Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
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Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
Un voyage catholique en Italie: Art, architecture, peinture, musique, poésie, culture catholique, ect
Source: Souvenirs d`Italie par un catholique – Le Marquis de Beaufort en 1839
Un voyage de découverte au 19 eme siècle dans un pays qui est le cœur de la foi catholique dans le monde.
Le voyageur catholique entre par le nord de l`Italie et va dans les villes suivantes – Le Lac Majeur – Le Lac de Côme - Milan – Pavie – Gênes sur la côte nord-ouest – la ville de Pise – Lucques – Florence - Pérouse – Rome – Naples - Notre-Dame de Lorette – Bologne – Venise - Parme.
1 – Le Lac de Côme
Le voyageur catholique entre par le Lac de Côme dans le nord de l`Italie
Le Lac de Côme dans les alpes italiennes
Le Lac de Côme au piano - Lago di Como
2 – La ville de Milan ( Milano)
Une cathédrale gothique est véritablement la maison universelle, le centre et l'expression de toute la civilisation d'une nation. C'est une véritable école pour tous les hommes, à quelque condition qu'ils appartiennent : le chrétien, le citoyen, l'artiste, y retrouvent les plus beaux souvenirs de la religion, de la patrie et des arts. Là, les pères ont prié pour leurs enfants et les enfants pour leurs pères; là sont nés, instruits, unis, réconciliés, consolés et enfin préparés pour leur passage dans l'éternité, tous les fidèles de la communion catholique. Là, l'innocence, le repentir, les regrets, l'espérance, la joie et la douleur, tous les sentiments qui remplissent le cœur de l'homme trouvent à s'épancher, se purifient, s'élèvent, montent vers le Dieu, père des humains ; là seulement nous sommes dans la vérité, car notre vie n'est qu'un douloureux pèlerinage.
La ville de St-Ambroise (340 à 397 ap J.C.) – Évêque de Milan, Docteur de l`Église, un des quatre Père de l`Église d`Occident, Poète et Écrivain
Nous sommes bien faibles, bien petits devant celui qui seul est, et cependant bien grands par notre origine et notre fin : l'église nous rappelle tout cela, elle est l'expression de tout cela. Le demi-jour qui éclaire les fidèles et qui, dans l'ordre gothique, passe à travers les vitraux tout couverts de saints et de représentations de la vie de l'Homme-Dieu , comme pour nous faire entendre que ce n'est que par l'intermédiaire de Jésus-Christ et de ses saints que nous recevons la lumière mystérieuse qui nous éclaire ici-bas; la hauteur de ces voûtes qui montent et s'élancent vers le ciel; ces nefs immenses et hospitalières qui accueillent tous les hommes, même ceux qui ne croient pas; ces chants, ces gémissements de l'âme qui retracent les souvenirs du passé, les glorieuses espérances de l'avenir, et enfin les douleurs du présent , tous ces apanages des églises chrétiennes , si je puis m' exprimer ainsi , ne sont-ils pas la véritable expression de l'humanité dans ce qu'elle a de meilleur et de plus élevé?
Qu'elle est belle cette cathédrale de Milan ! Imagine-toi une montagne de marbre blanc, sculptée, ciselée, découpée à jour, d'un symbolisme sublime! Qu'elles sont charmantes, ces petites flèches vives, élancées, ces tiges légères qui portent à leur sommet les statues des anges et des saints! Cent vingt aiguilles ou flèches en marbre sont surmontées par des statues d'anges , de saints et de guerriers.
La cathédrale gothique de la Nativité de la St-Vierge Marie - Duomo di Milano – Le dôme de Milan construite entre 1386 et 1572
Intérieur du Duomo di Milano
Opéra Moïse a la cathédrale de Milan - Gioachino Rossini
Andrea Bocelli: Musique pour l`Espérance - Au Duomo di Milano - Cathédrale de Milan en Italie - Pâques 2020. Chants: Panis Angelicus - Ave Maria - Sancta Maria - Domine Deus - Amazing Grace
La Sainte-Vierge, statue colossale en bronze doré, domine et couronne la pointe la plus élevée du dôme. Là, elle paraît réellement, comme dans les cieux, reine des anges et des saints, reine de tous les fidèles adorateurs de son divin Fils. Autour d'elle, sur la partie intérieure la plus élevée du dôme, des Chérubins et des Séraphins font retentir les airs de leurs joyeux concerts ; un peu plus bas, sur les aiguilles moins élevées, une couronne d'anges, puis, sur les aiguilles immédiatement inférieures, les statues des saints ; enfin les guerriers, qui sont les avoués et les défenseurs extérieurs de l'Église, entourent la plateforme. N'est-ce pas là une vive image de la hiérarchie de l'église catholique? Mais ceci n'est qu'un léger aperçu de ce merveilleux édifice. Autour de chaque aiguille, entourées et surmontées d'ornements gothiques très élégants, sont sculptées des statues de saints, plusieurs avec beaucoup de soin et de goût.
Si toutes étaient achevées, il y en aurait, dit-on, près de cinq mille. Tous les arcs-boutants qui unissent ces aiguilles entre elles et avec l'église, toutes les plates-formes sont sculptés en arabesques gracieuses. Que l'on dise, après cela, que l'église de Cologne est d'un gothique beaucoup plus pur, j'en conviendrai sans peine; mais la hauteur de la cathédrale de Milan, sa largeur , ( elle a cinq nefs très vastes ), l'immense travail qu'elle suppose, le sens symbolique de ce travail , enfin l'imposante masse de l'ensemble et la délicatesse des détails , feront toujours de cette église une des merveilles de l'Europe.
Peintres Italiens
Au musée Brera, un délicieux tableau du Guerchin, représentant Abraham au moment où il renvoie Agar. Agar est charmante, et sa physionomie exprime bien la douleur et les vifs regrets. Abraham, armé d'une feinte sévérité a l'air de commander, mais il obéit à Sara qui, derrière lui, le dos à demi tourné, attend qu'Agar et son époux lui-même obéissent à ses injonctions; voilà ce que le peintre a parfaitement fait sentir. Parmi une foule de beaux tableaux, j'ai remarqué un Saint-Jérôme à genoux devant la croix,
au milieu du désert , parfait de dessin , de couleur et d'expression. Quelle poésie que la peinture quand elle atteint à une pareille hauteur !
Guercino (Guerchin - 1591 a 1666) : Abraham renvoyant Agar et Ismaël ( Genèse 21-14)
Guercino (Guerchin) : St-Jérôme devant la Croix dans sa retraite du désert en Terre Sainte
Je ne m'étonne pas de la foi qui règne en Italie ; elle entre ici par les yeux , elle pénètre dans l'âme par tous les sens : en veux-tu des preuves? Dans l'église des Dominicains se trouvent de belles fresques de Gaudentio Ferrari , représentant la flagellation et le crucifiement. Des anges portent les instruments de la passion : les verges, le roseau, la lance. L'expression de ces anges est sublime. Navrés de douleur, ils regardent le ciel et semblent dire à Dieu : Quoi! Seigneur, c'est votre fils bien-aimé que vous livrez à de tels supplices !
Gaudentio Ferrari (1471 a 1546) : La Crucifixion - Des anges portent les instruments de la passion : les fouets, le roseau, la lance. L'expression de ces anges est sublime. Navrés de douleur.
L'étonnement mêlé au respect, à l'adoration la plus profonde, sont exprimés sur ces figures avec une telle puissance, que les larmes m'en venaient aux yeux. Mais puis-je oublier les fresques plus belles encore de Daniel-Crespi à la chartreuse du Garignano? Sur les murs et à la voûte de l'église le peintre a retracé les souvenirs de la vie de saint Bruno. Comme ces têtes de chartreux sont belles, graves, recueillies! La figure de notre Seigneur et toute sa pose sont d'une beauté, je dirais même d'une divinité que l'on ne peut se lasser de contempler.
Daniele Crespi (1591-1630): la descente de la Croix (Pietà)
Daniele Crespi: Il sogno di San Giuseppe ( Le rêve de St-Joseph)
Les peintures de la Chartreuse de Garegnano de Milan
Rencontre avec Alessandro Manzoni.
Notes recueillies à la suite de conversations avec Alessandro Manzoni. Nous avons si souvent lu et admiré ensemble les beaux ouvrages de cet excellent homme, que je ne doute pas de l'intérêt que tu mettras à me lire; mais je t'en préviens, ce ne sont point des conversations suivies que je te retrace, ce sont quelques mots saillants, quelques idées exquises qui m'ont frappé; libre à toi d'en former un bouquet, une couronne de perles.
Je disais à Manzoni que j'avais été touché de la piété des Italiens, surtout parmi les gens du peuple. Il me dit que les paysans l'avaient souvent étonné par les idées élevées qu'ils ont de la religion. Et à ce propos, il me conta cette anecdote. « Je me rappelle, me dit-il , un temps de sécheresse qui inquiétait beaucoup les pauvres paysans; on désirait ardemment la pluie; enfin, elle arriva au moment le plus opportun. Un paysan regardait sérieusement le ciel qui versait la fécondité sur les campagnes. — Vous n'avez pas l'air content lui dis-je. — Je vous demande pardon, monsieur, me répondit-il; mais je pensais en voyant cette pluie si heureuse, que nous ne l'avions pas méritée.»
Il y a un proverbe très répandu chez le peuple Milanais : Les pauvres se sauvent par la patience, et les riches par la charité. Le confessionnal, me dit Manzoni, est le gouvernement même, et cela entendu dans le sens le plus pur, sans que le prêtre se mêle le moins du monde de la politique, par la seule influence de la religion sur les actions humaines.
A propos de notre magnifique foi catholique, Manzoni me dit : « La partie obscure d'un flambeau nourrit sa lumière; ainsi c'est le côté mystérieux, la partie obscure des vérités révélées, qui nourrissent notre foi. » (Les mystères ne sont obscurs pour nous qu'à cause de leurs trop vives clartés. Nos faibles yeux n'en peuvent supporter l'éclat.)
Mottetto eucaristico a 2 voci dispari - Cappella musicale del Duomo di Milano - Chorale de la cathédrale de Milan
Source: Souvenirs d`Italie par un catholique – Le Marquis de Beaufort en 1839
Un voyage de découverte au 19 eme siècle dans un pays qui est le cœur de la foi catholique dans le monde.
Le voyageur catholique entre par le nord de l`Italie et va dans les villes suivantes – Le Lac Majeur – Le Lac de Côme - Milan – Pavie – Gênes sur la côte nord-ouest – la ville de Pise – Lucques – Florence - Pérouse – Rome – Naples - Notre-Dame de Lorette – Bologne – Venise - Parme.
1 – Le Lac de Côme
Le voyageur catholique entre par le Lac de Côme dans le nord de l`Italie
Le Lac de Côme dans les alpes italiennes
Le Lac de Côme au piano - Lago di Como
2 – La ville de Milan ( Milano)
Une cathédrale gothique est véritablement la maison universelle, le centre et l'expression de toute la civilisation d'une nation. C'est une véritable école pour tous les hommes, à quelque condition qu'ils appartiennent : le chrétien, le citoyen, l'artiste, y retrouvent les plus beaux souvenirs de la religion, de la patrie et des arts. Là, les pères ont prié pour leurs enfants et les enfants pour leurs pères; là sont nés, instruits, unis, réconciliés, consolés et enfin préparés pour leur passage dans l'éternité, tous les fidèles de la communion catholique. Là, l'innocence, le repentir, les regrets, l'espérance, la joie et la douleur, tous les sentiments qui remplissent le cœur de l'homme trouvent à s'épancher, se purifient, s'élèvent, montent vers le Dieu, père des humains ; là seulement nous sommes dans la vérité, car notre vie n'est qu'un douloureux pèlerinage.
La ville de St-Ambroise (340 à 397 ap J.C.) – Évêque de Milan, Docteur de l`Église, un des quatre Père de l`Église d`Occident, Poète et Écrivain
Nous sommes bien faibles, bien petits devant celui qui seul est, et cependant bien grands par notre origine et notre fin : l'église nous rappelle tout cela, elle est l'expression de tout cela. Le demi-jour qui éclaire les fidèles et qui, dans l'ordre gothique, passe à travers les vitraux tout couverts de saints et de représentations de la vie de l'Homme-Dieu , comme pour nous faire entendre que ce n'est que par l'intermédiaire de Jésus-Christ et de ses saints que nous recevons la lumière mystérieuse qui nous éclaire ici-bas; la hauteur de ces voûtes qui montent et s'élancent vers le ciel; ces nefs immenses et hospitalières qui accueillent tous les hommes, même ceux qui ne croient pas; ces chants, ces gémissements de l'âme qui retracent les souvenirs du passé, les glorieuses espérances de l'avenir, et enfin les douleurs du présent , tous ces apanages des églises chrétiennes , si je puis m' exprimer ainsi , ne sont-ils pas la véritable expression de l'humanité dans ce qu'elle a de meilleur et de plus élevé?
Qu'elle est belle cette cathédrale de Milan ! Imagine-toi une montagne de marbre blanc, sculptée, ciselée, découpée à jour, d'un symbolisme sublime! Qu'elles sont charmantes, ces petites flèches vives, élancées, ces tiges légères qui portent à leur sommet les statues des anges et des saints! Cent vingt aiguilles ou flèches en marbre sont surmontées par des statues d'anges , de saints et de guerriers.
La cathédrale gothique de la Nativité de la St-Vierge Marie - Duomo di Milano – Le dôme de Milan construite entre 1386 et 1572
Intérieur du Duomo di Milano
Opéra Moïse a la cathédrale de Milan - Gioachino Rossini
Andrea Bocelli: Musique pour l`Espérance - Au Duomo di Milano - Cathédrale de Milan en Italie - Pâques 2020. Chants: Panis Angelicus - Ave Maria - Sancta Maria - Domine Deus - Amazing Grace
La Sainte-Vierge, statue colossale en bronze doré, domine et couronne la pointe la plus élevée du dôme. Là, elle paraît réellement, comme dans les cieux, reine des anges et des saints, reine de tous les fidèles adorateurs de son divin Fils. Autour d'elle, sur la partie intérieure la plus élevée du dôme, des Chérubins et des Séraphins font retentir les airs de leurs joyeux concerts ; un peu plus bas, sur les aiguilles moins élevées, une couronne d'anges, puis, sur les aiguilles immédiatement inférieures, les statues des saints ; enfin les guerriers, qui sont les avoués et les défenseurs extérieurs de l'Église, entourent la plateforme. N'est-ce pas là une vive image de la hiérarchie de l'église catholique? Mais ceci n'est qu'un léger aperçu de ce merveilleux édifice. Autour de chaque aiguille, entourées et surmontées d'ornements gothiques très élégants, sont sculptées des statues de saints, plusieurs avec beaucoup de soin et de goût.
Si toutes étaient achevées, il y en aurait, dit-on, près de cinq mille. Tous les arcs-boutants qui unissent ces aiguilles entre elles et avec l'église, toutes les plates-formes sont sculptés en arabesques gracieuses. Que l'on dise, après cela, que l'église de Cologne est d'un gothique beaucoup plus pur, j'en conviendrai sans peine; mais la hauteur de la cathédrale de Milan, sa largeur , ( elle a cinq nefs très vastes ), l'immense travail qu'elle suppose, le sens symbolique de ce travail , enfin l'imposante masse de l'ensemble et la délicatesse des détails , feront toujours de cette église une des merveilles de l'Europe.
Peintres Italiens
Au musée Brera, un délicieux tableau du Guerchin, représentant Abraham au moment où il renvoie Agar. Agar est charmante, et sa physionomie exprime bien la douleur et les vifs regrets. Abraham, armé d'une feinte sévérité a l'air de commander, mais il obéit à Sara qui, derrière lui, le dos à demi tourné, attend qu'Agar et son époux lui-même obéissent à ses injonctions; voilà ce que le peintre a parfaitement fait sentir. Parmi une foule de beaux tableaux, j'ai remarqué un Saint-Jérôme à genoux devant la croix,
au milieu du désert , parfait de dessin , de couleur et d'expression. Quelle poésie que la peinture quand elle atteint à une pareille hauteur !
Guercino (Guerchin - 1591 a 1666) : Abraham renvoyant Agar et Ismaël ( Genèse 21-14)
Guercino (Guerchin) : St-Jérôme devant la Croix dans sa retraite du désert en Terre Sainte
Je ne m'étonne pas de la foi qui règne en Italie ; elle entre ici par les yeux , elle pénètre dans l'âme par tous les sens : en veux-tu des preuves? Dans l'église des Dominicains se trouvent de belles fresques de Gaudentio Ferrari , représentant la flagellation et le crucifiement. Des anges portent les instruments de la passion : les verges, le roseau, la lance. L'expression de ces anges est sublime. Navrés de douleur, ils regardent le ciel et semblent dire à Dieu : Quoi! Seigneur, c'est votre fils bien-aimé que vous livrez à de tels supplices !
Gaudentio Ferrari (1471 a 1546) : La Crucifixion - Des anges portent les instruments de la passion : les fouets, le roseau, la lance. L'expression de ces anges est sublime. Navrés de douleur.
L'étonnement mêlé au respect, à l'adoration la plus profonde, sont exprimés sur ces figures avec une telle puissance, que les larmes m'en venaient aux yeux. Mais puis-je oublier les fresques plus belles encore de Daniel-Crespi à la chartreuse du Garignano? Sur les murs et à la voûte de l'église le peintre a retracé les souvenirs de la vie de saint Bruno. Comme ces têtes de chartreux sont belles, graves, recueillies! La figure de notre Seigneur et toute sa pose sont d'une beauté, je dirais même d'une divinité que l'on ne peut se lasser de contempler.
Daniele Crespi (1591-1630): la descente de la Croix (Pietà)
Daniele Crespi: Il sogno di San Giuseppe ( Le rêve de St-Joseph)
Les peintures de la Chartreuse de Garegnano de Milan
Rencontre avec Alessandro Manzoni.
Notes recueillies à la suite de conversations avec Alessandro Manzoni. Nous avons si souvent lu et admiré ensemble les beaux ouvrages de cet excellent homme, que je ne doute pas de l'intérêt que tu mettras à me lire; mais je t'en préviens, ce ne sont point des conversations suivies que je te retrace, ce sont quelques mots saillants, quelques idées exquises qui m'ont frappé; libre à toi d'en former un bouquet, une couronne de perles.
Je disais à Manzoni que j'avais été touché de la piété des Italiens, surtout parmi les gens du peuple. Il me dit que les paysans l'avaient souvent étonné par les idées élevées qu'ils ont de la religion. Et à ce propos, il me conta cette anecdote. « Je me rappelle, me dit-il , un temps de sécheresse qui inquiétait beaucoup les pauvres paysans; on désirait ardemment la pluie; enfin, elle arriva au moment le plus opportun. Un paysan regardait sérieusement le ciel qui versait la fécondité sur les campagnes. — Vous n'avez pas l'air content lui dis-je. — Je vous demande pardon, monsieur, me répondit-il; mais je pensais en voyant cette pluie si heureuse, que nous ne l'avions pas méritée.»
Il y a un proverbe très répandu chez le peuple Milanais : Les pauvres se sauvent par la patience, et les riches par la charité. Le confessionnal, me dit Manzoni, est le gouvernement même, et cela entendu dans le sens le plus pur, sans que le prêtre se mêle le moins du monde de la politique, par la seule influence de la religion sur les actions humaines.
A propos de notre magnifique foi catholique, Manzoni me dit : « La partie obscure d'un flambeau nourrit sa lumière; ainsi c'est le côté mystérieux, la partie obscure des vérités révélées, qui nourrissent notre foi. » (Les mystères ne sont obscurs pour nous qu'à cause de leurs trop vives clartés. Nos faibles yeux n'en peuvent supporter l'éclat.)
Mottetto eucaristico a 2 voci dispari - Cappella musicale del Duomo di Milano - Chorale de la cathédrale de Milan
Dernière édition par MichelT le Mer 2 Fév 2022 - 13:21, édité 3 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
3 – La ville de Pavie (Pavia)
J'ai vu aujourd'hui la Chartreuse, près de Pavie, étonnante de richesses, de peintures, de sculptures exquises, de bas-reliefs en marbre. C'est ici que l'on peut juger de la protection que la religion donne aux arts : elle seule offre aux artistes des sujets aussi nobles que touchants, nombreux comme les étoiles du ciel. Des religieux, qui n'ont aucune dépense à faire pour eux-mêmes, peuvent seuls consacrer aux travaux des artistes des sommes aussi considérables que celles prodiguées par les chartreux à l'érection et à l'embellissement de leur église. Enfin la perpétuité des ordres religieux possède seule l'unité de vue et le long temps nécessaire à une succession d'artistes pour composer, continuer et achever de pareils travaux. J'ai été étonné du nombre d'excellents peintres et d'excellents sculpteurs inconnus dont les noms ne sont révélés qu'aux amateurs des arts qui vont, sur les lieux, les admirer dans leurs œuvres.
La Chartreuse de Pavie est un ancien monastère de moines-ermites chartreux datant du 14e siècle. La Chartreuse de Pavie fut construite par la volonté de Jean Galéas Visconti, Seigneur de Milan. Il répondait peut-être à un vœu de sa femme. Caterina Visconti. Le chroniqueur Bernardino Corio rapporte en effet dans son Histoire de Milan (1554) qu'en 1390, Caterina, qui vivait une grossesse difficile, « faisant un vœu sous forme de testament, ordonna que dans la ville de Pavie, où elle se rendait souvent, on construisit un monastère de chartreux pour douze frères, et au cas où elle mourrait en couches, elle pria son mari de bien vouloir exécuter cet ordre. »
Caterina Visconti, duchesse de Milan vers l`an 1390
La Chartreuse de Pavie
Chartreuse de Pavie
Chartreuse de Pavie
Ancien Château des Visconti a Pavie - les ducs de Milan
Basilique St-Michel Majeur (San-Michele-Maggiore) de Pavie construite au 11 eme siècle dans le style roman.
4 – La ville de Gênes (Genova)
Je ferais tout un traité de philosophie sur ce texte. Donc ce qui m'intéresse c'est la physionomie d'un peuple, c'est son caractère réfléchi dans ses mœurs, dans ses habitudes journalières, dans tous ses arts; c'est son histoire, commentée, expliquée, vivifiée par mille petites observations que dédaigne le touriste. La physionomie est l'âme visible. Or, plus j'observe ce peuple, plus je le crois bon, religieux, grave beaucoup plus qu'on ne le pense, spirituel et patient.
Combien de figures à la fois vives et calmes, animées et cependant recueillies, et cela, chez les gens de la campagne! Puissance de conception, vivacité d'imagination, réunies à cette gravité, à ce recueillement que la religion donne à ceux qui la pratiquent avec amour, voilà ce que je remarque sans cesse.
Albergo di poveri de Gênes - En Italie, l'Albergo dei Poveri est l'appellation de plusieurs édifices historiques dédiés à l'accueil de personnes indigentes.
Albergo di poveri de Gênes
Chapelle de l`Albergo di poveri de Gênes
Les palais Doria, Spinola, Durazzo, Balbi, sont admirablement beaux. Comme toutes ces colonnades, comme tous ces portiques en marbre sont hardis, légers, majestueux ! et dans l'intérieur, partout de belles galeries ; grand nombre de portraits en pied des anciens doges.
Le palais Doria
Palais Doria Spinola
Je commence par cette déclaration formelle, je n'admire point, ou bien peu du moins, l'architecture des églises en Italie, je ne la compare nullement à l'incomparable architecture gothique ; mais, ceci bien établi, voici ce que je me demande : les églises en Italie n'ont point du tout le caractère mystérieux et même un peu sombre des églises gothiques ; elles sont brillantes de lumière, resplendissantes de beauté, elles ont un air de fête qu'elles n'ont point ailleurs. Pourquoi cette différence entre les églises d'Italie et celles du reste de l'Europe?
Chiesa del Gesu (Église de St-Ambroise -St-André et de Jésus) de Gênes construite au 16 eme siècle.
La voici, je pense. Rome est le centre lumineux et triomphant du catholicisme. C'est sur elle que le ciel projette d'abord sa lumière, c'est d'elle qu'elle se répand pour éclairer l'univers. Le catholicisme à Rome se pare d'habits de fête, comme en un jour de triomphe; ses églises, et j'ajoute celles de l'Italie qui forment le premier orbite de Rome, se ressentent de cette impression lumineuse.
4 – Portofino
Quand je suis descendu des hauteurs de Portofino, et que je me suis trouvé en face du golfe de Rapallo, je me suis écrié: Te Deum laudamus! J'étais ravi. Dieu est un grand peintre! Je venais d'admirer avec délices de magnifiques Titiens, qui n'ont pas la magie de couleurs dont la Méditerranée enchantait mes regards. Et ces montagnes, ondulant comme les vagues de la mer, se dessinant en courbes, formant entre elles des espèces de golfes, comme par émulation avec les véritables golfes ! Tu ne t'imagines pas combien elles sont jolies , vert gris de lin ; je ne trouve pas d'autre expression pour rendre leur couleur vive et légère.
Portofino
J'ai vu aujourd'hui la Chartreuse, près de Pavie, étonnante de richesses, de peintures, de sculptures exquises, de bas-reliefs en marbre. C'est ici que l'on peut juger de la protection que la religion donne aux arts : elle seule offre aux artistes des sujets aussi nobles que touchants, nombreux comme les étoiles du ciel. Des religieux, qui n'ont aucune dépense à faire pour eux-mêmes, peuvent seuls consacrer aux travaux des artistes des sommes aussi considérables que celles prodiguées par les chartreux à l'érection et à l'embellissement de leur église. Enfin la perpétuité des ordres religieux possède seule l'unité de vue et le long temps nécessaire à une succession d'artistes pour composer, continuer et achever de pareils travaux. J'ai été étonné du nombre d'excellents peintres et d'excellents sculpteurs inconnus dont les noms ne sont révélés qu'aux amateurs des arts qui vont, sur les lieux, les admirer dans leurs œuvres.
La Chartreuse de Pavie est un ancien monastère de moines-ermites chartreux datant du 14e siècle. La Chartreuse de Pavie fut construite par la volonté de Jean Galéas Visconti, Seigneur de Milan. Il répondait peut-être à un vœu de sa femme. Caterina Visconti. Le chroniqueur Bernardino Corio rapporte en effet dans son Histoire de Milan (1554) qu'en 1390, Caterina, qui vivait une grossesse difficile, « faisant un vœu sous forme de testament, ordonna que dans la ville de Pavie, où elle se rendait souvent, on construisit un monastère de chartreux pour douze frères, et au cas où elle mourrait en couches, elle pria son mari de bien vouloir exécuter cet ordre. »
Caterina Visconti, duchesse de Milan vers l`an 1390
La Chartreuse de Pavie
Chartreuse de Pavie
Chartreuse de Pavie
Ancien Château des Visconti a Pavie - les ducs de Milan
Basilique St-Michel Majeur (San-Michele-Maggiore) de Pavie construite au 11 eme siècle dans le style roman.
4 – La ville de Gênes (Genova)
Je ferais tout un traité de philosophie sur ce texte. Donc ce qui m'intéresse c'est la physionomie d'un peuple, c'est son caractère réfléchi dans ses mœurs, dans ses habitudes journalières, dans tous ses arts; c'est son histoire, commentée, expliquée, vivifiée par mille petites observations que dédaigne le touriste. La physionomie est l'âme visible. Or, plus j'observe ce peuple, plus je le crois bon, religieux, grave beaucoup plus qu'on ne le pense, spirituel et patient.
Combien de figures à la fois vives et calmes, animées et cependant recueillies, et cela, chez les gens de la campagne! Puissance de conception, vivacité d'imagination, réunies à cette gravité, à ce recueillement que la religion donne à ceux qui la pratiquent avec amour, voilà ce que je remarque sans cesse.
Albergo di poveri de Gênes - En Italie, l'Albergo dei Poveri est l'appellation de plusieurs édifices historiques dédiés à l'accueil de personnes indigentes.
Albergo di poveri de Gênes
Chapelle de l`Albergo di poveri de Gênes
Les palais Doria, Spinola, Durazzo, Balbi, sont admirablement beaux. Comme toutes ces colonnades, comme tous ces portiques en marbre sont hardis, légers, majestueux ! et dans l'intérieur, partout de belles galeries ; grand nombre de portraits en pied des anciens doges.
Le palais Doria
Palais Doria Spinola
Je commence par cette déclaration formelle, je n'admire point, ou bien peu du moins, l'architecture des églises en Italie, je ne la compare nullement à l'incomparable architecture gothique ; mais, ceci bien établi, voici ce que je me demande : les églises en Italie n'ont point du tout le caractère mystérieux et même un peu sombre des églises gothiques ; elles sont brillantes de lumière, resplendissantes de beauté, elles ont un air de fête qu'elles n'ont point ailleurs. Pourquoi cette différence entre les églises d'Italie et celles du reste de l'Europe?
Chiesa del Gesu (Église de St-Ambroise -St-André et de Jésus) de Gênes construite au 16 eme siècle.
La voici, je pense. Rome est le centre lumineux et triomphant du catholicisme. C'est sur elle que le ciel projette d'abord sa lumière, c'est d'elle qu'elle se répand pour éclairer l'univers. Le catholicisme à Rome se pare d'habits de fête, comme en un jour de triomphe; ses églises, et j'ajoute celles de l'Italie qui forment le premier orbite de Rome, se ressentent de cette impression lumineuse.
4 – Portofino
Quand je suis descendu des hauteurs de Portofino, et que je me suis trouvé en face du golfe de Rapallo, je me suis écrié: Te Deum laudamus! J'étais ravi. Dieu est un grand peintre! Je venais d'admirer avec délices de magnifiques Titiens, qui n'ont pas la magie de couleurs dont la Méditerranée enchantait mes regards. Et ces montagnes, ondulant comme les vagues de la mer, se dessinant en courbes, formant entre elles des espèces de golfes, comme par émulation avec les véritables golfes ! Tu ne t'imagines pas combien elles sont jolies , vert gris de lin ; je ne trouve pas d'autre expression pour rendre leur couleur vive et légère.
Portofino
Dernière édition par MichelT le Jeu 5 Oct 2023 - 2:52, édité 3 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
5 – La ville de Pise (Pisa)
Le Campo-Santo (cimetière de Pise) pourrait fournir à des études pendant plusieurs semaines et même plusieurs mois. C'est là que l'on voit pour ainsi dire la renaissance de l'art; les peintures à fresque sur les murs du beau cloître, qui renferme la terre sainte rapportée de Jérusalem par les Pisans, sont du quatorzième et du quinzième siècle.
Le Campo-Santo est le vieux cimetière monumental de Pise qui date du 12 eme siècle
Bien que dégradées, on ne peut s'empêcher d'admirer la vérité et la noblesse d'expression , la vivacité des couleurs et l'originalité d'invention de ces tableaux à fresque du Giotto, de Gozzoli, d'Orgagna.
Fresque de Buffamalco (Campo-Santo) - Le triomphe de la Mort (1336-1341)
Le triomphe de la Mort de Clusone au Campo Santo (1485)
Fresque du Jugement dernier au Campo Santo
De beaux bas-reliefs de Nicolas et de Jean de Pise, surtout au Baptistère et à la cathédrale, attestent la splendeur, l'ancienneté, et presque la perpétuité de l'art en Italie. La belle cathédrale a aussi bien de l'intérêt; sa façade est originale et d'un effet gracieux; j'ai admiré la richesse et le bon goût des détails de l'intérieur. Là, j'ai vu de beaux tableaux d'André del Sarto, entre autres sa Sainte-Agnès, presque digne de Raphaël, et les ouvrages admirables de peintres dont nous ne connaissons pas même les noms en France et en Belgique , de Sogliani , de Luti , de Sorri , de Roselli , de Riminaldi, de Ventura Salimbeni.
Sainte Agnès ( martyre à Rome au temps des empereur paiens) par Andrea del Sarto ( peinture du 16 eme siècle)
Adoration des Rois-Mages par Benedetto Luti (18 eme siècle)
St-Jean l`Évangéliste écrivant l`Apocalypse par Pietro Sorri ( 17 eme siècle)
Cosimo Rosselli – adoration des Rois-Mages (16 eme siècle)
La sybille de Rome montrant à l`empereur romain César-Auguste a naissance du roi des rois Jésus-Christ par Ventura Salimbeni (16 eme siècle)
La cathédrale Notre-Dame de l`Assomption (Cattedrale di Santa Maria Assunta) de Pise construite de 1063 à 1118 et la Tour de Pise.
Cathédrale Notre-Dame de l`Assomption (Cattedrale di Santa Maria Assunta) de Pise
Une chose me frappe toujours en Italie, c'est la noblesse d'expression , la dignité et la piété empreinte sur toutes les figures de vierges, d'anges et de saints. Il n'y a pas de peintre, si inconnu qu'il soit, qui ne rende mille fois mieux que ne pourraient le faire tous nos peintres modernes, la pureté, la suavité , la maternité divine de la Vierge, la foi et le sentiment de profonde adoration des saints dont ils retracent la vie.
Fresque par Sogliani
En général, le paysage ne se trouve que comme accessoire dans les tableaux religieux, il est traité d'une manière grandiose et tout-à-fait remarquable, tel que le paysage du Saint-Jérôme du Titien, à Milan, et celui de Sogliani représentant Abel gardant ses troupeaux, exposé dans la cathédrale de Pise ; Rubens n'a pas fait mieux ; je n'ose pas dire qu'il n'a pas fait si bien.
Et quelles délicieuses arabesques en marbre d'après les dessins de Michel-Ange, et surtout quelle admirable tête de ce grand artiste! C'est son propre portrait sculpté par lui-même au Campo-Santo. Ah! quel homme que Michel-Ange! Le peu que j'ai vu de ses ouvrages m'a frappé d'étonnement et d'admiration.
6 - La ville de Lucques ( Lucca en Italien)
Située au centre d'un vaste cercle de montagnes, sur les bords du Serchio, Lucques offre , de la hauteur de ses remparts si larges et plantés de beaux arbres, des points de vue ravissants.
La ville médiévale de Lucques ( Lucca) au nord de Pise.
La ville médiévale de Lucques
Mais regarde comme ces vignes unissent les arbres par de charmants réseaux. Aurais-tu imaginé ces draperies vivantes , ces tapisseries de vignes tendues d'un arbre à l'autre ,
ces beaux bois blancs nous offrant de vastes espaliers tout couverts de grappes du plus beau raisin? Nous montons par une pente douce ; peu à peu les collines s'approchent des montagnes qui les couronnent à l'horizon.
La ville médiévale de Lucques en Toscane
J`ai vu deux chefs-d’œuvre de Fra-Bartholoméo , la Vierge implorant le Christ pour le peuple de Lucques; Le Père Éternel , Sainte Marie Magdelaine et Sainte Catherine de
Sienne. Dessin, couleur , expression , grâce , sublimité, une harmonie inexprimable, tout se trouve réuni dans ces chefs-d’œuvre. Je savais que Fra-Bartholoméo était un grand peintre , mais je n'avais pas l'idée d'une telle perfection : il dessine comme Raphaël, il a la palette du Titien.
Fra-Bartholoméo – la St-Vierge adorant le Christ (15 eme siècle)
Fra-Bartholoméo – le Père Éternel
Fra-Bartholoméo – St-Catherine de Sienne
Et comme ces anges sculptés en marbre par le grand Civitali de Lucques, au quatorzième siècle, tous deux en adoration devant le saint Sacrement, sont beaux, divins d'expression ! Je ne puis me lasser d'admirer le sentiment de foi vive , de piété profonde qui respire dans une foule de tableaux de maîtres excellents dont nous ne connaissons pas même les noms dans nos impoétiques contrées. Beaucoup d'entre eux pourraient placer au bas de leurs tableaux cette touchante inscription que j'ai lue à Pise au bas d'un tableau d'Aurèle-Lomi : « Que vous rendrai-je, ô bon Jésus, pour tout ce que vous m'avez donné? Ce n'est ni de l'or, ni de l'encens, ni de la myrrhe, mais mon cœur , et du trésor de mon cœur , cet ouvrage de mes mains. »
Anges par Matteo Civitali (15 eme siècle)
La St-Vierge aux candélabres de Raphael – Italie vers l`an 1513
J'ai vu les bains de Lucques, intéressants non seulement par leur situation, mais encore par la jolie route qui longe le Serchio au fond des vallées situées entre de hautes montagnes. J'ai remarqué à quelque distance des bains, un pont bâti il y a plus de cinq cents ans et dont l'arche du milieu est si élevée, qu'elle dépasserait en hauteur des maisons de sept étages. Sur la cime des monts on aperçoit de vieilles tours en ruines qui servaient jadis de fanaux ; en temps de guerre on allumait des feux sur le haut de ces tours, et tous les citoyens du pays étaient obligés de courir aux armes.
Le Campo-Santo (cimetière de Pise) pourrait fournir à des études pendant plusieurs semaines et même plusieurs mois. C'est là que l'on voit pour ainsi dire la renaissance de l'art; les peintures à fresque sur les murs du beau cloître, qui renferme la terre sainte rapportée de Jérusalem par les Pisans, sont du quatorzième et du quinzième siècle.
Le Campo-Santo est le vieux cimetière monumental de Pise qui date du 12 eme siècle
Bien que dégradées, on ne peut s'empêcher d'admirer la vérité et la noblesse d'expression , la vivacité des couleurs et l'originalité d'invention de ces tableaux à fresque du Giotto, de Gozzoli, d'Orgagna.
Fresque de Buffamalco (Campo-Santo) - Le triomphe de la Mort (1336-1341)
Le triomphe de la Mort de Clusone au Campo Santo (1485)
Fresque du Jugement dernier au Campo Santo
De beaux bas-reliefs de Nicolas et de Jean de Pise, surtout au Baptistère et à la cathédrale, attestent la splendeur, l'ancienneté, et presque la perpétuité de l'art en Italie. La belle cathédrale a aussi bien de l'intérêt; sa façade est originale et d'un effet gracieux; j'ai admiré la richesse et le bon goût des détails de l'intérieur. Là, j'ai vu de beaux tableaux d'André del Sarto, entre autres sa Sainte-Agnès, presque digne de Raphaël, et les ouvrages admirables de peintres dont nous ne connaissons pas même les noms en France et en Belgique , de Sogliani , de Luti , de Sorri , de Roselli , de Riminaldi, de Ventura Salimbeni.
Sainte Agnès ( martyre à Rome au temps des empereur paiens) par Andrea del Sarto ( peinture du 16 eme siècle)
Adoration des Rois-Mages par Benedetto Luti (18 eme siècle)
St-Jean l`Évangéliste écrivant l`Apocalypse par Pietro Sorri ( 17 eme siècle)
Cosimo Rosselli – adoration des Rois-Mages (16 eme siècle)
La sybille de Rome montrant à l`empereur romain César-Auguste a naissance du roi des rois Jésus-Christ par Ventura Salimbeni (16 eme siècle)
La cathédrale Notre-Dame de l`Assomption (Cattedrale di Santa Maria Assunta) de Pise construite de 1063 à 1118 et la Tour de Pise.
Cathédrale Notre-Dame de l`Assomption (Cattedrale di Santa Maria Assunta) de Pise
Une chose me frappe toujours en Italie, c'est la noblesse d'expression , la dignité et la piété empreinte sur toutes les figures de vierges, d'anges et de saints. Il n'y a pas de peintre, si inconnu qu'il soit, qui ne rende mille fois mieux que ne pourraient le faire tous nos peintres modernes, la pureté, la suavité , la maternité divine de la Vierge, la foi et le sentiment de profonde adoration des saints dont ils retracent la vie.
Fresque par Sogliani
En général, le paysage ne se trouve que comme accessoire dans les tableaux religieux, il est traité d'une manière grandiose et tout-à-fait remarquable, tel que le paysage du Saint-Jérôme du Titien, à Milan, et celui de Sogliani représentant Abel gardant ses troupeaux, exposé dans la cathédrale de Pise ; Rubens n'a pas fait mieux ; je n'ose pas dire qu'il n'a pas fait si bien.
Et quelles délicieuses arabesques en marbre d'après les dessins de Michel-Ange, et surtout quelle admirable tête de ce grand artiste! C'est son propre portrait sculpté par lui-même au Campo-Santo. Ah! quel homme que Michel-Ange! Le peu que j'ai vu de ses ouvrages m'a frappé d'étonnement et d'admiration.
6 - La ville de Lucques ( Lucca en Italien)
Située au centre d'un vaste cercle de montagnes, sur les bords du Serchio, Lucques offre , de la hauteur de ses remparts si larges et plantés de beaux arbres, des points de vue ravissants.
La ville médiévale de Lucques ( Lucca) au nord de Pise.
La ville médiévale de Lucques
Mais regarde comme ces vignes unissent les arbres par de charmants réseaux. Aurais-tu imaginé ces draperies vivantes , ces tapisseries de vignes tendues d'un arbre à l'autre ,
ces beaux bois blancs nous offrant de vastes espaliers tout couverts de grappes du plus beau raisin? Nous montons par une pente douce ; peu à peu les collines s'approchent des montagnes qui les couronnent à l'horizon.
La ville médiévale de Lucques en Toscane
J`ai vu deux chefs-d’œuvre de Fra-Bartholoméo , la Vierge implorant le Christ pour le peuple de Lucques; Le Père Éternel , Sainte Marie Magdelaine et Sainte Catherine de
Sienne. Dessin, couleur , expression , grâce , sublimité, une harmonie inexprimable, tout se trouve réuni dans ces chefs-d’œuvre. Je savais que Fra-Bartholoméo était un grand peintre , mais je n'avais pas l'idée d'une telle perfection : il dessine comme Raphaël, il a la palette du Titien.
Fra-Bartholoméo – la St-Vierge adorant le Christ (15 eme siècle)
Fra-Bartholoméo – le Père Éternel
Fra-Bartholoméo – St-Catherine de Sienne
Et comme ces anges sculptés en marbre par le grand Civitali de Lucques, au quatorzième siècle, tous deux en adoration devant le saint Sacrement, sont beaux, divins d'expression ! Je ne puis me lasser d'admirer le sentiment de foi vive , de piété profonde qui respire dans une foule de tableaux de maîtres excellents dont nous ne connaissons pas même les noms dans nos impoétiques contrées. Beaucoup d'entre eux pourraient placer au bas de leurs tableaux cette touchante inscription que j'ai lue à Pise au bas d'un tableau d'Aurèle-Lomi : « Que vous rendrai-je, ô bon Jésus, pour tout ce que vous m'avez donné? Ce n'est ni de l'or, ni de l'encens, ni de la myrrhe, mais mon cœur , et du trésor de mon cœur , cet ouvrage de mes mains. »
Anges par Matteo Civitali (15 eme siècle)
La St-Vierge aux candélabres de Raphael – Italie vers l`an 1513
J'ai vu les bains de Lucques, intéressants non seulement par leur situation, mais encore par la jolie route qui longe le Serchio au fond des vallées situées entre de hautes montagnes. J'ai remarqué à quelque distance des bains, un pont bâti il y a plus de cinq cents ans et dont l'arche du milieu est si élevée, qu'elle dépasserait en hauteur des maisons de sept étages. Sur la cime des monts on aperçoit de vieilles tours en ruines qui servaient jadis de fanaux ; en temps de guerre on allumait des feux sur le haut de ces tours, et tous les citoyens du pays étaient obligés de courir aux armes.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
7 - La ville de Florence ( Firenze en Italien)
Que ce pays-ci est inspirateur! il donnerait de l'âme à ceux qui en manquent, si quelque chose pouvait donner de l'âme à ceux qui n'en ont point. Tout autour de moi , les édifices , les sculptures , les bas-reliefs de Luca de la Robbia, de l'Orgagna, de Michel-Ange, de Jean de Bologne, de Donatello, de Benevenutto-Cellini, géants de la renaissance des arts , hommes immenses qui se montrent ici majestueux rivaux, sans rivaux après eux.
Bas-reliefs de Luca de la Robbia
J'ai vu un groupe d'enfants chantants et dansants, sculpté par Donatello : on les entend chanter, on les voit sauter et courir. J'ai vu les portes en bronze du Baptistère dont Michel-Ange disait qu'elles seraient dignes d'être les portes du paradis. Ce que je puis affirmer, c'est que Michel-Ange avait raison. Tous ces personnages ciselés en bronze, anges, saints, patriarches, prophètes, apôtres, vivent, marchent, parlent, se répondent, et quand ils se taisent, on juge à l'impression de leur physionomie du mouvement de leur âme. Et Michel-Ange! il a laissé plusieurs groupes inachevés, il pouvait les laisser ainsi; la vie dont il a doué tous ses personnages est tellement puissante, qu'ils se dégagent d'eux-mêmes de la pierre qui semblait devoir les retenir encore.
Mais les palais, les palais! En vérité, l'Italie semble défier toutes les imaginations humaines d'inventer une forme ou des proportions dont elle n'offre le modèle. J'avais fort admiré les palais de Gènes, hé bien! ceux-ci m'ont apparu comme si jamais je n'avais vu d'architecture.
La ville de Florence
Tantôt ce sont des rochers jetés sur les places publiques; à peine si l'architecte a daigné les tailler en quelques blocs ; voilà la base, et l'édifice continue, grandiose, terrible ! On le dirait bâti par des géants, pour des géants. D'autres fois, sur ces bases étonnantes, montent et s'élèvent les plus heureuses, les plus harmonieuses constructions; ailleurs de charmantes arabesques décorent, enchantent les cintres des croisées, les frises des édifices. C'est une langue sublime parlée aux yeux; on se sent d'une nature plus élévée, on grandit, rien qu'à regarder de pareils chefs-d’œuvre. Ah! si les anciens Romains ont subjugué l'univers par les armes, les Italiens le subjuguent par les arts : cet empire ne leur sera pas enlevé.
Oui, plus je vois l'Italie, plus elle m'enchante; c'est un pays unique; les arts sont ici une seconde religion et l'on peut dire qu'ils ont ajouté à la piété des peuples. Ici la foi est taillée en pierre, sculptée en marbre, vivante sur la toile. Les artistes ont travaillé du fond de leur cœur. Partout des fondations religieuses dont la destination est symboliquement exprimée sur la façade, admirablement, tant sous le rapport de l'idée que sous celui de l'exécution. A Pistoie, (Pistoia prés de Florence) sur le portique du grand hôpital formé par des arcades on ne peut plus gracieuses, sont, dirai-je sculptées en terre cuite, les sept œuvres de la miséricorde, par Luca de la Robbia.
Ospedale del Ceppo avec les sculptures des sept œuvres de miséricorde divine ( Donner à manger - à boire – vêtir – Hospitalité - visite des malades – visite des prisonniers – ensevelir les morts) par Luca de la Robbia (Hôpital de la ville Pistoia datant du 13 eme siècle)
Les sept œuvres de miséricorde divine par Luca de la Robbia - ancien hôpital de la ville de Pistoia prés de Florence.
Luca de la Robbia – Nativité de Jésus-Christ
Beauté de dessin et d'expression, vives et brillantes couleurs , effet charmant et original , cet ouvrage réunit tout cela. On dirait qu'il sort de la main de l'ouvrier, et il date de trois siècles. Ici, sur la façade de l'hospice des enfants-trouvés, l'artiste a représenté de petits enfants charmants, encore enveloppés de leurs bandelettes jusqu'à mi-corps, tendant les bras avec une naïveté touchante à la charité publique. Ayez pitié de nous, ont-ils l'air de dire, ces pauvres petits-enfants, de nous, qui sommes doublement faibles et par notre misère et par l'impossibilité où nous sommes de nous aider nous-mêmes ? n'avais-je pas raison de te dire que les Italiens ont une grâce charmante pour tout peindre aux yeux? où trouver une inspiration plus chrétienne, plus naïve, plus pleine de charme?
O Italie! que ta religion est belle ! que ton soleil est beau ! vivifiés par cette double lumière, tes poètes ont chanté toutes les grandeurs de la foi et de la nature, et tes peintres sont de grands poètes! Ici l'âme s'épanouit aux doux rayons du ciel, les douleurs sont moins âpres, la joie plus naïve, l'espérance adoucit les peines qu'elle ne peut effacer !
Inspirés par les deux patries, la religion et la cité, les ouvrages des grands artistes ne sont pas seulement des chefs-d’œuvre, ce sont encore de belles actions. Il faut lire le senatus-consulte des magistrats de Florence, déclarant leur résolution d'élever un édifice digne de la patrie qu'il doit représenter et honorer.
Le plan de la cathédrale, le Baptistère, jusqu'aux portes de bronze, tout est mis au concours. Neuf artistes, tous illustres, se présentent pour les portes du Baptistère; et quand chacun apporte son plan et dépose ses droits à la confiance des grands citoyens qui représentent si noblement leur patrie , huit d'entre eux déclarent à l'unanimité qu'ils renoncent à la concurrence et que Ghiberti seul est digne de répondre à la confiance des magistrats. Et Ghiberti sculpte les portes du paradis !
La cathédrale de Florence (Santa Maria del Fiore, Duomo – Sainte Marie de la Fleur) construite à partir de 1296 avec la fin des travaux en 1436.
Le Baptistère de St-Jean a côté de la cathédrale de Florence
Ghiberti- les portes du paradis ( 15 eme siècle)
Ghiberti- les portes du paradis ( Florence)
Je viens de voir la maison de Michel-Ange. Sous les mains de ce grand artiste le papierdevient marbre , le marbre devient vivant. Une galerie charmante, peinte par ses élèves, représente plusieurs traits de sa vie; c'est une suite d'hommages rendus par les souverains de l'époque à la souveraineté du génie. Là, on voit ce grand homme , appelé
successivement par les papes, par Charles-Quint, par François I, par le Doge de Venise.
Maison de Michel-Ange près de Florence
La Pietà par Michel-Ange (16 eme siecle)
Enfin , dans un dernier tableau, le duc de Médicis, debout, fait asseoir devant lui le vieux Michel-Ange et lui dit que le génie est aussi une royauté! Indépendamment de l'intérêt
des sujets, ces tableaux sont admirables de dessin et de coloris. A Raphaël, la beauté, la grâce! A Michel- Ange, la vie! Il la donne à qui il veut; sous ses mains puissantes, le marbre obéit , marche , et s'il ne parle pas, c'est que cela n'est pas nécessaire; la pensée éclate dans le silence , tant il a su donner de physionomie à ses personnages.
Je ne connais rien de plus beau que la place du palais Vecchio; elle est, je crois, unique dans le monde. Ce vieux palais d'une si forte architecture, cette tour gothique, immense, qui le domine; toutes ces statues de Michel-Ange, de Benevenutto-Cellini, de Bandinelli, de Jean de Bologne, si variées d'expression , si vivantes , si dramatiques qu'on dirait qu'elles se parlent, s'insultent, se défient; cette belle loge d'Orgagna ( Loge des Lanzi) ; tant de souvenirs qui se rattachent à cette place, tout cela remue l'âme; on ne peut se lasser de regarder, de revoir et d'admirer!
Piazza et Palais Vecchio - Palazzo Vecchio de Florence construit entre 1299 et 1316 était le siège du gouvernement de Florence
Palais Vecchio
Oui , le génie éveille le génie comme la lumière allume la lumière. O Florence, que tu es belle! belle par ta situation, belle par tes palais, belle par les chefs-d’œuvre dont tu es le musée. Ici les pierres parlent, Michel-Ange fait penser le marbre, Donatello Ghiberti, Jean de Bologne, font respirer le bronze.
Arrestation de St- Jean le Baptiste par Donatello Ghiberti
Oh! je passerais à merveille toute une année à Florence. Mais disons un mot des Italiens. Trois choses sont surtout remarquables en Italie : la nature, les arts et la piété. Partout variété dans l'unité, et variété infinie, voilà surtout le caractère que je remarque ici. Voyez ces jolies collines toutes chargées de charmantes habitations, couronnées par des montagnes plus élevées, également riches de végétation et d'habitants. De là vous jouirez des plus délicieux coups d'œil. Vous n'êtes pas parvenu à leurs sommets, qu'entre elles et les montagnes qui les dominent vous découvrez de nouvelles collines, de nouveaux vallons, également variés, gracieux et pittoresques. La nature est ici inépuisable en surprises, et l'art est comme la nature; mais ce qui me paraît dû à l'influence bienfaisante du catholicisme, c'est l'admirable hospitalité des propriétaires de ces jolies demeures.
Collines de Florence
Ce caractère d'universalité se retrouve encore, sous un autre rapport, dans les églises. En face, au fond du chœur, un ou plusieurs autels; sur les côtés, des autels, et enfin à l'entrée de la nef faisant face au chœur, d'autres autels. Les bancs sont tournés en tout sens; dans tous les sens vous voyez des hommes agenouillés adorant le Seigneur, car il est le Dieu de tous, on le trouve en tout lieu , on peut l'adorer partout. Cette disposition des autels et des bancs étonne d'abord, plaît et charme ensuite : elle semble l'expression naturelle de l'esprit du catholicisme. Variété dans l'unité, mais plus de variété encore que d'unité, ou plutôt, unité tellement vaste qu'elle embrasse toutes les formes diverses d'un même sentiment; voilà ce qui caractérise la piété en Italie.
Le musée Pitti de Florence. Ce palais du 15 eme siècle était la maison du banquier Luca Pitti.
Le musée Pitti de Florence
Visite au musée Pitti. Parmi une foule de chefs-d’œuvre, j'ai remarqué la Vierge à la chaise de Raphaël. Quel charme ! quelle ineffable expression dans la mère et l'enfant ! La vision d`Ézéchiel de Raphaël, petit tableau de moins d'un pied de long sur six pouces de hauteur, immense! immense! le Père Éternel est bien le père du genre humain, le créateur de l'univers.
La Vierge a la chaise de Raphael
La vision d`Ézéchiel de Raphaël
A Florence, l'Académie des beaux-arts, est riche en beaux modèles de plâtre, mais remarquable surtout par une belle galerie où l'on peut suivre toute la généalogie de la peinture.
Notre-Dame par Fra Angelico di Fiesole (1424-1425)
Les trois personnages au bas du tableau auraient fait honneur à Raphaël, tant le dessin en est ferme et pur, tant la couleur et l'harmonie en sont belles. Deux superbes Cigoli ont attiré toute mon attention; l'un des deux représente Saint-François d'Assise, priant au milieu de la nuit dans le désert. L'effet de la lune sur le paysage, l'attitude, l'expression du saint, la couleur de ce tableau, tout m'a paru merveilleux.
Ludovico Cardi – St-Francois d`Assise en prière
Les premiers créateurs de la peinture, tu l'auras remarqué comme moi, n'ont point été surpassés , le dirai-je, n'ont point été égalés. Il y a dans leurs ouvrages une naïve sublimité d'expression, que la peinture élevée à une plus haute perfection sous d'autres rapports n'a pas atteinte. Cette peinture primitive est l'expression fidèle de la foi naïve, de la foi vierge de cette époque, alors qu'elle n'avait pas été altérée, alors que l'art chrétien n'avait point commis d'adultère avec la beauté païenne.
Les peintres de cette époque ne voient que l'idéal qui les ravit, et les artistes et ceux qui jugent leurs œuvres sont également en contemplation d'amour devant les divins modèles. Voilà ce qui distingue le caractère si pur, si élevé des époques primitives; la vanité, les petites passions, l'amour du succès, le bruit extérieur ne l'altèrent point.
Les peintres des époques suivantes, même lorsqu'ils traitent des sujets religieux, moins pénétrés du sentiment de foi, sont occupés d'eux-mêmes et de l'effet qu'ils produisent; ils parlent au public, ils songent à se bien présenter devant lui ; aussi les ouvrages de Raphaël inspirent l'admiration, les sujets religieux traités par les peintres des époques précédentes inspirent l'adoration : ils ont plus parfaitement atteint le but de l'art.
La peinture , l'architecture chrétiennes sont nées majeures ; les artistes des treizième et quatorzième siècles sont les créateurs d'un art nouveau, tout à la fois plus naïf et plus sublime que l'art antique; car l'art chrétien dépasse l'art antique de toute la hauteur dont la dignité de l'âme surpasse la beauté du corps. Les formes des chefs-d’œuvre de la véritable renaissance sont moins parfaites que celles des statues et des bas-reliefs des Grecs ; c'est que les artistes ont été plus occupés d'exprimer les profonds sentiments de
l'âme que la beauté des proportions du corps humain.
Il semble que ce ne soit pas impuissance d'égaler les modèles antiques; un sentiment plus élevé a pénétré leur âme. Ainsi l'homme fortement préoccupé d'une grande et généreuse résolution est peu soigneux de l'élégance de ses vêtements, tout entier qu'il est à la pensée qui le domine. Peu à peu la beauté de la forme cherche à s'ajouter à la beauté de l'expression; l'art va atteindre toute sa perfection; hélas! la foi pâlit, et avec elle s'altèrent cette beauté , cette harmonie intime qui n'appartiennent qu'au christianisme; la déchéance des âmes a produit la décadence des arts.
Il y a une beauté superficielle qui frappe à la première vue, qui séduit, qui captive les sens; il y a une beauté plus pure, plus intime, aussi supérieure à la beauté sensible que l'âme est supérieure au corps : voilà ce que chacun avoue, même à son insu. Elle est belle, dit-on, en voyant une femme douée de proportions harmonieuses , d'une exquise régularité de traits; cependant, voici une jeune fille qui n'est remarquable ni par la régularité des traits, ni par la richesse de la taille , mais dont la physionomie respire la pureté virginale, la bonté délicate, la piété douce et tendre, une vive compassion pour tous les êtres souffrants. C'est un ange, s'écrie-t-on , et tous les cœurs volent au-devant d'elle.
Or, en jetant un coup d'œil superficiel sur les chefs-d’œuvre des arts, dont Florence abonde, j'ai parlé du beau en général; je n'ai point fait sentir l'immense distance qui sépare le beau païen du beau chrétien : veux-tu savoir mon dernier mot, ma vérité la plus vraie, sur ce que je pense des arts? Je n'admire profondément que la beauté chrétienne ; je vais plus loin, je ne conçois pas comment des hommes qui ont été élevés par elle à de hautes contemplations, peuvent redescendre à une admiration passionnée pour la beauté païenne.
Quoi ! un Dieu s'est fait homme ; il est devenu le fils, le frère de l'homme! la femme a été élevée à la dignité la plus sublime, à celle de Vierge-Mère, mère de l'homme-Dieu ! l'enfant est un être divin dont l'Enfant-Dieu est le type! les sociétés politiques ont une âme, une règle, un sublime modèle dans la société mère et maîtresse , dans l'Église catholique ! toutes les idées de Dieu, de l'homme, de la femme, de l'enfant, de leurs relations entre eux ont été renouvelées, purifiées, élevées à une hauteur incompréhensible à notre raison, et d'autant plus touchante pour notre amour! quoi! l'unité d'essence, la trinité des personnes se sont manifestées à nous sous la forme humaine et sociale, non seulement dans l'homme de douleur libérateur de l'humanité, mais dans cette société immortelle, fille du Père, épouse du Fils, éclairée, vivifiée par l'Esprit saint ! toutes ces merveilles de la miséricorde se sont opérées, et sont toujours présentes au milieu de nous, et l'on croit encore pouvoir chercher des inspirations dans les arts du paganisme, de cette religion sensuelle, bornée, où la divinité n'était qu'une ombre, sa représentation que la forme humaine embellie, où l'homme n'était que beauté physique, ou tout au plus le citoyen d'un empire terrestre, la femme qu'une belle courtisane, l'enfant compté pour rien!...
Musique Italienne (Tarantella ect)
C'est là que Raphaël et toute son école vont chercher les modèles de la beauté ! et cela pour représenter les sujets chrétiens ! prodigieuses aberrations ! ! ! Sous le christianisme, cette vie n'est que la préparation à une vie meilleure; nous ne sommes nous-mêmes que le commencement d'une créature, la terre est un lieu d'épreuve, la lumière qui nous éclaire n'est qu'un demi-jour; trop vive pour que nous puissions en supporter l'éclat, la lumière divine se voile à nos regards, et ne nous arrive qu'à travers les saintes obscurités de la Foi ! Les églises gothiques ont exprimé d'une manière sublime cette lumière mystérieuse si appropriée à notre vie sur la terre! Et l'on veut que l'architecture religieuse reproduise les colonnes élégantes et sensuelles, le jour brillant et matériel du paganisme!...
Non, non, je suis catholique, en religion, en politique, en littérature : je ne divise point ce que Dieu a uni. Non, le beau païen n'est point du tout mon idéal.
Mais qu'est-ce donc, me diras-tu, que ce beau païen ? Quel rang faut-il lui assigner ? Quel est son rapport avec la beauté chrétienne? La réponse à ces questions touche aux problèmes les plus délicats de la nature humaine et de l'ordre social. L'harmonie est l'expression de l'unité dans la magnifique variété des œuvres du Créateur ; elle est l'unité complètement développée. Ainsi dans toutes les œuvres humaines, et en particulier dans les œuvres de l'art, qui sont l'imitation de la nature, plus le principe de vérité est élevé, plus il est développé dans sa riche variété, plus l'harmonie est belle, plus elle rend l'unité sensible, en un mot, plus il y a de beau, splendeur du vrai ! L'harmonie, cette unité sonore, est tellement la loi essentielle des créatures, que là même où le principe de vérité est altéré, l'harmonie entre la forme et le fond, l'unité d'un principe incomplet, mais bien développé de gradations en gradations, de nuances en nuances, suffit encore pour captiver notre esprit, pour obtenir notre admiration.
Dans l'exposition de l'erreur, c'est à la vérité seule que nous rendons hommage ; ce que nous admirons c'est la variété dans l'unité, caractère essentiel des œuvres du Créateur. Atteints, jusque dans les profondeurs de leur être, d'une immense discordance, n'ayant conservé que des traditions altérées, pauvres de souvenir, plus pauvres d'espérance, les païens vivaient presque uniquement sous l'empire du monde sensible. Mais telle est l'unité divine imprimée dans toute la création, que l'idée qui en est gravée en nous ne peut jamais s'effacer complètement. De l'harmonie que leur offrait la nature visible les païens concluaient que le monde spirituel, que l'âme aussi doivent trouver leur harmonie; c'est dans ce sens que Platon disait qu'il faut accorder l'âme comme une lyre.
De l'harmonie extérieure et sensible naissait chez les païens l'idée du beau fini. Perfection du fini ! voilà ce qu'expriment la peinture, la sculpture, l'architecture, l'art des Grecs! Quand ils veulent s'élever à une plus grande hauteur, ils peignent ou la révolte des Titans, ou la douleur d'une félicité perdue, l'ascendant d'un destin fatal. Aussi quelque belles que puissent être les œuvres de l'art païen, elles paraissent comme enveloppées d'un voile funèbre; la mort plane sur toutes les représentations de la vie, car tout ce qui est fini est sujet à la mort. Et voyez! les chantres du plaisir évoquent l'idée de la mort comme une opposition piquante pour rendre plus savoureux le sentiment de la vie!
Mais quelle ineffable harmonie enchante la vie chrétienne ! de sphère en sphère, de hiérarchie en hiérarchie, le chrétien s'élève jusqu'au trône de Dieu. Pour lui, toutes les dissonances s'effacent, toutes les discordances s'apaisent dans la foi, l'espérance et l'amour. Le christianisme nous a dévoilé la beauté céleste, la beauté infinie qui illumine toute la vie humaine. Là où n'atteint point notre raison, la foi supplée, nulle limite à l'amour. Aimez! Aimez! Les consolations sont plus puissantes que les douleurs. Le christianisme a délivré l'art de la captivité du monde sensible dans lequel les païens étaient renfermés; il a racheté l'art, comme la société elle-même; il lui a ouvert le monde infini dans son inépuisable magnificence.
Florence ( suite)
Je m'étais toujours dit, que l'Italie étant le centre de la religion devait se ressentir de son influence; que l'on devait y retrouver plus et mieux qu'ailleurs, les caractères du catholicisme. Mais avant d'être venu ici, je ne faisais que le deviner; maintenant je l'ai vu.
On n'a point assez dit combien l'Italie est catholique : elle l'est de cœur, d'intelligence, elle l'est aux yeux et au toucher, si je puis me servir de cette expression. Oui , il y a ici une intelligence plus complète , une expression plus variée et plus parfaite de la religion et de tous nos sentiments élevés et purifiés par le christianisme. Le caractère du génie italien , c'est l'universalité et l'amour. C'est à l'Église romaine dont elle est le siège, c'est au soleil divin qui l'éclaire, que l'Italie doit l'incomparable honneur de compter au nombre de ses grands hommes les génies les plus vastes, les plus universels qui aient paru dans tous les genres.
Quels sont , parmi les rois , ceux que l'on peut comparer aux grands papes Grégoire VII , Innocent III , Innocent IV, génies législateurs, qui seuls ont compris la véritable hiérarchie sociale, les rapports de subordination de la société temporelle à la société spirituelle, de la terre au ciel, du temps à l'éternité, du fini à l'infini?
Le Pape Grégoire VII (1015-1085) – artisan de la réforme grégorienne
J'ose même dire que le génie de Charlemagne est entièrement dû à la grande unité du Saint-Siège et de l'Église romaine, qui pénétrait toutes ses pensées, toutes ses conceptions. Pourquoi, parmi tant de grands rois dont s'honorent la France et l'Espagne, aucun n'offre-t-il le caractère d'universalité, de sublimité, qui frappe dans Charlemagne?
L`empereur Charlemagne avec le théologien Alcuin de York (742-814)
C'est que ces rois, et même les plus religieux d'entre eux, étaient cependant, sous plusieurs rapports, plus français, plus espagnols que catholiques, tandis que Charlemagne est un génie complètement catholique, pénétré comme les grands papes Grégoire VII , Innocent III , de la sublimité , de l'universalité , qui sont les attributs du catholicisme.
Vivifiés par la grande unité de l'Église romaine, sous l'influence de laquelle ils vivaient, les saints docteurs ont été à la science théologique, ce que Grégoire VII, Innocent III, étaient à la science du gouvernement. Ils sont encore aujourd'hui la source à laquelle viennent puiser toutes les théologies des églises particulières. C'est ce que fait parfaitement comprendre, c'est ce que montre aux yeux un beau tableau que j'ai vu à Lucques, dans l'église des Dominicains : Saint-Thomas d'Aquin plane dans les cieux ; sur la terre une magnifique fontaine représente la science, dont ce grand homme est le père, et tous les pontifes , docteurs et théologiens , viennent puiser à cette source.
Apothéose de St-Thomas d`Aquin
Je n'ai parlé que du docteur angélique; je n'ai point nommé le docteur séraphique, Saint Bonaventure, Saint-Antonin, et tant de savants commentateurs , historiens , controversistes, tels que les cardinaux Baronius, Bellarmin, Cusa, Bona; car je tiens pour romains tous ceux qui ont vécu , se sont inspirés et ont composé à Rome.
L'Italie est la source de la poésie chrétienne; le Dante (Dante Alighieri - 1265-1321) est l'Homère catholique, le père de toute la poésie moderne ; il a peint , on sait avec quelle sublimité, et les douleurs de l'enfer , et les béatitudes du ciel ; on peut dire qu'il a suivi toutes les transformations de nos âmes ; aucun poète n'est descendu si avant dans les profondeurs de la nature humaine; aucun ne s'est élevé à de plus hautes conceptions. Le Tasse ( Torquato Tasso - 1544-1595) a chanté la société chrétienne, inspirée , dirigée par son chef dans la plus sublime expression de son enthousiasme; et si, sortant un instant de la gravité de mon sujet , je ne parlais que de la richesse d'imagination qui fait les grands poètes, je dirais : Vous plaisez-vous aux jeux riants d'une imagination brillante qui parcourt , insouciante et légère , toutes les surfaces de la vie, cueille partout des fleurs sans attacher grand prix aux résultats sérieux? Qui est plus riche, plus varié, plus follement inspiré que l'Arioste ? Mais ceci entre deux parenthèses.
Danielle Licari - La canzone di Orlando - inspiré de l`Arioste - Le Roland furieux (Ludovico Ariosto - 1474-1533)
La Divine Comédie de Dante Alighieri - L`Enfer - musique Requiem de Mozart (Lacrimosa - Larmes)
Dante a écrit son poème au 14 eme siècle. Dante parle du Paradis du Purgatoire et de l`Enfer. Premier cercle de l`enfer: Les Limbes – Deuxième cercle – La luxure – Troisième cercle – gloutonnerie – Quatrième cercle – les avares – Cinquième cercle - les colériques – Sixième cercle – les Hérétiques créateurs de fausses religions – Septième cercle – les violents et les créateurs de blasphèmes contre Dieu– Huitième cercle – Les fraudeurs et manipulateurs (Ceux qui font le trafic des êtres humains pour le sexe ou l`argent, les faux monnayeurs, ect) – Neuvième cercle – Judas, l`apôtre qui a trahi le Christ et les traîtres.
Liszt: Symphonie de Dante, III: PARADISO- Barenboim/Berliner
Au Dante, au Tasse, ajoutons Manzoni, digne de faire suite à ces grands poètes. Dans son magnifique ouvrage, les Fiancés, il a mis en regard la force et la faiblesse, la puissance accablante d'indignes favoris de la fortune, et la touchante impuissance du pauvre à se défendre par lui-même ; et c'est la faiblesse qui triomphe ! l'œuvre de Manzoni n'est que le développement de ce proverbe populaire qu'il m'a cité lui-même : Les pauvres se sauvent par la patience, et les riches par la charité.
Jetons un coup d'œil sur les beaux-arts ; même caractère d'universalité, même profondeur de sentiment, même richesse de conception chez les peintres et les sculpteurs ; c'est qu'ils sont inspirés par l'amour; et qui est plus riche, plus varié, plus inépuisable en expressions que l'amour? Souvent en voyant l'image de la Sainte-Vierge, partout retracée sur les murs comme dans les cœurs, je me suis dit qu'elle était reine d'Italie ; je voudrais ajouter ce titre à tous ceux que lui donnent les litanies.
Qu'y a-t-il de beau dans le cœur humain qui ne se trouve au plus haut degré dans le cœur d'une mère ! au sublime dévouement de la mère, la reine des anges et des saints unit l'ineffable pureté de la vierge. Comprenez toutes les inspirations de la foi et de la charité dues à ce culte d'un charme indicible, et vous concevrez tout ce que les fidèles ont dû sentir, tout ce que les artistes ont dû exprimer. La peinture, la sculpture, tous les arts rayonnent de gloire autour de la Mère et du Fils; j'aime à te citer le mot du comte de S..., auquel je disais que l'admiration était le sentiment le plus délicieux que nous pussions éprouver. « Après l'adoration, » me dit-il. Et en effet l'adoration renferme l'admiration élevée à sa plus haute puissance, car elle est le rapport intime de notre âme avec Dieu; par une conséquence naturelle, l'admiration la plus haute pour la vérité par essence, pour notre incomparable modèle, a dû produire, chez les hommes de génie, les œuvres les plus admirables. Quand un sentiment est général chez une nation, il se forme, pour ainsi dire, une chaîne électrique : il suffit de faire partie de l'assistance, de se toucher par le plus léger contact pour recevoir la commotion.
La foi, en Italie, est le bien commun; les artistes auxquels on peut reprocher le plus de désordres de conduite, étaient cependant plongés dans l'atmosphère de foi universelle : leurs œuvres l'attestent. Pureté des vierges, zèle, charité, si vivement ressentie par tant de fidèles, courage des martyrs, les peintres italiens ont tout retracé; pas un sentiment, pas un mouvement de l'âme qui n'ait été saisi, exprimé, rendu vivant sur la toile, sur le marbre , sur l'airain.
L'Italie est la patrie des beaux-arts, non pas des beaux-arts ravivés, comme on le croit, par la prétendue renaissance, mais de ces arts bien autrement beaux, nés immédiatement du christianisme; il me suffit de citer les noms de tant de sculpteurs, de tant de peintres excellents, du Giotto , de l'Orgagna, de Nicolas de Pise, de Luca de La Robbia, de Civitali, d'Angelico de Fiesole, de Leonard de Vinci, des deux Luini, de Francia, de Fra Bartholomeo, de Raphaël, du Guerchin, du Garofolo, de Michel-Ange, de tant d'autres que l`oublie peut-être , ou que je ne veux pas rapporter, car, il y a en Italie autant de célèbres écoles de peintures , que de peintres illustres dans les plus puissantes monarchies.
Le ciel, l'enfer, la terre, nos douleurs trop réelles et nos joies trompeuses, l'amour, la gloire ; le christianisme enfin dans ce qu'il a de plus naïf et de plus sublime, et cette foule d'images, de symboles gracieux ou magnifiques qui sont comme un second langage parlé aux yeux, tout a été compris, exprimé, chanté par les Italiens. Sous l'influence immédiate de l'épouse du Christ, de la mère des fidèles, il y a plus de lumières dans l'intelligence, plus d'amour dans les cœurs, plus de paix, plus de douceur dans toutes les relations de la vie ; l'Italie est la patrie universelle des intelligences.
Que ce pays-ci est inspirateur! il donnerait de l'âme à ceux qui en manquent, si quelque chose pouvait donner de l'âme à ceux qui n'en ont point. Tout autour de moi , les édifices , les sculptures , les bas-reliefs de Luca de la Robbia, de l'Orgagna, de Michel-Ange, de Jean de Bologne, de Donatello, de Benevenutto-Cellini, géants de la renaissance des arts , hommes immenses qui se montrent ici majestueux rivaux, sans rivaux après eux.
Bas-reliefs de Luca de la Robbia
J'ai vu un groupe d'enfants chantants et dansants, sculpté par Donatello : on les entend chanter, on les voit sauter et courir. J'ai vu les portes en bronze du Baptistère dont Michel-Ange disait qu'elles seraient dignes d'être les portes du paradis. Ce que je puis affirmer, c'est que Michel-Ange avait raison. Tous ces personnages ciselés en bronze, anges, saints, patriarches, prophètes, apôtres, vivent, marchent, parlent, se répondent, et quand ils se taisent, on juge à l'impression de leur physionomie du mouvement de leur âme. Et Michel-Ange! il a laissé plusieurs groupes inachevés, il pouvait les laisser ainsi; la vie dont il a doué tous ses personnages est tellement puissante, qu'ils se dégagent d'eux-mêmes de la pierre qui semblait devoir les retenir encore.
Mais les palais, les palais! En vérité, l'Italie semble défier toutes les imaginations humaines d'inventer une forme ou des proportions dont elle n'offre le modèle. J'avais fort admiré les palais de Gènes, hé bien! ceux-ci m'ont apparu comme si jamais je n'avais vu d'architecture.
La ville de Florence
Tantôt ce sont des rochers jetés sur les places publiques; à peine si l'architecte a daigné les tailler en quelques blocs ; voilà la base, et l'édifice continue, grandiose, terrible ! On le dirait bâti par des géants, pour des géants. D'autres fois, sur ces bases étonnantes, montent et s'élèvent les plus heureuses, les plus harmonieuses constructions; ailleurs de charmantes arabesques décorent, enchantent les cintres des croisées, les frises des édifices. C'est une langue sublime parlée aux yeux; on se sent d'une nature plus élévée, on grandit, rien qu'à regarder de pareils chefs-d’œuvre. Ah! si les anciens Romains ont subjugué l'univers par les armes, les Italiens le subjuguent par les arts : cet empire ne leur sera pas enlevé.
Oui, plus je vois l'Italie, plus elle m'enchante; c'est un pays unique; les arts sont ici une seconde religion et l'on peut dire qu'ils ont ajouté à la piété des peuples. Ici la foi est taillée en pierre, sculptée en marbre, vivante sur la toile. Les artistes ont travaillé du fond de leur cœur. Partout des fondations religieuses dont la destination est symboliquement exprimée sur la façade, admirablement, tant sous le rapport de l'idée que sous celui de l'exécution. A Pistoie, (Pistoia prés de Florence) sur le portique du grand hôpital formé par des arcades on ne peut plus gracieuses, sont, dirai-je sculptées en terre cuite, les sept œuvres de la miséricorde, par Luca de la Robbia.
Ospedale del Ceppo avec les sculptures des sept œuvres de miséricorde divine ( Donner à manger - à boire – vêtir – Hospitalité - visite des malades – visite des prisonniers – ensevelir les morts) par Luca de la Robbia (Hôpital de la ville Pistoia datant du 13 eme siècle)
Les sept œuvres de miséricorde divine par Luca de la Robbia - ancien hôpital de la ville de Pistoia prés de Florence.
Luca de la Robbia – Nativité de Jésus-Christ
Beauté de dessin et d'expression, vives et brillantes couleurs , effet charmant et original , cet ouvrage réunit tout cela. On dirait qu'il sort de la main de l'ouvrier, et il date de trois siècles. Ici, sur la façade de l'hospice des enfants-trouvés, l'artiste a représenté de petits enfants charmants, encore enveloppés de leurs bandelettes jusqu'à mi-corps, tendant les bras avec une naïveté touchante à la charité publique. Ayez pitié de nous, ont-ils l'air de dire, ces pauvres petits-enfants, de nous, qui sommes doublement faibles et par notre misère et par l'impossibilité où nous sommes de nous aider nous-mêmes ? n'avais-je pas raison de te dire que les Italiens ont une grâce charmante pour tout peindre aux yeux? où trouver une inspiration plus chrétienne, plus naïve, plus pleine de charme?
O Italie! que ta religion est belle ! que ton soleil est beau ! vivifiés par cette double lumière, tes poètes ont chanté toutes les grandeurs de la foi et de la nature, et tes peintres sont de grands poètes! Ici l'âme s'épanouit aux doux rayons du ciel, les douleurs sont moins âpres, la joie plus naïve, l'espérance adoucit les peines qu'elle ne peut effacer !
Inspirés par les deux patries, la religion et la cité, les ouvrages des grands artistes ne sont pas seulement des chefs-d’œuvre, ce sont encore de belles actions. Il faut lire le senatus-consulte des magistrats de Florence, déclarant leur résolution d'élever un édifice digne de la patrie qu'il doit représenter et honorer.
Le plan de la cathédrale, le Baptistère, jusqu'aux portes de bronze, tout est mis au concours. Neuf artistes, tous illustres, se présentent pour les portes du Baptistère; et quand chacun apporte son plan et dépose ses droits à la confiance des grands citoyens qui représentent si noblement leur patrie , huit d'entre eux déclarent à l'unanimité qu'ils renoncent à la concurrence et que Ghiberti seul est digne de répondre à la confiance des magistrats. Et Ghiberti sculpte les portes du paradis !
La cathédrale de Florence (Santa Maria del Fiore, Duomo – Sainte Marie de la Fleur) construite à partir de 1296 avec la fin des travaux en 1436.
Le Baptistère de St-Jean a côté de la cathédrale de Florence
Ghiberti- les portes du paradis ( 15 eme siècle)
Ghiberti- les portes du paradis ( Florence)
Je viens de voir la maison de Michel-Ange. Sous les mains de ce grand artiste le papierdevient marbre , le marbre devient vivant. Une galerie charmante, peinte par ses élèves, représente plusieurs traits de sa vie; c'est une suite d'hommages rendus par les souverains de l'époque à la souveraineté du génie. Là, on voit ce grand homme , appelé
successivement par les papes, par Charles-Quint, par François I, par le Doge de Venise.
Maison de Michel-Ange près de Florence
La Pietà par Michel-Ange (16 eme siecle)
Enfin , dans un dernier tableau, le duc de Médicis, debout, fait asseoir devant lui le vieux Michel-Ange et lui dit que le génie est aussi une royauté! Indépendamment de l'intérêt
des sujets, ces tableaux sont admirables de dessin et de coloris. A Raphaël, la beauté, la grâce! A Michel- Ange, la vie! Il la donne à qui il veut; sous ses mains puissantes, le marbre obéit , marche , et s'il ne parle pas, c'est que cela n'est pas nécessaire; la pensée éclate dans le silence , tant il a su donner de physionomie à ses personnages.
Je ne connais rien de plus beau que la place du palais Vecchio; elle est, je crois, unique dans le monde. Ce vieux palais d'une si forte architecture, cette tour gothique, immense, qui le domine; toutes ces statues de Michel-Ange, de Benevenutto-Cellini, de Bandinelli, de Jean de Bologne, si variées d'expression , si vivantes , si dramatiques qu'on dirait qu'elles se parlent, s'insultent, se défient; cette belle loge d'Orgagna ( Loge des Lanzi) ; tant de souvenirs qui se rattachent à cette place, tout cela remue l'âme; on ne peut se lasser de regarder, de revoir et d'admirer!
Piazza et Palais Vecchio - Palazzo Vecchio de Florence construit entre 1299 et 1316 était le siège du gouvernement de Florence
Palais Vecchio
Oui , le génie éveille le génie comme la lumière allume la lumière. O Florence, que tu es belle! belle par ta situation, belle par tes palais, belle par les chefs-d’œuvre dont tu es le musée. Ici les pierres parlent, Michel-Ange fait penser le marbre, Donatello Ghiberti, Jean de Bologne, font respirer le bronze.
Arrestation de St- Jean le Baptiste par Donatello Ghiberti
Oh! je passerais à merveille toute une année à Florence. Mais disons un mot des Italiens. Trois choses sont surtout remarquables en Italie : la nature, les arts et la piété. Partout variété dans l'unité, et variété infinie, voilà surtout le caractère que je remarque ici. Voyez ces jolies collines toutes chargées de charmantes habitations, couronnées par des montagnes plus élevées, également riches de végétation et d'habitants. De là vous jouirez des plus délicieux coups d'œil. Vous n'êtes pas parvenu à leurs sommets, qu'entre elles et les montagnes qui les dominent vous découvrez de nouvelles collines, de nouveaux vallons, également variés, gracieux et pittoresques. La nature est ici inépuisable en surprises, et l'art est comme la nature; mais ce qui me paraît dû à l'influence bienfaisante du catholicisme, c'est l'admirable hospitalité des propriétaires de ces jolies demeures.
Collines de Florence
Ce caractère d'universalité se retrouve encore, sous un autre rapport, dans les églises. En face, au fond du chœur, un ou plusieurs autels; sur les côtés, des autels, et enfin à l'entrée de la nef faisant face au chœur, d'autres autels. Les bancs sont tournés en tout sens; dans tous les sens vous voyez des hommes agenouillés adorant le Seigneur, car il est le Dieu de tous, on le trouve en tout lieu , on peut l'adorer partout. Cette disposition des autels et des bancs étonne d'abord, plaît et charme ensuite : elle semble l'expression naturelle de l'esprit du catholicisme. Variété dans l'unité, mais plus de variété encore que d'unité, ou plutôt, unité tellement vaste qu'elle embrasse toutes les formes diverses d'un même sentiment; voilà ce qui caractérise la piété en Italie.
Le musée Pitti de Florence. Ce palais du 15 eme siècle était la maison du banquier Luca Pitti.
Le musée Pitti de Florence
Visite au musée Pitti. Parmi une foule de chefs-d’œuvre, j'ai remarqué la Vierge à la chaise de Raphaël. Quel charme ! quelle ineffable expression dans la mère et l'enfant ! La vision d`Ézéchiel de Raphaël, petit tableau de moins d'un pied de long sur six pouces de hauteur, immense! immense! le Père Éternel est bien le père du genre humain, le créateur de l'univers.
La Vierge a la chaise de Raphael
La vision d`Ézéchiel de Raphaël
A Florence, l'Académie des beaux-arts, est riche en beaux modèles de plâtre, mais remarquable surtout par une belle galerie où l'on peut suivre toute la généalogie de la peinture.
Notre-Dame par Fra Angelico di Fiesole (1424-1425)
Les trois personnages au bas du tableau auraient fait honneur à Raphaël, tant le dessin en est ferme et pur, tant la couleur et l'harmonie en sont belles. Deux superbes Cigoli ont attiré toute mon attention; l'un des deux représente Saint-François d'Assise, priant au milieu de la nuit dans le désert. L'effet de la lune sur le paysage, l'attitude, l'expression du saint, la couleur de ce tableau, tout m'a paru merveilleux.
Ludovico Cardi – St-Francois d`Assise en prière
Les premiers créateurs de la peinture, tu l'auras remarqué comme moi, n'ont point été surpassés , le dirai-je, n'ont point été égalés. Il y a dans leurs ouvrages une naïve sublimité d'expression, que la peinture élevée à une plus haute perfection sous d'autres rapports n'a pas atteinte. Cette peinture primitive est l'expression fidèle de la foi naïve, de la foi vierge de cette époque, alors qu'elle n'avait pas été altérée, alors que l'art chrétien n'avait point commis d'adultère avec la beauté païenne.
Les peintres de cette époque ne voient que l'idéal qui les ravit, et les artistes et ceux qui jugent leurs œuvres sont également en contemplation d'amour devant les divins modèles. Voilà ce qui distingue le caractère si pur, si élevé des époques primitives; la vanité, les petites passions, l'amour du succès, le bruit extérieur ne l'altèrent point.
Les peintres des époques suivantes, même lorsqu'ils traitent des sujets religieux, moins pénétrés du sentiment de foi, sont occupés d'eux-mêmes et de l'effet qu'ils produisent; ils parlent au public, ils songent à se bien présenter devant lui ; aussi les ouvrages de Raphaël inspirent l'admiration, les sujets religieux traités par les peintres des époques précédentes inspirent l'adoration : ils ont plus parfaitement atteint le but de l'art.
La peinture , l'architecture chrétiennes sont nées majeures ; les artistes des treizième et quatorzième siècles sont les créateurs d'un art nouveau, tout à la fois plus naïf et plus sublime que l'art antique; car l'art chrétien dépasse l'art antique de toute la hauteur dont la dignité de l'âme surpasse la beauté du corps. Les formes des chefs-d’œuvre de la véritable renaissance sont moins parfaites que celles des statues et des bas-reliefs des Grecs ; c'est que les artistes ont été plus occupés d'exprimer les profonds sentiments de
l'âme que la beauté des proportions du corps humain.
Il semble que ce ne soit pas impuissance d'égaler les modèles antiques; un sentiment plus élevé a pénétré leur âme. Ainsi l'homme fortement préoccupé d'une grande et généreuse résolution est peu soigneux de l'élégance de ses vêtements, tout entier qu'il est à la pensée qui le domine. Peu à peu la beauté de la forme cherche à s'ajouter à la beauté de l'expression; l'art va atteindre toute sa perfection; hélas! la foi pâlit, et avec elle s'altèrent cette beauté , cette harmonie intime qui n'appartiennent qu'au christianisme; la déchéance des âmes a produit la décadence des arts.
Il y a une beauté superficielle qui frappe à la première vue, qui séduit, qui captive les sens; il y a une beauté plus pure, plus intime, aussi supérieure à la beauté sensible que l'âme est supérieure au corps : voilà ce que chacun avoue, même à son insu. Elle est belle, dit-on, en voyant une femme douée de proportions harmonieuses , d'une exquise régularité de traits; cependant, voici une jeune fille qui n'est remarquable ni par la régularité des traits, ni par la richesse de la taille , mais dont la physionomie respire la pureté virginale, la bonté délicate, la piété douce et tendre, une vive compassion pour tous les êtres souffrants. C'est un ange, s'écrie-t-on , et tous les cœurs volent au-devant d'elle.
Or, en jetant un coup d'œil superficiel sur les chefs-d’œuvre des arts, dont Florence abonde, j'ai parlé du beau en général; je n'ai point fait sentir l'immense distance qui sépare le beau païen du beau chrétien : veux-tu savoir mon dernier mot, ma vérité la plus vraie, sur ce que je pense des arts? Je n'admire profondément que la beauté chrétienne ; je vais plus loin, je ne conçois pas comment des hommes qui ont été élevés par elle à de hautes contemplations, peuvent redescendre à une admiration passionnée pour la beauté païenne.
Quoi ! un Dieu s'est fait homme ; il est devenu le fils, le frère de l'homme! la femme a été élevée à la dignité la plus sublime, à celle de Vierge-Mère, mère de l'homme-Dieu ! l'enfant est un être divin dont l'Enfant-Dieu est le type! les sociétés politiques ont une âme, une règle, un sublime modèle dans la société mère et maîtresse , dans l'Église catholique ! toutes les idées de Dieu, de l'homme, de la femme, de l'enfant, de leurs relations entre eux ont été renouvelées, purifiées, élevées à une hauteur incompréhensible à notre raison, et d'autant plus touchante pour notre amour! quoi! l'unité d'essence, la trinité des personnes se sont manifestées à nous sous la forme humaine et sociale, non seulement dans l'homme de douleur libérateur de l'humanité, mais dans cette société immortelle, fille du Père, épouse du Fils, éclairée, vivifiée par l'Esprit saint ! toutes ces merveilles de la miséricorde se sont opérées, et sont toujours présentes au milieu de nous, et l'on croit encore pouvoir chercher des inspirations dans les arts du paganisme, de cette religion sensuelle, bornée, où la divinité n'était qu'une ombre, sa représentation que la forme humaine embellie, où l'homme n'était que beauté physique, ou tout au plus le citoyen d'un empire terrestre, la femme qu'une belle courtisane, l'enfant compté pour rien!...
Musique Italienne (Tarantella ect)
C'est là que Raphaël et toute son école vont chercher les modèles de la beauté ! et cela pour représenter les sujets chrétiens ! prodigieuses aberrations ! ! ! Sous le christianisme, cette vie n'est que la préparation à une vie meilleure; nous ne sommes nous-mêmes que le commencement d'une créature, la terre est un lieu d'épreuve, la lumière qui nous éclaire n'est qu'un demi-jour; trop vive pour que nous puissions en supporter l'éclat, la lumière divine se voile à nos regards, et ne nous arrive qu'à travers les saintes obscurités de la Foi ! Les églises gothiques ont exprimé d'une manière sublime cette lumière mystérieuse si appropriée à notre vie sur la terre! Et l'on veut que l'architecture religieuse reproduise les colonnes élégantes et sensuelles, le jour brillant et matériel du paganisme!...
Non, non, je suis catholique, en religion, en politique, en littérature : je ne divise point ce que Dieu a uni. Non, le beau païen n'est point du tout mon idéal.
Mais qu'est-ce donc, me diras-tu, que ce beau païen ? Quel rang faut-il lui assigner ? Quel est son rapport avec la beauté chrétienne? La réponse à ces questions touche aux problèmes les plus délicats de la nature humaine et de l'ordre social. L'harmonie est l'expression de l'unité dans la magnifique variété des œuvres du Créateur ; elle est l'unité complètement développée. Ainsi dans toutes les œuvres humaines, et en particulier dans les œuvres de l'art, qui sont l'imitation de la nature, plus le principe de vérité est élevé, plus il est développé dans sa riche variété, plus l'harmonie est belle, plus elle rend l'unité sensible, en un mot, plus il y a de beau, splendeur du vrai ! L'harmonie, cette unité sonore, est tellement la loi essentielle des créatures, que là même où le principe de vérité est altéré, l'harmonie entre la forme et le fond, l'unité d'un principe incomplet, mais bien développé de gradations en gradations, de nuances en nuances, suffit encore pour captiver notre esprit, pour obtenir notre admiration.
Dans l'exposition de l'erreur, c'est à la vérité seule que nous rendons hommage ; ce que nous admirons c'est la variété dans l'unité, caractère essentiel des œuvres du Créateur. Atteints, jusque dans les profondeurs de leur être, d'une immense discordance, n'ayant conservé que des traditions altérées, pauvres de souvenir, plus pauvres d'espérance, les païens vivaient presque uniquement sous l'empire du monde sensible. Mais telle est l'unité divine imprimée dans toute la création, que l'idée qui en est gravée en nous ne peut jamais s'effacer complètement. De l'harmonie que leur offrait la nature visible les païens concluaient que le monde spirituel, que l'âme aussi doivent trouver leur harmonie; c'est dans ce sens que Platon disait qu'il faut accorder l'âme comme une lyre.
De l'harmonie extérieure et sensible naissait chez les païens l'idée du beau fini. Perfection du fini ! voilà ce qu'expriment la peinture, la sculpture, l'architecture, l'art des Grecs! Quand ils veulent s'élever à une plus grande hauteur, ils peignent ou la révolte des Titans, ou la douleur d'une félicité perdue, l'ascendant d'un destin fatal. Aussi quelque belles que puissent être les œuvres de l'art païen, elles paraissent comme enveloppées d'un voile funèbre; la mort plane sur toutes les représentations de la vie, car tout ce qui est fini est sujet à la mort. Et voyez! les chantres du plaisir évoquent l'idée de la mort comme une opposition piquante pour rendre plus savoureux le sentiment de la vie!
Mais quelle ineffable harmonie enchante la vie chrétienne ! de sphère en sphère, de hiérarchie en hiérarchie, le chrétien s'élève jusqu'au trône de Dieu. Pour lui, toutes les dissonances s'effacent, toutes les discordances s'apaisent dans la foi, l'espérance et l'amour. Le christianisme nous a dévoilé la beauté céleste, la beauté infinie qui illumine toute la vie humaine. Là où n'atteint point notre raison, la foi supplée, nulle limite à l'amour. Aimez! Aimez! Les consolations sont plus puissantes que les douleurs. Le christianisme a délivré l'art de la captivité du monde sensible dans lequel les païens étaient renfermés; il a racheté l'art, comme la société elle-même; il lui a ouvert le monde infini dans son inépuisable magnificence.
Florence ( suite)
Je m'étais toujours dit, que l'Italie étant le centre de la religion devait se ressentir de son influence; que l'on devait y retrouver plus et mieux qu'ailleurs, les caractères du catholicisme. Mais avant d'être venu ici, je ne faisais que le deviner; maintenant je l'ai vu.
On n'a point assez dit combien l'Italie est catholique : elle l'est de cœur, d'intelligence, elle l'est aux yeux et au toucher, si je puis me servir de cette expression. Oui , il y a ici une intelligence plus complète , une expression plus variée et plus parfaite de la religion et de tous nos sentiments élevés et purifiés par le christianisme. Le caractère du génie italien , c'est l'universalité et l'amour. C'est à l'Église romaine dont elle est le siège, c'est au soleil divin qui l'éclaire, que l'Italie doit l'incomparable honneur de compter au nombre de ses grands hommes les génies les plus vastes, les plus universels qui aient paru dans tous les genres.
Quels sont , parmi les rois , ceux que l'on peut comparer aux grands papes Grégoire VII , Innocent III , Innocent IV, génies législateurs, qui seuls ont compris la véritable hiérarchie sociale, les rapports de subordination de la société temporelle à la société spirituelle, de la terre au ciel, du temps à l'éternité, du fini à l'infini?
Le Pape Grégoire VII (1015-1085) – artisan de la réforme grégorienne
J'ose même dire que le génie de Charlemagne est entièrement dû à la grande unité du Saint-Siège et de l'Église romaine, qui pénétrait toutes ses pensées, toutes ses conceptions. Pourquoi, parmi tant de grands rois dont s'honorent la France et l'Espagne, aucun n'offre-t-il le caractère d'universalité, de sublimité, qui frappe dans Charlemagne?
L`empereur Charlemagne avec le théologien Alcuin de York (742-814)
C'est que ces rois, et même les plus religieux d'entre eux, étaient cependant, sous plusieurs rapports, plus français, plus espagnols que catholiques, tandis que Charlemagne est un génie complètement catholique, pénétré comme les grands papes Grégoire VII , Innocent III , de la sublimité , de l'universalité , qui sont les attributs du catholicisme.
Vivifiés par la grande unité de l'Église romaine, sous l'influence de laquelle ils vivaient, les saints docteurs ont été à la science théologique, ce que Grégoire VII, Innocent III, étaient à la science du gouvernement. Ils sont encore aujourd'hui la source à laquelle viennent puiser toutes les théologies des églises particulières. C'est ce que fait parfaitement comprendre, c'est ce que montre aux yeux un beau tableau que j'ai vu à Lucques, dans l'église des Dominicains : Saint-Thomas d'Aquin plane dans les cieux ; sur la terre une magnifique fontaine représente la science, dont ce grand homme est le père, et tous les pontifes , docteurs et théologiens , viennent puiser à cette source.
Apothéose de St-Thomas d`Aquin
Je n'ai parlé que du docteur angélique; je n'ai point nommé le docteur séraphique, Saint Bonaventure, Saint-Antonin, et tant de savants commentateurs , historiens , controversistes, tels que les cardinaux Baronius, Bellarmin, Cusa, Bona; car je tiens pour romains tous ceux qui ont vécu , se sont inspirés et ont composé à Rome.
L'Italie est la source de la poésie chrétienne; le Dante (Dante Alighieri - 1265-1321) est l'Homère catholique, le père de toute la poésie moderne ; il a peint , on sait avec quelle sublimité, et les douleurs de l'enfer , et les béatitudes du ciel ; on peut dire qu'il a suivi toutes les transformations de nos âmes ; aucun poète n'est descendu si avant dans les profondeurs de la nature humaine; aucun ne s'est élevé à de plus hautes conceptions. Le Tasse ( Torquato Tasso - 1544-1595) a chanté la société chrétienne, inspirée , dirigée par son chef dans la plus sublime expression de son enthousiasme; et si, sortant un instant de la gravité de mon sujet , je ne parlais que de la richesse d'imagination qui fait les grands poètes, je dirais : Vous plaisez-vous aux jeux riants d'une imagination brillante qui parcourt , insouciante et légère , toutes les surfaces de la vie, cueille partout des fleurs sans attacher grand prix aux résultats sérieux? Qui est plus riche, plus varié, plus follement inspiré que l'Arioste ? Mais ceci entre deux parenthèses.
Danielle Licari - La canzone di Orlando - inspiré de l`Arioste - Le Roland furieux (Ludovico Ariosto - 1474-1533)
La Divine Comédie de Dante Alighieri - L`Enfer - musique Requiem de Mozart (Lacrimosa - Larmes)
Dante a écrit son poème au 14 eme siècle. Dante parle du Paradis du Purgatoire et de l`Enfer. Premier cercle de l`enfer: Les Limbes – Deuxième cercle – La luxure – Troisième cercle – gloutonnerie – Quatrième cercle – les avares – Cinquième cercle - les colériques – Sixième cercle – les Hérétiques créateurs de fausses religions – Septième cercle – les violents et les créateurs de blasphèmes contre Dieu– Huitième cercle – Les fraudeurs et manipulateurs (Ceux qui font le trafic des êtres humains pour le sexe ou l`argent, les faux monnayeurs, ect) – Neuvième cercle – Judas, l`apôtre qui a trahi le Christ et les traîtres.
Liszt: Symphonie de Dante, III: PARADISO- Barenboim/Berliner
Au Dante, au Tasse, ajoutons Manzoni, digne de faire suite à ces grands poètes. Dans son magnifique ouvrage, les Fiancés, il a mis en regard la force et la faiblesse, la puissance accablante d'indignes favoris de la fortune, et la touchante impuissance du pauvre à se défendre par lui-même ; et c'est la faiblesse qui triomphe ! l'œuvre de Manzoni n'est que le développement de ce proverbe populaire qu'il m'a cité lui-même : Les pauvres se sauvent par la patience, et les riches par la charité.
Jetons un coup d'œil sur les beaux-arts ; même caractère d'universalité, même profondeur de sentiment, même richesse de conception chez les peintres et les sculpteurs ; c'est qu'ils sont inspirés par l'amour; et qui est plus riche, plus varié, plus inépuisable en expressions que l'amour? Souvent en voyant l'image de la Sainte-Vierge, partout retracée sur les murs comme dans les cœurs, je me suis dit qu'elle était reine d'Italie ; je voudrais ajouter ce titre à tous ceux que lui donnent les litanies.
Qu'y a-t-il de beau dans le cœur humain qui ne se trouve au plus haut degré dans le cœur d'une mère ! au sublime dévouement de la mère, la reine des anges et des saints unit l'ineffable pureté de la vierge. Comprenez toutes les inspirations de la foi et de la charité dues à ce culte d'un charme indicible, et vous concevrez tout ce que les fidèles ont dû sentir, tout ce que les artistes ont dû exprimer. La peinture, la sculpture, tous les arts rayonnent de gloire autour de la Mère et du Fils; j'aime à te citer le mot du comte de S..., auquel je disais que l'admiration était le sentiment le plus délicieux que nous pussions éprouver. « Après l'adoration, » me dit-il. Et en effet l'adoration renferme l'admiration élevée à sa plus haute puissance, car elle est le rapport intime de notre âme avec Dieu; par une conséquence naturelle, l'admiration la plus haute pour la vérité par essence, pour notre incomparable modèle, a dû produire, chez les hommes de génie, les œuvres les plus admirables. Quand un sentiment est général chez une nation, il se forme, pour ainsi dire, une chaîne électrique : il suffit de faire partie de l'assistance, de se toucher par le plus léger contact pour recevoir la commotion.
La foi, en Italie, est le bien commun; les artistes auxquels on peut reprocher le plus de désordres de conduite, étaient cependant plongés dans l'atmosphère de foi universelle : leurs œuvres l'attestent. Pureté des vierges, zèle, charité, si vivement ressentie par tant de fidèles, courage des martyrs, les peintres italiens ont tout retracé; pas un sentiment, pas un mouvement de l'âme qui n'ait été saisi, exprimé, rendu vivant sur la toile, sur le marbre , sur l'airain.
L'Italie est la patrie des beaux-arts, non pas des beaux-arts ravivés, comme on le croit, par la prétendue renaissance, mais de ces arts bien autrement beaux, nés immédiatement du christianisme; il me suffit de citer les noms de tant de sculpteurs, de tant de peintres excellents, du Giotto , de l'Orgagna, de Nicolas de Pise, de Luca de La Robbia, de Civitali, d'Angelico de Fiesole, de Leonard de Vinci, des deux Luini, de Francia, de Fra Bartholomeo, de Raphaël, du Guerchin, du Garofolo, de Michel-Ange, de tant d'autres que l`oublie peut-être , ou que je ne veux pas rapporter, car, il y a en Italie autant de célèbres écoles de peintures , que de peintres illustres dans les plus puissantes monarchies.
Le ciel, l'enfer, la terre, nos douleurs trop réelles et nos joies trompeuses, l'amour, la gloire ; le christianisme enfin dans ce qu'il a de plus naïf et de plus sublime, et cette foule d'images, de symboles gracieux ou magnifiques qui sont comme un second langage parlé aux yeux, tout a été compris, exprimé, chanté par les Italiens. Sous l'influence immédiate de l'épouse du Christ, de la mère des fidèles, il y a plus de lumières dans l'intelligence, plus d'amour dans les cœurs, plus de paix, plus de douceur dans toutes les relations de la vie ; l'Italie est la patrie universelle des intelligences.
Dernière édition par MichelT le Lun 22 Fév 2021 - 0:17, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
8 - La ville de Pérouse (Perugia en Ombrie)
La ville médiévale de Pérouse en Ombrie
J'ai couché avant-hier à Arezzo, patrie de Pétrarque; j'ai vu en passant Castiglione, Pérouse est placée; devant vous un océan de montagnes ! Faisons ensemble le tour de la vieille Pérouse : d'abord deux belles portes antiques; l'une, la porte Grimana, dite l'arc d'Auguste, grandiose, flanquée de deux tours, l'autre, la porte Romana, d'une belle architecture romaine, bien conservée. Les murs de la ville et la citadelle imposante élevée par le pape Paul III , sont l'oeuvre de Bracchio Forti Bracci; dans l'intérieur, sur la place, le vieux palais gothique et dans ce palais, la salle ou bourse dite del Cambio , décorée d'admirables peintures à fresques du Pérugin.
Le baptême du Christ par Le Pérugin (Pietro di Cristoforo Vannucci dit il Perugino - 1446 a 1523)
C'est là qu'il faut apprendre à connaître le Pérugin; il se montre véritablement le maître et l'égal de Raphaël, son illustre élève. Sur la place une belle fontaine de Jean de Pise, et tout près une noble et gracieuse statue en bronze du pape Jules III , par le Danti.
Il faut voir, à la sacristie de la cathédrale, d'admirables têtes de saints du Pérugin, de belles ciselures en bois, d'après les dessins de Raphaël, et ne pas oublier la charmante façade de l'Église dite Chiesa Nuova , enfin , l'Académie des beaux-arts.
La cathédrale San Lorenzo de Pérouse commencée en 1345
Cathédrale de San Lorenzo, Pérouse, Italie
Pérouse n'est pas seulement la patrie du Pérugin, elle est encore celle de Galeaz-Alessi , ce grand architecte qui a couvert Gènes de magnifiques palais, et qui est à Michel-Ange son maître, sous le rapport de l'architecture, ce que Van Dyck est à Rubens, sous le rapport de la peinture.
9 - Civita Castellana
Entre des rochers escarpés dont les vives arêtes se mêlent pittoresquement à l'âpre chêne vert , serpente un torrent fougueux , battant les rocs , faisant retentir l'air de ses mugissements. La grande voix des eaux répond à la sauvage harmonie du site; de loin jaillit une blanche écume. Qu'elle est belle cette brillante cascade!
Cascade delle Marmore - Terni - Italie
Civita Castellana
Je ne sais comment font pour être si jolies ces petites villes des états du pape , Spello , Spolette , Terni , Narni. Toutes à mi-côte, adossées à un grand arc de cercle, elles ont devant elles un vaste amphithéâtre de montagnes à plusieurs lieues de distance. Vite, une toile, des pinceaux, ô Narni! que je fixe à jamais devant mes yeux ton site enchanteur! je ne parlerai même pas de ta porte gothique avec ses deux tours, ni de ta citadelle si joliment crénelée , si bien située , ni de la grande arche de ton pont antique sur lequel passait la voie Flaminia.
Entre deux chaînes de montagnes , coule la Néra , dont un cours de plusieurs lieues a calmé les eaux agitées par le Vélino, et qui ne conserve plus qu'une aimable vivacité. Qu'elles sont belles ces montagnes qui l'enserrent dans sa course ! quelques têtes de rochers se lèvent entre des manteaux de verdure que la vue caresse avec amour, de la base au sommet; nul intervalle aride ne heurte l'oeil enchanté; dans le lointain se dessinent en demi-cercle de nouvelles montagnes couronnées de cimes pittoresques. J'aime cette grandiose, sauvage et riante nature.
La ville médiévale de Pérouse en Ombrie
J'ai couché avant-hier à Arezzo, patrie de Pétrarque; j'ai vu en passant Castiglione, Pérouse est placée; devant vous un océan de montagnes ! Faisons ensemble le tour de la vieille Pérouse : d'abord deux belles portes antiques; l'une, la porte Grimana, dite l'arc d'Auguste, grandiose, flanquée de deux tours, l'autre, la porte Romana, d'une belle architecture romaine, bien conservée. Les murs de la ville et la citadelle imposante élevée par le pape Paul III , sont l'oeuvre de Bracchio Forti Bracci; dans l'intérieur, sur la place, le vieux palais gothique et dans ce palais, la salle ou bourse dite del Cambio , décorée d'admirables peintures à fresques du Pérugin.
Le baptême du Christ par Le Pérugin (Pietro di Cristoforo Vannucci dit il Perugino - 1446 a 1523)
C'est là qu'il faut apprendre à connaître le Pérugin; il se montre véritablement le maître et l'égal de Raphaël, son illustre élève. Sur la place une belle fontaine de Jean de Pise, et tout près une noble et gracieuse statue en bronze du pape Jules III , par le Danti.
Il faut voir, à la sacristie de la cathédrale, d'admirables têtes de saints du Pérugin, de belles ciselures en bois, d'après les dessins de Raphaël, et ne pas oublier la charmante façade de l'Église dite Chiesa Nuova , enfin , l'Académie des beaux-arts.
La cathédrale San Lorenzo de Pérouse commencée en 1345
Cathédrale de San Lorenzo, Pérouse, Italie
Pérouse n'est pas seulement la patrie du Pérugin, elle est encore celle de Galeaz-Alessi , ce grand architecte qui a couvert Gènes de magnifiques palais, et qui est à Michel-Ange son maître, sous le rapport de l'architecture, ce que Van Dyck est à Rubens, sous le rapport de la peinture.
9 - Civita Castellana
Entre des rochers escarpés dont les vives arêtes se mêlent pittoresquement à l'âpre chêne vert , serpente un torrent fougueux , battant les rocs , faisant retentir l'air de ses mugissements. La grande voix des eaux répond à la sauvage harmonie du site; de loin jaillit une blanche écume. Qu'elle est belle cette brillante cascade!
Cascade delle Marmore - Terni - Italie
Civita Castellana
Je ne sais comment font pour être si jolies ces petites villes des états du pape , Spello , Spolette , Terni , Narni. Toutes à mi-côte, adossées à un grand arc de cercle, elles ont devant elles un vaste amphithéâtre de montagnes à plusieurs lieues de distance. Vite, une toile, des pinceaux, ô Narni! que je fixe à jamais devant mes yeux ton site enchanteur! je ne parlerai même pas de ta porte gothique avec ses deux tours, ni de ta citadelle si joliment crénelée , si bien située , ni de la grande arche de ton pont antique sur lequel passait la voie Flaminia.
Entre deux chaînes de montagnes , coule la Néra , dont un cours de plusieurs lieues a calmé les eaux agitées par le Vélino, et qui ne conserve plus qu'une aimable vivacité. Qu'elles sont belles ces montagnes qui l'enserrent dans sa course ! quelques têtes de rochers se lèvent entre des manteaux de verdure que la vue caresse avec amour, de la base au sommet; nul intervalle aride ne heurte l'oeil enchanté; dans le lointain se dessinent en demi-cercle de nouvelles montagnes couronnées de cimes pittoresques. J'aime cette grandiose, sauvage et riante nature.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
10 - La ville de Rome
Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! me voici à Rome!
Plus on avance vers Rome, plus la campagne devient triste et sévère, comme pour ne pas vous distraire des graves pensées que doit inspirer la ville éternelle. Cette reine de la solitude ne vous apparaît qu'à une distance de trois ou quatre lieues.
Une âme contemplative, dit le prophète, se fait à elle-même une solitude. En vérité, il semble que cela s'applique, même matériellement, à cette capitale du monde, que l'univers contemple et qui contemple l'univers! Quand je l'aperçus, j'éprouvai une grande émotion. Voilà donc, me disais-je, cette ville deux fois maîtresse du monde, la première par les armes ( au temps de l`empire romain païen), la seconde par la foi (empire spirituel chrétien), et ce second empire , tout intellectuel , est aussi supérieur à l'empire brutal de la force que l'âme l'est au corps.
Demandez aux artistes, aux philosophes, aux amis d'une sage liberté ce qu'il en coûte pour se séparer de cette bonne mère ! la philosophie se perd dans les rêves, dans de vaines abstractions, les arts voient tarir la source de leurs plus belles inspirations; la liberté ! il n'y en a plus pour ceux qui ont fui l'empire du Libérateur des hommes et des sociétés. Enfants prodigues, ces peuples ne retrouveront le bonheur qu'ils ont perdu qu'en revenant à la maison paternelle.
Telles étaient mes pensées en approchant de Rome. Aujourd'hui, j'y suis entré, en fils respectueux qui vient offrir de tendres hommages à une mère chérie. En descendant de voiture je n'ai pas perdu un instant; d'un bond j'étais à Saint-Pierre. La colonnade circulaire qui lui sert de portique m'a vivement frappé.
Place St-Pierre de Rome
Sur le pourtour sont rangés en grand nombre des statues de saints évêques, de saints pontifes, autour de saint Pierre, leur centre. Voilà notre chef, semblent-ils vous dire, nous sommes ses lieutenants ; venez à lui, vous tous ses enfants fidèles, et vous aussi qui avez le malheur de ne pas connaître son bienfaisant empire. Comme celui dont il est sur la terre le représentant visible, il tend les bras à l'univers. Au milieu de la place de Saint-Pierre est un obélisque surmonté de la croix. Qu'elles sont belles les inscriptions gravées sur les quatre faces !
Sur celle qui regarde l'entrée de la place on lit ces mots : (Je traduis. )
Voici la croix du Seigneur ! Fuyez ! vous qui êtes ses adversaires : il a vaincu le lion de Juda !
Sur la face qui regarde l'église, ces mots : Le Christ triomphe, le Christ règne, le Christ commande et délivre son peuple de tout mal.
Sur une des faces latérales : Sixte-Quint, souverain pontife, a fait transporter aux pieds des saints apôtres l'obélisque du Vatican , qu'un culte impie avait voué aux dieux des nations.
Sur l'autre face latérale : Sixte-Quint, souverain pontife, a consacré à la croix victorieuse l'obélisque du Vatican , purifié désormais de l'impure superstition.
L`Obélisque païen purifiée par la St-Croix
Ainsi, tout sur cette place, et avant même d'entrer à Saint-Pierre, tout annonce et proclame le triomphe de la croix, triomphe glorieux qui apprend à tous les peuples de l'univers qu'elle est l'invincible puissance du roi des rois, du dominateur des dominateurs de la terre, triomphe consolant qui rappelle aux chrétiens le règne miséricordieux du Christ, triomphe dans le passé sur le paganisme vaincu dans le centre même de son empire, triomphe éternel qui descend du ciel et remonte au ciel !
Plein de ces pensées, j'avançai vers Saint-Pierre qui se montrait à moi avec toutes ses portes ouvertes, noble symbole de la religion, toujours ouverte à l'innocence ou au repentir, à l'ignorance qui veut s'instruire comme à la science qui s'humilie. J'entrai dans l'église, et ici encore , je dois le dire, mes impressions furent toutes différentes de ce que l'on m'avait annoncé.
Basilique St-Pierre de Rome
On m'avait dit que l'immense étendue de la basilique ne frappe pas au premier abord, que ce n'était qu'en y réfléchissant que l'on comprenait à quel point elle est vaste et spacieuse. Pour moi, voici ce qui m'a pour ainsi dire sauté aux yeux. Chaque espace ouvert entre les arcades, dans la largeur de l'édifice, suffirait en longueur, largeur et hauteur à une grande église avec ses chapelles et son dôme; de sorte que Saint-Pierre n'est pas seulement un temple immense, mais comme la réunion de plusieurs églises, toutes très vastes, en une seule; et n'est-ce pas encore là la véritable expression de l'Église romaine mère et couronne de toutes les Églises ? Oui, tout ici porte le caractère d'universalité ; sur les confessionnaux vous lisez : pour les Français, pour les Espagnols, pour les Portugais, pour les Hongrois; et ainsi de suite pour tous les peuples chrétiens.
Confessionnaux pour différents pays
Saint-Pierre est réellement et symboliquement le point central, l'unité de ces tribunaux de miséricorde qui justifient ceux qui s'accusent, ( selon la sublime expression de Bossuet ). Vous passez devant les confessionnaux où siègent les pénitenciers armés d'une longue baguette : je me suis agenouillé avec bonheur devant cette verge expiatrice qui me semblait une application touchante et comme une image de cette parole du Christ : mon joug est doux et mon fardeau léger. A Saint-Pierre on se sent plus heureux encore d'appartenir à la grande communion des chrétiens. Si la basilique de Saint-Pierre n'était plus, la majesté du catholicisme perdrait, ce semble, quelque chose.
Rome est bien la ville éternelle, comme en elle tous les temps sont réunis, et quelles instructives leçons ressortent de leur rapprochement dans cette capitale du monde! toute l'histoire du genre humain est écrite ici en grands caractères : la perversité de l'homme, la justice, la miséricorde de Dieu.
Écrase les nations, peuple orgueilleux, soumets-les à ton joug de fer, pétris leur sang, verse-le dans les combats, verse-le dans tes jeux; élève jusqu'au ciel le magnifique témoignage de tes féroces jubilations; montre-nous ce qu'est l'homme, abandonné au délire de ses passions; triomphe, que rien ne te résiste! Que dis-je, que tout serve à constater tes victoires! Voici venir des peuples qui sont restés vierges de ta corruption et de la servitude que tu faisais subir à tous ceux que tu pouvais atteindre; ils viennent venger l'univers de son long esclavage ; ils t'écraseront aussi, toi qui écrasais l'univers; ils briseront tes édifices, ces monuments d'une gloire que tu croyais impérissable comme ton empire, ils n'en laisseront que ce qui servira à rappeler ton châtiment.
Les légions romaines de l`ère païenne.
Mais la justice divine est satisfaite. La miséricorde paraît après elle, et la couronne de sa douce victoire; une Rome nouvelle s'élève sur les ruines de l'antique Rome ; elle aussi a vaincu le monde , mais ses victoires n'ont coûté ni sang ni larmes, ceux qu'elle soumet à son empire, elle ne les opprime pas, elle les délivre; elle aussi, cette Rome nouvelle, a ses temples, ses palais, tous consacrés au soulagement des misères humaines. La croix, arrosée du sang de l'Homme-Dieu, expie, purifie le sang impie versé par la main de l'homme! Au milieu du Colisée s'élève une croix de bois, c'est une croix de bois qui a vaincu le monde! Et tout autour d'elle de petites chapelles qui rappellent la voie douloureuse du Sauveur. L'empreinte de ce sang si pur, mêlé au sang des martyrs qui était comme une effusion continuée du sang du Christ versé en eux, lave, efface les souillures de l'orgueil et de ses cruelles voluptés!
La Croix dans le Colisée de Rome – un lieu ou de nombreux chrétiens ont été tués.
Avais-je raison de dire que Rome réunit tous les temps, tous les lieux, toutes les leçons que peuvent donner la terre et le ciel! Ces réflexions m'ont été inspirées à la vue du Colisée. Voilà donc, me disais-je, le plus grand monument que le paganisme nous ait laissé de son règne, comme Saint-Pierre est le plus grand monument du christianisme!
Le Colisée de Rome
Voilà les deux religions en présence, et en quelque sorte en regard l'une de l'autre. Ici on versait le sang des hommes en l'honneur des dieux, et pour l'amusement des hommes. Le paganisme donnait le seul présent qu'il pût faire : la mort ! près du Colisée sont encore d'autres souvenirs du paganisme : les arcs de triomphe du peuple-roi, les thermes, les palais des Césars, destinés aussi à la profanation du sang, car la débauche n'est pas autre chose.
Les ruines du paganisme a côté de la Rome chrétienne
Tournez les yeux ; reportez-les, ou plutôt reposez-les sur les monuments élevés par le christianisme, tout à côté et souvent sur les ruines de ceux du paganisme. Ce n'est pas la mort que donne notre religion, c'est la vie, la vie à l'âme, le soutien de la vie physique; et la mort elle-même n'est pour elle qu'un passage à une meilleure vie, une nouvelle et immortelle naissance.
Nous vous offrons tout ce que nous pouvons donner dans cette vie, dit le christianisme : des hospices pour l'enfance abandonnée, des asiles aux vierges, des refuges aux opprimés et à ceux aussi qu'oppriment des passions violentes qu'ils ne peuvent dompter que par le secours divin, la nourriture à ceux qui ont faim, des vêtements à ceux qui en manquent, des lumières, des consolations à ceux qui souffrent, l'espoir d'une meilleure vie, l'union du temps et de l'éternité.
O Rome ! Oui, ici je me sens en communication avec l'humanité entière dans ce qu'elle a de plus noble, de plus digne de notre amour; ici le présent m'explique le passé, et me promet l'avenir, un avenir qui ne s'effacera plus et effacera toutes nos larmes.
Rome ( suite)
Au lieu d'un esprit critique, un esprit d'amour et de charité universelle; les Italiens sont généralement, je pourrais presque dire universellement bien plus disposés à l'admiration qu'à la critique, et cela même est un de leurs caractères distinctifs, peut-être même leur caractère principal. Ajoutez que l'on vit en Italie au milieu des chefs-d'oeuvre des arts anciens et modernes, chefs-d’œuvre sans cesse admirés, sans cesse étudiés et qui sont le noble et innocent sujet de toutes les conversations. Ah! j'aime cette belle et bonne disposition d'âme chez les Italiens, elle m'enchante. Oui, la religion a ici une influence qui n'a pas été observée.
Rome est et restera à jamais unique et incomparable. Cette double Rome, ce siège d'un empire de lumière et d'amour, Rome pacifique, noblement assise sur les ruines de Rome guerrière et conquérante, comme ce spectacle parle à l'âme! Ici de sublimes, d'extraordinaires harmonies : la majesté du ciel répond à la majesté des souvenirs et à celle des monuments.
J'ai été me promener hors des portes de la ville. De beaux palais, les imposantes ruines de l'antiquité ressortaient sur un ciel d'un bleu foncé et pur. Dans le lointain la teinte des montagnes se confondait avec celle des nuages; à peine si l'œil pouvait distinguer, à un trait léger, le point où finissait la terre, où commençait le ciel, et c'était en plein jour! Au milieu de ces belles montagnes, une colline brillait de mille teintes pourprées, diaprées, portant à sa cime, comme un bouquet charmant, un groupe de maisons et de villas d'une éclatante blancheur. Ici le ciel semble avoir avec la terre des rapports plus intimes.
Colline du Caelius à Rome.
Il l'enveloppe et la voile, en quelque sorte, d'une harmonieuse et transparente lumière; il fait briller sur elle mille nuances aussi riches que gracieuses, noble image de l'influence de la religion sur les empires soumis à sa loi, sur les lettres et sur les arts.
J'ai été voir le Panthéon d' Agrippa, aujourd'hui l'église de Sainte-Marie des martyrs, consacrée à la Vierge et aux martyrs. Saint-Pierre, le Panthéon et le Colisée sont les trois plus beaux monuments de Rome, et c'est le Panthéon qui a inspiré le dôme de Saint-Pierre. « Je l` élèverai dans les airs, dit Michel-Ange », mot sublime qui a produit une œuvre sublime. Le Panthéon, élevé dans les airs à Saint-Pierre, semble aussi, par sa forme circulaire, exprimer symboliquement la tiare pontificale qui est comme le dôme de toutes les mitres épiscopales. Il n'y a pour le culte chrétien que deux espèces d'architecture, l'architecture gothique, sévère, sublime, mystérieuse, et l'architecture italienne avec ses dômes majestueux, avec toutes les richesses des arts, tableaux, statues, bas-reliefs, avec ses profusions de marbre, de matière d'or et d'argent, de pierres précieuses, qui sont comme l'hommage à Dieu de tout ce que la terre renferme de trésors, de tout ce que les arts peuvent enfanter de sublimes et gracieuses images.
Le Panthéon de l`empereur romain Agrippa construit entre 27 Av J.C et 125 Ap J.C.
Panthéon d`Agrippa
Église de Sainte-Marie des Anges et des Martyrs (Santa Maria degli Angeli e dei Martiri) est dédiée aux martyrs chrétiens, qui ont construit les thermes de l`empereur romain païen Dioclétien. Une partie des thermes ont été transformés en Église et Michel-Ange a travaillé sur ce site jusqu`en 1541.
Église de Sainte-Marie des Anges et des Martyrs
Cette architecture devait naître en Italie, patrie des arts et de la religion. Tout près du Panthéon, l'église de la Minerve; chose remarquable, dans cette église se trouve une superbe statue de Michel-Ange; elle représente le Christ irrité et comme armé de sa croix. Eh bien! telle est l'influence du christianisme, qu'à travers l'expression irritée du Christ, règne encore sur son visage une céleste douceur. Le Sauveur ne semble menacer, que le pardon sur les lèvres, tant la miséricorde lui est inhérente!
Église Santa Maria Sopra Minerva construite à partir de 1280
Église Santa Maria Sopra Minerva
Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! me voici à Rome!
Plus on avance vers Rome, plus la campagne devient triste et sévère, comme pour ne pas vous distraire des graves pensées que doit inspirer la ville éternelle. Cette reine de la solitude ne vous apparaît qu'à une distance de trois ou quatre lieues.
Une âme contemplative, dit le prophète, se fait à elle-même une solitude. En vérité, il semble que cela s'applique, même matériellement, à cette capitale du monde, que l'univers contemple et qui contemple l'univers! Quand je l'aperçus, j'éprouvai une grande émotion. Voilà donc, me disais-je, cette ville deux fois maîtresse du monde, la première par les armes ( au temps de l`empire romain païen), la seconde par la foi (empire spirituel chrétien), et ce second empire , tout intellectuel , est aussi supérieur à l'empire brutal de la force que l'âme l'est au corps.
Demandez aux artistes, aux philosophes, aux amis d'une sage liberté ce qu'il en coûte pour se séparer de cette bonne mère ! la philosophie se perd dans les rêves, dans de vaines abstractions, les arts voient tarir la source de leurs plus belles inspirations; la liberté ! il n'y en a plus pour ceux qui ont fui l'empire du Libérateur des hommes et des sociétés. Enfants prodigues, ces peuples ne retrouveront le bonheur qu'ils ont perdu qu'en revenant à la maison paternelle.
Telles étaient mes pensées en approchant de Rome. Aujourd'hui, j'y suis entré, en fils respectueux qui vient offrir de tendres hommages à une mère chérie. En descendant de voiture je n'ai pas perdu un instant; d'un bond j'étais à Saint-Pierre. La colonnade circulaire qui lui sert de portique m'a vivement frappé.
Place St-Pierre de Rome
Sur le pourtour sont rangés en grand nombre des statues de saints évêques, de saints pontifes, autour de saint Pierre, leur centre. Voilà notre chef, semblent-ils vous dire, nous sommes ses lieutenants ; venez à lui, vous tous ses enfants fidèles, et vous aussi qui avez le malheur de ne pas connaître son bienfaisant empire. Comme celui dont il est sur la terre le représentant visible, il tend les bras à l'univers. Au milieu de la place de Saint-Pierre est un obélisque surmonté de la croix. Qu'elles sont belles les inscriptions gravées sur les quatre faces !
Sur celle qui regarde l'entrée de la place on lit ces mots : (Je traduis. )
Voici la croix du Seigneur ! Fuyez ! vous qui êtes ses adversaires : il a vaincu le lion de Juda !
Sur la face qui regarde l'église, ces mots : Le Christ triomphe, le Christ règne, le Christ commande et délivre son peuple de tout mal.
Sur une des faces latérales : Sixte-Quint, souverain pontife, a fait transporter aux pieds des saints apôtres l'obélisque du Vatican , qu'un culte impie avait voué aux dieux des nations.
Sur l'autre face latérale : Sixte-Quint, souverain pontife, a consacré à la croix victorieuse l'obélisque du Vatican , purifié désormais de l'impure superstition.
L`Obélisque païen purifiée par la St-Croix
Ainsi, tout sur cette place, et avant même d'entrer à Saint-Pierre, tout annonce et proclame le triomphe de la croix, triomphe glorieux qui apprend à tous les peuples de l'univers qu'elle est l'invincible puissance du roi des rois, du dominateur des dominateurs de la terre, triomphe consolant qui rappelle aux chrétiens le règne miséricordieux du Christ, triomphe dans le passé sur le paganisme vaincu dans le centre même de son empire, triomphe éternel qui descend du ciel et remonte au ciel !
Plein de ces pensées, j'avançai vers Saint-Pierre qui se montrait à moi avec toutes ses portes ouvertes, noble symbole de la religion, toujours ouverte à l'innocence ou au repentir, à l'ignorance qui veut s'instruire comme à la science qui s'humilie. J'entrai dans l'église, et ici encore , je dois le dire, mes impressions furent toutes différentes de ce que l'on m'avait annoncé.
Basilique St-Pierre de Rome
On m'avait dit que l'immense étendue de la basilique ne frappe pas au premier abord, que ce n'était qu'en y réfléchissant que l'on comprenait à quel point elle est vaste et spacieuse. Pour moi, voici ce qui m'a pour ainsi dire sauté aux yeux. Chaque espace ouvert entre les arcades, dans la largeur de l'édifice, suffirait en longueur, largeur et hauteur à une grande église avec ses chapelles et son dôme; de sorte que Saint-Pierre n'est pas seulement un temple immense, mais comme la réunion de plusieurs églises, toutes très vastes, en une seule; et n'est-ce pas encore là la véritable expression de l'Église romaine mère et couronne de toutes les Églises ? Oui, tout ici porte le caractère d'universalité ; sur les confessionnaux vous lisez : pour les Français, pour les Espagnols, pour les Portugais, pour les Hongrois; et ainsi de suite pour tous les peuples chrétiens.
Confessionnaux pour différents pays
Saint-Pierre est réellement et symboliquement le point central, l'unité de ces tribunaux de miséricorde qui justifient ceux qui s'accusent, ( selon la sublime expression de Bossuet ). Vous passez devant les confessionnaux où siègent les pénitenciers armés d'une longue baguette : je me suis agenouillé avec bonheur devant cette verge expiatrice qui me semblait une application touchante et comme une image de cette parole du Christ : mon joug est doux et mon fardeau léger. A Saint-Pierre on se sent plus heureux encore d'appartenir à la grande communion des chrétiens. Si la basilique de Saint-Pierre n'était plus, la majesté du catholicisme perdrait, ce semble, quelque chose.
Rome est bien la ville éternelle, comme en elle tous les temps sont réunis, et quelles instructives leçons ressortent de leur rapprochement dans cette capitale du monde! toute l'histoire du genre humain est écrite ici en grands caractères : la perversité de l'homme, la justice, la miséricorde de Dieu.
Écrase les nations, peuple orgueilleux, soumets-les à ton joug de fer, pétris leur sang, verse-le dans les combats, verse-le dans tes jeux; élève jusqu'au ciel le magnifique témoignage de tes féroces jubilations; montre-nous ce qu'est l'homme, abandonné au délire de ses passions; triomphe, que rien ne te résiste! Que dis-je, que tout serve à constater tes victoires! Voici venir des peuples qui sont restés vierges de ta corruption et de la servitude que tu faisais subir à tous ceux que tu pouvais atteindre; ils viennent venger l'univers de son long esclavage ; ils t'écraseront aussi, toi qui écrasais l'univers; ils briseront tes édifices, ces monuments d'une gloire que tu croyais impérissable comme ton empire, ils n'en laisseront que ce qui servira à rappeler ton châtiment.
Les légions romaines de l`ère païenne.
Mais la justice divine est satisfaite. La miséricorde paraît après elle, et la couronne de sa douce victoire; une Rome nouvelle s'élève sur les ruines de l'antique Rome ; elle aussi a vaincu le monde , mais ses victoires n'ont coûté ni sang ni larmes, ceux qu'elle soumet à son empire, elle ne les opprime pas, elle les délivre; elle aussi, cette Rome nouvelle, a ses temples, ses palais, tous consacrés au soulagement des misères humaines. La croix, arrosée du sang de l'Homme-Dieu, expie, purifie le sang impie versé par la main de l'homme! Au milieu du Colisée s'élève une croix de bois, c'est une croix de bois qui a vaincu le monde! Et tout autour d'elle de petites chapelles qui rappellent la voie douloureuse du Sauveur. L'empreinte de ce sang si pur, mêlé au sang des martyrs qui était comme une effusion continuée du sang du Christ versé en eux, lave, efface les souillures de l'orgueil et de ses cruelles voluptés!
La Croix dans le Colisée de Rome – un lieu ou de nombreux chrétiens ont été tués.
Avais-je raison de dire que Rome réunit tous les temps, tous les lieux, toutes les leçons que peuvent donner la terre et le ciel! Ces réflexions m'ont été inspirées à la vue du Colisée. Voilà donc, me disais-je, le plus grand monument que le paganisme nous ait laissé de son règne, comme Saint-Pierre est le plus grand monument du christianisme!
Le Colisée de Rome
Voilà les deux religions en présence, et en quelque sorte en regard l'une de l'autre. Ici on versait le sang des hommes en l'honneur des dieux, et pour l'amusement des hommes. Le paganisme donnait le seul présent qu'il pût faire : la mort ! près du Colisée sont encore d'autres souvenirs du paganisme : les arcs de triomphe du peuple-roi, les thermes, les palais des Césars, destinés aussi à la profanation du sang, car la débauche n'est pas autre chose.
Les ruines du paganisme a côté de la Rome chrétienne
Tournez les yeux ; reportez-les, ou plutôt reposez-les sur les monuments élevés par le christianisme, tout à côté et souvent sur les ruines de ceux du paganisme. Ce n'est pas la mort que donne notre religion, c'est la vie, la vie à l'âme, le soutien de la vie physique; et la mort elle-même n'est pour elle qu'un passage à une meilleure vie, une nouvelle et immortelle naissance.
Nous vous offrons tout ce que nous pouvons donner dans cette vie, dit le christianisme : des hospices pour l'enfance abandonnée, des asiles aux vierges, des refuges aux opprimés et à ceux aussi qu'oppriment des passions violentes qu'ils ne peuvent dompter que par le secours divin, la nourriture à ceux qui ont faim, des vêtements à ceux qui en manquent, des lumières, des consolations à ceux qui souffrent, l'espoir d'une meilleure vie, l'union du temps et de l'éternité.
O Rome ! Oui, ici je me sens en communication avec l'humanité entière dans ce qu'elle a de plus noble, de plus digne de notre amour; ici le présent m'explique le passé, et me promet l'avenir, un avenir qui ne s'effacera plus et effacera toutes nos larmes.
Rome ( suite)
Au lieu d'un esprit critique, un esprit d'amour et de charité universelle; les Italiens sont généralement, je pourrais presque dire universellement bien plus disposés à l'admiration qu'à la critique, et cela même est un de leurs caractères distinctifs, peut-être même leur caractère principal. Ajoutez que l'on vit en Italie au milieu des chefs-d'oeuvre des arts anciens et modernes, chefs-d’œuvre sans cesse admirés, sans cesse étudiés et qui sont le noble et innocent sujet de toutes les conversations. Ah! j'aime cette belle et bonne disposition d'âme chez les Italiens, elle m'enchante. Oui, la religion a ici une influence qui n'a pas été observée.
Rome est et restera à jamais unique et incomparable. Cette double Rome, ce siège d'un empire de lumière et d'amour, Rome pacifique, noblement assise sur les ruines de Rome guerrière et conquérante, comme ce spectacle parle à l'âme! Ici de sublimes, d'extraordinaires harmonies : la majesté du ciel répond à la majesté des souvenirs et à celle des monuments.
J'ai été me promener hors des portes de la ville. De beaux palais, les imposantes ruines de l'antiquité ressortaient sur un ciel d'un bleu foncé et pur. Dans le lointain la teinte des montagnes se confondait avec celle des nuages; à peine si l'œil pouvait distinguer, à un trait léger, le point où finissait la terre, où commençait le ciel, et c'était en plein jour! Au milieu de ces belles montagnes, une colline brillait de mille teintes pourprées, diaprées, portant à sa cime, comme un bouquet charmant, un groupe de maisons et de villas d'une éclatante blancheur. Ici le ciel semble avoir avec la terre des rapports plus intimes.
Colline du Caelius à Rome.
Il l'enveloppe et la voile, en quelque sorte, d'une harmonieuse et transparente lumière; il fait briller sur elle mille nuances aussi riches que gracieuses, noble image de l'influence de la religion sur les empires soumis à sa loi, sur les lettres et sur les arts.
J'ai été voir le Panthéon d' Agrippa, aujourd'hui l'église de Sainte-Marie des martyrs, consacrée à la Vierge et aux martyrs. Saint-Pierre, le Panthéon et le Colisée sont les trois plus beaux monuments de Rome, et c'est le Panthéon qui a inspiré le dôme de Saint-Pierre. « Je l` élèverai dans les airs, dit Michel-Ange », mot sublime qui a produit une œuvre sublime. Le Panthéon, élevé dans les airs à Saint-Pierre, semble aussi, par sa forme circulaire, exprimer symboliquement la tiare pontificale qui est comme le dôme de toutes les mitres épiscopales. Il n'y a pour le culte chrétien que deux espèces d'architecture, l'architecture gothique, sévère, sublime, mystérieuse, et l'architecture italienne avec ses dômes majestueux, avec toutes les richesses des arts, tableaux, statues, bas-reliefs, avec ses profusions de marbre, de matière d'or et d'argent, de pierres précieuses, qui sont comme l'hommage à Dieu de tout ce que la terre renferme de trésors, de tout ce que les arts peuvent enfanter de sublimes et gracieuses images.
Le Panthéon de l`empereur romain Agrippa construit entre 27 Av J.C et 125 Ap J.C.
Panthéon d`Agrippa
Église de Sainte-Marie des Anges et des Martyrs (Santa Maria degli Angeli e dei Martiri) est dédiée aux martyrs chrétiens, qui ont construit les thermes de l`empereur romain païen Dioclétien. Une partie des thermes ont été transformés en Église et Michel-Ange a travaillé sur ce site jusqu`en 1541.
Église de Sainte-Marie des Anges et des Martyrs
Cette architecture devait naître en Italie, patrie des arts et de la religion. Tout près du Panthéon, l'église de la Minerve; chose remarquable, dans cette église se trouve une superbe statue de Michel-Ange; elle représente le Christ irrité et comme armé de sa croix. Eh bien! telle est l'influence du christianisme, qu'à travers l'expression irritée du Christ, règne encore sur son visage une céleste douceur. Le Sauveur ne semble menacer, que le pardon sur les lèvres, tant la miséricorde lui est inhérente!
Église Santa Maria Sopra Minerva construite à partir de 1280
Église Santa Maria Sopra Minerva
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
Rome ( suite)
La Rome antique offre partout le caractère de la grandeur, de la puissance; nul souvenir de bienfaisance; nulle trace de pitié, de pitié qui devrait cependant être un sentiment universel, car nous sommes tous si malades d'âme et de corps que nous devrions tous avoir pitié les uns des autres. Le peuple-roi n'épargnait rien pour ses plaisirs et pour éterniser le souvenir de ses victoires. Ses monuments sont orgueilleux comme le peuple qui les construisait.
Combat de Gladiateurs dans la Rome païenne
Que Rome chrétienne offre un tout autre caractère! Partout des églises qui rappellent les bienfaits des grands saints ; partout des hospices, et les palais eux-mêmes, s'ils sont moins vastes que ceux des Césars, rappellent l'élévation des familles dont les membres sont parvenus au pontificat, élévation qu'ils ne durent qu'à leurs vertus, et aux services qu'ils avaient rendus. Rome païenne était une ville conquérante qui faisait la guerre aux nations et aux individus qu'elle sacrifiait, même à ses plaisirs. Rome chrétienne est la ville pacifique, donnant la paix aux âmes, le soutien et la vie aux corps, amusant ses loisirs par la plus utile protection accordée aux beaux-arts.
J'ai visité l'église de Saint-Grégoire; en face de cette église sont les ruines pittoresques et grandioses des palais des Césars. Ces palais me paraissaient les temples abominables des vices couronnés et déifiés. A Saint-Grégoire, on conserve la table sur laquelle ce grand pape donnait tous les jours à manger à douze pauvres pèlerins. Dans l'intérieur, de belles peintures rappellent la mission, toute de bienfaisance, que l'illustre pontife donnait à saint Augustin. Les chefs-d’œuvre du Dominiquin et du Guide récréent innocemment les regards : rien ne blesse, tout repose l'âme dans un pareil séjour. Admirons, je le veux bien, les monuments de l'antique Rome, mais aimons, bénissons les monuments de Rome chrétienne.
La Sybille de Cumes par Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin (1581-1641)
Le Pape St-Grégoire le Grand (540 à 604) qui envoya les moines missionnaires évangéliser l`Angleterre.
Église de St-Grégoire (Chiesa di San Gregorio al Celio)
J'ai vu l'église souterraine de Saint-Pierre; là sont enterrés des papes, des empereurs, de grands cardinaux; les Stuarts ( rois catholiques d`Écosse et d`Angleterre) y sont venus trouver un éternel repos après toutes les agitations de leur vie.
Nécropole Papale et de St-Pierre à Rome
Le mot catholique veut dire universel; jamais traduction ne fut plus fidèle. Je me bornerai à une seule observation relative à la politique. Dans tous les pays que la religion ne gouverne pas uniquement, c'est-à-dire presque partout, les opinions politiques sont livrées à toute la fureur des partis, à toute la sottise des coteries. Dire à quel point ces opinions sont rétrécies, bornées par le temps, par le lieu où elles ont pris naissance, j'avoue que je ne trouve aucun terme qui puisse l'exprimer suffisamment. Toutes les questions immenses qui concernent la vie des sociétés humaines, leurs progrès, les développements de l'intelligence, de la morale publique , des institutions sociales, se réduisent à des querelles de personnes.
Les hommes, que dis-je? les noms des choses remplacent les choses elles-mêmes. Pour de certaines personnes qui se déclarent, de leur propre autorité, seules parfaitement bien pensantes, une nation entière se réduit à une ville, cette ville à une portion des citoyens qui l'habitent, et cette portion elle-même à quelques individus qui ne sont ni les plus sages, ni les plus éclairés, ni les meilleurs, mais ceux-là seulement qui remplissent certaines conditions de naissance , d'existence , et même de formes arbitrairement fixées par une divinité inconnue même du paganisme, la Mode!
On sait à Rome que les progrès de la civilisation sont dus au développement des idées de justice, d'ordre et de liberté qui émanent, non d'un individu, non d'une famille, mais de la religion. A Rome, l'intelligence est catholique, elle est véritablement universelle; on juge les hommes sans haine et sans engouement, et les sociétés humaines, d'après les principes universels, dans l'universalité des temps et des lieux.
Rome ( suite)
Je me bornerai seulement à exposer quelques vérités qui, je crois, n'ont pas été coordonnées entre elles comme elles peuvent et doivent l'être , et voici ce que je puis
affirmer d'avance : mes observations sont tellement puisées dans la nature des choses , elles ont un caractère tellement historique qu'il me suffira de les exposer dans la forme d'un récit; seulement, pour faire mieux saisir leur portée.
Toutes nos facultés se développent par l'amour; l'amour maternel est le premier moyen d'éducation. Qu'enseigne-t-on à l'enfant, à cet être si faible qui entre à peine dans la vie? à aimer, à aimer ses parents, Dieu avant tout, au-dessus de tout. L'éducation toute entière consiste à élever l'homme, à lui apprendre à aimer, à admirer le bien, le beau, à les réaliser dans ses actions, il faut bien autre chose pour élever les hommes que de développer en eux une froide et méthodique raison. Je dis plus, la mémoire elle-même est intimement liée au cœur; on ne comprend , on ne retient véritablement que ce que l'on aime et à mesure que l'on aime.
C'est là ce qui caractérise les goûts divers, les vocations mêmes; on se sent de l'attrait, du goût, c'est-à-dire de l'amour pour telle étude ou pour tel état; alors seulement l'intelligence marche rapidement de développements en développements. C'est que l'intelligence n'est que le reflet du foyer d'amour, et à mesure que le foyer est plus actif
la lumière est plus vive. Des plus intimes profondeurs de l'âme jaillit la lumière de l'intelligence qui vacille et n'éclaire que les surfaces quand elle ne vient que du dehors.
Le monde entier étant la manifestation de l'amour divin, c'est par l'amour, qu'il peut être compris, car l'amour seul répond à l'amour. Un principe supérieur nous attire sans
cesse; nous aspirons à la bonté, à la beauté en toutes choses, à la perfection des lois, des institutions, des œuvres de l'art. Le génie, l'héroïsme, la sainteté sont dus à l'amour, à l'enthousiasme du beau dans tous les ordres de nos pensées et de nos actions. On peut dire que l'esprit de l'homme aspire toujours à des merveilles et ne se repose que lorsqu'il est arrivé à jouir de merveilles ; et pour en citer une seule preuve, les arts, la littérature, n'ont d'autre but que de nous donner des chefs-d’œuvre, de créer des merveilles; de là, la joie, de là le cri de notre âme, sublime! angélique! céleste! divin!
J`ai montré en nous un abîme de grandeur; je veux te faire voir un abîme de profondeur. L'action par laquelle notre âme monte à Dieu, c'est l'action même par laquelle Dieu descend à nous et nous attire à lui. Toute la vie de notre âme consiste à nous laisser élever, à nous ouvrir au divin attrait, en un mot, à nous séparer de ce qui s'oppose au principe de notre attraction ; car il y a deux moi en nous ; un moi sec, froid , égoïste; un moi souple , compatissant, ouvert à toute impression , à toute affection généreuse ; en un mot , il y a un moi qui nous resserre en nous-même , et un moi qui nous élargit et nous met en communication harmonieuse avec les autres.
C'est un orgueilleux, dit-on, il ne comprend pas, il ne veut pas voir; il est trop occupé de lui-même pour s'occuper des autres; il n'aime que lui. Ainsi l'orgueil ferme l'intelligence et le cœur; l'orgueilleux s'enferme en lui, si je puis parler ainsi, condense les ténèbres qu'il porte en lui-même, leur donne un corps; en un mot, l'orgueilleux n'incarne que sa propre bassesse.
Mais , hélas ! combien grande est notre funeste tendance à nous chercher nous-mêmes en nous-mêmes! Comment nous arracher à la langueur qui nous paralyse, à l'égoïsme qui nous rapetisse? Nous sommes enveloppés dans un moi orgueilleux et rebelle. Qui pénétrera cette funeste enveloppe? Qui ouvrira ce cœur, cette intelligence fermés à la vérité et à l'amour? ce sera la souffrance. La souffrance, comme un glaive à deux tranchants, pénètre jusqu'à la division de l'esprit et du cœur : Celui qui n'a pas souffert que sait-il? dit l'Écriture.
C'est par la lutte contre les difficultés que se développe notre esprit; les souffrances, les obstacles sont la gymnastique de l'intelligence. Tous les hommes de génie ont subi l'adversité, ont grandi, se sont élevés par les obstacles. Point de combats, point de héros.
Il en est de même pour le développement du cœur, la vertu se forme, se purifie dans l'adversité. Vous êtes riche, heureux selon le monde, c'est la souffrance, les pertes de fortune, l'adversité en un mot, qui vous sauvent de l'égoïsme, de la dureté du cœur, de l'oubli de Dieu et du prochain. C'est la souffrance qui ouvre votre âme à la compassion , élève vos pensées, votre amour vers les choses d'en haut. D'où sortent tous les hommes distingués par leurs vertus, par leurs talents? des ateliers de l'adversité.
Mais ce n'est pas la souffrance imposée seulement, c'est la souffrance acceptée qui ouvre notre âme, la dispose à recevoir la semence de vérité et à la faire fructifier en elle. Se dégager du moi qui nous captive et nous séduit, accepter la souffrance qui répugne à notre nature, se reconnaître coupable, digne de châtiment, accepter ce châtiment, effet de la justice, comme moyen de rentrer dans l'innocence primitive, car le repentir n'est-il pas comme une seconde innocence, oui , sans doute, telle serait en nous l'expression de la sagesse et de l'amour! Le malheureux tombé dans l'esclavage par suite de ses désordres n'est vraiment digne de la liberté que lorsqu'il se reconnaît lui-même auteur de sa servitude; disons mieux, il n'aspire réellement à la liberté que lorsqu'il aspire aussi à se dégager des liens honteux qui, en asservissant son âme, l'ont conduit à une entière servitude.
Hélas ! le crime de notre premier père nous a engendrés dans l'esclavage, il a divisé, opposé l'une à l'autre l'intelligence et la volonté, il nous a frappés d'impuissance. Le coup qui nous a brisés est descendu plus profondément encore; si la volonté seule eût résisté à la lumière, l'intelligence pouvait encore, ce semble, reconnaître la vérité.
Mais voilà que les sens et l'imagination, la raison et le sentiment se partagent notre âme, la divisent et la traînent d'erreurs en erreurs, de désordres en désordres; et cependant ce moi si défiguré prétend à l'indépendance , que dis-je? à la domination sur les autres; c'est à ce degré d'esclavage qu'il déchoit ! Nous ne sommes qu'impuissance, où donc trouver en nous la puissance de nous soulever? orgueil, désordre, division, et comment rétablir l'unité? et l'amour seul peut nous raviver!
Oh! prodige de l'amour divin, c'est dans cet abîme de misère que la miséricorde est descendue. Le modèle a de nouveau vivifié son image. Étonnant mystère ! à la plus grande hauteur où nous puissions par venir nous reconnaissons que Dieu est l'aimant, la substance même de nos âmes. Dans les plus grandes profondeurs où nous puissions descendre nous retrouvons Dieu auteur de lumière et d'amour. Celui par qui tout a été fait , qui porte en lui, dans sa nature même, les types, les modèles, l'essence en un mot des perfections qui nous ravissent, n'a pas dédaigné d'unir sa divinité à notre humanité , non pas à notre humanité heureuse, émule de la nature angélique, mais à notre humanité souffrante, telle enfin que le péché l'a faite, sauf le péché lui-même.
Il a revêtu la forme d'un esclave, lui le maître de l'univers! Comprenons, autant du moins que nous le pouvons, cette ineffable unité, et il nous sera donné d'entrevoir avec quelle puissance toute notre âme aspire vers cet autre nous-même, si pauvre, si nu, si souffrant, si semblable à nous, mais tout à la fois si riche, si sensible à nos misères, si plein de compassion, amour, sagesse, puissance infinis!
Rome ( suite)
L'Église, épouse du Christ, éclairée et vivifiée par l'Esprit Saint, expose à notre intelligence les dogmes, les mystères divins, vérités fondamentales, mères de toutes les vérités qui forment le patrimoine des intelligences; vérités mystérieuses, car les principes des lois dans tous les ordres possibles, sont nécessairement mystérieux, c'est-à-dire supérieurs à nous, invisibles, impossibles à atteindre en eux-mêmes et seulement visibles et sensibles par leurs effets. Toute loi-principe est un mystère; elle est l'expression du divin dans l'humain, de l'infini dans le monde des intelligences finies.
La raison n'atteint point à cette hauteur; par la foi, notre intelligence remonte à Dieu. C'est par la foi que s'accomplit l'hymen de l'intelligence humaine avec l'intelligence
divine. Mais il ne suffit pas que la vérité illumine notre esprit; l'homme est complet, non lorsqu'il comprend, mais lorsqu'il veut la vérité ; alors seulement il jouit de sa liberté, car il fait par son libre choix la vérité qu'il reconnaît. Comment la vérité vivante passera-telle de notre esprit à notre cœur, de l'intelligence à la volonté ? comment deviendra-t-elle la vie de l'âme ? par les sacrements. Par eux s'opère l'union réelle et substantielle du divin et de l'humain dans les profondeurs de l'âme. Dieu se donne à l'âme obéissante, et l'âme pénétrée de sa présence réelle lui jure fidélité et amour.
Ainsi tout vit, tout se développe par le principe supérieur, par l'amour infini, par l'Esprit Saint qui gouverne l'Église. La vie entière est pénétrée du divin amour; il ne suffit pas de connaître Dieu, il faut l'invoquer, l'adorer, le prier sans cesse : la prière est le rapport complet de notre âme avec Dieu; elle est la respiration de l'âme; le culte est le développement de la prière, il est la vie de toutes les expressions de la foi et de l'amour, comme le dogme est la vie de l'intelligence, comme les sacrements sont la vie du cœur.
Le culte est l'harmonie entre le développement des miséricordieuses merveilles opérées par notre divin Sauveur et le développement des hommages analogues à ces merveilles que notre âme leur rend.
Ainsi l'Église, lumière vivante qui révèle aux âmes la puissance, la sagesse et l'amour de Dieu, l'Église, interprète du ciel sur la terre, par laquelle Dieu descend à nous, par laquelle nos âmes remontent à Dieu, est le centre visible qui soulève et sans cesse attire l'humanité entière. Hors d'elle il n'y a qu'impuissance, ténèbres, servitude.
La division pénètre successivement la société politique, la société domestique, les lettres et les arts.
1. Dans la famille l'époux et l'épouse ne forment plus une indissoluble unité; le divorce, c'est-à-dire la division est constituée dans la loi même qui lie momentanément les époux.
2. Dans la société politique plus d'alliance entre un pouvoir salutaire et une sage liberté; le pouvoir politique atteint la liberté dans son principe même, dans l'intelligence. Triste condition de la religion, lors qu'elle cesse d'être catholique, c'est-à-dire universelle; la prétendue loi religieuse , loi particulière d'intelligences révoltées, est asservie à la loi humaine qu'elle devrait diriger et vivifier. Détachée de l'universalité, expression de l'unité divine, séparée de son principe essentiel, de son unité vivante, la loi spirituelle n'est plus qu'un sophisme qui tombe nécessairement sous l'empire du sophisme armé du glaive. Et que peuvent devenir les libertés politiques et civiles quand la liberté-mère est atteinte dans son sanctuaire? Le pouvoir, quand il est fort, absorbe toutes les libertés nationales; quand il est faible, il est lui-même absorbé par l'anarchie populaire.
Enfin, cette action dissolvante se prolonge dans l'ordre littéraire. Qu'est-ce que l'unité classique telle que l'enseignent les aveugles disciples d'Aristote? C'est la souveraineté absolue, inflexible d'une théorie abstraite qui ne permet aucun développement à la liberté, si ce n'est dans le cercle étroit qu'elle a tracé; et d'autre part les soi-disant romantiques cherchent dans une liberté illimitée de pensée, de forme, de style, des développements qui ne se trouvent que sous la direction de cette société qui seule nous offre l'accord de la souveraineté de Dieu avec la liberté de l'homme.
Les applications se présentent en foule,... et le désordre enfante le désordre!
Rome (suite)
J`ai été aujourd'hui à Saint-Pierre in Montorio, bâtie sur le lieu même où l'on croit que saint Pierre a été crucifié!
Saint-Pierre in Montorio (San Pietro in Montorio) - L'église de San Pietro in Montorio a été construite sur le site d'une ancienne église du IXe siècle dédiée à Saint Pierre (ou il aurait été crucifié) sur la colline romaine Janicule.
Quel souvenir ! et à quels rapprochements il donne lieu ! Je ne crois pas qu'il existe dans toute l'histoire aucun événement plus fécond en leçons, même humainement parlant. Ici sur cette place même périt d'une mort cruelle, infâme aux yeux du monde, un pauvre pêcheur inconnu des dominateurs de la terre, et dans cette même Rome, alors centre de l'empire païen, règnent aujourd'hui et depuis dix-huit cents ans ses successeurs élevés bien au-dessus des empereurs et des rois.
Oui, ils règnent non seulement sur une multitude immense de fidèles répandus sur toute la terre, mais sur les rois, sur ceux mêmes qui nient et rejettent son empire. Voyez comme ces prétendus maîtres de la terre, tous, même ceux qui ne reconnaissent pas la divine mission de Pierre, l'implorent, l'entourent de leurs hommages souvent hypocrites; ils le supplient de ne pas sanctionner d'un seul mot de sa bouche la juste indignation de leurs peuples opprimés; la moindre parole qu'il prononcerait contre eux, ils tremblent qu'elle n'ébranle leur trône.
C'est parce que les décisions de Rome gouvernent la conscience, ce sanctuaire de la liberté que les baïonnettes ni la censure ne peuvent atteindre, qu'ils sollicitent le silence du pontife suprême et par là proclament eux-mêmes la souveraineté du Christ et de son représentant sur la terre. Ah! qu'ils se rassurent, nous savons souffrir, nous savons que notre récompense est plus haut. Dieu est patient parce qu'il est éternel, et nous chrétiens nous sommes patients aussi, car nous avons l'éternité pour nous reposer. Et cependant qu'ils craignent, ces contempteurs de la dignité humaine, qu'ils craignent de lasser la patience des peuples, car les nations n'ont pas comme les individus l'éternité pour refuge!
Quel empire! en fut-il jamais un pareil! quel involontaire hommage rendu à la supériorité de l'âme sur le corps, de l'intelligence dénuée de toute force matérielle sur la puissance armée du glaive? Quelle preuve faut-il donc à ceux qui nient pour les décider à rendre hommage au bienfaisant empire de la religion ?
Je ne me lasse pas de contempler cette souveraineté de Pierre exercée sans interruption depuis dix-huit cents ans! quelle est sublime et que son caractère, je dirai même ses attributs sont visiblement surhumains! Voyez la grandeur des rois! elle s'appuie sur le dévouement, sur la valeur, sur le talent des hommes qui de siècle en siècle ont combattu pour les soutenir et leur ont servi à repousser soit leurs ennemis intérieurs, soit leurs ennemis extérieurs. Mais ces hommes que le monde appelle grands et qui eurent, j'en conviens , quelques attributs de la grandeur, ces généraux, ces ministres, s'ils domptèrent les factions, s'ils repoussèrent l'ennemi, furent souvent aussi les oppresseurs de ceux mêmes qu'ils prétendaient servir.
Mauvais époux, mauvais pères, mauvais citoyens sous plus d'un rapport, ils ne sont grands qu'à moitié et en quelque sorte de profil, ils arrêtaient dans le moment même de leur influence les mouvements hostiles à l'ordre social, mais c'était au détriment de l'avenir qu'ils sauvaient ou paraissaient sauver le présent. Oui, ils offrent deux faces à l'histoire, l'une grande, généreuse, salutaire, l'autre petite et odieuse. C'est souvent au milieu des malédictions des peuples que de prétendus grands hommes ont moissonné une gloire équivoque, mélangée, de mauvais alois.
St-Pierre apôtre, crucifié à Rome la tête en bas vers 68 Ap J.C
Mais voici autour de Pierre et de ses successeurs les grands hommes qui ont servi et honoré son règne bienfaisant. Glorieuse est leur mémoire! le ciel les couronne, la terre les bénit. Pendant leur passage ici-bas, ils instruisirent, ils édifièrent, ils répandirent partout les lumières et la paix ; actuellement encore les hommes les invoquent, les appellent à leur secours; prononcer leur nom est déjà une consolation, une espérance!... le ciel pour récompenser une si véritable gloire leur concède la puissance de secourir encore ceux qui les intercèdent, tant est profond leur caractère de bienfaiteurs de l'humanité. Ah! Ils sont véritablement grands ceux qui ont été ainsi proclamés illustres au concours du ciel et de la terre!
La Rome antique offre partout le caractère de la grandeur, de la puissance; nul souvenir de bienfaisance; nulle trace de pitié, de pitié qui devrait cependant être un sentiment universel, car nous sommes tous si malades d'âme et de corps que nous devrions tous avoir pitié les uns des autres. Le peuple-roi n'épargnait rien pour ses plaisirs et pour éterniser le souvenir de ses victoires. Ses monuments sont orgueilleux comme le peuple qui les construisait.
Combat de Gladiateurs dans la Rome païenne
Que Rome chrétienne offre un tout autre caractère! Partout des églises qui rappellent les bienfaits des grands saints ; partout des hospices, et les palais eux-mêmes, s'ils sont moins vastes que ceux des Césars, rappellent l'élévation des familles dont les membres sont parvenus au pontificat, élévation qu'ils ne durent qu'à leurs vertus, et aux services qu'ils avaient rendus. Rome païenne était une ville conquérante qui faisait la guerre aux nations et aux individus qu'elle sacrifiait, même à ses plaisirs. Rome chrétienne est la ville pacifique, donnant la paix aux âmes, le soutien et la vie aux corps, amusant ses loisirs par la plus utile protection accordée aux beaux-arts.
J'ai visité l'église de Saint-Grégoire; en face de cette église sont les ruines pittoresques et grandioses des palais des Césars. Ces palais me paraissaient les temples abominables des vices couronnés et déifiés. A Saint-Grégoire, on conserve la table sur laquelle ce grand pape donnait tous les jours à manger à douze pauvres pèlerins. Dans l'intérieur, de belles peintures rappellent la mission, toute de bienfaisance, que l'illustre pontife donnait à saint Augustin. Les chefs-d’œuvre du Dominiquin et du Guide récréent innocemment les regards : rien ne blesse, tout repose l'âme dans un pareil séjour. Admirons, je le veux bien, les monuments de l'antique Rome, mais aimons, bénissons les monuments de Rome chrétienne.
La Sybille de Cumes par Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin (1581-1641)
Le Pape St-Grégoire le Grand (540 à 604) qui envoya les moines missionnaires évangéliser l`Angleterre.
Église de St-Grégoire (Chiesa di San Gregorio al Celio)
J'ai vu l'église souterraine de Saint-Pierre; là sont enterrés des papes, des empereurs, de grands cardinaux; les Stuarts ( rois catholiques d`Écosse et d`Angleterre) y sont venus trouver un éternel repos après toutes les agitations de leur vie.
Nécropole Papale et de St-Pierre à Rome
Le mot catholique veut dire universel; jamais traduction ne fut plus fidèle. Je me bornerai à une seule observation relative à la politique. Dans tous les pays que la religion ne gouverne pas uniquement, c'est-à-dire presque partout, les opinions politiques sont livrées à toute la fureur des partis, à toute la sottise des coteries. Dire à quel point ces opinions sont rétrécies, bornées par le temps, par le lieu où elles ont pris naissance, j'avoue que je ne trouve aucun terme qui puisse l'exprimer suffisamment. Toutes les questions immenses qui concernent la vie des sociétés humaines, leurs progrès, les développements de l'intelligence, de la morale publique , des institutions sociales, se réduisent à des querelles de personnes.
Les hommes, que dis-je? les noms des choses remplacent les choses elles-mêmes. Pour de certaines personnes qui se déclarent, de leur propre autorité, seules parfaitement bien pensantes, une nation entière se réduit à une ville, cette ville à une portion des citoyens qui l'habitent, et cette portion elle-même à quelques individus qui ne sont ni les plus sages, ni les plus éclairés, ni les meilleurs, mais ceux-là seulement qui remplissent certaines conditions de naissance , d'existence , et même de formes arbitrairement fixées par une divinité inconnue même du paganisme, la Mode!
On sait à Rome que les progrès de la civilisation sont dus au développement des idées de justice, d'ordre et de liberté qui émanent, non d'un individu, non d'une famille, mais de la religion. A Rome, l'intelligence est catholique, elle est véritablement universelle; on juge les hommes sans haine et sans engouement, et les sociétés humaines, d'après les principes universels, dans l'universalité des temps et des lieux.
Rome ( suite)
Je me bornerai seulement à exposer quelques vérités qui, je crois, n'ont pas été coordonnées entre elles comme elles peuvent et doivent l'être , et voici ce que je puis
affirmer d'avance : mes observations sont tellement puisées dans la nature des choses , elles ont un caractère tellement historique qu'il me suffira de les exposer dans la forme d'un récit; seulement, pour faire mieux saisir leur portée.
Toutes nos facultés se développent par l'amour; l'amour maternel est le premier moyen d'éducation. Qu'enseigne-t-on à l'enfant, à cet être si faible qui entre à peine dans la vie? à aimer, à aimer ses parents, Dieu avant tout, au-dessus de tout. L'éducation toute entière consiste à élever l'homme, à lui apprendre à aimer, à admirer le bien, le beau, à les réaliser dans ses actions, il faut bien autre chose pour élever les hommes que de développer en eux une froide et méthodique raison. Je dis plus, la mémoire elle-même est intimement liée au cœur; on ne comprend , on ne retient véritablement que ce que l'on aime et à mesure que l'on aime.
C'est là ce qui caractérise les goûts divers, les vocations mêmes; on se sent de l'attrait, du goût, c'est-à-dire de l'amour pour telle étude ou pour tel état; alors seulement l'intelligence marche rapidement de développements en développements. C'est que l'intelligence n'est que le reflet du foyer d'amour, et à mesure que le foyer est plus actif
la lumière est plus vive. Des plus intimes profondeurs de l'âme jaillit la lumière de l'intelligence qui vacille et n'éclaire que les surfaces quand elle ne vient que du dehors.
Le monde entier étant la manifestation de l'amour divin, c'est par l'amour, qu'il peut être compris, car l'amour seul répond à l'amour. Un principe supérieur nous attire sans
cesse; nous aspirons à la bonté, à la beauté en toutes choses, à la perfection des lois, des institutions, des œuvres de l'art. Le génie, l'héroïsme, la sainteté sont dus à l'amour, à l'enthousiasme du beau dans tous les ordres de nos pensées et de nos actions. On peut dire que l'esprit de l'homme aspire toujours à des merveilles et ne se repose que lorsqu'il est arrivé à jouir de merveilles ; et pour en citer une seule preuve, les arts, la littérature, n'ont d'autre but que de nous donner des chefs-d’œuvre, de créer des merveilles; de là, la joie, de là le cri de notre âme, sublime! angélique! céleste! divin!
J`ai montré en nous un abîme de grandeur; je veux te faire voir un abîme de profondeur. L'action par laquelle notre âme monte à Dieu, c'est l'action même par laquelle Dieu descend à nous et nous attire à lui. Toute la vie de notre âme consiste à nous laisser élever, à nous ouvrir au divin attrait, en un mot, à nous séparer de ce qui s'oppose au principe de notre attraction ; car il y a deux moi en nous ; un moi sec, froid , égoïste; un moi souple , compatissant, ouvert à toute impression , à toute affection généreuse ; en un mot , il y a un moi qui nous resserre en nous-même , et un moi qui nous élargit et nous met en communication harmonieuse avec les autres.
C'est un orgueilleux, dit-on, il ne comprend pas, il ne veut pas voir; il est trop occupé de lui-même pour s'occuper des autres; il n'aime que lui. Ainsi l'orgueil ferme l'intelligence et le cœur; l'orgueilleux s'enferme en lui, si je puis parler ainsi, condense les ténèbres qu'il porte en lui-même, leur donne un corps; en un mot, l'orgueilleux n'incarne que sa propre bassesse.
Mais , hélas ! combien grande est notre funeste tendance à nous chercher nous-mêmes en nous-mêmes! Comment nous arracher à la langueur qui nous paralyse, à l'égoïsme qui nous rapetisse? Nous sommes enveloppés dans un moi orgueilleux et rebelle. Qui pénétrera cette funeste enveloppe? Qui ouvrira ce cœur, cette intelligence fermés à la vérité et à l'amour? ce sera la souffrance. La souffrance, comme un glaive à deux tranchants, pénètre jusqu'à la division de l'esprit et du cœur : Celui qui n'a pas souffert que sait-il? dit l'Écriture.
C'est par la lutte contre les difficultés que se développe notre esprit; les souffrances, les obstacles sont la gymnastique de l'intelligence. Tous les hommes de génie ont subi l'adversité, ont grandi, se sont élevés par les obstacles. Point de combats, point de héros.
Il en est de même pour le développement du cœur, la vertu se forme, se purifie dans l'adversité. Vous êtes riche, heureux selon le monde, c'est la souffrance, les pertes de fortune, l'adversité en un mot, qui vous sauvent de l'égoïsme, de la dureté du cœur, de l'oubli de Dieu et du prochain. C'est la souffrance qui ouvre votre âme à la compassion , élève vos pensées, votre amour vers les choses d'en haut. D'où sortent tous les hommes distingués par leurs vertus, par leurs talents? des ateliers de l'adversité.
Mais ce n'est pas la souffrance imposée seulement, c'est la souffrance acceptée qui ouvre notre âme, la dispose à recevoir la semence de vérité et à la faire fructifier en elle. Se dégager du moi qui nous captive et nous séduit, accepter la souffrance qui répugne à notre nature, se reconnaître coupable, digne de châtiment, accepter ce châtiment, effet de la justice, comme moyen de rentrer dans l'innocence primitive, car le repentir n'est-il pas comme une seconde innocence, oui , sans doute, telle serait en nous l'expression de la sagesse et de l'amour! Le malheureux tombé dans l'esclavage par suite de ses désordres n'est vraiment digne de la liberté que lorsqu'il se reconnaît lui-même auteur de sa servitude; disons mieux, il n'aspire réellement à la liberté que lorsqu'il aspire aussi à se dégager des liens honteux qui, en asservissant son âme, l'ont conduit à une entière servitude.
Hélas ! le crime de notre premier père nous a engendrés dans l'esclavage, il a divisé, opposé l'une à l'autre l'intelligence et la volonté, il nous a frappés d'impuissance. Le coup qui nous a brisés est descendu plus profondément encore; si la volonté seule eût résisté à la lumière, l'intelligence pouvait encore, ce semble, reconnaître la vérité.
Mais voilà que les sens et l'imagination, la raison et le sentiment se partagent notre âme, la divisent et la traînent d'erreurs en erreurs, de désordres en désordres; et cependant ce moi si défiguré prétend à l'indépendance , que dis-je? à la domination sur les autres; c'est à ce degré d'esclavage qu'il déchoit ! Nous ne sommes qu'impuissance, où donc trouver en nous la puissance de nous soulever? orgueil, désordre, division, et comment rétablir l'unité? et l'amour seul peut nous raviver!
Oh! prodige de l'amour divin, c'est dans cet abîme de misère que la miséricorde est descendue. Le modèle a de nouveau vivifié son image. Étonnant mystère ! à la plus grande hauteur où nous puissions par venir nous reconnaissons que Dieu est l'aimant, la substance même de nos âmes. Dans les plus grandes profondeurs où nous puissions descendre nous retrouvons Dieu auteur de lumière et d'amour. Celui par qui tout a été fait , qui porte en lui, dans sa nature même, les types, les modèles, l'essence en un mot des perfections qui nous ravissent, n'a pas dédaigné d'unir sa divinité à notre humanité , non pas à notre humanité heureuse, émule de la nature angélique, mais à notre humanité souffrante, telle enfin que le péché l'a faite, sauf le péché lui-même.
Il a revêtu la forme d'un esclave, lui le maître de l'univers! Comprenons, autant du moins que nous le pouvons, cette ineffable unité, et il nous sera donné d'entrevoir avec quelle puissance toute notre âme aspire vers cet autre nous-même, si pauvre, si nu, si souffrant, si semblable à nous, mais tout à la fois si riche, si sensible à nos misères, si plein de compassion, amour, sagesse, puissance infinis!
Rome ( suite)
L'Église, épouse du Christ, éclairée et vivifiée par l'Esprit Saint, expose à notre intelligence les dogmes, les mystères divins, vérités fondamentales, mères de toutes les vérités qui forment le patrimoine des intelligences; vérités mystérieuses, car les principes des lois dans tous les ordres possibles, sont nécessairement mystérieux, c'est-à-dire supérieurs à nous, invisibles, impossibles à atteindre en eux-mêmes et seulement visibles et sensibles par leurs effets. Toute loi-principe est un mystère; elle est l'expression du divin dans l'humain, de l'infini dans le monde des intelligences finies.
La raison n'atteint point à cette hauteur; par la foi, notre intelligence remonte à Dieu. C'est par la foi que s'accomplit l'hymen de l'intelligence humaine avec l'intelligence
divine. Mais il ne suffit pas que la vérité illumine notre esprit; l'homme est complet, non lorsqu'il comprend, mais lorsqu'il veut la vérité ; alors seulement il jouit de sa liberté, car il fait par son libre choix la vérité qu'il reconnaît. Comment la vérité vivante passera-telle de notre esprit à notre cœur, de l'intelligence à la volonté ? comment deviendra-t-elle la vie de l'âme ? par les sacrements. Par eux s'opère l'union réelle et substantielle du divin et de l'humain dans les profondeurs de l'âme. Dieu se donne à l'âme obéissante, et l'âme pénétrée de sa présence réelle lui jure fidélité et amour.
Ainsi tout vit, tout se développe par le principe supérieur, par l'amour infini, par l'Esprit Saint qui gouverne l'Église. La vie entière est pénétrée du divin amour; il ne suffit pas de connaître Dieu, il faut l'invoquer, l'adorer, le prier sans cesse : la prière est le rapport complet de notre âme avec Dieu; elle est la respiration de l'âme; le culte est le développement de la prière, il est la vie de toutes les expressions de la foi et de l'amour, comme le dogme est la vie de l'intelligence, comme les sacrements sont la vie du cœur.
Le culte est l'harmonie entre le développement des miséricordieuses merveilles opérées par notre divin Sauveur et le développement des hommages analogues à ces merveilles que notre âme leur rend.
Ainsi l'Église, lumière vivante qui révèle aux âmes la puissance, la sagesse et l'amour de Dieu, l'Église, interprète du ciel sur la terre, par laquelle Dieu descend à nous, par laquelle nos âmes remontent à Dieu, est le centre visible qui soulève et sans cesse attire l'humanité entière. Hors d'elle il n'y a qu'impuissance, ténèbres, servitude.
La division pénètre successivement la société politique, la société domestique, les lettres et les arts.
1. Dans la famille l'époux et l'épouse ne forment plus une indissoluble unité; le divorce, c'est-à-dire la division est constituée dans la loi même qui lie momentanément les époux.
2. Dans la société politique plus d'alliance entre un pouvoir salutaire et une sage liberté; le pouvoir politique atteint la liberté dans son principe même, dans l'intelligence. Triste condition de la religion, lors qu'elle cesse d'être catholique, c'est-à-dire universelle; la prétendue loi religieuse , loi particulière d'intelligences révoltées, est asservie à la loi humaine qu'elle devrait diriger et vivifier. Détachée de l'universalité, expression de l'unité divine, séparée de son principe essentiel, de son unité vivante, la loi spirituelle n'est plus qu'un sophisme qui tombe nécessairement sous l'empire du sophisme armé du glaive. Et que peuvent devenir les libertés politiques et civiles quand la liberté-mère est atteinte dans son sanctuaire? Le pouvoir, quand il est fort, absorbe toutes les libertés nationales; quand il est faible, il est lui-même absorbé par l'anarchie populaire.
Enfin, cette action dissolvante se prolonge dans l'ordre littéraire. Qu'est-ce que l'unité classique telle que l'enseignent les aveugles disciples d'Aristote? C'est la souveraineté absolue, inflexible d'une théorie abstraite qui ne permet aucun développement à la liberté, si ce n'est dans le cercle étroit qu'elle a tracé; et d'autre part les soi-disant romantiques cherchent dans une liberté illimitée de pensée, de forme, de style, des développements qui ne se trouvent que sous la direction de cette société qui seule nous offre l'accord de la souveraineté de Dieu avec la liberté de l'homme.
Les applications se présentent en foule,... et le désordre enfante le désordre!
Rome (suite)
J`ai été aujourd'hui à Saint-Pierre in Montorio, bâtie sur le lieu même où l'on croit que saint Pierre a été crucifié!
Saint-Pierre in Montorio (San Pietro in Montorio) - L'église de San Pietro in Montorio a été construite sur le site d'une ancienne église du IXe siècle dédiée à Saint Pierre (ou il aurait été crucifié) sur la colline romaine Janicule.
Quel souvenir ! et à quels rapprochements il donne lieu ! Je ne crois pas qu'il existe dans toute l'histoire aucun événement plus fécond en leçons, même humainement parlant. Ici sur cette place même périt d'une mort cruelle, infâme aux yeux du monde, un pauvre pêcheur inconnu des dominateurs de la terre, et dans cette même Rome, alors centre de l'empire païen, règnent aujourd'hui et depuis dix-huit cents ans ses successeurs élevés bien au-dessus des empereurs et des rois.
Oui, ils règnent non seulement sur une multitude immense de fidèles répandus sur toute la terre, mais sur les rois, sur ceux mêmes qui nient et rejettent son empire. Voyez comme ces prétendus maîtres de la terre, tous, même ceux qui ne reconnaissent pas la divine mission de Pierre, l'implorent, l'entourent de leurs hommages souvent hypocrites; ils le supplient de ne pas sanctionner d'un seul mot de sa bouche la juste indignation de leurs peuples opprimés; la moindre parole qu'il prononcerait contre eux, ils tremblent qu'elle n'ébranle leur trône.
C'est parce que les décisions de Rome gouvernent la conscience, ce sanctuaire de la liberté que les baïonnettes ni la censure ne peuvent atteindre, qu'ils sollicitent le silence du pontife suprême et par là proclament eux-mêmes la souveraineté du Christ et de son représentant sur la terre. Ah! qu'ils se rassurent, nous savons souffrir, nous savons que notre récompense est plus haut. Dieu est patient parce qu'il est éternel, et nous chrétiens nous sommes patients aussi, car nous avons l'éternité pour nous reposer. Et cependant qu'ils craignent, ces contempteurs de la dignité humaine, qu'ils craignent de lasser la patience des peuples, car les nations n'ont pas comme les individus l'éternité pour refuge!
Quel empire! en fut-il jamais un pareil! quel involontaire hommage rendu à la supériorité de l'âme sur le corps, de l'intelligence dénuée de toute force matérielle sur la puissance armée du glaive? Quelle preuve faut-il donc à ceux qui nient pour les décider à rendre hommage au bienfaisant empire de la religion ?
Je ne me lasse pas de contempler cette souveraineté de Pierre exercée sans interruption depuis dix-huit cents ans! quelle est sublime et que son caractère, je dirai même ses attributs sont visiblement surhumains! Voyez la grandeur des rois! elle s'appuie sur le dévouement, sur la valeur, sur le talent des hommes qui de siècle en siècle ont combattu pour les soutenir et leur ont servi à repousser soit leurs ennemis intérieurs, soit leurs ennemis extérieurs. Mais ces hommes que le monde appelle grands et qui eurent, j'en conviens , quelques attributs de la grandeur, ces généraux, ces ministres, s'ils domptèrent les factions, s'ils repoussèrent l'ennemi, furent souvent aussi les oppresseurs de ceux mêmes qu'ils prétendaient servir.
Mauvais époux, mauvais pères, mauvais citoyens sous plus d'un rapport, ils ne sont grands qu'à moitié et en quelque sorte de profil, ils arrêtaient dans le moment même de leur influence les mouvements hostiles à l'ordre social, mais c'était au détriment de l'avenir qu'ils sauvaient ou paraissaient sauver le présent. Oui, ils offrent deux faces à l'histoire, l'une grande, généreuse, salutaire, l'autre petite et odieuse. C'est souvent au milieu des malédictions des peuples que de prétendus grands hommes ont moissonné une gloire équivoque, mélangée, de mauvais alois.
St-Pierre apôtre, crucifié à Rome la tête en bas vers 68 Ap J.C
Mais voici autour de Pierre et de ses successeurs les grands hommes qui ont servi et honoré son règne bienfaisant. Glorieuse est leur mémoire! le ciel les couronne, la terre les bénit. Pendant leur passage ici-bas, ils instruisirent, ils édifièrent, ils répandirent partout les lumières et la paix ; actuellement encore les hommes les invoquent, les appellent à leur secours; prononcer leur nom est déjà une consolation, une espérance!... le ciel pour récompenser une si véritable gloire leur concède la puissance de secourir encore ceux qui les intercèdent, tant est profond leur caractère de bienfaiteurs de l'humanité. Ah! Ils sont véritablement grands ceux qui ont été ainsi proclamés illustres au concours du ciel et de la terre!
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
Rome ( suite)
J'ai vu l'église bâtie sur le lieu où saint Pierre fut crucifié; l'église élevée sur la place où saint Paul fut décapité; une église rebâtie sur la place où sainte Cécile, cette aimable sainte, avait jadis sa demeure; on y conserve la cuve dans laquelle elle fut plongée dans l'huile bouillante ; que te dirai-je enfin ? d'autres monuments de la primitive Église, toute l'histoire ecclésiastique, depuis la naissance du christianisme jusqu'à nos jours!
Abbaye des Trois-Fontaine (Abbazia delle Tre Fontane) est l`endroit ou l`apôtre St-Paul a été décapité à Rome.
Décapitation de l`apôtre St-Paul par les Romains païens vers 64 Ap J.C.
L'église Sainte-Cécile-du-Trastevere (Santa Cecilia in Trastevere)
Sainte Cécile, vierge et martyre à Rome vers l`an 230
Sainte Cécile, vierge et martyre
Purcell - Ode au courage de St. Cécile- Hail, bright Cecilia!
L'église Sainte-Cécile-du-Trastevere (Santa Cecilia in Trastevere)
Qu'y a-t-il de comparable dans l'univers entier aux souvenirs vivants de cette ville merveilleuse? Les pierres parlent; elles vous disent, elles vous montrent ce que vous avez lu et étudié toute votre vie. Rome est une bibliothèque immense, pleine, non de lettres mortes, mais de témoins vivants et parlants, bien que muets, des plus grands événements de l'histoire profane et de l'histoire ecclésiastique. Il faudrait plus d'une année, non pour lire avec détails tout ce que contiennent ces merveilleux souvenirs, mais pour retenir seulement les titres de tant de chapitres si instructifs.
J'ai vu l'église bâtie sur le lieu où saint Pierre fut crucifié; l'église élevée sur la place où saint Paul fut décapité; une église rebâtie sur la place où sainte Cécile, cette aimable sainte, avait jadis sa demeure; on y conserve la cuve dans laquelle elle fut plongée dans l'huile bouillante ; que te dirai-je enfin ? d'autres monuments de la primitive Église, toute l'histoire ecclésiastique, depuis la naissance du christianisme jusqu'à nos jours!
Abbaye des Trois-Fontaine (Abbazia delle Tre Fontane) est l`endroit ou l`apôtre St-Paul a été décapité à Rome.
Décapitation de l`apôtre St-Paul par les Romains païens vers 64 Ap J.C.
L'église Sainte-Cécile-du-Trastevere (Santa Cecilia in Trastevere)
Sainte Cécile, vierge et martyre à Rome vers l`an 230
Sainte Cécile, vierge et martyre
Purcell - Ode au courage de St. Cécile- Hail, bright Cecilia!
L'église Sainte-Cécile-du-Trastevere (Santa Cecilia in Trastevere)
Qu'y a-t-il de comparable dans l'univers entier aux souvenirs vivants de cette ville merveilleuse? Les pierres parlent; elles vous disent, elles vous montrent ce que vous avez lu et étudié toute votre vie. Rome est une bibliothèque immense, pleine, non de lettres mortes, mais de témoins vivants et parlants, bien que muets, des plus grands événements de l'histoire profane et de l'histoire ecclésiastique. Il faudrait plus d'une année, non pour lire avec détails tout ce que contiennent ces merveilleux souvenirs, mais pour retenir seulement les titres de tant de chapitres si instructifs.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
Rome ( suite)
Je suis toujours de plus en plus frappé des réflexions qui naissent de la comparaison de ces deux espèces de monuments. Les édifices du paganisme, amphithéâtres, arcs de triomphe , palais , sont des monuments d'orgueil, de débauche et de cruautés; les édifices du christianisme sont de magnifiques témoignages de l'amour de Dieu et du prochain; j'ai vu successivement le camp des prétoriens; c'était là que campait cette milice séditieuse qui faisait et défaisait les empereurs romains, et remplaçait un monstre par un autre monstre souvent plus détestable encore; l'amphithéâtre Castrense : là , les soldats romains s'exerçaient à des jeux et à des combats militaires....
La Garde prétorienne romaine, milice séditieuse qui faisait et défaisait les empereurs romains, et remplaçait un monstre par un autre monstre souvent plus détestable encore
Les thermes de Titus, les mieux conservés de tous les thermes des empereurs. Mais les jours suivants j'ai vu les jolies et riches églises de Sainte- Praxède et de Sainte Pudentianne, élevées à la mémoire de ces deux illustres filles d'un sénateur romain qui souffrirent le martyre après avoir recueilli le sang et les ossements de plusieurs milliers de martyrs enterrés par elles en ce lieu même. Dans cette église se trouve encore le puits dans lequel elles cachèrent ces précieuses reliques. A Sainte-Praxède on conserve la colonne à laquelle le Christ fut attaché et flagellé. J'ai vu aussi l'église dédiée à sainte Constance, fille du grand Constantin, et celle de sainte Agnès, amie de sainte Constance, que Constantin fit bâtir à la prière de sa fille.
Basilique mineure de Sainte-Praxède (Santa Prassede), martyre. Construite vers l`an 780
Basilique mineure de Sainte-Praxède
Sainte Praxède (Praxedes en latin) était une vierge et martyre romaine, dont le père saint Pudence, converti par saint Paul était un ami des apôtres ; elle était la sœur de Sainte Pudentienne.
Basilique Sainte Prudentienne qui date du 5 eme siècle. (Santa Pudenziana)
Pudentienne est une sainte chrétienne du IIe siècle, souvent associée à sa sœur Praxède. Elle aurait été martyrisée à l'âge de seize ans.
L'église de Sainte Agnès (Sant'Agnese in Agone), située sur la place Navone à Rome, a été construite sur le lieu où, selon la tradition, la sainte, exposée nue à la vue de la population, fut recouverte miraculeusement par ses cheveux.
Sainte Agnès, vierge et martyre a l’âge 13 ans (290 a l`an 303)
Que ces monuments sont différents de ceux du paganisme! ils parlent à mon âme ; ils me retracent les plus touchants souvenirs de famille, car nous, chrétiens, nous ne sommes qu'une seule famille, unie par la même foi, par le même amour. Ici Dieu et l'homme sont en présence, Dieu dans toute sa miséricorde, l'homme avec sa perversité, son orgueil, sa cruauté, que le christianisme seul peut dompter.
Rome est la capitale du monde chrétien, comme Saint-Pierre est la capitale de Rome. La fondation de Rome descend jusqu'aux entrailles de l'histoire. On se sent ici dans une atmosphère catholique qui fait du bien à l'âme.
La première chose que nous apprend le christianisme, c'est la puissance, la bonté, la sagesse infinie de Dieu, la faiblesse, le néant de l'homme. Mais voyez! l'homme, ainsi abaissé devant Dieu, devient grand par son abaissement même, il grandit par l'humilité, car il s'élève à Dieu! Et quelle force cet être, si faible par lui-même, puise dans cette sublime humilité! il triomphe de lui-même, il règne sur la douleur et la mort elle-même!
Or, pour faire de ces vérités une application aux arts, voici d'abord la différence essentielle entre le christianisme et le paganisme. Le christianisme ne repousse point la beauté des formes, mais il lui préfère de beaucoup la beauté de l'âme. Je dis plus, c'est des sentiments les plus intimes, les plus profonds qui puissent nous émouvoir, que naît la beauté physique. Jésus-Christ est le plus beau des hommes, parce qu'il est le plus parfait , le seul parfait parmi eux. La Sainte-Vierge est la plus belle des vierges, parce qu'elle est la plus pure d'entre elles; ces saints d'une expression si noble, quelle beauté nouvelle et plus intime règne sur leur physionomie au moment de l'adoration, de ce sentiment, qui est tout à la fois respect, dévouement, enthousiasme , amour dans sa plus merveilleuse expression, de ce sentiment qui est l'unité mystérieuse de tout ce que l'âme humaine peut éprouver
Oui, le véritable amour de Dieu et l'amour du prochain sont inconnus du paganisme; je n'en trouve pas une trace dans tous les monuments de Rome païenne; pas même une expression de pitié!... Il a fallu que le christianisme vînt apprendre à l'homme à avoir pitié de son semblable, que dis-je? l'élevât jusqu'à se sacrifier pour son semblable. Chose plus étonnante encore! il a fallu que la religion chrétienne vînt nous révéler le mystère de ce que nous sentons tous en nous, la douleur! Un Dieu souffrant pour nous, des hommes souffrants par amour pour leur Dieu et leur prochain, cette vie considérée comme une suite d'épreuves, toutes les espérances tournées vers l'autre vie, la félicité attendue comme le prix de tous nos sacrifices ici-bas , voilà la vérité , et le christianisme seul nous l'a révélée !
Je suis toujours de plus en plus frappé des réflexions qui naissent de la comparaison de ces deux espèces de monuments. Les édifices du paganisme, amphithéâtres, arcs de triomphe , palais , sont des monuments d'orgueil, de débauche et de cruautés; les édifices du christianisme sont de magnifiques témoignages de l'amour de Dieu et du prochain; j'ai vu successivement le camp des prétoriens; c'était là que campait cette milice séditieuse qui faisait et défaisait les empereurs romains, et remplaçait un monstre par un autre monstre souvent plus détestable encore; l'amphithéâtre Castrense : là , les soldats romains s'exerçaient à des jeux et à des combats militaires....
La Garde prétorienne romaine, milice séditieuse qui faisait et défaisait les empereurs romains, et remplaçait un monstre par un autre monstre souvent plus détestable encore
Les thermes de Titus, les mieux conservés de tous les thermes des empereurs. Mais les jours suivants j'ai vu les jolies et riches églises de Sainte- Praxède et de Sainte Pudentianne, élevées à la mémoire de ces deux illustres filles d'un sénateur romain qui souffrirent le martyre après avoir recueilli le sang et les ossements de plusieurs milliers de martyrs enterrés par elles en ce lieu même. Dans cette église se trouve encore le puits dans lequel elles cachèrent ces précieuses reliques. A Sainte-Praxède on conserve la colonne à laquelle le Christ fut attaché et flagellé. J'ai vu aussi l'église dédiée à sainte Constance, fille du grand Constantin, et celle de sainte Agnès, amie de sainte Constance, que Constantin fit bâtir à la prière de sa fille.
Basilique mineure de Sainte-Praxède (Santa Prassede), martyre. Construite vers l`an 780
Basilique mineure de Sainte-Praxède
Sainte Praxède (Praxedes en latin) était une vierge et martyre romaine, dont le père saint Pudence, converti par saint Paul était un ami des apôtres ; elle était la sœur de Sainte Pudentienne.
Basilique Sainte Prudentienne qui date du 5 eme siècle. (Santa Pudenziana)
Pudentienne est une sainte chrétienne du IIe siècle, souvent associée à sa sœur Praxède. Elle aurait été martyrisée à l'âge de seize ans.
L'église de Sainte Agnès (Sant'Agnese in Agone), située sur la place Navone à Rome, a été construite sur le lieu où, selon la tradition, la sainte, exposée nue à la vue de la population, fut recouverte miraculeusement par ses cheveux.
Sainte Agnès, vierge et martyre a l’âge 13 ans (290 a l`an 303)
Que ces monuments sont différents de ceux du paganisme! ils parlent à mon âme ; ils me retracent les plus touchants souvenirs de famille, car nous, chrétiens, nous ne sommes qu'une seule famille, unie par la même foi, par le même amour. Ici Dieu et l'homme sont en présence, Dieu dans toute sa miséricorde, l'homme avec sa perversité, son orgueil, sa cruauté, que le christianisme seul peut dompter.
Rome est la capitale du monde chrétien, comme Saint-Pierre est la capitale de Rome. La fondation de Rome descend jusqu'aux entrailles de l'histoire. On se sent ici dans une atmosphère catholique qui fait du bien à l'âme.
La première chose que nous apprend le christianisme, c'est la puissance, la bonté, la sagesse infinie de Dieu, la faiblesse, le néant de l'homme. Mais voyez! l'homme, ainsi abaissé devant Dieu, devient grand par son abaissement même, il grandit par l'humilité, car il s'élève à Dieu! Et quelle force cet être, si faible par lui-même, puise dans cette sublime humilité! il triomphe de lui-même, il règne sur la douleur et la mort elle-même!
Or, pour faire de ces vérités une application aux arts, voici d'abord la différence essentielle entre le christianisme et le paganisme. Le christianisme ne repousse point la beauté des formes, mais il lui préfère de beaucoup la beauté de l'âme. Je dis plus, c'est des sentiments les plus intimes, les plus profonds qui puissent nous émouvoir, que naît la beauté physique. Jésus-Christ est le plus beau des hommes, parce qu'il est le plus parfait , le seul parfait parmi eux. La Sainte-Vierge est la plus belle des vierges, parce qu'elle est la plus pure d'entre elles; ces saints d'une expression si noble, quelle beauté nouvelle et plus intime règne sur leur physionomie au moment de l'adoration, de ce sentiment, qui est tout à la fois respect, dévouement, enthousiasme , amour dans sa plus merveilleuse expression, de ce sentiment qui est l'unité mystérieuse de tout ce que l'âme humaine peut éprouver
Oui, le véritable amour de Dieu et l'amour du prochain sont inconnus du paganisme; je n'en trouve pas une trace dans tous les monuments de Rome païenne; pas même une expression de pitié!... Il a fallu que le christianisme vînt apprendre à l'homme à avoir pitié de son semblable, que dis-je? l'élevât jusqu'à se sacrifier pour son semblable. Chose plus étonnante encore! il a fallu que la religion chrétienne vînt nous révéler le mystère de ce que nous sentons tous en nous, la douleur! Un Dieu souffrant pour nous, des hommes souffrants par amour pour leur Dieu et leur prochain, cette vie considérée comme une suite d'épreuves, toutes les espérances tournées vers l'autre vie, la félicité attendue comme le prix de tous nos sacrifices ici-bas , voilà la vérité , et le christianisme seul nous l'a révélée !
Dernière édition par MichelT le Mer 20 Jan 2021 - 14:31, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
Rome (suite)
L'Église, fille du Très-Haut, reproduit en elle les merveilleux contrastes que nous offrent la vie et la mort , la passion et le triomphe de son divin Époux. Combien de fois, depuis sa naissance jusqu'à nos jours, ne se sont-elles pas renouvelées ces oppositions de faiblesse apparente et de gloire immortelle !
Comme son divin auteur, l'Église est née pauvre; persécutée dès les premiers jours de sa naissance, elle aussi a vu périr ses premiers nés de mort violente ; elle n'a échappé que par l'assistance divine à la mort dont la menaçaient les puissances de la terre; elle aussi a grandi, s'est élevée au milieu des obstacles de tous genres, méconnue, injuriée par ceux qu'elle venait délivrer, n'opposant que le calme, la patience et ses bienfaits aux outrages qu'on lui prodiguait. Et sans citer ici les nombreux exemples que nous offre la magnifique histoire de l'Église, arrêtons un instant nos regards sur les événements dont nous avons été les témoins de nos jours.
Nous avons vu naguère des hommes qui se prétendaient désabusés des erreurs vulgaires, seuls véritablement éclairés, l'interroger, cette reine des intelligences, du haut de leur orgueilleuse raison; nous l'avons vue, cette auguste épouse du Christ, traînée du tribunal des philosophes au tribunal des Césars, au milieu des cris d'une multitude aveugle et passionnée; nous l'avons vue honnie, conspuée, couverte d'indignes crachats, prête à succomber sous le fardeau des opprobres; nous avons entendu tout un peuple, jadis le premier né de cette glorieuse mère , s'écrier : « Nous ne voulons point qu'elle règne sur nous , nous n'avons point d'autre souverain que notre propre raison! »... enfin nous avons vu le vénérable chef de l'Église , l'auguste représentant du Christ devenu comme lui un homme de douleur, captif, les mains liées, étouffé, ce semble, dans les serres de l'aigle rapace , et bientôt après nous avons vu ce même pontife, replacé par la main des rois sur son siège auguste, tandis que son persécuteur expirait attaché sur le roc, dévoré par ses regrets, si ce n'est par ses remords. Ah! c'est lorsque l'Église semble prête à succomber, c'est alors que la divine puissance qui lui a été donnée brille d'un nouvel éclat ; faible et défaillante aux yeux de la chair, c'est alors qu'elle peut dire comme son divin Époux : Lorsque je serai élevé de la terre, j'attirerai tout à moi!
C'est que l'Église est la seule société dont l'infaillible vérité est la lumière, dont l'indéfectible charité est l'âme et la vie. Centre générateur, duquel partent, auquel reviennent tous les rayons de lumière et d'amour qui éclairent, vivifient, fécondent la vie de l'homme et des sociétés, elle seule possède l'harmonie des contrastes que présentent sans cesse les développements des facultés humaines.
Et d'abord la religion, dont l'Église est tout ensemble le corps et l'âme, la religion exerce à la fois nos facultés actives et nos facultés passives; elle habitue l'âme à souffrir, à attendre, à patienter, à se résigner, et d'autre part à espérer, à agir, à ne pas se lasser, à persévérer à travers tous les obstacles ! Et quand les plus cruelles déceptions ont brisé notre âme, que deviendrait notre vie sans la religion?
Nous y serions renfermés comme dans une arène sans issue, nous nous débattrions en vain contre d'invincibles douleurs. Grâces vous soient rendues, ô religion sainte! en vous et par vous je puis toujours croire, espérer et aimer, car l'objet de ma foi, de mon espérance, de mon amour est bonté immuable. Oh! Vous qui avez perdu l'espérance sur la terre, élevez vos regards; il est un lieu où l'amour ne manque point à l'amour; vos souffrances ici-bas vous présagent d'ineffables consolations. Si l'âme rend, sous le coup qui la frappe , un long et douloureux gémissement , ah ! c'est qu'elle recèle une profonde harmonie!
Ce que l'Église fait pour l'homme dans le sanctuaire intime de son âme, elle le fait avec non moins de puissance dans les relations des hommes entre eux. On peut le dire, les hommes sont entre eux dans les mêmes rapports que le sont nos facultés entre elles.
Il est des hommes destinés à vouloir, à commander, à exercer sur les autres un véritable ascendant; il en est d'autres, faibles, pauvres, dépendants en un mot, soit sous le rapport physique, soit sous le rapport intellectuel. Or, chose admirable et trop peu remarquée! l'Église établit entre ces diverses classes d'hommes, les mêmes compensations qu'entre nos facultés !
Elle établit entre les riches et les pauvres, entre les grands et les petits la seule égalité qui puisse exister, en conservant les inégalités naturelles, inévitables, invincibles; inégalités qui d'ailleurs sont la base de toute hiérarchie sociale. Admirez la solution d'un problème, partout insoluble hors de l'Église. Les riches, elle les constitue les trésoriers, les serviteurs des pauvres, elle leur apprend à trembler au milieu de leurs richesses, à s'humilier de ce qui enorgueillit, à expier ainsi les inégalités naturelles et sociales par la charité et le dépouillement volontaire de l'âme; celui qui donne reçoit d'abord la grâce de donner.
Savez-vous pourquoi certains riches sont si durs? Me dit un jour un homme d'un mérite éminent; c'est que Dieu n'a point ouvert leurs cœurs à la compassion envers leurs semblables. Dieu reçoit des petits qui l'aiment, mais quant aux orgueilleux égoïstes, il ne veut pas de leurs dons; ces riches au cœur dur ne sont point dignes de lui offrir dans la personne des pauvres, ainsi ce n'est pas celui qui donne qui fait une grâce, c'est lui qui la reçoit; demandez et vous recevrez, et vous recevrez pour donner à votre tour à ceux qui demandent.
Ce que la religion fait pour les pauvres et tout ensemble pour les riches, elle le fait dans les rapports des intelligences entre elles; elle établit entre les savants et les ignorants les mêmes rapports de bienfaisance et de dignité qu'entre les riches et les pauvres, qu'entre les grands et les petits; elle donne de l'humilité, de la défiance d'eux-mêmes aux hommes d'une intelligence élevée, comme elle donne la liberté, la fermeté de jugement aux moindres intelligences; elle empêche les savants de dégénérer en tyrans; elle fait de la science une œuvre d'amour, de miséricordieuse charité faite aux intelligences.
C'est ainsi que l'Église est le lien de toute société; que dis-je? elle est la société même!
Tout est contraste dans l'univers, les petits et les grands, les forts et les faibles, les riches et les pauvres, les savants et les ignorants; contrastes qui forment opposition, qui détruisent la société loin de l'établir, si l'harmonie ne s'établit entre eux.
Or tout l'enseignement de l'Église, toute son action consiste à établir l'harmonie de ces contrastes. C'est par l'Église que toute supériorité de l'homme sur l'homme, de pesante qu'elle est par sa nature, devient le lien même de la société; elle a fait de la royauté même une sublime servitude, elle a transformé les rois à son image, en serviteurs de la société entière; et les serviteurs, comprenez à quelle dignité elle les élève, elle les élève à la royauté.
L'apôtre saint Pierre donne aux chrétiens le titre de prêtres-rois, regale sacerdotium. Ah! celle qui apprend ainsi la liberté à ceux qui obéissent, et l'obéissance à ceux qui commandent, celle qui apprend à se soumettre et à régner tout ensemble est la seule qui ré ponde complètement aux inspirations de l'âme; en elle seulement se trouvent développées et satisfaites toutes les tendances de notre nature.
L'Église, fille du Très-Haut, reproduit en elle les merveilleux contrastes que nous offrent la vie et la mort , la passion et le triomphe de son divin Époux. Combien de fois, depuis sa naissance jusqu'à nos jours, ne se sont-elles pas renouvelées ces oppositions de faiblesse apparente et de gloire immortelle !
Comme son divin auteur, l'Église est née pauvre; persécutée dès les premiers jours de sa naissance, elle aussi a vu périr ses premiers nés de mort violente ; elle n'a échappé que par l'assistance divine à la mort dont la menaçaient les puissances de la terre; elle aussi a grandi, s'est élevée au milieu des obstacles de tous genres, méconnue, injuriée par ceux qu'elle venait délivrer, n'opposant que le calme, la patience et ses bienfaits aux outrages qu'on lui prodiguait. Et sans citer ici les nombreux exemples que nous offre la magnifique histoire de l'Église, arrêtons un instant nos regards sur les événements dont nous avons été les témoins de nos jours.
Nous avons vu naguère des hommes qui se prétendaient désabusés des erreurs vulgaires, seuls véritablement éclairés, l'interroger, cette reine des intelligences, du haut de leur orgueilleuse raison; nous l'avons vue, cette auguste épouse du Christ, traînée du tribunal des philosophes au tribunal des Césars, au milieu des cris d'une multitude aveugle et passionnée; nous l'avons vue honnie, conspuée, couverte d'indignes crachats, prête à succomber sous le fardeau des opprobres; nous avons entendu tout un peuple, jadis le premier né de cette glorieuse mère , s'écrier : « Nous ne voulons point qu'elle règne sur nous , nous n'avons point d'autre souverain que notre propre raison! »... enfin nous avons vu le vénérable chef de l'Église , l'auguste représentant du Christ devenu comme lui un homme de douleur, captif, les mains liées, étouffé, ce semble, dans les serres de l'aigle rapace , et bientôt après nous avons vu ce même pontife, replacé par la main des rois sur son siège auguste, tandis que son persécuteur expirait attaché sur le roc, dévoré par ses regrets, si ce n'est par ses remords. Ah! c'est lorsque l'Église semble prête à succomber, c'est alors que la divine puissance qui lui a été donnée brille d'un nouvel éclat ; faible et défaillante aux yeux de la chair, c'est alors qu'elle peut dire comme son divin Époux : Lorsque je serai élevé de la terre, j'attirerai tout à moi!
C'est que l'Église est la seule société dont l'infaillible vérité est la lumière, dont l'indéfectible charité est l'âme et la vie. Centre générateur, duquel partent, auquel reviennent tous les rayons de lumière et d'amour qui éclairent, vivifient, fécondent la vie de l'homme et des sociétés, elle seule possède l'harmonie des contrastes que présentent sans cesse les développements des facultés humaines.
Et d'abord la religion, dont l'Église est tout ensemble le corps et l'âme, la religion exerce à la fois nos facultés actives et nos facultés passives; elle habitue l'âme à souffrir, à attendre, à patienter, à se résigner, et d'autre part à espérer, à agir, à ne pas se lasser, à persévérer à travers tous les obstacles ! Et quand les plus cruelles déceptions ont brisé notre âme, que deviendrait notre vie sans la religion?
Nous y serions renfermés comme dans une arène sans issue, nous nous débattrions en vain contre d'invincibles douleurs. Grâces vous soient rendues, ô religion sainte! en vous et par vous je puis toujours croire, espérer et aimer, car l'objet de ma foi, de mon espérance, de mon amour est bonté immuable. Oh! Vous qui avez perdu l'espérance sur la terre, élevez vos regards; il est un lieu où l'amour ne manque point à l'amour; vos souffrances ici-bas vous présagent d'ineffables consolations. Si l'âme rend, sous le coup qui la frappe , un long et douloureux gémissement , ah ! c'est qu'elle recèle une profonde harmonie!
Ce que l'Église fait pour l'homme dans le sanctuaire intime de son âme, elle le fait avec non moins de puissance dans les relations des hommes entre eux. On peut le dire, les hommes sont entre eux dans les mêmes rapports que le sont nos facultés entre elles.
Il est des hommes destinés à vouloir, à commander, à exercer sur les autres un véritable ascendant; il en est d'autres, faibles, pauvres, dépendants en un mot, soit sous le rapport physique, soit sous le rapport intellectuel. Or, chose admirable et trop peu remarquée! l'Église établit entre ces diverses classes d'hommes, les mêmes compensations qu'entre nos facultés !
Elle établit entre les riches et les pauvres, entre les grands et les petits la seule égalité qui puisse exister, en conservant les inégalités naturelles, inévitables, invincibles; inégalités qui d'ailleurs sont la base de toute hiérarchie sociale. Admirez la solution d'un problème, partout insoluble hors de l'Église. Les riches, elle les constitue les trésoriers, les serviteurs des pauvres, elle leur apprend à trembler au milieu de leurs richesses, à s'humilier de ce qui enorgueillit, à expier ainsi les inégalités naturelles et sociales par la charité et le dépouillement volontaire de l'âme; celui qui donne reçoit d'abord la grâce de donner.
Savez-vous pourquoi certains riches sont si durs? Me dit un jour un homme d'un mérite éminent; c'est que Dieu n'a point ouvert leurs cœurs à la compassion envers leurs semblables. Dieu reçoit des petits qui l'aiment, mais quant aux orgueilleux égoïstes, il ne veut pas de leurs dons; ces riches au cœur dur ne sont point dignes de lui offrir dans la personne des pauvres, ainsi ce n'est pas celui qui donne qui fait une grâce, c'est lui qui la reçoit; demandez et vous recevrez, et vous recevrez pour donner à votre tour à ceux qui demandent.
Ce que la religion fait pour les pauvres et tout ensemble pour les riches, elle le fait dans les rapports des intelligences entre elles; elle établit entre les savants et les ignorants les mêmes rapports de bienfaisance et de dignité qu'entre les riches et les pauvres, qu'entre les grands et les petits; elle donne de l'humilité, de la défiance d'eux-mêmes aux hommes d'une intelligence élevée, comme elle donne la liberté, la fermeté de jugement aux moindres intelligences; elle empêche les savants de dégénérer en tyrans; elle fait de la science une œuvre d'amour, de miséricordieuse charité faite aux intelligences.
C'est ainsi que l'Église est le lien de toute société; que dis-je? elle est la société même!
Tout est contraste dans l'univers, les petits et les grands, les forts et les faibles, les riches et les pauvres, les savants et les ignorants; contrastes qui forment opposition, qui détruisent la société loin de l'établir, si l'harmonie ne s'établit entre eux.
Or tout l'enseignement de l'Église, toute son action consiste à établir l'harmonie de ces contrastes. C'est par l'Église que toute supériorité de l'homme sur l'homme, de pesante qu'elle est par sa nature, devient le lien même de la société; elle a fait de la royauté même une sublime servitude, elle a transformé les rois à son image, en serviteurs de la société entière; et les serviteurs, comprenez à quelle dignité elle les élève, elle les élève à la royauté.
L'apôtre saint Pierre donne aux chrétiens le titre de prêtres-rois, regale sacerdotium. Ah! celle qui apprend ainsi la liberté à ceux qui obéissent, et l'obéissance à ceux qui commandent, celle qui apprend à se soumettre et à régner tout ensemble est la seule qui ré ponde complètement aux inspirations de l'âme; en elle seulement se trouvent développées et satisfaites toutes les tendances de notre nature.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
11 - Naples ( Napoli)
Une ligne d'une éclatante blancheur dessine pittoresquement les contours gracieux du plus beau golfe de l'univers; c'est Naples, c'est Portici, Torre del Greco, Castellamare, dont ces belles eaux baignent les murs. Il semble que de toutes parts les habitants de ces heureuses contrées se soient approchés des bords du golfe le plus près possible, pour mieux jouir du spectacle enchanteur étalé à leurs regards. Des pentes douces ou escarpées, toutes chargées de riantes habitations et de la végétation la plus riche, s'élèvent successivement, d'une part au sommet de la grande cité, de l'autre au pic sombre et sévère du Vésuve, lequel, comme une fournaise ardente, lance sans cesse, tantôt une flamme rougeâtre, tantôt une noire fumée.
Le Vésuve vu de Naples
Le Vésuve
Golfe de Naples
Pour couronner ce magique tableau, souvent des teintes d'un rouge vif pénètrent et recouvrent par intervalle la molle épaisseur des nuages. Le ciel brille à la fois de la lumière qui lui est propre et des larges reflets de pourpre que lui en voient les feux du Vésuve. Tel sont les merveilleux contrastes, telle est l'étonnante harmonie du ciel, de la terre et des eaux.
Cependant c'est le rapport des sites avec le cœur de l'homme que je me plais surtout à observer. Chose admirable! les plus terribles commotions de la nature n'altèrent ici ni la fertilité du sol, ni la joyeuse humeur des habitants; ainsi la richesse de l'imagination, les charmes d'un aimable caractère, les douces émotions d'un cœur sensible et généreux ne sont point altérées par ces grandes douleurs qui creusent l'âme dans ses plus intimes profondeurs.
Naples, considérée en elle-même, est une ville superbe, la plus belle peut-être que j'aie vue en Italie. Non seulement ses beaux quais, mais la largeur de ses rues, la grandeur de ses places, tout donne l'idée d'une immense population. La rue de Tolède est beaucoup plus belle et aussi peuplée que la rue Saint-Honoré.
Rue Toledo a Naples
Des hauteurs que j'ai parcourues on jouit du plus magnifique spectacle sur la mer, sur Naples et sur toutes les côtes jusqu'au-delà de Sorrente.
Sorrento, sur la baie de Naples
Je devrais maintenant te parler en détail d'Herculanum, de Pompéi , de Poestum. Des cadavres de cités! Il faut venir à Naples pour voir de pareilles choses!
Éruption du Vésuve vu de Naples en 1944
Éruption du Vésuve et destruction des villes romaines de Pompéi et Herculanum en l`an 79
L`ancienne cité romaine de Pompéi
Je n`ai point encore parlé de mes visites à Herculanum , à Pompéi , à Poestum. Là, j'ai pris l'antiquité sur le fait et pour ainsi dire en flagrant délit. J'ai compris d'un coup d'oeil ce que j'aurais vainement cherché si je n'avais pu me former d'idées que sur de froides images. Ce n'est rien de voir la gravure, la représentation d'un objet, c'est l'objet lui-même qu'il faut voir. Ainsi assurément on juge bien plus vite et bien plus sûrement un homme, en le regardant un instant, qu'en étudiant son portrait, fut-il très ressemblant. C'est que l'image est chose morte et la personne et même l'édifice sont choses vivantes.
Une observation générale domine toutes les observations que l'on peut faire sur les monuments du paganisme consacrés à des usages bien différents; partout les mêmes éléments, les mêmes formes; il n'y a de distinction que dans la grandeur. Partout des colonnes; colonnes pour les atriums, colonnes pour les forums, colonnes pour les péristyles, colonnes pour les basiliques ou palais de justice, colonnes pour les temples. La colonne est le fond, l'élément et en quelque sorte l'essence de toute l'architecture païenne. Une grande monotonie, voilà ce qui m'a d'abord frappé. J'ai vu à Pompéi un têpidarium ou bain public bâti exactement comme le Panthéon de Rome : c'est une coupole avec les mêmes niches, les mêmes soins, la même élégance de travail.
Les maisons des particuliers sont peu spacieuses; toutes ont un vestibule et un atrium; l'atrium renferme la cour, la salle d'audience et les corridors; il est toujours entouré de colonnes ; les chambres sont petites, étroites, peu élevées. J'ai été étonné surtout de la petitesse extraordinaire des chambres à coucher, même dans les plus grandes maisons. En général, les habitations des particuliers sont gaies, élégantes, gracieuses, j'ajoute licencieuses, les murs sont couverts de fresques, ce sont des oiseaux, des muses, des danseuses, des sujets tirés de la fable et de l'histoire, agréablement exprimés, ce sont encore d'autres sujets, mais ceux-là je ne veux pas les indiquer.
Les édifices destinés au culte ont proportionnellement ou plutôt comparativement aux nôtres peu d'élévation, peu de largeur, peu de profondeur. Et que l'on ne dise pas qu'il est indifférent à la beauté des monuments qu'ils soient construits dans de plus ou moins grandes proportions, car alors je demanderais pourquoi la flèche de Saint-Michel ou celle de Strasbourg, par exemple, exécutées dans le même style, mais de la hauteur d'une maison seulement, seraient loin d'exciter la même admiration.
Un ancien temple païen romain consacré au dieu de la rivière
Les temples païens, très étroits à l'intérieur, se distinguent à peine des autres édifices; il ne devait y avoir de place que pour les pontifes. Chose remarquable ! le peuple était en dehors du temple comme il était en dehors de la vraie religion! Et voyez comme la distribution intérieure du monument privé de lumière, accessible aux seuls pontifes, contraste étrangement avec la forme extérieure , brillante, gaie, disons le mot, séduisante! Le culte des païens craint la lumière. Comprenons-le, l'intérieur d'un temple c'est son âme, c'est là que se célèbrent les mystères.
Or l'obscurité intérieure des édifices voués au culte chez les païens ne vous semble-t-elle pas réfléchir cette obscurité plus désolante que répandait dans les âmes le prince des ténèbres? Oui, je le dis avec une entière conviction, les temples païens, étroits et sombres en dedans, brillants , sensuels en dehors, étaient la véritable expression de l'esprit de ténèbres et de séduction qui avait usurpé les hommages des aveugles mortels.
C'est que le culte des dieux avait pour but principal de donner de la pompe et une nouvelle illustration à tout ce qui concerne la patrie. Ce ne sont point les choses de la terre qui s'élevaient vers les cieux, c'était au contraire les cieux qui devaient servir à la terre; la religion chez les païens ne me paraît qu'une seconde magistrature ajoutée à la première pour faciliter le gouvernement des choses de ce monde; les serments prêtés à la patrie de venaient plus solennels sous l'invocation des dieux. Ornements des cités dont ils renfermaient les trésors, les temples ont le même but que les autres édifices publics ou particuliers, l'utilité et le plaisir ; ils charment les yeux et l'imagination ; ils ne parlent nullement à l'âme.
En résumé, il m'a paru visible que le dieu des païens, des Romains surtout, c'était la patrie ; et quel horrible dieu!.. L'univers lui était dévoué; à Rome comme à Sparte , il exigeait le sacrifice de toutes les affections de famille, de toute l'indépendance du citoyen. La patrie était une véritable idole à laquelle il fallait du sang et beaucoup! ces noms pompeux de gloire, de Rome, ne m'en imposent point. Traduisez : orgueil national, égoïsme collectif, oppression de l'univers, et vous saurez la vérité.
Hiérarchie méconnue en haut et en bas, tant sous le rapport de l'indépendance et de la dignité de l'homme, que sous celui de la majesté et de l'infinité divine , voilà ce qu'exprime l'ensemble des édifices du paganisme. Nous avons vu la patrie déifiée naguère par la république française, nouveau Moloch auquel il fallait aussi du sang humain (La guillotine sous la Révolution française); et n'est-ce pas une nouvelle idolâtrie que cette apothéose de la raison humaine, sous le nom de système humanitaire?
Naples – Pompéi – Herculanum ( suite)
Comparons maintenant, aux édifices du paganisme, ceux construits sous l'influence du christianisme. Ici point de monotonie; variété, indépendance, dignité dans les habitations particulières; sublimité dans l'élévation des églises; hiérarchie, vérité intime, en un mot, voilà ce que nous offrent les constructions architecturales des chrétiens.
Les habitations des particuliers ont généralement participé à la grandeur que le christianisme a imprimée à toute la société. Je doute qu'aucune demeure païenne ait jamais offert les majestueuses proportions, la beauté d'architecture, du palais Farnèse, de la chancellerie de Bramante. La plus grande variété règne dans les édifices chez les chrétiens; les palais de Gènes sont bien différents de ceux de Florence, et ceux de Florence sont d'une toute autre architecture que ceux de Rome.
Palais Farnèse
Chancellerie de Bramante
Mais l'architecture des églises chrétiennes est vraiment remarquable; elle porte visiblement l'empreinte d'une destination élevée bien au-dessus des choses humaines. Pendant que les temples des païens restent attachés à la terre comme leurs pensées, nos églises montent vers le ciel. Les temples païens ne vous donnent nullement l'idée de l'infini; ils ne vous inspirent que de l'admiration pour la beauté des formes; les églises chrétiennes sont toutes empreintes d'infini et de mystère; les temples des païens parlent aux sens, nos églises parlent à l'âme.
Nous avons souvent admiré le travail exquis des colonnes et colonnettes, des jubés, des voûtes, l'harmonie de l'ensemble, enfin, l'effet merveilleux de tout l'édifice sur l'âme, car c'est toujours là qu'il faut arriver, et je n'ai pas dit un mot des flèches gothiques, de ces merveilles de l'art chrétien devant lesquelles disparaissent comme des pygmées les plus beaux édifices du paganisme. Mais il y a plus : quand le christianisme a pris les formes païennes, il les a agrandies, sublimisées, il a élevé le Panthéon dans les cieux et en a fait le dôme de Saint-Pierre.
Cathédrale de style gothique
Revenons à la comparaison de l'architecture païenne avec l'architecture gothique ou plutôt chrétienne; je l'avoue, il y a dans les édifices des païens, simplicité parfaite, goût exquis dans les détails, harmonie dans l'ensemble, mais il y a chez les chrétiens une simplicité plus auguste, plus d'originalité dans les détails; l'unité si haute, la riche variété n'existe point dans le paganisme. Là, on n'entend point cette harmonie qui commence sur la terre et s'achève dans le ciel. Nos églises gothiques n'ont rien de gai ou de sensuel au dehors, mais des formes imposantes, et leurs flèches ravissent la pensée dans les cieux. Intérieurement nos temples mettent la créature dans ses véritables relations de dépendance vis-à-vis le Créateur.
Nef de la cathédrale Notre-Dame d`Amiens
Ces nefs immenses ne semblent-elles pas exprimer la grandeur infinie du Dieu vers lequel monte la pensée de l'homme et sa miséricorde qui les accueille tous dans
son sein. Les saints mystères se célèbrent en présence du peuple; le chœur est destiné aux prêtres, la nef aux fidèles ; les uns et les autres sont entre eux dans leurs véritables relations; admirable symbolisme qui s'étend à l'ensemble et aux détails.
Étudiez les divers monuments des arts du paganisme; nulle empreinte de pitié; tout rappelle le plaisir, tout est fait pour en réveiller l'idée. A propos des ruines de Pompéi, M. Valéry s'écrie : « Au milieu de cette multitude d'édifices consacrés par les anciens à la religion, aux affaires et aux plaisirs, il est impossible de ne pas remarquer combien les sentiments d'humanité et de commisération paraissent étrangers à cette société si forte, si glorieuse, si passionnée pour la patrie ; on n'a pas trouvé d'hospice à Pompéi.»
M. Valéry a complètement raison, il n'y avait point de charité chez les païens; le mot n'existait pas plus que la chose; il n'y avait chez les païens que des maîtres et des esclaves; ceux-ci travaillaient et mouraient non seulement pour le service, mais pour le plaisir de leurs maîtres. La pauvreté était un des apanages de la richesse; elle était dévouée, corps et âme, sueur et sang, aux besoins, aux caprices, aux plaisirs mêmes des riches, car on pouvait tuer son esclave dès qu'on en avait la fantaisie.
Esclaves dans la Rome antique
Les riches dans la Rome antique
Mais enfin si la pauvreté ne comptait pas chez les païens, si les riches seuls possédaient la terre et la vie elle-même, puisque les pauvres n'avaient pas même leur vie en propre,
les riches n'avaient-ils donc que des jouissances? Tout n'était-il que bonheur sur la terre? Je dirai plus, les heureux eux-mêmes étaient-ils heureux? Le cœur humain n'a-t-il pas toujours été en proie à la douleur, aux regrets, à la crainte, et à des peines, hélas! sans consolation et sans espérance?...
Et si la religion n'est pas la consolation des malheurs et de toute espèce de souffrance, qu'est-elle donc ? Tout ici-bas n'est-il pas souvenir, indication, pressentiment d'une autre vie ? en vérité, les temples des païens ne sont que des salles de spectacles, la divinité y manque, et l'on se rappelle le mot de Cicéron, que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire.
Une ligne d'une éclatante blancheur dessine pittoresquement les contours gracieux du plus beau golfe de l'univers; c'est Naples, c'est Portici, Torre del Greco, Castellamare, dont ces belles eaux baignent les murs. Il semble que de toutes parts les habitants de ces heureuses contrées se soient approchés des bords du golfe le plus près possible, pour mieux jouir du spectacle enchanteur étalé à leurs regards. Des pentes douces ou escarpées, toutes chargées de riantes habitations et de la végétation la plus riche, s'élèvent successivement, d'une part au sommet de la grande cité, de l'autre au pic sombre et sévère du Vésuve, lequel, comme une fournaise ardente, lance sans cesse, tantôt une flamme rougeâtre, tantôt une noire fumée.
Le Vésuve vu de Naples
Le Vésuve
Golfe de Naples
Pour couronner ce magique tableau, souvent des teintes d'un rouge vif pénètrent et recouvrent par intervalle la molle épaisseur des nuages. Le ciel brille à la fois de la lumière qui lui est propre et des larges reflets de pourpre que lui en voient les feux du Vésuve. Tel sont les merveilleux contrastes, telle est l'étonnante harmonie du ciel, de la terre et des eaux.
Cependant c'est le rapport des sites avec le cœur de l'homme que je me plais surtout à observer. Chose admirable! les plus terribles commotions de la nature n'altèrent ici ni la fertilité du sol, ni la joyeuse humeur des habitants; ainsi la richesse de l'imagination, les charmes d'un aimable caractère, les douces émotions d'un cœur sensible et généreux ne sont point altérées par ces grandes douleurs qui creusent l'âme dans ses plus intimes profondeurs.
Naples, considérée en elle-même, est une ville superbe, la plus belle peut-être que j'aie vue en Italie. Non seulement ses beaux quais, mais la largeur de ses rues, la grandeur de ses places, tout donne l'idée d'une immense population. La rue de Tolède est beaucoup plus belle et aussi peuplée que la rue Saint-Honoré.
Rue Toledo a Naples
Des hauteurs que j'ai parcourues on jouit du plus magnifique spectacle sur la mer, sur Naples et sur toutes les côtes jusqu'au-delà de Sorrente.
Sorrento, sur la baie de Naples
Je devrais maintenant te parler en détail d'Herculanum, de Pompéi , de Poestum. Des cadavres de cités! Il faut venir à Naples pour voir de pareilles choses!
Éruption du Vésuve vu de Naples en 1944
Éruption du Vésuve et destruction des villes romaines de Pompéi et Herculanum en l`an 79
L`ancienne cité romaine de Pompéi
Je n`ai point encore parlé de mes visites à Herculanum , à Pompéi , à Poestum. Là, j'ai pris l'antiquité sur le fait et pour ainsi dire en flagrant délit. J'ai compris d'un coup d'oeil ce que j'aurais vainement cherché si je n'avais pu me former d'idées que sur de froides images. Ce n'est rien de voir la gravure, la représentation d'un objet, c'est l'objet lui-même qu'il faut voir. Ainsi assurément on juge bien plus vite et bien plus sûrement un homme, en le regardant un instant, qu'en étudiant son portrait, fut-il très ressemblant. C'est que l'image est chose morte et la personne et même l'édifice sont choses vivantes.
Une observation générale domine toutes les observations que l'on peut faire sur les monuments du paganisme consacrés à des usages bien différents; partout les mêmes éléments, les mêmes formes; il n'y a de distinction que dans la grandeur. Partout des colonnes; colonnes pour les atriums, colonnes pour les forums, colonnes pour les péristyles, colonnes pour les basiliques ou palais de justice, colonnes pour les temples. La colonne est le fond, l'élément et en quelque sorte l'essence de toute l'architecture païenne. Une grande monotonie, voilà ce qui m'a d'abord frappé. J'ai vu à Pompéi un têpidarium ou bain public bâti exactement comme le Panthéon de Rome : c'est une coupole avec les mêmes niches, les mêmes soins, la même élégance de travail.
Les maisons des particuliers sont peu spacieuses; toutes ont un vestibule et un atrium; l'atrium renferme la cour, la salle d'audience et les corridors; il est toujours entouré de colonnes ; les chambres sont petites, étroites, peu élevées. J'ai été étonné surtout de la petitesse extraordinaire des chambres à coucher, même dans les plus grandes maisons. En général, les habitations des particuliers sont gaies, élégantes, gracieuses, j'ajoute licencieuses, les murs sont couverts de fresques, ce sont des oiseaux, des muses, des danseuses, des sujets tirés de la fable et de l'histoire, agréablement exprimés, ce sont encore d'autres sujets, mais ceux-là je ne veux pas les indiquer.
Les édifices destinés au culte ont proportionnellement ou plutôt comparativement aux nôtres peu d'élévation, peu de largeur, peu de profondeur. Et que l'on ne dise pas qu'il est indifférent à la beauté des monuments qu'ils soient construits dans de plus ou moins grandes proportions, car alors je demanderais pourquoi la flèche de Saint-Michel ou celle de Strasbourg, par exemple, exécutées dans le même style, mais de la hauteur d'une maison seulement, seraient loin d'exciter la même admiration.
Un ancien temple païen romain consacré au dieu de la rivière
Les temples païens, très étroits à l'intérieur, se distinguent à peine des autres édifices; il ne devait y avoir de place que pour les pontifes. Chose remarquable ! le peuple était en dehors du temple comme il était en dehors de la vraie religion! Et voyez comme la distribution intérieure du monument privé de lumière, accessible aux seuls pontifes, contraste étrangement avec la forme extérieure , brillante, gaie, disons le mot, séduisante! Le culte des païens craint la lumière. Comprenons-le, l'intérieur d'un temple c'est son âme, c'est là que se célèbrent les mystères.
Or l'obscurité intérieure des édifices voués au culte chez les païens ne vous semble-t-elle pas réfléchir cette obscurité plus désolante que répandait dans les âmes le prince des ténèbres? Oui, je le dis avec une entière conviction, les temples païens, étroits et sombres en dedans, brillants , sensuels en dehors, étaient la véritable expression de l'esprit de ténèbres et de séduction qui avait usurpé les hommages des aveugles mortels.
C'est que le culte des dieux avait pour but principal de donner de la pompe et une nouvelle illustration à tout ce qui concerne la patrie. Ce ne sont point les choses de la terre qui s'élevaient vers les cieux, c'était au contraire les cieux qui devaient servir à la terre; la religion chez les païens ne me paraît qu'une seconde magistrature ajoutée à la première pour faciliter le gouvernement des choses de ce monde; les serments prêtés à la patrie de venaient plus solennels sous l'invocation des dieux. Ornements des cités dont ils renfermaient les trésors, les temples ont le même but que les autres édifices publics ou particuliers, l'utilité et le plaisir ; ils charment les yeux et l'imagination ; ils ne parlent nullement à l'âme.
En résumé, il m'a paru visible que le dieu des païens, des Romains surtout, c'était la patrie ; et quel horrible dieu!.. L'univers lui était dévoué; à Rome comme à Sparte , il exigeait le sacrifice de toutes les affections de famille, de toute l'indépendance du citoyen. La patrie était une véritable idole à laquelle il fallait du sang et beaucoup! ces noms pompeux de gloire, de Rome, ne m'en imposent point. Traduisez : orgueil national, égoïsme collectif, oppression de l'univers, et vous saurez la vérité.
Hiérarchie méconnue en haut et en bas, tant sous le rapport de l'indépendance et de la dignité de l'homme, que sous celui de la majesté et de l'infinité divine , voilà ce qu'exprime l'ensemble des édifices du paganisme. Nous avons vu la patrie déifiée naguère par la république française, nouveau Moloch auquel il fallait aussi du sang humain (La guillotine sous la Révolution française); et n'est-ce pas une nouvelle idolâtrie que cette apothéose de la raison humaine, sous le nom de système humanitaire?
Naples – Pompéi – Herculanum ( suite)
Comparons maintenant, aux édifices du paganisme, ceux construits sous l'influence du christianisme. Ici point de monotonie; variété, indépendance, dignité dans les habitations particulières; sublimité dans l'élévation des églises; hiérarchie, vérité intime, en un mot, voilà ce que nous offrent les constructions architecturales des chrétiens.
Les habitations des particuliers ont généralement participé à la grandeur que le christianisme a imprimée à toute la société. Je doute qu'aucune demeure païenne ait jamais offert les majestueuses proportions, la beauté d'architecture, du palais Farnèse, de la chancellerie de Bramante. La plus grande variété règne dans les édifices chez les chrétiens; les palais de Gènes sont bien différents de ceux de Florence, et ceux de Florence sont d'une toute autre architecture que ceux de Rome.
Palais Farnèse
Chancellerie de Bramante
Mais l'architecture des églises chrétiennes est vraiment remarquable; elle porte visiblement l'empreinte d'une destination élevée bien au-dessus des choses humaines. Pendant que les temples des païens restent attachés à la terre comme leurs pensées, nos églises montent vers le ciel. Les temples païens ne vous donnent nullement l'idée de l'infini; ils ne vous inspirent que de l'admiration pour la beauté des formes; les églises chrétiennes sont toutes empreintes d'infini et de mystère; les temples des païens parlent aux sens, nos églises parlent à l'âme.
Nous avons souvent admiré le travail exquis des colonnes et colonnettes, des jubés, des voûtes, l'harmonie de l'ensemble, enfin, l'effet merveilleux de tout l'édifice sur l'âme, car c'est toujours là qu'il faut arriver, et je n'ai pas dit un mot des flèches gothiques, de ces merveilles de l'art chrétien devant lesquelles disparaissent comme des pygmées les plus beaux édifices du paganisme. Mais il y a plus : quand le christianisme a pris les formes païennes, il les a agrandies, sublimisées, il a élevé le Panthéon dans les cieux et en a fait le dôme de Saint-Pierre.
Cathédrale de style gothique
Revenons à la comparaison de l'architecture païenne avec l'architecture gothique ou plutôt chrétienne; je l'avoue, il y a dans les édifices des païens, simplicité parfaite, goût exquis dans les détails, harmonie dans l'ensemble, mais il y a chez les chrétiens une simplicité plus auguste, plus d'originalité dans les détails; l'unité si haute, la riche variété n'existe point dans le paganisme. Là, on n'entend point cette harmonie qui commence sur la terre et s'achève dans le ciel. Nos églises gothiques n'ont rien de gai ou de sensuel au dehors, mais des formes imposantes, et leurs flèches ravissent la pensée dans les cieux. Intérieurement nos temples mettent la créature dans ses véritables relations de dépendance vis-à-vis le Créateur.
Nef de la cathédrale Notre-Dame d`Amiens
Ces nefs immenses ne semblent-elles pas exprimer la grandeur infinie du Dieu vers lequel monte la pensée de l'homme et sa miséricorde qui les accueille tous dans
son sein. Les saints mystères se célèbrent en présence du peuple; le chœur est destiné aux prêtres, la nef aux fidèles ; les uns et les autres sont entre eux dans leurs véritables relations; admirable symbolisme qui s'étend à l'ensemble et aux détails.
Étudiez les divers monuments des arts du paganisme; nulle empreinte de pitié; tout rappelle le plaisir, tout est fait pour en réveiller l'idée. A propos des ruines de Pompéi, M. Valéry s'écrie : « Au milieu de cette multitude d'édifices consacrés par les anciens à la religion, aux affaires et aux plaisirs, il est impossible de ne pas remarquer combien les sentiments d'humanité et de commisération paraissent étrangers à cette société si forte, si glorieuse, si passionnée pour la patrie ; on n'a pas trouvé d'hospice à Pompéi.»
M. Valéry a complètement raison, il n'y avait point de charité chez les païens; le mot n'existait pas plus que la chose; il n'y avait chez les païens que des maîtres et des esclaves; ceux-ci travaillaient et mouraient non seulement pour le service, mais pour le plaisir de leurs maîtres. La pauvreté était un des apanages de la richesse; elle était dévouée, corps et âme, sueur et sang, aux besoins, aux caprices, aux plaisirs mêmes des riches, car on pouvait tuer son esclave dès qu'on en avait la fantaisie.
Esclaves dans la Rome antique
Les riches dans la Rome antique
Mais enfin si la pauvreté ne comptait pas chez les païens, si les riches seuls possédaient la terre et la vie elle-même, puisque les pauvres n'avaient pas même leur vie en propre,
les riches n'avaient-ils donc que des jouissances? Tout n'était-il que bonheur sur la terre? Je dirai plus, les heureux eux-mêmes étaient-ils heureux? Le cœur humain n'a-t-il pas toujours été en proie à la douleur, aux regrets, à la crainte, et à des peines, hélas! sans consolation et sans espérance?...
Et si la religion n'est pas la consolation des malheurs et de toute espèce de souffrance, qu'est-elle donc ? Tout ici-bas n'est-il pas souvenir, indication, pressentiment d'une autre vie ? en vérité, les temples des païens ne sont que des salles de spectacles, la divinité y manque, et l'on se rappelle le mot de Cicéron, que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire.
Dernière édition par MichelT le Jeu 5 Oct 2023 - 2:55, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
12 - Notre-Dame de Lorette ( Loreto)
La ville de Loreto en Italie
Sur le sommet d'une montagne qui domine toutes celles qui l'environnent, s'élève Notre-Dame de Lorette : autour d'elle apparaissent rangées en demi-cercle plusieurs collines couronnées chacune d'une jolie petite ville; toutes regardent Lorette et semblent placées là exprès pour honorer l'humble palais de la reine des cieux. Un grand nombre de pèlerins, les uns à pied, cheminaient le bourdon dans une main, le chapelet dans l'autre, portant au milieu d'eux une grande croix qu'ils allaient offrir à la mère de Dieu.
La Sainte Maison de Lorette - source: Etoile Notre Dame
Je me suis joint à ces dévots serviteurs de Marie dont mon cœur partageait si bien tous les sentiments. Ah! que j'aime les peuples qui croient! Croire, c'est faire preuve d'intelligence, c'est comprendre que la faible raison doit se soumettre à une raison plus haute, c'est adorer la source de toute vérité et de tout bien! Croire en la souveraine vérité, espérer le souverain bien, aimer la beauté suprême, n'est-ce pas là l'âme humaine toute entière?
Loin de répugner à ma raison, les merveilles du divin amour me paraissent au contraire parfaitement appropriées à nos misères. Je ne puis dire combien me touchent et me paraissent vraies et consolantes ces pratiques populaires qui réjouissent à la fois les yeux et le cœur. Les bons habitants des campagnes voient dans la Sainte-Vierge et dans leur saint patron des bienfaiteurs auxquels ils s'adressent dans leur misère; un enfant, une épouse sont-ils malades, ils invoquent, ils espèrent, et leur confiance est déjà une consolation. Les hommes d'une intelligence véritablement élevée sentent que rien n'est plus digne de la miséricorde divine que d'avoir donné à de faibles créatures souffrantes sur la terre, des appuis, des consolateurs qui les aident dans leur douloureux pèlerinage.
Et quels consolateurs ! jadis semblables à nous, ayant souffert comme nous et avec nous, Dieu leur a accordé en récompense de leur amour pour leurs frères, le privilège de continuer avec plus d'efficacité le rôle de protecteurs des malheureux qu'ils ont exercé sur la terre!
13 – Bologne ( Bologna)
En parcourant l'Italie, on s'étonne à chaque instant de tout ce que rappelle cette terre merveilleuse, tout imprégnée des souvenirs de l'histoire ancienne et moderne, cette terre plus fertile encore, si je puis le dire, sous le rapport intellectuel que sous le rapport physique.
Suivez avec quelque attention les objets qui frappent successivement vos regards et vous verrez se dérouler devant vous et le paganisme et le christianisme, l'antique empire romain et le saint empire de Jésus-Christ, l'histoire du moyen âge et les chefs-d’œuvre des arts.
La ville de Bologne dans le nord de l`Italie
A Bologne trois choses sont dignes de toute l'attention du voyageur, l'université, fondée par un Belge, la belle galerie de tableaux et la Madone de saint Luc. Sur une montagne, à une petite lieue de la ville, s'élève une belle église qui renferme la célèbre image de la Vierge, peinte par saint Luc. Six cent trente-cinq arcades, bâties les unes par les communautés, les autres avec les offrandes des gens du peuple, conduisent de la porte de la ville à l'entrée de l'église.
Le Sanctuaire Madonna di San Luca (Madone de saint Luc) et les arcades
Sanctuaire Madonna di San Luca (Madone de saint Luc)
La Madonna di San Luca (Madone de saint Luc)
Partout dans ce pays les plus précieux souvenirs de la religion, enrichis des chefs-d'oeuvre des arts, montrent aux yeux quelles furent dans tous les temps la foi et la piété des Italiens.
La ville de Loreto en Italie
Sur le sommet d'une montagne qui domine toutes celles qui l'environnent, s'élève Notre-Dame de Lorette : autour d'elle apparaissent rangées en demi-cercle plusieurs collines couronnées chacune d'une jolie petite ville; toutes regardent Lorette et semblent placées là exprès pour honorer l'humble palais de la reine des cieux. Un grand nombre de pèlerins, les uns à pied, cheminaient le bourdon dans une main, le chapelet dans l'autre, portant au milieu d'eux une grande croix qu'ils allaient offrir à la mère de Dieu.
La Sainte Maison de Lorette - source: Etoile Notre Dame
Je me suis joint à ces dévots serviteurs de Marie dont mon cœur partageait si bien tous les sentiments. Ah! que j'aime les peuples qui croient! Croire, c'est faire preuve d'intelligence, c'est comprendre que la faible raison doit se soumettre à une raison plus haute, c'est adorer la source de toute vérité et de tout bien! Croire en la souveraine vérité, espérer le souverain bien, aimer la beauté suprême, n'est-ce pas là l'âme humaine toute entière?
Loin de répugner à ma raison, les merveilles du divin amour me paraissent au contraire parfaitement appropriées à nos misères. Je ne puis dire combien me touchent et me paraissent vraies et consolantes ces pratiques populaires qui réjouissent à la fois les yeux et le cœur. Les bons habitants des campagnes voient dans la Sainte-Vierge et dans leur saint patron des bienfaiteurs auxquels ils s'adressent dans leur misère; un enfant, une épouse sont-ils malades, ils invoquent, ils espèrent, et leur confiance est déjà une consolation. Les hommes d'une intelligence véritablement élevée sentent que rien n'est plus digne de la miséricorde divine que d'avoir donné à de faibles créatures souffrantes sur la terre, des appuis, des consolateurs qui les aident dans leur douloureux pèlerinage.
Et quels consolateurs ! jadis semblables à nous, ayant souffert comme nous et avec nous, Dieu leur a accordé en récompense de leur amour pour leurs frères, le privilège de continuer avec plus d'efficacité le rôle de protecteurs des malheureux qu'ils ont exercé sur la terre!
13 – Bologne ( Bologna)
En parcourant l'Italie, on s'étonne à chaque instant de tout ce que rappelle cette terre merveilleuse, tout imprégnée des souvenirs de l'histoire ancienne et moderne, cette terre plus fertile encore, si je puis le dire, sous le rapport intellectuel que sous le rapport physique.
Suivez avec quelque attention les objets qui frappent successivement vos regards et vous verrez se dérouler devant vous et le paganisme et le christianisme, l'antique empire romain et le saint empire de Jésus-Christ, l'histoire du moyen âge et les chefs-d’œuvre des arts.
La ville de Bologne dans le nord de l`Italie
A Bologne trois choses sont dignes de toute l'attention du voyageur, l'université, fondée par un Belge, la belle galerie de tableaux et la Madone de saint Luc. Sur une montagne, à une petite lieue de la ville, s'élève une belle église qui renferme la célèbre image de la Vierge, peinte par saint Luc. Six cent trente-cinq arcades, bâties les unes par les communautés, les autres avec les offrandes des gens du peuple, conduisent de la porte de la ville à l'entrée de l'église.
Le Sanctuaire Madonna di San Luca (Madone de saint Luc) et les arcades
Sanctuaire Madonna di San Luca (Madone de saint Luc)
La Madonna di San Luca (Madone de saint Luc)
Partout dans ce pays les plus précieux souvenirs de la religion, enrichis des chefs-d'oeuvre des arts, montrent aux yeux quelles furent dans tous les temps la foi et la piété des Italiens.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
14 – Venise ( Veneza)
Venise
A la vue de ces dômes, de ces coupoles, de cette Constantinople chrétienne si extraordinaire, si imposante, presqu'autant par sa situation que par les grands souvenirs qu'elle rappelle, je restais muet d'étonnement, d'admiration!
Tant de pensées se pressaient à la fois dans mon âme, que je ne pouvais proférer aucune parole.
Dandolo, Foscari , Mocenigo , Micheli, Morosini sont des noms glorieux de Venise.(Familles des Doges de Venise ou puissantes familles de l`aristocratie vénitienne au Moyen-Âge qui ont donnée leur sang et leur argent pour la protection de la foi chrétienne menacé a cette époque par les Ottomans)
Enrico Dandolo – 42 eme Doge de Venise de 1107 à 1205
J'ai vu le palais des doges tout resplendissant de chefs-d'oeuvre. Sur les deux façades s'élèvent les statues de la Sainte-Vierge. Dans l'intérieur sont retracés les hauts faits de ces héros qui ont rempli le monde du bruit de leurs exploits, et les tableaux, chefs d'oeuvre du Titien, de Paul Veronèse, du Tintoret, qui représentent les doges à genoux rendant grâces à Dieu et à la Sainte-Vierge des victoires qu'ils ont remportées, sont aussi nombreux que ceux qui les représentent dans l'attitude du commandement et du combat.
Palais des Doges de Venise
Le Tintoret - (Jacopo Robusti, dit Tintoretto – 1518-1594) maître vénitien – La dernière Cène (Évangile selon St-Luc 22,14)
Le Tintoret - (Jacopo Robusti, dit Tintoretto – 1518-1594) maître vénitien – L`évanouissement de la Reine Esther devant Assuérus (Esther 5,2 – Ancien Testament)
Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588) – La conversion de Marie-Madeleine (Évangile de St-Luc 7,48)
Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588) – Le souper à Emmaüs ( Évangile de St-Luc 24,30)
Tiziano Vecellio ou le Titien – (1488 à 1576) – Vierge a l`enfant et des Saints
Tiziano Vecellio ou le Titien – (1488 à 1576) – L`Annonciation (Évangile selon St-Luc 1,26)
Ainsi les chefs-d'oeuvre des arts retracent les chefs-d'oeuvre de la valeur et de la piété. Des hauteurs du clocher de Saint-Marc j'ai joui d'une belle vue sur Venise, sur les îles qui l'environnent et lui servent d'avant-garde, sur la mer Adriatique, et enfin sur les Alpes du Tyrol.
Vue sur Venise à partir du clocher de St-Marc
Italie, terre merveilleuse qui ne cesse d'enfanter toutes les sortes de gloire et qui, loin d'être épuisée par de si riches moissons, est, j'en ai la conviction, toujours disposée à reproduire de nouvelles merveilles, reçois mon hommage ! Nul ne t'en offrit jamais un plus sincère, et, j'ose le dire, plus juste et plus complet. Oui, l'Italie nous a tout appris et elle nous conserve tout, théologie, science, poésie, beaux-arts. Les Italiens ont créé les modèles en tous genres; que l'orgueil des autres nations s'en indigne, j'en suis fâché , mais voici ce que j'ose affirmer : aucun peuple n'a rien à comparer, en théologie, à saint Thomas; en poésie, au Dante; en peinture, à Raphaël; en architecture, à Michel-Ange et à Palladio.
Venise
A la vue de ces dômes, de ces coupoles, de cette Constantinople chrétienne si extraordinaire, si imposante, presqu'autant par sa situation que par les grands souvenirs qu'elle rappelle, je restais muet d'étonnement, d'admiration!
Tant de pensées se pressaient à la fois dans mon âme, que je ne pouvais proférer aucune parole.
Dandolo, Foscari , Mocenigo , Micheli, Morosini sont des noms glorieux de Venise.(Familles des Doges de Venise ou puissantes familles de l`aristocratie vénitienne au Moyen-Âge qui ont donnée leur sang et leur argent pour la protection de la foi chrétienne menacé a cette époque par les Ottomans)
Enrico Dandolo – 42 eme Doge de Venise de 1107 à 1205
J'ai vu le palais des doges tout resplendissant de chefs-d'oeuvre. Sur les deux façades s'élèvent les statues de la Sainte-Vierge. Dans l'intérieur sont retracés les hauts faits de ces héros qui ont rempli le monde du bruit de leurs exploits, et les tableaux, chefs d'oeuvre du Titien, de Paul Veronèse, du Tintoret, qui représentent les doges à genoux rendant grâces à Dieu et à la Sainte-Vierge des victoires qu'ils ont remportées, sont aussi nombreux que ceux qui les représentent dans l'attitude du commandement et du combat.
Palais des Doges de Venise
Le Tintoret - (Jacopo Robusti, dit Tintoretto – 1518-1594) maître vénitien – La dernière Cène (Évangile selon St-Luc 22,14)
Le Tintoret - (Jacopo Robusti, dit Tintoretto – 1518-1594) maître vénitien – L`évanouissement de la Reine Esther devant Assuérus (Esther 5,2 – Ancien Testament)
Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588) – La conversion de Marie-Madeleine (Évangile de St-Luc 7,48)
Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588) – Le souper à Emmaüs ( Évangile de St-Luc 24,30)
Tiziano Vecellio ou le Titien – (1488 à 1576) – Vierge a l`enfant et des Saints
Tiziano Vecellio ou le Titien – (1488 à 1576) – L`Annonciation (Évangile selon St-Luc 1,26)
Ainsi les chefs-d'oeuvre des arts retracent les chefs-d'oeuvre de la valeur et de la piété. Des hauteurs du clocher de Saint-Marc j'ai joui d'une belle vue sur Venise, sur les îles qui l'environnent et lui servent d'avant-garde, sur la mer Adriatique, et enfin sur les Alpes du Tyrol.
Vue sur Venise à partir du clocher de St-Marc
Italie, terre merveilleuse qui ne cesse d'enfanter toutes les sortes de gloire et qui, loin d'être épuisée par de si riches moissons, est, j'en ai la conviction, toujours disposée à reproduire de nouvelles merveilles, reçois mon hommage ! Nul ne t'en offrit jamais un plus sincère, et, j'ose le dire, plus juste et plus complet. Oui, l'Italie nous a tout appris et elle nous conserve tout, théologie, science, poésie, beaux-arts. Les Italiens ont créé les modèles en tous genres; que l'orgueil des autres nations s'en indigne, j'en suis fâché , mais voici ce que j'ose affirmer : aucun peuple n'a rien à comparer, en théologie, à saint Thomas; en poésie, au Dante; en peinture, à Raphaël; en architecture, à Michel-Ange et à Palladio.
Dernière édition par MichelT le Jeu 5 Oct 2023 - 2:59, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: Un voyageur catholique en Italie: Art, Architecture, culture catholique, ect ( Images, musique et vidéos)
15 – Vérone ( Verona)
Vérone
Verona et Vicenza en Vénétie dans le nord-est de l`Italie
Vérone aux grandes tours, aux grandes murailles crénelées, en regard des hautes Alpes crénelées aussi et qui semblent lui former, d'un côté, comme un second et magnifique rempart; Vérone, à l'aspect classique et pittoresque, parle vivement à l'imagination. Un autre caractère particulier de Vérone, c'est qu'elle a toujours été l'asile des illustres infortunes.
Les proscrits poursuivis par les haines de famille, de cité ou de nation, ont trouvé chez elle, à différentes époques, un généreux refuge. Juliette et Roméo, victimes des haines de leur famille, le Dante, victime des factions qui déchiraient Florence, enfin Louis XVIII, chassé par les révolutionnaires, se réfugièrent à Vérone, et l'on peut encore trouver les traces de ces illustres proscrits.
Comment ne pas admirer la place de Vicence et cette superbe basilique Basilica Palladiana de Andrea Palladio, chef-d'oeuvre du grand architecte, et cette tour si élevée, si gracieuse, si légère, et la Logetta et le Mont-de-Piété, et les deux colonnes qui ajoutent encore à l'effet pittoresque de la place?
La Basilique palladienne (Basilica Palladiana) de la ville de Vicenza par Andrea Palladio, était un palais de Justice et le siège du gouvernement et a été construit a partir du 15 eme siècle
Il y a à Vicence comme à Bologne une longue file d'arcades par laquelle on arrive à la Madona del Monte, dédiée à la Sainte-Vierge, dont le culte est en grande vénération.
Vicenza - Santuario di Monte Berico (Madona del Monte) dédié a la Sainte Vierge Marie
16 – Parme (Parma)
Ici se trouve le palais des Farnèse.
Palazzo della pillotta, le palais fut construit vers 1583, durant les dernières années du règne du duc Ottavio Farnese
Mais l'immortel souvenir , ou si l'on veut l'immortel souverain de Parme , c'est le peintre la Corrège ! Beau privilège du génie! Il possède une royauté immortelle!
Le dôme de Parme (italien : Duomo di Parma) est une cathédrale de Parme, en Émilie-Romagne, Italie. Il s'agit d'une importante cathédrale romane italienne dont la coupole, en particulier, est décorée par une fresque du peintre Le Corrège.
Le dôme de Parme
Le dôme de Parme
Mais je viens de voir une Vierge avec l'enfant Jésus; c'est un repos en Égypte; jamais la grâce plus belle encore que la beauté n'a trouvé un pareil interprète. La lumière du Corrège est vraiment chose étonnante.
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) – Le repos de la St-Vierge Marie et de St-Joseph pendant la fuite en Égypte
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) - La St-Vierge Marie priant l'enfant Jésus
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) - La nuit Sainte
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) – Descente de la Croix
Dans peu de jours je repasse les Alpes et mon voyage en Italie se termine ici.
Fin
Vérone
Verona et Vicenza en Vénétie dans le nord-est de l`Italie
Vérone aux grandes tours, aux grandes murailles crénelées, en regard des hautes Alpes crénelées aussi et qui semblent lui former, d'un côté, comme un second et magnifique rempart; Vérone, à l'aspect classique et pittoresque, parle vivement à l'imagination. Un autre caractère particulier de Vérone, c'est qu'elle a toujours été l'asile des illustres infortunes.
Les proscrits poursuivis par les haines de famille, de cité ou de nation, ont trouvé chez elle, à différentes époques, un généreux refuge. Juliette et Roméo, victimes des haines de leur famille, le Dante, victime des factions qui déchiraient Florence, enfin Louis XVIII, chassé par les révolutionnaires, se réfugièrent à Vérone, et l'on peut encore trouver les traces de ces illustres proscrits.
Comment ne pas admirer la place de Vicence et cette superbe basilique Basilica Palladiana de Andrea Palladio, chef-d'oeuvre du grand architecte, et cette tour si élevée, si gracieuse, si légère, et la Logetta et le Mont-de-Piété, et les deux colonnes qui ajoutent encore à l'effet pittoresque de la place?
La Basilique palladienne (Basilica Palladiana) de la ville de Vicenza par Andrea Palladio, était un palais de Justice et le siège du gouvernement et a été construit a partir du 15 eme siècle
Il y a à Vicence comme à Bologne une longue file d'arcades par laquelle on arrive à la Madona del Monte, dédiée à la Sainte-Vierge, dont le culte est en grande vénération.
Vicenza - Santuario di Monte Berico (Madona del Monte) dédié a la Sainte Vierge Marie
16 – Parme (Parma)
Ici se trouve le palais des Farnèse.
Palazzo della pillotta, le palais fut construit vers 1583, durant les dernières années du règne du duc Ottavio Farnese
Mais l'immortel souvenir , ou si l'on veut l'immortel souverain de Parme , c'est le peintre la Corrège ! Beau privilège du génie! Il possède une royauté immortelle!
Le dôme de Parme (italien : Duomo di Parma) est une cathédrale de Parme, en Émilie-Romagne, Italie. Il s'agit d'une importante cathédrale romane italienne dont la coupole, en particulier, est décorée par une fresque du peintre Le Corrège.
Le dôme de Parme
Le dôme de Parme
Mais je viens de voir une Vierge avec l'enfant Jésus; c'est un repos en Égypte; jamais la grâce plus belle encore que la beauté n'a trouvé un pareil interprète. La lumière du Corrège est vraiment chose étonnante.
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) – Le repos de la St-Vierge Marie et de St-Joseph pendant la fuite en Égypte
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) - La St-Vierge Marie priant l'enfant Jésus
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) - La nuit Sainte
Antonio Allegri Correggio (dit Le Corrège) – Descente de la Croix
Dans peu de jours je repasse les Alpes et mon voyage en Italie se termine ici.
Fin
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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