création et ces inspirations intérieures que l'on appela la loi naturelle. Cette loi devenant insuffisante , Dieu se révéla d'une manière plus directe à sa créature par la loi écrite et ce Décalogue que Moïse rapporta du Sinaï.

Mais le peuple de Dieu seul profita de cette révélation, et le reste des hommes, s'enfonçant de plus en plus dans les ténèbres et la corruption du paganisme, finit par ne plus conserver des vérités premières qu’un souvenir bien effacé. Même la voix de la conscience , capable de lui indiquer le sentier du devoir, fut presque toujours impuissante à le lui faire suivre. C'est alors que, voyant la perversité humaine portée à son comble, connu seulement du peuple juif, à peine entrevu par quelques philosophes, Dieu résolut de parler, non plus seulement au coeur de l'homme par la conscience, ou à ses yeux par des tables de pierre, mais de descendre lui même sur la terre, d'unir à sa nature divine par un lien ineffable la nature humaine, de converser pendant trente-trois ans avec sa créature et de lui laisser dans ses exemples et ses enseignements une religion dont la loi de Moïse n'était qu'une pale ébauche.

Grâce à cette religion nouvelle, la face du monde serait changée et des prodiges de vertu et de sainteté éclateraient parmi les hommes jusqu'à la fin des siècles. Vous avez pu remarquer plus d'une fois , mes bons amis, avec quelle tendresse Dieu nous traite, nous, ses pauvres créatures. Il aime à nous prendre non-seulement pour ses serviteurs et les exécuteurs de ses desseins, mais encore pour ses collaborateurs, si l'on peut parler ainsi. Jamais cette noble coopération de l'homme n'atteignit une hauteur comparable à ce que nous allons dire. Dieu, qui est le maître de toutes les substances et de tous les êtres, aurait pu , par un de ces miracles qui ne lui coûtent rien, s'adapter la nature humaine et apparaître au milieu du monde à l'état d'homme fait, comme jadis Adam, notre premier père, dans le paradis terrestre . Dieu voulut, comme nous tous, avoir une mère, être petit enfant, sujet aux faiblesses de ce premier âge, naître et grandir, comme le moindre d'entre nous. Mais quelle était la créature assez pure pour devenir la mère de Dieu , pour mériter d'être revêtue de cette dignité qui la plaçait à une immense hauteur au-dessus des hommes et des anges ? Il y avait à Nazareth , en Galilée, une jeune fille, pauvre , quoique descendant de la race des rois de Juda. Rien ne semblait la distinguer de celles de son âge et de son rang, si ce n'est un certain éclat de vertu qui resplendissait sur son visage et dans toute sa personne . Elle s'appelait Marie. La tradition nous rapporte que, dès l'âge de trois ans, elle s'était consacrée à Dieu dans le temple, à Jérusalem . L’Église a confirmé cette tradition en célébrant la fête de la Présentation de la sainte Vierge. Pourtant, à treize ans, — l'âge du mariage dans ces contrées de l'Orient , elle fut fiancée a un de ses parents, Joseph, comme elle de la race de David . Disons tout de suite que l'Église, par la voix du Souverain Pontife actuellement régnant, Pie IX, aux acclamations unanimes de l'épiscopat et du monde catholique, consacrant d'ailleurs une croyance très-ancienne dans l'Église, a déclaré que cette jeune vierge, Marie, avait été conçue sans péché ; c'est-à-dire que, par un prodige de la volonté divine, elle avait été, non -seulement depuis sa naissance, mais depuis le premier instant de son existence dans le sein de sa mère, préservée de la tache originelle, de cette tache qui, par suite de la désobéissance de nos premiers parents, nous infecte tous, jusqu'à ce que nous en soyons lavés par les eaux du baptême.

Telle est celle qui fut choisie pour être mère de Dieu. Un jour qu'elle était en prière, l'ange Gabriel se présenta devant elle , de la part de Dieu . Il la salua du nom de « Marie , pleine de grâce, » ajoutant que le Seigneur était avec elle . Puis, il lui annonça qu'elle allait être la mère d'un fils qu'elle appellerait Jésus, qui serait le fils du Très-Haut et dont le règne n'aurait point de fin . C'était désigner assez clairement le Messie, et Marie ne s'y méprit point. Après quelque trouble cependant et quelques hésitations qui avaient leur source dans l'humilité et la pureté de Marie, celle - ci répondit : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole . » L'ange se retira . Le Fils de Dieu, la seconde personne de la sainte Trinité, avait commencé de vivre d'une vie humaine, dans le sein de Marie sa mère. C'est ce mystère que nous appelons l’Incarnation .


CHAPITRE II .

Noël.

Il nous faut remonter un peu en arrière, et avant d'assister à la naissance de Jésus , le sauveur des hommes, raconter celle de Jean , plus tard surnommé Baptiste, le précurseur de Jésus. L'évangéliste saint Luc raconte qu'il y avait, au temps du roi Hérode, un saint prêtre nommé Zacharie. Sa femme, Élisabeth, était juste aussi. Tous deux, avancés en âge, n'avaient point d'enfant. Un jour que Zacharie, dans le temple, offrait les parfums au Seigneur, un ange lui apparut et lui prédit qu'il lui naîtrait un fils qui serait grand devant le Seigneur, qui convertirait plusieurs des enfants d'Israël et qui aurait la gloire d'être le précurseur du Messie. Ce fils, il l'appellerait Jean. Zacharie douta un instant de la promesse de Dieu et fut puni de cette incrédulité par la perte temporaire de la parole. Cependant Marie qui était cousine d’Élisabeth , ayant appris la prochaine naissance de Jean , alla visiter sa cousine . Encore une fête de l’Église, la Visitation de la sainte Vierge. En entendant les paroles de Marie, saluant Élisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère, et celle - ci prononça ces paroles qui, avec celles de l'ange rapportées plus haut et celles que l'Église y a jointes, composent la Salutation angélique : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. »

Marie répondit par ce beau cantique, le Magnificat, que l'Église chante à Vêpres, où se trouvent si bien exprimés la grandeur de Dieu, sa puissance, sa bonté et le triomphe de l'humilité : « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur. Parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante ; et voici que désormais tous les a siècles m'appelleront bienheureuse, Parce que le Seigneur a fait en moi de grandes choses ... » Peu de temps après, Élisabeth mit au monde un fils qu'elle et Zacharie insistèrent pour appeler Jean. La langue de Zacharie se délia en même temps et, l'esprit de prophétie le remplissant, il prononça aussi un cantique, le Benedictus, cantique d'action de grâces et annonce de la future mission du nouveau- né. Nous retrouverons Jean -Baptiste dans le désert.

Revenons à Nazareth . Lorsque approchait le moment où Marie devait mettre son fils au monde , un édit de l'empereur Auguste ordonna un dénombrement universel de l'empire romain. Chacun devait se faire inscrire dans la ville dont il était originaire. Tous deux de la race de David , Marie et Joseph , empressés d'obéir à l'autorité, se rendirent à Bethléem , ville de Juda, où était né David . Ils y arrivèrent dans la nuit du 24 au 25 décembre. Le nombre des étrangers venus pour se faire inscrire était si considérable que Marie et Joseph ne trouvèrent pas de place dans les hôtelleries et furent réduits à se réfugier dans une étable . C'est là que  le Fils de Dieu, Notre - Seigneur et Sauveur Jésus Christ, vint au monde. Sa mère l'enveloppa de langes et le coucha dans la crèche . La commémoration de ce grand évènement s'appelle Noël (en latin Natalis, jour de la naissance). C'est une des plus grandes fêtes de l’Église ; elle se célébré le 25 décembre.  C'était autrefois ce jour-là que commençait l'année.

Remarquons en passant que Notre - Seigneur qui devait commencer sa prédication par ces mots : Beati pauperes, Heureux les pauvres, prêche cette même vérité d'une manière bien plus frappante encore par son entrée même dans la vie humaine. Il embrasse, dès sa naissance, la pauvreté, le dénuement, l'obscurité, pour nous montrer que le bonheur n'est ni dans la richesse , ni dans l'éclat des vêtements, ni dans les plaisirs , ni dans la gloire, mais dans l'acceptation du sort que la Providence assigne à chacun de nous. Or, la très grande majorité des hommes vivant, sinon dans la détresse, du moins au milieu des peines et des privations de toute sorte , Notre-Seigneur qui a tout pris de l'humanité, excepté le péché, a voulu naître, vivre et mourir pauvre. Ce sont des pauvres aussi et des petits qui lui rendent les premiers leurs hommages. Des bergers, qui gardaient leurs troupeaux dans les campagnes voisines, sont avertis par un ange de la naissance du Sauveur. La milice céleste fait retentir les airs de ces belles paroles, où se résume si bien tout le secret de la destinée et du bonheur de l'homme, de ces paroles qui devraient être notre devise à tous : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté .(Gloria in Exelcis Deo) »

Les bergers se rendent avec empressement à la crèche et adorent l'Enfant- Dieu . Après les pauvres, les riches ; car tous sont appelés au service de Dieu . Des mages c'est - à dire à la fois des rois et des sages vinrent d'Orient à Jérusalem, s'adressant à Hérode et lui demandant où ils trouveraient le roi des Juifs , dont ils avaient aperçu l'étoile dans leur pays . Tous ceux à qui les saintes Écritures étaient familières, consultés par Hérode, répondirent que le Christ devait naître à Bethléem . C'est donc vers Bethléem que les mages se dirigèrent, toujours guidés par l'étoile. Celle -ci s’arrêta au-dessus de l'étable ; et les mages, entrant, adorèrent le Roi des Juifs, et , ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent de l'encens, de l'or et de la myrrhe. C'est ainsi que ces riches et ces puissants ne sont pas moins nos modèles que les bergers qui les avaient précédés. Tous, nous devons rendre gloire à Dieu, lui offrant, si nous sommes pauvres et malheureux, notre résignation et nos larmes, si au contraire nous sommes abondamment pourvus des biens de ce monde, nous empressant d'en rendre au Seigneur une large dîme , pour la splendeur de son culte, pour la diffusion de sa religion, pour le service de son Vicaire , pour ses représentants les pauvres .

Hérode avait recommandé aux mages de venir le trouver à leur retour. Avertis par un songe, ils se gardèrent d'obéir à Hérode et prirent un autre chemin pour regagner leur pays . Cependant l'époque où Marie devait présenter Jésus au temple , et s'y présenter elle-mème pour être purifiée , était arrivée quarante jours après la naissance du Sauveur.

C'est cette fête que l'Église célèbre sous le nom de Présentation de Notre- Seigneur et Purification de la sainte Vierge. Arrêtons-nous un instant, pour remarquer l'humilité dont Jésus et sa sainte Mère firent preuve, en se soumettant à une loi mosaïque qui évidemment n'était pas faite pour eux. Écoutons les paroles prophétiques que prononça sur le divin Enfant et sur Marie un saint vieillard , Siméon, qui depuis longtemps attendait le Messie. C'est encore un beau cantique, celui par lequel l'Église termine ses Complies, le Nunc dimittis : « C'est maintenant, Seigneur, » disait le vieillard tout en tenant le petit Jésus dans ses bras, « c'est maintenant que vous pouvez laisser mourir en paix votre serviteur, selon votre parole . Car mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez...» Puis il dit à Marie : « Voici que cet Enfant est placé pour la ruine et la résurrection de plusieurs en Israël ... et un glaive de douleur traversera ton coeur . » Une prophétesse aussi, Anne, qui, dans l'attente de Celui qui devait venir, ne quittait point le temple, se mit à louer Dieu et à parler du Sauveur Jésus, à tous ceux qui avaient souci du salut d'Israël . Hérode en voulait à la vie de ce Roi des Juifs dans lequel il croyait voir un rival . Tandis que, averti en songe, Joseph prenait l'Enfant et sa Mère et s'enfuyait en Égypte, où ils demeurèrent jusque après la mort d'Hérode, celui-ci, furieux de ne pas voir revenir les mages, s'imagina que le Christ ne pourrait échapper à la mort , si lui Hérode faisait tuer tous les enfants de deux ans et au -dessous qui habitaient Bethléem et les environs.

Il donna cet ordre cruel. La cruauté des bourreaux, le désespoir des mères , les cris des petits enfants sont célèbres dans l'histoire et ont été mille fois représentés par la peinture. C'est ce qu'on appelle le massacre des Innocents. L'Église célèbre la fête de ces petits martyrs, sous le nom des Saints Innocents, le 28 décembre. Cependant la sainte Famille, après avoir enduré les fatigues d'un voyage pénible, supportait en Égypte les douleurs de l'exil, comme si le divin Sauveur n'eût voulu ignorer aucune des angoisses de l'âme humaine, et tînt à les sanctifier toutes. Mais Hérode mourut. Averti par un songe, Joseph revint à Nazareth en Galilée, et s'y fixa avec Jésus et Marie.  


CHAPITRE III .

Nazareth.

Les évangélistes, se complétant ou se suppléant les uns les autres, nous ont raconté dans le plus grand détail les circonstances qui ont précédé, accompagné, immédiatement suivi la naissance du Sauveur. Tout ce qui se rattache à cet évènement, le plus important de tous ceux dont s'occupe l'histoire, puisque Dieu lui-même en est l'objet, était d'un intérêt capital . D'ailleurs tout cela ayant été prédit bien des siècles à l'avance, il importait que le récit évangélique nous montrât l'histoire d'accord avec l'ensemble si complet des prophéties. Ceux qui seraient tentés de croire, avec certains incrédules, que ces prophéties ont été fabriquées après coup ne doivent pas oublier que l'Ancien Testament où elles sont consignées est conservé et vénéré par les Juifs, qui le lisent maintenant comme ils le lisaient au temps du Sauveur, comme ils le lisaient cent ans, cinq cents ans, mille ans plus tôt.

Les évangélistes nous donnent également des détails sur la vie publique et la mort du Sauveur. Là aussi il y avait une infinité de prophéties à vérifier. A la vie publique du Fils de Dieu se trouve d'ailleurs rattachée cette doctrine qu'il venait apporter à la terre ; sa mort est pleine de leçons sublimes. Mais entre le retour d'Égypte de la sainte famille jusqu'au moment où commence la prédication de Notre-Seigneur, c'est- à -dire pendant un espace de près de trente ans, d'où vient que les évangélistes se taisent presque complètement, et qu'à l'exception de l'incident de Jésus parmi les docteurs, tout ce que nous savons de la vie du Sauveur pendant ces trente ans se réduit à ce verset de saint Matthieu : « Et revenant d'Égypte, Joseph habita dans la ville appelée Nazareth , afin que fut accompli ce qui est prédit par les prophètes : Il (Jésus) sera appelé Nazaréen ; » et à cet autre verset de saint Luc : « Et il revint avec eux à Nazareth ; et il leur était soumis : Et erat subditus illis ! »

De ce que le divin Sauveur, qui devait employer trente ans de sa vie à nous instruire de nos destinées et de nos devoirs, a cru qu'il y avait parmi les devoirs imposés aux hommes un devoir capital et une leçon fondamentale, qui devaient être enseignés non point seulement par des paroles, mais par des faits. Cette leçon, ce devoir, cette vertu, c'est l'obéissance. Nous savons par quelques mots, tombés de la plume des évangélistes, que saint Joseph était pauvre, qu'il travaillait de ses mains pour vivre : il était charpentier.

La tradition, aussi respectable que l’Écriture, quand elle est acceptée et interprétée par l'Église, nous apprend que Jésus aidait Joseph dans son travail . Assurément nul ne fut comparable à celui qui , s'il s'appelait le Fils de l'homme, était aussi et d'abord le fils de Dieu . Et pourtant l'Évangile n'a d'autre éloge à lui adresser sur ses jeunes années que celui-ci : « Et Jésus était soumis à Marie et à Joseph. » C'est donc une bien grande chose que l'obéissance . Il y aurait tout un livre à faire sur ce sujet.

D'abord la source de l'obéissance . Elle est la conséquence de la nature bornée de l'homme. Un, seul être n'obéit point, ou plutôt n'obéit qu'aux lois nécessaires de son infinie perfection : c'est Dieu. Créature de Dieu, l'homme d'abord obéit, ou du moins doit obéir à son Créateur ; et il n'est point de dignité, si haute soit-elle, qui nous puisse dis penser de cette honorable dépendance. Servir Dieu , c'est régner, a dit un saint Père. Ce n'est pas tout. Dieu n'a pas créé l'homme solitaire ; il l'a fait pour la société. Celle- ci n'est qu'une suite et un enchevêtrement de subordinations diverses : l'écolier obéit à ses maîtres, l'apprenti à son patron , le soldat à ses officiers ; tous les citoyens obéissent aux magistrats, aux divers dépositaires de l'autorité suprême.

Mais la famille étant la source et comme le type de la société, les citoyens, se forment autour du foyer domestique; la plus importante des obéissances, celle qui précède et prépare toutes les autres, c'est l'obéissance de l'enfant à ses parents. C'est celle dont pendant trente sans l’Enfant Jésus nous a offert le parfait modèle . Enfants qui lisez ces lignes, réfléchissez que l'obéissance est le premier de vos devoirs . Que demandent d'ailleurs de vous vos parents et vos maîtres ? Que vous travailliez, que vous vous corrigiez de vos défauts, que vous vous efforciez d'être dociles, complaisants pour vos frères et soeurs, d'un bon caractère. Réfléchissez que l'obéissance est le chemin du bonheur, même ici -bas.

Voyez une famille où les enfants sont soumis et de bonne volonté ; la paix y règne toujours, la paix, c'est -à -dire le plus précieux des biens de ce monde. Considérez au contraire cet intérieur où les enfants ne ménagent à leurs parents ni les réponses d'insubordination, ni les résistances cachées, quelquefois ni les révoltes ouvertes ; c'est comme une sorte d'enfer ! Quelle ingratitude envers ces premiers de nos bienfaiteurs ! Quel triste apprentissage de la vie faite par ces enfants rebelles , qui seront certainement un jour des ouvriers paresseux et de mauvais sujets! N’est-il pas vrai, en outre, que l'expérience manque aux jeunes gens, qu'elle est le privilège d'un âge plus avancé, et qu'une heureuse alliance se forme quand une jeunesse docile et chrétienne profite de ses forces pour suivre les conseils d'une prudente vieillesse ? L'obéissance, qui est surtout la vertu des enfants et des jeunes gens, est , sous une forme différente, la vertu de tous les hommes.

L'Empereur lui même ou le Pape -- je choisis à dessein les deux autorités les plus élevées qu'il y ait sur la terre obéissent à leur médecin, s'ils sont malades ; en tous cas, au directeur de leur conscience . Ils obéissent à certaines lois morales dont ne dispense jamais même le rang suprême . Surtout ils obéissent au Grand Maître de toutes choses, à celui par qui règnent les rois, à Dieu. Dans les deux versets ( que nous avons cités se trouve un triple exemple d'obéissance donné par Jésus. Jésus obéit aux prophètes. S'il vient habiter Nazareth, c'est, dit l'Évangile, afin d'accomplir la parole prophétique : « Il sera appelé Nazaréen . » Il obéit à ses parents. Sans doute il eût pu se dire que Marie, sa mère, Joseph, son père nourricier , n'étaient, après tout, que ses créatures, que c'étaient eux qui lui devaient obéissance et soumission . Non : Jésus est le fils de Marie, Joseph lui tient lieu de père; il leur obéit avec empressement, avec amour ; il trouve en eux et ses parents et Dieu lui-même, d'où descend toute paternité.

Avis aux enfants qui seraient tentés de mesurer leur obéissance sur leur plus ou moins d'intelligence, d'éducation , d'élévation, de richesse, comparativement à l'instruction ou à le position de leurs parents. Qu'importe, leur dirai- je, que vos parents soient des hommes simples, illettrés , pauvres, tandis que d'heureuses circonstances vous ont placés parmi les riches et les puissants ! Si tout cela vous fait oublier vos parents, si vous ne leur rendez plus hommage et tendresse, si vous négligez de les assister ou si vous le faites en rougissant...... vous êtes des ingrats! vous êtes in dignes de vous dire les disciples de l'Enfant Jésus ! Jésus enfin , ceci nous amène au seul évènement dont les évangélistes fassent mention pendant l'enfance et la jeunesse du Sauveur, -- Jésus obéit à son père.

Les parents de Jésus allaient tous les ans à Jérusalem , au temps de la fête de Pâques, pour adorer Dieu dans son temple. Quand Jésus eut douze ans, ils le menèrent avec eux. La fête étant passée, ils s'en retournèrent . Mais l'enfant demeura dans la ville sainte, sans que Joseph et Marie s'en aperçussent . Bientôt cependant, inquiets de ne le point voir, ils revinrent sur leurs pas, et, après trois jours de recherches, ils le trouvèrent dans le temple, au milieu des docteurs qui l'interrogeaient et qu'il émerveillait par ses réponses. Sa mère semblant lui reprocher l'inquiétude qu'il leur avait causée : « Pourquoi me cherchiez-vous ? dit -il, ne faillait- il pas que je m'occupasse du service de mon Père ? »

Ces paroles indiquent la seule exception au principe général de l'obéissance; ou plutôt elles nous rappellent à la grande loi de la hiérarchie , c'est - à - dire de la subordination des devoirs entre eux, si bien formulée par l'apôtre saint Pierre : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes... » En restant à Jérusalem, en excitant dans le coeur de Marie et de Joseph de si mortelles angoisses, il semblait que Jésus eût manqué au devoir de la piété filiale. Non ; il avait obéi à Celui qui était son Père bien avant ses parents terrestres , à Dieu qui voulait que, même en cette extrême jeunesse la sagesse de son Fils éclatât au milieu des docteurs. Ainsi, nous devons obéir à nos parents et à tous les dépositaires de l'autorité publique. Mais, si élevé que soit l'un de nos supérieurs, s'il voulait nous faire commettre une action contraire à la loi de Dieu, et à cette loi du devoir qui est gravée dans notre conscience, souvenons- nous qu'alors l'obéissance cesse d'être une vertu , on plutôt qu'entre diverses autorités qui se contredisent, l'autorité de Dieu , l'obéissance à Dieu par conséquent, prime nécessairement toutes les autres.  


CHAPITRE IV .

Saint Jean -Baptiste.

L'un des saints les plus populaires parmi le peuple chrétien , l'un de ceux qu'invoque comme patron un plus grand nombre de paroisses et de fidèles, c'est assurément  St-Jean – Baptiste.

St-Jean - Baptiste le cousin du Sauveur, lui qui eut la gloire de le saluer le premier, encore dans le sein de sa mère ; lui dont la mission sur la terre devait être cette mission unique, éminemment honorable, et déclarée par le Sauveur lui-même égale, supérieure même à celle des prophètes : la mission de précurseur du Messie .

Nous entrerons dans l'esprit des Évangiles, en commençant par le récit de la vie de Jean -Baptiste, le récit de la vie publique du Sauveur. Jésus et Jean, nés à quelques mois de distance , avaient environ trente ans.  Jean, dont nous avons raconté la naissance miraculeuse, fut conduit par l'esprit de Dieu dans le désert de Judée, qui est aux environs du Jourdain , afin de préparer les hommes à recevoir le pardon des péchés dont ils étaient coupables et dont le Fils de Dieu allait venir les délivrer. Jean disait au peuple qui accourait pour l'entendre : « Faites pénitence, car le royaume de Dieu n'est pas loin. » Puis il adressait des reproches à toute cette foule de pécheurs qui venaient le trouver. Il leur enseignait ce qu'il fallait faire pour échapper à la colère de Dieu . Jean ne prêchait pas seulement en paroles, il prêchait d'exemple. Sa vie , sa nourriture, étaient on ne peut plus austères ; il était vêtu de poils de chameau, il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage ; jamais il ne but de vin ni aucune boisson fermentée .

Les multitudes venaient de loin pour entendre Jean , et pour recevoir une sorte de Baptême préparatoire nommé le Baptême de la pénitence, ainsi appelé par opposition au Baptême sacramentel, que devait établir Notre-Seigneur, et qui aurait pour effet d'effacer la tache originelle. « Je vous baptise dans l'eau , pour la pénitence ,» disait Jean lui-même à ses auditeurs, auxquels il n'épargnait pas les plus dures vérités ; « mais celui qui viendra après moi, et dont je ne suis pas digne de porter la chaussure, celui-là est plus puissant que moi. Il vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu . » C'est alors que Jésus, quittant la Galilée où il avait, pendant trente ans, mené la vie obscure que nous avons dite, vint au Jourdain trouver Jean, pour être baptisé par lui.

Celui-ci fit d'abord les difficultés que lui suggéra son humilité. Il obéit cependant; et comme Jésus, ayant été baptisé, sortait de l'eau, les cieux s'ouvrirent et Jean vit l'esprit de Dieu qui, sous la forme d'une colombe , vint se reposer sur Jésus. Puis une voix se fit entendre du ciel, disant : « Celui- ci est mon fils bien- aimé, en qui j'ai mis toutes mes complaisances. » Rappelons encore , à la gloire de St-Jean -Baptiste, ces autres témoignages qu'il rendit au Sauveur et et que rapporte Jean l'Évangéliste. Au temps où la prédication de Jésus jetait le plus d'éclat, les sénateurs qui composaient le grand conseil des Juifs lui envoyèrent des prêtres et des lévites , pour lui demander s'il ne serait pas le Christ. Il répondit qu'il ne l'était pas. Et comme on insistait pour savoir ce qu'il était, il dit qu'il n'était qu'une voix, la voix de celui qui crie dans le désert : Faites pénitence. Il répéta aux Juifs qu'au milieu d'eux était Celui qui devait venir. Un autre jour, le voyant passer, il s'écria, — l’Église a consacré ces paroles et les répète chaque jour à la messe: « Voici l'agneau de Dieu ; voici celui qui ôte les péchés du monde.»

Enfin, plus tard , et lorsque Jésus commença de baptiser de ce vrai baptême dont celui de Jean n'était que l'image , les disciples de Jean se plaignant à leur maître, celui- ci leur dit : « Vous m’êtes témoins vous- mêmes que je vous ai dit que je n'étais pas le Christ, mais que j'avais seulement été envoyé devant lui... Il faut que sa gloire augmente et que la mienne diminue... »  Admirable humilité et qui, dès cette vie, devait avoir sa récompense, selon cette parole du Maître : « Celui qui s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé. »

Un jour que les disciples de Jean étaient venus interroger Jésus pour savoir s'il était le Messie, qu'il leur avait répondu en leur montrant ses miracles, preuve évidente de sa divinité, et que ces disciples s'en retournaient, Jésus, s'adressant à ceux qui le suivaient; leur fit le plus pompeux éloge de Jean. « C'est , leur dit- il , un prophète et plus qu'un prophète ... c'est un ange. Je vous le dis en vérité : parmi ceux qui sont nés des femmes, il ne s'en est pas rencontré de plus grand que Jean- Baptiste .» Au moment même où le Seigneur rendait de lui ce magnifique témoignage, Jean, déjà si grand par sa naissance, par sa vie pénitente , par sa fonction de baptiste et de précurseur, ajoutait un titre de plus à sa gloire : il méritait qu'on lui appliquât cette parole du Seigneur Jésus : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice ; » il mourait martyr.

Avec la sainte liberté de sa parole, St-Jean -Baptiste avait vivement reproché au second Hérode d'avoir épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe , du vivant de celui-ci. Le roi Hérode, irrité, fit jeter Jean en prison . Quelque temps après, le tyran donnait un grand festin, et la fille d'Hérodiade ayant dansé devant lui, Hérode enthousiaste promit avec serment à la jeune fille de lui donner tout ce qu'elle lui demanderait. Instruite par sa mère, celle - ci demanda la tête de St-Jean -Baptiste dans un plat. Hérode eût bien voulu la lui refuser. Il n'osa, devant toute sa cour, manquer à son serment, qui ne l'obligeait pas en conscience, bien entendu : - le serment de commettre un crime est nul de plein droit .

Des soldats se rendirent dans la prison de Jean et lui coupèrent la tête . Cette tête sanglante fut mise dans un bassin et portée à la jeune fille, qui l'offrit à sa mère. L'Église célèbre le martyre du précurseur, le 29 août, sous le nom de Décollation de saint Jean Baptiste. Ainsi , Jean achevait sa vie publique comme il l'avait commencée. Sur les bords du Jourdain , il avait reproché aux Pharisiens la dureté de leur coeur, il n'avait pas craint de les appeler race de vipères. Son courage ne fut pas moindre devant un roi criminel, et ce courage trouva sa récompense dans la gloire du martyre. Cependant Jésus avait déjà commencé le cours de sa vie publique. Hérode, que poursuivait sans doute le remords de sa lâcheté, c'était par faiblesse plutôt encore que par cruauté qu'il avait fait assassiner le précurseur, Hérode, entendant parler des miracles de Jésus, crut que c'était Jean qui était ressuscité. C'était plus qu'un saint, plus qu'un prophète ; ce Jésus était Dieu . Nous étudierons, dans les chapitres suivants, ses miracles et sa doctrine .


CHAPITRE V.

Jeûne et tentation de Notre- Seigneur Jésus-Christ.

Après avoir été baptisé par saint Jean , et avant de commencer sa vie publique, sa vie de prédication et de miracles, Notre - Seigneur Jésus-Christ voulut se soumettre à l'une des plus dures nécessités de la condition humaine : la tentation. Il fut conduit par le Saint- Esprit dans le désert , nous disent les évangélistes, afin d'y être tenté par le diable. « Et lorsqu'il eut jeûné pendant quarante jours et quarante nuits, dit saint Matthieu, il eut faim . Alors le tentateur, s'approchant,lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains. Jésus lui répondit : Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.  Le diable alors le transporta à Jérusalem , la ville sainte , et le plaçant sur le sommet du temple, il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit : Le Seigneur a ordonné à ses anges d'avoir soin de vous, et ils vous soutiendront de leurs mains, de peur que vous ne heurtiez le pied contre quelque pierre.  Jésus lui répondit : Il est aussi écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.  Le diable le prit encore et le transporta sur une montagne fort haute ; et lui montrant tous les royaumes du monde et leur gloire, il lui dit : Je vous donnerai toutes ces choses, si, en vous prosternant, vous m'adorez . Mais Jésus lui répondit : Retire- toi, Satan ; car il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre -Dieu et le servirez lui seul . Alors le diable le quitta ; et les anges s'approchèrent, et ils lui servaient à manger. » Cet admirable exemple du Sauveur nous donne d'utiles leçons.

Remarquons d'abord que Notre - Seigneur se prépare à la tentation par la retraite et par la pénitence. Nous sommes naturellement légers, oublieux des vérités éternelles. C'est pourquoi lorsqu'un événement important est proche pour nous : la première communion, le mariage, le choix d'un état, ou lorsque nous prévoyons pour notre âme quelque grand péril, quelque tentation, nous devons nous recueillir . Passons, s'il est possible, quelques jours dans la retraite ; faisons-nous du moins, au fond de notre coeur, comme un désert où nous nous retirions pour mieux écouter la voix de notre conscience et la voix de Dieu, pour nous pénétrer davantage de ces pensées chrétiennes dont nous distraient trop souvent les bruits et les affaires du monde.

C'est après son baptême par saint Jean et sur le seuil, pour ainsi dire, de sa carrière publique que le divin Maître va être tenté. Ainsi l'on peut dire que la tentation , c'est- à-dire l'épreuve, attend l'homme aussitôt après son baptême, dès que sa raison du moins commence à poindre. L'épreuve se présente surtout d'une manière plus sérieuse après l'administration du sacrement qui nous rend parfaits chrétiens, la confirmation . Jeune apprenti qui me lisez , vous qui venez de faire votre première communion et d'être confirmé, vous entrez véritablement dans la vie . C'est maintenant que vous allez vérifier le mot de Job : La vie de l'homme sur la terre est une guerre perpétuelle, une guerre, c'est- à-dire une tentation. (une lutte contre le péché).

Il faut vous y préparer. De même que Notre -Seigneur n'aborde son ministère apostolique qu'après avoir repoussé à trois reprises le tentateur, après l'avoir mis en fuite par la persévérance de sa résistance , ainsi vous ne deviendrez véritablement homme et véritablement chrétien que si vous apprenez à vaincre la tentation . Quelle sera -t- elle , cette tentation ? Elle portera sur l'une des trois concupiscences, les plaisirs sensuels, l'orgueil, l'amour de l'argent. Comment la mettre en fuite ? En employant l'une ou l'autre des trois réponses du Sauveur. On voudra vous engager à faire le mal, à rechercher des satisfactions coupables. On le voudra ; ou vous le voudrez tout seul; car l'homme est souvent à lui - même son pire tentateur. A ces suggestions n'accordez qu'un réponse : L'homme ne vit pas seulement de pain , il ne vit pas seulement de ces jouissances grossières qui semblent devoir assouvir cette faim de plaisirs dont la jeunesse surtout est dévorée ; il vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, c'est- à - dire qu'il vit de docilité à la volonté de Dieu que lui révèlent l'Église et ses ministres.

L'obéissance d'abord aux enseignements du catéchisme, la régularité avec laquelle on fait ses prières du matin et du soir, on assiste à la -messe du dimanche, le ferme propos d'être fidèle à la loi de Dieu , voilà la première réponse aux tentations. Quand celles - ci viendront, elles nous trouveront préparés. Je ne dis pas que, dans cette lutte de chaque jour, nous serons toujours vainqueurs. Je dis que nous ne tomberons que par surprise, que nous aurons toujours la volonté de nous relever, que nous saurons où et à qui nous adresser pour réparer nos forces.

Après la docilité à la voix de l'Église, la prudence . A la seconde tentation du démon, tentation d'orgueil et d'ambition, que répond Notre -Seigneur ? Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu . Cette expression est entrée dans notre langue. On dit tenter Dieu pour dire s'exposer follement au danger, se mettre sans nécessité sur le bord de l'abîme. « Qui aime le péril y périra, » dit un très sage proverbe. Donc on ne saurait trop recommander, aux jeunes gens surtout, la prudence : non cette pusillanimité qui voit des dangers partout, qui n'ose faire un pas en avant, mais cette sagesse qui se dit : Je ne fréquenterai pas ce camarade, je ne paraîtrai pas à ce spectacle, je ne jouerai pas à ce jeu, je ne lirai pas ce livre; pourquoi? parce que ma conscience me dit que je rencontrerais là des écueils contre lesquels je me briserais sans doute . Après la docilité et la prudence, il faut encore le courage. « Le royaume du ciel souffre violence , a dit le Maître, et les braves seuls le ravissent. »

Soyez braves, mes amis. La prudence ne peut suffire toujours. Il y a des cas où il faut fuir l'occasion. Il y en a où il faut la combattre et la vaincre . Souvent le danger se trouve dans un milieu que vous devez forcément traverser, ou même habiter. Souvent il ne s'agit plus du mal à éviter , mais du bien à pratiquer . Souvenez - vous de cette troisième réponse du Sauveur : Retire-loi, Satan ; car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu , et tu le serviras lui seul. Quand le mal vous est ouvertement proposé, quand vous vous trouvez entre la conscience et  l'intérêt, quand celui-ci vous chuchote à l'oreille que vous pourriez bien vous permettre ce petit péché, omettre ce petit devoir, vous taire au moins, ah ! ne vous y trompez pas : c'est le moment de parler, de vous montrer, de pousser un de ces nobles cris indignés qui mettent le mal en fuite ; c'est le moment de vous rappeler que le respect humain est une lâcheté, de repasser dans votre coeur tous les bienfaits de Dieu et de vous demander si à tant de bienfaits vous répondriez par l'ingratitude

Après sa tentation au désert, Notre - Seigneur habita un instant la Judée, puis Nazareth , puis Capharnaüm . C'est depuis ce temps, dit l'évangéliste saint Matthieu, qu'il se mit à prêcher et à dire : « Faites pénitence.» Ainsi le Maître semblait continuer la prédication de son Précurseur. Ainsi, une fois de plus, il était fidèle à cette parole : « Cæpit facere et do cere. «Il agit avant d'enseigner. » Cette pénitence qu'il prêchait, il avait commencé par la faire bien rigoureuse lui-même (40 jours de jeûne). Prêcher d'exemple, voilà une obligation dont les parents et les maîtres surtout ne devraient jamais se dispenser. Sans doute les enfants et les élèves ne doivent pas se préoccuper de ce que font ou ne font pas ceux à qui Dieu leur a dit d'obéir ; ils doivent se conformer à leurs sages leçons. Mais combien celles-ci ne sont-elles pas plus persuasives, lorsqu'on y joint l'exemple ! Avis aux pères et aux mères de famille qui tiennent à ce que leurs enfants fassent leurs prières du matin et du soir, aillent à la messe, se confessent et communient, et qui eux-mêmes se dis pensent de tous ces devoirs. « Faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais » sera toujours une pauvre manière de raisonner.

On obtient quelquefois ainsi l'obéissance, ais une obéissance forcée et toute provisoire. L'enfant n'aspire qu'après cet heureux moment où il pourra vivre, comme son père, indépendant de la loi de Dieu. Si vous voulez que vos fils et vos filles demeurent de bons chrétiens et de bonnes chrétiennes et vous devez le vouloir commencez, chers lecteurs et chères lectrices, par être vous-mêmes de fidèles enfants de l'Église.


CHAPITRE VI .

Les disciples et les apôtres.

Rien n'est simple et touchant comme la vocation des premiers disciples . Jésus avait voulu être baptisé par Jean le Baptiste, son précurseur. Comme Jean , il avait commencé sa mission par prêcher la pénitence, après l'avoir, comme Jean , pratiquée au désert . C'est encore de Jean qu'il voulut recevoir ses deux premiers disciples. Écoutons l'un de ces deux disciples privilégiés, l'apôtre saint Jean. « Le lendemain, Jean était encore là , avec deux de ses disciples. Et regardant Jésus qui passait, il dit : Voilà l'agneau de Dieu.

« Ces deux disciples, l'ayant entendu parler ainsi, suivirent Jésus. « Alors Jésus se retourna, et voyant qu'ils le suivaient, il leur dit : Que cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Maître, où demeurez -vous ? « Il leur dit : Venez et voyez .» Ils allèrent et ils virent où il demeurait, et ils demeurèrent chez lui ce jour -là ... « Or André, frère de Simon Pierre, était un de ces deux . Et ayant rencontré Simon, il lui dit : Nous avons trouvé le Messie . Et il l'amena à Jésus . Et Jésus, l'ayant regardé, lui dit : Tu es Simon, fils de Jean ; tu seras appelé Pierre. » Le lendemain ... Jésus trouva Philippe et lui dit : «Suis- moi.» Et il le suivit . Puis Philippe lui amena son compatriote Nathanaël, que plusieurs croient avoir été l'apôtre saint Barthélemy, et qui, convaincu par quelques paroles de la divinité du Sauveur, s'écria : « Vous êtes le Fils de Dieu , vous êtes le Roi d'Israël. » Matthieu, qui était publicain , c'est - à - dire receveur d'impôts pour les Romains, profession très peu honorée chez les Juifs, fut aussi appelé par Jésus et se rendit tout de suite à son appel. Voici les noms des douze apôtres : Le premier, Simon, qui est appelé Pierre, et André son frère; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ; Philippe, Barthélemy, Thomas, Matthieu le publicain , Jacques fils d'Alphée et Thaddée, Simon le Cananéen et Judas Iscariote , qui est celui qui trahit le Sauveur. Remarquons que tous étaient des hommes ignorants, sans pouvoir, sans fortune, la plupart bateliers sur le lac de Génézareth . Comme l'a dit saint Paul, « il y a peu de sages selon la chair, parmi nous, peu de riches, peu de puissants. »

Et ce sont ces hommes qui, après la résurrection du Sauveur, se répandront à travers le monde, prétendront abolir le culte des faux dieux, cette religion qui avait pour elle son antiquité, ses liens intimes avec les traditions nationales, toute la puissance de Rome maîtresse de l'univers, et aussi ce terrible auxiliaire des passions que le paganisme flattait, bien loin de les combattre ! Et ce que ces pauvres bateliers prétendront faire, ils y réussiront ! Et l'univers entier deviendra chrétien ! Comprenez-vous pourquoi Dieu n'a choisi, afin d'opérer cette merveille, ni des conquérants, ni des philosophes, ni des hommes d'État, ni des millionnaires ? Afin qu'il fut bien démontré que cette grande révolution n'était l'oeuvre ni du sabre, ni de la sagesse humaine, ni de la politique, ni de l'or.

Faire quelque chose de rien, c'est le propre de Dieu. Les apôtres n'étaient rien . Le christianisme qu'ils ont fondé est la plus admirable institution que le soleil ait jamais éclairée . Donc les apôtres étaient les envoyés de Dieu . Donc le christianisme est divin. Donc il faut y croire ; il faut y conformer. Si vous étiez tenté d'en douter , je vous dirais: Essayez de réunir quelques mariniers de la Seine ou de la Loire, et de les envoyer par le monde prêcher une religion nouvelle . Vous verrez comment ils réussiront. Je vous citerai même des faits contemporains. Il y a un peu plus de trente ans, des hommes pour la plupart riches, intelligents, habiles à manier la plume et la parole, se sont réunis et ont voulu fonder une religion nouvelle. Ils ont échoué misérablement. Et le nom de saint-simonien est devenu synonyme de ridicule . Les saints - simoniens étaient des ambitieux, tandis que les apôtres du christianisme étaient des hommes dévoués qui, après avoir prêché la bonne nouvelle, l'ont tous scellée de leur sang. « J'en crois volontiers des témoins qui se font égorger, » a dit Pascal.

L’Évangile nomme presque toujours les apôtres du nom plus général de disciples. Disciple veut dire « élève, celui qui écoute la parole du maître. » On donnait ce nom à tous ceux qui suivaient le Sauveur. On appelle plus particulièrement apôtres, ou a envoyés, ambassadeurs,  ceux qui étaient plus près du Sauveur, qui assistèrent à sa dernière cène et auxquels fut confié le pouvoir de fonder l'Église.

Relisons dans saint Matthieu, l'un d'entre eux, les leçons de courage, d'humilité, de désintéressement, de confiance en Dieu que Jésus leur donne, en les envoyant prêcher à travers les villes : « Allez et prêchez, en disant : Le royaume des cieux est proche. « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les démons ; donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement. « Ne vous mettez point en peine d'avoir de l'or ou de l'argent, ou d'autre monnaie dans votre bourse. .... Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme des serpents et simples comme des colombes.... Ils vous feront comparaître devant leurs assemblées, et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues.... Lors donc qu'on vous livrera à eux, ne vous mettez pas en peine ni comment vous parlerez, ni de ce que vous direz ; car ce que vous devrez leur dire vous sera inspiré sur l'heure... Et vous serez haïs de tous à cause de moi ; mais celui- là sera sauvé qui aura persévéré jusqu'à la fin ... Et ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l'âme... Donc celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai moi-même devant mon Père . Celui au contraire qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon père qui est dans les cieux... Celui qui aime son père ou sa mère, ou son fils ou sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi ; et celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas ne peut être mon disciple.»

Plusieurs des disciples, en écoutant certaines de ces paroles qui leur semblaient difficiles à croire ou dures à pratiquer, se retirèrent de sa suite. Sur quoi Jésus dit aux douze : « Et vous, ne voulez-vous point aussi me quitter ? » Simon Pierre lui répondit : « A qui irions-nous, Seigneur ? Vous avez les paroles de la vie éternelle . » 0 vous qui êtes chrétiens, si l'on vous sollicite de quitter cette divine religion qui est la vérité, la vertu, la joie , la lumière, la consolation, la la force, répondez hardiment : « Eh ! à qui donc irions-nous ?» Eh ! au lieu des enseignements de Jésus qui mettent notre âme en paix, qui, par le travail et la patience, nous acheminent doucement vers la vie éternelle, que m'offrez-vous ? » Il est facile de détruire; il est plus difficile d'édifier.

Parmi tous ces apôtres nouveaux qui attaquent le christianisme par la violence ou la ruse , il n'en est pas encore un qui ait essayé seulement de mettre à la place du christianisme quelque chose d'acceptable. Vous avez dû remarquer que toutes les fois que l'Évangile parle des apôtres, il commence son énumération par Simon Pierre, bien que le frère de Pierre , André, et Jean aient été disciples de Jésus avant Pierre . C'est que Simon , à qui Notre -Seigneur avait imposé le nom de Pierre, devait être la tête de l'Église, le vicaire de Jésus-Christ. C'est que, toujours le premier à parler lorsque les apôtres sont réunis, reconnu par eux comme leur chef, il devait fonder et gouverner cette Église de Rome, mère et maîtresse de toutes les Églises. C'est qu'après lui ses successeurs, sous le nom de souverains pontifes ou de papes, - ce qui veut dire pères, - devaient régir l'Église universelle ; c'est que, de même que les évêques sont les successeurs des apôtres , le pape est le successeur de saint Pierre, et, comme celui-ci, chef visible de l'Église et vicaire de Jésus- Christ. « Tu es Pierre , dit Jésus à Simon en lui donnant son nom, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. »

Après avoir demandé à Pierre s'il l'aimait, et avoir reçu cette réponse trois fois répétée : « Oui, Seigneur, je vous aime, » Jésus lui confirme le souverain pastorat : « Pais mes agneaux et mes brebis. » Après l'Ascension de Notre-Seigneur, c'est Pierre qui, comme le chef du collège apostolique, prend la parole dans le temple et convertit des milliers de Juifs. Tous ces faits et la tradition constante de l’Église établissent si clairement la primauté de Pierre qu'on ne peut comprendre comment nos frères égarés ont pu se détacher du centre de Rome et chercher à demeurer chrétiens tout en cessant d’être catholiques.


CHAPITRE VII .

Les noces de Cana.

Jésus- Christ avait à peine commencé sa prédication et choisi quelques-uns de ses disciples, qu'il y eut des noces à Cana en Galilée. « La mère de Jésus, Jésus lui -même et ses disciples s'y trouvaient.  Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont plus de vin . « Jésus lui répondit : Femme, qu'y a- t - il entre vous et moi ? « Cependant sa mère dit à ceux qui servaient : Faites tout ce qu'il vous dira. « Or il y avait là six grands vases de pierre, pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs, dont chacun tenait deux ou trois mesures. Jésus leur dit : Emplissez d'eau les vases. Et ils les emplirent jusqu'au haut. « Alors il leur dit : Puisez maintenant, et portez-en au maître d'hôtel. Et ils lui en portèrent. «Quand donc le maître d'hôtel eut goûté cette eau qui avait été changée en vin , il fut dans l'admiration, trouvant ce vin meilleur que celui qui avait été servi dans le cours du repas .»

Ce fut là le premier des miracles de Jésus, dit l'évangéliste saint Jean , et par là il fit éclater sa gloire, et ses disciples crurent en lui ; » c'est- à dire qu'à cette première manifestation de sa divinité, ils sentirent redoubler cette foi qui avait déjà fait dire à Nathanaël: « Vous êtes le fils de Dieu, le roi d'Israël , » Quand on se reporte aux nombreux miracles qu'opéra depuis le Sauveur des hommes, malades guéris, morts ressuscités , tempête apaisée, pêche miraculeuse, multiplication des pains, sa propre résurrection, on serait presque tenté de se demander à quoi bon ce miracle de Cana. Il n'y avait là ni une grande douleur à consoler, ni une misère à soulager. Avoir du vin jusqu'à la fin du repas, était-ce donc pour ces époux et leurs convives un objet de première nécessité ?

La réponse est facile. La société chrétienne repose sur le mariage. Jésus qui venait relever toutes les institutions qui lui servent de base, qui ramenait le mariage à sa pureté primitive, qui, par la chasteté conjugale non moins que par la chasteté sacerdotale et monastique, réagissait contre les effroyables dépravations du paganisme, Jésus voulut que son premier miracle fût comme une sanctification et une glorification du mariage.

Il devait se rencontrer, dès les premiers siècles de l'Église , des hérétiques qui proscriraient le mariage. Le divin Maître les condamne par avance, en assistant aux noces de Cana. Sa présence à ces noces devait encore nous fournir d’utiles et graves leçons. Combien malheureusement de mariages, même dans nos sociétés chrétiennes, se font avec des intentions purement humaines ! Que de combinaisons uniquement basées sur les intérêts de fortune où d'ambition ! En ce moment solennel où on inaugure une vie nouvelle, songe- t -on seulement à Dieu ? Se préoccupe-t-on des obligations qu'impose la loi divine .

Hélas ! si nous interrogions la plupart de ces unions mal assorties, dans lesquelles l'époux et l'épouse ne craignent pas de manquer à leurs serments, de ces ménages où la violence du mari, l'humeur maussade de la femme transforment en une sorte d'esclavage ou de guerre cette chaîne de la société conjugale qui devrait être si douce ; si nous recherchions comment des parents peuvent être si négligents, si indifférents pour l'éducation de leurs enfants, qui, mal élevés , recevant trop souvent de mauvais exemples, manquent à leur tour de soumission et d'amour pour leurs pères et mères et leur causent de si amers chagrins , nous trouverions presque toujours que la source de tant de misères ou de désordres est dans l'absence de Dieu au jour des noces, quand il aurait dû y présider, y régner et y apporter la force et la sanctification , ce qu'il est prêt à nous accorder par la grâce de son sacrement.

Il n'est pas rare que certains divertissements qui accompagnent les noces donnent lieu à des désordres et à des péchés; il est utile de les signaler , et la religion prescrit de les éviter. Mais ce n'est pas à dire qu'il faille bannir toute réjouissance. Ce serait tomber dans un excès contraire et dans un rigorisme fâcheux. Non, la joie n'est pas mauvaise en elle-même; quand elle est décente et honnête, elle est légitime; et on ne saurait blâmer les épanchements de ces repas de parents et d'amis dans lesquels on fête , d'après un usage immémorial, les évènements de la vie domestique, le mariage particulièrement.

Toute la question est de ne pas en abuser, de n'oublier dans ces réunions ni le côté sérieux de la vie présente, ni les mystérieuses réalités de la vie à venir, ni les douleurs de nos frères souffrants. Pour être sûr de ne pas sortir des bornes prescrites par la religion et la raison , et de ne tomber dans aucun excès, il y a un moyen infaillible, c'est que Jésus soit convié à nos festins de noces ; ce sera appeler sur nos destinées la bénédiction du Ciel et assurer ainsi le bonheur du mariage. Nous devons observer que le premier des miracles de Jésus est fait à la sollicitation de Marie, ce qui nous enseigne comment nous devons, quand nous demandons une grâce, recourir à cette puissante intercession.

La réponse de Jésus n'a qu'une apparence de dureté; dureté nécessaire pour montrer au monde que c'était comme fils de Dieu et non comme fils de Marie qu'il allait changer l'eau en vin ; aussi Marie n'est point étonnée et ne s'y trompe pas. « Faites tout ce qu'il vous dira, » ajoute-t-elle aux serviteurs. Et dès que sa mère a parlé, Jésus se hâte de répondre à sa demande et de satisfaire son désir. Les Pères de l'Église trouvent et nous révèlent bien d'autres enseignements dans l'évangile des noces de Cana. Ils font remarquer la puissance de Jésus, qui se manifeste et opère le changement de l'eau en vin par l'effet de sa seule volonté, par sa parole intérieure non articulée ; ce changement signifie la loi judaïque devenue insuffisante, remplacée par la loi chrétienne, laquelle est semblable à un vin généreux ; ce miracle est surtout la figure de l'Eucharistie, dans laquelle Jésus opérera une transformation bien plus précieuse et  plus importante en changeant jusqu'à la fin des siècles le vin en son sang.

A ce sujet, un pieux auteur contemporain , après avoir cité de belles paroles de Bossuet, ajoute : « Par cet exposé, l'on voit combien Jésus demeure caché jusque dans l'Évangile à qui le prétend trouver sans les lumières de l'Église, et l'on peut juger du respect qu'ont pour leurs lecteurs et pour eux-mêmes les historiens qui se contentent de dire , à propos de Cana, que Jésus se plaisait au mouvement des fêtes privées, et qu'un de ses miracles fut fait pour égayer une noce de petite ville . »

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Dim 30 Juil 2023 - 19:30

CHAPITRE VIII .

Sermon sur la montagne.  

Cependant Jésus, par ses prédications et ses miracles, entraînait après lui une foule de peuple. Un jour que cette foule était plus nombreuse encore que de coutume, le divin Maître, pour en être mieux entendu, monta sur une colline et s'assit, ayant ses disciples autour de lui . Aussi loin que sa voix pouvait porter, la foule se groupa sur les pentes de la montagne; et ouvrant la bouche, il les enseignait, dit l'Évangile. Ce discours, auquel on a donné le nom de sermon sur la montagne, contient un magnifique résumé de la doctrine évangélique. Chacun des trois chapitres que saint Matthieu consacre au sermon sur la montagne deviendra l'un des chapitres de notre histoire du Nouveau Testament, sous les titres suivants :

1 ° Les béatitudes, ou la science du bonheur ;
2° Les bonnes œuvres ;
3° L'esprit du christianisme.  


I -  Les béatitudes, ou la science du bonheur.

« Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux .
« Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils possèderont la terre.
« Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés .
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, parce qu'ils seront rassasiés.
« Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde.
« Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.
« Bienheureux les pacifiques, parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu.
« Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.

Pourquoi le divin Maître commence-t- il son enseignement par ces exclamations : Heureux les simples! Heureux les doux ! Heureux les miséricordieux ? Parce que le premier instinct de l'homme, c'est de chercher le bonheur ; parce que ce que l'homme demande d'abord à qui prétend lui apporter une doctrine nouvelle, c'est de savoir si cette doctrine le rendra heureux d'une manière vraie et durable. Or il y a plusieurs manières d'entendre et de chercher le bonheur.

Les uns le demandent aux plaisirs des sens, à l'argent, au pouvoir, aux satisfactions de l'orgueil, aux charmes de l'étude . Je ne veux pas dire qu'il n'y ait dans aucune de ces choses rien de désirable. Mais il faut remarquer :

1 ° Que le bonheur acheté aux dépens du devoir, - ce qui a lieu trop souvent pour l'ambitieux, le voluptueux, l'avare, est un bonheur faux et empoisonné par le remords ;

2° Que, même contenues dans de justes limites, les jouissances du corps ou de l'esprit ne sauraient être l'élément principal du bonheur de l'homme ; car elles sont le lot du très-petit nombre;

3° Que, pour ceux- là même à qui sont échus la fortune, le pouvoir , la santé, toutes ces choses sont soumises à d'innombrables vicissitudes, et bornées à la vie présente, au delà de laquelle nul n'emportera la beauté, l'or , l'éclat du rang. Elles sont donc courtes comme cette vie est courte; et la vie à venir durera toujours.

Donc il convenait de proposer à la noble ambition des hommes un bonheur pur, qui fût à la portée de tous, qui durât autant que l'âme humaine , c'est - à - dire sans fin . C'est ce bonheur dont les huit béatitudes nous donnent une si éloquente esquisse. Elles pourraient se résumer dans ces mots : « Heureux ceux qui recherchent le devoir et non point le plaisir, parce qu'en échange de quelques sacrifices, de quelques souffrances, de quelques violences qu'ils auront éprouvées de la part des hommes ou qu'ils se seront faites à eux mêmes, ils goûteront un jour cette félicité qui ne finit jamais et que le divin instructeur appelle tantôt le royaume des cieux, tantôt la terre promise, tantôt l'éternelle consolation , tantôt le rassasiement éternel, etc... »

On peut ajouter, — faisant ici l'application de cette autre parole du Sauveur : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice , et le reste vous sera donné par surcroît, » que, comme avant goût du bonheur éternel, celui qui aura fait de ces huit versets la règle de sa conduite, goûtera dans la paix de sa conscience, dans l'amitié du Ciel, dans les ineffables douceurs que Dieu réserve à ceux qui le servent, un bonheur auprès duquel tous les enivrements de l'orgueil et des passions sont bien peu de chose.

D'ailleurs remarquons que, s'il dépendait de l'homme de ne pas souffrir ici-bas, on comprendrait encore qu'il préférât ces vaines jouissances aux austères douceurs du christianisme. Mais il n'en va pas ainsi . Quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse, à très- peu d'exceptions près, l'homme est visité par la souffrance , par les angoisses et les déchirements de l'âme . N'est- elle pas, ne porte- t-elle pas la marque de son origine céleste une doctrine qui apprend à l'homme à sanctifier ses peines, à les adoucir en les acceptant, à trouver dans la blessure elle -même le baume qui doit la guérir ? En un mot, l'homme ne fait presque jamais ici bas sa propre volonté. Mais dès que, dans tous les évènements, si pénibles qu'ils soient, il voit la volonté de Dieu , une épreuve, un moyen d'accroître ses mérites, il ne murmure jamais ; son âme est paisible ; et , en attendant le bonheur éternel, il est heureux du seul vrai bonheur que comporte l'infirmité humaine.

Mais l'homme ne vit pas seul ; chacun est chargé , en un certain sens , de l'âme de son frère. D'où la nécessité du bon exemple ou de l'édification ; c'est ce devoir que Jésus rappelle ensuite à ses disciples. Les chrétiens, particulièrement ceux qui sont constitués en dignité ecclésiastique , civile ou simplement domestique, doivent le bon exemple. Il faut qu'en voyant agir leur père et leur mère, leurs maîtres et leurs maîtresses, enfants, élèves et serviteurs soient doucement inclinés à faire le bien .

Gardons-nous donc du scandale , soit qu'il consiste à faire le mal, dont l'exemple est si contagieux, soit qu'il consiste dans cette lâcheté qui, de peur d'une raillerie, d'un blâme, d'un sourire, craint de faire son devoir, et que l'on appelle le respect humain . Mais, pour avoir cette sollicitude de l'âme d'autrui, il faut avant tout aimer son prochain.

L'amour du prochain, ce n'est pas une simple affection pour ses proches et pour ses amis; ce n'est point seulement la justice qui fait que l'on rend à chacun ce qui lui est dû ; c'est un sentiment profond et tendre qui, prenant sa source dans le coeur de Dieu, pénètre les hommes, enfants du même père, d'un amour tout fraternel, d'un dévouement généreux , qui pardonne toujours, qui ne rend jamais le mal pour le mal ; cet amour du prochain déclaré par le Sauveur semblable à l'amour de Dieu , est la marque des chrétiens. Non - seulement les païens ignoraient cette divine charité ; mais , chez les Juifs eux- mêmes, il semblait qu'une certaine justice rigoureuse qui rendait le mal pour le mal comme le bien pour le bien, fût l'effort suprême de la vertu .

La loi nouvelle va plus loin. « Vous avez appris qu'il a été dit : Vous aimerez votre prochain, et vous haïrez votre ennemi;  Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient.  Car si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez - vous à prétendre ? Les publicains mêmes ne le font- ils pas? Et si vous ne saluez que vos frères, en cela que faites- vous de plus que les autres ? Les païens ne le font- ils pas aussi ? »

Sous la loi nouvelle, complément de la loi ancienne, et qui n'a pas été dictée au milieu de l'appareil terrible du Mont Sinaï, (Exode 20,1 – Ancien Testament) mais que le Fils de Dieu lui-même fait homme est venu nous apporter, sous cette loi qui n'est plus bornée à un peuple, mais qui s'étendra au monde entier, sous l'empire de cette divine religion dont Jésus-Christ n'est point seulement le fondateur, mais dans laquelle il est toujours vivant, et par son Église et par ses sacrements, le principe n'est plus la crainte , mais l'amour, et l'amour du prochain. « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. » Ainsi se termine cette première partie du sermon sur la montagne. De ce conseil sont nés les saints, dont la vertu presque surhumaine aurait de quoi nous étonner, si nous ne nous souvenions de ce mot de saint Paul : « Je puis tout en celui qui me fortifie. » Nous- mêmes humbles chrétiens, nous devons l'avoir toujours présent à l'esprit , afin de faire chaque jour de nouveaux progrès dans la voie de notre propre perfectionnement. Ce doit être le travail de toute notre vie ; car, dans cette carrière, celui-là recule qui n'avance pas. Lorsque des bateliers remontent un fleuve, si, lassés de ramer, ils se reposent un instant, ils perdent en quelques minutes le fruit d'un long labeur ( le bateau recule dans le courant). Luttons de même sans cesse contre le courant, si nous ne voulons que le courant nous entraîne.  


CHAPITRE IX .

Sermon sur la montagne. ( Suite. )

II - Les bonnes Oeuvres.

La première partie du sermon sur la montagne a surtout établi les principes. La seconde entre dans le détail et les applications. La vie de l'homme, combat perpétuel, effort incessant pour s'approcher le plus possible de la perfection, se compose d'une série de devoirs ayant trait, les uns aux rapports de l'homme avec Dieu, les autres à ses relations avec ses frères, d'autres enfin réglant la conduite qu'il doit tenir envers lui-même.

La prière résume les premiers ; L'aumône les seconds ; Le jeûne les troisièmes.

Remarquons que plusieurs soi-disant philosophes qui, tout en battant en brèche la doctrine chrétienne, prétendent conserver pour le divin fondateur du Christianisme une certaine admiration, semblent s'être donné le mot pour attaquer ces trois choses.

« La prière, disent-ils. Est- ce que Dieu se soucie de nos vœux, à nous misérables mortels ?
« Le jeûne et les autres mortifications ! Mais le corps est fait pour jouir. A quoi bon lui imposer des privations ?
« L'aumône ! Elle est humiliante pour ceux qui la reçoivent. »


Et pourtant le sermon sur la montagne sanctionne et réglemente ces trois choses.

La prière. Elle doit être recueillie , humble, persévérante, elle doit s'occuper des besoins de l'âme avant de s'inquiéter des besoins du corps. Elle a son modèle dans cette belle prière du Pater ( le Notre-Père) ou Oraison dominicale, que Notre -Seigneur lui-même nous a enseignée et qu'il nous propose comme un résumé de tout ce que nous pouvons avoir à demander au Père céleste. Puisque Notre- Seigneur, qui est Dieu , nous dit de prier, c'est que nous devons prier ; c'est que Dieu, bien qu'il sache ce dont nous avons besoin, nous écoute lorsque nous versons nos coeurs devant lui; c'est qu'il lui plaît, avant de nous exaucer, d'exiger que nous lui adressions nos demandes.

Le jeûne et les autres mortifications. Sans doute le Maître nous recommande de ne pas imiter les pharisiens qui, lorsqu'ils jeûnaient, prenaient à dessein un air défait, afin de s'attirer des louanges. Mais en même temps la nécessité de la pénitence est établie en mille passages de l’Évangile. Sans parler de saint Jean le Baptiste le précurseur, de sa vie , de sa prédication, de son baptême de pénitence, Notre -Seigneur lui-même n'a - t -il pas commencé par prêcher la pénitence ! Qui ne sent le poids terrible de cette corruption que nous portons en nous, poids que les satisfactions des sens alourdissent encore ? Comment y résister autrement que par les mortifications ? La vie de Jésus- Christ, notre modèle, n'a-t-elle pas été une pénitence et une mortification continuelle ? D'ailleurs qui a établi les jeûnes, les abstinences, etc. , si ce n'est l’Église ? Or l'Église est, nous le savons, l'infaillible interprète des volontés divines. Conseil important : Nous devons, alors même que nous nous faisons pénitence pour nos péchés, conserver un aspect aimable, parce que c'est l'amour et non la crainte qui nous dirige, et que , s'il y a dans la mortification des rigueurs pénibles à la nature, il y a aussi des douceurs cachées. Et puis que diraient ceux qui ne sont pas chrétiens, s'ils nous voyaient habituellement tristes et moroses ? Ils diraient que nous servons un maître dur, que notre condition est digne de pitié ; ils s'estimeraient heureux de n'être pas chrétiens . Quel malheur de faire naître un pareil sentiment !

Enfin l'aumône. Ici encore se place la recommandation de ne pas faire parade des charités que l'on répand autour de soi. Si vous donnez pour vous attirer des applaudissements, ces applaudissements seront votre récompense, vaine comme votre ostentation . Au contraire, lorsque vous faites l'aumône, que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite . Alors votre Père céleste verra votre bonne œuvre, et il vous réservera une récompense immortelle. S'humilier par la prière, par la pénitence, par l'aumône soit donnée , soit reçue, qui nous communiquera la force de ce triple abaissement, sans lequel il n'y a point, à proprement parler, de vie chrétienne ? Dieu et la pensée habituelle du détachement ; détachement de notre esprit en reconnaissant notre dépendance envers Dieu ; détachement de notre corps, en lui imposant de salutaires mortifications ; détachement des biens de la vie , en nous soumettant à la misère et à la pauvreté, si tel est notre lot sur la terre ; en partageant avec nos frères malheureux, si nous sommes parmi les privilégiés de la fortune.

Car remarquez qu'il ne s'agit pas seulement pour le chrétien d'éviter le péché dans l'acquisition et l'usage des biens. Il faut aussi n'y point trop attacher son coeur, être prêt à les rendre à Dieu, si Dieu, qui nous les a donnés, nous les reprenait. Remarquez encore que l'avare n'est pas le seul esclave de ses richesses, qu'il ne commet pas seul l'injustice de garder égoïstement ce qu'il devrait communiquer à ses frères. Il faut en dire autant de celui qui, lâchement soumis aux exigences du luxe et aux caprices de la mode, n'a jamais, si riche qu'il soit , assez d'argent pour satisfaire ces véritables tyrans, et par conséquent ne fait pas la charité. Il faut le dire encore de ce père de famille trop parcimonieux qui refuse aux pauvres quelques pièces de cent sous, parce qu'il lui semble que ces pièces de cent lui feront faute, lorsque, dans dix ans, il devra marier sa fille .

N'oublions pas que la charité est à la portée de tous, et qu'il n'est personne qui, à défaut d'argent, ne puisse donner ce verre d'eau froide qui ne demeurera pas sans récompense, et en tout cas, son cœur, sous la forme d'un bon conseil , d'un service, d'un serrement de main, d'un regard ému, d'une larme, d'une prière pour ceux que l'on ne peut assister autrement. En somme, il n'y a pas de véritable chrétien sans détachement. Si vous êtes riche, donnez largement l'aumône ; c'est encore la meilleure manière d'empêcher que les richesses ne vous corrompent. Si vous êtes pauvre, ne vous laissez pas aller au découragement, ne dites pas : Comment me nourrirai -je ? Comment me vêtirai-je ? Comment donnerai- je du pain et des vêtements à ces êtres qui me sont plus chers que moi-même et dont je suis chargé : ma femme, mes enfants, mon vieux père et ma vieille mère ? Ne dites pas ces choses ; car ce serait témoigner peu de confiance envers le Père céleste . Il y a une sage prudence qui consiste à demander au travail, à l'économie, à la fuite des passions mauvaises ce dont nous et les nôtres nous avons besoin pour soutenir notre existence . Mais il y a une prévoyance exagérée, tourmentée, que les chrétiens doivent fuir. « Votre Père, dit Notre- Seigneur, ne sait- il pas que vous avez besoin de toutes ces choses ? « Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît.»

« A chaque jour suffit sa peine. » C'est là aussi un sage proverbe qu'on ne saurait trop méditer et qui semble comme consacré, pour avoir été cité par celui qui est la vérité même : Notre-Seigneur Jésus-Christ.


CHAPITRE X.

Sermon sur la Montagne. ( Suite . )

Ill. L'esprit du Christianisme.

« Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le -leur... » - et par conséquent, ne leur faites point ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fissent; c'est là , dit Notre -Seigneur, la loi et les prophètes; c'est- à - dire, tel est l'abrégé de la morale catholique et le véritable esprit de christianisme . , Que de mal nous éviterions, que de bien nous pratiquerions, combien nous serions plus dignes de l'éducation chrétienne que nous avons reçue, plus agréables à Dieu et aux hommes, si nous méditions, si nous appliquions plus souvent cette règle de la divine sagesse ! A ce principe peut se rattacher cette autre maxime : « Ne jugez pas, de peur d’être jugés . »

C'est - à- dire, gardez - vous non -seulement de la calomnie, cette injustice, cette noirceur, ce crime, ce préjudice grave causé à autrui . Non -seulement gardez - vous de la médisance ; c'est -à -dire, à moins de nécessité absolue, gardez - vous de dire sur le compte du prochain un mal quelconque, quoique vrai. Mais gardez -vous même de le penser, ce mal ; gardez-vous d'interpréter dans un sens défavorable une conduite susceptible de meilleures interprétations... Et que ceci nous rappelle la gravité de certains péchés que l'on se permet trop facilement, parce qu'il semble qu'ils ne font de mal à personne, qu'à peine existent-ils : les péchés de pensée.

Pourtant ce sont les premiers que mentionne le Confiteor. Pourtant, devant Dieu, « qui sonde les reins et les coeurs, » une mauvaise pensée égale souvent en criminalité les actes les plus coupables. Souvent ceux - ci ne sont que la réalisation de celle-là . Et si l'on veut vivre en vrai chrétien, il faut commencer par s'interdire les pensées orgueilleuses, haineuses, sensuelles, d'où sortent la plupart des crimes qui souillent et ensanglantent la terre . Généralisons encore cette observation . Une règle que le chrétien ne doit jamais oublier, c'est qu'il ne suffit pas d'être juste , dans ses rapports avec ses frères : il faut encore être compatissant, facile à excuser autrui, indulgent. Que deviendrions- nous, mon Dieu, si vous nous jugiez selon la rigueur de votre justice ? Soyons donc indulgents envers nos frères, afin que le souverain maître nous traite , nous aussi, avec indulgence.

Il l'a dit lui -même : « La mesure que vous aurez employée à l'égard de vos frères, c'est celle - là même qui vous sera appliquée. » Une autre règle, c'est qu'il ne suffit pas, dans nos rapports avec Dieu, de connaître nos devoirs.

« Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas dans le royaume des cieux » c'est-à -dire que, pour arriver à ce terme bienheureux, il ne suffit pas de quelque dehors de piété . « Mais celui qui fait la volonté du Père céleste , » c'est celui-là qui entrera dans le royaume des cieux . Et cette volonté, il ne suffit pas de s'y soumettre d'une manière vague et générale. Il s'agit de s'y appliquer constamment. Il faut, par une prière persévérante, par des efforts continuels, travailler à notre salut . « Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira. » Ce n'est sans doute pas chose facile . Il s'agit d'éviter le grand chemin du vice, de l'irréligion , de l'indifférence où tant de gens se damnent, et de s'engager et de se maintenir dans cet étroit sentier qui conduit à la vie .

« Que la porte de la vie est petite et que le sentier est étroit qui y mène, et qu'ils sont peu nombreux ceux qui savent le suivre ! » dit le Seigneur lui- même. Cela ne doit pas nous décourager. Nous ne devons pas nous dire : « Mais je ne pourrai jamais. » Ce serait le propos d'un lâche. Nous devons au contraire nous souvenir de cette autre parole du Sauveur : « Le royaume des cieux souffre violence , et ce sont les braves seuls qui l'emportent » d'assaut, pour ainsi dire . Après tout, rien de bien , de noble , d'élevé, ne se fait sans qu'on se donne de la peine. Et ne serait-il pas étrange que le plus précieux de tous les biens, le royaume du ciel, fût le seul qui pût s'acquérir sans travail et sans efforts?

Soyons tous ce chrétien, chers amis . Nous aurons ainsi dans la parole de Dieu, interprétée par l’Église, une base solide pour notre vie , une règle incomparable pour notre foi, pour nos moeurs. Nous deviendrons de jour en jour plus dignes de la divine loi dont nous sommes les disciples. Ce mot de divine me ramène à ce qui est , chez saint Matthieu, la conclusion du sermon sur la montagne. « Et Jésus ayant achevé ce discours, la foule admirait sa doctrine . Car il les enseignait, comme ayant autorité par lui-même, et non comme leurs docteurs et les pharisiens. » (Matthieu 6,28) Oui, cette doctrine était vraiment admirable , et Dieu seul pouvait la révéler à la terre . Seul, il pouvait donner à sa prédication une telle efficacité. Cette doctrine a transformé le monde qui, grâce à elle , de païen est devenu chrétien .  

Qui est celui d'entre nous qui n'a besoin d'être transformé, converti? Allons tous vers Celui qui a les paroles de la vie éternelle. En nous laissant pénétrer par ces divines paroles, non - seulement nous assurerons notre bonheur pour la vie à venir, mais nous travaillerons à acquérir ici - bas la seule vraie félicité, la félicité d'une âme honnête et chrétienne .


CHAPITRE XI.

Miracles de Notre- Seigneur Jésus-Christ

Cependant, après être descendu de la montagne, où il avait prononcé ce discours si merveilleusement beau dans sa simplicité, qui devait changer le monde, Notre-Seigneur Jésus-Christ continuait le cours de sa vie publique. Si nous voulons nous demander en quoi consistait cette vie publique, quel en était le double caractère, et aussi quelle preuve le Sauveur lui même donnait de la divinité de sa mission, rappelons- nous sa réponse aux envoyés de Saint Jean le Baptiste. Celui - ci , pour instruire ses disciples, en envoie à Jésus quelques -uns. Ils sont chargés de lui dire : « Êtes-vous celui qui doit venir ? » c'est-à-dire le Messie promis depuis le commencement du monde, le Fils de Dieu, celui qui devait renouveler la face de la terre ; « où devons- nous en attendre un autre ? » Notre-Seigneur ne se met point en peine de raisonner avec les envoyés de Jean . Il leur dit « Allez rapporter à Jean ce que vous avez entendu et ce que vous avez vu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les morts ressuscitent, l'évangile est annoncé aux pauvres. » Au dire même du Messie, il y a donc deux ordres de preuves établissant la divinité de sa mission : ses actes et ses paroles ; ses actes qui dépassent constamment la puissance de l'homme, et qui sont des miracles ; - ses paroles, soit qu'elles consistent en enseignements directs, soit que, plus souvent, elles se cachent sous des images , des comparaisons , des paraboles, sa doctrine, en un mot, qui n'est pas d'un sage seulement ou du plus grand des philosophes, mais d'un Dieu. Les miracles de Notre -Seigneur, et ses enseignements, c'est sous ces deux chefs successifs que nous allons parcourir la vie du fils de Dieu, jusqu'à ce que nous arrivions à sa passion, à sa mort, à sa résurrection, à ces grands évènements qui sont tout à la fois les plus mémorables miracles et le plus divin enseignement du Sauveur.

Commençons par les miracles. Il faut d'abord poser et résoudre certaines questions préliminaires. Qu'est- ce qu'un miracle ? Un miracle est un évènement contraire aux lois de la nature, évènement accompli par suite d'une dérogation qu'il a plu à la puissance divine d'apporter à ces mêmes lois . La résurrection d'un mort est toujours un miracle. La multiplication des pains est un miracle. C'est un miracle que la guérison d'un malade, instantanée et sans autre remède que quelques paroles, alors surtout que la maladie, ancienne déjà, avait fait en vain appel à la science des médecins. Faut-il croire aux miracles ? Assurément, quand les miracles sont prouvés. Mais peut-on les prouver ? Et la science aujourd'hui ne les repousse-t- elle pas, comme impossibles ? - Une pareille science est à la fois bien ignorante et bien orgueilleuse . Devrait- elle ignorer ce que savent et proclament, non -seulement tous les chrétiens, mais tous les hommes de bon sens : que Dieu est l'auteur de tout ce qui existe ; que ce qu'on appelle la nature n'est autre chose que l'ensemble des lois que Dieu a imposées à la création matérielle ?

Or, si Dieu a pu féconder le néant, donner l'être à ce qui n'était pas, s'il gouverne les mondes et les maintient dans un ordre admirable, comment lui serait- il plus difficile de rendre la vie ou la santé à telle de ses créatures frappée par la mort ou par la maladie ? Dieu qui fait, chaque année , germer, croître, mûrir nos moissons, qui nourrit le genre humain par cette véritable multiplication des grains de blé, n'aurait pas pu, sous une autre forme, opérer un prodige semblable pour nourrir la multitude affamée qui le suivait ! Vous croyez que Dieu a pu faire de rien quelque chose ; et vous vous révoltez à la pensée que de cinq pains il en ait fait cinq mille ! Mais ne voyez-vous pas que ce mot difficile appliqué au Dieu tout puissant est un véritable non sens ? Cessons donc de considérer Dieu comme s'il était un homme. Dieu est le maître de la nature . N'est- il pas juste qu'elle lui obéisse, soit en se conformant avec une admirable fidélité aux lois qu'il lui a tracées, soit en dérogeant à ces lois , s'il plaît à Dieu de montrer, en les modifiant, que c'est lui qui est le maître ?

J'ai ajouté que la prétendue science qui refuse de croire aux miracles est bien présomptueuse. Sans parler de cet orgueil qui prétend enfermer le Créateur dans un cercle dont il ne lui serait pas permis de sortir, de quel droit, savants, vous estimez -vous plus grand à vous seul que l'humanité tout entière ? Les hommes ont toujours cru à l'intervention miraculeuse de la Divinité dans les choses de ce monde. Faire de Dieu un roi fainéant, c'est un premier pas, bientôt suivi d'un second , vers l'athéisme. Puisque , selon vous, Dieu ne sert de rien, et qu'il a établi des lois dont il est le premier esclave, autant le détrôner au nom de cette divinité vague et peu gênante , la nature. Ainsi raisonnent tous les jours qu'ils s'en rendent compte ou non ceux qui refusent à Dieu le pouvoir de déroger, en quoi que ce soit, aux lois de la nature . La question des miracles est donc tout simplement une question de fait. Ne demandez pas si tel fait miraculeux est possible . Demandez s'il a vraiment eu lieu . Interrogez les témoins,les historiens. C'est ce que l'on appelle , en philosophie , une question de témoignage. Or, en ce qui touche les miracles rapportés dans l’Évangile , il faut remarquer qu'ils y jouent un rôle, non point accessoire, mais principal et tout à fait éclatant .

La naissance, la vie , la mort, la résurrection du Sauveur sont une suite non interrompue de prodiges. Tous ceux qui en ont attesté la vérité, les rédacteurs des saints Évangiles, les  Pères et les docteurs qui ont accepté ces faits miraculeux comme la base de leurs enseignements et de leurs écrits, les masses innombrables de chrétiens qui, accueillant cette doctrine, y ont trouvé la règle de leurs moeurs aussi bien que de leur foi, tous ceux- là rendent hommage au caractère miraculeux du récit évangélique. N'oubliez pas surtout ces témoins magnanimes qui, par millions, ont signé leur témoignage de leur sang. Ce sont les martyrs (martyr veut dire témoin ); et c'est d'eux qu'un grand écrivain a dit : « J'en crois volontiers des témoins qui se laissent égorger. » Nous ne saurions, restreints que nous sommes dans de si étroites limites, songer à raconter tous les miracles que le Sauveur opéra pendant les trois années de sa vie publique.

Avant d'en rappeler les principaux, voici quelques remarques qui ne seront pas sans application à nous-mêmes.

1 - Il est dit aux Actes des apôtres que le divin Maître « passa en faisant du bien . » Aussi la plupart de ses miracles, outre qu'ils sont une preuve irréfragable de la divinité de sa mission, ont pour but aussi et pour résultat de soulager quelqu'une des misères qui affligent la pauvre humanité. Nous n'avons pas la puissance d'un Dieu . Si petits que nous soyons, que ne pouvons-nous pas cependant en faveur de nos frères affligés, si nous avons la charité ? Que de merveilles opère, pour le bien des corps et surtout des âmes , un seul coeur, disciple fidèle du Maître qui a passé en faisant du bien !

2-  Sans doute , lorsqu'il lui plaît de suspendre ou de modifier les lois de la nature, Dieu ne suit d'autre volonté que sa volonté souverainement sage. Mais elle est en même temps souverainement aux supplications de ses créatures. La prière, soit articulée au dehors, soit renfermée dans la parole intérieure d'une âme confiante, c'est la voix puissante qui appelle les miracles. Prions, mes bons amis. « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous l'obtiendrez, » a dit Notre - Seigneur; et Notre- Seigneur n'a pas exclu les miracles.

3 - Le fruit d'un miracle soit que nous en soyons favorisés nous-mêmes, soit que nous lisions le récit de ces prodiges qui, en fondant la religion chrétienne, sont devenus le patrimoine commun du peuple chrétien, ce fruit doit être une augmentation de foi, d'amour, de reconnaissance envers l'auteur tout bien, le désir de lui être agréable, de lui gagner des âmes. Voyez les pharisiens et tant d'autres qui assistaient aux miracles du Sauveur, l'orgueil et la haine dans le coeur . Ces miracles n'ont rien fait pour les convertir. Craignons, si nous ne lisons le récit évangélique qu'avec une curiosité tout humaine, même avec un sentiment intérieur de révolte, de ne retirer aucun profit de cette lecture, peut- être hélas ! d'arriver à ce triste état des prétendus esprits- forts qui osent limiter la puissance de Dieu !

4- On peut diviser les miracles évangéliques en quatre catégories, sous ces quatre titres : Guérison, conservation de la vie, résurrection , conversion . Nous consacrerons un chapitre à chacune de ces catégories.


CHAPITRE XII .

Miracles de Notre -Seigneur Jésus-Christ. ( Suite. )

а - Miracles de guérison.

L'un des biens les plus précieux dont l'homme puisse jouir ici-bas, c'est assurément la santé. C'est aussi l'un des biens les plus fragiles. Avant- courrière de la mort, la maladie est le lot commun de l'humanité. Ni l'opulence ni la plus haute position n'en défendent les riches ou les rois ; la jeunesse elle -même n'est pas à l'abri de ses coups. Celui qui a passé en faisant le bien, notre divin Sauveur, non content d'être, comme nous le verrons plus tard, le médecin de nos âmes, voulu être aussi le médecin de nos corps. Nous ne pouvons reproduire tous les miracles de guérison que nous rapporte l'Évangile . Et encore l'Évangile lui-même n'en a relaté qu'un petit nombre, selon cette parole de saint Jean : « Jésus-Christ a fait tant d'autres choses que, si on les rapportait en détail, je ne crois pas que le monde entier pût contenir les livres qu'on en écrirait. »  

Citons seulement quelques exemples. La paralysie , qui retire à l'homme l'usage de ses membres ; la cécité, qui le prive du plus précieux de ses sens, la vue ; la lèpre, cette affection aussi humiliante que douloureuse et qui , chez les Hébreux, séparait du commerce des hommes les malheureux qui en étaient atteints, voilà bien les maladies les plus cruelles dont nous puissions être affligés. Nombreux sont les paralytiques, les aveugles, les lépreux sur lesquels le Sauveur a étendu sa main bienfaisante et qu'il a guéris d'un seul mot. Voyez le paralytique de Capharnaüm . La foule est si grande aux abords de la maison où se trouve Jésus que les quatre hommes qui portent le pauvre infirme n'ont d'autre ressource que de monter sur le toit , et, par l'ouverture qui y était pratiquée , de descendre le malade au milieu de la chambre. Voyez cet autre paralytique de Jérusalem , gisant sur son grabat depuis trente-huit ans . Il est couché au bord d'un grand bassin ou réservoir, appelé la piscine de Bethsaïde. Personne ne lui vient en aide pour le jeter dans le bassin au moment où, chaque année, l'ange du Seigneur venant à agiter l'eau, le premier malade qui y est plongé obtient sa guérison.

Jésus, plus puissant qu'un ange, voit ce pauvre homme, a pitié de lui et lui dit, comme au paralytique de Capharnaüm : « Prends ton lit et va. » Il le prend et s'en va. Dans les deux cas, la foule est remplie d'admiration ; plusieurs croient en Jésus qui commande ainsi à la maladie . Les pharisiens, au contraire , en proie à l'orgueil et à l'envie , ne savent que blâmer Jésus, la première fois de ce qu'il a commencé par dire au paralytique : « Tes péchés te sont remis, » montrant ainsi que la maladie du corps n'est que comme une figure des maladies de l'âme, - la seconde fois, de ce qu'il a guéri le paralytique un jour de sabbat. Que ceci nous soit un exemple.

Ayons le coeur pur et simple. Sans cela, et si nous donnons accès en nos âmes à l'orgueil, à l'envie , en vain Dieu ferait - il devant nous les plus grands miracles ; nous serions comme ceux dont parle l'Écriture, qui ont des yeux et ne voient point, des oreilles et n'entendent point. Parmi tant de guérisons d'aveugles, choisissons celle de l'aveugle -né. Je vous engage, chers amis, à la relire tout entière , au chapitre 9 de l'Évangile selon saint Jean . Rien de plus touchant et de plus instructif.

Vous y verrez Notre-Seigneur en appelant, une fois de plus, à ses miracles comme à la preuve par excellence de sa mission divine . La docilité de l'aveugle qui obéit, sans hésiter ou raisonner, aux ordres du Sauveur et qui revient guéri de la fontaine où le Sauveur lui avait dit d'aller se laver, la naïveté avec laquelle il répond aux questions qui lui sont posées sur sa guérison , l'odieuse mauvaise foi des pharisiens qui l'interrogent et cherchent à le surprendre , le courage et le bon sens qu'il met à réfuter leurs prétendus arguments , les mauvais traitements qui lui sont infligés. Jésus venant le trouver, lui manifestant sa divinité, le pauvre aveugle devenu aussi clairvoyant de l'âme que des yeux et tombant aux pieds du Sauveur et l'adorant, ce sont là autant de leçons que nous ne saurions trop méditer.

Enfin , les lépreux . Ils étaient dix. Ils crient vers Jésus, en le voyant passer : « Jésus, notre maître , ayez pitié de nous. » Jésus leur dit : « Allez , montrez-vous aux prêtres . » Ils y vont et sont guéris dans le chemin . Un seul revient remercier et glorifier son bienfaiteur. Jésus admire la persistance de sa foi; et, comme pour l'aveugle, joignant la guérison de l'âme à celle du corps, il lui dit : « Lève- toi et va. Ta foi t'a sauvé. » Chaque pas dans la vie du Sauveur est marqué par des actes semblables. Saint Matthieu en son chapitre 14, parlant d'un séjour de Notre -Seigneur dans une petite bourgade, dit ces paroles mémorables : « Et les habitants de ce lieu ayant connu que c'était lui, ils envoyèrent dans tout le pays en donner avis ; et on lui présenta tous les malades. Et ils le priaient qu'il leur permît de toucher seulement le bord de son vêtement ; et tous ceux qui le touchèrent furent guéris.»

Quelques observations sur ces guérisons. Le mode en est divers. Tantôt Notre- Seigneur dit : « Je le veux, sois guéri ; » ou : « Prends ton lit et emporte- le ; » il guérit d'une parole. Tantôt il appelle les éléments à l'honneur de lui servir d'instrument; il mêle un peu de boue à de la salive et en enduit les paupières de l'aveugle ; il l'envoie se laver dans la fontaine de Siloë. Ou bien encore, il se soumet aux prescriptions de la loi ; il enjoint à ceux qu'il a guéris d'aller se montrer aux prêtres. Mais quelque divers que soient ces procédés , toujours le Sauveur récompense la foi du malade ou de ceux qui l'implorent pour lui; toujours il commande à la maladie, non point comme un prophète, un envoyé d'en haut, un apôtre, un docteur ; il guérit, comme il enseigne, selon cette parole de saint-Matthieu : tanquam potestatem habens, « comme Celui qui a la puissance par lui même. »

Presque au début des Actes des apôtres, Pierre et Jean guérissent un malade, un boiteux. Lui, disent- ils : « Nous le voulons, sois guéri ? » Non, ils lui disent : « Au nom du Christ, Jésus de Nazareth , lève-toi et marche. » C'est ainsi, c'est au nom de Jésus- Christ qu'opèreront dans la suite des âges tous ces saints qui semblent, eux aussi, commander aux éléments, à la maladie, à la mort, mais qui commandent en obéissant à un autre, à Dieu. Jésus - Christ n'obéit à personne. Il est le maître ; il est Dieu . Il importe, dans ce chapitre où nous avons examiné les miracles du Sauveur, surtout au point de vue de la guérison , de remarquer le lien intime que l'écrivain sacré à semblé vouloir marquer entre les maladies du corps et celles de l'âme.

Notre - Seigneur l'a dit lui- même : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais ceux qui sont malades. » Quelle est cette maladie de l'âme que le Sauveur est venu guérir ? Quelle est -elle, sinon le péché? C'est Notre -Seigneur lui-même qui le dit; car il ajoute : « En effet, je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. » Prenons au hasard un chapitre de l'un des Évangiles, le chapitre 11 de saint Matthieu, et nous ne pourrons nous empêcher de remarquer combien les diverses maladies qui y sont énumérées sont une image frappante de cette maladie de l'âme, le péché. Saint Matthieu raconte donc comment, à peine descendu de la montagne, le Seigneur guérit un lépreux, un paralytique, le fils du centurion, la belle -mère de saint Pierre qui était tourmentée par la fièvre, divers démoniaques; puis il calme une tempête.

En ajoutant les diverses guérisons d'aveugles que relatent les chapitres suivants, quelle peinture et quelle galerie, pour ainsi dire, des ravages que les passions exercent sur notre âme ! Le péché est une lèpre honteuse. Il est une paralysie qui enchaîne notre énergie pour le bien ; il est une fièvre qui nous dévore et nous affaiblit; il est un aveuglement déplorable.  Le Seigneur Jésus, quand il entre dans une âme, rétablit la pureté; au stérile enivrement des passions succède la paix d'une bonne conscience . Les écailles que le péché mettait sur les yeux du pécheur tombent sous le souffle de la grâce. Le démon ( l`ange déchu) est chassé. Et celui-là qui est le maître des vents et de la mer s'établissant en roi dans notre âme, il s'y fait un grand calme .

Deux ou trois réflexions encore. Si nous estimons la santé du corps, n'oublions pas que la santé de l'âme est mille fois plus précieuse encore. Ne murmurons jamais quand il plaît à Dieu de nous envoyer l'épreuve de la maladie . C'est une des suites du péché originel. Mais, bien supportée, la maladie peut nous acquérir des mérites infinis. N'oublions pas que beaucoup de maladies du corps ont leur source immédiate dans les maladies de l’âme. La haine , l'envie , l'avarice, la gourmandise, l'ivrognerie, l'ambition, l'impureté, qui ne sait que ce sont là des sources habituelles de souffrances et de douleurs non- seulement pour l’âme , mais pour le corps ?  Un chrétien fidèle est à l'abri de bien des maladies par cela seul qu'il est chrétien !


CHAPITRE XIII .

Miracles de Notre- Seigneur Jésus- Christ. ( Suite) ,

b - Conservation de la vie .

C'est un mystère quotidien et permanent que la conservation de la vie humaine. Au milieu des dangers de toute sorte qui la menacent, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, elle n'échappe à la destruction que par suite des lois éternellement admirables que Dieu a imposées à la nature . Nos sens nous rendent une infinité de services ; les corps étrangers nécessaires au fonctionnement de nos organes, l'air, l'eau , les aliments, nous sont fournis en temps opportun et en quantité suffisante ; et ce serait une impardonnable ingratitude que de ne pas élever sans cesse vers le Créateur et conservateur de notre vie un coeur reconnaissant. Cependant ces bienfaits qui ne manquent à aucun de nous et qui nous entourent comme d'une atmosphère, finissent par nous devenir si familiers, que nous en jouissons sans presque nous en apercevoir. Assiduitate vilescunt, a dit Saint Augustin. « Accoutumés que nous y sommes, nous ne les estimons plus à leur véritable prix. » C'est un des motifs pour lesquels le maître de la nature a voulu modifier lui-même quelquefois, d'une manière qui nous frappât davantage, les lois qu'il avait établies pour la conservation de la vie humaine.

Vous n'avez pas oublié tant de miracles rapportés dans l'Ancien Testament, entre autres ceux qui signalèrent le voyage des Hébreux dans le désert : la nuée qui les dirigeait, la manne qui les nourrit, l’eau miraculeuse qui jaillit du rocher pour les abreuver, etc. , etc. Plusieurs miracles de ce genre se rencontrent dans la vie de Notre- Seigneur Jésus-Christ. J'en prends trois exemples : La multiplication des pains ; La pêche miraculeuse ; La tempête apaisée.

Le divin Maître s'était retiré avec ses disciples dans un lieu solitaire ... Tout d'un coup il s'aperçut qu'il était suivi par une grande multitude ; sans doute les nombreux miracles qu'il avait récemment opérés, sans doute aussi la sublimité de sa doctrine étaient cause de cette persistance de la foule à suivre Notre-Seigneur. Il dit donc à Philippe, l'un de ses disciples : «Où achèterons-nous du pain pour nourrir tout ce peuple ? ...» Un autre de ses disciples lui ayant signalé un enfant qui avait cinq pains d'orge et deux poissons , Jésus fit asseoir sur l'herbe la foule, qui était composée d'environ cinq mille personnes. Puis il rendit grâces et distribua pain et poisson à la foule. Chacun en eut en abondance ; et Notre - Seigneur ayant recommandé à ses disciples de ramasser les restes, on en remplit douze corbeilles.

Les remarques ici se pressent en foule.

1. Cette multitude; oublieuse des besoins de la vie matérielle, suit le divin Maître aussi loin qu'il lui plaît de l'entraîner . Tâchons, nous aussi, de préférer la nourriture de l'âme à celle du corps . Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité, et s'il a dit : «Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, il ajoute : Et le reste vous sera donné par surcroît.»

2. Cette multiplication des pains , disent les saints Pères, est l'image de la bonne Providence, qui chaque année nourrit le genre humain par la croissance régulière du blé et des autres fruits de la terre . Elle est l'image de la diffusion de la vérité. D'abord restreinte au seul peuple d'Israël, la prédication du Sauveur, de ses apôtres et, depuis lors, de tous leurs successeurs, la multipliée à l'infini. Sommes-nous saintement avides de cette vérité, que, préférablement à tant d'autres, nous avons le bonheur d'avoir sous la main ?

3. Surtout il est un pain dont la multiplication par toute la terre est le prodige des prodiges, un pain qui nourrit la foi et la charité, un pain qui donne au missionnaire la force du martyre, à la religieuse, au prêtre , le courage et la persévérance dans leur sainte et pénible vocation , à tous les chrétiens, si obscurs soient- ils , la résignation dans les épreuves, l'énergie dans les luttes de chaque jour et la pratique de tous les devoirs, l'amour, en un mot, de Dieu et du prochain. Ce pain , c'est le pain eucharistique. Travaillons- nous à être dignes de recevoir souvent ?

4. Ce qui précède et ce qui suit la multiplication des pains nous doit être un précieux enseignement. Jésus rend grâces à Dieu avant de distribuer ce pain miraculeux. Ne recevons aucun bienfait sans en remercier Dieu, l'auteur de tout bien. Puis, le peuple rassasié , on recueille les restes, qui remplissent douze corbeilles. Ne méprisons rien de ce qui vient de Dieu. Avec ce sermon  que nous négligeons, cette bonne lecture que nous faisons en pensant à autre chose, avec cette messe, cette confession, cette communion, que d'âmes seraient converties ! Et nous demeurons froids et inertes ! Un autre jour, pressé par la foule, Jésus se réfugia, pour ainsi dire , sur une barque qui appartenait à Simon Pierre . De là il continuait, ses leçons à la multitude assemblée sur le rivage . « Puis il dit à Pierre : Gagne la pleine mer, et jetez vos filets pour prendre du poisson . « Pierre lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Cependant sur votre parole je jetterai le filet. « Et l'ayant fait, ils prirent une si grande quantité de poissons que leurs filets étaient près de se rompre, et que les barques remplies manquaient d'être submergées. « Ce que voyant, Simon Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : Seigneur, éloignez -vous de moi , car je suis un pécheur. « Et Jésus lui dit : Ne crains rien ; désormais tu prendras des hommes. « Et ayant tiré leurs barques sur le rivage, Simon, Jacques et Jean quittèrent tout pour suivre le Sauveur. » Que remarquerons- nous ici ? D'abord la parole de Pierre : « Seigneur, nous avons travaillé toute la nuit, et nous n'avons rien pris.»

Oui , quand Dieu n'est pas là pour nous aider, nous travaillons en vain , soit qu'il s'agisse de convertir les autres ou de nous améliorer nous mêmes. Mais dès que nous disons avec saint Pierre : «Sur votre parole Seigneur, je vais essayer de nouveau,» rien ne nous est impossible . Grande leçon et pour l'orgueilleux qui veut élever seul l'édifice de sa propre vertu, et pour ces gens qui essaient de moraliser les peuples, non seulement sans l'aide de la religion mais , avec la haine, ouverte ou cachée , de la vérité. La morale indépendante, on en parle beaucoup : c'est une des plus dangereuses chimères que l'esprit du mal nous puisse proposer. Admirons la confiance de Pierre qui, malgré les efforts infructueux de toute une nuit, n'hésite pas à recommencer sur la parole du maître ; admirons la sainte terreur qui s'empare de lui et l'humilité qui le fait s'écrier :« Seigneur, éloignez vous de moi ; car je suis un pécheur.» Mais cette humilité n'est pas pusillanimité . Dès que le Seigneur lui déclare le caractère figuratif de cette pèche : «Désormais tu deviendras pêcheur d'hommes», Pierre et ses compagnons, Jacques et Jean, qui étaient déjà disciples de Jésus, mais qui avaient continué d'exercer leur état de bateliers, y renoncent tout à fait. Ils tirent leurs barques sur le rivage, et ayant tout quitté , ils suivent Jésus. Nous ne sommes pas, la plupart d'entre nous, mes bons amis, appelés à tout quitter pour suivre Jésus et vaquer uniquement à la pêche des âmes. Cependant le Seigneur a dit : « Celui qui ne me suit pas et ne porte pas sa croix, n'est pas digne d'être mon disciple . » Soyons donc les disciples de Jésus, en acceptant les épreuves qu'il nous envoie . Soyons ses apôtres aussi, en travaillant, dans la mesure de nos forces quand ce ne serait que par le bon exemple - à lui gagner des âmes. Surtout puisons dans la lecture de ce miracle  une des leçons les plus importantes : la persévérance .

Le miracle de la tempête apaisée va surtout nous enseigner la confiance. Jésus étant monté dans une barque avec ses disciples, voici qu'il s'éleva tout à coup une furieuse tempête. « Cependant le Maître dormait. Ses disciples effrayés l'éveillent, en disant : Sauvez - nous, Seigneur, nous périssons . « Et Jésus leur dit : Pourquoi craignez- vous, hommes de peu de foi ? Et se levant, il commanda aux vents et à la mer. Et il se fit un grand calme . « Et chacun de s'étonner, en disant : Quel est donc celui- ci, que les vents et la mer lui obéissent? »

« Seigneur, sauvez- nous ; voici que nous périssons, » ce doit être le cri du chrétien . Il faut le pousser, ce cri, non point dans la terreur du désespoir , mais avec la filiale confiance d'enfants qui savent que Dieu ne les abandonne jamais ; que, si laborieuse que puisse être notre navigation ici- bas, nous sommes assurés, pour peu que nous demeurions fidèles, de trouver là- haut un port délicieux . Il est une autre barque vers laquelle notre pensée se reporte d'elle - même, en lisant ce récit : la barque de Pierre, cette barque que tant d'orages ont assaillie, sans jamais la pouvoir submerger, depuis bientôt dix-neuf siècles (cette barque représente la sainte Église). La divine Providence nous a placés dans ce navire insubmersible, tandis qu'à côté de lui tant d'autres bâtiments sont le jouet des vents et la proie des flots. Un grand général dit un jour au batelier qui le conduisait : « Ne crains rien ; tu portes César et sa fortune.» L'orgueil humain a dit cette parole. Il y a longtemps que la fortune de César a péri. Jamais ne périra la barque de l'invisible pilote auquel les vents et la mer obéissent. Quelles que soient les tempêtes qui nous agitent, réfugions-nous donc dans ces pensées de foi et d'espérance, et qu'au fond de notre coeur du moins habite toujours un grand calme.


Dernière édition par MichelT le Dim 14 Jan 2024 - 13:02, édité 2 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Jeu 21 Sep 2023 - 13:34

CHAPITRE XIV .

Miracles de Notre -Seigneur Jésus- Christ ( Suite) .

c- Résurrections.

Parmi les miracles que raconte le saint Évangile, les plus frappants à coup sûr, ceux qui durent exercer sur l'esprit des peuples la plus profonde influence, ce sont les résurrections. Quand il s'agit de la résurrection d'un mort, lorsque cette résurrection a eu pour témoins une foule considérable, la mauvaise foi seule peut résister et refuser de dire : Le doigt de Dieu est là ! Notre-Seigneur a donné trois fois cette preuve irréfragable de la divinité de sa mission. Il serait plus juste de dire quatre fois, puisque le miracle par excellence, celui qui est la base et comme la pierre angulaire de notre foi, c'est la résurrection du Sauveur lui-même. Nous parlerons de celle - ci en son temps. Arrêtons-nous aujourd'hui à la résurrection de la fille de Jaïre (Marc 5,21), à la résurrection du fils de la veuve de Naïm (Luc 7,11), à la résurrection de Lazare (Jean 11,1).

Un jour, dit saint Marc, l'un des chefs de la Synagogue, appelé Jaïre, vint trouver Jésus. Se prosternant à ses pieds, il le conjurait instamment de venir vers sa fille qui était à toute extrémité, de lui imposer les mains et ainsi de la guérir. Cependant, et tandis que Jésus guérissait une autre malade, on annonce à Jaïre que sa fille est morte. « Ne crains rien, lui dit Jésus. Aie seulement la foi. » Et se dirigeant vers la maison, il interrompit la foule de ceux qui pleuraient en leur disant : « Cette jeune fille n'est pas morte ; mais elle dort. » Et la foule se moquait de lui. Mais lui entra dans la chambre où était la morte, accompagné seulement du père et de la mère et de ses trois disciples de prédilection , Pierre, Jacques, et Jean . Il prit la jeune fille par la main, et lui ordonna de se lever, ce qu'elle fit aussitôt. Il arriva, dit à son tour saint Luc, que, comme Jésus approchait des portes de la ville de Naïm, on portait en terre le fils unique d'une femme veuve ; presque toute la ville accompagnait le cortège. Le Seigneur, l'ayant vu, fut saisi de pitié pour elle et lui dit : « Ne pleure pas. » S'approchant du brancard, dont les porteurs s'arrêtèrent, il s'adressa au mort : « Jeune homme, je te le dis, lève - toi , » Le jeune homme se mit sur son séant, et parla. Et Jésus le rendit à sa mère.

Une grande terreur s'empara de tous les assistants. Et ils glorifiaient Dieu , en disant : « Un grand prophète s'est élevé parmi nous et Dieu a visité son peuple. » Saint Jean raconte ainsi la résurrection de Lazare. Lazare, le frère de Marthe et de Marie, était malade à Béthanie . Ses soeurs envoyèrent prévenir Jésus, qui s'écria : « Cette maladie n'est pas mortelle; mais elle servira la gloire de Dieu et du Fils de Dieu. » Et bien qu'il chérit Lazare et ses soeurs, le Seigneur ne quitta pas le lieu où il était .

Quelques jours après, il dit à ses disciples : « Notre ami Lazare dort ; mais je vais le réveiller . » Et voyant qu'il n'était pas compris, il dit ouvertement : « Lazare est mort. Mais je me réjouis, à cause de vous, de ne pas avoir été là au moment de sa mort. » Donc Jésus arriva à Béthanie ; il y avait quatre jours déjà que Lazare était dans le tombeau . Cependant, sachant Jésus arrivé, Marthe et Marie vinrent successivement le trouver. Leur cri à toutes deux fut le même : « Seigneur, si vous aviez été ici , notre frère ne serait pas mort. » Jésus, en voyant pleurer Marie et ceux qui l'accompagnaient, frémit et se troubla. Amené au tombeau de son ami, il pleura, et les Juifs de s'écrier : «Voyez comme il l'aimait ! » Puis, frémissant de nouveau, il fit enlever la pierre qui fermait l'entrée du sépulcre, et , après avoir invoqué son Père, il cria d'une voix' forte : « Lazare, sors du tombeau. » Lazare sortit, les pieds et les mains entourés de bandelettes, et la face couverte d'un suaire. On le délia, et il marcha. Beaucoup d'entre les Juifs qui étaient venus auprès de Marthe et de Marie, voyant ce prodige, crurent en Jésus. D'autres, au contraire, allèrent le dénoncer aux Pharisiens.

Dans ces récits nous remarquerons d'abord une sorte de consécration donnée par le Sauveur à ces sentiments si doux et si forts sur lesquels repose la famille, et par suite la société. C'est aux sollicitations répétées de Jaïre, c'est aux tendres reproches des soeurs de Lazare, c'est aux larmes de la veuve de Naïm que semble céder le maître de la mort, lorsqu'il ordonne à la mort de rendre sa proie . Ne craignons donc pas de demander avec instance la conservation de ceux qui nous sont chers; ne craignons pas, lorsqu'ils nous ont été enlevés, de les pleurer amèrement. Une seule chose nous est défendue : c'est le murmure, c'est la révolte contre les volontés divines ; c'est cette lâcheté qui, tout entière à une douleur assurément bien légitime, s'y plonge, pour ainsi dire, avec un excès coupable, oubliant les devoirs qui nous lient encore à la terre, nos devoirs envers ceux qui survivent.

A peine Jésus a -t-il aperçu cette pauvre veuve , qu'il se sent ému de pitié pour elle , dit l'Évangile, et qu'il arrête le cortège... C'est un hommage rendu par le Sauveur à la plus pure et la plus désintéressée des affections humaines , l'amour maternel. La veuve de Naïm ne supplie pas le Sauveur, comme Jaïre; elle ne lui dit pas, comme  Marthe et Marie : « Seigneur, si vous eussiez été ici, il ne fût pas mort... » Elle pleure seulement; et à l'appel puissant de ses larmes, le Seigneur répond par ce grand miracle de la résurrection d'un mort... Et il le rendit à sa mère. Ainsi, dans un autre ordre d'idées, quand une mère chrétienne sait que son fils est devenu infidèle à la grâce, que cette chère âme, hélas ! est morte, elle prie sans doute la divine miséricorde ; mais elle pleure surtout, et presque toujours Dieu l'exauce, en ramenant au bien le fils égaré, St-Augustin peut-être. St-Augustin lui-même écrit ces paroles immortelles : « Dieu ne permet pas qu'il périsse , le fils de tant de larmes ! » Quelquefois c'est en mourant seulement qu'une mère obtient ce miracle ; et le poète a raison de dire : Heureux l'homme à qui Dieu donne une sainte mère ! Qui peut douter sur son tombeau ? Mais où nous admirerons surtout la tendresse du Sauveur, c'est dans la résurrection de Lazare : nous le voyons pleurer et gémir à trois reprises sur celui qu'il appelle son ami. Nous ne pouvons pas, comme le Sauveur, ressusciter ceux que nous pleurons : mais puisque ces défunts nous sont si chers, prions pour eux... La prière pour les morts est le perpétuel usage de l'Élise universelle.Notre amitié ne doit pas se borner à la terre, elle doit suivre jusque dans le Purgatoire ceux que nous avons perdus, pour les soulager et les aider à obtenir, le plus tôt possible, « un lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix. » Une autre réflexion se présente après la lecture du récit évangélique : c'est que ces résurrection matérielles sont l'image de la résurrection spirituelle . L'âme qui est en proie au péché mortel est littéralement morte ; elle est séparée de Dieu, qui est, dit le catéchisme, la vie de l'âme, comme l'âme est la vie du corps.

Or il semble qu'il y ait dans la vie spirituelle trois degrés, figurés par la fille de Jaïre , le fils de la veuve de Naïm et Lazare. La première meurt pendant que le Sauveur se rend chez elle pour la guérir. Le second, mort depuis un jour sans doute, est sur la route du cimetière, quand Notre-Seigneur le ressuscite. Le troisième, enfin , depuis quatre jours déjà est renfermé dans le tombeau . Il est, même pour les siens, presque un objet d'horreur, tant la mort est prompte à nous décomposer. Jam foetet.

La première figure ce pécheur qui est tout récemment tombé dans une faute grave ; le second, celui qui commence à prendre l'habitude du péché; le troisième enfin , ce malheureux endurci qui est comme enseveli dans ses habitudes criminelles, qui répand autour de lui l'infection du scandale.

La résurrection spirituelle des deux premiers est assez facile. Ils répondent volontiers au premier appel de la grâce qu'ils aiment encore , dont ils n'ont oublié ni la force ni les douceurs . « Jeune homme, jeune fille, levez-vous, » dit le Seigneur. Et ils se lèvent et ils marchent. Bien autre est la position du pécheur endurci. Il a comme des écailles sur les yeux; il ne veut voir ni la miséricorde ni la justice de Dieu, ni ses propres misères. Il se complaît dans les ténèbres et l'infection de son péché. De funestes habitudes sont comme autant de liens qui paralysent ses efforts, pour peu qu'il veuille marcher du côté de Dieu .

Aussi, avant d'arriver jusqu'à Lazare, le Sauveur est obligé de faire ouvrir le tombeau, d'où s'exhale une odeur répugnante même aux plus proches parents ; avant de parler au mort, il en confère, pour ainsi dire , avec son Père , lui demande ce miracle nécessaire pour avoir raison de l'incrédulité des Juifs; il s'écrie d'une forte voix : « Lazare, sors dehors. » Celui- ci apparaît tout enveloppé de bandelettes, la tête couverte d'un suaire, plus semblable à un mort qu'à un vivant; et il faut que Jésus le fasse délier.

Que Dieu nous accorde la grâce à tous, mes chers amis, de n'être jamais dans cette dernière catégorie de morts spirituels ! Un mot, pour finir, sur les résultats de ces trois résurrections. « Et ils demeurèrent en proie à une grande frayeur, » dit saint Marc de ceux qui assistaient à la résurrection de la fille de Jaïre. « Tous furent effrayés et ils glorifiaient Dieu , » dit saint-Luc après avoir raconté la résurrection du fils de la veuve . Quant à saint Jean, il dit : « Plusieurs des Juifs, ayant vu ce miracle , crurent en Jésus. Mais d'autres allèrent trouver les Pharisiens, pour leur dénoncer ce même Jésus. »

Donc trois sentiments provoqués par cette grande manifestation de la puissance de Dieu. L'étonnement et la stupeur, chez les indifférents, les curieux . La reconnaissance , la foi en la mission du Sauveur chez les véritables Israélites, chez ceux qui écoutent et regardent avec un coeur simple et un oeil pur les enseignements et les actes du Messie. Enfin , chez les méchants, les envieux, les lâches, une recrudescence de haine pour la vérité , une occasion de la méconnaître, de la trahir, d'aller la dénoncer à ses irréconciliables ennemis. Nous ne sommes pas, Dieu merci, du nombre de ces pervers. Ne serions-nous pas, hélas ! semblables aux premiers, à ceux qui se contentent d'accorder à la religion une admiration stérile ? Faisons plus . Imitons les seconds. De cette petite étude des miracles ressort cette conclusion pratique que Jésus -Christ est Dieu, que sa doctrine est divine ; que nous devons par conséquent soumettre notre esprit au joug de la foi, notre volonté et notre conduite aux règles de la morale évangélique.


CHAPITRE XV.

Miracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ. ( Suite . )

d - Conversions.

Si frappants que soient les miracles dont nous nous occupions en dernier lieu, la conversion d'une âme est quelque chose de bien plus extraordinaire on peut presque dire de plus difficile que la résurrection d'un mort, eût- il déjà , comme Lazare, séjourné quatre jours dans le tombeau. Dieu est le maître absolu de la vie et de la mort ; il n'a qu'à parler, il crée des êtres ; il n'a qu'à parler, il les rappelle à l'existence .

Il en va autrement s'il s'agit de cette résurrection spirituelle que nous appelons conversion. L'homme est un être libre ; Dieu respecte la liberté de sa créature, au point qu'un Père a pu dire : Dieu, qui nous a créés sans nous, ne saurait nous sauver sans nous. Il faut donc, dans la résurrection spirituelle, une certaine coopération de l'âme humaine.

C'est ici qu'éclate plus que jamais l'incomparable bonté de Dieu . Quelque souillée que soit une âme , souvent Dieu la prévient de grâces si nombreuses, si pressantes, lui ménage tant et de si diverses occasions de rentrer en elle-même, de reconnaître la malice du péché, que cette âme devient un prodige de vertu et de pureté .... Entre ce que cette âme était hier et ce qu'elle est aujourd'hui, il existe un abîme tel que la toute puissante bonté de Dieu seule pouvait le combler. Dans son passage sur la terre, comment le divin Maître n'aurait- il pas exercé souvent à l'égard des âmes cette merveilleuse miséricorde ? Et comment, dans l'énumération de ses plus touchants miracles, oublierions-nous ceux qui portent sur la partie la plus noble de nous-mêmes, sur nos âmes, les miracles de conversion ?

L'Évangile en est plein ; et l'on peut dire que la plupart des miracles matériels avaient pour but et eurent pour fruit ce miracle spirituel de la conversion des âmes. Très- souvent l'Évangile, après le récit d'une oeuvre prodigieuse du Sauveur, ajoute : « Plusieurs crurent en lui . » D'autres fois, c'était la parole seule du Sauveur qui produisait ce résultat . En l'entendant comme en le voyant agir, les âmes droites reconnaissaient qu'il était Dieu, et le suivaient. Quelques -uns, comme ses disciples , quittaient tout pour s'attacher à Celui qui est le bien par excellence . D'autres, et c'est à cela seulement qu'est appelée la majorité du genre humain, quittaient leurs habitudes criminelles, faisaient pénitence, entraient en un mot dans la vie chrétienne, ce qui est la véritable conversion.

Reportons -nous par la pensée à cinquante années après l’Ascension du Sauveur. Ce ne sont plus seulement quelques Juifs et quelques Samaritains qui se convertissent. Fidèles à la parole du Maître Prêchez l’Évangile à toute créature, les apôtres et leurs disciples se sont répandus dans le monde entier. Et le monde entier est en train de se convertir . Encore deux ou trois siècles , et cette conversion sera chose accomplie . On l'a dit bien souvent, mais on ne saurait trop le répéter : C'est là le miracle des miracles. Le monde entier était en proie au paganisme, religion commode, puisque les passions y vivaient à l'aise , à l'exemple des dieux. Douze hommes obscurs, bateliers pour la plupart, tous dépourvus de richesses, de science et de pouvoir, et plus tard les successeurs de ces hommes, arrivent à renverser le paganisme et à élever à sa place l'édifice du christianisme. Et le christianisme est une religion sévère qui proscrit tout mal et prescrit tout bien ...

Le doigt de Dieu est là , c'est la seule explication d'une si étrange transformation .. Mais il nous faut revenir à l'Évangile et y choisir deux ou trois exemples de ces miracles de conversion, qui ont fait de siècle en siècle l'étude, l'admiration des grands et des petits.

Il n'y a rien peut- être de plus touchant et de plus instructif dans tout l'Évangile que le chapitre 4 de saint Jean, racontant la conversion de la Samaritaine . Jésus passait par la Samarie. Fatigué du chemin, il était assis, vers le milieu du jour, près du puits de Jacob . Une femme de Sichem , ville voisine, vint pour puiser de l'eau . « Donne-moi à boire , » lui dit le Sauveur. Celle - ci d'objecter la répugnance qu'avaient les Juifs à entrer en relations avec les Samaritains. « Si tu connaissais le don de Dieu, lui dit Jésus, et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui demanderais à boire à ton tour, et il te donnerait de l'eau vive ... »

La Samaritaine renouvelle ses objections, auxquelles le Sauveur fait une réponse qui commence à éveiller dans l'âme de cette femme quelque désir de la vérité . Puis, sur une invitation du Sauveur d'aller chercher son mari, elle reconnaît humblement et sans hésiter l'état de désordre dans lequel elle a vécu depuis longtemps; elle demande à s'instruire sur les points de doctrine qui divisaient les Juifs et les Samaritains, et Jésus lui annonce la vérité plus parfaite de la loi nouvelle . La Samaritaine confesse sa foi au Messie, et Jésus, qui souvent ne parlait qu'en termes couverts de sa divinité , là déclare formellement à cette pécheresse. La conversion de celle - ci est complète. Elle laisse son urne près du puits. Elle court à Sichem . « Venez, dit- elle à ses concitoyens, venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. N'est- il pas vraiment le Christ ? »

Elle ne craint pas de donner la découverte de sa vie coupable comme un argument en faveur de la divinité de Jésus . Plusieurs Samaritains crurent à cause de cette parole : « Voici qu'il m'a dit tout ce que j'avais fait. » Ne craignons pas de révéler nos misères et la miséricorde de Dieu qui les a guéries, quand nous pouvons ainsi sauver des âmes. Comme les Samaritains, conjurons le divin Maître de rester auprès de nous par sa grâce, par sa parole, par ses sacrements, par notre fidélité. Remarquons encore cette déclaration des Samaritains : « Et ils disaient à la femme : Désormais ce n'est pas à cause de ta parole que nous croyons; car nous-mêmes nous l'avons entendu, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde. » Oui, nous n'avons pas besoin de miracles. Oui, il suffit d'entendre la parole de Jésus, de l'entendre interprétée par l’Église , de voir ses effets admirables sur les âmes, pour n'avoir aucun doute, pour adorer le divin Maître et lui obéir.

Une autre conversion merveilleuse est celle de cette pécheresse publique qui, ayant appris que Jésus dînait chez Simon le Pharisien , s'approcha , portant un vase d'albâtre rempli de parfum (St-Marie Magdeleine). Et, se plaçant derrière lui à ses pieds,elle commença à les arroser de ses larmes; et elle les essuyait avec ses cheveux , les baisait , et répandait son parfum . Le Pharisien murmurant, Jésus lui proposa une parabole, et, établissant une comparaison entre la réception que Simon lui avait faite, - réception où avaient à peine été observés les usages de l'hospitalité antique, et l'excès , pour ainsi dire, des manifestations de la pécheresse, il conclut en disant : « Beaucoup de péchés lui seront remis , parce qu'elle a beaucoup aimé . » Puis, s'adressant directement à la femme: « Tes péchés te sont remis . » Enfin , et pour la troisième fois répondant à l'étonnement, peut-être aux murmures intérieurs des assistants : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix . » Gardons-nous de la sécheresse, de l'orgueil, de la présomption du Pharisien ; ne comptons jamais avec Dieu . Admirons l'humilité, le détachement, l'amour ardent de la pécheresse. Eussions-nous péché comme elle , tournons-nous vers Dieu, aimons-le d'un coeur généreux. Dieu ne refuse rien à l'amour.

Zachée et le bon larron seront nos derniers exemples. Jésus passait ; Zachée, très-petit de taille, ne pouvait le voir. Il monta sur un sycomore. Il ne craint ni les fatigues ni les moqueries que pouvait lui attirer son empressement. Ce zèle tout de suite sa récompense... « Zachée, lui dit le maître, descends en toute hâte : aujourd'hui je veux demeurer chez toi . » Et, comme une grâce bien reçue en entraîne une autre, Zachée s'adresse à son hôte divin : « Seigneur, dit- il, voici que je donne aux pauvres la moitié de mes biens. Et, si j'ai fait tort à qui que ce soit, je lui rends le quadruple. » Nul ne peut servir deux maîtres , avait dit Notre- Seigneur. Zachée comprend le devoir de la restitution. Il va plus loin ; il pratique le conseil de se dépouiller et d'assister puissamment ses frères. Que ce nous soit une leçon, pour ne jamais garder de bien mal acquis, et pour faire toujours la part des pauvres sur le bien qui nous appartient légitimement.

Enfin le bon larron. C'est la dernière et peut être la plus étrange des conversions opérées par le Sauveur avant sa mort. Il était sur la croix ; il allait rendre le dernier soupir, crucifié entre deux voleurs, deux malfaiteurs. L'un d'eux blasphémait Jésus. L'autre reconnaissait qu'ils étaient, eux, aussi criminels que le Sauveur était innocent. Un mouvement honnête n'est jamais perdu. Le bon larron, après avoir repris son camarade et s'adressant à Jésus : « Seigneur, dit-il, souvenez - vous de moi, lorsque vous serez dans votre royaume. » Et Jésus lui dit : « En vérité , je te le dis : tu seras aujourd'hui avec moi dans le Paradis. » Il ne faut jamais désespérer du salut de personne, jamais se lasser de prier pour ceux qui nous sont chers. Combien, comme le bon larron , ne voient luire qu'à leur dernière heure cette clarté qui leur vaudra la vie éternelle !


CHAPITRE XVI.

Entretiens et paraboles.

Vertus fondamentales.

Déjà, en rapportant le sermon sur la montagne , nous avons étudié avec vous, chers amis, les principes de la morale catholique. Nous l'avons vu, s'épanouissant dans les bonnes oeuvres, et animant les moindres actions de la vie la plus humble, nous conduire au bonheur et à la vertu.

Si complet que soit cet admirable sermon sur la montagne, Notre- Seigneur n'a pas pu , pendant les trois années de sa vie publique, n'y point revenir quelquefois, pour en développer certaines parties, pour accentuer davantage les conséquences qu'il convient d'en tirer. Il ne parlait pas toujours devant le même auditoire . D'ailleurs la vérité s'oublie si facilement que ceux qui l'enseignent ne doivent pas craindre de la redire. Faisons comme notre Maître. Après avoir raconté ses oeuvres merveilleuses, consacrons quelques chapitres à résumer les plus importants de ses enseignements.

Aujourd'hui, butinant de droite et de gauche dans les quatre Évangiles, nous étudierons ce que nous appellerons les vertus fondamentales. Trop souvent négligées, parce qu'elles paraissent un peu vagues, parce qu'il semble qu'elles ne se traduisent pas d'ordinaire en actes précis, parce qu'on croit y pouvoir manquer sans tomber dans des fautes graves, ces vertus sont pourtant comme la base de l'édifice chrétien. Semblables aux fondations d'un vaste bâtiment, elles demeurent cachées à tous les regards. Mais c'est sur elles que repose le monument tout entier . Si elles manquent ou si l'on n'a pris soin de les établir solidement, le temple ou le palais s'écroule au moindre choc. Ainsi point de vertus qui durent, point de véritable religion chez celui qui n'a pas placé à la racine de ses actions ces six vertus fondamentales : l'humilité, la simplicité, la mortification , la vigilance, le bon usage des grâces reçues, le respect.

L'humilité est enseignée dans la parabole du Pharisien et du Publicain . Tous deux entrent dans le temple pour prier. Le Pharisien, sous prétexte de rendre grâces à Dieu, ne fait que se complaire dans l'admiration de ses prétendus mérites. Le Publicain se frappe la poitrine : « Seigneur, dit- il, ayez pitié de moi qui suis un pécheur. » Et le Maître déclare que celui-ci, grâce à l'humble aveu de ses fautes, s'en retourna justifié, à la différence de l'autre, que son orgueil rendait insupportable à Dieu. La compagne ordinaire de l'humilité, c'est la simplicité, cette qualité charmante d'une âme transparente, qui ne cherchent à rien dissimuler ni à rien feindre, qualité ordinaire des petits enfants qui ne comprennent même pas l'odieuse hypocrisie des coeurs doubles. « Je vous le dis en vérité, s'écriait le Maître, accueillant tendrement ces petits que ses disciples repoussaient, c'est à eux, et à ceux qui leur ressemblent, qu'appartient le royaume des cieux. »

La mortification. Ce n'est pas ici non plus une de ces vertus de conseil que l'on peut pratiquer ou négliger ; c'est une vertu de principe . « Celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas, a dit le Sauveur, ne saurait être mon disciple . » Or, pour nous, prendre notre croix, c'est accepter sans murmurer les épreuves, quelles qu'elles soient , dont est semée notre vie . Il en est de ce joug du Sauveur comme de tous les fardeaux. Insupportable à celui qui se révolte d'avance à la pensée de le porter, qui se décourage, qui se désespère, qui blasphème peut-être, il devient non -seulement tolérable, mais doux à celui qui l'accepte et le porte pour l'amour de Dieu.

Tous ceux qui sont entrés vaillamment dans la vie chrétienne sont là pour l'attester. La parole du Sauveur aussi est bien capable de nous encourager : « Venez à moi, vous tous qui souffrez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai ; » et tout de suite il ajoute : « Prenez sur vous mon joug, et apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur ; et vous trouverez la paix de votre âme, car mon joug est doux et mon fardeau est léger.» Tant il est vrai que Dieu, qui ne se laisse jamais vaincre en générosité, attache à son service d'infinies et incroyables douceurs .

La vigilance. La vie de l'homme sur la terre est une guerre perpétuelle (contre le péché), disait, il y a plus de trois mille ans, le saint homme Job. Donc, si l'ennemi est à nos portes, il faut veiller pour qu'il ne nous surprenne pas. « Veillez et priez, » dit à plusieurs reprises le Seigneur. Il importe de prévoir les occasions de péril, pour les éviter, si cela est possible ; de nous armer pour en sortir vainqueurs, si nous ne pouvons nous empêcher de les traverser, et d'être toujours prêts à la plus grande de toutes les épreuves, à celle qui nous doit jeter aux pieds du souverain Juge. «Si le père de famille savait à quelle heure les voleurs vont venir attaquer sa maison, il serait prêt à les recevoir, » a dit encore le Sauveur. Nous ne savons quand la mort viendra. Qu'elle nous trouve toujours préparés. Relisez à ce sujet la parabole des vierges sages et des vierges folles. Malheur à nous si elle nous trouve endormis, comme ces dernières, dans la jouissance ou la préoccupation des choses terrestres ; qu'au contraire , à l'exemple des vierges sages, notre lampe soit toujours allumée : que la lumière de la foi nous éclaire sans cesse, surtout à l'heure du terrible passage!

Le bon usage des grâces reçues. Vous êtes né, mon cher lecteur, dans un pays chrétien . Vous  avez reçu toute sorte de grâces qui manquent à bien d'autres ; ils sont bien coupables ceux qui les négligent, qui vivent trop souvent aussi étrangers à Dieu et à tous devoirs de la religion. Or il y a dans l'Évangile, à ce sujet, une parabole terrible . C'est la parabole des talents. Un homme, partant pour un lointain voyage, réunit ses serviteurs et leur confie tous ses biens : à l'un cinq talents (le talent était une somme considérable), à l'autre deux, à l'autre un seulement. De retour, il veut que chacun lui rende ses comptes. A ceux qui ont fait valoir leurs talents, le maître donne une récompense magnifique. Mais l'un de ses serviteurs se contente de lui rapporter le talent qui lui a été confié. « Méchant et paresseux serviteur, lui dit le maître, pourquoi n'as-tu pas , comme tes camarades, fait valoir le talent que je t'avais confié ? » Et s'adressant aux ministres de ses vengeances : « Jetez dit- il, ce serviteur inutile dans les ténèbres extérieures; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents . » Jésus dit : ce serviteur inutile, il ne dit pas : ce serviteur criminel. En vain direz-vous donc, au dernier jour, à votre Juge irrité : « Seigneur, quel mal ai-je fait ? » Il vous répondra :   « Tu as fait le mal de ne pas faire le bien , de ne pas profiter des trésors de foi que je t'avais départis, de ne pas faire valoir le talent qui t'était confié, de vivre, en plein christianisme, comme un païen , d'oublier que les bienfaits de Dieu obligent. »

Enfin le respect. Que de choses respectables, mes bons amis, que nous ne respectons pas assez !   Respectons-nous nos églises, où réside le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Et s'il reparaissait parmi nous, n'aurait- il pas à s'indigner contre bien des chrétiens, comme il fit jadis contre ceux qui achetaient et vendaient dans le temple ? Respectons - nous les autorités et les divers pouvoirs constitués ? Sommes-nous soumis aux lois ? Ne nous faisons-nous pas un jeu de frauder le fisc, à propos de douanes, d'octrois, de droits de succession ? - Toutes fraudes réprouvées par celui qui a dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Respectons- nous la sainteté du mariage, que Notre- Seigneur a rétabli dans son intégrité ? - Respectons-nous les yeux et les oreilles de l'enfance, nous souvenant de cette parole du Maître : « Malheur à celui qui scandalise le moindre de ces petits ! » - Respectons-nous nos parents ? - Respectons-nous nos prêtres? Surtout respectons-nous Dieu? Interrogeons-nous là - dessus ... et réformons nous, s'il y a lieu .  


CHAPITRE XVII .

Entretiens et paraboles. (Suite ).

Le royaume des cieux .


Parmi ces comparaisons familières, ces images que le Sauveur aimait, la plupart commençaient ainsi : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé.... à un grain de sénevé .… à un trésor caché.…

Il est donc important de savoir ce qu'il faut entendre par ces mots : le royaume des cieux . Ils signifient le plus souvent la récompense éternelle promise à ceux qui auront vécu saintement sur la terre . Ainsi plusieurs des béatitudes se terminent par ces mots : Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux . Ainsi encore, parlant des efforts énergiques et persévérants qu'il faut faire pour arriver au bonheur de l'autre vie, Notre-Seigneur dit : « Le royaume des cieux souffre violence. » On comprend que, parmi les leçons qu'il a voulu rendre plus persuasives, en les appuyant de comparaisons, Notre -Seigneur ait beaucoup insisté sur cette question de la vie à venir. Le royaume des cieux, dit- il, est semblable à un trésor caché dans un champ. Celui qui l'a trouvé n'en parle pas ; mais, rempli de joie, il va, vend tout ce qu'il a et achète ce champ. Une autre fois c'est un marchand de bonnes perles. S'il en a trouvé une précieuse, il vend tout ce qu'il possède et l'achète . Le royaume des cieux, c'est là notre grande affaire : si nous y arrivons, tout est gagné ; si nous le manquons, tout est perdu ; nous ne devons passer ici-bas que quelques années, l'éternité pour nous est de l'autre côté du tombeau. « Que sert à l'homme de gagner l'univers entier, s'il vient à perdre son âme ? » C'est cette parole qui a fait des saints .

Quelquefois le royaume des cieux s'entend de la grâce qui habite en nous. Regnum Dei intra vos est, « le royaume de Dieu est en dedans de vous. » Ces mots signifient encore l'Église, cette pépinière dans laquelle s'élèvent ici -bas ceux qui là haut peupleront le royaume du ciel. C'est le sens de la parabole du grain de sénevé, cette petite graine qui finit par devenir un grand arbre, sur les branches duquel se reposent les oiseaux du ciel. Image frappante de l'Église qui a commencé par quelques disciples et qui a fini par étendre sur le monde entier son salutaire ombrage; image encore de toutes les oeuvres bénies de Dieu , qui débutent toujours petitement, mais reçoivent des développements proportionnés à l'humilité , plus encore qu'aux efforts, de ceux à qui elles ont été confiées ; image enfin de l'accroissement de la grâce en nous et du progrès lent mais incessant de notre propre sanctification.- Que le grand enseignement ici soit la défiance de nous-même, la confiance en Dieu qui seul féconde nos travaux , la pratique constante de la prière et la fuite du découragement.

Revenant au sens premier du royaume des cieux, si nous nous demandons ce qu'il faut faire pour y arriver, nous répondrons, avec la parabole de l'ivraie , qu'il nous faut traverser, sans nous laisser gagner à ses corruptions, cette vie où le mal coudoie partout le bien, où partout la zizanie est mêlée au bon grain . Rien de définitif sur la terre. Rien qui doive nous troubler ni nous scandaliser . L'honnête homme qui souffre de l'injustice aura l'éternité tout entière pour se consoler ; et le triomphe passager des méchants ne sera que trop expié par une punition qui n'aura pas de fin .

Vous entendrez, hélas ! bien des hommes, quelques- uns savants ou soi-disant tels , plaisanter sur la vie à venir. « Le paradis, l'enfer, contes de bonnes femmes, diront-ils ; quand on est mort, on est bien mort ; ou si , par hasard , quelque chose de nous survit, ce quelque chose est destiné à une félicité qui sera la même pour tous. » Laissez dire ces gens qui se croient des esprits forts. Leurs plaisanteries ne sauraient arrêter la puissance de Dieu. Vous sentez parfaitement que bien des choses ici-bas sont contraires aux plus élémentaires notions de la justice, par conséquent à la justice suprême; que ces choses ont besoin d'être rectifiées là -haut par une équitable et définitive répartition des châtiments et des récompenses.

A qui seront accordées les récompenses ? Les paraboles du royaume des cieux nous le disent encore. La parabole du semeur nous montre la semence, image de la parole de Dieu , tombant successivement sur divers terrains, qui figurent les âmes mal préparées, légères, ou qui se laissent envahir par les préoccupations du monde et des choses matérielles ; puis enfin sur une bonne terre, où la semence , croissant et se développant, rend du fruit au centuple . Le royaume des cieux est pour ces âmes qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique. La religion n'est pas une affaire de sensibilité ni de stérile admiration . On peut, comme Rousseau , dire, écrire , même : « La majesté des Écritures m'étonne ; la sainteté de l'Évangile parle à mon coeur, » et pourtant vivre et mourir en ennemi de ces Écritures et de cet Évangile .

Écouter la doctrine du Sauveur et l'observer, c'est le seul chemin du ciel. Le royaume des cieux est encore pour ceux qui sont toujours prêts, prêts par conséquent au moment toujours imprévu, au moment où la mort vient frapper à leur porte. Le royaume des cieux ne s'ouvrirait jamais, même pour le chrétien fidèle, même pour le chrétien héroïque, se dépouillant de tout, prêt au martyre, s'il ne savait être indulgent à ses frères, pardonner même à ses ennemis. C'est ce que nous apprend la parabole de ce roi qui veut faire rendre compte à ses serviteurs . Il s'en rencontre un qui lui doit une somme énorme et qui ne peut la payer. Au lieu de le faire vendre, lui, sa femme et ses enfants, le bon roi lui remet toute sa dette . Celui-ci, à son tour, va trouver un un de ses camarades qui lui devait une somme infiniment moindre. Sans se laisser toucher à ses larmes, sans se souvenir de la miséricorde dont il venait lui-même d'être l'objet, il exerce contre le malheureux débiteur toute la rigueur des lois. Ce qu'ayant appris, le roi fit saisir cet homme méchant et le livra aux bourreaux. « C'est ainsi, ajoute le Sauveur en terminant, que mon Père céleste vous traitera tous, si vous ne pardonnez à votre frère du fond de vos coeurs. »

Déjà, dans le sermon sur la montagne, Notre Seigneur avait dit : « Heureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. » Dans le Pater (Notre-Père) ou Oraison dominicale que nous récitons tous les jours, ne disons-nous pas à Dieu : « Pardonnez -nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ? »  Bannissons de notre coeur tout sentiment de rancune contre le prochain .

Il ne suffit pas d'être de fait dans l'Église, de paraître dans ses solennités, même d'en parler le langage . Il faut surtout avoir l'esprit du christianisme, esprit de piété, de modération , de détachement, de charité, de pureté. Il faut répandre autour de soi comme une bonne odeur de vertu . Il faut ne donner en son âme asile à aucun de ces mauvais sentiments : orgueil, envie, rancune, sensualité, qui nous rendent souvent aussi abominables aux yeux de Dieu que les fautes les plus éclatantes. Lisez à ce sujet la parabole des noces. Vous y verrez à la fois et la grande miséricorde et la terrible justice de Dieu. Un roi qui veut marier son fils envoie ses serviteurs chercher les invités. Ceux- ci s'excusent et maltraitent les serviteurs. Le roi, à la place des premiers invités, en fait venir d'autres. Craignons d'être de ceux qui négligent les grâces de Dieu, et que Dieu rejette , pour en appeler de plus dignes à leur place . Mais parmi ceux -ci, craignons d'être semblables à cet homme qui osa bien entrer dans la salle du festin sans la robe nuptiale , cette robe d'innocence, de bonne volonté du moins, que le Maître demande de nous.

Il avait gardé un vêtement souillé de toutes les boues du monde, de toutes les impuretés des passions, de tout ce qui n'entrera jamais dans le royaume des cieux . Alors le roi dit à ses serviteurs : « Liez -lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Il est bon, il est salutaire de penser souvent à ces terribles châtiments que Dieu tient en réserve pour les méchants. La crainte est le commencement de la sagesse. Et il n'y a pas de milieu : ou nous serons un jour dans le royaume des cieux, pour y jouir d'un bonheur éternel; ou nous habiterons pour jamais , et à jamais misérables, les sombres demeures infernales. Cela ne vaut- il pas la peine d'y réfléchir sérieusement et de travailler en conséquence ?


CHAPITRE XVIII.

Entretiens et paraboles (Suite)

Les malédictions du Sauveur .


Ne vous récriez pas sur ce titre , chers lecteurs, et ne dites pas : « Comment ! ce bon Jésus, ce doux Sauveur, il a pu maudire quelqu'un ! » N'imitez pas ces imposteurs qui voudraient désarmer Dieu, qui lui permettent de nous récompenser et lui défendent de nous punir, qui, toutes les fois que l'autorité ecclésiastique nous rappelle les sévérités de l'Évangile et les menaces proférées par une bouche qui ne peut mentir, prétendent régenter nos prêtres, nos évêques, même le Souverain Pontife, et les rappeler à une intelligence plus vraie d'une religion d'amour. Depuis quand la justice consiste- t -elle à récompenser seulement? Et pourquoi Dieu serait-il moins juste que les hommes, que les rois de la terre, qui ne sauraient prononcer une plus belle parole que celle - ci : « Il est temps que les méchants tremblent et que les bons se rassurent. » Or cette parole, Notre-Seigneur l'a prononcée, non pas une seule fois, mais bien des fois ; et il est intéressant de rapprocher les unes des autres ces diverses malédictions du Sauveur. De même qu'en lisant les béatitudes, nous apprenons ce qu'il faut faire pour obtenir le royaume des cieux ; de même en parcourant ces malédictions de Celui qui était si bon et qui aimait tant à pardonner, nous saurons quelles sont les choses que nous devons éviter avec le plus de soin, qui doivent nous inspirer une sorte d'horreur.

Quels sont ceux contre lesquels sont le plus souvent prononcées ces imprécations du Sauveur ? Ce sont les Scribes et les Pharisiens. Ce sont les riches et tous ceux qui ont leur joie et leur consolation ici-bas. C'est le monde et ce sont ses scandales . C'est celui par qui le fils de l'homme sera livré. Ce sont enfin Corozaïn, Bethsaïda, Capharnaüm , villes que Jésus avait remplies de ses miracles et qui pourtant refusaient de faire pénitence.

Reprenons. 1. Les Scribes étaient des docteurs de la loi ; les Pharisiens formaient une sorte de secte chez les Juifs ; Scribes et Pharisiens étaient très- austères  en apparence et très-attachés aux pratiques extérieures du culte . Pourquoi Notre -Seigneur, qui leur reconnaît d'ailleurs une certaine autorité , qui dit qu'ils sont assis sur la chaire de Moïse, a - t -il si souvent prononcé contre eux ces terribles anathèmes : « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens ? » Pourquoi? Parce qu'ils étaient orgueilleux, hypocrites, pleins d'ostentation, durs au prochain , dévorés d'envie et de haine. L'orgueil, nous l'avons déjà vu exposé dans la parabole – peut-être l'histoire véritable – du Pharisien et du Publicain. « Malheur à vous, Pharisiens, dit encore Notre Seigneur, parce que vous recherchez les premières places dans les synagogues et que vous aimez à être salués sur les places publiques! » Et dans le sermon sur la montagne, quand il enseignait à ses disciples à faire l'aumône, à prier et à faire pénitence, c'est encore des Pharisiens qu'il disait : « Ne faites pas comme ces hypocrites qui sonnent de la trompette devant eux, qui aiment à étaler aux yeux des hommes leurs charités, leurs oraisons, leurs jeûnes. En vérité, je vous le dis , ils ont reçu leur récompense. » C'est qu'en effet ils ignoraient cette vertu fondamentale dont nous avons déjà montré la nécessité, l'humilité. « Celui qui s'élève sera abaissé. » Les Pharisiens étaient aussi hypocrites. Hypocrite veut dire comédien . Celui- là est comédien, celui -là joue un rôle qui se donne les apparences d'une vertu dont effectivement son coeur est vide. Peut- on être saint, quand on a le cœur en proie à l'orgueil, à l'envie , à la haine ? .. quand on est avide du bien d'autrui, qu'on dévore les héritages des veuves et des orphelins, que l'on se fait de la piété comme un masque pour tromper les âmes simples?

Notre- Seigneur leur reproche encore d'être durs au pauvre monde. « Vous surchargez, leur dit-il, les autres de fardeaux intolérables, auxquels vous ne touchez pas même du bout du doigt. » Puis surtout les Pharisiens s'attachaient à l'extérieur de la loi et en oubliaient l'esprit.... « Malheur à vous, Pharisiens ; vous donnez la dîme de ceci et de cela, mais vous négligez la justice et la charité . »  Donc, dit ailleurs Notre- Seigneur, «si votre justice n'est plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. » N'allons pas en conclure que les observances, les pratiques, les cérémonies sont inutiles. Non ; l'homme est composé d'une âme et d'un corps ; il est juste que celui-ci prenne sa part des hommages dus à Dieu. D'ailleurs cette part a été réglée par l'autorité de l'Église. Enfin Notre -Seigneur lui-même, après avoir reproché aux Pharisiens de négliger l'essence de la religion pour ses manifestations extérieures, ajoute : « Il ne fallait pas négliger celle - ci ; mais il fallait pratiquer celle -là . »

2. Après la malédiction contre les Pharisiens, l'une des plus fréquentes est celle qui s'adresse aux riches et à tous ceux qui ont en ce monde les joies et les aises de la vie.

« Malheur à vous, riches, parce que vous recevrez votre consolation en ce monde ! »  «Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce qu'un jour vous souffrirez les tortures de la faim ! » «Malheur à vous qui riez maintenant, parce qu'un jour vous vous affligerez et vous pleurerez! » Comprenons bien le sens de ces paroles, en les rapprochant de cette exclamation du Sauveur rapportée par saint Matthieu : « Oh! qu'il est difficile à un riche d'entrer dans le royaume du ciel ! » Elles veulent dire que les joies et les abondances de la fortune sont autant d'obstacles au grand et définitif bonheur de l'homme, au salut. Mais ces obstacles ne sont point insurmontables. Jésus lui même l'a dit : « Sans doute le salut d'un riche est, pour ainsi dire, impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu . »

Trois conditions sont nécessaires pour que les richesses, loin d'être un obstacle à notre salut, nous y aident au contraire . Il faut premièrement qu'elles aient une source pure . Jamais les ravisseurs n'entreront dans le royaume des cieux ; il est d'une effrayante vérité le proverbe : « Bien mal acquis ne profite jamais.» Il faut ensuite que nous fassions de nos richesses un emploi légitime ; que, tout en songeant à nous, à notre famille, aux exigences de notre état, nous n'oublions jamais nos frères les pauvres. Jamais le riche impitoyable n'entrera dans le royaume des cieux. Il faut enfin que nous ne nous attachions pas trop à ces biens périssables; que nous soyons prêts à les quitter, dès que telle sera la volonté de Dieu ; que nous n'en profitions pas pour nous livrer à une vie oisive et voluptueuse. Et c'est ici que la parabole de Lazare et du mauvais riche nous sert de lumière. Ce mauvais riche, dont saint Luc nous raconte l'histoire, n'est nulle part représentée ni comme détenteur de richesses injustement acquises, ni comme ayant commis aucun de ces crimes qui exposent aux rigueurs de la justice humaine. Non , l'Évangile se contente de dire qu'il était vêtu magnifiquement, qu'il passait sa vie dans de continuels festins, et qu'il ne se préoccupait pas le moins du monde des souffrances de Lazare, ce pauvre mendiant dévoré de faim à sa porte. Cependant tous deux moururent. Lazare , qui avait souffert avec patience, fut transporté dans le ciel . Le riche fut enseveli dans l'enfer . Là, au milieu des flammes, pas une goutte d'eau pour apaiser sa soif ; et à toutes ses plaintes, Abraham qu'il implore n'a qu'une réponse : « Souviens toi, mon fils, que tu as été comblé de biens pendant ta vie ; Lazare, au contraire, était accablé de maux ; mais maintenant c'est lui qui est consolé, et toi qui es tourmenté. » C'est-à -dire : Souviens-toi que tu n'as pas travaillé à sanctifier tes richesses, en en faisant un bon emploi . Tu n'as été ni charitable ni mortifié (il ne faisait pas pénitence pour ses péchés).

3. A la malédiction des riches se rattache celle que le Seigneur lance, à plusieurs reprises, contre le monde. Ce mot se prend dans divers sens . Le monde, c'est l'ensemble des oeuvres sorties des mains du créateur. C'est le théâtre où se passe la vie de la plupart d'entre nous, opposé au sacerdoce ou à l'état religieux vocation plus haute et qui est celle du petit nombre seulement. Mais il y a aussi le monde pris dans le sens du siècle, de l'opposition aux maximes de l'Évangile, dans le sens de cet esprit mauvais qui n'aime que jouir et paraître, de cette guerre, tantôt ouverte et tantôt sourde , que le prince de ce monde, le  démon (l`ange déchu), aidé des impies et des indifférents, fait aux disciples de Jésus- Christ. C'est ce monde que Notre -Seigneur a maudit, en disant : « Malheur au monde, à cause de ses scandales. » Et le Seigneur ajoute : « Il est nécessaire qu'il y ait des scandales. Mais malheur à celui par qui les scandales arrivent! » Qu'est- ce que le scandale ? Le scandale, c'est le contraire de l'édification ; c'est le mauvais exemple. Malheur au monde, à cause de ses scandales : c'est -à - dire à cause des nombreuses occasions de péché qu'il renferme ; parce que, non content de faire le mal, il cherche à y entraîner ceux qui voudraient faire le bien ; parce que, le vice qui est odieux et repoussant en lui-même, le monde travaille à le rendre séduisant ; parce qu'il est rempli de pièges où tous ceux-là tomberont qui ne se réfugieront pas dans la vigilance, la prière, la mortification , la confiance en Dieu, la fuite des mauvaises compagnies, des mauvaises lectures, etc. , etc. Sans doute le péché est toujours un grand mal. Mais de tous les péchés le plus grand est le scandale. Nous pouvons nous repentir de nos fautes personnelles. Comment être sûr que ceux- là se repentiront que nous avons fait tomber dans le mal ?

4. Nous avons noté une malédiction adressée aux villes infidèles : « Alors le Sauveur se mit à adresser des reproches à ces villes dans lesquelles avaient été opérés de nombreux miracles, et qui pourtant n'avaient pas fait pénitence : Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi, Bethsaïda, parce que , s'ils eussent été accomplis à Tyr et à Sidon les prodiges qui ont été opérés chez vous, il y a long temps que Tyr et Sidon eussent fait pénitence dans le sac et dans la cendre, etc., etc.» En quoi avaient péché ces villes infidèles ? Elles avaient méprisé la grâce de Dieu ; elles l'avaient reçue en vain .Comme il n'y a rien de plus précieux que la grâce, il n'y a rien de plus coupable que de la mépriser. Que de grâces n'avons-nous pas reçues ! Éducation chrétienne, amis pieux, instructions, lectures, bonnes inspirations, excellents exemples, tout cela aurait dû faire de nous des saints . Et que sommes- nous ?

5. Si l'on veut avoir un exemple terrible de ce que peut amener ce mépris des grâces , il faut redire une dernière malédiction : « Malheur à celui par qui le fils de l'homme sera livré ! » Quel était ce traître déicide ? Judas, l'un des douze apôtres, l'un de ceux que le Seigneur avait prévenus des grâces les plus extraordinaires. Et pourtant, par le mépris de ces grâces, il est allé jusqu'à trahir son maître, son ami, son Dieu ! Toutes les fois qu'à un moindre degré nous commettons un péché grave de propos délibéré, nous trahissons aussi le meilleur des maîtres, des pères et des amis.



CHAPITRE XIX.

Entretiens et paraboles. ( Suite. )

Les miséricordes de Jésus.


Un père de l'Église a dit cette merveilleuse parole : Deus de nostro justus, de suo bonus. « C'est nous qui, par nos péchés, forçons Dieu à être juste . De lui-même, il ne serait que bon.»  Oui, Dieu , que nous appelons avec raison le bon Dieu , est miséricordieux, toujours prêt à pardonner, jamais las de nous attendre, de nous fournir les moyens de retour. Si donc nous avons du parcourir quelques- unes des malédictions lancées par le Sauveur contre les pécheurs impénitents, contre les rebelles orgueilleux, contre ceux qui aiment le mal, qui veulent y demeurer attachés, contre ceux qui refusent absolument de se sauver , reposons-nous, pour ainsi dire, en voyant Jésus dans l'exercice de cette miséricorde qui est son principal attribut. Sans doute il est utile que la pensée des rigueurs divines nous éloigne du mal; mais il serait déplorable qu'elle nous jetât dans le désespoir, ou seulement dans le découragement.

Quatre paraboles bien touchantes nous montreront ce divin Maître sous la figure de notre charitable médecin, de notre bon pasteur, du maître le plus indulgent, du père le plus tendre.

1. Vous connaissez la parabole du bon Samaritain. Un homme tombe entre les mains des voleurs, qui le laissent presque mort. Deux voyageurs, qui représentent l'insuffisance de l'ancienne loi, la radicale impuissance des moyens humains, passent successivement auprès du blessé, sans se préoccuper de lui . Mais le Samaritain , touché de compassion , panse les blessures du pauvre voyageur, le met sur son cheval et le porte à l'auberge, où il paie d'avance tous les soins que l'hôtelier devra avoir de lui . Telle est l'image de la charité que nous devons exercer envers notre prochain. Telle est surtout cette miséricorde dont Dieu ne cesse de nous donner l'exemple. C'est ainsi, c'est avec cette tendresse , c'est avec cette bonté, c'est avec ces soins délicats qu'il a rappelé à la santé le genre humain se mourant au milieu des corruptions du paganisme. C'est ainsi qu'il traite chacune de nos âmes en particulier. Pour peu que nous ayons la bonne volonté, jamais nous ne serons assez malades pour que le grand médecin ne nous puisse guérir.

II . Jésus, qui est notre médecin, est aussi notre pasteur, celui qui nous conduit aux riches et sains pâturages, celui qui nous défend courageusement contre le loup de l'hérésie, celui qui réunit toutes ses brebis dans la même bergerie. Il est surtout le bon berger, en ce sens que, si, sur cent brebis de son troupeau, une seulement vient à s'égarer , il laisse pour cette brebis volage toutes les brebis fidèles, il court après la fugitive ; et, dès qu'il la retrouvée, bien loin de l'accabler de reproches, il la met amoureusement sur ses épaules et la rapporte tout joyeux au bercail. Jamais, pauvres brebis égarées, nous ne serons si loin que le bon Pasteur ne sache nous aller chercher; mais une fois revenus au bercail, demeurons y à tout jamais fidèles.

III . Jésus est par excellence notre maître, le père de famille ; nous sommes ses serviteurs, ses ouvriers. Vous souvenez - vous de la parabole du maître de la vigne ? Celui- ci sort dès l'aube, puis un peu plus tard, puis au milieu du jour, puis dans l'après- midi, puis presque au soir, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Aux derniers comme aux premiers, il promet et donne le même salaire . Et à ceux qui s'étonnent qu'il traite les ouvriers de la dernière heure aussi favorablement que ceux qui, depuis le matin, ont travaillé et fatigué, il répond en alléguant sa volonté , la bonne volonté aussi sans doute des ouvriers de la dernière heure, qui n'eussent pas mieux demandé que d'être loués dès le matin, l'ardeur dont ils ont fait preuve, etc. Si nous avons été longtemps éloignés de Dieu, que ces ouvriers de la dernière heure soient nos patrons. « Il n'est jamais trop tard pour revenir à Dieu. » En ces jours d'indifférence et d'impiété, lorsque tant de choses éloignent des vérités religieuses, c'est souvent peu de temps avant la mort, c'est au dernier instant même quelquefois, que l'âme du pécheur est touchée. Mais la bonté de Dieu est inépuisable. Elle accueille notre dernier soupir quand il est sincère, et nous donne place dans son royaume.

IV. Terminons par la parabole de l'Enfant prodigue, l'une des plus émouvantes que contienne l’Évangile. Elle est trop étendue pour que nous la reproduisions ici . Lisez- la tout entière au chapitre XV de saint Luc. Comme c'est bien là l' histoire de tous les les pécheurs ! Comme on y voit l’âme secouer peu à peu  le joug de Dieu, quitter la maison paternelle pour s'enfuir bien loin dans les champs arides de l'incrédulité, descendre peu à peu de l'aveuglement de l'esprit à la corruption des moeurs, puis – pas toujours, hélas ! se relever, honteuse de son abaissement, être récompensée tout de suite de ce premier bon mouvement par un accroissement de courage, qui la ramène bien vite aux pieds et dans les bras du divin maître ! Avec quelle tendresse, avec quelle joie , avec quel bonheur le prodigue est reçu. Quel encouragement pour l'homme même égaré, qui ne doit jamais désespérer de pouvoir rentrer dans la bonne voie, s'il invoque l'assistance du plus tendre des pères, et s'efforce de se jeter dans les bras miséricordieux qui lui sont ouverts !


MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Mer 27 Sep 2023 - 14:23

CHAPITRE XX.

Les approches de la Passion.    


Nous voici presque arrivés à la fin de la vie mortelle du Sauveur. Jésus n'était venu en ce monde qu'afin de souffrir et mourir pour nous, et de nous racheter par le prix infini de son sang. Mais il était bien important qu'il montrât au monde qu'il souffrait et mourait volontairement. Il l'a montré, en prédisant lui -même sa passion à plusieurs reprises. Il l'a montré, en la faisant précéder de plusieurs triomphes, comme pour nous faire voir que c'était par un choix libre qu'il préférait l'humiliation et la mort. Il l'a montré, en opérant, la veille même de sa mort, le plus merveilleux, le plus incroyable, le plus permanent, le plus fécond de ses miracles.

1 ° Comme Jésus et ses disciples de prédilection descendaient de la montagne de la Transfiguration après le miracle que nous raconterons tout à l'heure : « Ne dites rien à personne de cette vision dit le Sauveur, jusqu'à ce que le fils de l'homme ressuscite d'entre les morts. » Et, comme ils se rendaient en Galilée , Jésus leur dit : « Le fils de l'homme doit être livré entre les mains des méchants ; et ils le mettront à mort, et le troisième jour il ressuscitera. » Saint Luc est encore plus précis : « Voici que nous montons vers Jérusalem, » dit le Sauveur presqu'à la veille de sa passion, « et tout ce qui a été écrit par les prophètes touchant le fils de l'homme sera accompli. Car il sera livré aux gentils (païens), moqué, battu de fouets, couvert de crachats. Et, après l'avoir battu de fouets , ils le mettront à mort et, le troisième jour, il ressuscitera. »

Ce n'est pas seulement sa passion , dans le plus grand détail, que le Sauveur prédit , c'est la destruction du temple et la dispersion du peuple juif ; ce sont les persécutions dont ses disciples et ses apôtres seront victimes; ce sont ces guerres, ces pestes, ces famines qui accompagneront la ruine de Jérusalem ; tous ces fléaux seront si terribles que l'effrayante prophétie qu'en fait le Sauveur s'applique également à ce dernier bouleversement et à ces convulsions suprêmes qui signaleront la fin du monde et les approches du jugement dernier.

2° Avant de se soumettre, comme une brebis qu'on mène à la boucherie, aux plus cruels traitements, Notre - Seigneur veut montrer, une fois de plus, qu'il est le maître, qu'à lui appartiennent la gloire et le triomphe. Vous savez ce que c'est que la Transfiguration . Notre -Seigneur, prenant avec lui Pierre, Jacques et Jean, monte sur une montagne. Et là il apparaît, à leurs yeux éblouis, sous une forme lumineuse. Son visage brillait comme le soleil, ses vêtements étaient blancs comme la neige. Et il s'entretenait avec Moïse et Élie . L'homme, par une pente naturelle, aime le repos plus que la lutte et la récompense plus que le travail.

Pierre semblait vouloir se fixer à jamais dans les délices de la contemplation. Mais la voix du ciel qui rend témoignage à la divinité du Messie , nous donne en même temps à tous un salutaire avertissement. Ipsum audite , «Écoutez - le . » Or que dit Notre -Seigneur à ses apôtres : « Levez - vous et ne craignez pas. » Que cette voix d'en haut ne vous trouble pas, qu'elle vous inspire le courage de travailler et de souffrir . C'est peu de temps après que Jésus se laisse arroser la tête et les pieds avec ce parfum d'un grand prix que Marie, soeur de Lazare, avait acheté à cet effet, puis qu'il fait son entrée triomphale à Jérusalem . Oui, à Jérusalem, dans cette ville où règnent ses ennemis, qui dans quelques jours sera témoin de ses humiliations et de sa mort, Jésus entre en roi, en roi pacifique sans doute, puisqu'il est monté sur une ânesse, mais en roi chéri, vénéré, acclamé. Encore tout plein du souvenir de ses miracles, particulièrement de la récente résurrection de Lazare, le peuple jetait sous les pas du Sauveur ses habits ou des rameaux, et il s'écriait : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'Israël». Non content de prendre ainsi possession de la ville, il entre dans le temple ; il en chasse avec indignation tous ceux qui y achetaient et y vendaient, et il leur dit ces paroles brûlantes : « Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière, et vous en faites une caverne de voleurs ! »

Que d'enseignements ici, chers amis. D'abord la mobilité de la foule . Avant de l'accuser, pensons à nous-mêmes. Aujourd'hui, nous sommes pleins d'admiration pour Dieu , de reconnaissance pour ses bienfaits. Demain , si l'occasion se présente de l'offenser, n'oublions pas nos bons sentiments pour nous livrer lâchement au mal et crucifier encore une fois le Sauveur au fond de nos âmes ?

Et le temple ! Ne sommes-nous pas parfois bien coupables à ce sujet ? Et si nous ne nous y livrons pas à un commerce sacrilège, notre attitude, nos regards, nos pensées sont-ils toujours dignes de la majesté de Dieu qui habite parmi nous ?

3° L'Eucharistie. Vous le savez, chers amis, dans l'établissement de ce sacrement adorable, Jésus a épuisé pour ainsi dire sa toute -puissance. Il ne pouvait évidemment aller plus loin, ni nous faire un don plus précieux que de se donner lui - même à nous avec tant de générosité ! C'est à la veille de sa passion, c'est au moment de partir pour cette terrible agonie du jardin des Olives, que Notre- Seigneur établit la divine Eucharistie . Il l'avait prédite à plusieurs reprises. Souvent il avait dit à ses disciples, qui ne le comprenaient pas encore : « Je suis le pain de vie. Je suis le pain descendu du ciel. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui . »

Cependant le jour arrivait où le divin Maître devait non plus seulement prédire mais instituer ce Sacrement adorable . Aux approches de la Pâque, les ennemis de Jésus, les princes des prêtres et des scribes, cherchaient à le mettre à mort. Judas, l'un des douze - Satan étant entré en lui, dit l'évangéliste - promit qu'il le leur livrerait, moyennant trente pièces d'argent. Voyez jusqu'où mène l'avarice. Elle avait conduit Judas jusqu'au vol . L’Évangile le dit formellement: « C'est lui qui portait la bourse, et il était larron. (voleur)»

Elle le mène jusqu'au plus odieux de tous les crimes, jusqu'à trahir son Maître , qui est Dieu, et à le trahir pour trente misérables pièces d'argent. Oh ! que le Seigneur avait bien raison de dire : « Nul ne peut servir deux maîtres. Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l'argent. » Judas aimait l'argent ; il devint déicide . Ce jour où il fallait immoler la Pâque était venu , et Jésus se trouvant avec ses disciples leur exprima le vif désir qu'il avait de manger cette dernière Pâque avec eux . « Puis ayant pris du pain il rendit grâce , le rompit et leur donna, disant :  Ceci est mon corps qui est donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. - Il prit de même  la coupe , après qu'il eut soupé, disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui sera répandu pour vous . »

Puis il prédit la trahison dont il va être victime . Ni le pain divin dont il vient d'être nourri, ni ce reproche si discret que lui adresse son maître, ne touchent le coeur endurci de Judas. Arrêtons- nous ici . Méditons un instant sur la bonté de Dieu , sur cet admirable testament qu'il nous laisse, sur les facilités nombreuses qui nous sont données d'y avoir recours. Que de prêtres parmi nous ! en combien de lieux à la fois sont célébrés les divins mystères ! Il n'est pas une heure du jour ni de la nuit où ne soit quel que part immolée de nouveau la grande Victime pour le salut du monde ! Soyons reconnaissants de tant de bienfaits ! Et que la première marque de notre reconnaissance soit d'en profiter, en nous approchant, au moins aux grandes fêtes, de la divine Eucharistie, en y puisant un redoublement de piété , de charité, en relisant de temps à autre, dans saint Luc et dans saint Jean , ce merveilleux discours de Notre -Seigneur à ses disciples , au moment de la dernière Cène, discours trop étendu pour que nous puissions le transcrire ici . En même temps Judas est le type effrayant de la communion sacrilège, c'est- à -dire de la communion faite avec une conscience impure. « Celui qui reçoit en vain le corps et le sang du Seigneur, dit saint Paul, boit et mange son propre jugement et sa propre condamnation . » Quel malheur de faire tourner à notre réprobation éternelle cette merveilleuse invention de la charité du Sauveur.

 
CHAPITRE XXI.

Passion de Notre - Seigneur Jésus- Christ.

Passion vient d'un mot latin qui veut dire souffrir. On entend donc par la Passion de Notre -Seigneur Jésus-Christ l'ensemble des souffrances que le Sauveur endura dans son corps et dans son âme, depuis l'institution de la divine Eucharistie jusqu'à sa mort sur la croix . Racontons d'abord ce que Jésus souffrit dans son âme.

Quiconque a un peu vécu sait que les amertumes de l'âme ne le cèdent en rien aux pires douleurs du corps. C'était l'habitude de Jésus de se retirer, le soir , dans un lieu écarté . Souvent il y passait la nuit en prière, mettant ainsi en pratique cette leçon qu'il allait donner à ses disciples : « Veillez et priez, pour ne point succomber à la tentation . » La plus terrible des épreuves allait commencer pour le Sauveur. C'est dans la veille et la prière qu'il veut l'attendre . Il emmène donc ses apôtres à Gethsemani, qui était un jardin situé au pied du mont des Oliviers. Il les laisse à l'entrée, ne prenant avec lui que Pierre, Jacques et Jean . « Mon âme est triste jusqu'à la mort, » dit- il à ses disciples chéris. Et s'éloignant et tombant le visage contre terre, il fait à trois reprises cette prière, éternel modèle pour les âmes affligées, admirable mélange de confiance et de résignation : « Mon père, s'il est possible , que ce calice s'éloigne de moi... Cependant que votre volonté se fasse, et non la mienne . »

Après cette angoisse, à la vue de sa passion qui approche, après ce chagrin de trouver, chaque fois qu'il revient vers eux, ses apôtres endormis, Jésus se lève . Judas s'avance, à la tête d'une troupe armée d'épées et de bâtons , Judas qui avait donné aux ennemis de Jésus ce signal: « Celui que je baiserai, c'est lui. Arrêtez- le . » Et aussitôt, s'approchant de Jésus : « Maître, je vous salue, » dit-il, et il le baisa. Et Jésus, l'âme navrée de la scélératesse persistante de son disciple , n'a pas d'autre parole à lui adresser que ce tendre reproche: « Mon ami, pourquoi êtes -vous venu? Vous trahissez le Fils de l'homme par un baiser. » Les autres disciples, voyant leur maître arrêté, s'enfuirent lâchement.

Pierre seul le suit de loin , mais pour le renier trois fois. Pierre payait ainsi la peine de sa présomption. « Quand même tous les autres vous abandonneraient, avait- il dit la veille à son Maître, je vous demeurerais fidèle. » Et voici que, dans la cour du grand -prêtre Caïphe, Pierre, reconnu successivement par plusieurs serviteurs pour être de la suite de Jésus, proteste avec serment qu'il ne connaît pas cet homme.... Et à son troisième renoncement, le coq chante, selon la prédiction de Jésus. Et celui - ci regarde son disciple infidèle . Et le disciple repentant pleure amèrement. Que faisait Jésus chez Caïphe ? Tout le conseil assemblé cherchait un témoignage contre lui.  Des faux témoins se présentaient. Jésus ne se défendait point. Seulement, sur la demande du grand prêtre s'il était le Christ fils de Dieu , il répondit qu'il l'était en effet et qu'un jour il viendrait, sur les nuées du ciel, juger les vivants et les morts. Le grand- prêtre, feignant l'indignation, déchira ses vêtements, et tous s'écrièrent : « Il est digne de mort. »

Cependant les chefs des Juifs, qui étaient soumis aux Romains, ne pouvaient prononcer une condamnation capitale. Après avoir frappé Jésus, l'avoir souffleté, couvert de crachats, ils l'amenèrent à Ponce - Pilate , gouverneur de la Judée pour les Romains. Ici se place la fin de la terrible histoire de Judas. Voyant Jésus condamné par le conseil, poussé par le remords, il reporta aux princes des prêtres les trente pièces d'argent et se pendit..... Hélas ! au lieu du désespoir, pourquoi Judas ne se livra -t-il pas plutôt au repentir ? Si énorme que fût son crime, il en eût obtenu le pardon. - Qui que nous soyons , n'oublions pas que Pierre a renié son Maître, mais qu'ayant fait pénitence, il est devenu un grand saint. Judas, lui, ayant préféré le désespoir à la pénitence, est demeuré comme le type des réprouvés. Déjà condamné par l'hypocrisie de Caïphe, Jésus devait l'être, une seconde fois, par la lâcheté de Pilate . Pilate n'est pas un méchant homme. Il reconnaît parfaitement qu'il n'y a aucun motif pour envoyer Jésus à la mort. Il cherche donc d'abord à le sauver, image de ceux qui ne demanderaient pas mieux que de faire le bien, mais à deux conditions : d'abord de ne pas se prononcer nettement contre le mal, ensuite de ne pas perdre les bonnes grâces des puissants, même des méchants.

C'était une coutume chez les Juifs qu'à la fête de Pâques le gouverneur leur délivrât un prisonnier. Or il y en avait alors un fameux, malfaiteur public, nommé Barabbas. Pilate s'imagina donc, le peuple étant assemblé , de lui dire : « Lequel des deux voulez- vous que je vous délivre, Barabbas ou Jésus que l'on appelle Christ ? » Entraîné par les princes des prêtres, le peuple répondit : « Barabbas. — Que ferai -je donc de Jésus ? » dit Pilate . Et le peuple de s'écrier : « Qu'il soit crucifié ! » En vain Pilate leur dit : « Mais qu'a -t- il fait de mal? » Ils répètent plus fort : « Qu'il soit crucifié ! » Pilate résistant encore , les princes des prêtres insinuèrent -ce qui était faux - que Jésus soulevait le peuple contre César, et que, s'il hésitait à le condamner, Pilate montrerait qu'il n'était pas l'ami de César. Cela décida le gouverneur, qui tenait à sa place plus qu'à sa conscience. Il essaya pourtant de donner satisfaction à celle- ci , en se faisant apporter de l'eau ; et, se lavant les mains devant le peuple, il disait : « Je suis innocent du sang de ce juste , c'est votre affaire . » Et tout le peuple répondit: «Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Alors Pilate leur délivra Barabbas ; et, après avoir fait flageller Jésus, il le leur abandonna pour être crucifié . Quels enseignements ! A quoi sert à Pilate de s'être lavé les mains ? En déclarant que Jésus était juste, il a signé sa propre condamnation . Celui- la est lâche et prévaricateur qui ne fait pas tout pour sauver un innocent et qui préfère son crédit, même sa vie , à son devoir .

Et quant au peuple, à ce même peuple qui, il y a quelques jours seulement, étendait ses vêtements et jetait des rameaux sous les pas de Jésus, quant à ce peuple, témoin et objet de tant de bienfaits du Sauveur, comment déplorer assez la versatilité qui lui fait aujourd'hui préférer un voleur et un assassin à son bienfaiteur, et demander à grands cris la mort de Jésus ? Oui, le peuple est coupable, quand il obéit ainsi aveuglément aux suggestions de la haine et de l'envie . Mais combien plus coupables sont ceux qui abusent de sa faiblesse pour le pousser dans de mauvaises voies, par de mauvais exemples, par une funeste influence, par des abus d'autorité ou par des ouvrages impies et immoraux ?

A peine Pilate a - t - il abandonné Jésus pour être crucifié, que les soldats s'assemblent autour du Sauveur et lui font subir toute sorte de mauvais traitements. Ils le dépouillent de ses vêtements, lui enfoncent sur la tête une couronne d'épines, lui jettent un manteau de pourpre sur les épaules et, lui mettant dans la main un roseau en guise de sceptre , ils le saluent dérisoirement comme roi des Juifs, ils le frappent, ils le couvrent de crachats . Puis on se met en marche pour le Golgotha ou Calvaire, montagne dénudée, proche de Jérusalem , où les criminels subissaient le dernier supplice. Jésus succombait sous le poids de sa croix. On rencontre un homme de Cyrène, nommé Simon, et on le force à aider le Sauveur. On le force. Qu'il  n'en soit pas ainsi de nous. Souvenons -nous de la parole du Maître : « Si quelqu'un ne prend sa croix et ne me suit, il n'est pas digne d'être mon disciple . »

Acceptons donc avec courage toutes les peines, toutes les épreuves dont cette vie est semée. Et quand nous serons tentés de nous plaindre, pensons que ce sont pour nous autant d'occasions de mérite. On arrive au Calvaire ; et là Jésus est crucifié, c'est - à - dire qu'on le dépouille de ses vêtements, qu'on le couche sur la croix, et qu'avec d'énormes clous on l'y attache par les deux mains et les deux pieds..... Deux voleurs sont crucifiés, l'un à droite, l'autre à gauche de Jésus.


CHAPITRE XXII.

Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. ( Suite)

Sa résurrection, Son Ascension.

Toute l'histoire de Jésus crucifié est dans quelques exclamations par lesquelles il interrompt le silence de son agonie. On les appelle les sept paroles. Recueillons -les respectueusement.

1.- Des deux voleurs crucifiés aux côtés de Jésus, l'un se joignait aux stupides vociférations de la foule et blasphémait le Sauveur. L'autre, au contraire, repentant de ses crimes, plein de vénération pour l'innocence de Jésus, réprimandait son compagnon, et s'adressant au divin Maître : « Seigneur, lui disait-il, souvenez - vous de moi, lorsque vous serez arrivé en votre royaume. » Jésus lui répondit : « Je te le dis en vérité, aujour d'hui tu seras avec moi dans le paradis» . Exemple mémorable du prix infini du sang de notre divin Maître répandu pour l'humanité.

2. 3 . Après avoir ouvert le ciel au bon larron Jésus pense à la douleur de sa Mère, qui, tandis que les disciples s'étaient enfuis, restait au pied de la croix, avec Jean et quelques saintes femmes. Voyant près d'elle le disciple qu'il aimait : « Femme, lui dit- il, voilà votre Fils. » Après, il dit au disciple : « Voilà ta mère » ... Et depuis cette heure-là, dit l'Évangéliste qui est Jean lui- même, le disciple la prit avec lui . Chacun sait que Jean représentait ici tous les chrétiens fidèles, que dis -je ? l'humanité tout entière, dont Marie allait devenir la mère ; Marie, ce refuge des pécheurs, ce secours des chrétiens, cette toute - puissance suppliante dont les prières devaient arracher à l'enfer et donner au ciel des millions d'âmes. Comment remercier assez le Sauveur de ce legs de son amour ?

4. 5 . - Avant de se jeter tout entier dans les bras de son Père, Jésus regarde s'il ne lui reste pas quelque devoir à remplir. Oui. Une prophétie n'était pas encore accomplie : « Ils m'ont nourri de fiel, » disait David , « et, dans ma soif, il m'ont abreuvé de vinaigre. » Jésus s'écria donc: J'ai soif, afin qu'une parole de l'Écriture s'accomplit encore, dit expressément l'apôtre saint Jean. Or il y avait là un vase de fiel et de vinaigre ; les soldats en emplirent une éponge, et l'attachant à une tige d'hysope, ils la présentèrent à sa bouche . Et quand Jésus eut pris le vinaigre , il dit : Tout est consommé! Jésus a terminé tout ce qui a trait aux hommes ou à sa mission . Il n'est plus qu'en face de son Père.

6 . Tout près de mourir, sentant les désolations de la mort auxquelles nul n'échappe, il pousse un grand cri : Mon Dieu , mon Dieu, pour quoi m'avez-vous abandonné? Plainte respectueuse et soumise, exprimant la défaillance de la nature humaine privée de consolations dans cet excès de douleurs. 7. — Puis, peu de temps après, il jette un autre grand cri , comme pour montrer combien est puissante encore la vie en lui , et. qu'il la dépose volontairement. Mais , éternel modèle du chrétien mourant, c'est dans les bras de Dieu qu'il veut mourir. Père, dit- il, je remets mon âme entre vos mains. Et en prononçant ces paroles il expira. « Et voilà, dit saint Matthieu, que le voile du temple se déchira en deux, et la terre trembla, les pierres se fendirent, les tombeaux s'ouvrirent, et plusieurs morts ressuscitèrent... Or le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, voyant ces prodiges, furent dans un grand effroi , et , dirent : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu. » C'est en lisant ce merveilleux récit, c'est en re connaissant son inattaquable authenticité, qu'un homme trop célèbre s'écriait, comparant  à la mort de Jésus l'une des morts les plus vantées de l'antiquité profane : « Si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus son d'un Dieu . » Jésus étant mort, Joseph d’Arimathie et Nicodème, tous deux disciples de Jésus, mais jusqu'ici disciples secrets, s'occupèrent de l'ensevelir. Joseph alla trouver Pilate, pour qu'il lui permit d'enlever le corps de Jésus, ce que Pilate lui accorda, et l'enveloppant de linges et des aromates précieux qu'avait apportés Nicodème, ils le déposèrent dans un sépulcre neuf que Joseph avait fait construire pour lui - même. Sur les réclamations des princes des prêtres et des pharisiens,Pilate leur permit de fermer soigneusement le sépulcre, d'en sceller la pierre et d'y mettre des gardes.

Précaution qui ne devait servir qu'à rendre plus éclatante la puissance surhumaine de Celui que les méchants espéraient emprisonner dans la mort ! Le lendemain matin , les saintes femmes qui suivaient Jésus et qui l'avaient vu mettre au tombeau , arrivant pour l'embaumer, trouvèrent la pierre du sépulcre ôtée. En entrant, elles aperçurent un jeu ne homme couvert d'une robe blanche et elles furent effrayées. Ce jeune homme était un ange ; et il les rassura. « Vous cherchez Jésus de Nazareth , leur dit- il, ne craignez rien ; il est ressuscité. Allez prévenir Pierre et ses disciples. » Ce qu'elles firent. Jésus apparut d'abord à Marie- Madeleine, cette pécheresse devenue si fervente pénitente, puis plusieurs foi à ses apôtres, puis à deux disciples qui se rendaient au bourg d'Emmaüs. Remarquons que souvent le Sauveur apparaissait à ses disciples dans une chambre où ils étaient réunis et dont les portes étaient fermées : son corps glorieux n'était pas soumis aux lois qui régisent nos corps grossiers. Il s'annonçait d'ordinaire par cette belle parole: « Que la paix soit avec vous»!

Souvent il se faisait reconnaître à la fraction du pain , à l'adorable Eucharistie, ce divin testament de sa dernière cène. Ces diverses entrevues de Jésus et de ses disciples avaient toutes deux buts : le premier de rendre bien incontestable le fait divin de sa résurrection ; le second d'ajouter à ses précédents enseignements, d'y mettre le sceau, pour ainsi dire. Citons quelques exemples. Lors de la première apparition du Sauveur aux apôtres réunis, Thomas était absent. Il ne voulut point croire ce que les autres lui rapportèrent. « Si je ne vois dans ses mains, dit-il , la marque des clous, si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. » Jésus, plein de condescendance, reparut huit jours après ; et, s'adressant à Thomas : « Mets ici ton doigt et regarde mes mains ; approche ta main et mets - la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais fidèle.» Thomas lui répondit: «Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Tu as cru , Thomas, parce que tu as vu. Heureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru !»

Souvent nous sommes tentés d'envier le bonheur de ceux qui virent Jésus de leurs yeux et, comme Thomas, le touchèrent de leurs mains. Estimons nous plutôt heureux de le voir ici- bas de la foi. Mais que ces yeux sont perçants ! Et qu'il faudrait être volontairement aveugle pour ne pas voir la divinité de Jésus éclater dans l'institution de son Église, dans le sacrement de l'Eucharistie, dans la vie des saints , et jusque dans la mort de cette jeune enfant qui, à ses parents en larmes, répond, toute pleine de la force des derniers sacrement: « Ne pleurez pas ; je vais chez le bon Dieu . » Rappelons aussi la pêche miraculeuse faite sur  le conseil de Jésus que ses disciples reconnaissent à ce magnifique coup de filet. «C'est le Seigneur !» s'écrie Jean . C'est alors qu'après avoir rompu le pain , Jésus commence cet admirable interrogatoire de Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes- tu mieux que ceux ci ? -Oui, Seigneur, lui répondit-il, vous savez que je vous aime . » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux.» Il lui dit une seconde fois : « Simon, fils de Jean , m'aimes-tu ? » Pierre lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux . » Il lui dit pour la troisième fois : « Simon , fils de Jean , m`aimes - tu ? » Pierre fut contristé et il lui répondit « Seigneur, vous connaissez toutes choses ; vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » Déjà, à une de se précédentes apparitions, Jésus avait dit à ses apôtres : « Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; leur enseignant à garder toutes et chacune des choses que que vous ai confiées. Et voilà que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles.» Donc, en s'adressant à saint Pierre, seul cette fois, Notre-Seigneur nous montre en lui, non plus seulement le pasteur des agneaux, comme les autres apôtres mais le pasteur des brebis, le chef du collège apostolique. Ainsi les évêques héritiers des apôtres gouvernent leurs diocèses respectifs, et le pape , successeur de saint-Pierre,est l'évêque des évêques et gouverne le monde catholique tout entier .

C'est après avoir ainsi conversé avec ses disciples , leur apparaissant durant quarante jours, et leur parlant du royaume de Dieu, qu'il s'éleva à leur vue par sa toute -puissance au ciel. Et comme ils le contemplaient, une nuée le déroba à leurs yeux, et deux anges vêtus de blanc leur dirent : « Pourquoi demeurez - vous à regarder en haut ? ce Jésus, qui vient de monter au ciel, en redescendra un jour à la fin du monde pour juger les vivants et les morts.» L'ascension de Notre-Seigneur est le dernier acte de sa vie sur la terre et une des plus éclatantes preuves de sa divinité .


CHAPITRE XXIII.

La Pentecôte. -- L’Église.

La vie terrestre de Notre -Seigreur Jésus- Christ se termine à l'Ascension . Pour compléter l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, il nous reste à raconter quelques évènements consignés dans les Actes des apôtres, relation qu’écrivit un des évangélistes , saint Luc, des principaux évènements de l'Église naissante, depuis l'Ascension jusqu'à l'arrivée de saint Paul à Rome, où il devait avec saint Pierre souffrir le martyre pour le nom de Jésus-Christ. Nous tirerons ensuite une conclusion générale. A plusieurs reprises , avant sa mort et depuis sa résurrection, Jésus avait annoncé à ses disciples qu'il leur enverrait le Saint-Esprit, le consolateur, celui qui leur enseignerait toute vérité ... Et voici que, cinquante jours après Pâques, les disciples étaient tous ensemble en un même lieu. Soudain un bruit se fit entendre, venant du ciel, pareil à un vent violent ; il remplit toute la maison où ils étaient réunis ; ils virent comme des langues de feu qui se partagèrent et se reposèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis de l'Esprit- Saint, et commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit Saint les faisait parler.

Chacun fut étonné de premier miracle, de ce don des langues qui, pendant quelque temps, devait être le partage de tous ceux qui recevraient le Saint-Esprit ... Encore aujourd'hui, après bientôt dix -neuf siècles, ne peut-on pas dire qu'il en reste quelque chose dans Église ? Où est la langue si barbare que ne parlent nos missionnaires, pour aller dans les îles lointaines gagner quelques âmes à Jésus-Christ. Le don des langues n'est pas la seul trace que le Saint- Esprit laisse après lui sur les apôtres. A peine les a - t- il touchés, que ces hommes grossiers, anciens bateliers pour la plupart, il y a quelques semaines encore timides et tremblants, sont éclairés d'une lumière surhumaine et remplis d'un courage que rien ne faisait présager. Pierre, chef des apôtres, s'adresse au peuple. Il lui rappelle la mort de Jésus, crucifié par la main des méchants. « Mais Dieu l'a ressuscité , » dit- il ... et, dans un autre discours : « Mais Dieu l'a ressuscité des morts, et nous en sommes témoins. » Pierre rappelle la résurrection, comme preuve de divinité de Jésus. Jésus en effet l'avait prédit bien des fois. Et c'est par sa propre vertu qu'il a brisé les liens de la mort. Parlant devant une foule immense , Pierre porte cette sorte de défi aux pharisiens :« Il est ressuscité, et nous en sommes témoins. » Et pas une voix ne se lève dans la multitude pour protester et soutenir que Jésus n'est pas ressuscité, que son corps a été enlevé par ses disciples. « Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité et nous en sommes tous témoins, dit encore saint Pierre , et il a répandu sur nous cet Esprit que maintenant vous voyez et entendez. » Le premier discours de Pierre se termine par ces paroles : « Faites donc pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus - Christ, en rémission de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit... » -

Trois mille personnes environ furent baptisées à la suite de ce discours. Une autre allocution de Saint Pierre amena le baptême d'environ cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Comme pour confirmer ce qu'il disait, Pierre avait guéri un boiteux qui le demandait l'aumône, à Jean et à lui. « De l'agent et de l'or, je n'en ai pas » avait dit le chef de apôtres; mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus- Christ de Nazareth , lève-toi et marche » L'ayant pris par la main droite , il le souleva; aussitôt ses jambes et ses pieds s'affermirent. Et il entra dans le temple avec les apôtres, marchant, chantant et louant Dieu . Tout le peuple le vit marcher et louer Dieu. Traduit devant le grand-prêtre pas répondre de cette guérison : « Par quelle puissance ou au nom de qui avez - vous fait cela ? » Pierre confesse encore une fois la divinité de son maître « C'est au nom de Notre-Seigneur Jésus – Christ de Nazareth , que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité d'entre les morts. » Et, comme on leur intimait l'ordre de ne plus parler ni enseigner au nom de Jésus : « Jugez, répondirent Pierre et a s'il est juste de vous obéir, plutôt qu'à Dieu.»

C'est ainsi qu'à peine constituée, l'Église posait cette règle dont elle ne s'est jamais départie et qui devra toujours être la nôtre. « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. » Oui, cela est juste; et n`est-il pas étrange que l'on s'en étonne? Dieu est notre créateur, notre père, notre roi , notre maître.  Lui obéir, c'est non seulement notre devoir ; c'est notre honneur, un honneur si grand qu'un saint Père n'a pas craint de dire : « Servir Dieu, c`est régner. » Sans doute Dieu a établi dans la famille et dans la société des rangs et de subordinations que nous devons respecter. Ce quatrième commandement : « Tes père et mère honoreras, » on l'a toujours entendu comme s'appliquant aux rapports d'obéissance , de respect, d’affectueuse déférence qui doivent relier entre eux les maîtres et les serviteurs, les rois et les sujets, les magistrats de tous les degrés et leurs subordonnés. Précisément parce que nous savons que toute autorité vient de Dieu, nous devons, nous autres chrétiens, donner exemple de la soumission aux puissances ; et jamais, à moins d'une déplorable inconséquence , a vu un bon catholique parmi les émeutiers et les révolutionnaires. Mais cette obéissance est à une condition : que la loi humaine ne se mette pas en contradiction avec la loi Divine. En cas de contradiction, notre règle est toujours la parole des apôtres : «Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. »

Quand on prétendait empêcher Pierre et Jean de prêcher au nom de Jésus- Christ, - plus tard on voulait forcer les chrétiens à sacrifier aux faux dieux romains, -- plus près de nous, pendant les jours de la Terreur (Révolution française), quand c'était un crime digne de mort d'assister à la messe, de donner asile à un prêtre, - de tous temps, dans le secret des familles, quand, abusant de leur autorité, un père, un mari, un maître ont placé leurs enfants, leur femme, leurs serviteurs entre la violation de la loi de Dieu et la résistance à des ordres tyranniques, cette résistance est devenue non-seulement licite, mais obligatoire.

Encore une fois , il n'y a pas de loi contre la loi de Dieu . Cette triste alternative est rare, Dieu merci, et ne se présente guère que dan ces temps troublés qui ne sont pas l'état normal de sociétés chrétiennes. -Ne l'oublions pas, et répétons- le à ceux qui, en calomniant notre sainte religion, blasphèment ce qu'ils ignorent : la piété est utile à tout, à cette vie comme à la vie à venir. Le enfants les plus dociles et les plus tendres, les époux les plus unis, les meilleurs maîtres et les meilleurs serviteurs, les citoyens les plus soumis aux vis, les plus soucieux du bien public, ce sont encore les bons chrétiens. Voici l'Église établie. Les Actes d'apôtres, puis l'histoire ecclésiastique nous en montreront le prodigieux développement. Le monde antique, qui s'écroulait se le poids de sa corruption, va reprendre une vitalité nouvelle, en sentant couler dans ses veine le sang chrétien . En dépit de la haine et de l'ignorance Église de Jésus-Christ est et sera toujours  la bienfaitrice du genre humain.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

Message par MichelT Jeu 18 Jan 2024 - 14:27

CHAPITRE XXIV.

Conclusion .

Quelle conclusion tirerons-nous de ces causeries qui nous ont fait passe en revue toute l'histoire religieuse du genre humain, depuis la création du monde jusqu'à la fondation de l’Église ? Admirons d'abord l'unité qui préside à ce récit. L'Ancien et le Nouveau Testament ne sont à proprement parler, qu'une même histoire . L'Ancien prépare le Nouveau. Le Nouveau accomplit les promesses de l'Ancien. Tous deux n'ont qu'un héros: Notre- Seigneur Jésus- Christ, celui après lequel les patriarches ont aspiré, dont les prophètes ont raconté par avance la vie et la mort, ne laissant, pour ainsi dire aux évangélistes qu’à les répéter et à redire, comme témoins oculaires, ce que l'oeil inspiré des David, des Daniel, des Isaïe, des Jérémie, avait discerné à travers les siècles. Cette histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament ne pas seulement admirable ; elle est divine. L'authenticité des livres de l'Ancien Testament est incontestable, et tous les efforts que l'on a faits pour l'ébranler ont échoué misérablement. Sans entrer das trop de détails, rappelons que l'Ancien où le Sauveur se trouve annoncé est conservé avec le plus grand soin par les Juifs, qui ne croient pas en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cela suffit à prouver que l'Ancien Testament n'a pas été fabriqué après coup pour le besoin de la cause chrétienne. Et le rapprochement des prédictions de l'Ancien Testament avec le Nouveau où ces prédictions sont si évidemment vérifiées, est encore une preuve du fait divin : Dieu seul prévoit et prédit l'avenir.

Quant au Nouveau Testament , son existence seule est une garantie de son authenticité. Comment, s'il eût contenu ces faits controuvés, comment, écrit en pleine civilisation, n'eût- il pas été dès son origine attaqué avec force par des témoins oculaires ? Comment eût -il résisté à ces attaques ? Comment admettre que, depuis bientôt deux mille ans , les peuples chrétiens continueraient à vénérer , comme la parole de Dieu, écrit sous la dictée même de l'Esprit-Saint, ce qui ne serait que l'oeuvre de quelques obscurs faussaires ? Ce que nous disons des prophéties, nous le dirons des miracles . Innombrables dans l'Ancien et le Nouveau Testament, établi en fait par des milliers de témoins, inexplicable par des moyens purement humains, ces miracles attestent la présence de la main divine. Oui, c'est bien Dieu qui, de même qu'il a tiré le monde du néant, a conservé à travers l'idolâtrie générale un petit peuple demeuré fidèle. C'est Dieu qui a fait de l'histoire de ce peuple une suite non interrompue de prodiges. C`est Dieu qui, dès l'origine des temps, a annoncé au monde son rédempteur et son régénérateur. C' est Dieu lui même qui, après avoir envoyé devant lui ses prophètes, comme autant d'ambassadeur est apparu sur la terre, a vécu avec les hommes, est passé en faisant du bien , s'est soumis aux plus humiliantes conditions de l'humanité, à la mort même.

Il est sorti victorieux du tombeau, et après quelques jours passés avec ses disciples, il est monté dans le ciel où il est assis la droite de Dieu son père, comme dit le Credo, d’où il viendra un jour juger les vivants et les morts. Donc nous devons croire à l'Écriture , et spécialement à l'Évangile. Donc nous devons croire à la divinité de Notre -Seigneur Jésus -Christ, si indignement et si vainement attaquée de nos jours ; et, après avoir repassé dans notre esprit les miracles qui ont signalé la naissance, la vie et la mort du Sauveur, nous écrier , comme le centurion de la Passion : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ! » Ce n'est pas tout.

N`oublions pas que c'est Notre Seigneur qui nous a envoyé, nous étions tous représentés par les disciples au jour de la Pentecôte qui nous a envoyé le Saint-Esprit,la troisième personne de l'adorable Trinité, en nous comblant de ses dons les plus précieux . Surtout que cet étude que nous venons de faire de l'Ancien du Nouveau Testament ne demeure pas une étude vaine. Qu'elle soit une lumière dans notre vie . Voyant Dieu si sage, si grand, si puissant, si humble , admirons-le, prions-le, obéissons-lui, craignons sa justice, aimons sa miséricorde . Montrons au monde par nos vertus, notre humilité, notre amour du travail, la fidélité aux devoirs de notre état, surtout notre charité, ce que c'est qu'un chrétien. Puis n'oublions pas que cette vie de Notre-Seigneur Jésus -Christ, notre modèle divin, est comme reflétées dans l'année liturgique.

Quand une fête se présente, pensons à ce qu'elle nous annonce et conformons -nous à son esprit. A Noël, remercions la seconde personne de la sainte Trinité, qui veut bien descendre pour nous sur la terre et naître d'une vierge dans une étable ; avec les bergers, adorons le petit Jésus et vénérons sa douce mère. A l'Épiphanie, adorons de nouveau avec les mages ; à défaut de trésors, offrons au divin Enfant l'or de la charité, l'encens de nos louanges, la myrrhe de la mortification. Chaque dimanche , l'Évangile rapporte une parole ou un acte de Notre - Seigneur. Réfléchissons sur cette parole, faisons- en la règle de notre vie . Admirons et imitons cet acte, presque toujours un miracle inspiré par la charité. L'Avent représente les siècles d'attente du monde antique , soupirant après la venue du Sauveur ; le Carême est établi en souvenir du jeûne de Notre Seigneur et pour nous préparer à la fête de Pâques. Pleurons nos péchés, le Samedi- Saint, nos péchés si énormes que, pour les racheter, il a fallu le sang d'un Dieu. Le jour de Pâques, après avoir accompli le grand devoir des chrétiens, après avoir fait nos Pâques, souvenons- nous, selon la parole de saint Paul, qu’une fois ressuscité le Christ ne meurt plus . Ressuscités à la grâce, ne retombons plus dans nos fautes passées, surtout dans nos criminelles habitudes. Que la fête de l'Ascension nous rappelle le bonheur du ciel , et la vie de travail, de résignation, de charité, de piété, que nous devons mener ici bas, pour mériter un jour l'éternelle béatitude.

Enfin nos cœurs et nos pensées doivent s'unir aux intentions de l'Église lorsqu'elle célèbre la Pentecôte, qui est, à proprement parler, la fête de son établissement; la Toussaint, fête de l'Église triomphante, le jour des morts, fête de l'Église souffrante. L’Église, mes chers amis, ce mot ne saurait trop souvent revenir sur nos lèvres. C'est comme le couronnement des miséricordes de Dieu envers nous. Non content de nous avoir donner la vie, non content de s'être donner lui- même à nous dans l'Incarnation, Dieu a voulu établir une société spirituelle, interprète infaillible de sa parole consignée dans les Écritures, dispensatrice de la grâce par ses sacrements, chargée de nous enseigner et de gouverner nos âmes. Faibles, inconstants, bornés comme nous sommes, quel bonheur et quelle force pour nous que cet appui, que cette colonne inébranlable, que cette lumière qui ne peu jamais ni vaciller ni s'éteindre ! Nous ne pouvons mieux terminer notre petite histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'en priant le divin fondateur de l'Église de bénir le Pape, et de bénir son Église.

Fin


MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870 Empty Re: CAUSERIES SUR L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT - PAR EUGÈNE DE MARGERIE – PARIS – 1870

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