Mobilisation pour Asia Bibi : son mari et une de leurs filles à l'audience papale
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Mobilisation pour Asia Bibi : son mari et une de leurs filles à l'audience papale
Le pape François, "une voix respectée au Pakistan"
Rome, 15 avril 2015 (Zenit.org)
Ashiq Masih, le mari d’Asia Bibi, et l’une de leurs filles, ainsi que l’avocat Joseph Nadeem, ont participé à l’audience générale du pape François ce mercredi 15 avril 2015, place Saint-Pierre. Le pape a justement consacré sa catéchèse au rôle de la femme dans la société. La plus jeune fille d’Asia a témoigné à Rome : « Les accusations contre ma mère sont totalement fausses ». Nous publions le 16 avril le second volet de notre reportage sur cette mobilisation pour sauver Asia Bibi.
« Nous voulons demander au pape François son intervention, et surtout ses prières. La voix du Pape est très entendue et respectée au Pakistan », a expliqué Ashiq Masih, mari d’Asia Bibi.
Ashiq Masih, une de ses filles, Eisham Ashiq, ainsi que l’avocat, Joseph Nadeem, sont venus plaider la cause de la jeune femme à Rome auprès du Parlement italien, mardi, 14 avril, espérant, grâce à une tournée européenne qui le conduira, après Paris également à Madrid et à Berlin, mobiliser l’opinion publique européenne et le Parlement européen. Pour sauver Asia Bibi et pour obtenir une modification de la loi de 1986 sur le blasphème. Une conférence de presse intitulée « Liberté pour Asia Bibi » et modérée par Marta Petrosillo.
Rappelons qu’Asia Bibi - de son vrai nom Asia Noreen -, chrétienne pakistanaise, mère de 5 enfants, a été condamnée à mort en première instance en novembre 2010, une condamnation confirmée par la Haute Cour de Lahore le 16 octobre 2014. Deux personnalités ayant défendu Asia Bibi ont été assassinées: le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, le 4 janvier 2011, et le 2 mars, le ministre fédéral des Minorités religieuses, Shabbaz Bhatti, lui-même catholique. Celui-ci réclamait notamment un amendement de la loi sur le blasphème. Asia Bibi est en prison depuis juin 2009, avec la menace d’être elle-même assassinée si elle sortait même de sa cellule. Un recours a été déposé devant la Cour Suprême, et la grâce présidentielle a été sollicitée.
La fille d’Asia Bibi, témoin oculaire
La plus jeune fille d’Asia Bibi,Eisham Ashiq, 15 ans, a témoigné lors de la rencontre au siège du Parlement italien devant la presse internationale : « Les accusations contre ma mère sont totalement fausses ».
Elle raconte, dans sa langue, baissant le regard, intimidée par l’assistance, mais grave et ferme, dans son habit traditionnel noir rehaussé d’une bande de fils d’or: « Ma mère, était en train de travailler aux champs quand certaines de ses collègues lui ont dit qu’elles avaient soif. Maman leur a offert de l’eau, mais les femmes l’ont refusée, disant que les chrétiens sont impurs et qu’ils ne sont donc pas dignes de manger ni de boire avec les musulmans. »
L’altercation qui a suivi s’est aggravée avec la plainte des femmes musulmanes auprès d’une autorité locale de l’islam, avec l’accusation d’avoir insulté le prophète Mahomet.
Une foule en colère contre la « blasphématrice » se rendit alors à la maison d’Asia. La jeune fille raconte : « Ils ont pris ma mère par la force et ils l’ont emmenée dans la campagne. Ils l’ont battue et ils lui ont arraché ses vêtements. Puis ils lui ont dit qu’elle serait relâchée si elle se convertissait à l’islam. »
Mais Asia refusa d’abjurer sa foi en Jésus. « Moi aussi j’ai été battue », confie la jeune fille – qui avait alors 9 ans. Puis elle ajoute : « Quand maman a demandé à boire, on le lui a refusé disant que ‘pour les chrétiens il n’y a ni eau ni vie’. »
Voyant la gravité de la situation Asia Bibi dit à sa fille d’aller chercher son père, mais lorsque Ashiq arrive sur place Asia a déjà été emmenée ailleurs.
« Notre espérance c’est vous tous maintenant : nous espérons votre aide avec une grande espérance, pour nous aider tous, et spécialement ma mère », conclut la jeune fille.
Des conditions de détention inhumaines
Son père, Ashiq Masih a été le premier à prendre la parole mardi soir, dans sa langue, lui aussi traduit de façon consécutive en italien par un frère franciscain. Très grave, une infinie tristesse dans le regard, vêtu de blanc, dans la tenue traditionnelle pakistanaise, il a dénoncé d’un ton posé les conditions de détention « inhumaines » imposées à sa femme depuis bientôt six ans dans une minuscule cellule de la prison de Multan dont elle ne peut sortir de peur d’être assassinée par un fanatique extrémiste.
Elle ne peut recevoir des visites de sa famille qu’une fois par mois, continue Ashiq, qui confie combien son amour de mère et d’épouse manque à toute la famille.
Aucun objet religieux ne lui est permis. Elle n’a pas non plus l’autorisation de se rendre dans une chapelle ou dans un lieu où elle pourrait prier: « En prison, elle pleure sans cesse parce que l’amour de ses enfants et de son mari lui manque. Mais sa foi est très forte, elle dit qu’elle veut vivre la foi que Dieu lui a donnée. » Elle prie entre les murs de sa cellule.
Il ajoute : « Toute la famille prie et demande l’aide de Dieu dans cette situation, et elle tourne son regard vers la communauté internationale. »
C’est toute sa famille – lui et ses cinq enfants – qui se trouve aujourd’hui en danger : ils ont reçu de nombreuses menaces de mort et ils ont dû quitter leur maison.
Mais Ashiq ne se contente pas de plaider pour sa femme, il dénonce aussi la situation de tous les chrétiens du Pakistan : « La vie des chrétiens du Pakistan est vraiment très difficile et on ne fait jamais justice si quelqu’un est accusé de blasphème. Même quelqu’un qui a été acquitté risque d’être tué à sa sortie de prison. »
Un avocat-courage
Pour l’avocat Joseph Nadeem, la confirmation de la condamnation à mort par pendaison par la Haute Cour de Lahore en octobre dernier a été une surprise : « On espérait qu’Asia aurait été acquittée, mais hélas, il y avait de nombreux musulmans dans la salle d’audience : une pression très forte a été exercée sur les juges. »
Il évoque l’assassinat de Salmaan Taseer, et de Shahbaz Bhatti, parce qu’ils ont défendu Asia Bibi. L’avocat confie que lui-même est en danger : « Moi-même j’ai reçu de nombreuses menaces, y compris contre ma famille. »
Et depuis que le gouvernement du Pakistan a révoqué le moratoire sur la peine de mort, en mars dernier il est très préoccupé par le sort d’Asia Bibi : « Elle pourrait être exécutée à n’importe quel moment. »
Le collège des avocats d’Asia Bibi a cependant présenté un recours devant la Cour Suprême : il a été rejeté deux fois. Deux ou trois ans pourraient aussi s’écouler avant que son cas soit réexaminé. C’est pourquoi, explique-t-il, « le dernier espoir pour Asia, c’est la communauté internationale. Seule la pression des gouvernements occidentaux pourrait convaincre le président Mamnoon Hussain et le Premier ministre Nawaz Sharif de la gracier ».
Asia Bibi et les papes
Asia Bibi a écrit deux fois au pape François, à Noël 2013 et en octobre 2014 : elle le suppliait « de prier pour elle [...] pour son salut et pour sa liberté », et elle confiait qu’elle tient grâce à la force de sa foi: « Je suis encore agrippée avec force à ma foi chrétienne. Je sais que grâce à ta prière, ma liberté pourrait être possible. »
Déjà Benoît XVI avait dit son soutien lors de l’audience du 17 novembre 2010, juste après sa condamnation: « Je suis proche d'Asia Bibi et de sa famille et je demande que la liberté lui soit rendue au plus vite ». Il avait interpellé la communauté internaitonale en appelant « à prendre conscience de la difficile situation dans laquelle se trouvent les chrétiens au Pakistan, où ils sont souvent victimes de violences et de discriminations. Je prie pour ceux qui se trouvent dans des situations analogues, afin que leur dignité humaine et leurs droits fondamentaux soient pleinement respectés ».
L’Europe doit se mobiliser pour Asia Bibi et des sanctions économiques doivent pousser le Pakistan sur la voie du respect des droits humains : c’est l’appel lancé par des Parlementaires et des ONG d’Italie qui ont organisé la rencontre de ce mardi 14 avril à « Montecitorio », le siège du Parlement. Une conférence de presse intitulée « Liberté pour Asia Bibi » et modérée par Marta Petrosillo.
Nous avons publié le 15 avril le premier volet de notre reportage sur cette mobilisation pour sauver Asia Bibi: le mari d'Asi Bibi et ne de leurs filles, ainsi qu'un des avocats, ont participé à l'audience générale du pape François, place Saint-Pierre.
Ashiq Masih, une de ses filles, Eisham Ashiq, ainsi que l’avocat, Joseph Nadeem, sont venus plaider la cause d’Asi Bibi à Rome espérant, grâce à une tournée européenne qui le conduira, après Paris également à Madrid et à Berlin, mobiliser l’opinion publique européenne et le Parlement européen.
Pour Paola Binetti, sénatrice et maintenant députée, une des chevilles ouvrières de la rencontre, c’est une « mobilisation transversale » indépendamment des couleurs politiques.
Plus de temps à perdre
Le sénateur Salvatore Di Maggio souligne que ce n’est pas seulement une question de religion, mais de liberté et il en appelle à une prise de position de tout le Parlement et des Institutions : « Il est temps d’agir et de secouer l’indifférence ! », dit-il. Il dénonce comme « surréaliste » cette condamnation à mort partie d’un « verre d’eau ».
Pour lui, la question n’est pas simplement religieuse, ce qui est en jeu c’est la « civilisation », ce qui doit susciter un « engagement » de la communauté nationale italienne, et du gouvernement italien et de la communauté internationale, spécialement en Europe : « L’Europe ne peut échapper à cet engagement », spécialement quand il n’y a plus de liberté et qu’une vie est en danger. Il rappelle ceux qui sont mort pour avoir défendu Asia Bibi publiquement.
Pour le sénateur italien « il n’y a plus de temps à perdre » : le Parlement doit se sentir interpellé.
Le Sous-Secrétaire italien à la Défense le général Domenico Rossi était promoteur de l’initiative ainsi que le sénateur Mario Mauro qui a adressé un message vidéo aux participants de la rencontre.
Pour lui, la démocratie est en jeu : « Quand il n’y a pas de liberté de religion, il n’y a pas de démocratie ni les autres libertés. La liberté religieuse qualifie notre politique. Ce n’est pas "plaider pour notre paroisse", mais pour la "coexistence humaine", sinon, on laisse la place au conflit et à la barbarie ».
Il s’agit de « combattre la barbarie » et pour cela de « prévenir les conflits ».
Il déplore aussi la notion de « crime de blasphème » et il invoque le recours à la « raison » pour « construire un monde meilleur ».
Les pressions économiques nécessaires
Pour le député Rocco Buttiglione, « quand la liberté est piétinée de façon brutale, ce qui est en question c’est la dignité de chacun ». Il déplore que les chrétiens d’Occident se soient montrés « peu solidaires » et il invite à « reconnaître notre manquement » : « On ne peut pas accepter cette barbarie de notre époque ! »
Il souhaite une « motion du Parlement italien et du Parlement européen » et que l’on joue sur les rapports diplomatiques et commerciaux : « On ne peut faire affaire avec le Pakistan tant qu’il n’y a pas un tournant dans le domaine des droits humains. »
« Le gouvernement pakistanais doit donner une garantie du respect des droits humains avec la mise en liberté d’Asia Bibi », demande le sénateur.
Il ajoute que « le refus d’agir ainsi ne sera pas sans conséquence économiques et commerciales » : ce serait « un développement inhumain ».
De fait, le maintien du moratoire sur la peine de mort (8 000 condamnations) avait jusqu’ici permis au Pakistan d'accéder au statut de GSP Plus le “Système de préférences généralisées Plus” de l'Union européenne, son premier partenaire économique, ce qui lui permettait d’exporter de nombreux produits sans barrière douanière, notamment dans le textile, qui représente plus de la moitié des exportations pakistanaises: des ventes évaluées à quelque dix milliards d'euro en 2014.
Le député voit dans la situation d’Asia Bibi, qui risque la mort depuis 5 ans, et dans l’angoisse de sa famille, une « ombre sur la liberté religieuse au Pakistan ».
A la famille d’Asia Bibi il adresse cet encouragement : « Merci de votre témoignage. Nous restons proches de vous. »
Mobilisation des ONG
C’est l’association « CitizenGo » qui a invité l’avocat et la famille d’Asia Bibi en Europe pour cette mobilisation de l’opinion publique. Son président, Ignacio Arsuga, a exprimé, en espagnol, ses remerciements au Parlement italien pour son « engagement pour la liberté religieuse » et pour l’accueil de la rencontre au siège de l’institution qui « représente la souveraineté nationale » : « Ce que nous demandons, c’est la fin de la persécution des chrétiens et en particulier en Irak, en Syrie, en Egypte, au Pakistan ». Il a appelé à la mobilisation et au témoignage des chrétiens « pour que nos gouvernements prennent des mesures efficaces pour se scandaliser beaucoup plus ! »
Sara Fumagalli a proposé des images des zones de Lahore touchées par l’incendie de plus de 170 maisons de chrétiens après une fausse accusation de blasphème.
Elle a évoqué, dans ce pays de 190 millions d’habitants, une « pression populaire très forte sur l’appareil administratif qui fait que la police et les juges se sentent menacés et acceptent des sentences injustes par peur d’être eux-mêmes condamnés pour blasphème ».
Elle souligne la mobilisation de l’association des « Pakistanais chrétiens en Italie » spécialement depuis 2011 pour la libération et la protection d’Asia Bibi et l’abolition de la loi sur le blasphème.
Elle rappelle l’importance de la prière mais aussi maintenant des « faits », à partir d’une réflexion sur « la liberté d’expression et ses limites », pour que « la mondialisation ne soit pas seulement une mondialisation de la violence ».
(16 avril 2015) © Innovative Media Inc.
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