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La Liturgie Eucharistique

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Message par jaimedieu Ven 2 Jan 2015 - 15:57

La prière eucharistique (1)
La partie la plus mystérieuse de la Messe

Mgr Jacques Perrier

ROME, 2 janvier 2015 (Zenit.org) - "Le sommet de toute la célébration, c’est la prière eucharistique. Cette petite chronique hebdomadaire voudrait aider à entrer dans ce sanctuaire", explique Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes.

En effet, voici, ce 2 janvier 2015, le premier volet d'une nouvelle chronique pour redécouvrir le sens et la force des prières eucharistiques. Un grand merci à Mgr Perrier pour cette nouvelle chronique - après les fêtes de la Vierge Marie et ses médaillons sur les Apparitions de Marie à Lourdes - qui vient enrichir le service quotidien de Zénit.


La prière eucharistique


La partie la plus mystérieuse de la Messe

« Messe » n’est pas un mot très précis : pour certains, dès que des chrétiens sont réunis dans une église pour prier, c’est une Messe. Mais la plupart des gens savent que la « Messe », c’est un temps de prière particulier, présidé par un prêtre, durant environ une heure le dimanche. Il suffit de regarder la succession des émissions religieuses du dimanche matin sur Antenne 2 (France) pour se rendre compte que la Messe du dimanche est une spécialité catholique.

Mais que se passe-t-il durant une Messe ? Des chants, des prières dites tous ensemble, des lectures, un sermon (« homélie »), une longue prière récitée par le prêtre et, finalement, la communion. La partie la plus mystérieuse de la célébration est cette « longue prière récitée par le prêtre ». C’est le moment où l’attention risque le plus de se relâcher.

Les raisons sont multiples :

. le texte est pratiquement toujours le même ;

. le prêtre parle presque constamment tout seul, les assistants restant muets ;

. les fidèles se demandent : qu’est-ce qui se passe ? qu’est-ce que je dois faire ?

. il est question de sacrifice, de mémorial, d’action de grâce, toutes notions étrangères, non seulement à notre vocabulaire, mais à notre culture ;

. pourquoi est-elle si longue ? Le prêtre n’aurait qu’à dire les paroles du Christ pour consacrer les hosties qui serviront pour la communion.

Ces griefs sont assez largement faux. En particulier, en nombre de minutes sur l’ensemble de la célébration, la prière eucharistique n’occupe qu’une faible partie. Mais peu importe : elle est ressentie comme longue. En particulier par les enfants. Osons une formule presque blasphématoire : elle est ressentie comme longue parce que vide.

La difficulté n’est pas récente. Mais elle était masquée. Quand la prière était dite à voix basse par le prêtre, les fidèles pouvaient lire des prières dans leur livre de Messe, parfois récitaient leur chapelet et, dans les grandes occasions, chantaient ou écoutaient chanter le Sanctus et le Benedictus.

La prononciation à haute voix, le passage au français, le vis-à-vis du prêtre nous confrontent à la bonne question : la prière eucharistique n’a-t-elle pour but que de consacrer des hosties ? Mais alors, une assemblée sans prêtre, où l’on passe des lectures et de la prière universelle au Notre Père et à la communion, ne « vaut-elle » pas une Messe ?

Or, le sommet de toute la célébration, c’est la prière eucharistique. Cette petite chronique hebdomadaire voudrait aider à entrer dans ce sanctuaire.

Pour cela, nous suivrons lentement, pas à pas, la Prière eucharistique III, d’un usage très fréquent. Elle a été composée dans le cadre de la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II : certains thèmes du concile y apparaissent. Le plan est clair et la rédaction est assez fluide.

Cela n’empêchera pas, à chaque étape, sans doute une trentaine, de jeter un coup d’œil sur les autres Prières eucharistiques, y compris celles pour la réconciliation, pour les assemblées avec enfants, ou pour « circonstances particulières » : toutes se trouvent dans les Missels du dimanche.

Ces petites chroniques n’auront rien de savant, l’auteur n’étant pas un liturgiste. La lecture en sera inutile à une majorité des internautes habitués à ce site. Mais si elles servent à quelques-uns et leur permettent de participer intérieurement au Mystère eucharistique, l’auteur ne regrettera pas sa peine, légère il est vrai.

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Message par jaimedieu Ven 9 Jan 2015 - 22:11

La prière eucharistique (2)

"Élevons notre coeur"

Mgr Jacques Perrier

ROME, 9 janvier 2015 (Zenit.org) - La prière eucharistique (2)

« Élevons notre cœur »

Quelles que soient les prières eucharistiques, elles s’ouvrent toutes par le même dialogue :

- Le Seigneur soit avec vous
- Et avec votre esprit
- Élevons notre cœur
- Nous le tournons vers le Seigneur
- Rendons grâce au Seigneur notre Dieu
- Cela est juste et bon

Cette formule est, non seulement commune aux prières d’aujourd’hui, mais aussi, à la fois primitive et universelle. On la retrouve, avec des variantes dans la rédaction mais pas dans la structure, dans toutes les liturgies, qu’elles soient d’Orient ou d’Occident, aussi loin que l’on remonte dans le temps. Prononcer ces paroles, c’est déjà s’inscrire dans la totalité de l’histoire chrétienne. C’est un acte œcuménique, comme lorsque nous récitons le Credo.

La prière eucharistique s’ouvre donc par un dialogue. Il ne comporte que peu de mots : la liturgie, surtout la liturgie romaine, n’est pas bavarde. Mais ce dialogue a la particularité de comporter trois échanges de « répliques », dirait-on au théâtre. C’est la seule fois au cours de la Messe, signe de l’importance de ce qui va suivre.

Que le Seigneur Jésus soit avec nous, nous le savons puisqu’il a dit qu’il le serait jusqu’à la fin des temps (Matthieu 28, 20), et tout particulièrement lorsque nous serons réunis en son nom (Matthieu 18, 20) : le prêtre est le signe sacramentel de la réunion au nom du Christ. Par-delà l’Évangile, la formule plonge dans la foi d’Israël. Quand Dieu apparaît à Moïse et l’envoie en mission, il lui promet : « Je serai avec toi » (Exode 3, 12). C’est ainsi que l’ange salue Marie le jour de l’Annonciation.

En grec et en latin, la formule ne comporte pas de verbe. Cela n’oblige pas à choisir entre « le Seigneur soit avec vous » et « le Seigneur est avec vous » : quoi qu’il en soit, c’est un bon début pour entrer dans la prière eucharistique.

Nous répondons au prêtre : « Et avec ton esprit ». L’esprit : ce qu’il y a de plus personnel en l’homme, ce par quoi il est à l’image de Dieu qui est Esprit. Plusieurs épîtres de saint Paul se terminent par ce souhait : « Le Seigneur (soit) avec votre esprit ; la grâce (soit) avec vous » (2 Timothée 4, 22). L’épître aux Galates et le billet à Philémon ont des formules similaires.

Puisque « Esprit » est un nom de Dieu et, tout particulièrement, du Saint-Esprit, certains pensent qu’il faudrait aller plus loin et comprendre : « Et nous, nous sommes avec l’Esprit qui est en toi. » Ce serait un acte de foi dans la présence particulière de l’Esprit-Saint dans le président de l’assemblée.

Ces rapprochements nous font voir que les prières liturgiques sont nourries de l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament. Cela se vérifie dans l’échange qui suit.

Aux baptisés, qui sont ressuscités avec le Christ, saint Paul demande de « rechercher les choses d’en haut » (Colossiens 3, 1), là où est le Christ, siégeant à la droite de Dieu. Notre citoyenneté est dans les cieux, dit-il aux Philippiens (3,20) et c’est des cieux que nous attendons la venue définitive du Sauveur. Chaque Eucharistie est un jalon sur la route qui va du Jeudi Saint à la fin des temps.

Le dernier échange de répliques semble venir de la liturgie des repas dans le monde juif. Avec plus ou moins de solennité, le repas se déroule ou, du moins, commence dans un climat d’action de grâce, de bénédiction. L’oublier, c’est se condamner à ne rien comprendre au récit de la Cène, mais aussi à la prière eucharistique.

Le maître du repas dit, par exemple : « Rendons grâce à notre Dieu qui nous a nourris de son abondance. » Les convives répondent : « Béni soit celui dont l’abondance nous a nourris et dot la bonté nous fait vivre. » Par ces mots, les convives ratifient l’invitation lancée par le maître du repas.

De même, à la Messe, les fidèles répondent au président de la célébration : « Cela est juste et bon. » Le président reprend la parole et enchaîne « vraiment, il est juste et bon… » : c’est la préface.

Le dialogue qui ouvre la prière eucharistique devrait nous rester constamment à l’esprit : nous sommes en communion avec le prêtre ; notre regard est tourné vers le Christ ressuscité ; nous accomplissons notre mission en rendant grâce. Sinon, qui le fera ?
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Message par jaimedieu Sam 17 Jan 2015 - 9:52

La Prière eucharistique (3)
Les quatre Prières et quelques autres

Mgr Jacques Perrier

Les quatre Prières et quelques autres

L’histoire de la liturgie est une des plus complexes qui soient. Il est assez facile de dater un manuscrit, mais de quand date le texte ? Peut-être était-il déjà très ancien quand il a été mis par écrit. D’autant plus que la liturgie n’est pas du journalisme, où il faut, chaque jour, fournir un nouvel article. Donc, nous n’entrerons pas dans cette histoire, avec ses variantes selon les pays. Tenons-nous aux Prières qui sont accessibles aujourd’hui.

Dans les Missels de langue française, nous trouvons d’abord quatre Prières, numérotées de I à IV : ce sont les Prières de base depuis la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II. Viennent ensuite, deux Prières pour la Réconciliation, trois Prières pour les Assemblées avec enfants et une Prière « pour des circonstances particulières », dotée, elle-même, de quatre variantes.

Pourquoi cette variété ? Il faut revenir aux intentions du concile Vatican II. Dans la Constitution sur la liturgie, parlant de l’Eucharistie, qui est « le mystère de la foi », les Pères ont souhaité que « les fidèles, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, participent consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée » (n° 48).

Les communautés rassemblées pour l’Eucharistie étant très différentes les unes des autres, il est apparu souhaitable de ne pas employer, uniformément, la même Prière Eucharistique. Les mêmes mots ne conviendront pas aussi bien, qu’il s’agisse d’une communauté monastique, d’une Messe dominicale de paroisse ou d’une assemblée avec un grand nombre d’enfants. Qu’est-ce qui permettra le mieux de « comprendre » ce qui peut être compris et de « participer consciemment » ?

La Prière eucharistique est dite par le prêtre. Mais, s’il prie tout haut et dans notre langue, c’est pour que sa prière soit aussi notre prière. Pour cela, il faut que nous ayons nous-mêmes ruminé les paroles qu’il prononce, qu’elles nous soient devenues familières. Pour profiter de la liturgie de la Parole, il est bon d’avoir lu les textes à l’avance, tout seul dans un climat de prière ou dans un groupe de partage. Sinon, les mots risquent de glisser sur nos esprits distraits. A plus forte raison, il faut s’être approprié les Prières Eucharistiques pour ne pas être, comme dit le Concile, « des spectateurs étrangers ».

Même si l’expression varie, sauf pour les paroles mêmes du Christ, des éléments identiques se retrouvent dans toutes les Prières : nous les évoquerons, tour à tour, dans les chroniques suivantes. Mais dans celle-ci, je voudrais vous inviter à lire calmement toutes ces Prières qui nous sont proposées. Je suis persuadé que vous n’avez jamais entendu certaines d’entre elles. Or chacune comporte des perles : ces quatre ou cinq mots qui ouvrent de vastes horizons.

En se rappelant que les Prières Eucharistiques s’adressent toujours au Père, voici, dans ma collection personnelle, quelques-unes de mes perles.

La Prière I est celle que les catholiques romains ont employée pendant des siècles. Elle rappelle à Dieu qu’il avait « accueilli les présents d’Abel, d’Abraham et de Melkisédech », c’est-à-dire de notre père dans la foi et de deux païens. La Prière II évoque le Christ, le Jeudi Saint, « au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion », alors que la IV parle de « l’Heure où tu allais le glorifier ». La III parle beaucoup du Saint-Esprit. Elle nous dit qu’en communiant, nous serons «remplis de l’Esprit Saint »: l’aviez-vous jamais remarqué ?

Dans les Prières Eucharistiques pour la Réconciliation, l’accentuation va de soi : « Avant que ses bras étendus dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de ton Alliance… » (I) ; « Alors que nous étions loin de toi, Père… « (II). Les enfants, quant à eux, vont rendre grâce pour la Création et pour l’amitié. Mais ils n’oublient pas que le Christ « s’est donné lui-même entre nos mains pour nous attirer vers toi » (II).

Les Prières eucharistiques pour les circonstances particulières sont les plus loquaces. Elles ont toutes cette belle formule qui rappelle Emmaüs et fait le lien entre la liturgie de la Parole et l’Eucharistie : « … il nous ouvre les Écritures et nous partage le pain. »

Si vous êtes prêtre ou membre d’une équipe liturgique, réfléchissez à la Prière eucharistique que vous choisissez. Si elle est moins habituelle, la prédication pourrait la présenter. Je ne crois pas qu’il ait jamais été interdit de prêcher sur les prières Eucharistiques.

L’Eucharistie est le trésor des trésors : les mots qui l’entourent valent bien quelque attention


Source: ROME, 16 janvier 2015 (Zenit.org)
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Message par jaimedieu Mer 28 Jan 2015 - 0:39

Rome, 23 janvier 2015 (Zenit.org) Mgr Jacques Perrier

Prière eucharistique

4. La Préface (1)

Après le dialogue initial avec l’assemblée, le prêtre prend la parole pour dire la « préface ». Dans l’édition, la plupart des préfaces ne servent à rien : l’auteur a voulu faire plaisir à quelqu’un ou l’éditeur se dit qu’un nom connu sur la couverture favorisera les ventes. Mais, à part quelques mots aimables, la préface n’apporte ordinairement pas grand-chose.

Après le dialogue très solennel entre le prêtre et l’assemblée dont nous avons déjà parlé, il serait bien étonnant que le texte qui suit soit sans importance. En fait, c’est avec lui que commence la prière eucharistique qui se développera jusqu’à l’Amen qui précède le « Notre Père ». Mais il faut reconnaître que l’usage courant, ne nous aide pas à reconnaître toute son importance à la préface.

Que signifie d’ailleurs le mot « préface » ? C’est un mot qui vient du latin. Les liturgies orientales ne l’utilisent d’ailleurs pas. Dans le mot « préface », il est question de « dire », et même de dire avec solennité. Parfois déjà, chez les Romains, de dire dans un contexte religieux. La préface, c’est ce que le célébrant proclame en premier. S’il le proclame en premier, c’est parce que ces quelques phrases vont donner l’orientation et le style de ce qui va suivre.

Revenons à la littérature. Tous les auteurs savent qu’il faut soigner les premières lignes. Sinon, le lecteur ne tournera pas la page.

Certains donnent au mot « préface » un sens encore plus fort : ce que le prêtre proclame face à Dieu. Même si cette étymologie n’est pas certaine, elle est vraie quant au sens : le prêtre amorce une prière solennelle qu’il adresse à Dieu, comme il en a été convenu avec l’assemblée dans le dialogue introductif.

Tirons-en une petite conséquence pratique : s’il y a des concélébrants, il faut qu’ils rejoignent le président dès ce moment-là. Qu’ils n’attendent pas la fin du Sanctus !

Avec son mauvais titre, la préface a un autre inconvénient pour les chrétiens d’aujourd’hui : elle commence toujours par les mêmes mots. « Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire… » Parce qu’ils sont toujours répétés, nous risquons de croire qu’ils sont sans importance. Or, c’est le contraire qui est vrai. Ils sont toujours répétés parce qu’ils sont essentiels.

Nous les retrouvons à peu près identiques dans toutes les Prières eucharistiques : « Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur. »

La liturgie orientale la plus répandue, dite « de saint Jean Chrysostome », s’exprime à peu près dans les mêmes termes : « Il est digne et juste de te bénir, de te louer, de te rendre grâce, de t’adorer en tout lieu de ta domination, car tu es un Dieu inexprimable…. ». En prononçant les premiers mots de la préface, le prêtre fait donc, même sans le savoir, un acte œcuménique, puisque cette prière est employée surtout par nos frères orthodoxes.

Relisons ces quelques mots. « Vraiment » nous rappelle une expression de Jésus, dans ses déclarations solennelles : « En vérité, en vérité, je vous le dis… ». La suite reprend, presque à la lettre, la fin du dialogue entre le prêtre et l’assemblée : « Rendons grâce au Seigneur notre Dieu - Cela est juste et bon. » Si nous écoutions ce qui se dit, nous ne devrions plus douter que, par son ministère, le prêtre va réaliser le vœu des fidèles.

L’Eucharistie est célébrée dans une assemblée particulière, parfois peu nombreuse. Elle sera renouvelée chaque dimanche, et même chaque jour. Chaque Eucharistie est unique. Elle est offerte pour telle ou telle intention particulière. Mais il est bon de se rappeler d’abord que cette Eucharistie s’intègre à l’action de grâce qui monte vers Dieu, « toujours et en tout lieu ».

La fin de la préface élargira même encore l’horizon en évoquant les anges et les saints. Ceux qui participent à cette Eucharistie particulière, tel jour, dans telle église, participent aussi à une liturgie éternelle, cosmique et même céleste.

Enfin, les premiers mots de la préface indiquent clairement que la prière s’adresse au Père. A la fin de la Prière eucharistique, l’acclamation (la « doxologie »), conclue par l’Amen de l’assemblée, le redira tout aussi clairement. Il ne faudrait pas perdre le cap entre temps.

Viennent ensuite les motifs pour lesquels nous voulons, spécialement dans cette Eucharistie, rendre grâce à Dieu. Mais commençons par bien nous approprier les premières notes du cantique d’action de grâce suprême qu’est chaque Eucharistie.
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Message par jaimedieu Sam 31 Jan 2015 - 10:40

ROME, 30 janvier 2015 (Zenit.org) -

La Prière eucharistique

La Préface (2)

Les préfaces comportent toutes trois mouvements, en empruntant ce mot au vocabulaire musical : le lancement, le motif, l’élargissement. La chronique précédente traitait du lancement.

Venons-en au motif : pourquoi est-il juste et bon de rendre grâces à Dieu ? En jouant un peu sur les mots, disons que nous « rendons » grâce parce que Dieu nous a « fait » grâce, qu’il nous a manifesté sa grâce.

Les épîtres de saint Paul regorgent de prières d’action de grâce. La plus développée est celle qui se trouve dans l’épître aux Éphésiens (1, 3-14) : en quelques phrases, saint Paul évoque le Salut de Dieu, « dès avant la création du monde » et jusqu’au rassemblement final, « à la louange de sa gloire ». Dans les autres épîtres, il rend grâce pour l’œuvre que Dieu a réalisée dans la communauté à laquelle l’apôtre s’adresse. L’épître aux Galates fait exception : il n’y a pas de motif à rendre grâce, car les Galates ont été infidèles à la grâce.

Dans l’Antiquité chrétienne, les préfaces étaient innombrables et, sans doute, le célébrant glosait à partir de schémas bien connus. On dit souvent aujourd’hui qu’il « improvisait ». Le mot n’est peut-être pas tout-à-fait exact, car il laisse entendre que le célébrant disait ce qui lui passait par la tête ou ce qu’il croyait entendre de la part du Saint-Esprit. Or la liturgie n’a jamais été le domaine de la fantaisie, fût-elle édifiante.

Avec le temps, le nombre de préfaces avait beaucoup diminué et, avant la dernière réforme liturgique, le Missel en présentait 15 : sept pour les temps liturgiques majeurs (Noël, Épiphanie etc…), six pour des fêtes (la préface de la Trinité, qui servait aussi pour les dimanches, celle pour les fêtes de la Vierge Marie etc…), une pour les défunts et une pour les jours ordinaires. Celle-ci était d’ailleurs réduite à sa plus simple expression : elle ne donnait aucun motif particulier d’action de grâce. Les personnes qui allaient à la Messe en semaine étaient censées savoir pourquoi il était juste et bon de rendre grâce à Dieu.

Aujourd’hui, de nouveau, les préfaces sont très nombreuses. Certaines correspondent à telle ou telle Prière eucharistique : par exemple la préface de la Prière IV, qui rend grâce pour la Création ; d’autres valent pour telle fête précise : par exemple, le 15 août, nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné Marie pour « soutenir l’espérance du peuple encore en chemin » ; d’autres seront dites quand un sacrement est célébré dans le cadre de la Messe : par exemple, lors d’une Messe de mariage, avant de féliciter les époux, nous bénissons Dieu, le remerciant d’avoir créé l’homme et la femme.

Pour chaque temps liturgique, plusieurs préfaces sont proposées, en plus de l’ancienne qui a été conservée. Par exemple, en Avent, le motif d’action de grâce change quand Noël approche. Cinq variantes existent pour le Temps pascal, trois pour Noël, trois pour le Carême.

Enfin, pour le Temps ordinaire, des préfaces sont prévues, certaines pour les dimanches, d’autres pour les jours de semaine (préfaces « communes »). C’est donc un ensemble très riche qui nous est ainsi proposé. Savons-nous en tirer parti ?

En Occident, la liturgie n’est pas bavarde. Le motif d’action de grâce est énoncé d’ordinaire en une seule phrase. Il faut donc y faire très attention : chaque mot porte. Il est chargé de sens théologique mais il ne se contente pas d’énoncer une vérité, un fait. Il invite à la prière de louange. Les préfaces peuvent nourrir la prière personnelle tout autant qu’elles expriment la prière, pourrait-on dire, « officielle » de l’Église.

La préface commune n° 5 me semble un exemple assez typique. Le premier « mouvement » s’est achevé en nommant « le Christ, notre Seigneur ». La préface continue : « Le rappel de sa mort provoque notre amour, l’annonce de sa résurrection ravive notre foi et la promesse de sa venue nourrit notre espérance. » On peut difficilement faire plus court ou plus dense. Nous sommes au cœur de notre foi. L’Eucharistie a précisément pour but de rappeler la mort du Seigneur, d’annoncer sa résurrection et de raviver notre attente. C’est ce que nous chantons après la consécration.

Ces quelques phrases qui se trouvent au milieu des préfaces, une fois réunies, formeraient une sorte de Credo développé et déjà orienté vers la prière : « Toi, le Dieu de bonté, la source de la vie… » Faites l’expérience : sur un grand tableau, écrivez les « articles » du Credo et, en face, les motifs d’action de grâce que vous aurez trouvés dans les préfaces. Ils se répondent et nous donnent des mots pour dire notre foi et rendre grâce à Dieu.
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Message par jaimedieu Ven 6 Fév 2015 - 23:55

La Prière eucharistique (6) La préface (3)
Nous devrions rendre grâce dêtre déjà admis devant le trône de Dieu

Mgr Jacques Perrier

ROME, 6 février 2015 (Zenit.org) -

La Prière eucharistique

La Préface (3)

Même dans la prière, un esprit latin veut toujours rester logique. Les débuts de la Prière eucharistique en sont un exemple. Les premiers mots de la préface (« Vraiment, il est juste et bon… ») reprennent les derniers mots du dialogue entre le prêtre et l’assemblée. Vient ensuite le motif de l’action de grâce, dont parlait la chronique n° 5. Logiquement, la dernière partie, le dernier mouvement, de la préface commence donc, presque toujours, par ces mots : « C’est pourquoi… » Et ideo, disait le latin.

Cette dernière phase de la préface ouvre une perspective nouvelle. Le motif de l’action de grâce se rattachait à l’œuvre de Dieu dans la Création et dans l’Histoire du Salut. La finale, avec le Sanctus qui suit, nous transporte au ciel, dans l’éternité.

La prière du matin à la synagogue n’est pas sans analogie avec la préface eucharistique. La formule est trop longue pour être citée ici intégralement. Quelques mots suffiront à illustrer ce rapprochement. "Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, roi de l’univers… Les chefs de ses armées (Sabaoth = les anges, voir Psaume 102-103, 20-21) sont des êtres saints, ils exaltent le Tout-Puissant, sans cesse ils déclarent la gloire de Dieu et sa sainteté… Tous se répondent à l’unisson dans la crainte et disent avec révérence… »

L’assemblée se joint alors au président pour chanter : « Saint, saint, saint le Seigneur Sabaoth : la terre entière est remplie de sa gloire. » D’autres êtres célestes se joignent à eux, avant que l’assemblée ne chante à nouveau : « Bénie soit la gloire du Seigneur, de son lieu. »

« Avec les anges »

L’Écriture est restée très sobre sur le monde des anges, de peur qu’ils ne soient confondus avec Dieu. Le Credo dit de Dieu qu’il est le Créateur du monde « visible et invisible ».

Quand saint Paul évoque les « Trônes, Seigneuries, Principautés et Puissances » (Colossiens 1, 16), c’est pour proclamer la supériorité du Christ, en qui ces êtres, même célestes, ont été créés. Mais, sans entrer dans une sorte d’ordre protocolaire entre les chérubins, les séraphins et les autres, Jésus parle souvent des anges : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits. Car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient constamment la face de mon Père qui est aux cieux » (Matthieu 18, 10).

Les préfaces anciennes aimaient parfois énumérer les différentes classes d’êtres célestes, « les anges et les archanges, les puissances d’en haut et tous les esprits bienheureux » : Dieu aime la diversité. La Prière eucharistique IV ne fait pas ce genre de distinction mais exprime bien la foi de l’Église : « Et ideo, les anges innombrables qui te servent jour et nuit se tiennent devant toi et, contemplant la splendeur de ta face, n’interrompent jamais leur louange… »

L’Eucharistie est célébrée sur la Terre, dans une assemblée plus ou moins vaste, à tel moment du temps, dans telle langue et même selon telle ou telle liturgie. Mais elle est aussi une participation à la liturgie céleste, telle que le livre de l’Apocalypse nous la fait entrevoir. Après les lettres aux sept Églises d’Asie Mineure, la première vision nous place en face du Trône de Dieu. Devant lui se trouvent vingt-quatre Vieillards (c’était au temps où la vieillesse était en honneur) et les quatre Vivants du livre d’Ézéchiel (chapitre 1).

« Ils ne cessent de répéter jour et nuit : ‘Saint, saint, saint, Seigneur Maître de tout. Il était, Il est et il vient.’ Et chaque fois que les Vivants offrent gloire, honneur et action de grâces à Celui qui trône et qui vit dans les siècles des siècles, les vingt-quatre Vieillards se prosternent… Ils lancent leurs couronnes devant le trône en disant : ‘Tu es digne, ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance’ » (Apocalypse 4, 8-11).

« Avec les anges et tous les saints »

L’épître aux Hébreux associe les saints et les anges : « Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection » (Hébreux 12, 22-23).

De même, dans la finale de la plupart des préfaces, les êtres célestes ne sont pas seuls à chanter le Sanctus qui suit : avec les saints, ils forment un seul chœur. « C’est pourquoi, avec les anges et tous les saints, nous proclamons ta gloire… » Dans la préface de la Toussaint, le motif d’action de grâce, c’est d’être précédés par « nos frères les saints, déjà rassemblés, qui chantent déjà ta louange ». La finale reprend ce thème : « C’est pourquoi, avec cette foule immense que nul ne peut dénombrer… »

Ces derniers mots viennent du livre de l’Apocalypse. Après les 144 000 venus des douze tribus d’Israël, voici que se présente « une foule immense, que nul ne peut dénombrer… » Ils sont associés à la louange des Anges, des Vieillards et des quatre Vivants : « Amen, louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Apocalypse 7, 9-12).

La scène dont l’auteur du livre de l’Apocalypse, « Jean », est le témoin se déroule dans le ciel. Mais les préfaces associent les fidèles que nous sommes, encore sur la Terre et marqués par le péché, à la louange céleste. « Unis à leur hymne d’allégresse, nous te chantons… »

« Avec les anges et tous les saints, nous te chantons »

Il n’allait pas de soi que nous soyons, dès maintenant, associés à la liturgie céleste. Avant de réciter le Notre Père, une formule très ancienne et toujours en usage parle d’audace : « nous osons dire… ». La même formule vaudrait avant le chant du Sanctus. Nous devrions rendre grâce d’être déjà admis devant le trône de Dieu.
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Message par jaimedieu Ven 13 Fév 2015 - 22:46

La Prière eucharistique (7)

Le Sanctus (1)

La préface se conclut par une double acclamation. L’une et l’autre viennent de l’Ancien Testament. La première s’adresse à Dieu lui-même ; la seconde, à l’envoyé de Dieu, en qui les chrétiens reconnaissent, évidemment, le Christ. Il sera question, aujourd’hui, de la première acclamation : « Saint, le Seigneur ! »

La vision d’Isaïe

Les dernières phrases de la préface nous introduisaient dans la liturgie céleste, comme l’avait été le prophète Isaïe au jour de sa vocation (Isaïe 6).

L’action se situe dans le temple construit par Salomon, lieu de la présence de Dieu au milieu de son Peuple. Le jour où l’arche d’alliance y avait été introduite, « la nuée remplit le temple du Seigneur et les prêtres ne purent pas continuer leur fonction à cause de la nuée : la gloire du Seigneur remplissait le temple du Seigneur. » Salomon se félicite de sa prouesse : « Le Seigneur a décidé d’habiter la nuée obscure. Oui, je t’ai construit une demeure princière, une résidence où tu habites à jamais » (1 Rois 8, 10-13).

Cependant Salomon, dont la sagesse est proverbiale, n’est pas dupe : « Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite » (verset 27). Dieu n’est pas enfermé dans le temple mais il écoute la prière qui lui est adressée en ce lieu auquel il a attaché son
Nom » (verset 29).

Il faut avoir en tête ce moment solennel dans l’histoire d’Israël quand on lit le chapitre 6 d’Isaïe. Depuis Moïse et Élie (et encore, de dos, pour celui-ci), nul n’a vu le Seigneur. D’ailleurs, dit l’Écriture, nul ne peut voir Dieu sans mourir. Les prophètes reçoivent seulement ses messages. Isaïe a le privilège de « voir le Seigneur assis sur un trône (cf. l’Apocalypse, chronique n° 6) grandiose et surélevé » (Isaïe 6, 1). A proprement parler, Dieu n’est pas dans le temple. C’est seulement sa « traîne » qui le remplit.

Comme le voyant de l’Apocalypse, Isaïe entend le cantique céleste, que les séraphins se « crient » l’un à l’autre : « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaoth, sa gloire emplit toute la terre » (Isaïe 6, 3). La formule liturgique est légèrement différente : « Saint, saint, saint, le Seigneur, Dieu de l’univers. Le ciel et la terre sont remplis de sa gloire ! Hosanna au plus haut des cieux ! »

« Toi seul es saint ! »

La qualification de « saint » doit être propre à Dieu pour être ainsi répétée. Elle lui est tellement propre qu’elle est, comme lui, indéfinissable. Le mot se rattache peut-être à l’idée de séparation. Dieu et la Création sont distincts. L’Écriture n’est pas panthéiste. Isaïe n’est pas un prophète du New Age. Quand Dieu se manifeste à Moïse par le signe du Buisson ardent, il lui dit : « N’approche pas d’ici, retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Exode 3, 5).

La « sainteté » est tellement propre à Dieu que la formule « Le Saint, Béni soit-il ! » est une des formules juives les plus familières pour ne pas avoir à nommer Dieu lui-même.

Dieu est saint et nous lui demandons de se faire connaître comme tel. C’est la première demande du Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ! » La Traduction œcuménique de la Bible restitue ainsi le verset 9, chapitre 6, de saint Matthieu : « Fais connaître à tous qui tu es. » Comment des hommes pécheurs pourraient-ils sanctifier Dieu ? « Saint est son Nom », dit Marie dans son Magnificat. En ramenant son Peuple de captivité, Dieu va « faire éclater sa sainteté » (Ézéchiel 36, 23). Comme au temps de l’Exode, c’est lui le Sauveur.

Mais Dieu n’est pas enfermé en lui-même. Au cœur de la Révélation, se trouve l’Alliance. Si le sabbat est un jour « saint », c’est parce qu’il évoque le repos de Dieu au septième jour mais aussi parce que le Juif le consacre à Dieu. Par leur acclamation, les séraphins
« sanctifient le Nom de Dieu ».

Le Peuple d’Israël est un peuple « saint » parce que Dieu l’a choisi ; l’Église est « sainte », comme dit le Credo, parce que le Christ l’a aimée et s’est livré pour elle (Éphésiens 5, 25). Il revient aux fidèles de répondre à cette élection et de « rendre gloire à Dieu dans (notre) corps » (1 Corinthiens 1, 20). Comme à la grâce doit répondre l’action de grâce, à la sainteté de Dieu doit répondre la sanctification de ses fidèles.

Le Seigneur, Dieu de l’univers

Les traductions emploient le mot « Seigneur » : il remplace le nom divin que les Juifs, déjà au temps de Jésus, par respect, n’osaient plus prononcer. Ils ne conservaient que les quatre consonnes
(« tétragramme »), imprononçables. « Seigneur » ou
« Le Saint, béni soit-il » sont des substituts. La traduction de l’Écriture en grec, puis la tradition chrétienne, ont suivi cet usage et ont donné au mot
« Seigneur » une dimension divine.

La traduction liturgique a supprimé l’énigme du mot
« Sabaoth ». Quelles sont ces « armées » que Dieu commande ? Il ne s’agit pas tellement des armées d’Israël que des armées célestes, les anges (voir chronique n° 6) ou les astres. Les armées sont le symbole de grands nombres, organisés, disciplinés, obéissants. Si Dieu est le Seigneur des êtres célestes, à combien plus forte raison de notre pauvre Terre et des pauvres humains que nous sommes !

Par la mention du ciel et de la terre, comme par le thème de la sainteté comme caractéristique de Dieu, le Sanctus renvoie déjà au Notre Père. Le Père est aux cieux ; il est à l’origine de toute paternité mais il n‘est pas père à la manière humaine. Nous lui demandons de se faire connaître pour ce qu’il est, le Père de tous les hommes, et nous voulons nous conduire comme ses enfants. Et que cela se réalise sur la Terre, comme il en est déjà ainsi dans le ciel !

La liturgie nous a gardé un mot hébreu : « Hosanna ! » Il encadre la seconde partie de l’acclamation. Nous le retrouverons à la prochaine chronique.
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Message par jaimedieu Dim 22 Fév 2015 - 13:07

La Prière eucharistique (8) Le Sanctus (2)
Des mots chargés d'histoire

Mgr Jacques Perrier

En chantant « Saint, saint, saint le Seigneur… », nous étions avec Isaïe dans le temple de Jérusalem. En chantant « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur », nous sommes aussi dans le temple. Cette bénédiction était prononcée par les prêtres qui accueillaient les pèlerinages montant à Jérusalem pour les trois grandes fêtes annuelles. On peut imaginer les pèlerins de Nazareth, parmi lesquels Marie, Joseph et Jésus, accueillis par ces mots lorsqu’ils vinrent fêter la Pâque avec l’enfant, maintenant âgé de douze ans.

Cette bénédiction nous est conservée dans le psaume 117-118 (versets 26-27) :

Béni soit au Nom du Seigneur celui qui vient !

De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !

Rameaux en mains, formez vos cortèges jusqu’auprès de l’autel.

Avec le temps, « celui qui vient » était devenu une manière de désigner le Messie attendu, celui qui viendrait instaurer le règne de Dieu, définitivement. En « celui qui vient », ce serait le Seigneur lui-même qui agirait. C’est ce que nous lisons dans le dernier des douze « petits prophètes », Malachie, dont le nom renvoie à l’idée de « règne ». Dans les éditions de la Bible, Malachie est le dernier livre de l’Ancien Testament, même s’il est bien loin d’être le dernier dans l’ordre chronologique.

Voici que je vais envoyer mon messager

pour qu’il fraye un chemin devant moi.

C’est ce que réalisera Jean-Baptiste, comme le dit Zacharie dans le Benedictus : « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut et tu prépareras ses chemins. »

Malachie continue :

Et soudain, il entrera dans son sanctuaire,

le Seigneur que vous cherchez.

Et l’Ange de l’Alliance que vous désirez,

le voici qui vient !

Ce passage de Malachie (3, 1) est lu, dans la liturgie, dans le cycle de Noël : le 23 décembre et le 2 février, en la solennité de la Présentation du Seigneur au temple de Jérusalem.

Jésus : celui qui vient


L’expression « celui qui vient », apparemment anodine, est donc lourde de sens dans la langue biblique. Nous la retrouvons chez saint Jean : Jésus est celui qui vient dans le monde, selon la belle profession de foi de Marthe, sœur de Lazare (Jean 11, 27). Mais c’est aussi le sens de la question posée par Jean-Baptiste dans sa prison : « Es-tu celui qui doit venir ? » (Matthieu 11, 3).

L’acclamation « Béni, celui qui vient au nom du Seigneur » se trouve dans les quatre évangiles, au jour de l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, que nous fêtons le dimanche que les braves gens continuent d’appeler le « dimanche des rameaux ». « Rameaux en mains, formez vos cortèges », disait le psaume déjà cité.

Tous les évangélistes citent le même verset du psaume. Mais, comme toujours, il y a quelques variantes entre les évangélistes. Saint Matthieu écrit: « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (21, 9). Saint Marc : "Hosanna ! Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur ! Béni soit le Royaume qui vient, de notre père David ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (11, 9-10). Saint Luc : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au Nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » (19, 38). Saint Jean : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur et le roi d’Israël ! » (12, 13).

Tous ont en commun d’accentuer la note messianique en parlant du « fils de David », du
« Royaume » ou du « roi ». Sur l’écriteau de la croix, Pilate fera inscrire, par dérision : « Roi des Juifs ». Il ne savait pas si bien dire. Il aurait même pu aller plus loin et inscrire : « roi de l’univers ».

Saint Matthieu et saint Luc ajoutent : « au plus haut des cieux. » Saint Luc, en joignant la « paix » à la
« gloire », nous renvoie à la nuit de Noël et à la proclamation des anges. De Noël à Pâques, c’est le même mystère de salut qui s’accomplit.

L’acclamation « Béni soit … » est encadrée par un double « Hosanna ». Par son étymologie, le mot se rattache à l’idée de « salut ». Peut-être, au temps de Jésus, cette origine proprement religieuse était-elle passée au second plan et l’expression était-elle devenue un simple cri de triomphe. Une sorte de « hurrah » hébraïque. Mais dans le contexte de la Passion toute proche, le sens originel reprend toute sa valeur. Celui qui vient est bien celui qui va
« donner le salut ».

Le Benedictus dans la liturgie

Quand le Sanctus donna lieu à d’amples polyphonies, le Benedictus fut renvoyé après la consécration. Béni soit, effectivement, celui qui vient à nous par le sacrement de l’Eucharistie. Mais l’Eucharistie n’est pas une présence ponctuelle, une visite provisoire, du Seigneur. Elle fait mémoire de l’histoire du salut dans sa totalité. Le venit de la liturgie latine peut s’entendre aussi bien du passé que du présent. Béni soit celui qui est venu, une fois pour toutes et définitivement, prendre chair en notre humanité. Béni soit celui qui vient, aujourd’hui, par les œuvres de l’Esprit Saint.

Mais « il vient » est aussi, dans l’Apocalypse, le signe d’une promesse : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, ‘Il est, Il était et Il vient’, le Maître de tout » (Apocalypse 1, 8). « Il vient » et non
« Il sera » : ce qui serait seulement l’affirmation de son éternité. « Il vient » ouvre sur un achèvement, encore attendu.

Dans l’acclamation qui salue Jésus lorsqu’il entre à Jérusalem, et qui est reprise sommairement dans la liturgie, nous trouvons des réalités essentielles dans l’Écriture : la bénédiction, le Nom du Seigneur, la venue du Règne. Toutes réalités qu’expriment aussi les premières demandes du Pater.
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Message par jaimedieu Ven 27 Fév 2015 - 23:52

La Prière eucharistique (9) La Prière n. III
Porteuse des empreintes des thèmes conciliaires

Mgr Jacques Perrier

Pour continuer notre parcours eucharistique, il m’a paru plus judicieux de choisir l’une des Prières eucharistiques pour la lire en continu. J’ai déjà dit que chacune d’elles comportait ses perles. Mais, comme il faut bien choisir, j’ai retenu la Prière n° III. A la fin de ces chroniques, il sera possible de jeter un regard, tour à tour, sur les autres.

En choisissant la Prière n° III, nous entrons dans le désir qui animait le pape Paul VI au moment de la réforme liturgique : en plus du Canon romain qu’il ne fallait pas changer, et des Prières II et IV, plus ou moins inspirées des Pères de l’Église, le pape souhaitait une (ou plusieurs) Prière, composée à frais nouveaux. Certes, des éléments constitutifs s’y retrouveraient comme dans toutes les autres. Mais elle devrait permettre aux fidèles d’entrer dans la prière prononcée par le prêtre, sans se heurter à trop de difficultés dans la compréhension.

De plus, cette nouvelle Prière pourrait faire écho à quelques thèmes fondamentaux du concile Vatican II qui venait de se tenir. Comme les autres, la Prière III est entrée en usage en 1969.

Un plan bien lisible


Dans les missels, le texte est réparti en un certain nombre de paragraphes, bien distincts. Chaque paragraphe correspond à une des composantes de la Prière.

Le premier paragraphe veut faire le lien avec la préface et le Sanctus : « Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers… »

Vient ensuite l’appel de l’Esprit Saint sur les offrandes, avec la mention du dimanche ou de la fête qui est célébrée.

Le récit de l’institution est suivi de l’anamnèse chantée par les fidèles et reprise par le prêtre.

L’Eucharistie est l’offrande du Christ total, donc de l’Église et de nous-mêmes.

C’est pourquoi le prêtre invoque l’Esprit Saint sur l’assemblée.

Les intentions sont regroupées à la fin : le monde, l’Église, l’unité, les défunts.

La Prière se termine par la doxologie, invariable.

Quelques thèmes conciliaires


Le concile Vatican II n’a pas inventé une nouvelle religion. Il n’a introduit aucun dogme. Mais la liturgie étant la prière de l’Église et le concile ayant justement médité sur le mystère de l’Église, il n‘est pas étonnant que la Prière eucharistique composée après le concile en porte la trace.

En voici quelques indices. Vous les retrouverez facilement dans le texte de la Prière.

Le concile eut lieu avant l’essor de l’écologie. Mais le concile savait bien que l’homme n’est pas séparable de la création.

Le concile Vatican II a voulu présenter l’Église comme un mystère de communion, plus que comme une institution fortement structurée. Dans la Prière III, il est souvent question d’être rassemblés, d’être ensemble.

C’est par l’Esprit Saint que le pain et le vin sont consacrés, mais c’est aussi par l’Esprit Saint que l’Église, Corps du Christ, est édifiée. D’où la double invocation de l’Esprit.

Le concile a souhaité que l’Écriture redevienne la langue de la foi, plus que les concepts abstraits. Au cœur de l’Écriture, se trouve le mot « Alliance ». De même dans la Prière III.

Un des quatre textes majeurs du concile porte sur « l’Église dans le monde de ce temps ». L’Eucharistie est offerte pour le monde entier. Quant aux défunts, Dieu seul sonde les cœurs : nous devons donc prier pour tous les défunts.

Dans ce monde, l’Église est « en pèlerinage » dit le texte latin, « en marche », dit le français. Elle marche à travers l’espace par la mission, proche ou lointaine, et à travers les siècles, jusqu’au retour du Christ. Elle n’est pas figée dans l’immobilité.

Toutes les prières eucharistiques ont toujours mentionné l’évêque du lieu. Les nouvelles prières élargissent le regard en mentionnant « l’ordre épiscopal » puisque le concile a bien précisé que l’épiscopat était un degré, et même le premier degré, du sacrement de l’ordre.

A côté des évêques et des prêtres, la Prière III mentionne les diacres, dans le texte français. Le latin parle globalement des « clercs » : les diacres sont des clercs, qu’ils soient mariés ou pas.

La recherche de l’unité a été une des motivations du pape Jean XXIII en convoquant le concile. Elle est une des intentions mentionnées dans les intercessions finales.

Dans les chroniques suivantes, nous suivrons donc la Prière III, pas à pas, paragraphe par paragraphe. Mais il était bon de la regarder d’abord dans son ensemble, sans la détacher de son début, à savoir le dialogue introductif, la préface et le Sanctus.
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Message par jaimedieu Dim 8 Mar 2015 - 13:10

La Prière eucharistique (10)
"Toute la création proclame ta louange"


Mgr Jacques Perrier

Comme beaucoup d’autres Prières eucharistiques, la III (que nous lirons patiemment) se poursuit en reprenant les mots-mêmes des préfaces et du Sanctus : « Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers. » L’horizon est aussi large que la création tout entière.

Nous donnerons parfois les mots latins correspondant à la traduction française, non pour critiquer la traduction, mais parce que le texte a été rédigé en langue latine, puis traduit.

Ici, le texte latin comporte un mot qui ne se retrouve pas dans le français : merito. C’est à bon droit que toute la création te loue. Cette précision ne fait que reprendre les premiers mots de toutes les préfaces :
« Il est juste et bon… »

Chacune à sa mesure


Le texte latin dit aussi : omnis creatura, « toute créature ». Avec « toute la création », la différence n’est pas bien grande, mais le latin est plus concret : chaque créature proclame la louange de Dieu à sa mesure. Un orchestre forme un ensemble mais chaque instrument a sa partie. Dans la création, le caillou, le lion et le séraphin ne jouent pas des mêmes instruments. Pourtant, aucune créature n’est exclue de la louange du Créateur.

Les auteurs bibliques, et en particulier le psalmiste, convoquent souvent toutes les créatures, même inanimées, pour chanter avec eux Celui qui est, en même temps, le Créateur de l’univers et Celui qui a choisi un Peuple et qui a décidé de demeurer dans le Temple de Jérusalem : Dieu du cosmos et Dieu d’Israël, le même, le seul.

Le Psaume 18-19 est, peut-être, composé, au départ, de deux parties. Mais ce n’est pas le hasard qui les a réunies. La première commence ainsi : « Les cieux racontent la gloire de Dieu » ; la seconde, par ces mots : « La loi du Seigneur est parfaite, réconfort pour l’âme. »

Que l’acclament le ciel et la terre,

La mer et tout ce qui s’y remue

(Psaume 68-69, 35)

Louez le Seigneur depuis les cieux

Louez-le dans les hauteurs,

Louez-le, tous ses anges,

Louez-le, toutes ses armées !

Louez-le, soleil et lune,

Louez-le, tous les astres de lumière,

Louez-le, cieux des cieux,

Et les eaux de dessus les cieux !

(Psaume 148, 1-4)

Et le dernier verset du dernier psaume de la Bible conclut le recueil sur la même note : « Que tout ce qui respire loue le Seigneur ! Alleluia ! »

Les Trois Enfants dans la fournaise (Daniel 3), dans leur appel à bénir le Seigneur, suivent l’ordre des jours de la Création dans le livre de la Genèse : apparaissent successivement le ciel, les astres et tous les phénomènes météorologiques ; puis les plantes et les bêtes ; les enfants des hommes ; et, enfin, Israël, les prêtres, les saints et les humbles de cœur.

La foi chrétienne, comme celle de « nos frères aînés », n’est nullement dualiste. Pour un chrétien, il n’y a pas de « bas monde ». La Sagesse divine est, à la fois, le « maître d’œuvre » aux côtés du Créateur, et celle qui trouve ses délices parmi les enfants des hommes » (Proverbes 8, 30-31). Dans le Prologue de saint Jean, le Verbe est Celui en qui tout a été fait et Celui qui a pris chair pour que nous puissions devenir enfants de Dieu.

Les prières juives, plus ou moins contemporaines de Jésus, s’inscrivent dans la même logique. Elles insistent, en particulier, sur la lumière. Car le symbole de la lumière permet facilement de passer de la création (« Et Dieu dit : ‘Que la lumière soit…’ Premier jour. ») à la lumière de la révélation.

Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de l’univers, toi qui formes la lumière et crées les ténèbres, qui fais la paix et crées toutes choses ; qui, dans ta miséricorde, donnes la lumière à la terre et à tous ceux qui y habitent… Et, plus loin : Eclaire nos yeux à tes commandements.

Une création réconciliée


La vocation et la mission de l’homme est d’être la voix de la Création tout entière. Comme le roi, en Israël, doit permettre au Peuple de vivre dans la paix et la fidélité à l’Alliance ; de même, l’homme, roi de la Création, doit permettre à toutes les créatures de vivre dans l’harmonie. Ou encore : la fonction du Prêtre, en Israël, est d’offrir au nom du Peuple. L’homme est le prêtre de la création, chargé de l’offrir à Dieu dans le service de ses frères, au lieu de l’asservir à son plaisir.

Dans le Credo, l’acte créateur, puisqu’il évoque l’origine (et pas seulement le commencement dans le temps) est attribué au Père. Il est donc normal que, dans la Prière eucharistique, les créatures soient invitées à louer le Père. Mais le Fils et l’Esprit Saint sont associés à l’œuvre du Père, d’autant plus que la création, solidaire de l’homme, a besoin d’être sauvée, réconciliée, comme saint Paul l’exprime dans l’épître aux Colossiens (1, 15-20) :

Il est l’Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature,

car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses….

Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude

et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui

aussi bien sur la terre que dans les cieux

en faisant la paix par le sang de sa croix.

A la sanctification par le Christ, la Prière ajoute « la puissance de l’Esprit Saint ». Nous reviendrons sur l’association de la « puissance » et de l’Esprit Saint. Notons, pour l’instant, que la Prière III semble s’inspirer de saint Paul. Le chapitre 8 de l’épître aux Romains, consacré plus particulièrement à l’Esprit, contient ce passage mystérieux où la création est unie à la destinée des hommes devenus, par l’Esprit Saint, enfants de Dieu (versets 19 à 22) :

La création tout entière aspire à la révélation des fils de Dieu… avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu… Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement.

Les derniers mots de la Prière III, avant la doxologie finale, orientent le regard vers le Royaume, objet d’espérance. Mais si l’accomplissement ne se réalisera que dans la Jérusalem céleste, nous l’anticipons déjà en célébrant l’Eucharistie du Seigneur qui a tout réconcilié en Lui.
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Message par jaimedieu Dim 15 Mar 2015 - 13:23

La Prière Eucharistique (11)

"Avec la puissance de l'Esprit Saint"

Mgr Jacques Perrier


« avec la puissance de l’Esprit Saint »

Comme toutes les autres, la Prière Eucharistique III s’adresse au Père. Mais, parce que c’est une prière chrétienne, elle est forcément trinitaire. Cette dimension est plus ou moins mise en valeur selon les Prières. Elle l’est toujours, au minimum, dans la doxologie finale : « Par lui (le Fils), à Toi (le Père), dans l’unité du Saint-Esprit… »

Dans la Prière III, l’Esprit est nommé à trois reprises. La première fois quand la Prière dit que toutes choses ont été « sanctifiées par Jésus-Christ, notre Seigneur, avec la puissance de l’Esprit Saint ».

L’Esprit Saint à l’œuvre dans la Création

Au tout début du livre de la Genèse, il est dit que
« le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux ».
« Souffle » ou « esprit », c’est le même mot aussi bien en hébreu qu’en grec. Quand est composé le chapitre 1 du livre de la Genèse, il n’est évidemment pas question de l’Esprit Saint, troisième Personne de la Trinité. Mais quand celui-ci a été révélé et promis par le Christ, les Pères de l’Église n’ont pas hésité à voir dans le verset de la Genèse une annonce lointaine de cette révélation.

Les Pères n’avaient pas tort : le Père, le Fils et l’Esprit étant inséparables, ce dernier ne peut être absent de l’œuvre de Création. Il est continûment présent à la Création du monde, comme, depuis la Pentecôte, il est présent à la vie de l’Église, sacrement du monde nouveau.

La mention de l’Esprit Saint à ce moment de la Prière Eucharistique est une invitation à ne pas séparer Création et Salut, comme si la première était l’œuvre du Père, seul, ou, pire encore, d’un Dieu impersonnel. L’unité entre la Création et le Salut était un des thèmes chers au pape Benoît XVI. Sur cette unité s’appuie la possibilité d’un dialogue entre la raison et la foi.

L’Esprit du Christ


L’Esprit Saint est mentionné après le « Fils, Jésus Christ, notre Seigneur ». Cet ordre est normal, puisque c’est le Christ qui révèle et transmet l’Esprit. Mais, plus qu’une succession, il faut voir la
« complicité » qui les unit. Le mot « complicité » a pris une couleur criminelle. Mais il est beau de l’entendre dans son sens primitif : le Christ et l’Esprit sont unis dans la même œuvre.

Le prophète Isaïe avait promis que l’Esprit du Seigneur reposerait sur le Messie, le Christ (11, 2 ; 61, 1). Effectivement, lors du Baptême, l’Esprit se manifeste sous la forme d’une colombe : une colombe, comme après le déluge, quand Dieu confirme sa volonté créatrice. Immédiatement après, dit saint Marc, l’Esprit emmène Jésus au désert pour l’épreuve de la Tentation. Un chant de Carême nous le rappelle :

Seigneur, avec toi, nous irons au désert,
poussés comme toi par l’Esprit.

Après sa victoire sur le Tentateur, « Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit » (Luc 4, 14) et, dans saint Matthieu, Jésus lui-même rétorque aux sceptiques : « C’est par l’Esprit de Dieu que j’expulse les démons » (12, 28).

Une remarque au passage : dans le récit parallèle de saint Luc (11, 20), Jésus dit que c’est « par le doigt de Dieu » qu’il expulse les démons. C’est ainsi que, dans le Veni Creator, l’Esprit Saint est appelé le
« doigt de la droite du Père », digitus paternae dexterae.

Dans saint Jean aussi, l’Esprit et le Christ sont intimement liés. À son Envoyé (c’est un des noms de Jésus dans saint Jean), « Dieu donne l’Esprit sans mesure » (3, 34) ; il le marque de son sceau (6, 27).

Les quatre évangélistes, chacun à sa façon, associent étroitement Jésus et l’Esprit Saint. Saint Paul, dans l’épître aux Romains, nous permet d’aller plus loin, si l’on peut dire, en se référant à la résurrection. Dans l’exorde solennelle de l’épître, il parle du « descendant de David », qui, « selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu, par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur » (1, 3-4). Le lien entre la Seigneurie du Christ, la résurrection d’entre les morts et l’Esprit Saint se retrouve en Romains 8, 10-11, 39.

Il n’est donc pas étonnant que la Prière III nomme l’Esprit Saint après avoir décliné le titre complet de Jésus comme « Christ » et comme « Seigneur ». C’est la finale du discours de Pierre à la Pentecôte : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Actes 2, 36).

La puissance de l’Esprit


Ordinairement, la puissance est attribuée au Père
« Tout-Puissant ». Il faut un peu de culture biblique pour comprendre que, dès l’Ancien Testament, la toute-puissance n’est pas à confondre avec la tyrannie et l’arbitraire. Dieu manifeste sa puissance en libérant son Peuple de l’esclavage, en le sauvant. La collecte du 26ème dimanche du Temps ordinaire est profondément biblique en disant que Dieu
« donne la preuve suprême de sa puissance lorsqu’il patiente et prend pitié ».

Dans le texte de Luc 4, 14, déjà cité, la puissance est attribuée à l’Esprit. De même, si Jésus est capable d’expulser les démons par l’Esprit de Dieu, c’est bien parce que l’Esprit est puissant : le contexte de Matthieu 12, 28 est celui d’une épreuve de force.

Dans les évangiles, les paroles sur l’Esprit Saint ne sont pas innombrables. Mais, quand Jésus promet sa venue, c’est toujours dans la perspective des combats que ses disciples auront à mener jusqu’à la fin des temps. L’Esprit Saint est le Paraclet, le Défenseur. Parmi ses dons, figure la force
(Isaïe 11, 2).

La résurrection du Christ, œuvre trinitaire et donc œuvre de l’Esprit Saint, est le signe précurseur et prometteur de la résurrection finale : Dieu y mettra en œuvre toute sa puissance. L’Eucharistie est le gage de cette victoire définitive.
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Message par jaimedieu Ven 20 Mar 2015 - 22:52

La Prière Eucharistique (12)

"... afin qu'il t'offre, partout dans le monde, une offrande pure"

Mgr Jacques Perrier

« … afin qu’il t’offre, partout dans le monde, une offrande pure »

Après avoir nommé le Christ et l’Esprit Saint, la Prière III continue : « et tu ne cesses de rassembler ton peuple, afin qu’il te présente partout dans le monde une offrande pure. »

Le texte latin dit : « du lever au coucher du soleil », a solis ortu usque ad occasum. La terre étant considérée comme plate, le lever et le coucher du soleil ne désignent pas seulement l’aube et le crépuscule, mais toute la surface de la terre que le soleil éclaire, de la direction d’où on le voit surgir jusqu’à celle où il disparaît. Comme dit le psaume :

Le Dieu des dieux, le Seigneur, parle et convoque la terre
Du soleil levant jusqu’au soleil couchant

(Psaume 50-51, 2)

Dans le premier paragraphe de la Prière III qui suit le Sanctus, l’horizon est donc toujours aussi large : « Dieu de l’univers », « toute la création », « toutes choses » et, maintenant, « partout dans le monde ». Mais il ne s’agit plus de ce que Dieu a créé dans les cinq premiers jours (Genèse 1, 1-23), ni même « des bêtes et des bestiaux » du sixième jour. Il s’agit désormais d’un « peuple ».

C’est Dieu qui constitue le peuple

Ce peuple n’est plus seulement le peuple d’Israël : c’est un peuple qui habite partout dans le monde. Mais il a en commun avec le peuple d’Israël d’être rassemblé par Dieu et pour Dieu. En rigueur de termes, c’est ce que dit le texte de la Prière III :
« Tu ne cesses de te rassembler un peuple »

Le peuple d’Israël n’existe que par l’élection de Dieu. Par lui-même, il ne présente rien de remarquable, au contraire. Dieu le constitue en libérant les Hébreux de l’esclavage qu’ils subissaient en Égypte. A ce peuple, Dieu donne un chef, Moïse, et une Loi. Il lui promet une Terre. Sur cette Terre, le peuple rendra un culte au Seigneur, à l’écart des peuples païens et de leurs divinités. Les prophètes sont envoyés pour rappeler au peuple, et au roi en premier, cette vocation. Mais les prophètes ne sont pas entendus et le peuple est dispersé. Du moins, l’appel demeure de se rassembler à Jérusalem pour les fêtes de pèlerinage. Dans l’attente du rassemblement dernier.

Le peuple qu’est l’Église n’a pas les mêmes caractéristiques.

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres… Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares selon le lot échu à chacun… Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés… Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère.

(Épître à Diognète, chapitre 5)

Dans ces conditions, comment l’Église est-elle un
« peuple », comment est-elle réunie ? Comme Israël, par l’élection, par l’appel. Le mot « Église » lui-même, d’origine grecque, vient du verbe qui signifie
« appeler ».

Le Christ appelle la foule des hommes de parmi les Juifs et de parmi les Gentils (les nations païennes), pour former un tout, non selon la chair mais dans l’Esprit, et devenir le nouveau peuple de Dieu.

()Vatican II, Constitution sur l’Église, n° 9

Il a parlé par les prophètes

Déjà les prophètes et les psaumes entrevoyaient cet élargissement. Il ne s’agirait plus de païens qui, se convertissant au judaïsme, monteraient à Jérusalem, mais de « serviteurs du Seigneur » qui, partout dans le monde, loueraient le Seigneur.

"Louez, serviteur du Seigneur,
Louez le nom du seigneur !
Du lever au coucher du soleil,
Loué soit le nom du Seigneur !"

(Psaume 112-113, 1-3)

Isaïe voit le temps où « l’Égypte avec l’Assyrie servira le Seigneur » : l’Égypte et l’Assyrie, les deux grands ennemis d’Israël, qui l’enserrent au sud et au nord. « Il y aura un autel pour le Seigneur au centre du pays d’Égypte » (Isaïe 19, 19, 25). On
« proclamera sa louange dans les îles », c’est-à-dire dans des pays perdus (Isaïe 42, 12).

Les rédacteurs de la Prière III avaient, sans doute, en tête un verset de Sophonie (3, 9) :

"Alors, je rendrai pures les lèvres des peuples
Pour que tous invoquent le nom du Seigneur
Et, d’un même geste, le servent."

En tout cas, ils pensaient certainement à Malachie qui, dans les Bibles, est le dernier livre avant le Nouveau Testament. Les termes sont exactement les mêmes, dans la traduction latine de la Bible et dans l’original (latin) de la Prière III :

"Du levant au couchant du soleil,
Mon nom est grand parmi les nations.
En tout lieu, on brûle de l’encens pour mon nom
Et on présente une offrande pure,
Car mon nom est grand parmi les nations,
Dit le Seigneur de l’univers.


(Malachie 1, 11)

Trois observations pour terminer : la « pureté » est mentionnée, tant par Sophonie que par Malachie ; les prières liturgiques sont fortement bibliques ; l’Eucharistie accomplit la vision des prophètes.
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Message par jaimedieu Sam 28 Mar 2015 - 13:23

Mgr Jacques Perrier

ROME, 27 mars 2015 (Zenit.org)
La Prière Eucharistique (13) : « La nuit même où il fut livré… »

Le Jeudi saint, le prêtre ajoute : « c’est-à-dire aujourd’hui ». A l’intention de ceux qui lisent cette chronique au moment où elle paraît, j’anticipe dans la lecture de la Prière III pour être en phase avec la Semaine Sainte. Je reviendrai en arrière dans la prochaine chronique.

Eucharistie et Passion, intimement liées


En latin, les termes de la Prière sont ceux-là mêmes de la 1ère épître de saint Paul aux Corinthiens : « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré… » (I Corinthiens 11, 23). Le français a précisé « la nuit même » pour ceux qui n’auraient pas bien compris. Saint Matthieu et saint Marc sont aussi clairs : « Après avoir chanté les psaumes… » qui accompagnent le repas pascal, « ils partirent pour le Mont des Oliviers ». Saint Luc rapporte, après le repas, un dialogue avec les apôtres et enchaîne : « Jésus sortit pour se rendre, selon son habitude, au mont des Oliviers… »

L’intention de tous ces auteurs est donc bien nette : l’institution de l’Eucharistie et la Passion sont liées. Chronologiquement, à coup sûr. Mais logiquement ? Si la liturgie rappelle cette notation chronologique, c’est pour manifester le lien qui unit, à tout jamais, l’Eucharistie et la Passion. Qui dit « Passion » dit la Mort et la Résurrection du Seigneur : « élevé » sur la Croix, comme dit saint Jean, le Christ est déjà victorieux.

Presque toutes les Prières eucharistiques ont une formule analogue pour introduire le récit de l’institution. « La veille de sa Passion… », dit le Canon romain. La Prière II reprend les mots de la Tradition apostolique : « Au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion… », traduction d’une expression latine encore plus paradoxale dans sa brièveté (Qui cum Passioni voluntarie traderetur…)

Comme pour l’entrée triomphale à Jérusalem le jour des « Rameaux », Jésus a organisé ce repas qu’il prend avec les apôtres, « les Douze », précise saint Matthieu. Y compris Judas, au moins au début, car, au cours du repas, « il sortit ; c’était la nuit ». Dans les deux cas, Jésus associe les disciples à la préparation de l’événement : « Allez au village… » ; « Allez à la ville, chez un tel… » Il avait fait de même quand il avait fallu nourrir la foule : il avait envoyé les disciples recueillir ce qu’ils pouvaient. La collecte avait d’ailleurs été maigre.

L’annonce de sa Pâque


Lors de la Cène, Jésus a-t-il suivi intégralement le rituel du repas pascal ? Dans les récits, il n’est pas question de l’agneau. Jésus, mis à mort le lendemain, est le véritable Agneau pascal. Inversement, saint Luc signale une première coupe, avec une parole sur la venue du Royaume, comme dans le repas pascal juif, dans l’attente des derniers temps. Le chant des psaumes, lui aussi, correspond bien à un repas pascal.

Quoiqu’il en soit du rituel exact, nous sommes dans l’ambiance de la Pâque : « Mon temps est proche ; je veux célébrer la Pâque avec mes disciples. »

Chaque année, en célébrant le repas pascal, les Juifs font mémoire de leur libération d’Egypte. Dans la nourriture même qui se trouve sur la table, chaque élément rappelle symboliquement cette histoire. Le plus jeune enfant de la famille interroge le père pour avoir le sens de ce repas exceptionnel.

Jésus, par sa mort et sa résurrection, opère, au bénéfice de toute l’humanité, la libération du péché. L’Eucharistie en est le mémorial : nous reviendrons sur ce mot dans une autre chronique.

Ses adversaires reprochaient à Jésus de manger et de boire, contrairement à Jean-Baptiste. De fait, les repas sont nombreux dans les récits évangéliques. Ils n’ont pas tous une dimension pascale. Mais le repas du Jeudi saint, et donc l’Eucharistie, n’a aucun sens en dehors de la Passion. Le corps est « livré » ; le sang est « versé ». La désaffection des chrétiens par rapport à l’Eucharistie a peut-être, entre autres causes, le désir inconscient d’oublier la Passion.

A trois reprises, Jésus avait annoncé aux apôtres sa Passion. Les disciples avaient pu constater que l’hostilité montait. Ils voulaient le dissuader de monter à Jérusalem : « Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider et tu y retournes ? » (Jean 11, 8). Le soir même du Jeudi saint, dans saint Jean, Jésus explique le sens de ce qu’il vient de faire en lavant les pieds de ses disciples : « Je vous dis ces choses dès maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez que, moi, Je suis » (Jean 13, 19).

A partir du moment où Jésus sera arrêté, il sera happé par la mécanique de la violence. Il sera comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir (Isaïe 53, 7). Dans ce repas dont il prend l’initiative et par les paroles qui accompagnent le don de son corps et de son sang, il manifeste la liberté de son offrande. Il manifeste qu’il est Amour. Il ne se suicide pas mais il se livre.

Et dans Saint Jean ?


Les récits des trois évangiles synoptiques et de saint Paul (le premier à avoir été mis par écrit) rejoignent le Quatrième évangile. Saint Jean ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie, amplement évoquée dans le Discours sur le Pain de Vie (chapitre 6). Mais le prologue du Lavement des pieds convient parfaitement à l’institution de l’Eucharistie. « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jean 13, 1) J’aime mieux dire : « … mit le comble à son amour. »

« Au cours du repas », continue saint Jean, il lave les pieds de ses disciples : « scandale pour les Juifs », et pour Pierre le tout premier ; « folie pour les païens », que nous sommes encore. « Scandale » et « folie », ce sont les termes que saint Paul emploie dans la Première épître aux Corinthiens, déjà citée.

Le lavement des pieds a d’autant plus de relief que, chez saint Jean, le Christ, même dans la Passion, reste souverain. Par le geste de la veille au soir, il montre que la souveraineté est dans le service, librement consenti avec son Père. L’Eucharistie ne dit pas autre chose.
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Message par jaimedieu Dim 5 Avr 2015 - 8:29

La Prière Eucharistique (14)
"... cette offrande vivante..."

Mgr Jacques Perrier


Puisque cette chronique doit paraître au temps de Pâques, lisons aujourd’hui la Prière Eucharistique III dans la lumière de la Résurrection.

Nous proclamons sa mort, nous célébrons sa résurrection

Apparemment, l’eucharistie nous renvoie plutôt à la mort du Christ : le corps est « livré » ; le sang est « versé ». Jésus se donne aux convives de la dernière Cène pour manifester que sa mort ne sera, ni un suicide, ni une fatalité. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. » Mais le Jeudi Saint est inséparable du Vendredi. L’offrande est un « sacrifice », dit le texte latin de la Prière.

Mais ce sacrifice est « vivant ». Jésus est vivant. « J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1, 18) : parole d’autant plus importante pour l’Eucharistie qu’elle est prononcée « le jour du Seigneur », un dimanche.

Jésus ressuscité, quand il apparaît à ses disciples, rompt de nouveau le pain. A Emmaüs, « quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. »

Ce sont les quatre mots de la multiplication des pains, suivie, dans Saint Jean, par le Discours sur le Pain de vie. Le Discours s’achève par l’annonce de l’Eucharistie. « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » Dès maintenant, « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » et, « au dernier jour, je le ressusciterai » (Jean 6, 51, 54). Ce n’est pas un mort qui pourrait communiquer la vie.

Dans la Première épître aux Corinthiens, saint Paul, quand il rappelle l’institution de l’Eucharistie, termine en disant : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne »
(1 Corinthiens 11, 26). Certes, nous proclamons sa mort. Mais « jusqu’à ce qu’il vienne » : s’il peut venir, c’est qu’il est vivant.

L’anamnèse qui suit la consécration, dans sa première formule, est, sans doute, inspirée de saint Paul :

Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus

Nous célébrons ta résurrection,

Nous attendons ta venue dans la gloire.

Entre sa mort et sa venue, nous célébrons sa résurrection.

Un peu plus haut dans la même épître, saint Paul parle de la communion au sang et au corps du Christ (1 Corinthiens 10, 16). Il ne nous propose certainement pas de communier à un cadavre.

Dans le judaïsme, il faut respecter les morts, les enterrer dignement : c’est une œuvre de miséricorde et Jésus a approuvé la femme qui, en vue de son ensevelissement, a répandu sur son corps un parfum de grand prix (Marc 14, 8). Mais le désir de communiquer avec les morts est considéré comme diabolique. Saül a eu tort de vouloir faire apparaître le spectre de Samuel : c’est le dernier acte qu’il accomplit avant de se donner la mort (1 Samuel 28 ; 31).

Les chrétiens ont toujours célébré l’Eucharistie le 8ème jour, le « Jour du Seigneur », équivalent du mot « dimanche », héritier du latin. « Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre », disaient les martyrs d’Abitène lors de la persécution de 304.

Notre situation de chrétiens

Mais un esprit, simplement soucieux de non-contradiction, demandera : à la Messe, est-ce que nous nous rappelons que Jésus a donné sa vie pour nous, que c’est une magnifique preuve d’amour, un exemple à imiter comme le lavement des pieds (Jean 13, 15) ?

Ou bien, est-ce que nous appelés à nous réjouir parce que « ils sont finis, les jours de la Passion », comme dit la bénédiction solennelle du jour de Pâques ? Entre la mort et la résurrection, il faut choisir ! « Le jour du Seigneur (le dimanche), le jour de la Résurrection, le jour des chrétiens, est notre jour », disait saint Jérôme. Cette phrase est citée dans le Catéchisme de l’Église catholique (n° 1166).

La Résurrection n’annule pas la Croix. Elle n’est pas la revanche de la Croix, mais son fruit. C’est pourquoi saint Jean pouvait les réunir toutes deux en un seul mot : « élévation ». Le Christ ressuscité montre ses plaies. L’Agneau de l’Apocalypse (5, 6) est « debout, comme égorgé ».

Justement parce que Jésus est ressuscité, le don qu’il fit de sa vie est devenu éternel. Éternel, c’est-à-dire contemporain de tous les temps.

Le soir de la Cène, Pierre prétend que « même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas ». On sait ce qui est arrivé. Avant que Jésus ne soit ressuscité et que l’Esprit-Saint ne soit venu, Pierre ne peut pas tenir sa promesse. Les martyrs chrétien suivent le Christ dans sa mort, parce qu’ils sont entraînés par le dynamisme de sa résurrection et l’espérance de la Jérusalem céleste.

Telle est la condition du chrétien : déjà ressuscité avec le Christ et, sans cesse, en lutte contre le Mal. Le processus du baptême n’est jamais achevé, bien que nous ayons déjà reçu les arrhes du salut.

Telle est la condition de l’Église : déjà sainte et encore en pèlerinage.

Le Christ ressuscité est présent, tant sous le signe du pain que sous celui du vin. Mais la distinction des deux signes est traditionnellement interprétée comme la marque de sa mort. Il est mort au péché une fois pour toutes, mais saint Paul n’hésite pas à dire : « Ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église » (Colossiens 1, 24).

Dans l’eucharistie, l’offrande est vivante, parce que le Christ est ressuscité. Elle est même vivifiante, à condition que nous le suivions sur son chemin de croix.
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Message par jaimedieu Sam 18 Avr 2015 - 23:13

Dimanche 19 Avril 2015

Psaume 4
Le cri du Réfugié
Le psaume :

Quand je crie, réponds-moi,
Dieu, ma justice !
Toi qui me libères dans la détresse,
pitié pour moi, écoute ma prière !

Sachez que le Seigneur a mis à part son fidèle,
le Seigneur entend quand je crie vers lui.
Beaucoup demandent : « Qui nous fera voir le bonheur ? »
Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage !

Dans la paix moi aussi,
je me couche et je dors,
car tu me donnes d’habiter, Seigneur,
seul, dans la confiance.

Le commentaire :


Ce psaume du début du psautier est très intéressant ! Il est bref (9 versets) et la liturgie de ce dimanche pascal utilise trois versets. C’est d’abord la supplique au Seigneur d’un réfugié qui a droit d’asile dans le Temple de Dieu. C’était une réalité de toutes les religions et en particulier de l’histoire du peuple d’Israël. Et c’est encore actuel.

Cette détresse du réfugié est une relecture de la vie de Jésus Christ, le Juste et Serviteur, qui a été « livré » « rejeté » « tué à la place d’un meurtrier » et « glorifié » par son Père « qui l’a ressuscité d’entre les morts ». Ce psaume est bien situé après le passage des Actes des apôtres, où Pierre, prenant la parole dans le Temple même, après une guérison d’un infirme, geste très choquant, proclame et annonce de façon éclatante la personne du Seigneur Ressuscité. Il est le témoin dont les yeux et le cœur sont encore pleins des rencontres merveilleuses du Ressuscité. Il a vraiment mangé avec lui. Luc nous le raconte.

Nous, disciples d’aujourd’hui, nous refaisons le même chemin et le psaume nous y aide. La présence du Ressuscité dans nos vies n’est pas évidente. Alors, nous crions vers lui. Comme Jésus raillé en croix, nous subissons les questions et les objections diverses de nos contemporains ; « Qui nous fera voir le bonheur ? » Mais peu à peu « le visage de Jésus s’illumine » et vient la paix : « La paix soit avec vous ! » Le sommeil peut nous gagner. Ce psaume est aussi un psaume qui est prié avant le sommeil dans les monastères et les communautés (Complies). Le soir, qui commence la journée selon le récit de la Genèse et la tradition juive, est aussi une annonce de Résurrection.

Père BABEL sm
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Message par jaimedieu Sam 18 Avr 2015 - 23:16

Désolée....erreur sur le post précédent... Embarassed

La Prière Eucharistique 15
« Cest pourquoi nous te supplions »

Rome, 10 avril 2015 (Zenit.org) Mgr Jacques Perrier |

Reprenons la Prière III dans l’ordre. Les chroniques 10 à 12 commentaient le paragraphe qui suit immédiatement le Sanctus. Que dit-il ? La prière est trinitaire. Elle part de la Création qui n’est pas chose profane puisque Dieu, non seulement lui donne la vie, mais la sanctifie. De la Création, la prière passe au Peuple de Dieu répandu dans tout l’univers : la vocation de l’humanité est d’être le sacerdoce de l’humanité pour rendre gloire à Dieu, pour lui offrir le sacrifice d’action de grâce, une « offrande pure ».

Mais comment des pécheurs pourraient-ils présenter une « offrande pure » ?

Continuité et mouvement


Ici commence le deuxième paragraphe. Il est vigoureusement relié au premier : « C’est pourquoi », ergo dit le latin, toujours économe en nombre de syllabes.

Par certains côtés, le deuxième paragraphe ressemble au premier. Lui aussi est trinitaire. Lui aussi parle de « sanctifier » les offrandes, comme il était dit, dans le premier paragraphe, que Dieu « sanctifie toutes choses ». Le Père sanctifie par Celui qui est la sanctification personnifiée, l’Esprit Saint. Le latin, économe, mais précis, spécifie que Dieu sanctifie les offrandes par « le même » Esprit qui est à l’œuvre dans la sanctification de toute créature. Nous trouvons aussi dans les deux paragraphes la même manière, la plus solennelle qui soit, de désigner Jésus : « ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. »

Ces observations n’ont-elles qu’un intérêt grammatical, stylistique ? Si c’était le cas, elles n’auraient pas leur place dans ces petites chroniques qui visent seulement à mieux entrer dans le mouvement de la Prière III, et, indirectement, dans celui de toutes les Prières Eucharistiques. La similitude des deux paragraphes montre que, de la part de Dieu, l’oeuvre de Création et l’œuvre de salut ne font qu’un (voir la chronique n° 10).

Mais, puisqu’il a été question du « mouvement » de la Prière Eucharistique, le paragraphe que nous lisons aujourd’hui doit nous faire avancer par rapport au précédent. Car la Prière III obéit à la logique occidentale : contrairement à l’Écriture et aux liturgies orientales, la liturgie latine, surtout après le concile Vatican II, n’aime pas les répétitions. Si une chose a été dite, inutile d’y revenir.

Des offrandes à l’offrande

Le premier paragraphe (« Tu es vraiment saint… ») continuait dans le style de la Préface, en énonçant les merveilles de Dieu : la Création et le rassemblement d’un peuple sacerdotal. Le deuxième paragraphe est une demande : « Nous te supplions… » En effet, nous n’avons pas répondu à la question : « Comment des pécheurs pourraient-ils offrir une offrande pure ? » La réponse, c’est que l’offrande sera celle du Seigneur Jésus lui-même. Nous avons apporté « des offrandes » pour qu’elle devienne « une offrande pure » : le texte passe du pluriel au singulier. « Les offrandes », c’est toute la diversité de l’assemblée qui est réunie. « L’offrande », c’est le Christ, l’Unique, en qui nous sommes un.

En latin, d’ailleurs, ce n’est pas le même mot qui est employé. Munera pour les offrandes ; c’est un mot qui n’est pas très différent de « cadeau » ; on le retrouve dans « munificence ». Oblatio est un terme proprement religieux. Il est employé, par exemple, assez souvent, dans la traduction latine de l’épître aux Hébreux : « Nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes » (Hébreux 10, 10).

Pour que nous puissions présenter au Père l’offrande pure et unique qu’est le sacrifice de son Fils, il ne suffit pas que les offrandes soient bénies ou sanctifiées comme l’est toute la Création. Ils faut qu’elles soient « consacrées » et deviennent le corps et le sang du Christ. Le réalisme et l’actualité de l’offrande qui est celle-là même du Christ exige la présence « réelle » de son corps et de son sang.

Sur ordre


« Nous te supplions », dit la prière, car la demande que nous adressons au Père est follement audacieuse. Nous ne pouvons d’ailleurs la formuler qu’en revendiquant un ordre du Seigneur Jésus : c’est lui « qui nous a dit de célébrer ce mystère ». Il nous en a donné le « mandat », mandatum : c’est à la fois un signe de confiance, une mission et un ordre.

Le choix de ce mot, mandatum, n’est pas sans importance. Il nous renvoie à la cérémonie du lavement des pieds, le Jeudi saint. Après avoir repris son vêtement, Jésus dit à ses disciples : « Je vous donne un commandement (mandatum, dit la traduction latine) nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 13 , 34). Pour cette raison, le rite du lavement des pieds était appelé « le Mandatum ».

Ce n’est peut-être pas par hasard que les rédacteurs de la Prière III ont choisi ce mot. Ils voulaient sans doute établir le lien entre les deux moments de la Dernière Cène : le lavement des pieds et l’institution de l’Eucharistie. Comment le Christ a-t-il aimé ? En livrant son corps, en versant son sang. Telle est la norme de l'amour que Jésus nous demande de pratiquer.

Avant la récitation du Notre Père, le prêtre dira : « Comme nous l’avons appris du Seigneur et selon son commandement, nous osons dire : … » Dans cette monition, nous retrouvons l’audace et le commandement. Comme pour l’Eucharistie. De nouveau, ce n’est, sans doute, pas par hasard.

Pour que le pain et le vin soient consacrés, l’Esprit Saint est invoqué, « appelé ». Tl est le sens du mot qui désigne cette partie de la Prière : « épiclèse ». Ce sera le thème de la prochaine chronique.
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Message par jaimedieu Sam 18 Avr 2015 - 23:18

La Prière eucharistique III (16)
"...sanctifie-les par ton Esprit..."

Rome, 17 avril 2015 (Zenit.org) Mgr Jacques Perrier |


Une des caractéristiques des Prières issues de la réforme liturgique est de nommer explicitement l’Esprit Saint. C’est une nouveauté par rapport au Canon romain, la Prière I : Le Saint-Esprit n’apparaissait que dans la doxologie finale. Etait-il absent pour autant ? Nous y reviendrons.

Dans la Prière III, « l’Esprit Saint », le « Saint-Esprit » ou, simplement, « l’esprit » (avec une minuscule dans les livres de Messe) est nommé à six reprises : la place de l’Esprit Saint dans la Prière III est particulièrement soulignée.

L’Esprit Saint et l’imposition des mains

Avec, comme attribut, la puissance, l’Esprit Saint donne la vie et sanctifie toute créature, est-il dit dans le premier paragraphe de la Prière après le Sanctus. Maintenant, le prêtre demande au Père de sanctifier les offrandes par son Esprit, pour qu’elles deviennent le corps et le sang du Christ.

Tandis qu’il prononce ces mots, le prêtre tend les mains au-dessus des offrandes. En termes liturgiques, il « impose les mains ». Ce geste rappelle celui que Jésus accomplit bien des fois sur les malades, « avec la puissance de l’Esprit » (Luc 4, 14). L’Eglise naissante a repris ce geste. Dans les récits des Actes des Apôtres, il est presque toujours associé au don de l’Esprit Saint, à une consécration.

Les apôtres imposent les mains sur ceux qui deviendront les premiers « diacres ». Pierre et Jean imposent les mains sur les Samaritains, Paul sur les Ephésiens et, dans les deux cas, l’Esprit Saint est donné. De même, Ananie a imposé les mains sur Paul juste après sa vision sur le chemin de Damas, avec ces mots : « Sois rempli de l’Esprit Saint ». Quand Barnabé et Paul sont « laissés à leur mission », à la demande de l’Esprit Saint, les prophètes et les docteurs leur imposent les mains. Le récit continue : « Eux donc, envoyés en mission par le Saint Esprit… » Quant à Timothée, il a reçu le « charisme » de la succession apostolique par l’imposition des mains.

Aujourd’hui encore, l’imposition des mains est le rite majeur de l’ordination des évêques, des prêtres et des diacres. Dans les trois cas, la prière qui suit demande à Dieu de répandre ou d’envoyer l’Esprit Saint sur ceux qui sont consacrés comme évêques, prêtres ou diacres. De même, c’est l’imposition des mains qui est le rite central de la confirmation, sacrement particulièrement lié au don de l’Esprit.

Cette suite de remarques a deux buts. Tout d’abord, souligner l’importance, dans la liturgie, des gestes et des attitudes : celui de l’imposition des mains est un des plus fortement enracinés dans la tradition. D’autre part, suggérer que le Canon romain n’avait pas oublié l’Esprit Saint, même s’il ne le nommait pas. La dernière phrase avant la consécration demande au Père de sanctifier les offrandes par la puissance de sa bénédiction. Comme vous l’avez déjà noté, le mot « puissance » est souvent associé à l’Esprit Saint. Tandis qu’il prononce ces paroles, le prêtre impose les mains sur les offrandes. Les mots n’y sont pas, mais c’est la même foi qui s’exprime.

« … pour qu’elles deviennent… »

L’invocation de l’Esprit Saint, à ce moment de la Prière eucharistique, s’appelle « épiclèse » dans la langue liturgique : c’est l’équivalent, en grec, de « l’invocation », en latin.

L’emploi d’un mot grec n’est pas sans intérêt. Car les liturgies orientales accordent encore plus d’importance - ou, au moins, autant d’importance - à l’invocation de l’Esprit Saint qu’au récit de l’institution dans la célébration eucharistique.

De plus, c’est au Père que le prêtre demande d’envoyer l’Esprit Saint. Même si, comme dit le Credo, l’Esprit Saint procède du Père et du Fils, c’est bien le Père qui est la source absolument première. C’est donc à lui, en tout premier, qu’il convient de demander l’envoi de l’Esprit. Les Orientaux tiennent fermement cette affirmation. Sur ces deux points, les Prières eucharistiques récentes sont donc, indirectement, des actes œcuméniques.

A ce moment de l’action eucharistique (car la célébration n’est pas seulement une récitation de paroles et l’exécution de certains gestes : c’est une action, comme nous le verrons plus tard), l’invocation de l’Esprit évoque l’Annonciation. Quand Marie pose la question « comment cela se fera-t-il ? », l’ange répond : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance (encore la puissance !) du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35).

La mission de Marie est identique à celle de l’Esprit Saint : former le Christ, donner corps (et pas seulement chair) au Fils de Dieu. C’est par l’Esprit Saint que Marie conçoit Jésus : l’enfant à naître est donc saint dès l’origine. De même, si l’Esprit Saint vient sur le pain et le vin, ils ne sont plus de simples symboles, repris pour une mise en scène émouvante. Ils deviennent des réalités infiniment saintes.

Dans le Credo, nous disons que l’Esprit Saint a parlé par les prophètes. Les prophètes, en leur temps, sont intervenus pour rappeler les promesses, inviter à vivre selon les exigences de l’Alliance et donner le sens des événements qui se déroulaient. Mais leur message pointait vers un avenir, la venue du Messie. Ils lui donnaient un nom : Emmanuel. Ils lui donnaient des traits apparemment contradictoires : il serait roi et serviteur. Le Mal ne l’emporterait pas sur lui.

Jésus n’est pas le portrait-robot du Messie, tel que les prophètes l’auraient dessiné. Il est trop surprenant pour correspondre à quelque portrait que ce soit. De même, d’ailleurs, aujourd’hui. Mais les prophètes ont mené au Christ. Ils ont orienté l’espérance des « pauvres du Seigneur », Marie, Joseph, Elisabeth, Zacharie, Syméon et la « prophétesse » Anne.

Dans un itinéraire de conversion, c’est l’Esprit Saint qui conduit les chercheurs de Dieu à reconnaître la Vérité en Jésus-Christ. Par l’Esprit, invoqué juste avant la consécration, les paroles de Jésus redites par son ministre vont nous donner sa présence vivante.

C’est par l’Esprit Saint que le Père nous donne son Fils. C’est aussi par l’Esprit Saint que le Père nous fait devenir ses enfants. Au long de la Prière III, nous retrouverons l’Esprit Saint et nous constaterons qu’il ne faut pas être trop simpliste quand on parle de lui : il est discret mais il joue bien des rôles…
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Message par jaimedieu Sam 25 Avr 2015 - 21:59

La Prière eucharistique III: le mystère
« Notre Seigneur nous a dit de célébrer ce mystère »

Mgr Jacques Perrier

ROME, 24 avril 2015 (Zenit.org) - Juste avant le récit de la dernière Cène, la Prière III rappelle que c’est « notre Seigneur qui nous a dit de célébrer ce mystère ». Après la consécration, le prêtre lance l’anamnèse (nous en parlerons plus tard) par ces mots : « Il est grand, le mystère de la foi ».

Comme d’habitude, le texte français n’est pas tout-à-fait la transposition du latin. Dans l’original, la première fois, le mot « mystère » est employé au pluriel : « célébrer ces mystères ». La seconde fois, la formule est on ne peut plus concise : « Mystère de la foi », mysterium fidei.

Les mystères

Le pluriel, « les mystères », est peut-être un signal en direction de l’Orient chrétien. En effet, parmi tous les noms désignant l’Eucharistie, les Orientaux aiment bien celui-ci : « les mystères » ou « les saints mystères ».

Dans le Missel romain, le prêtre dit, avant de communier : « Que cette communion à ton corps et à ton sang n’entraîne pour moi ni jugement, ni condamnation… ». La liturgie orientale a une formule similaire, mais avec le mot qui nous intéresse ici : « Que la participation à tes saints mystères ne me soit, ni jugement, ni condamnation. »

Si « mystère » est plus en faveur chez les Grecs, il n’est pas ignoré des Latins. Chez saint Ambroise, il est l’équivalent de « sacrement ». Le grand évêque de Milan, qui baptisa saint Augustin, écrivit deux traités, très semblables : Des mystères et Des sacrements. Il y parle surtout du baptême et de l’Eucharistie.

Dans un sermon pour le jour de Pâques, saint Augustin déclare : « Nous irons à la sainte Eglise. Nous participerons à la table des mystères de Dieu. » Il s’agit, évidemment, de l’Eucharistie. Ces « mystères » n’ont rien à voir avec ceux que les policiers ont à élucider.

Dans la langue chrétienne occidentale, les « mystères » désignent aussi les différents moments de la vie du Christ. Chacun d’eux est porteur d’une révélation et d’une grâce, toujours actuelles puisque le Christ est ressuscité. C’est ainsi que le rosaire propose de méditer vingt « mystères » : joyeux, lumineux, douloureux, glorieux. Cette remarque n’a pas pour but de recommander la récitation du chapelet pendant la Messe. Mais elle suggère que l’Eucharistie récapitule toute l’existence du Christ, dont l’amour pour nous culmine dans le sacrifice de la Croix.

Mystère de la foi


Les deux mots, mysterium fidei, étaient autrefois inclus dans les paroles du Christ pour la consécration du vin. Nul ne sait comment ils étaient arrivés là. Ils pouvaient être compris dans un sens assez restreint : la consécration du pain et du vin en corps et Sang du Christ, alors qu’apparemment rien n’a changé, est un défi à la raison raisonnante, que seule la foi peut relever. Mais ce serait porter le regard sur le seul aspect miraculeux de la consécration.

Dans son commentaire très savant sur la « Messe romaine » (1953), le Père Jungmann avait trouvé cette belle formule : « Le calice de la Nouvelle alliance est le Saint des Saints de notre foi. »

L’expression « mystère de la foi » se trouve une fois, telle quelle, dans la 1ère à Timothée 3, 9. Dans les évangiles, il est question du Mystère du Royaume : il est donné aux disciples de le connaître. Le mot revient plusieurs fois chez saint Paul, en différentes épîtres. Le « Mystère » est toujours lié à l’idée de « révélation » ou « d’annonce ». Le Mystère était caché dans l’éternité de Dieu. Mais, aujourd’hui, il est révélé et il doit être annoncé, parce qu’il est bonne nouvelle.

En quoi consiste le Mystère ? En ce que les païens sont admis au même héritage qu’Israël. Désormais, ils sont concitoyens des saints. Ils font partie de la maison de Dieu. Ils ne sont plus des étrangers, sans espérance ni Dieu en ce monde. Eux qui étaient loin sont devenus proches. Désormais, n’existe plus qu’un seul Corps. Cet « Homme nouveau » est né de la Croix du Christ, car « en sa chair, il a tué la Haine » (2, 15-16).

Le même thème est repris dans l’épître aux Colossiens (1, 27), avec un cri de joie et d’admiration : « Dieu a bien voulu faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous ! l’espérance de la gloire ! » Cette exclamation fait penser à notre acclamation liturgique, dans sa traduction française qui, pour n’être pas littérale, n’en est pas moins fidèle : « Il est grand, le mystère de la foi ! »

Il est grand, dans les quatre dimensions chères à saint Paul. Le salut dont l’Eucharistie fait mémoire manifeste la profondeur de l’amour de Dieu qui, en son Fils, est descendu aux enfers. Il s’étend à tous les peuples, dans la largeur de l’espace et la longueur de l’Histoire. Il nous élève auprès du Père, puisque, toujours selon les mots de saint Paul, Dieu « nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ephésiens 2, 6).

Christ manifesté dans la chair,

Justifié dans l’Esprit,

Apparu aux anges,

Proclamé aux nations

Cru dans le monde,

Enlevé dans la gloire !

Ce Mystère est « grand » (1 Timothée 3, 16) et c’est lui qui nous est rendu présent dans l’Eucharistie quand sur l’ordre du Seigneur, nous le célébrons.

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Message par jaimedieu Sam 16 Mai 2015 - 8:33

Prière eucharistique III: les mots qui introduisent les paroles du Christ (2)


L'évêque émérite de Tarbes-Lourdes propose ce second commentaire de la IIIe prière eucharistique:
« …il prit le pain, en te rendant grâce il le bénit, il le rompit et le donna à ses disciples…. »

Mgr Jacques Perrier

Dans la constitution sur la Révélation, Dei Verbum, du concile Vatican II, il est dit que le Christ s’est manifesté et a manifesté le Père « par gestes et paroles », factis et verbis. Dans le récit de l’Institution, nous sommes surtout sensibles aux paroles de Jésus. Voulez-vous que nous prêtions attention à ses gestes ?

Ses gestes expriment ce qu’il est. Le reproche qu’il adresse aux Pharisiens est de dire et de ne pas faire. En lui, au contraire, le dire et le faire s’éclairent mutuellement. Il a voulu qu’il en fût de même pour les sacrements de son Église : un bain d’eau qu’une parole accompagne, dit saint Paul à propos du baptême (Éphésiens 5, 26).

« Il prit le pain… »

A quoi sert cette indication ? Elle est, sans doute, importante, car nous la retrouvons lors du repas au bord du Lac, dans saint Jean. Pourquoi dire qu’il prit les pains ? Les miracles de Jésus s’accomplissent souvent à distance, par la seule parole.

Selon une expression dogmatique traditionnelle, Jésus a pris sur lui notre nature humaine. Il l’a prise et ne l’a pas rejetée dans la gloire de son Ascension. Il se charge de notre humanité comme le Bon Samaritain charge le blessé sur sa propre monture : chez les Pères de l’Église, le Bon Samaritain est vu comme une figure du Christ Sauveur.

Ce verbe « prendre » nous renvoie aussi à la prophétie d’Isaïe sur le Serviteur souffrant : « Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » (Isaïe 53, 2). Saint Matthieu utilise ce verset d’Isaïe pour présenter, de façon synthétique, l’œuvre du Christ Sauveur, qui chasse les démons et guérit les malades.

« Prendre » est, évidemment, un verbe très fréquent. Mais citons un dernier emploi qui nous renvoie encore au Salut : Jésus demande à son disciple de « prendre sa croix » et de le suivre.

En prenant le pain, Jésus prend à bras le corps notre destinée, notre salut. Nous sommes dans la logique de l’Incarnation rédemptrice.

« En te rendant grâce, il le bénit… »

La Prière eucharistique III, comme le canon romain, décompose ce que les textes du Nouveau Testament expriment d’un seul mot (voir la chronique 19). La Prière II dit : « Il rendit grâce » ; la Prière IV dit : « Il le bénit. »

La Prière III se veut pédagogique de la foi. Dans le monde biblique, Ancien comme Nouveau Testament, la bénédiction s’adresse d’abord à Dieu. A tel point que « Le Béni » est une des périphrases pour désigner Dieu. Lui-même, « le Saint, béni soit-il. »

Mais, de Dieu, la bénédiction redescend sur toutes les médiations qui nous conduisent vers lui. Par exemple, bénir un chapelet, c’est lui donner son véritable sens, qui est de soutenir notre prière et de nous rapprocher du Christ, guidés par Marie.

Jésus est en perpétuelle action de grâce envers son Père : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre… » Mais il est en même temps la Parole de bénédiction que le Père prononce sur notre monde. Parole qui est tout autant une action : « Il dit et cela est. »

« … il le rompit… »

Certes, il faut rompre le pain pour que chacun puisse en recevoir un fragment. Mais s’il ne s’agissait que de cela, était-ce bien nécessaire de préciser que c’est Jésus lui-même qui rompt le pain ? Chacun, à son tour, aurait pu en prendre un morceau.

Dans le Nouveau Testament, « fractionner », «fraction » ne servent que pour parler de l’Eucharistie ou de ce qui la préfigure. Le Vendredi saint, le centurion, voyant que Jésus était déjà mort, ne lui brisa pas les jambes mais lui transperça le côté d’un coup de lance. S’accomplit ainsi la prophétie de Zacharie : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. »

Syméon avait prévenu Marie : « Il sera un signe de contradiction, et toi, ton âme sera traversée d’un glaive. »

Le Christ est le grain de blé qui, pour porter du fruit, ne doit pas seulement tomber en terre, mais doit y mourir.

« .. et le leur donna »

« Don » est un nom qui convient au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Il est même parfois spécialement affecté à l’Esprit Saint. Mais il convient éminemment au Christ, à proximité de la Passion.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » mais le Christ lui-même donne sa vie : ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. « Le pain que je vous donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » En donnant sa vie, il donne la vie éternelle : il est à la fois l’Agneau et le Pasteur. Toutes ces expressions sont dans Saint Jean. Elles sont profondément eucharistiques. Saint Jean ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie mais il nous en révèle la substance.

Gardons-nous donc de prendre ces quatre verbes, presque invariables d’un récit à l’autre, d’une Prière eucharistique à l’autre, comme des indications presque superflues. Ils nous disent à quel point le Seigneur est engagé dans l’Eucharistie qu’il institue et qu’il va remplir de son sacrifice.

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Message par jaimedieu Sam 23 Mai 2015 - 10:09

Prière eucharistique III: les mots qui introduisent les paroles du Christ (3)


"Ce n'est pas une formule magique": dans cette 21e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (3e volet).

Mgr Jacques Perrier


« Prenez et mangez-en tous :
ceci est mon corps livré pour vous. »


Arrivés au cœur du récit de l’Institution, il ne faudrait pas séparer ce qui est dit sur le pain et le vin. Mais il faut quand même avancer pas à pas.

Ce n’est pas une formule magique

Le récit de la Dernière Cène figure dans les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) et dans la première Épître aux Corinthiens. Le fidèle sera peut-être surpris en constatant que les mots prononcés par Jésus ne sont pas exactement les mêmes, selon les traditions. Saint Matthieu et saint Marc écrivent : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » Saint Luc : « Ceci est mon corps, donné pour vous. ». Saint Paul : « Ceci est mon corps, pour vous. »

L’Église n’a jamais voulu harmoniser de force les évangiles. Pour la Dernière Cène, le sens, donné par tout le contexte, est clair et identique : le Seigneur donne, par avance, un signe de son libre engagement dans la Passion. Les mots, et encore moins les sons, par eux-mêmes, ne sont pas magiques. Sinon, il n’aurait même pas fallu les traduire.

Les paroles de Jésus reçoivent leur efficacité de l’Esprit Saint. Ils ne sont pas, pour autant, livrés à la fantaisie du célébrant ou des époques, car l’Esprit Saint n’est pas séparable de l’Église apostolique. Saint Paul lui-même, si jaloux de son originalité, dit, à propos de l’Eucharistie qu’il a lui-même reçu ce qu’il a transmis aux Corinthiens.

Pour en finir avec le texte liturgique, lorsque de nouvelles prières eucharistiques furent proposées, il fut convenu que les paroles centrales du récit seraient identiques, ne serait-ce que pour la commodité lors des concélébrations.

La liturgie a choisi la formulation la plus explicite possible pour les fidèles, puisqu’une des consignes du Concile était que « les fidèles comprennent bien le mystère de la foi, dans ses rites et ses prières », prières qui sont prononcées, désormais, à haute voix. C’est pourquoi la liturgie a emprunté des éléments aux diverses traditions du Nouveau Testament. Rappelons que, dans le canon romain, le prêtre disait: « Prenez et mangez-en tous, car ceci est mon corps. »

« Livré »

La liturgie a introduit un terme qui n’est dans aucun des récits de l’Institution : « livré ». Saint Luc disait simplement : « donné ». En grec biblique, « donner » et « livrer » sont deux mots de la même famille. « Livré » renvoie à la Passion : Jésus a été livré, pas seulement par Judas, mais aussi par Pilate. Dans le récit de la Dernière Cène, saint Paul précise qu’elle eut lieu « la nuit où il était livré », comme nous l’entendons dans les Prières Eucharistiques II et III.

Mais « livré » a un autre sens que nous trouvons aussi chez saint Paul et qui éclaire le sens de l’Eucharistie : « Le Christ vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Éphésiens 5, 2). Le don que Jésus fait de lui-même prolonge celui du Père : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique » (Jean 3, 15).

« Livré » a donc une double tonalité : la violence et l’amour ; la contrainte et la liberté. La Prière II le dit clairement : « Au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa passion… »

« Pour vous »

Dans la consécration du vin, la liturgie ajoute les mots qui figurent dans saint Matthieu et saint Marc : « et pour la multitude ». Ce « pour » n’est pas une précision supplémentaire : il est le cœur même du mystère du Christ. Jésus est le Fils, le Verbe totalement tourné vers le Père (Jean 1, 1), et le Frère totalement tourné vers le monde qu’il vient sauver.

Ce « pour » est le même que nous trouvons dans saint Jean : «Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. »

La même logique du salut se déploie du Credo (Nicée-Constantinople) à l’Eucharistie : propter nos homines et propter nostram salutem, « pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel ».

Ce « pour vous et pour la multitude » nous empêche d’immobiliser la présence eucharistique. Communier à l’Eucharistie, de quelque manière que ce soit, demandera toujours d’entrer dans l’attitude du Christ qui se donne, dans la louange et le service. Communier, que ce soit dans la célébration ou dans l’adoration, sera toujours tout autant se désapproprier que s’approprier. Certainement pas s’accaparer.

Cela étant, il n’est pas étonnant que les intercessions, les supplications, aient leur place au cœur de la célébration eucharistique et que la
« prière universelle » (qui, formellement, fait partie de la liturgie de la Parole) serve de transition avec l’Eucharistie.

(Source: Zénith.org)
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Message par jaimedieu Sam 30 Mai 2015 - 22:06

Prière eucharistique III: le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle

Les paroles prononcées sur le vien: dans cette 22e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (4e volet).


Mgr Jacques Perrier


« Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. »

Comme les paroles prononcées sur le pain, celles qui sont prononcées sur le vin ne sont pas identiques dans les quatre récits transmis par les évangélistes et saint Paul.

« Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude » (Saint Marc). Saint Matthieu ajoute : « … pour la rémission des péchés. » Saint Luc et saint Paul parlent de « nouvelle Alliance en mon sang. » Saint Luc précise : « … versé pour vous ».

La formule liturgique rassemble donc des éléments conservés par les différentes traditions. La liturgie se veut la plus explicite possible pour nous ouvrir toutes les perspectives du « mystère » célébré. La liturgie est catholique, en ce sens qu’elle ne veut rien laisser perdre.

Pour une part, la formule liturgique prononcée sur le calice est parallèle, voire identique, à celle qui a été prononcée sur le pain : corps/sang, livré/versé, pour vous/pour vous. Mais elle ajoute plusieurs expressions décisives pour entrevoir la portée de l’Eucharistie : « l’alliance nouvelle et éternelle », la « multitude », la « rémission des péchés ».

L’Alliance

En dehors du récit de la dernière Cène, les évangiles n’emploient jamais le mot « alliance ». La seule exception est le cantique de Zacharie : « …mémoire de son alliance sainte… ». Ce n’est pas un hasard. Le Benedictus, comme le Magnificat, reprend tous les mots-clés de l’Ancien Testament, le mot-clé par excellence étant « l’alliance ».

Toute l’histoire biblique est le récit d’une alliance, sans cesse proposée par Dieu, sans cesse mise en échec par le péché de l’homme et sans cesse renouvelée par Dieu, à nouveaux frais. La Prière eucharistique IV, déployant toute l’Histoire du salut, rend grâce à Dieu, au nom de tous les hommes, car « tu as multiplié les alliances avec eux ».

Les grandes étapes de cette Alliance renouvelée portent les noms de Noé, d’Abraham et de Moïse. Un signe est donné à chaque fois : l’arc-en-ciel, la circoncision, l’arche « d’alliance » avec les Tables de la Loi et un morceau de manne. Malgré les échecs, l’alliance proposée par Dieu devient de plus en plus intime. Les prophètes en témoignent, en prenant le mariage comme symbole de l’alliance entre Dieu et Israël, son peuple, infidèle mais toujours aimé. Quand il s’interroge sur le destin de son peuple, saint Paul, d’ailleurs, professe que ces alliances anciennes ne sont pas révoquées (Romains 9, 4).

Excursion johannique

Comme l’on sait, l’institution de l’eucharistie n’est pas relatée dans le quatrième évangile. Mais, à deux moments, Jésus annonce l’Eucharistie ou, plus exactement, la Passion dont l’Eucharistie sera le mémorial : le Discours sur le pain de vie et les noces de Cana.

Dans les deux cas, le parallèle est fait avec les formes anciennes de l’Alliance. Le pain qui donne la vie éternelle, ce n’est plus la manne. Le vin excellent dont se réjouiront les convives a été puisé dans des jarres « destinées aux purifications des Juifs ».

La perspective est plutôt celle d’un accomplissement que d’un rejet. Saint Jean conclut le récit par un commentaire : « Cela, Jésus en fit le commencement des signes, à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples curent en lui. » A ce « commencement », correspondra « l’accomplissement » de la Passion : « Il les aima jusqu’au bout. »

« Alliance nouvelle et éternelle »

Pour parler de l’Alliance, le prophète Jérémie va encore plus loin qu’Osée ou Isaïe. Elle n’est plus seulement comparée à une alliance d’amour dans le mariage. Elle devient intérieure. Elle est inscrite dans le cœur, et non plus sur des tables de pierre. Telle est « l’alliance nouvelle », celle que le Seigneur conclura avec la maison d’Israël : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple… Je ne me souviendrai plus de leur péché » (Jérémie 31, 31-34).

A plusieurs reprises, dans les prophéties de Jérémie et d’Ézéchiel, cette alliance « nouvelle » est dite aussi « éternelle ». Le mot, repris par la liturgie, n’est employé dans aucun des récits de l’Institution. Il nous rappelle la parole de Jésus : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle »

L’Alliance nouvelle et éternelle est conclue dans le sang que Jésus a versé. N’est-ce pas un retour à quelque religion primitive et barbare ? Il vaut la peine de lire un livre du Nouveau Testament, trop négligé : l’épître aux Hébreux. Si, dans la tradition, elle porte ce titre - « aux Hébreux » - c’est justement parce qu’elle réfléchit au rapport de la nouvelle alliance à l’ancienne, dans des termes qui soient évocateurs pour des fils d’Israël, qu’ils soient devenus chrétiens ou non.

L’épître aux Hébreux rappelle que l’alliance conclue avec Moïse avait été scellée par un sacrifice. En souvenir de cela, le grand-prêtre, une fois par an, entre dans le Saint des Saints après un sacrifice de « boucs et de jeunes taureaux. » Le Christ, lui, entre, et nous fait entrer, dans le Saint des Saints éternel par son unique sacrifice.

« Le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est médiateur d’une nouvelle alliance » (Hébreux 9, 14-15). La suite du texte (Hébreux 9-10) cite la prophétie de Jérémie 31 (voir plus haut) : le cœur sur lequel est inscrite l‘alliance annoncée, c’est le cœur du Christ. Dans le même sens, l’épître cite aussi le psaume 39-40 : « Tu ne voulais sacrifice ni oblation… Alors j’ai dit : voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté. »

Le corps de Jésus a été « livré », son sang a été « versé » : ce pourrait être un pur crime, le pire de tous les crimes puisqu’il frappe l’Innocent par excellence. Ce crime devient salut parce que le sacrifice est offert pour nous et pour la multitude.

L’épître aux Hébreux atteste que l’Esprit agit dans le Christ dans sa Passion : ce n’est pas un suicide mais un sacrifice librement offert par celui qui en est à la fois le prêtre et la victime. C’est de cet acte que nous sommes rendus, non seulement bénéficiaires, mais contemporains par l’Eucharistie.


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Message par jaimedieu Dim 21 Juin 2015 - 10:36

Prière eucharistique III: « Il prit le pain… Il prit la coupe… » (1)

Dans cette 23e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (5e volet): "Le pain et le vin forment un couple très solide".

Le pain et le vin forment un couple très solide. Le psaume 103-104 parlait déjà du pain qui « fortifie » et du vin qui « réjouit le cœur de l’homme » (verset 15). Le Français a surtout retenu la seconde partie du verset…

Quoi qu’il en soit de la date où le texte fut rédigé, le livre de la Genèse nous rapporte un événement qui a perduré dans la mémoire d’Israël et que le canon romain appelle le « sacrifice de Melchisédech » (Genèse 14, 17-20). Ce personnage, un païen, était, à la fois, « roi de Salem » (Jérusalem ?) et « prêtre du Dieu Très-Haut ». Il prononça une bénédiction sur Abram (dont le nom n’avait pas encore été changé en « Abraham») et lui apporta « du pain et du vin ».

Melchisédech refait surface au psaume 109-110 (verset 4) quand Dieu promet au Messie : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech. » L’épître aux Hébreux, dont on a déjà vu l’importance pour l’Eucharistie, fait une large place à Melchisédech.

Le pain et le vin se retrouvent souvent dans l’Ancien Testament, soit comme prémices, soit comme offrandes associées aux holocaustes. L’huile complète le trio. Sur une table d’or dans le sanctuaire seront disposés les « pains de proposition », comme « un mémorial », « un mets pour le Seigneur ». Ils seront disposés chaque sabbat, « à titre d’alliance perpétuelle » (Lévitique 24, 5-9). Intéressant ? Comme par hasard, Jésus fait mention de cette pratique tout en affirmant sa supériorité (Luc 6, 1-5)

Priorité au pain


Deux épisodes de l’Histoire sainte donnent au pain une signification symbolique qui nous rapproche encore davantage de l’Eucharistie.

La nuit de la sortie d’Egypte, les Hébreux avaient fait cuire des galettes, mais n’avaient pu attendre que la pâte ait levé. En souvenir de cela, les Israélites célébrèrent la fête des « Azymes », pains sans levain. « Pendant sept jours, vous mangerez des azymes. Dès le premier jour, vous ferez disparaître le levain de vos maisons » (Exode 12, 15).

Au désert, le Peuple crie famine. Dieu lui envoie la manne, une sorte de pain que Dieu lui donne : « Il t’a donné à manger la manne pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Deutéronome 8, 3). Jésus repousse la première tentation en citant ce verset de l’Ecriture, avant de se présenter lui-même comme le « Pain de Vie ».

A la fête des Azymes, dont le symbole est le pain, s’est jointe la fête de la Pâque. Son symbole est l’agneau. Elle rappelle que, la nuit de la sortie d’Egypte, chaque famille, sur l’ordre de Dieu, avait sacrifié « une tête de petit bétail ». Les convives consommeraient la viande mais le sang serait répandu sur les montants et le linteau de la maison. La mort épargnerait la famille et « passerait » sans frapper le premier-né. « Passer » est, sans doute, le sens primitif de « pâque ».

Les prescriptions sur le rituel de la pâque, selon un « décret perpétuel », sont consignées dans le même chapitre de l’Exode qui codifie la fête des Azymes (Exode 12). Peu importe ici le processus qui amena à identifier les deux fêtes. Il était achevé au temps de Jésus. « La fête des Azymes, appelée la Pâque, approchait », écrit saint Luc en prologue du récit de la Passion.

A la Dernière Cène, il n’est pas question de manger l’agneau, puisque le véritable Agneau, c’est le Christ qui sera crucifié dans les heures qui suivent. Mais la galette de pain azyme sur laquelle Jésus prononce une bénédiction toute spéciale nous renvoie à la pâque. La bénédiction est spéciale, mais le pain que Jésus prend en ses mains l’est déjà. Toutes les recensions de la Dernière Cène précisent que Jésus prit « le » pain et non, simplement, qu’il prit « du » pain. Ce pain est « fruit de la terre et du travail des hommes », comme dit le prêtre à l’Offertoire. Mais il est aussi chargé d’une signification tirée de toute une Histoire.

Une pâte nouvelle

Le pain azyme rappelle l’Exode. Mais il invite aussi au renouveau. Le levain est quelque chose de pourri, de vieux, presque de pervers. Il vient de l’extérieur. C’est une sorte de moisissure, comme celle qui sert pour le Roquefort. Quand Jésus parle du « levain des pharisiens », ce n’est pas un éloge (Matthieu 16, 6). Il est vrai que, d’autres fois, il parle du levain qui fait lever la pâte du Royaume. Mais ce n’est pas un vieux levain. Dans l’Evangile, à part les deux premiers chapitres de saint Luc, les vieillards n’ont pas un très beau rôle. Jésus et la Vierge préfèrent les enfants.

L’azyme représente la nouveauté, la fraîcheur, la pureté. Le livre de l’Exode demandait de faire la chasse au vieux levain dans les recoins de la maison. Chez saint Paul, la maison, c’est la communauté et la vie de chacun, devenu temple de l’Esprit-Saint.

Vers l’an 55, saint Paul écrit aux Corinthiens, sans doute à l’époque de Pâques. De multiples scandales s’étaient produits dans la communauté.

Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ?

Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâque nouvelle, puisque vous êtes des azymes.

Car notre pâque, le Christ, a été immolé.

Ainsi donc, célébrons la fête, non pas avec du vieux levain, ni un levain de malice et de méchanceté,

Mais avec des azymes de pureté et de vérité.
1 Corinthiens 5, 6-8

Ces phrases de saint Paul laissent penser que le rituel des azymes avait été conservé dans la communauté chrétienne de Corinthe, bien qu’elle ne soit pas composée seulement de Juifs convertis. L’Eglise latine a d’ailleurs gardé l’usage de célébrer l’Eucharistie avec des pains sans levain. Nos « hosties » sont des azymes.

Mais le véritable Azyme, c’est le Christ lui-même, l’Innocent, le Nouvel Adam, en qui le Père a scellé la Nouvelle Alliance avec les hommes.

Mais qu’en est-il du vin ? Ce sera pour notre prochaine chronique. En paraphrasant légèrement le livre des Proverbes (9, 1-5), le Père Deiss avait composé un chant magnifique :

La Sagesse a bâti sa maison,
elle a dressé sa table et mélangé son vin.
Elle appelle ses enfants :
Venez, mangez de mon pain
et boire le vin que j’ai préparé pour vous !
« Le pain et le vin forment un couple très solide. » A pain nouveau, vin nouveau.
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Message par jaimedieu Dim 21 Juin 2015 - 10:40

Prière eucharistique III: « Il prit le pain… Il prit la coupe… » (2)

Dans cette 24e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (6e volet). Il évoque le « vin nouveau, vin de la Nouvelle Alliance ».

Quand le psaume 103-104 chante le Créateur et la création, il préfigure ce que dit notre Prière eucharistique (chronique 10) : « Toute la création proclame ta louange. » Le psalmiste admire la nature mais se garde d’oublier « les plantes à l’usage des humains »

Pour qu’ils tirent le pain de la terre
et le vin qui réjouit le cœur de l‘homme,
pour que l’huile fasse luire les visages
et que le pain fortifie le cœur de l’homme.
(psaume 103-104, 14-15)

La vigne du Seigneur

Le vin et la vigne tiennent une place notable dans l’Ancien Testament. Certes, les auteurs savent que toute ivresse n’est pas mystique. Si Holopherne n’avait pas tant bu, Judith ne lui aurait pas coupé la tête. Mais, en elle-même, la vigne est un bienfait. Pouvoir cultiver sa vigne assez longtemps pour en cueillir les fruits est le signe d’une période de paix.

La vigne est si précieuse qu’elle est un des symboles qui figurent le peuple d’Israël. Dieu a entouré Israël de soins amoureux, comme le propriétaire le fait pour sa vigne. Il en attendait de beaux fruits : pourquoi en a-t-elle produit de mauvais (Isaïe 5) ? Si bien que la coupe peut être remplie du péché des hommes et, donc, de la colère de Dieu. Dans le livre de l’Apocalypse (chapitre 15, 7-16, 21), sept coupes «remplies de la colère de Dieu » rappellent les plaies qui ont frappé l’Égypte idolâtre et esclavagiste.

Il reste quelque chose de cela dans l’expression familière « la coupe est pleine ». Mais la colère n’est pas le dernier mot de Dieu : « Le calice, la coupe de ma fureur, tu n’y boiras plus jamais » (Isaïe 51, 22).

En Israël, quelques hommes s’engageaient ou étaient voués à s’abstenir de vin. Jean-Baptiste était de ceux-là : « Il ne boira, ni vin, ni boisson fermentée » (Luc 1, 15). Jésus n’était pas de ceux-là puisque lui-même reconnaît être considéré comme « une glouton et un ivrogne ». Les repas chez Lévi, chez Zachée ou chez le Pharisien ne devaient pas être rigoureusement austères.

Les coupes du repas pascal

L’évocation du repas pascal en Exode 12 (chronique 23) ne mentionnait pas de vin. Son usage s’est introduit en signe de fête, comme la coutume de manger allongés et accoudés, qui n’est pas une posture vulgaire : à la fête de la pâque, chaque Juif est un prince.

A l’époque de Jésus, le rituel était bien établi. En plus de l’agneau, du pain azyme et des herbes amères, le repas pascal comporte quatre coupes qui doivent être bues par tous les convives. A chacune de ces coupes est rattaché un aspect de l’Histoire du Salut. Par exemple : la Création, le sacrifice d’Isaac, la libération d’Égypte, l’ouverture aux nations païennes. Ou bien : les quatre types de souffrance auxquels les Hébreux étaient soumis et dont ils ont été délivrés. Ou encore : Dieu les a fait sortir d’Égypte, les a libérés de l’esclavage, les a acquis comme ses serviteurs et a fait du Peuple sa fiancée, son épouse.

Quelles que soient les interprétations, la référence principale est toujours la libération d’Égypte et l’exode. Comme le signifient les autres éléments du repas pascal.

Une cinquième coupe est versée en l’honneur d’Élie, le prophète qui doit préparer la venue du Messie en préparant le Peuple à l’accueillir. Les convives ne boivent pas cette coupe. Jésus a proclamé qu’en Jean-Baptiste, « Élie est déjà venu » (Matthieu 17,

Il n’est pas assuré que la Dernière Cène ait été, en tous points, le repas pascal. Cependant, saint Luc signale bien plusieurs coupes. Deux, plus exactement. A propos de la première, il dit : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’à ce que vienne le Règne de Dieu. » Il manifeste ainsi que c’est la fin d’un certain ordre.

« Après le repas », disent ensemble saint Luc et saint Paul, il prit une autre coupe, celle de la nouvelle Alliance en son sang versé « pour vous » (saint Luc), « pour la multitude » (saint Matthieu et saint Marc). La liturgie, ne voulant rien laisser perdre, réunit les deux formulations : « pour vous et pour la multitude ».

Vin nouveau, vin de la Nouvelle Alliance

Le Jeudi Saint, le pain azyme, pur de tout vieux levain, devient le Pain de Vie, le Corps du Christ livré pour nous. Le vin devient le signe de la Nouvelle Alliance, dans le Sang du Christ. Le vin nouveau ne doit pas être conservé dans de vieilles outres (Luc 5, 38). Saint Paul, en utilisant le symbole du pain, disait la même chose (chronique 23) : « Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâque nouvelle. »

On ne peut s’empêcher de penser à Cana. C’est le « commencement » des signes donnés par Jésus à ses disciples et suscitant leur foi. Le commencement annonce la fin, l’ « accomplissement », le dernier repas où Jésus donne un autre signe de sa Passion, en lavant les pieds de ses disciples.

Quand Jésus parle de la « coupe », il a en vue sa Passion. Aux disciples qui veulent des places dans le gouvernement du Royaume, il demande s’ils peuvent boire « la coupe que je vais boire » (Matthieu 20, 22). Plus directement encore, à Gethsémani, Jésus prie pour que « s’il est possible, cette coupe s’éloigne de moi. Cependant, non ma volonté, mais la tienne ». « La coupe que m’a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? » (Jean 18, 11)

Nous avions évoqué la « coupe » de la colère de Dieu. Certes, le Père n’est pas en colère contre son Fils. Le Père ne se venge pas sur son Fils. Mais il y a bien eu une mort, une mort au péché, une fois pour toutes ; une mort dans la détresse, conséquence du péché. Détresse extrême de Celui qui a pris sur lui le péché du monde. Le ciel s’est obscurci ; la terre a tremblé : le salut ne s’est pas opéré dans l’euphorie.

Le Christ a crié vers son Père et son cri, en notre nom, a été entendu (Hébreux 5, 7-10). Le sang versé est devenu « la coupe de bénédiction » (1 Corinthiens 10, 16), « la coupe du salut », comme dit le Canon romain. Chaque fois que nous buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Rétractation : sur la foi d’un article que je croyais sérieux, j’avais écrit : « toutes les recensions de la Dernière Cène précisent que Jésus prit ‘le’ pain et non, simplement, ‘du’ pain. » Il est vrai que les manuscrits ne sont pas tous d’accord mais, en gros, c’est faux.



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Message par jaimedieu Dim 21 Juin 2015 - 10:45

Prière Eucharistique III: Élévation - Adoration

Dans cette 25e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (7e volet). Il conclut sur le « Suis-moi ! » du Christ.

Rome, 19 juin 2015 (ZENIT.org) Mgr Jacques Perrier

Il a déjà été dit que, dans la Prière eucharistique, il ne fallait pas seulement être attentif aux paroles. Les gestes, eux aussi, sont chargés de sens. Les gestes liturgiques d’aujourd’hui ne cherchent pas à mimer le scenario de la Dernière Cène. Le prêtre ne brise pas l’hostie en disant « il le rompit ». Les fidèles sont debout ou à genoux : en tout cas, ils ne sont pas couchés (voir chronique 24).

Origines et motifs

Chacun sait que la pratique de l’élévation après la consécration du pain et du vin n’est pas primitive. Comme toujours en liturgie, il est difficile de fixer rigoureusement une date et un lieu pour l’apparition d’une pratique : les textes sont habituellement postérieurs aux pratiques et beaucoup se sont perdus. Une attestation claire nous conduit à Paris, dans les premières années du 13ème siècle.

Le prêtre célébrant alors en tête de l’assemblée, les fidèles ne voyaient, ni l’hostie, ni le calice. Mais lorsque le style gothique permit à la lumière de pénétrer dans les églises, les fidèles, logiquement, demandèrent à voir. Certes, comme le chante l’hymne Adoro te, dans l’Eucharistie, nous ne voyons, ni la divinité, ni même l’humanité du Seigneur. Mais, du moins, nous tournons notre regard vers lui : la foi est-elle autre chose ? Quand les Hébreux, dans le désert, étaient mordus par des serpents, Moïse, sur l’ordre de Dieu, façonna le serpent d’airain : « Quiconque le regardera restera en vie », dit le Seigneur (Nombres 21, 8 ; Jean 3, 14-15).

Dieu est présent dans toute la Création et, cependant, des lieux, des images, des moments lui sont spécialement consacrés. Nous sommes des êtres spirituels et charnels, répète sans cesse Charles Péguy, un homme qui, justement, se trouvait en phase avec ses ancêtres du Moyen-Age.

Une autre raison peut avoir encouragé la pratique de l’élévation : la communion sacramentelle était devenue rare. Depuis longtemps. Si bien que le IVème concile du Latran (1215) prescrivit, au moins, la communion pascale. A défaut de communier, les fidèles pourraient, au moins, adorer. C’est aussi au 13ème siècle que commence à se développer le culte eucharistique en dehors de la messe : adoration, procession, confréries du Saint-Sacrement.

Une pratique qui a du sens

Aujourd’hui, la communion est devenue presque systématique (c’est un autre problème) et l’autel se trouve, le plus souvent, entre le prêtre et les fidèles: le problème de visibilité se pose moins, sauf si l’assemblée est nombreuse. Les motifs d’origine ont donc presque disparu. L’élévation s’est pourtant maintenue et elle a sa valeur. Il ne faut pas la confondre avec celle qui accompagne la doxologie finale, en signe d’offrande.

La liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique sont ponctuées par deux temps de méditation, après l’Évangile (et l’homélie) et après la communion. En dehors de ces deux moments, l’action liturgique est continue. Mais une lecture, pour être intelligente, a besoin de silences, si brefs soient-ils, entre les paragraphes. De même la musique, entre les mouvements. Et si l’œuvre est vraiment prenante, un léger intervalle sépare la dernière mesure et les applaudissements.

Le silence accompagne habituellement les deux élévations. Il est une forme de communion. Les fidèles regardent ensemble dans la même direction : leurs regards se rencontrent en Celui qui les unit. Jadis, les fidèles murmuraient dans leur cœur : « Mon Seigneur et mon Dieu », comme Thomas qui, comme eux peut-être, n’avait pas la foi automatique. On peut penser aussi à la prophétie de Zacharie, reprise par saint Jean en conclusion du récit de la Passion : « Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé. »

Parfois, l’assemblée exprime sa foi par une double acclamation : « Corps du Christ livré pour nous », « Sang du Christ versé pour nous ». Ce faisant, ils se rapprochent des chrétiens orientaux. Bien que les Orthodoxes accordent la primauté à la venue de l’Esprit Saint sur les offrandes, un « amen » chanté par le chœur suit chacune des deux parties du récit de l’Institution.

« Et ils se prosternèrent devant lui »

Au cours des siècles et selon les lieux, l’attitude des fidèles pendant la Prière eucharistique et, notamment, lors de la consécration, a été et demeure fort variable. La Présentation générale du Missel romain ne donne aucune indication à cet égard.

La pratique la plus fréquente aujourd’hui est de s’incliner profondément au moment où le prêtre repose l’hostie ou le calice sur l’autel. Se prosterner est une attitude souvent attestée dans le Nouveau Testament. Les mages, Pierre après la tempête apaisée, les saintes Femmes et les disciples après la Résurrection et le jour de l’Ascension se sont prosternés devant le Christ. Mais aussi, ceux qui attendaient de lui de retrouver la vie : le lépreux, la Cananéenne, l’homme dont la fille était morte. Dans l’Apocalypse, les Vieillards se prosternent devant le Trône et devant l’Agneau. A l’inverse, se prosterner devant un homme, a fortiori devant la force, serait idolâtrique.

On a suffisamment reproché à la liturgie latine d’être trop statique pour que nous fassions fi de ces possibilités qui nous sont données d’exprimer physiquement notre foi. Dans l’Eucharistie, le Christ fait entendre son appel : « Suis-moi ! » Encore faut-il savoir qui nous suivons : celui que nous suivons, c’est le Bon pasteur, celui qui donne sa vie pour ses brebis.
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