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L`Expulsion des Morisques

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Message par MichelT Mer 28 Mar 2012 - 20:01

L`Expulsion des Morisques

Après 1492, la couronne d`Espagne a louvoyé dans l`espoir d`une impossible conversion des Morisques. Tergiversations tranchées en 1609.

22 septembre 1609. Un édit promulgué par le roi Philippe III est crié dans les rues de Valence et dans tous les bourgs et villages du royaume levantin. Les représentants du souverain informent la population que - tous les Morisques – de ce Royaume, hommes, femmes et enfants, devront quitter leurs maisons et leurs villages et aller s`embarquer à l`endroit qui leur sera indiqué. Chacun pourra emporter la part de ses biens meubles qu’il pourra porter sur sa personne et devra s`embarquer sur les galères et les navires qui sont préparés pour les transporter en Berbérie, (Algérie, Maroc) ou ils seront débarqués.

Préparée depuis plusieurs mois dans le plus grand secret, l`expulsion de trois cent mille Morisques va être méthodiquement mise en œuvre. Étalée sur plus de deux ans, l`opération aura mobilisé des forces militaires importantes, dont les tercios ramenés pour les circonstances de Naples, de Milan et de Flandre, ainsi que la majeure partie de la flotte royale.
Ce transfert massif de population est souvent interprété aujourd`hui comme un nettoyage ethnique avant la lettre. Mais plutôt que de tomber dans l`anachronisme, il est plus utile d`analyser les raisons qui ont conduit a cette décision, cent dix-sept ans après l`entrée victorieuse des Rois Catholiques dans Grenade. Cette histoire est d`abord celle de l`échec d`une tentative d`assimilation.

Après la chute du royaume nasride de Grenade et l`expulsion des Juifs, l`Espagne de 1492 n`avait pas pour autant réalisé son unité religieuse. Une minorité musulmane importante subsistait en terre ibérique. Les mudejares s`étaient maintenus dans les régions reconquises et avaient continué a y pratiquer leur religion.
Ferdinand et Isabelle s`étaient engagés a respecter les croyances et coutumes de leurs nouveaux sujets. L`Église ne renonçait pas a leur évangélisation, mais Hernando de Talavera, le premier Évêque de Grenade, comptait sur la durée pour obtenir leur conversions. Il chargea Pedro de Alcala de réaliser une grammaire et un dictionnaire du dialecte grenadin, afin de faciliter la tâche des prédicateurs. Le point de vue de l`Évêque différait cependant de celui de l`Inquisiteur général d`Espagne, Thomas de Torquemada, qui exigeait la conversion rapide des nouveaux sujets d`Isabelle.

Les Rois Catholiques résistèrent jusqu`en 1499 aux réclamations de l`Inquisition. A cette date en effet, leur nouveau confesseur, Francisco Jimenez de Cisneros, qui sera bientôt Inquisiteur général de Castille, parvint a les convaincre que l`unité religieuse de l`Espagne était une nécessité. On procéda donc a de nombreux baptêmes forcés, avant d`y renoncer, cette pratique ayant entrainé un début de révolte. La question morisque resurgira vingt ans plus tard.
Au début des années 1520, une épidémie de peste et des rumeurs faisant état d`une invasion turque dressent contre les Morisques la population chrétienne de Valence. Peu après la révolte municipale des Germanias, contemporaine de celle des Comuneros castillans, renforce la haine contre les Morisques dans les villes et les bourgs : les troupes royales chargées de réprimer l`insurrection compte en effet dans leur rangs d`importants contingents morisques. Sous la pression de ses sujets et encouragé par le pape Clément VII, Charles Quint promulgue, le 4 avril 1525, un édit proclamant l`unité religieuse du royaume. Tous les habitants du pays sont sommés d`embrasser la religion catholique. Les enfants des Morisques doivent être baptisés et les mosquées transformées en église. Les Musulmans se trouvent de fait placés, comme les juifs en 1492, devant un choix simple : le départ ou la conversion.

Un décret général d`expulsion est promulgué a la fin de 1525. Il y est précisé qu`il suffira de faire baptiser pour échapper a cette mesure. Une majorité de Morisques demandent donc le baptême, d`autres s`exilent en Afrique du Nord ou a Istanbul, tandis qu`une poignée prend le maquis non loin de Valence, dans la sierra de l`Espadan, ou leur résistance aux troupes royale se poursuivra jusqu`en septembre 1526.

A cette date, la question peut paraitre réglée mais il n`en est rien. Dans la pratique, le monarque est contraint de reculer. Alors que son autorité vient d`être ébranlée par les révoltes communales de Castille et du Levant, Charles Quint ne peut se couper de la grande noblesse. Or, celle-ci souhaite conserver sa main d`œuvre morisque, experte et bon.
De plus, certains musulmans profitent des difficultés financières de l`empereur pour lui acheter une relative tranquillité. Le résultat est que des 1526, moins de un an après le décret d`expulsion, un Conseil suspend pour une durée de quarante ans les interdits relatifs a la langue et au costume. Il décide aussi que l`Inquisition ne pourra engager de procédures contre les nouveaux convertis qui auraient conservé les coutumes musulmanes, cela pour leur permettre, dans le langage actuel de réussir leur intégration!
Cependant, les politiques successive d`assimilation poursuivies tout au long du XVI eme siècle aboutiront a un échec total. Dans un Espagne qui compte environ 8 millions d`habitants, les trois cent mille Morisques continuent a constituer une communauté dotée d`une identité culturelle et religieuse très forte. Ils persistèrent a vivre selon des pratiques, des mœurs, et des coutumes islamiques. Que les autorités espagnoles usent de la manière forte ou du compromis, on verra persister deux sociétés complètement antagonistes. La menace ottomane (turque) ou barbaresques (piraterie islamique nord-africaine contre les états chrétiens pour capturer esclaves et marchandises) ne fera qu`accroitre la méfiance et la haine des chrétiens contre ceux qui sont perçus comme des ennemis de l`intérieur.

Les Morisques sont concentrés en Andalousie, dans l`ancien royaume de Grenade, en Estrémadure, dans le Levant et dans la vallée de l`Ebre. Ils sont, a l`inverse, peu nombreux en Castille ou dans le Nord-Ouest qui ne fut jamais islamisé. Une aristocratie aisée a survécu a Grenade ou des 1498, la ville a été partagée en deux zones, réservée s aux chrétiens et aux musulmans. Dans certaines localités, ils sont majoritaires.
Face a cet irrédentisme, le pouvoir hésite longtemps. Les souverains font confiance au temps. Ils font rédiger des catéchismes bilingues, en arabe et castillan; on autorise les mariages mixtes entre chrétiens et morisques. Ces efforts de prosélytisme demeureront sans grands résultats. Les deux populations continueront a cohabiter sans se mélanger.
En fait, les morisques vont conserver leurs coutumes et leur foi. Ils continuent a pratiquer la langue arabe ou un algarabia, mélange de castillan et d`arabe devenu notre charabia. Ils respectent les prescriptions alimentaires islamiques, surtout celles concernant le porc. Ils célèbrent les fêtes islamiques et observent le jeune du ramadan. Un précepte de la religion musulmane recommande la takkiyya, la discrétion ou dissimulation. Le croyant qui doit dissimuler sa foi quand il vit parmi les Infidèles, peut feindre de pratiquer la religion que l`on entend lui imposer. La répression conduite par les Inquisiteurs n`y changera rien, d`autant que on l`a souvent exagérée.
Ce qui a cependant de quoi préoccuper les autorités espagnoles, c`est le fait que cette communauté demeurée de fait musulmane semble attendre le moment de la revanche contre l`ennemi chrétien. Les morisques espèrent en effet que les victoires ottomanes (turques) vont bientôt les délivrer du joug catholique. Depuis la chute de Contantinople (1453) les armées du Sultan, devenu ensuite le calife commandeur de l`ensemble des croyants, ont remportés de nouvelles victoires en orient ou la Syrie, l`Égypte ou l`Arabie ont été conquises, mais surtout en occident ou le royaume de Hongrie s`est effondré a Mohacs en 1526 et ou Vienne, la capitale des Habsbourg, a elle-même subi un premier siège trois ans plus tard.

Il faudra attendre 1571 et la glorieuse bataille de Lépante pour que la flotte hispano-vénitienne de don Juan d`Autriche conjure durablement le danger. Durant tout le siècle, les côtes méditerranéennes de la péninsule ibérique vivent sous la menace des raids barbaresques lancés depuis Alger et l`Afrique du Nord. Des 1502, a Grenade puis en 1526 a Valence, des soulèvements armés ont opposé les morisques aux troupes royales.
En 1568, lorsque Philipe II veut imposer enfin les décisions prises par son père en 1525, il déclenche une rébellion généralement désignée sous le nom de deuxième guerre de Grenade. La révolte se répand surtout dans les campagnes entourant Almeria et dans la chaine côtière des Alpujarras ou les insurgés entendent constituer un royaume. Les rebelles s`en prennent en priorité aux prêtres et aux nonnes. Ils détruisent les églises et profanes les images saintes. Ces diverses exactions creusent un fossé de haine infranchissable entre les deux communautés. Les forces royales, commandées par le marquis de Mondejar puis par don Juan d`Autriche, le futur vainqueur de Lépante, doivent faire face a plusieurs milliers de combattants turcs ou barbaresques venus prêter main- forte aux insurgés. Ceux-ci reçoivent également des armes pour équiper 3,000 arquebusiers. En février 1569, Francisco de Cordoba prend d`assaut un promontoire proche d`Almeria et il faut 8 heures de combat pour venir a bout de la résistance morisque. Le 3 mai, le marquis de Los Velez est vaincu au col de Ragua et se trouve assiégé près d`Almeria. En juillet les insurgés prennent la forteresse de Seron près de Baza et y massacre toute la garnison et tentent de vendre les captives comme esclaves a leur coreligionnaires nord-africains. A Guajar, en décembre, les Espagnols tuent tous les défenseurs après la reprise du fort. En février 1570, Galera tombe après un mois de siège et tous les défenseurs sont massacrés. Pour venir a bout des insurgés, les soldats de don Juan n`hésitent pas a les enfumer dans les cavernes ou ils ont trouvés refuges.

La guerre est officiellement terminée le 5 novembre 1570 mais une poignée continue la lutte dans les Alpujarras jusqu`en mars 1571. A cette date, les Espagnols victorieux peuvent exposer a Grenade dans une cage de fer la tête du chef des rebelles.
Philipe II et son fils Philipe III auront pourtant tout au long de leurs règnes respectifs, de bonnes raisons de douter de la loyauté de leurs sujets demeurés musulmans. Vaincus en 1570, les morisques ne désespèrent pas de recevoir un soutien de l`étranger et en 1575, ceux d`Aragon prennent contact avec le gouverneur français du Béarn pour en obtenir des armes. En 1580, les Grenadins nouent des relations avec le Maroc et en 1601, les morisques de Valence renseignent les barbaresques d`Alger sur l`expédition en préparation contre eux.

On craint qu`ils ne facilitent les raids ennemis sur les côtes d`Espagne au point que on leur interdit d`habiter les régions littorales, en 1579 en Andalousie, en 1586 a Valence. Les autorités espagnoles s`inquiètent aussi d`une éventuelle collusion avec les états protestants du nord de l`Europe.

Toute conversion sincère s`étant révélée impossible et l`unité du royaume se trouvant mise en question, l`expulsion est finalement décidée par Philipe III en aout 1609, sous l`influence du duc de Lerma, son ministre et avec l`approbation du peuple chrétien. L`opération s`effectue pourtant dans l`ordre et plus de 300,000 morisques prennent ainsi la mer pour être débarqués a Oran d`ou ils vont se disperser dans l`ensemble de l`Afrique du Nord et dans l`empire ottoman.
Pendant longtemps l`historiographie d`outre-Pyrénées a considéré cette mesure comme tout a fait légitime ainsi qu`en témoigne au début des années 30 la tres classique histoire d`Espagne de Menedez Pidal : C`est un fait indéniable qu`après de nombreux siècles de voisinage forcé avec les chrétiens, cette race exotique ne s`était jamais intégrée a l`Espagne, ni a sa foi, ni a ses idéaux collectifs, ni a son caractère.

Loin des anachronismes dont témoigne le titre de l`ouvrage de Rodrigo de Zayas, les morisques et le racisme d`État, paru en 1992, Henri Lapeyre, qui réalisa des 1959 l`ouvrage pionnier sur la question ( Géographie de l`Espagne Morisque) que : juger de l`opportunité de l`opération au nom de principes étrangers a l`époque est une entreprise inutile.

Source : Nouvelle Revue d`Histoire – l``Espagne de la reconquista




MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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