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Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801

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Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Empty Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801

Message par MichelT Ven 7 Fév 2020 - 15:23

Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse

Ouvrage imité de l'allemand. – Paris 1801


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 20180430b-rick-from-alabama-flickr

Invitation aux créatures à louer leur Créateur.

Bénissez le Seigneur suprême,
Petits oiseaux dans vos forêts :
Dites sous ces ombrages frais,
Dieu mérite qu'on l'aime.

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Doux Rossignols, dites de même,
Ou tous ensemble, ou tour à tour ;
Et que les échos d'alentour
Vous répondent : qu'on l'aime.

Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 290px-Mourning_Dove_2006

Triste et plaintive tourterelle,
Bénissez Dieu, rien n'est si doux :
Je devrais plus gémir que vous,
Mais je suis moins fidèle.

Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 1021260749

Paissez, moutons, en assurance
Et bénissez le bon pasteur :
Voit - il en moi votre douceur ?
Ah, quelle différence !


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 IFJSyR

Dans ces beaux lieux tout est fertile,
J'y vois des fruits, j'y vois des fleurs;
Je le dis en versant des pleurs,
Je suis l'arbre stérile.


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 O3g2bkqj


Charmantes fleurs que l'on voit naître,
Et mourir dans un même jour,
Hélas! je mourrai à mon tour,
Plutôt que vous, peut-être.


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Messier44-672x372


Je vois briller l'aimable étoile
Qui luit le matin et le soir,
Mon Dieu, quand vous pourrai-je voir,
Face à face, sans voile ?


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Aurora-1018288_960_720


Que le soleil et que l'Aurore,
Les campagnes et les moutons,
Les rivières et les poissons,
Qu'enfin tout vous adore !


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Thunder-and-lightning-FB


Tonnerre, éclairs, bruyante foudre,
Marquez son pouvoir, sa grandeur,
Dieu peut confondre le pécheur
Et le réduire en poudre.


Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Depositphotos_114270090-stock-photo-deer-stag-at-the-lake

Comme le Cerf court aux fontaines,
Pressé de soif et de chaleur,
Ainsi je cours à vous, Seigneur,
Adoucissez mes peines.

Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Sainte_trinite_vitrail


O Seigneur Dieu, en qui j'espère,
Soyez toujours mon protecteur :
Je suis un ingrat, un pécheur,
Mais vous êtes mon père.



Le jeune renard.

Un vieux renard, des plus expérimentés, avait un fils, qu'il aimait tendrement. Il ne cessait de l'avertir de se tenir en garde contre les traquenards et les chausses-trappes.
A cet effet il lui racontait l'histoire malheureuse de plusieurs de son espèce, qui y avaient trouvé la mort pour avoir été trop imprudents. Un jour le jeune renard arriva à une trappe couverte avec art et garnie de nourriture friande: — «Je te connais, s'écria t-il en souriant, tu m'auras pas ma tête, je t'éviterai aussi heureusement que mon père. Cependant, reprit-il, si j'imaginais un moyen, par lequel je pusse me procurer sans risque cette belle proie. Quelle serait ma joie si je surpassais mon père en ruse! Par exemple, si j'inclinais prudemment la tête en arrière, et si j'arrachais adroitement avec la patte cette amorce friande : assurément, cela ne saurait me manquer. Il hasarda le coup. Il n'eut point la tête enlevée, mais il perdit la patte, c'est à quoi il n'avait pas pensé.  Fuyez le danger, mes chers enfants, quand vos parents, ou des personnes, qui ont plus d'expérience que vous, vous en avertissent, et ne pensez pas : je ferez à ma tête.


Amélie et le ver à soie.

Fi, fil s'écria Amélie, en apercevant pour la première fois un ver à soie : quel vilain ver! Maudits insectes qui n'êtes dans le monde, que pour inspirer du dégoût et de l'effroi, et qui me servez qu'à dégrader les arbres! Si je ne craignais de salir mes souliers, je t'écraserais tout de suite. Modère - toi, petite imprudente! interrompit le ver à soie; tu ne sais pas que c'est à moi que tu dois la belle robe qui te rend si fière et il continua à filer. Quand on juge des choses que l'on ne connait pas, on montre son ignorance, et on s'expose à être humilié.


L' agneau

Un jeune agneau, blanc comme la neige, accompagnait un jour sa mère au pâturage. Immodéré dans sa joie, il bondissait dans le trèfle naissant et courait à toute bride avec
la plus grande imprudence. Mon enfant, s'écria la mère, prends garde, de te faire du mal. Mais l'agneau, sans faire attention aux avis de sa mère, continua à gambader jusqu'à ce qu'à la fin il se cassa la jambe contre une pierre qu'il n'avait pas remarquée. Il est bien permis de se divertir, mes enfants; cependant gravez profondément dans votre coeur cet avis salutaire : une joie immodérée se change, pour la plupart du temps, en tristesse.


Le cerf.

Un cerf orgueilleux se donnait en hiver un petit mouvement pour se réchauffer. Il courait les champs, traversait les haies, franchissait chaque fossé, passait et repassait comme un éclair la rivière prise de glace. Voilà qui va bien, lui dit le renard, il faut avouer que tu es fort habile à sauter ! mais, mon ami, sois sur tes gardes en passant cette glace ! Hier, l'âne du meunier y dansa aussi, et il tomba, se cassa la jambe ? Vois donc si tes avis conviennent à un cerf léger comme moi?  Il revola tout de suite sur la glace, glissa, et se cassa la jambe comme l'âne.


Le singe et le bûcheron.

Un singe contemplait longtemps un bucheron, qui fendait des buches et y faisait entrer des coins avec beaucoup de peine pour les fendre plus aisément. A voir cet homme — se disait-il à lui-même, ne dirait-on pas que son travail est bien difficile ? Parions que je le ferai mieux que lui. L'ouvrier s'étant éloigné pour quelques moments, le singe s'approcha et tira un des coins, qui sortit si promptement que sa patte se trouva engagée dans la fente du bois de manière qu'il ne put la retirer. Le bûcheron revint et se saisit du babouin, qui poussait les cris les plus lamentables de douleur.  La curiosité et la témérité précipitent dans la ruine, et ce qui parait facile au premier coup d'oeil ne l'est pas toujours en effet.


L'hirondelle et ses petits.

Une hirondelle voulant quitter son nid pour quelques moments, afin de chercher de la nourriture pour elle et les siens, exhorta ses petits, qui se sentaient déjà assez forts pour
voler, d'avoir encore patience, jusqu'au jour suivant, et de ne point hasarder de vol sans son secours, parce qu'ils pourraient aisément être malheureux à cause de la violence
du vent. A peine la mère se fut-elle éloignée du nid, qu'une des jeunes hirondelles témoigna son grand mécontentement de l'exhortation maternelle, qu'elle taxa de caprice, et elle chercha à persuader les autres de son opinion.  Hasardons — leur dit-elle un vol; nous n'avons rien à craindre, nos ailes sont déjà parvenues à la grandeur et à la force nécessaires; le peu de vent me fera que favoriser notre dessein. Mais ses frères et soeurs, bien qu'ils eussent un grand désir de voler, n'approuvèrent point la proposition, parce qu'ils eurent peur de hasarder leur premier vol, par un vent pareil, sans leur mère, et en détournèrent leur soeur.  Celle-ci ne put s'empêcher d'essayer le vol avant l'arrivée de sa mère. Les hirondelles qui étaient restées dans le nid, la suivirent des yeux, non sans inquiétude; elles aperçurent bientôt, avec effroi, leur sœur abattue par terre, un chat accourir qui s'en saisit. Hélas — s'écrièrent - elles en soupirant, — que nous sommes heureuses de ne nous pas être laissé séduire par notre sœur malheureuse, en agissant contre les avis salutaires de notre bonne mère ! Mes chers enfants, ayez toujours devant  les yeux le malheur de la jeune hirondelle désobéissante, quand vos parents vous défendent une chose que vous aimeriez faire.


La chauve-souris.

Une chauve-souris ! une chauve-souris ! s'écria Eléonore avec une voix terrible, semblable aux cris qui annoncent un incendie. A ces cris ses frères et soeurs accoururent aussitôt, armés de fouets et de manches à balais, pour aider Eléonore à combattre de toutes leurs forces ce monstre volant. Ce fut en vain que leur père leur cria de se tenir tranquille, et d'ouvrir seulement les fenêtres et les portes; que l'ennemi qui leur paraissait si terrible me tarderait pas à prendre la fuite, sans qu'on eût besoin de le combattre. On fit voler les coups de fouets et de manches à balais avec tant de bravoure et de zèle que les miroirs, les tasses furent brisées en mille morceaux, sans toutefois pouvoir attraper l'animal, et on fit plus de dommage que jamais on n'en aurait eu à craindre de toute une armée de chauve-souris. C'est ce que j'avais bien pensé! s'écria le père irrité, en apercevant le ravage dans la chambre —  oui, c'est ce que j'avais pensé que, par votre zèle imprudent contre un pauvre animal, vous ne feriez que du dégât. Cet homme avait raison. Un zèle aveugle et impétueux nuit toujours.


Il ne faut point se moquer des malheureux.

Un garçon qui avait l'insupportable habitude de contrefaire et tourner en ridicule les personnes défigurées par la nature, vit un jour passer sous sa fenêtre un homme bossu dont les jambes étaient cagneuses et difformes. Il quitta tout de suite son livre, courut dans la rue, poursuivit le pauvre bossu, qui méritait plutôt sa compassion que ses huées, et se mit à contrefaire non seulement sa marche, mais aussi son attitude. En imitant ce malheureux qui, par la difformité de sa poitrine, était forcé de tenir la tête en arrière, il fixa, en marchant, ses yeux en l'air, et n'apercevant pas un trou profond, qui était devant lui, il y glissa du pied gauche, et perdant l'équilibre il tomba sur un caillou pointu, se fit un grand trou à la tête et se cassa la jambe gauche. Aux cris du garçon, le bossu, qui n'ayant pas laissé de remarquer la conduite insensée de ce drôle malicieux, se retourna, vola non seulement à son secours, mais sollicita encore un passant de l'aider à soulager le malheureux enfant, et de chercher tout de suite un chirurgien Les soins et l'art guérirent enfin l'enfant, mais il garda toujours une jambe courbe, et boita pendant toute sa vie. Observez donc que, celui qui se moque d'un malheureux mérite le mépris.


La paresse ressemble à la rouille, elle consume plus que le travail.

Le blaireau.
Où coures-tu si vite, petit animal? Entre donc un peu chez moi !

L'écureuil.
Que veux-tu de moi?

Le blaireau.
Je te regarde souvent de ma demeure, et je m'étonne de ta légèreté infatigable à sauter d'une branche sur l'autre, sans te donner un moment de repos, depuis le matin jusqu'au soir. Comment est-il possible que tu puisses endurer ces fatigues, et être avec cela si éveillé et si agile? Aucun animal ne te ressemble en ce point, pour moi, il faut que je me tourmente avec ma paresse.

L'écureuil.
Mon cher blaireau, cela n'est pas étonnant. Vous autres, vous êtes continuellement dans vos tanières, comme si vous y étiez enfermés entre quatre murailles; vous
vivez de votre graisse, voilà pourquoi – le mouvement vous fatigue. Car un repos excessif ne fait qu'augmenter la paresse; mais celui qui aime la diligence et le travail s'y
exerce de plus en plus.


L' âne.

Un âne voyageant arriva à une rivière. Il aperçut sur l'autre rivage de beaux chardons : — il eut grande envie d'en manger, et il ne tenait qu'à lui, car il savait nager, mais suivant sa belle coutume, il était trop paresseux. Je me reposerai, en attendant, se dit-il à lui-même, et je jouirai de la belle vue jusqu'à ce que l'eau du fleuve se soit écoulée. Il y resta tout le jour, le fleuve ne s'écoula point. Que faire? Affaibli par le jeûne, ses forces ne lui permirent pas de passer vers le soir à la nage, quand même il l'aurait voulu.  Mon enfant, ce voyage ressemble au cours de ta vie; la rivière qui se trouve sur le passage, c'est le temps. De l'autre côté est le bonheur et le contentement; il faut que tu tâches à y parvenir par ta diligence, en n'épargnant point de peines. Si tu en négliges présentement l'occasion, si tu n'emploies pas la force de ta jeunesse et la vivacité de ton âge, l'indigence sera le partage de ta vieillesse.


Agis envers les autres, comme tu voudrais qu'ils en agissent envers toi.

Ernest, garçon excellent et éveillé, avait remarqué depuis quelques jours que ses frères et soeurs avaient toutes sortes de secrets à se dire avec les enfants de Monsieur Montauban, et qu'il n'y avait que lui qui en était exclu. Ernest qui n'avait jamais eu un secret pour ses frères et soeurs, et qui était toujours complaisant envers un chacun, en fut un peu piqué; mais on l'apaisa en lui disant qu'il apprendrait le tout. Huit jours s'étant écoulés de la sorte, Guillaume vint lui demander, comme si de rien n'était: Ne veux-tu pas venir avec nous au jardin ? Ernest se prêta à sa demande, il s'en alla avec eux, sans se douter de ce qui l'attendait ; cependant il ne fut pas sans remarquer que les autres enfants se réjouissaient extrêmement, et qu'ils étaient envers lui plus affectueux qu'à l'ordinaire. On le conduisit dans le pavillon; y étant arrivé, tous les enfants se jetèrent à son cou, l'embrassèrent et le félicitèrent sur l'anniversaire de sa naissance. Chaque enfant avait dans le jardin une petite place sur laquelle il pouvait semer et planter ce qui lui plaisait. On arriva insensiblement à celle qui appartenait à Ernest; et quel fut son étonnement en la voyant garnie de plantes et de fleurs les plus belles !

Les autres enfants trouvaient un plaisir sensible à le considérer dans son agréable surprise; à les voir on aurait cru que c'était pour eux que cette fête allait être préparée. On appela les enfants pour venir dîner. Ici de nouveaux plaisirs l'attendaient encore, car ses parents avoient invité tous ses bons amis, et la table était garnie de ses mets les plus favoris. Avant de se mettre à table, quelqu'un frappe à la porte, on l'ouvre et un inconnu, selon qu'on en était convenu secrètement, apporte une petite corbeille couverte, la présente à Ernest, en disant qu'il a ordre de la lui remettre. Tous accoururent pour voir ce qu'il y avait dans la corbeille, sans faire remarquer que ces présents venaient d'eux. Quelle fut la joie d'Ernest, à l'aspect des belles choses qu'il y trouva ! deux beaux livres superbement reliés, une belle bourse d'argent, toutes sortes de couleurs à peindre et quantité de choses précieuses, que les enfants lui avaient achetées de leurs épargnes. Le bon Ernest en fut touché jusqu'aux larmes, il embrassa tous ses amis, et les remercia de leur amitié. L'après-dînée fut destinée à de petits jeux, et chacun s'empressa à témoigner son affection à Ernest. On ne se quitta qu'au crépuscule, tous étaient contents, excepté Philippe. On remarquait fort bien, qu'il était de mauvaise humeur, malgré qu'il cherchât à ne pas faire paraître son dépit. — Qu'as-tu, Philippe? lui demanda, en s'en allant, Frédéric, un des plus raisonnables de la compagnie. Rien, répondit-il. Mais d'où vient que vous tous faites tant de cas d'Ernest ? quel appareil pour le jour de sa naissance! ne dirait on pas que c'est un petit prince ? La semaine passée c'était mon jour de naissance, et à peine y avez-vous fait attention. Tu n'as pas non plus eu de si riches présents, lui répondit Frédéric. Mais à qui la faute qu'à toi-même. Vois-tu bien, Ernest est, comme tu sais, le garçon le plus complaisant. Il ne pense qu'à faire du plaisir aux autres; et lorsque nous voulons jouer, il se prête à chaque jeu, quand même il ne serait pas de son goût, pourvu que les autres l'approuvent. Aussi ne se fâche-t-il pas si aisément si l'un ou l'autre lui fait un petit badinage. Cette conduite affable est la cause que nous le chérissons tous. Mais toi, mon cher Philippe, tu es entièrement différent. Tu gardes tes joujoux pour toi seul, personne n'ose y toucher: veut-on jouer, tu prétends que tout aille à ta fantaisie, ou bien tu refuses d'être de la partie et tu troubles notre plaisir d'une manière ou de l'autre. - Philippe, quoiqu'à regret, sentit que Frédéric avait raison. Il résolut d'être plus complaisant à l'avenir. Il lui en coûta d'abord, mais peu à peu il s'y accoutuma. Il prit Ernest pour modèle, et à mesure qu'il devenait complaisant envers les autres, ceux ci le devinrent de plus en plus envers lui.


Le derviche offensé ou l'on ne doit jamais se venger.

Le favori d'un sultan jeta un jour une pierre contre un pauvre derviche qui lui demandait l'aumône. Celui-ci, bien qu'il sentît l'injure, n'osa le faire paraître, il leva la pierre, la mit dans sa poche, dans le dessein de la jeter un jour contre cet homme dur. Peu de temps après il apprit que le favori avait perdu la faveur du Sultan, et que conduit par les rues sur un chameau, il était exposé aux insultes du peuple. Le derviche s'en alla, tout de suite, chercher sa pierre; mais après y avoir un peu réfléchi, il la jeta dans un puits. Non, dit-il, on ne doit jamais se venger. Si notre ennemi est puissant, c'est une folie et une imprudence de le faire; s'il est malheureux, c'est indigne et cruel.


Le paon et le rossignol.

Le paon dit un jour au rossignol : petit oiseau, ton chant est sonore et agréable, mais ta figure n'est pas belle et ta chair n'a pas un bon goût. Eh, voilà aussi pourquoi je ne cherche à plaire que par ma voix, répondit la chanteuse. Fais-en de même avec tes plumes; pour ton chant, personne ne l'admirera. Suivez la nature, mes enfants ! Dieu donna à chaque mortel de quoi plaire; il faut qu'il s'applique à découvrir ce talent et à le cultiver.


Le berger et la mer.

Un berger vint par hasard avec son troupeau au rivage de la mer. Il contempla avec étonnement le calme paisible de la sur face de l'eau. Il avait ouï dire, qu'on pouvait s'enrichir par le commerce. Rien n'est plus aisé, se dit-il à lui-même, que de voyager sur une eau aussi paisible. L'avidité du gain fut un appas trop fort pour lui; il vendit son troupeau, se procura un vaisseau, le chargea de figues, et déjà riche en idée à son retour, il vogua en pleine mer. Une tempête s'éleva; le vaisseau fut, à plusieurs reprises, en danger d'être enseveli dans les flots. Le berger se vit obligé de jeter toute sa marchandise dans la mer, et ce ne fut qu'avec peine qu'il sauva sa vie. Quelques jours après étant assis au même rivage, un passant vint, et admirant aussi la tranquillité de la mer. Hélas, dit le berger, je sais mieux ce que signifie ce calme: l'eau n'attend que des figues, afin de les engloutir. La volonté ne suffit pas pour exécuter des entreprises, il faut des connaissances et du discernement pour pouvoir espérer un bon succès.



Le coq domestique et son maître.

Un coq domestique vantait hautement sa vigilance, son courage, la beauté de ses plumes et maintes autres qualités. Son maître l'écoutait dans l'éloignement en souriant. De quoi ris-tu? — demanda le coq tout offensé — Ai-je prononcé une parole qui ne soit pas vraie ?  Non pas cela! mais je crains que peu de gens ajoutent foi à ton langage. Car la vertu véritable ne fait pas son propre éloge. La louange de soi-même est suspecte. Il est très - possible que Frédéric soit un garçon obéissant et diligent, mais en se vantant lui-même, il perd la louange de son maître, l'approbation de ses camarades et même l'aveu de beaucoup d'étrangers, car il aurait dû attendre que d'autres le louassent.


Le père et le fils.

Un enfant aimait extraordinairement les dattes, et pour en avoir beaucoup il en planta un noyau dans le jardin de son père. Le père le voyant faire en souria et lui dit : Tu plantes des dattes! o mon enfant, il te faudra attendre longtemps, car sache qu'à peine cet arbre porte les premiers fruits après vingt ans. Charles, qui n'avait pas cru devoir attendre si longtemps pour jouir du fruit de ses peines, s'arrêta et fronça les sourcils. — N'importe, dit-il enfin à son père, je ne me m’ennuierai pas d'attendre, pourvu que le temps récompense mon travail : je jouirai du moins dans ma vieillesse de ce que j'aurai planté dans mon enfance.


L'abeille et le pigeon.

Une abeille était tombée dans un ruisseau. Un pigeon qui l'aperçut, cueillit une feuille du berceau et la lui jeta. L'abeille se mit à nager, atteignit la feuille et se sauva heureusement par ce moyen. Peu de temps après le même pigeon se trouva sur le même berceau. Un chasseur le couchait déjà en joue; l'abeille vint et le piqua à la main, le coup partit de côté. Le pigeon s'enfuit. – Qui est-ce qui lui sauva la vie ? Soyez charitables envers le pauvre. Vous partagez aujourd'hui votre pain avec lui, demain il peut partager le sien avec vous.


Le vieux et le jeune loup.

Je suis digne de vous, mon père ! — s'écria un jeune loup, - un chien m'a attaqué et je l'ai étranglé. Voilà qui est charmant, dit le père. Allons chez mon oncle, continua le jeune loup, afin que je lui annonce aussi ma bravoure, et qu'il se réjouisse avec moi. Non, Non, mon fils, reste ici et tais-toi! Et si tu ne peux te taire, attends du moins qu'il vienne lui-même, et qu'il te questionne. Raconter à un chacun, sans qu'il le demande, ses exploits heureux, c'est une preuve qu'il n'y en a encore que peu auxquels on ait réussi.


Le chêne et le cochon.

Un cochon gourmand s'engraissait du fruit d'un chêne élevé sous lequel il se trouvait. En mangeant les glands autour de lui, il avalait les autres des yeux. Animal ingrat! s'écria le chêne, tu te nourris de mon fruit, sans seulement jeter sur moi un regard de reconnaissance ! Le cochon arrêta un moment et grogna la réponse suivante. Je ne manquerais pas de te payer le tribut de ma reconnaissance, si je savais que c'est pour moi que tu fais tomber tes glands. Il n'y a que celui qui fait, de dessein prémédité, une action charitable, qui puisse compter sur la reconnaissance.


L'étalon et la guêpe.

Une petite guêpe piquait un étalon. Celui ci ruait de toutes ses forces, mais inutilement. Enfin la guêpe lui adressa ces paroles: Doucement, mon cher étalon, je suis en sûreté, crois moi, tu ne m'attraperas pas. A la fin l'étalon s'apaisa et pria la guêpe de le ménager; à quoi elle lui répondit: La douceur trouve toujours un accueil favorable. Vois-tu, bien, à présent je ne te pique plus.


La huppe et le rossignol.

Une huppe orgueilleuse vantait à un rossignol son brillant plumage, son beau panache. Ma foi, lui dit-elle, en me comparant à toi je te trouve bien laid. – C'est bien possible, reprit modestement le rossignol, qui alla se percher sur une branche élevée et se mit à chanter. Tous les passants s'arrêtèrent pour l'écouter, et disaient avec transport: quels sons divins ! quels sons divins! La huppe, coquette envieuse et jalouse, l'entendit, et vola d'une branche à l'autre, pour montrer sa belle parure, mais personne n'y fit attention, la petite Philomèle avait captivé tous les suffrages. Une belle âme est ordinairement préférée à un beau corps.


L’étourneau.

Un étourneau, qui avait soif, trouva une bouteille à demi pleine d'eau. Il y fit entrer son bec, mais par malheur il était trop court et ne put atteindre jusqu'à l'eau. Il essaya ensuite de faire un trou à la bouteille, mais inutilement, le verre était trop solide. Il voulut la renverser; mais elle était trop pesante. Il imagina à la fin un expédient qui lui réussit. Il introduisit beaucoup de petites pierres dans la bouteille. Par ce moyen l'eau s'éleva insensiblement de manière qu'il put l'atteindre et satisfaire sa soif. Un esprit inventif est préférable à la force du corps. Mais il ne faut pas d'abord désespérer, si le premier essai ne réussit pas à souhait.


La source et le voyageur.

Un voyageur fatigué par la grande ardeur du soleil, arriva auprès d'une source. Il avait marché longtemps et avec vitesse; la sueur dégouttait de son front, et il était fort altéré. Quelle fut sa joie en apercevant cette eau claire et argentine ! Il en but aussitôt, s'imaginant de prendre par-là de nouvelles forces. Mais le trop grand et prompt changement de chaleur et de fraîcheur lui fut nuisible; il tomba en défaillance. Ah l'indigne poison ! — s'écria-t-il, — qui aurait cru trouver tant de malice dans un objet si attrayant — Et quelle est ton erreur - lui répondit la source — de me nommer du poison? Contemple les objets autour de moi, toute la campagne ne vit et ne fleurit que par moi. Les troupeaux viennent s'abreuver de mon eau, et je rafraîchis des milliers de tes semblables. Ce n'est que par ton imprudence que je te deviens dangereuse et peut-être mortelle, pendant qu'une jouissance modérée aurait prolongé tes jours.


Dernière édition par MichelT le Ven 14 Fév 2020 - 1:43, édité 9 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801 Empty Re: Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse - Paris 1801

Message par MichelT Ven 7 Fév 2020 - 15:36

Contes moraux pour former le coeur et l'esprit de la jeunesse


Ne sois pas précipité dans ton jugement.

Dans un des premiers jours du printemps, un seigneur fit avec son fils un tour de promenade dans son jardin. La violette, la marguerite et d'autres fleurs ornaient déjà  les couches, et la plupart des arbres étaient déjà couverts d'une jeune verdure et de fleurs blanches et rougeâtres. Ils arrivèrent à un espalier, où la vigne informe, nouvellement détachée de la paille, était couchée par terre. Le bois en était raboteux, inégal et difforme. - Ah! pourquoi n'arrache-t-on pas ce bois inutile, pour le brûler? s'écria le jeune seigneur, et aussitôt il se mit en posture de l'arracher; mais les racines tenaient trop ferme. — J'ai mes raisons pour ne pas le faire, répondit le père; je te les dirai quand il en sera temps. — Mais, mon cher père! voyez donc de l'autre côté la superbe fleur du pêcher et de l'abricotier ! pourquoi ne pas planter partout de ces arbres? cette plante ici défigure tout le jardin.

Permettez - moi de dire aux ouvriers d'arracher ce bois inutile — Non, te dis - je, il doit y rester, du moins encore pour quelque temps, Le père chercha à tourner l'attention de son fils sur d'autres objets, et tout fut oublié. Un voyage qui survint bientôt après, les éloigna de leur campagne où ils ne revinrent que fort tard en automne. Au retour le père se rendit avec son fils au même espalier. — Quelle fut la surprise du dernier en voyant ce beau tapis vert. Mon père, dit-il, vous avez assurément fait extirper ce mauvais bois desséché que nous vîmes ici le printemps passé et qui me déplaisait tant, et vous avez fait planter ces beaux arbres pour me faire plaisir ? Quel charmant fruit ! quel les belles grappes bleues et rougeâtres ! et quelles belles et grandes feuilles crénelées, à travers desquelles percent ces grappes! C'est ici la plus belle vue du jardin. – Son père lui ayant donné une grappe pour la manger, ses transports se renouvelèrent, et son étonnement fut encore plus grand, quand il apprit que du jus de ces grappes l'on faisait la boisson salutaire qu'on nomme le vin. Ton étonnement est grand, mais il le sera encore davantage si je te dis que ces ceps sont le même bois raboteux, inégal et difforme qu'au printemps passé tu voulais faire extirper et jeter au feu. Souvent on juge dans la vie humaine comme tu jugeas. En voyant un enfant pauvre, défiguré, peut être misérable et défectueux de corps, on le méprise, on passe devant lui avec fierté, et l'on jette peut-être sur lui un regard dédaigneux. Mais dans ce corps mal vêtu et difforme peut se trouver la plus belle âme, qui un jour éclairera le monde par sa vertu et par sa sagesse. Garde - toi donc à l'avenir d'être précipité dans tes jugements.


L'enfant et l'arbre.

Mon fils, dit un jour un père à son enfant, je te fais présent de cet arbre, il sera à-peu près de ton âge. Aie soin de le cultiver. Si tu n'épargnes point de peine, tu peux être assuré qu'il te portera les plus belles fleurs au printemps et les plus beaux fruits en automne. — Le fils transporté de joie remercie son père, saute autour de son arbre et se pare le chapeau de ses branches. Cette parure enfantine lui plut si fort qu'il cueillit tous les jours des fleurs, tant enfin que l'arbre fut dépouillé de son plus bel ornement, et ne porta point de fruit en automne. Mes jeunes amis, n'allez pas, comme ce garçon, détruire le germe des connaissances qu'il vous importe d'acquérir, et exposer le bonheur de votre vieillesse par des plaisirs immodérés.


Le voyageur et le soleil

Un voyageur ayant longtemps combattu contre la tempête et la pluie, vit à son grand plaisir le soleil percer à travers les nuages et le réchauffer. Être bienfaisant, — s'écria-t-il pourquoi ne nous es-tu pas toujours visible, et pourquoi nous caches-tu si souvent tes rayons salutaires et agréables? C'est par là même, — répondit le soleil, — que tu devrais reconnaître mon amour pour toi. Mes rayons ne te feraient pas tant de plaisir si tu en jouissais incessamment, c'est la privation qui rehausse le prix de la jouissance qui nous attend.


Le castor critique.

Un jeune castor qui avait reçu de ses parents une bonne instruction dans l'art de bâtir, n'en faisait aucun usage pour lui, mais il montrait son habileté à aller partout examiner les bâtiments des autres castors, et à critiquer les fautes : qu'il y remarquait, avec une sévérité des plus mordantes ; jamais, ou rarement, il en louait ce qui était bon. Les autres castors, indignés à la fin de ce procédé malhonnête, s'assemblèrent et le chassèrent du milieu d'eux. Éloigne-toi, insolent critique — lui dirent - ils; — crois - tu donc que ce soit un si grand mérite de chercher des défauts dans les ouvrages des autres, sans faire quelque chose de meilleur? Va t-en, tu n'es qu'un membre inutile de notre société.


L'enfant envieux puni.

Une mère partagea un jour du gâteau entre ses deux enfants, Eléonore et Charles, parce qu'elle le leur avait promis. Eléonore avait été ce jour-là plus diligente, et étant l’aînée, elle reçut un plus grand morceau que son frère, qui à cause de son inapplication et de sa désobéissance, n'en aurait dû point avoir du tout. Il fut aussi d'abord bien aise d'avoir sa part au gâteau, parce qu’il n'avait point espéré d'en recevoir. Mais quand il aperçut le gâteau de sa soeur, et comparant son morceau avec le sien, il grinça les dents de dépit, et s'élança sur elle pour le lui arracher. Eléonore l'évita avec tant d'adresse qu'il ne put parvenir à son but, et elle s'enfuit. Charles la poursuivit avec le plus grand acharnement, et fixant toujours le gâteau de sa soeur sans faire attention au chemin, il broncha et tomba si violemment par terre que son gâteau vola de sa main. Un chien qui passait au même moment s'en saisit et l'avala. Charles se mit à pleurer amèrement, mais ceux qui avoient été témoins de son emportement, se moquèrent de lui, et applaudirent à cette punition pour sa conduite envieuse, parce qu'ils pensaient que cet événement servirait à le corriger. Aussi sa mère ne lui infligea-t-elle, cette fois-ci, aucune autre punition, elle se contenta de lui détailler la laideur de sa faute, et de lui faire sentir combien les gens envieux sont malheureux et détestés.


Le renard et le bouc.

Un renard et un bouc allaient ensemble à la campagne. C'était un jour d'été, et la chaleur était excessive. Les deux voyageurs eurent une soif dévorante. Ils trouvèrent en fin un puits, et y remarquèrent de l'eau, mais il n'y avait point de seau pour puiser - Il n'y a pas d'autre moyen, dit le bouc, que d'y descendre. Aussitôt dit, aussitôt fait, Le renard réfléchit un moment, mais sa soif étant trop grande, il forma son plan d'avance et suivit le bouc. — Leur soif étant apaisée il fut question de remonter. La chose était difficile. — Je sais encore un expédient, dit le renard: tu n'as qu'à te mettre sur tes pieds de derrière, appuyer les pieds de devant contre le mur, avancer la tête, alors grimpant sur tes cornes je pourrai sortir; étant dehors je t'aiderai. Le bouc suivit ce conseil, et le renard sortit par ce moyen. — En vérité, dit-il au bouc, étant en liberté, je voudrais bien te sauver aussi; mais je n'en vois pas la possibilité. Il ne me reste qu'à te donner cet avis : ne descends jamais à l'avenir dans un puits, avant que d'avoir pris tes mesures pour en sortir.


La jeune mouche présomptueuse.

Une jeune mouche était assise avec sa mère sur un foyer, près d'un pot dans lequel on cuisait la soupe. La vieille mouche ayant des occupations qui l'appelaient autre part, dit à sa fille avant de partir : Mon enfant reste où tu es, jusqu'à ce que je revienne. Pourquoi, ma mère? demanda la fille suffisante. Parce que, répondit la vieille,
je crains que tu n'approches trop de cette eau bouillante.,

La fille.
Et pourquoi ne dois - je pas en approcher?

La mère.
Parce que tu y tomberais et t'y noierais.

La fille.
Comment donc, y tomber?

La mère.
Je ne saurais t'en dire la raison, mais crois en mon expérience; toutes les fois que je vis une mouche voltiger sur une eau bouillante, elle y tomba et n'en ressortit jamais.

La vieille mouche crut en avoir dit assez et s'envola.  Mais la jeune mouche se croyant plus sage que sa mère, se dit à elle-même: Mon Dieu, que les vieux sont bizarres! M'interdire le plaisir innocent de voltiger au-dessus du pot fumant ! A la bonne heure, si je n'avais point d'ailes, et si je n'étais pas assez prudente pour savoir éviter le danger! En un mot, ma chère maman, quoi que vous me disiez de votre expérience, je ne saurais m'empêcher de faire un petit tour au-dessus du pot pour me divertir. Voyons un peu s'il y a tant à risquer. A ces mots la jeune imprudente y vola, mais à peine fut-elle arrivée au dessus du pot que la vapeur l'étourdit. Elle tomba dans la soupe bouillante, ayant à peine assez de temps de reste pour s'écrier: Enfants malheureux, qui vous croyez plus sages que les gens âgés, et qui me faites pas attention à leurs avis, profitez de cet exemple!


Les deux arbrisseaux.

Un laboureur avait deux fils dont l'un avait à peine un an de plus que l'autre. A la naissance d'un chacun le père avait planté un pommier; ces deux arbrisseaux étaient de la même qualité, ils réussirent à souhait, et leur croissance devint si belle qu'ils attiraient tous les regards.  Étant en fleurs au printemps, le père fit présent à chacun de ses fils de l'arbre qu'il avait planté le jour de sa naissance, et leur dit : Vous voyez, mes fils, ils sont tous deux d'une bonne sorte, mais le manque de culture peut les gâter, au lieu que des soins assidus peuvent les améliorer. Ils vous récompenseront par leurs fruits à mesure que vous en aurez soin. L’aîné, nommé Chrétien, était infatigable à soigner son arbre. Il le nettoyait tous les jours des chenilles qui s'y trouvaient, l'attacha à un tuteur afin qu'il vînt bien droit, piochait la terre autour du tronc pour  que l'humidité pût pénétrer plus facilement aux racines; en un mot, il n'épargnait aucune peine pour son arbre. - Michel, son frère, par contre, ne se souciait point du tout de son arbre; il s'amusait en attendant à se rouler en bas de la montagne, abattait les fleurs à coups de pierre, se houspillait avec d'autres enfants volages, et oublia son arbre, comme s'il n'en avait point. Un jour d'automne il remarqua par hasard l'arbre de son frère chargé de pommes les plus belles, et en si grande quantité que les branches, en auraient été courbées jusques sur la terre si Chrétien n'avait eu soin de les étayer. Étonné de la riche moisson de son frère, il courut promptement à son arbre, dans l'espérance que s'il n'y avait pas plus, du moins il y aurait autant de fruits qu'à celui de son frère : mais quelle fut sa surprise en n'apercevant qu`à peine quelques feuilles jaunes. Rempli d'envie et de dépit il courut auprès de son père et lui dit : Mon père! voyez donc quel arbre vous m'avez donné! il n'y a que de misérables branches desséchées, et pas un seul fruit:
mais pour mon frère, vous l'avez pourvu tout autrement! Ordonnez-lui du moins qu'il partage sa moisson avec moi.

De partager avec toi, fainéant que tu es? - reprit le père : — comment, tu prétends que l'homme diligent partage les fruits de sa sueur avec le paresseux? Supporte la peine de ta négligence, c'est la récompense de ta paresse, et en contemplant la riche bénédiction qui est tombée sur l'arbre de ton frère, garde-toi de te plaindre de l'injustice de ton père. La quantité de fleurs dont ton arbre était paré doit être une preuve pour toi que son tronc était aussi bon que celui de l'arbre de ton frère, le terrain est de même aussi fertile que celui de l'autre, mais il n'a pas eu la même culture. Chrétien a eu soin d'ôter la plus petite chenille qu'il apercevait; toi, au contraire,
tu as laissé ronger le fruit dans la fleur par les chenilles et autres insectes. Chaque ouvrier est digne de son salaire !


La petite fille auprès d'un ruisseau.

Une petite fille, âgée d'environ dix ans, était assise un jour au bord d'un ruisseau beau, et clair. Elle y voyait avec plaisir la réflexion des germandrées et d'autres fleurs champêtres, le ciel azuré et les aunes, dont le mouvement lui causait une sensation agréable, s'y présentaient comme un tableau riant. Mais ce qui lui plut encore davantage, c'était sa propre figure qu'elle y remarqua; elle était jolie.

L'eau fut troublée tout d'un coup par un mouvement subit. (apparemment que des garçons y avaient jeté des pierres, ou bien le fond argileux avait été remué par un accident). Ce mouvement des flots lui représenta son visage tantôt allongé, tantôt raccourci, et l'eau trouble ne lui montra plus sa figure charmante. Elle recula de peur, se leva promptement et s'enfuit pour aller s'en plaindre à sa mère. Ma chère enfant, lui dit la mère, ce ruisseau peut te servir d'exemple. Lorsque tu es bonne, et que ton âme jouit d'une douce paix, qui provient de l'obéissance et de la vertu, alors ta figure est aussi douce, belle et paisible comme le ruisseau clair et luisant, et comme le visage que tu y vis; tu es alors aimable et tu plais à tout le monde. Mais une mauvaise conduite, telle que la colère, la mauvaise humeur, le caprice, l'envie ou la désobéissance, n'a qu'à troubler ton âme, cette paix heureuse se perd tout de suite : ton front se ride, tes yeux se rétrécissent désagréablement, ta bouche s'allonge, en un mot tu deviens si difforme et si laide que tu as été belle auparavant, et alors tu déplais autant à toutes les personnes que tu leur plaisais ci-devant. Est-ce bien vrai, ma mère, ce que vous me dites-là? — Certainement, reprit la mère : ton petit miroir auront pu t'en convaincre, il y a longtemps; mais quand tu te laisses entraîner par ta désobéissance, c'est alors que tu penses le moins à ton miroir.  Ah, ma chère mère, s'écria-t-elle, je me garderai donc bien de me laisser surprendre par mes passions, afin de rester toujours jolie. - Elle tint parole, et chaque fois qu'elle se sentait entraîner au mal, elle se ressouvenait de la rivière troublée et des avis de sa mère.


La jeune fille et la rose.

Une jeune fille vit un jour une belle rose. Ah! s'écria-t-elle, quelle superbe fleur! il faut que je la cueille. Elle courut aussitôt vers le rosier, avança la main sans faire attention aux épines, qui l'égratignèrent douloureusement. Avertie par cet accident, elle devint plus circonspecte. Elle atteignit la rose sans se blesser une seconde fois, et la détacha de la branche. Heureuse de la posséder, elle voulut en savourer l'odeur; mais elle le fit si brusquement qu'elle en cassa la tige. N'importe, se disait-elle, je te garderai pourtant, et elle l'attacha à son sein, continuant à l'admirer et à la flairer sans cesse. Mais à force de sentir elle fit flétrir la rose en peu de temps. — Hélas! dit alors la fille à sa mère, qui vint sur ces entrefaites — que ma joie a été de courte durée ! et elle lui montra la rose flétrie. La mère en ayant appris l'histoire lui dit : Voilà un événement très-instructif, c'est l'histoire de tous les plaisirs terrestres. A côté de la rose se trouve toujours l'épine, et le plaisir est suivi du repentir. Jouis-en avec modération pour en jouir longtemps, si tu ne veux pas qu'il passe aussi promptement que la rose. Si tu avais mis celle-ci dans un verre plein d'eau, son odeur t'aurait charmée encore demain, peut-être même encore après-demain.


Le papillon et l’abeille.

Un jeune papillon voltigeant de fleurs en fleurs, et les quittant aussitôt qu'il s'en était approché, se moqua d'une abeille qui suçait avec beaucoup de peine le miel d'une violette. Folle que tu es, — lui dit - il — combien de temps passes-tu à rester sur cette fleur? Le printemps est court, et la jouissance est l'unique but de notre existence. Je suis plus sage, car je goûte toutes les jouissances possibles pendant le court espace de mon existence. Est-ce jouir que de voltiger? Répliqua l'abeille; pour moi, je pense tout autrement. Selon mon opinion, il n'y a que celui, qui sait amasser pour le besoin futur, qui jouisse de la vie. Les provisions que je rassemble à présent me garantissent de la disette, qui serait mon sort inévitable dans la saison où je ne trouve plus de fleurs. Bonne leçon pour vous, jeunes lecteurs, qui dans les années de votre instruction voltigez d'un objet à l'autre, sans vous fixer à un seul. Quel est le sort qui vous attend à l'âge où vous devez devenir utiles?


L’arbre fruitier effeuillé.

Le jeune Micon enfoncé dans une rêverie profonde contemplait à regret la terre couverte de feuilles, et l'arbre qui en était dépouillé. Son vieux père, sans être vu, le considérait avec une joie secrète. Il s'approcha doucement de lui. Le jeune homme sensible l'embrassa et lui dit, les yeux mouillés de larmes : Ah mon père, voyez les feuilles tombantes et cet arbre nus ! — Cela t'afflige, mon fils? lui demanda le père. Peux-tu changer l'ordre de la nature, ou arrêter le soleil infatigable? — Hélas! répondit le jeune homme, cela m'est impossible; mais, mon père, cet arbre avait de si belles fleurs, ses fruits étaient si excellents , ses feuilles formaient un ombrage délicieux – et présentement! — Voilà ce que tu regrettes, mon fils, n'est-ce pas ? — Oui, mon père : combien de fois son ombrage ne m'a-t-il pas offert un asile contre l'ardeur du soleil brûlant ! combien de fois n'ai-je pas été rafraîchi par ses fruits exquis ! — Eh bien, dit le tendre père, l'arbre a rempli son devoir annuel, ne lui envie pas son repos. Mais, mon fils, fais y réflexion, l'automne de ta vie ne vient qu'une fois : si dans ton printemps tu n'as point porté de fleurs, ni de fruits dans ton automne, tu ne seras point regretté comme cet arbre ! — Le jeune homme colla ses joues sur celles de son père, et la leçon du vieillard se grava profondément dans son coeur sensible. Depuis ce temps l'aspect de chaque arbre, soit en fleurs, soit rempli de fruits, ou dégarni de feuilles, l'excita aux résolutions les plus sages.

Modestie et fierté.

Amélie et Pauline étaient les filles de parents riches, qui se faisaient un devoir de donner la meilleure éducation à leurs enfants. Ils les faisaient instruire dans toutes les sciences qui pouvaient leur être utiles dans la suite. Ces deux enfants ayant de très - bonnes dispositions et une excellente mémoire, se distinguèrent bientôt de leurs compagnes par leurs connaissances et leur habileté. D'ailleurs, elles étaient toutes les deux de bons enfants. — Pauline cependant n'était aimée de personne. Quelle pouvait en être la raison? Je vous la dirai. Elle avait le défaut insoutenable de l'orgueil et de la fierté. Allait-t-elle quelque part, elle mettait toujours ses plus beaux habits; trouvait-elle des enfants qui n'étaient pas aussi bien, aussi élégamment habillés qu'elle, à peine faisait - elle semblant de les voir. Si elle remarquait que ses connaissances et ses talents surpassaient ceux des autres, elle ne daignait pas même s'entretenir avec eux, et allait se mêler à la conversation des grandes personnes. Proposait - on un jeu, elle le trouvait puéril et se moquait de ceux qui pouvaient encore y trouver du gout. Mais qu'arriva-t-il de ces orgueilleux dédains? Ses amies l'abandonnèrent, les grandes personnes qui s'aperçurent bientôt de ses défauts la traitèrent froidement; elle fut délaissée de tout le monde.

Amélie, au contraire, était très-modeste. Quand des enfants dont les parents n'étaient pas aussi riches que les siens venaient la voir, elle se gardait bien de mettre ses plus beaux habits; sans être moins propre et mise avec moins de gout, son ajustement était toujours inférieur à celui des jeunes personnes qu'elle attendait. Lorsque ses amies entraient chez elle, elle ne restait pas assise sur la chaise pour leur faire un salut froid et guindé comme Pauline, mais elle allait à leur rencontre, embrassant les unes après les autres de tout son coeur. Elle savait habilement faire tomber la conversation sur des objets dont ses amies aimaient à s'entretenir, et au lieu de faire briller son talent, elle le cachait plutôt et donnait aux autres l'occasion de montrer le leur. Quand une de ses compagnes se mettait à chanter, ou qu'elle s'occupait à coudre ou à un autre ouvrage, Amélie ne levait point les épaules, comme si elle le comprenait mieux, et comme sa soeur en agissait quelquefois, mais elle écoutait attentivement, et louait, au talent et à l'ouvrage, ce qu'il y avait de louable. Pauline trouvait toujours à redire aux jeux que les autres enfants proposaient; Amélie, plus complaisante, était toujours heureuse de la gaieté de ses amies, et s'y livrait également. De la manière que ces deux soeurs se comportaient chez elles, elles se comportaient aussi chez les autres. Amélie fut généralement aimée et admirée, Pauline au contraire fut méprisée et personne ne se souciait d'elle; voilà pourquoi elle se trouvait par tout accablée d'ennui, et revenait à la maison de mauvaise humeur. — La mère de ces deux enfants, femme très-sensée, se réjouissait autant du bon caractère d'Amélie, qu'elle s'affligeait de la mauvaise conduite de Pauline; cependant elle cachait son chagrin, parce qu'elle désirait que Pauline sentît elle-même les suites de ses manières orgueilleuses. Un jour qu'elle avait conduit ses enfants en société, Pauline, qui à son ordinaire se sépara des autres enfants, fut exposée à la plus grande humiliation, en ce que toute la compagnie félicitait la mère d'avoir une fille aussi sage et aussi modeste que l'était Amélie, et ne parlait de sa soeur que très équivoquement. Son orgueil en fut grièvement blessé, et à peine fut - elle entrée dans la voiture qu'elle se mit à pleurer amèrement et à se plaindre de ce qu'on la négligeait dans toutes les compagnies. C'était le moment que la mère avait attendu; elle fit comprendre à sa fille qu'elle-même en était la cause par son humeur fière et insociable; elle ajouta, que si on l'avait traitée jusqu'à présent avec tant de ménagement, ce n'était que par rapport à ses parents. Pauline sentit le poids de ce raisonnement; elle promit de se corriger , et tint parole. Elle eut d'abord beaucoup de peine à se désaccoutumer de ses défauts, mais sa mère lui avait conseillé de faire bien attention à la conduite de sa soeur, c'est ce qu'elle fit, et étant d'ailleurs un bon enfant, elle , fut bientôt aimée et estimée comme Amélie.


la suite bientôt

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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