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Tolstoï, Gautier et le rôle eschatologique des journalistes et des médias

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Tolstoï, Gautier et le rôle eschatologique des journalistes et des médias Empty Tolstoï, Gautier et le rôle eschatologique des journalistes et des médias

Message par MichelT Lun 11 Juil 2011 - 14:26

Culture
Tolstoï, Gautier et le rôle eschatologique des journalistes et des médias
8 Juillet 2011 | Nicolas Bonnal*

La presse a fait élire Obama ; elle a encouragé la mondialisation et l’immigration, dénoncé les mouvements nationalistes ou populistes ; elle a crétinisé l’opinion avec le people ou avec l’humanitaire postmoderne ; elle a détruit l’industrie nucléaire et imposé le tout-pétrolier. Elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Elle reflète, notamment en France, les intérêts des quatre oligarques qui la contrôlent, et qui sont prêts à toutes les compromissions avec la gauche, « pourvu, comme dit Flaubert, qu’on baissât les impôts ».

Les grands esprits ont vite vu le danger, dès le début du XIXème siècle, quand il s’est agi d’industrialiser l’opinion publique et de la préparer à la sottise des temps actuels, où ce sont les choses qui bougent, et plus les êtres.

Dans Anna Karénine, Tolstoï décrit ainsi, assez drôlement, le rapport d’un bourgeois à son journal bien politiquement correct : "Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral, sans être trop avancé, et d’une tendance qui convenait à la majorité. Quoique Oblonsky ne s’intéressât guère ni à la science, ni aux arts, ni à la politique, il ne s’en tenait pas moins très fermement aux opinions de son journal sur toutes ces questions, et ne changeait de manière de voir que lorsque la majorité du public en changeait".

Tolstoï comprend que la presse, comme toute machine à oppresser, doit créer au lecteur l’illusion qu’il pense par lui-même : "Pour mieux dire, ses opinions le quittaient d’elles-mêmes après lui être venues sans qu’il prît la peine de les choisir ; il les adoptait comme les formes de ses chapeaux et de ses redingotes, parce que tout le monde les portait, et, vivant dans une société où une certaine activité intellectuelle devient obligatoire avec l’âge, les opinions lui étaient aussi nécessaires que les chapeaux".

Les opinions aussi nécessaires que les chapeaux : on comprend pourquoi les multinationales de la fringue et du luxe ont a ce point investi dans les médias. Voilà pour Tolstoï.

Voyons Théophile Gautier : le fougueux auteur du capitaine Fracasse, né en 1811, idole de Baudelaire, dont je fête avec de rares autres le bicentenaire de la naissance, pourfend à son tour, avec plus de hargne et de panache, la presse dans une célèbre préface étrangement actuelle. Concernant le rôle catastrophique des médias dans le domaine de l’art et de la littérature, ou même la politique, il note :

"Les journaux sont des espèces de courtiers ou de maquignons qui s’interposent entre les artistes et le public, entre le roi et le peuple… Ces aboiements perpétuels assourdissent l’inspiration, et jettent une telle méfiance dans les cœurs et dans les esprits que l’on n’ose se fier ni à un poète, ni à un gouvernement ; ce qui fait que la royauté et la poésie, ces deux plus grandes choses du monde, deviennent impossibles, au grand malheur des peuples."

Je repense à l’affaire de Piss Christ, ordurerie encouragée par tous les journaux officiels. Gautier note avec componction : "Il n’y avait point de critique d’art sous Jules II, et je ne connais pas de feuilleton sur Michel- Ange, Raphaël, ni sur Ghiberti delle Porte, ni sur Benvenuto Cellini ; et cependant je pense que, pour des gens qui n’avaient point de journaux, qui ne connaissaient ni le mot art ni le mot artistique, ils avaient assez de talent comme cela, et ne s’acquittaient point trop mal de leur métier".

La presse n’est pas seulement inutile : elle est nocive. C’est le vampire qui prétend inspirer la victime qu’il aspire. Comme tous les courtiers, elle présente comme indispensable son parasitisme intellectuel et sa nuisance culturelle et politique. Comme les marchés financiers qui ont tué l’industrie occidentale et son inventivité (voir le dernier livre d’Eric Laurent sur les délocalisations) en imposant l’euro, elle a tué la nation et le débat politique. Un homme politique de la droite parlementaire me le disait il y a une vingtaine d’années maintenant : nous avons trop peur des médias. Cela explique en grande partie les désastres actuels. Il ne reste qu’à expliquer au populo que tout va bien, à coups de people et de sport. Mais cela va prendre plus de temps.

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MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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