Père Jean-Pascal Duloisy: « Le Notre Père est un exorcisme »
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Père Jean-Pascal Duloisy: « Le Notre Père est un exorcisme »
Père Jean-Pascal Duloisy: « Le Notre Père est un exorcisme »
23 février 2018 par [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Le Père Jean-Pascal Duloisy est exorciste pour le diocèse de Paris. Il est un grand connaisseur des forces des ténèbres. Il rappelle que le combat spirituel fait partie intégrante de la mission de l’Eglise et du temps de carême.
Le Père Duloisy détonne quelque peu avec l’image que l’on peut se faire d’un exorciste. Ce prêtre arborant le col romain a beau être petit, mince et jovial, il a pourtant la carrure spirituelle nécessaire pour s’opposer, en moyenne quatre fois par mois, aux forces démoniaques. Le prêtre propose ainsi depuis de nombreuses années d’aider, par la prière, les personnes qui se sentent sous l’emprise d’un esprit mauvais. cath.ch l’a rencontré à l’occasion d’une conférence organisée à Fribourg par la paroisse du Christ-Roi.
Le pape François a récemment affirmé que le carême était un temps de « lutte contre l’esprit du mal ». En tant qu’exorciste, ressentez-vous également cela?
Le combat spirituel est effectivement un aspect essentiel du temps de carême. Le pape a d’ailleurs emprunté cette parole au missel du Mercredi des cendres. Avec le jeûne, la pénitence, le service de charité, on peut amender nos lâchetés. Mais il faut aussi lutter contre les occasions de péché, se fortifier en se confrontant à nos zones d’ombre.
Le problème, c’est que le diable ne va pas nous laisser faire cela. Car il considère que tout ce qui est sauvé par le Christ est perdu pour lui. Comme depuis le temps de la Genèse, il va œuvrer pour que nous doutions de Dieu, de son amour absolu pour nous. Le mieux est à ce moment-là de retrouver ce cœur d’enfant qui va sans crainte vers le Père. Car le principal travail du démon est de tenter de briser cette relation père-fils. Il va notamment le faire en mettant en danger la joie de nos âmes, en obscurcissant notre conscience du bien et du mal, en nous incitant au découragement.
Le pape François parle beaucoup du diable, qu’il perçoit comme une créature réellement existante. D’autres voix dans l’Eglise catholique estiment qu’il s’agit d’une figure symbolique. Rejoignez-vous le pontife argentin sur ce point?
Bien sûr. Selon moi, un chrétien ne peut pas ne pas croire au diable. La Bible, du début à la fin, mentionne l’action du démon ou des démons. Le livre explique que ce sont des anges qui ont refusé de servir et d’adorer Dieu. Il s’agit donc de créatures bien réelles, même si elles n’ont pas de corps, qui possèdent une intelligence supérieure à celle de l’homme.
Le pape François a parlé du diable dès ses premiers discours. Il est effectivement très présent dans sa rhétorique, et pas comme une figure mythique. Il n’est d’ailleurs pas le seul pape qui est de cet avis. Paul VI et Jean Paul II ont notamment écrit des textes qui parlent du diable comme d’une créature réelle. Il faut en tout cas se rappeler, comme l’a dit Charles Baudelaire, qu’une des plus grandes ruses du diable est de nous faire croire qu’il n’existe pas.
Avez-vous rencontré des indices concrets de l’existence du diable?
Nous avons des critères très concrets pour déterminer si une personne est réellement sous l’emprise du démon. J’ai personnellement pu me rendre compte de quatre de ces cinq critères. Il s’agit tout d’abord de phénomènes corporels anormaux. La personne commence par changer de voix. Elle se couche tout à coup par terre, se tord et crie. Son visage se transforme en celui d’un serpent, ou elle se met à quatre pattes et vous regarde comme un chien qui va vous mordre.
Un second critère concerne le fait qu’une personne possédée parle parfois une langue qu’elle n’a jamais apprise. J’ai accompagné une femme qui parlait néerlandais alors qu’elle n’avait jamais été en contact avec cette langue. Une Française de souche s’est mise à prononcer des mots en arabe.
Il y a également la proclamation de faits que la personne ne peut pas connaître. Je faisais par exemple un exorcisme avec un dominicain. La personne sous emprise a commencé à lui dire « Toi, croissants au beurre, arrête ». Sur le moment je n’ai pas compris. Le dominicain m’a avoué par après qu’il s’était récemment goinfré de croissants au beurre.
Les personnes possédées rejettent aussi violemment ce qui a trait à la foi et à l’Eglise. Ils blasphèment et injurient les figures religieuses. Un cinquième critère indique que ces personnes font parfois la démonstration d’une force physique hors du commun.
Le diable serait donc bien présent autour de nous?
Il faut faire la part des choses. Certains exorcistes ne font rien sans l’aide d’un psychologue et d’autres mettent le démon partout. Ces derniers veulent faire de l’exorcisme une science exacte. Moi, je ne calibre pas les balles selon la taille du démon. Je ne fais pas de diagnostic. Mon ministère est un ministère de prière et d’imposition des mains. Je ne suis que l’intermédiaire d’une grâce accordée par le Christ. Il est clair que tous les péchés des hommes ne viennent pas du démon.
N’y a-t-il pas une tendance dans l’Eglise à mettre de côté ce qui a une connotation surnaturelle, et l’exorcisme avec?
Il est dommage que la notion de combat spirituel soit de plus en plus ignorée dans la vie chrétienne. Sans doute à cause de sa connotation trop guerrière. Or le combat fait partie de la vie. Ce rejet vient du fait que l’on a tendance à ignorer les enjeux de vie et de mort dans notre existence. Les progrès de la modernité nous ont peut-être donné un trop grand sentiment de sécurité.
Ceci dit, nous nous réjouissons d’avoir une forte reconnaissance de la part du Vatican. En juillet 2014, le Saint-Siège a notamment reconnu l’Association internationale des exorcistes.
Certainement, dans beaucoup de diocèses, les services d’exorcisme ont été réduits. Dans les Eglises locales, il est clair que les exorcistes sont quelque peu relégués, mis à l’écart. On ne trouve plus d’ailleurs beaucoup de prêtres prêts à exercer cette fonction. Des personnes inappropriées ont ainsi parfois été placées à ces postes, et c’est dommageable, car c’est une tâche qui doit être menée avec sérieux et responsabilité.
Je pense que les Eglises craignent parfois pour leur image dans la société. Il y a un imaginaire culturel qui associe l’exorcisme avec la magie noire, les bûchers où l’on brûlait les sorcières. Ce rituel est lié dans la mémoire collective à un passé fantasmatico-ésotérique.
L’exorcisme est pourtant, comme je l’ai dit auparavant, une partie intégrante du christianisme, très présente dans les Evangiles. Toute l’Eglise pratique en fait l’exorcisme. Le Notre Père est un exorcisme que tous les prêtres exercent. N’y dit-on pas « délivre-nous du mal »? La prière affirme la suprématie du Christ et la défaite du démon. Cela même si le rituel du Grand exorcisme m’est réservé. Car je m’adresse directement au diable. Et en cela, je prends des risques…
La peur liée à l’exorcisme joue-t-elle également un rôle dans cette défiance?
Certainement. Mais il y a là une fort ambiguïté. Quand je me présente comme un simple prêtre diocésain, tout le monde s’en fiche. Mais quand je dis que je suis exorciste, j’attire sur moi une attention démesurée. L’homme a peur du mal, mais est également fasciné par lui. L’exorcisme effraye, mais cette peur n’est pas inutile. C’est un peu comme une mère qui menace son enfant pour qu’il mange sa soupe, c’est le premier stade de l’amour. La peur peut cependant aussi être un piège et une ruse du démon. En fait, la peur est sa plus grande victoire, car elle est la mère de bien des vices. Donc au lieu d’être fascinés par le mal, il s’agirait que les personnes s’émerveillent du bien.
Le public connaît ainsi beaucoup plus l’exorcisme par le cinéma que par les pratiques de l’Eglise. Quels problèmes cela pose-t-il?
Le cinéma donne une image assez biaisée de l’exorcisme. Il ne montre par exemple que l’exorcisme impératif, c’est-à-dire la partie où le prêtre s’adresse directement au démon. Il faut se rappeler que le rituel d’exorcisme est avant tout une liturgie, qui commence par la litanie des saints.
La possession démoniaque est aussi plus subtile que ce que le cinéma peut montrer. Il y a des tas de gens possédés qui vivent très bien. Le pouvoir du mal y est aussi grandement surestimé. Il faut se rappeler que le diable est un perdant, qu’il est faible. Mais il faut rester vigilant. Satan attend qu’une porte lui soit ouverte. Les personnes que je reçois sont très souvent marquées par des addictions, des vices profonds. Ou ils ont eu recours à la divination, au maraboutisme, à la sorcellerie. Avant de piller la maison, le diable doit en effet ligoter le propriétaire. Ainsi, une personne ferme dans la foi n’a pas à craindre de tomber sous l’emprise des forces des ténèbres. Il faut toujours garder à l’esprit que le Christ a vaincu la mort.
cath.ch/rz [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Photo: capture Antholy Hopkins dans le film « Le Rite ».
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Le Père Jean-Pascal Duloisy est exorciste pour le diocèse de Paris. Il est un grand connaisseur des forces des ténèbres. Il rappelle que le combat spirituel fait partie intégrante de la mission de l’Eglise et du temps de carême.
Le Père Duloisy détonne quelque peu avec l’image que l’on peut se faire d’un exorciste. Ce prêtre arborant le col romain a beau être petit, mince et jovial, il a pourtant la carrure spirituelle nécessaire pour s’opposer, en moyenne quatre fois par mois, aux forces démoniaques. Le prêtre propose ainsi depuis de nombreuses années d’aider, par la prière, les personnes qui se sentent sous l’emprise d’un esprit mauvais. cath.ch l’a rencontré à l’occasion d’une conférence organisée à Fribourg par la paroisse du Christ-Roi.
Le pape François a récemment affirmé que le carême était un temps de « lutte contre l’esprit du mal ». En tant qu’exorciste, ressentez-vous également cela?
Le combat spirituel est effectivement un aspect essentiel du temps de carême. Le pape a d’ailleurs emprunté cette parole au missel du Mercredi des cendres. Avec le jeûne, la pénitence, le service de charité, on peut amender nos lâchetés. Mais il faut aussi lutter contre les occasions de péché, se fortifier en se confrontant à nos zones d’ombre.
Le problème, c’est que le diable ne va pas nous laisser faire cela. Car il considère que tout ce qui est sauvé par le Christ est perdu pour lui. Comme depuis le temps de la Genèse, il va œuvrer pour que nous doutions de Dieu, de son amour absolu pour nous. Le mieux est à ce moment-là de retrouver ce cœur d’enfant qui va sans crainte vers le Père. Car le principal travail du démon est de tenter de briser cette relation père-fils. Il va notamment le faire en mettant en danger la joie de nos âmes, en obscurcissant notre conscience du bien et du mal, en nous incitant au découragement.
Le pape François parle beaucoup du diable, qu’il perçoit comme une créature réellement existante. D’autres voix dans l’Eglise catholique estiment qu’il s’agit d’une figure symbolique. Rejoignez-vous le pontife argentin sur ce point?
Bien sûr. Selon moi, un chrétien ne peut pas ne pas croire au diable. La Bible, du début à la fin, mentionne l’action du démon ou des démons. Le livre explique que ce sont des anges qui ont refusé de servir et d’adorer Dieu. Il s’agit donc de créatures bien réelles, même si elles n’ont pas de corps, qui possèdent une intelligence supérieure à celle de l’homme.
Le pape François a parlé du diable dès ses premiers discours. Il est effectivement très présent dans sa rhétorique, et pas comme une figure mythique. Il n’est d’ailleurs pas le seul pape qui est de cet avis. Paul VI et Jean Paul II ont notamment écrit des textes qui parlent du diable comme d’une créature réelle. Il faut en tout cas se rappeler, comme l’a dit Charles Baudelaire, qu’une des plus grandes ruses du diable est de nous faire croire qu’il n’existe pas.
Avez-vous rencontré des indices concrets de l’existence du diable?
Nous avons des critères très concrets pour déterminer si une personne est réellement sous l’emprise du démon. J’ai personnellement pu me rendre compte de quatre de ces cinq critères. Il s’agit tout d’abord de phénomènes corporels anormaux. La personne commence par changer de voix. Elle se couche tout à coup par terre, se tord et crie. Son visage se transforme en celui d’un serpent, ou elle se met à quatre pattes et vous regarde comme un chien qui va vous mordre.
Un second critère concerne le fait qu’une personne possédée parle parfois une langue qu’elle n’a jamais apprise. J’ai accompagné une femme qui parlait néerlandais alors qu’elle n’avait jamais été en contact avec cette langue. Une Française de souche s’est mise à prononcer des mots en arabe.
Il y a également la proclamation de faits que la personne ne peut pas connaître. Je faisais par exemple un exorcisme avec un dominicain. La personne sous emprise a commencé à lui dire « Toi, croissants au beurre, arrête ». Sur le moment je n’ai pas compris. Le dominicain m’a avoué par après qu’il s’était récemment goinfré de croissants au beurre.
Les personnes possédées rejettent aussi violemment ce qui a trait à la foi et à l’Eglise. Ils blasphèment et injurient les figures religieuses. Un cinquième critère indique que ces personnes font parfois la démonstration d’une force physique hors du commun.
Le diable serait donc bien présent autour de nous?
Il faut faire la part des choses. Certains exorcistes ne font rien sans l’aide d’un psychologue et d’autres mettent le démon partout. Ces derniers veulent faire de l’exorcisme une science exacte. Moi, je ne calibre pas les balles selon la taille du démon. Je ne fais pas de diagnostic. Mon ministère est un ministère de prière et d’imposition des mains. Je ne suis que l’intermédiaire d’une grâce accordée par le Christ. Il est clair que tous les péchés des hommes ne viennent pas du démon.
N’y a-t-il pas une tendance dans l’Eglise à mettre de côté ce qui a une connotation surnaturelle, et l’exorcisme avec?
Il est dommage que la notion de combat spirituel soit de plus en plus ignorée dans la vie chrétienne. Sans doute à cause de sa connotation trop guerrière. Or le combat fait partie de la vie. Ce rejet vient du fait que l’on a tendance à ignorer les enjeux de vie et de mort dans notre existence. Les progrès de la modernité nous ont peut-être donné un trop grand sentiment de sécurité.
Ceci dit, nous nous réjouissons d’avoir une forte reconnaissance de la part du Vatican. En juillet 2014, le Saint-Siège a notamment reconnu l’Association internationale des exorcistes.
Certainement, dans beaucoup de diocèses, les services d’exorcisme ont été réduits. Dans les Eglises locales, il est clair que les exorcistes sont quelque peu relégués, mis à l’écart. On ne trouve plus d’ailleurs beaucoup de prêtres prêts à exercer cette fonction. Des personnes inappropriées ont ainsi parfois été placées à ces postes, et c’est dommageable, car c’est une tâche qui doit être menée avec sérieux et responsabilité.
Je pense que les Eglises craignent parfois pour leur image dans la société. Il y a un imaginaire culturel qui associe l’exorcisme avec la magie noire, les bûchers où l’on brûlait les sorcières. Ce rituel est lié dans la mémoire collective à un passé fantasmatico-ésotérique.
L’exorcisme est pourtant, comme je l’ai dit auparavant, une partie intégrante du christianisme, très présente dans les Evangiles. Toute l’Eglise pratique en fait l’exorcisme. Le Notre Père est un exorcisme que tous les prêtres exercent. N’y dit-on pas « délivre-nous du mal »? La prière affirme la suprématie du Christ et la défaite du démon. Cela même si le rituel du Grand exorcisme m’est réservé. Car je m’adresse directement au diable. Et en cela, je prends des risques…
La peur liée à l’exorcisme joue-t-elle également un rôle dans cette défiance?
Certainement. Mais il y a là une fort ambiguïté. Quand je me présente comme un simple prêtre diocésain, tout le monde s’en fiche. Mais quand je dis que je suis exorciste, j’attire sur moi une attention démesurée. L’homme a peur du mal, mais est également fasciné par lui. L’exorcisme effraye, mais cette peur n’est pas inutile. C’est un peu comme une mère qui menace son enfant pour qu’il mange sa soupe, c’est le premier stade de l’amour. La peur peut cependant aussi être un piège et une ruse du démon. En fait, la peur est sa plus grande victoire, car elle est la mère de bien des vices. Donc au lieu d’être fascinés par le mal, il s’agirait que les personnes s’émerveillent du bien.
Le public connaît ainsi beaucoup plus l’exorcisme par le cinéma que par les pratiques de l’Eglise. Quels problèmes cela pose-t-il?
Le cinéma donne une image assez biaisée de l’exorcisme. Il ne montre par exemple que l’exorcisme impératif, c’est-à-dire la partie où le prêtre s’adresse directement au démon. Il faut se rappeler que le rituel d’exorcisme est avant tout une liturgie, qui commence par la litanie des saints.
La possession démoniaque est aussi plus subtile que ce que le cinéma peut montrer. Il y a des tas de gens possédés qui vivent très bien. Le pouvoir du mal y est aussi grandement surestimé. Il faut se rappeler que le diable est un perdant, qu’il est faible. Mais il faut rester vigilant. Satan attend qu’une porte lui soit ouverte. Les personnes que je reçois sont très souvent marquées par des addictions, des vices profonds. Ou ils ont eu recours à la divination, au maraboutisme, à la sorcellerie. Avant de piller la maison, le diable doit en effet ligoter le propriétaire. Ainsi, une personne ferme dans la foi n’a pas à craindre de tomber sous l’emprise des forces des ténèbres. Il faut toujours garder à l’esprit que le Christ a vaincu la mort.
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