PANÉGYRIQUE DE SAINT AMBROISE DE MILAN (Italie) – Docteur de l`Église
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PANÉGYRIQUE DE SAINT AMBROISE DE MILAN (Italie) – Docteur de l`Église
PANÉGYRIQUE DE SAINT AMBROISE DE MILAN (Italie) – Docteur de l`Église
Fête le 7 décembre – Il a vécu de 339 a 397 Ap J.C. en Italie -
Source : Nouveau Panégyrique des Saints – R. P. Claude Lion – Prêtre de l`Oratoire – Lyon 1704
Il publiera lui-même les instructions qu'il a apprises , et il mettra sa gloire dans la loi et l'alliance du Seigneur. (Ecclésiastique 39)
Il est aisé de faire l'éloge d'un homme dont toutes les vertus ont été communes; Mais il est difficile de faire celui d'un homme dont toutes les vertus ont été extraordinaires, et qui n'a jamais rien fait qui ne fût digne d'un éloge. J’avoue dans cette rencontre ma témérité d'oser entreprendre celui de St Ambroise , qui a été un illustre sujet d'admiration à tous ceux de son siècle , et de ceux qui l'ont suivi. Comme il a été un des plus éloquents Hommes , soit qu'il haranguât en plein Barreau ; quand il n'était qu'avocat ; soit qu'il prêchât dans l’Église après qu'il fut Évêque , il me met dans l'impuissance de parler dignement de lui. Ces abeilles que son Père vit reposer sur sa bouche, quand il était au berceau , furent un signalé présage qu'il serait un jour un grand homme, et que devenant un fameux Orateur, ses discours seraient plus doux le miel , et qu’un rayon plein de miel. (Psaume 18).
Lisant ses Ouvrages pleins d'érudition , de beautés , d'agréments, et partout parfumés d’agréables fleurs d'une véritable éloquence, nous aurions raison de dire de lui ce qu'un Ancien dit autrefois d'un excellent Orateur de son temps : Et ses lèvres semblables à celles de l’Épouse des Cantiques sont un rayon qui distille le miel, le miel et le lait sont sous sa langue. (Cantiques 4). Son air de bien dire était doux , délicat et charmant. C'est ce qu'il me faudrait, Chrétiens pour vous faire voir ce grand Docteur dans tout son lustre , et donner à sa vertu tout l'éclat qu'elle mérite. Pour lors , je serais assuré de réussir dans mon dessein et de contenter votre attente : mais à quoi dois-je me résoudre , faut-il me taire ? Mon silence , serait peut - être plus respectueux , et j'y trouverais mon avantage ; mais en même-temps je ne satisferais pas votre piété , et je ne remplirais pas mes devoirs et mes obligations. Non non , il ne faut pas que la grandeur du sujet me décourage , elle doit plutôt m'animer. Vous êtes déjà persuadés que tout ce que je pourrai dire est infiniment au dessous de ses mérites, et que les plus hautes louanges que je lui donnerai, ne pourront jamais être au dessus de celles qui lui sont dues.
Le portrait que j'en ferai par mes paroles ne sera qu'une ébauche grossière de celui que vous formerez dans vos esprits. Vous lui donnerez le dernier achèvement par vos justes idées , et vous ne regarderez pas tant ce que je dirai , que ce que je devrais dire. Ambroise lui-même viendra à notre secours. Il publiera par ses écrits les instructions qu'il a apprises , et nous faisant connaître qu'il a mis sa gloire dans la loi et dans l'alliance du Seigneur ; il nous fournira une ample matière pour son Panégyrique. Je ne vous promets pas d'exprimer dans ce Discours toutes les belles actions de ce grand Génie , elles sont trop en nombre, je me contenterai de vous les faire remarquer, si le St Esprit dont il était plein me favorise de ses lumières , que je lui vais demander par la sainte Vierge à qui je dis plus du coeur que de la bouche, Ave Maria.
L`empire romain au temps de Saint-Ambroise vers l`an 395 Ap J.C. - Milan est au nord de l`Italie
La sainteté de Jésus-Christ est la source de celle de ses Disciples. Ils ne sont élevés à cet honneur que par le rapport qu'ils ont à ce Souverain . Les hommes sages travaillent à devenir ce qu'il est , mais parce que la faiblesse de leur nature n'est d'une telle élévation , c'est assez pour eux que de suivre ses exemples autant qu'il est en leur pouvoir. Ils voient qu'il n'est venu sur la terre que pour nous élever au Ciel ; qu'il n'est monté sur la Croix que pour nous apprendre à vivre et à mourir. Toutes les actions de sa vie ont été des instructions pour la nôtre : sa charité qui n'avait point de bornes s'est étendue sur tous les fidèles en général et sur tous en particulier. Il s'est sanctifié pour eux , afin qu'ils fussent aussi sanctifiés en vérité.
Bien que ce soit là une obligation pour tous, elle est principalement pour les Pasteurs de l'Église qui doivent être les parfaits imitateurs de JÉSUS-CHRIST. Il faut qu'à son imitation ils puissent dire, ego sanctifico meipsum . Qu'ils se sanctifient pour les âmes que Jésus CHRIST leur a commises , et qu'ils se purifient de plus en plus non seulement pour eux mêmes, mais pour assister ceux qu'ils doivent aimer comme eux -mêmes. Saint Ambroise a été un de ces sages Pasteurs dont toute l'occupation a été de se sanctifier et de sanctifier les autres dans l'exercice de sa charge. Il a été ce grand Prêtre, dont parle l’Église , après l`Ecclésiastique , qui a plu à Dieu , qui s'est trouvé juste devant lui , qui a donné des marques de la piété , et qui a travaillé à réconcilier les Pécheurs avec Dieu , dont ils s'étaient éloignés par leurs désordres. Il a été un fidèle Ministre de nos Autels , où il immolait tous les jours la sainte Eucharistie.
Un Père plein de tendresse pour les pauvres et les misérables qu'il soulageait par ses aumônes. C'est sur ces paroles que le Pape Innocent troisième fait trois excellentes remarques pour faire le Panégyrique de saint Sylvestre , et dont je puis me servir pour faire celui de saint Ambroise. La dignité , la sainteté et l'utilité d'un grand Évêque. La dignité : C'est un Souverain Prêtre. La Sainteté : il a plu à Dieu, et il s'est trouvé juste. L'utilité : Et il a fait la paix des pécheurs avec Dieu , et il a triomphé des Hérétiques qui en étaient les Ennemis. Après la dignité il parle de la sainteté , et après la sainteté , il parle de l'utilité. Car celui qui est grand par sa dignité doit avoir les mérites de la sainteté: et celui qui a les mérites de la sainteté doit s'exercer dans la pratique des bonnes œuvres qui prouvent son utilité. De crainte que celui qui est élevé en un haut rang ne le soutienne pas par son mérite et que celui qui est innocent en son cœur , ne soit inutile en ses œuvres. Saint Ambroise a eu toutes ces belles qualités , et n'a eu aucun de ces défauts. Il a été grand par l'excellence de sa vocation à l’Épiscopat : il a été saint par la régularité de ses mœurs , et la sage conduite de son Diocèse : il a été utile à toute l’Église pour la conversion des Pécheurs , les combats contre les Hérétiques ariens , et les victoires qu'il a remportées. C'est le sujet de son Panégyrique.
Partie1
Celui que le Préfet Probe envoyait de la part de l'Empereur dans une Province de l'Italie en qualité de Gouverneur , n'est pas plutôt entré dans Milan (nord de l`Italie), qu'il est choisi pour conduire cette Ville en qualité de son Évêque et comme si ce Préfet eût été inspiré de Dieu ; Va , lui dit-il , gouverne comme Évêque et non comme juge. Cette Prophétie fut bientôt accomplie. Les Évêques Catholiques , et les Évêques Ariens ne pouvant pas s’accorder pour l'élection de celui de Milan , chacun en voulant un de sa Communion , on devait craindre que cette dispute ne devînt une sédition ; Ambroise homme d'esprit et de probité vint à l’Église pour l'empêcher ; sa présence calma tous les différends. Il exhorta les uns et les autres de faire le choix d'un homme de bien. A peine avait- il commencé son discours qu'il l’interrompit pour écouter un enfant, dont Dieu avait délié la langue , qui d'une voix plus forte et plus intelligible que celle du Gouverneur crie Ambroise Évêque.
L'assemblée s'étant réunie tour d'un coup comme par une inspiration divine, demande Ambroise pour leur Pasteur , que Dieu avait choisi par la bouche de cet enfant et quelque élevée que soit la dignité d’Évêque , il faut reconnaître que l'honneur d'y être appelé par une vocation si signalée et si extraordinaire , y ajoute encore beaucoup de splendeur. Il n'y a qu'Ambroise qui n'en tombe pas d’accord , il résiste à cette élection qui lui paraît extravagante , et peu judicieuse. Il s'en défend par son insuffisance, et son incapacité; ; qu'ayant toujours vécu en séculier , et n'étant point encore baptisé , il refusait un emploi qui demandait un homme très- versé dans les matières Ecclésiastiques , et qui eût vieilli dans la Religion ; que le choix d'un Évêque devait être l'ouvrage du saint Esprit , et non fait par la nomination d'un enfant qui n'en connaît pas l'importance ; lui seul se crût indigne de cet honneur , dont tout le monde le jugeait digne , et il augmenta l'estime qu'on avait de lui par le mépris qu'il témoigna de lui-même. Son refus renouvelle le désir de l'assemblée qui veut le porter sur le Trône Épiscopal auquel, Dieu l'avait destiné. Il improuve lui seul ce que tout le monde approuve , et pour faire changer de sentiment aux gens de bien , et condamner ce qu'ils venaient de faire, il se sert d'un stratagème qu'il crut favorable à son dessein. Il fit maltraiter un criminel en sa présence , lui qui était plein de bonté et de douceur. Il fait entrer des femmes perdues dans son Palais , lui qui avait une pureté Angélique , afin que la pensée qu'on aurait de lui d'être un cruel , et un impudique , lui fit éviter ce qu'il ne voulait pas.
Mais sa vertu était trop connue pour donner de tels soupçons , et pour laisser quelque mauvaise impression dans les esprits de ceux qui le connaissaient. Cela n'ayant pas réussi, il prend la fuite pour se dérober aux saintes persécutions qu'on lui faisait pour lui faire accepter l'Épiscopat qu'il regardait au dessus de lui , et dont il se croyait tout-à-fait indigne , et cette résolution qu'on a prise en sa faveur est si éloignée de sa pensée , qu'il la croit disproportionnée à sa faiblesse , mais on veut rendre justice à son mérite et à sa vertu . Il a beau faire , le Ciel est d'intelligence avec le peuple de Milan , qu'il coure tant qu'il voudra pendant toute une nuit vers Pavie, il est surpris le matin de se trouver aux portes de Milan , d'où il s’imaginait être bien éloigné. Il se rend à la volonté de Dieu qui lui est manifestée par tant de miracles , il consentit à cette promotion dont il se réputait très- indigne , et dont il reconnaissait les dangers ; il envisageait ce Souverain Sacerdoce avec frayeur , mais comme il n'y paraissait que du travail et de la peine à souffrir, il crut que s'il s'obstinait à le refuser il résisterait à la volonté de Dieu , et qu'une plus longue résistance serait criminelle , s'il ne la sanctifiait par une soumission sincère et volontaire. Il se ressouvint de ce qui était arrivé au prophète Jonas pour n'avoir pas obéi aveuglément à la voix du Seigneur , et que si le refus de l’Épiscopat est une vertu , l'obstination à l'accepter dans certaines conjonctures peut aussi être un crime, Les peuples se défient de lui, on lui donne des gardes , de crainte d'une seconde fuite , et par un principe d’amour et d'estime que les Milanais ont pour lui, ils veulent qu'il soit leur captif , jusques à ce qu'il soit leur maître étant consacré leur Évêque. L'Empereur Valentinien ayant appris cette élection fit en peu de mots l'éloge de l’élu qui avait été un de ses Magistrats , disant qu'il se réjouissais de ce que l'ayant jugé digne du soin de la fortune , et des biens de ses sujets , Dieu l'avait jugé digne de la conduite de leurs âmes ; et d'un juge équitable l'avoir choisi pour être un grand Prélat.
Saint Ambroise n'était que Catéchumène et il est choisi pour être Évêque ; il n'est point encore enfant de l’Église par le baptême, et il est appelé de Dieu pour être un de ses Pères. Mais parce qu'il devait être un Évêque tout extraordinaire , on ne doit pas s'étonner si sa vocation a été toute miraculeuse. Il est baptisé , et sortant des fonts du baptême ; il monte sur le Trône Épiscopal. Saint Paul écrivant à son Disciple Timothée lui défend d'élever à l’Épiscopat un Néophyte , c'est à dire un homme qui n'a reçu le baptême que depuis peu, de peur , dit - il , s'élevant d'orgueil , il ne tombe dans la condamnation du diable ; parce que ne faisant que de renaître, il n'est point affermi dans la solidité du Christianisme, et n'ayant pas l'abondance de la charité , il ne peut pas la communiquer aux autres. Mais Ambroise dont la vocation vient de Dieu , n'a pas besoin de ce ménagement. Dieu l'a rempli de ses bénédictions, et il l'a rendu capable de son emploi dès qu'il l'a appelé à l’Épiscopat , et comme quand il créa Adam il lui communiqua l'être , et en même temps il répandit en lui sa grâce et ainsi faisant de ce saint homme un nouvel Adam , il lui donne toutes les perfections de l'état auquel il le destine ; et parce qu'Ambroise n'a pas prévenu Dieu par son ambition , Dieu l'a prévenu par son amour , et ne s'étant pas engagé de lui-même aux premières fonctions de l’Église , sans ces illustres témoignages que c'était Dieu qui l'y appelait , le saint Esprit s'est répandu en lui, et l'a rendu digne d'être ce qu'il est , et Dieu fit connaître en cette rencontre que l'élection pour cette suprême dignité était son ouvrage , et non pas celui des hommes. C'est une vérité très constante dans notre Religion que quand Dieu nous élève de lui même à quelque dignité , il nous donne les moyens de la remplir dignement , et sans attendre la longueur des années , il nous en communique toutes les perfections , et toutes les vertus dès l'instant de notre élévation . Saint Ambroise en a ressenti les effets. Il est un nouveau Chrétien , et ayant l'innocence de son baptême, il reçoit des mains de Dieu la grâce de l’Épiscopat. Il ne s'est pas attribué à soi-même cet honneur , il y a été appelé de Dieu comme Aaron. Jésus - Christ , dit St Paul n'a point pris de lui-même la glorieuse qualité de Pontife ; il l'a reçue de celui qui lui a dit ; vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd’hui. Lorsque Dieu choisit Moise pour la délivrance des enfants d'Israël , il trouva un homme qui ne se jugea pas capable de ce grand emploi, qui se défia de ses forces , et qui refusa de l'accepter.
Dieu lui promit d'être dans sa bouche , et de lui apprendre tout ce qu'il aurait à dire. Saint Ambroise est un Moïse que Dieu a choisi pour la conduite de son peuple , pour parler hardiment aux Souverains, et pour s'opposer au torrent de l’iniquité. Ce grand Saint qui connaît l'importance de cette entreprise , croit qu'elle est au dessus de son pouvoir , il prend la fuite , il s'en excuse , il croit cette dignité un trop pesant fardeau pour sa faiblesse , il appréhende de succomber sous son poids, et qu'au lieu de lui donner de la facilité à faire son salut , elle ne soit la cause de sa damnation . Mais qui peut résister à la volonté de Dieu ? Ambroise ne l'a pas plutôt connue que craignant que le Seigneur ne se fâchât contre lui , comme l’Écriture nous dit, qu'il fit contre Moise, il se résout malgré son humilité d'accepter une si grande charge ; Dieu l'assurant qu'il serait dans son coeur pour l'éclairer de ses lumières , pour l'instruire de sa Doctrine, pour régler ses paroles , et pour l'assister dans toutes ses pénibles entreprises.
Partie 2
L’Église est un vaste champ, où il y a autant de vignes que de Chrétiens. Le Père Éternel en est le vigneron. C'est lui qui le cultive ; c'est lui qui a le soin de le faire porter , et l'abondance des fruits qui y naissent est l'effet de son travail et de sa culture. Tout y serait plein de ronces et d'épines , s'il ne prenait pas la peine de les arracher. La sécheresse y apporterait la désolation s'il n'ouvrait le Ciel pour en faire descendre les pluies qui sont ses grâces , pour le fertiliser par une heureuse fécondité. Il coupe, il tranche de ces vignes tout ce qui leur est inutile , et qui les empêche de produire. Les vices sont des rameaux qui les rendent stériles , et qui leur causeraient la mort si cet habile vigneron n'en faisait pas un prompt retranchement. C'est après cet utile retranchement qu'on les voit pousser des fleurs qui sont bientôt suivies de bons fruits , qui ne sont autres que les vertus et les bonnes œuvres. Cet illustre vigneron s'associe des compagnons dans cet admirable travail , dont les premiers et les principaux sont les Évêques. Il leur abandonne ce champ , il le confie à leur soin , et les faisant les coadjuteurs , il prétend qu'ils soient d'autres lui-même par leur imitation : qu'ils aient sans cesse la bêche à la main pour le cultiver , et de retrancher tout ce qui paraîtra de dangereux et de nuisible.
Saint Ambroise dont la vocation a été si surprenante , et si extraordinaire , a été un de ces vigilants ouvriers que le Père Éternel s'est associé pour cultiver la vigne de l’Église. D'abord qu'il a été honoré de cet emploi , il en a fait les fonctions, et sans faire la moindre réflexion sur la grandeur de sa dignité , il n'y a considéré que le travail qui en est inséparable. Le soin des choses temporelles qui occupent quelquefois tout un homme; ne lui donnèrent point d’empêchement; il les remit à son frère Satyre , et ne s'appliqua qu'aux spirituelles qui sont les apanages de l’Épiscopat. Les pauvres furent les premiers objets de la charité , il en devint le Père et le consolateur , et pour leur en donner des marques sensibles , il les fit possesseurs de l'argent qu'il avait retiré de la vente de ses terres . Sa charité n'était point rétrécie ; il cherchait les misérables pour les soulager, et il faisait cesser leurs misères quand elles venaient à sa connaissance. Rien n'échappait à sa vigilance. Les Captifs qui vivaient sous la servitude des Infidèles trouvèrent dans Ambroise un Rédempteur libéral ; et si pour tirer leurs corps des fers , il ne versa pas son sang , il vendit ses vases sacrés où avait reposé celui que Jésus-Christ avait versé pour la rédemption de leurs âmes. Il croyait qu'on ne pouvait pas les mieux employer que d'en faire un Sacrifice à la Charité , après avoir servi au sacrifice de celui qui est le Dieu de la Charité , sa maison était l'asile des affligés en tout-temps, à toute heure l'entrée leur était permise , et pas un ne sortait d’auprès de lui qui ne reçut la satisfaction qu'il avait espérée.
Le Paganisme n'était pas si bien détruit dans son Diocèse , qu'il n'y en eût encore quelque reste . Les racines n'en étaient pas tout-à-fait arrachées ; elles, poussaient des rejetons, Ambroise entreprit de le perdre pour jamais ,et il eut ce loisir d'avoir contribué à son entière ruine. La conversion des Pécheurs ne le touchait pas moins. Son cœur s'attendrissait sur leur aveuglement, et il demandait à Dieu par ses prières, par ses larmes, par ses jeûnes , qu'il leur fit miséricorde , et qu'il leur donnât l'esprit de Pénitence . Il les embrassait en Père, il les exhortait en Évêque , et il les reprenait en Maître. Il employait la force et la douceur selon les différentes occurrences , et il accompagnait ses entreprises de tant de Charité , que les bons se réglant sur ses actions devenaient meilleurs , et les méchants suivant ses avis ne pensaient qu'à mieux régler leur vie ; il bannissait l’impiété de son Diocèse , et quand il trouvait de ses fauteurs , il ne les souffrait point dans leurs dérèglements , et il conduisait si adroitement toutes choses , qu'il acquérait l'estime des plus impies en combattant leur désordre ; et persuadés qu'ils étaient qu'il ne cherchait que leur avantage , ils n'avaient plus d'autre volonté que la sienne qui était l'accomplissement de leur bonheur, Il n’épargnait pas les Souverains , et se considérant comme leur Pasteur , aussi -bien que de leurs sujets , il les traitait comme ses ouailles , et s'il avait pour eux le respect qui leur était dû , il leur faisait connaître dans les rencontres quand ils s’écartaient de leur devoir , qu'il avait droit de les y faire rentrer en qualité de leur Pasteur.
L'action du grand Théodose (empereur romain chrétien) est trop éclatante pour être oubliée, Ce Prince irrité contre les séditieux de Thessalonique ( Grèce) leur en fait ressentir le châtiment par le meurtre d'environ sept mille personnes sans aucune distinction de sexe , d'âge et de qualité , les innocents périssent avec les coupables ; les étrangers qui n'avaient aucune part dans la faute se trouvèrent enveloppés dans la punition. Ce n'était pas punir un crime par les lois de la justice , mais assouvir la vengeance par l’excès d'une brutale fureur. La nouvelle en vint à Milan , on y eut horreur d'une action si cruelle , et on blâma celui qui en était l’Auteur. Saint Ambroise refuse l'entrée de l’Église à l'Empereur quand il y vient se présenter après cet horrible carnage. Il lui fait comprendre l'énormité de son crime. L'Empereur en est touché, et après avoir imité le roi David en son péché, Ambroise le porte à l'imiter en la Pénitence. Théodose l'accepte ; il se retire en son Palais où pendant huit mois il у vécut en pénitent baigné dans ses larmes ,ne s’apercevant presque pas qu'il fût Empereur. Ce fut dans cette rencontre qu'Ambroise soutint l’honneur de l’Épiscopat , et que Théodose se rendit recommandable à toute la postérité par sa soumission , et son obéissance aux ordres de son Évêque. Cet Empereur qui avait vaincu tant de nations se vainquit lui-même, et devenant le glorieux exemple des Pénitents , il fut le plus glorieux triomphe du zèle de saint Ambroise.
Saint Ambroise refuse l`entrée dans son Église a l`empereur romain Théodose a cause du massacre de Thessalonique
L'un apprit aux Rois et aux Souverains, la déférence qu'ils devaient avoir aux règles de l’Église ; et l'autre apprit aux Évêques de tous les siècles la fermeté avec laquelle ils devaient les maintenir contre les puissances de la terre , et les faire observer malgré même leur résistance. Son Clergé reprit une nouvelle face , et la Sainteté du chef s'écoula bientôt sur les membres , et on vit dans tous les États , un admirable changement de vie. Combien de fois l'a- t'on vu faire des voyages à la Cour , pour les affaires pressantes de son Diocèse ; et la quitter d'abord qu'elles étaient terminées sans s'y arrêter un moment ? Il savait qu'ayant été fait Évêque , il n'était plus courtisan . Que ce lieu de faste et de vanité était interdit à ceux dont la profession était de vivre dans la pauvreté de JÉSUS- CHRIST, et dans l'humilité de la Croix ; qu'on n'y faisait guère de bien , et qu'on s'y mettait en danger d'y faire beaucoup de mal; que bien loin d'y profiter aux autres , on nuisait le plus souvent à soi-même , et qu'un Évêque qui ne doit écouter que la parole de Dieu , ne doit pas faire une longue résidence dans un endroit où on n'entend parler que le langage du monde ; et qu'un Évêque enfin qui ne doit ouvrir la bouche ni remuer la langue que pour donner sans cesse des louanges à Dieu , se trouve engagé à profaner l'une et l'autre par des paroles flatteuses indignes de son caractère s pour acquérir l'estime ou l'amitié de son Souverain , et devenir par là plus riche par quelques unes de ses gratifications.
Notre grand Évêque saint Ambroise a rempli parfaitement tous ses devoirs ; il accompagnait ses paroles de ses actions , et s'il se voit bien dire , il savait encore mieux faire . il montait souvent en chaire pour instruire ses diocésains de leurs obligations, et tant de Sermons si beaux , et si éloquents , qui sont dans ses Ouvrages, étaient l'excellente pâture dont cet admirable Pasteur engraissait son troupeau , il savait excellemment dispenser les richesses du discours , et se rendre maître des affections des hommes , et parce qu'il était une lampe de l’Église il éclairait et il brûlait. Sa vie était une brillante lumière qui éclairait ceux qui voulaient marcher dans le chemin de la vertu , et ses discours étaient un feu ardent qui échauffait les cœurs , et qui faisant un salutaire incendie qui détruisait le péché , il ne se contentait pas d'inspirer l'amour de Dieu dans les autres , il tâchait de le faire régner dans soi-même, et il faisait en sorte que toutes ses actions fussent des pratiques de quelque vertu , et que leur exemple servît pour la conversion des pécheurs, et de modèle pour animer de plus en plus les innocents à continuer à bien faire . N'est- il pas vrai , Chrétiens, que si ceux qui sont honorés d'une même dignité que saint Ambroise, voulaient le prendre pour leur modèle , ils auraient de grands exemple a imiter.
Il ne cherchait pas la pompe dans ses habits. Ses meubles étaient vils et communs et il n'établissait pas la dignité de son ministère sur la magnificence de sa table ou de ses meubles , mais sur l'innocence de sa vie . Je sais que nous avons dans ce temps, de fidèles imitateurs de saint Ambroise , qui ont la sainteté en partage , et dont la régularité des moeurs édifie toute l’Église ; qui étant les vicaires de l'amour de Jésus-Christ, comme les appelle notre Saint , sont pleins de son zèle et de sa Charité , qui apprennent aux autres ce qu'ils doivent à leur Ministère et ce qu'ils se doivent à eux -mêmes; qui sont de vrais Pasteurs , et qui semblables à saint Ambroise veillent sur leur troupeau , et prennent les armes de la Doctrine pour le défendre de ses ennemis , et c'est ce que nous allons voir en peu de mots en la personne de ce grand Saint , qui a été si utile à l’Église par les combats qu'il a livré ou soutenus contre les Hérétiques qui en font les plus dangereux ennemis , et par les victoires remportées et les Triomphes mérités.
Quoique l’Église soit toute belle et pleine de douceur elle est aussi terrible comme une armée rangée en bataille. Elle est douce ,et charmante pour son Époux JÉSUS- CHRIST à cause de la beauté : mais elle a une sainte fierté pour les étrangers, et elle donne de la terreur à ses ennemis , qui osent attaquer la pureté de sa Doctrine. Elle se met en défense pour la conserver toujours saine et entière ; et quand elle s'aperçoit qu'on lui veut faire violence , elle demeure inébranlable , et repousse avec ardeur les coups qu'on lui porte , et les traits envenimés qu'on lui lance : les Évêques sont ses Capitaines , et ses Soldats , qui sont nuit et jour posés en sentinelle : ils sont continuellement aux aguets ; ils prévoient les endroits dangereux qui pourraient favoriser les Ennemis, et c'est par leur vigilance qu'elle est en sûreté , et qu'elle se promet la victoire dans toutes les attaques. Les Hérétiques en sont les ennemis déclarés . Ils lui dénoncent la guerre , et ils font tous leurs effort pour la détruire et pour la ruiner : l'Enfer leur fournit les armes du mensonge et de l'iniquité , dont ils se servent dans les combats. Mais nos saints Évêques qui sont les Docteurs éclairés de l’Église sont aussi les formidables défenseurs ils soutiennent hardiment leurs insultes ou quand ils le trouvent à propos ils les forcent dans leur retranchement , et ils les forcent de leur abandonner le champ de bataille.
Saint Ambroise, hardi Capitaine et Soldat, des mieux aguerris, s'opposa aux impiétés des Ariens , armé de la foi , et de la prière , qui sont les armes les meilleures de l’Église, comme le dit notre Saint. Ses paroles étaient des flèches aiguës qui renversaient leurs raisonnements. Il les poursuivit avec tant de vigueur , qu'il ne leur donna point de repos. Dans les disputes réglées , il faisait paraître cette science profonde et cette éloquence mâle , que nous admirons encore dans ses excellents ouvrages si polis et pleins d'esprit . Il parlait avec tant d'érudition , qu'il semblait ne rien ignorer. Il accompagnait ses discours de beaucoup de retenue et de modestie , afin de porter à Dieu le coeur de les adversaires ; mais aussi avec beaucoup de fermeté et de force, pour ruiner le mensonge et faire triompher la vérité, il ne combattait pas pour la gloire du Triomphe , mais pour le renversement de l'erreur . Il fut si heureux que la victoire suivit partout ses combats. Il eut assez de courage pour ne pas céder à la volonté de l’Impératrice romaine Justine, qui favorisait les Ariens. Elle ne pût rien obtenir de lui , ni par les menaces de l'exil , ni par la crainte de la mort , dont on croyait l'intimider ; il n’ignorait pas quelle était la puissance de l’Impératrice ; mais aussi il n'ignorait pas quelle devait être la constance , et l’intrépidité d'un Évêque , quand il s'agissait de la gloire de Dieu , et de l'honneur de l'Église . Il disait avec une sainte hardiesse , qu'il lui était peu important de perdre la vie pour qu'il gardât à son Dieu , et à son Église, la fidélité qu'il leur devait , et que quelque violence qu'on lui put faire il la souffrirait pour la défense de la vérité , sans se plaindre de l'injustice de ce mauvais traitement. Il soutint l'honneur de l’Église, et il en défendit les droits sans sortir du respect qu'il devait à sa Souveraine. Il revint du combat , Triomphant de ses ennemis , après leur avoir enlevé la Basilique qu'ils avaient usurpée.
Note: Justine (Flavia Justina Augusta), impératrice romaine de 368 a 375, qui épousa successivement l'usurpateur Magnence, l'empereur Valentinien Ier en 368 et après la mort de ce dernier, fit proclamer son fils Valentinien II empereur, avec qui Gratien consentait à partager l'empire. Elle était de la religion de l`hérésie arienne.
Le Peuple pénétré de joie lui applaudissait par mille acclamations de louange ; et lui animait son Peuple à vivre conformément à la foi qu'il avait si courageusement défendue , et il fit paraître une grandeur d’âme toute Chrétienne , et toute héroïque par le mépris de tous les applaudissements de son Peuple , rapportant toute la gloire de ses combats à celui pour lequel il les avait entrepris. Il élevait son esprit au dessus des honneurs et des louanges, et il négligeait autant de les recevoir qu'il avait soin de s'en rendre digne. Les Ariens honteux de leur défaite, et enragés de la victoire d'Ambroise , résolurent de se défaire de lui ; ils gagnèrent un jeune homme qui se chargea de l'assassiner dans la maison Épiscopale ; il ne lui fut pas difficile de l'aborder , puisqu'elle était toujours sans garde. Ce meurtrier se glissa dans la chambre du Prélat , l'épée à la main ; et quand cet assassin voulut le frapper, son bras se sécha , comme celui de Jéroboam , quand il l'étendit contre le Prophète ; et il ne peut plus le retirer à soi, il est tout effrayé ; pressé du remords de la conscience, il commence à trembler ; il se jette aux pieds du Saint, comme pour implorer sa miséricorde, il est touché d'une vive douleur , il confesse son crime , et par des paroles entrecoupées de cris et de sanglots il en demande le pardon. Ambroise le lui accorde et lui redonne le mouvement de son bras. Ce miracle qui devait opérer la conversion de tous les Ariens, les endurcit dans leurs erreurs ; et ce prodige de la guérison miraculeuses de ce bras , par celui qui l'avait rendu sec , aurait dû les faire rentrer en eux-mêmes.
Mais selon la remarque de Saint Paul , comme tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu jusques au mal et au péché qui est suivi de Pénitence , comme on l'a vu dans les plus grands Saints, ainsi tout nuit à ceux qui ne l'aimes pas jusqu'au bien et aux miracles même. Je ne parle point d'un Jovinien vaincu , et de ses hérésies abattues et exterminées : je ne parle point d'un Symmaque terrassé, qui demandait le rétablissement du culte des faux dieux romains , par celui de l'Autel de la victoire , et qui se promettait l’entérinement de la Requête artificieusement appuyée par la force de son éloquence trompeuse , mais qui ne peut résister à celle d'Ambroise toute -puissante ; qui lui fit perdre pour jamais l’espérance de ses prétentions et de ses demandes. Il faut avouer , Chrétiens, qu'entre tous les Triomphes de saint Ambroise , il n'y en a point qui soit plus célèbre , et qui lui soit plus honorable que l’enlèvement d'Augustin à l’hérésie des Manichéens (le futur Saint Augustin – docteur de l`Église). La conversion de ce grand Docteur est le couronnement de la Doctrine et de l'éloquence de notre grand Évêque. C'est là l’achèvement de la gloire : c'est - là le terme de ses grandeurs c'est - là la consommation de ses victoires ; puisque donnant Augustin à l’Église , il procure à cette épouse de Jésus-Christ , un zélé et un insigne destructeur des Hérétiques qui en sont les ennemis jurés , les plus cruels et les plus terribles.
Saint-Augustin d`Hippone (354 a 430 Ap J.C.) - un des grands docteurs de l`Église a été converti a la foi catholique par Saint-Ambroise - auteur du livre - La Cité de Dieu - Les Confessions et plusieurs autres
La réputation des mérites d'Ambroise , de sa vertu , et de sa science , est si étendue par tout l'Univers , que quelques Seigneurs persans attirés par sa renommée quittent leur pays , et ils entreprennent un long voyage pour contenter leur louable curiosité ; les grandes choses qu'ils avaient entendu dire de lui furent un attrait puissant pour les engager à se venir informer de la vérité, et s'éclaircir de plusieurs difficultés qu'ils avaient à lui proposer , soit pour leur conduite ou pour le règlement des mœurs. Ils furent dans une profonde admiration des dons éminents de sagesse et d'intelligence qui éclataient , et dans ses paroles , et dans ses actions: ils étaient ravis de l'entendre discourir , et satisfaits de ses entretiens, ils s'en retournent pleins d’estime et de vénération , ce qu'ils virent de leurs yeux et entendirent de leurs oreilles surpasse de beaucoup ce que la renommée leur en avait appris. Ils virent en lui toutes les qualités d'un grand Évêque , et toutes les sciences des plus habiles Docteurs. Ils admirèrent en cet homme la douceur d'un Moïse , l'éloquence d'un Aaron , le zèle d'un Phinée , la force d'un Samson , les combats d'un Gédéon , les victoires d'un Josué , la sagesse d'un Salomon , la bonté d'un David , et pour le plus haut comble de la gloire ils admirèrent en lui un modèle achevé des Évêques , et un parfait imitateur de Jésus-Christ , car comme il dit lui-même, c'est de Jésus- Christ que nous devons apprendre la pratique de la vertu.
Imitons Saint Ambroise de Milan, puisqu'il a si parfaitement imité le Sauveur de nos âmes. Si nous ne pouvons pas l'imiter en tout, du moins que ce soit en la charité pour les pauvres , en les soulageant dans leurs misères, et dans leurs nécessités, l'amour que nous aurons pour eux fera paraître celui que nous avons pour Jésus- Christ, qui ne laissant jamais le bien sans récompense, nous donnera son Paradis , que je vous souhaite - Amen
Exemple des écrits de Saint-Ambroise de Milan
Source : Saint-Ambroise Archevêque de Milan – Lille - 1852
CHAPITRE XIX .
Nécessité de combattre le monde et la chair , — Fuir la volupté. –Combattre les premières atteintes du vice. – Joug des passions. — Esclavage du péché. — Paix des âmes justes.
Mais il est des princes de l'air et des puissances du monde qui travaillent à nous arracher en quelque sorte de cette forteresse de l'âme, qui s'opposent à nos pas quand nous marchons dans le droit chemin , et qui, lorsque nous voulons nous élever , cherchent à nous renverser et à nous rejeter sur la terre. Nous devons d 'autant plus diriger notre âme vers les sublimes régions et tendre avec plus d 'ardeur là où le Verbe de Dieu nous conduit. Lorsqu' ils t'offrent les biens du monde pour enchaîner ton âme, relève- toi avec plus de force et tourne tes pas vers Jésus-Christ. Ils présentent à tes désirs l'or , l'argent , le bien de ton prochain , afin que pour les acquérir tu refuses le festin de celui qui t'a invité aux noces du Verbe. Mais garde- toi de refuser cette fête ; revêts la robe nuptiale et rends-toi au festin , de peur que le riche qui t'avait invité , et que tu refuses pour t'occuper des intérêts de ce monde n 'en invite d'autres à ta place et ne t'exclue de sa maison . Les puissances du monde te présentent aussi les honneurs pour élever ta vanité comme celle d 'Adam ; et alors , en voulant égaler Dieu en puissance , tu mépriserais ses préceptes et tu perdrais ce que tu possédais déjà : « car , à celui même qui n 'a pas , ce qu' il a lui sera ôté. »
Combien de fois , dans la prière , dans l'acte qui nous permet d'approcher le plus près de Dieu , ne se présentent pas à nous les choses les plus obscènes ou les plus criminelles pour nous détourner de notre ferveur ! Combien de fois l'ennemi ne cherche-t- il pas à s'insinuer dans notre cœur , pour nous éloigner d 'une volupté sainte ou de pieuses résolutions ! Combien de fois n 'enflamme- t- il pas en nous les ardeurs de la chair ! Combien de fois ne présente -t -il pas à nos yeux des objets capables de tenter les chastes affections du juste , pour frapper d 'un trait imprévu de l'amour profane son cœur sans défiance ! Combien de fois ne fait-il pas entrer dans notre esprit des paroles iniques et des pensées impies , cachées au fond du cœur; de ces paroles dont la suprême loi a dit : « Prends garde qu'il ne s'élève du fond de ton cœur des paroles impies , » et que le Seigneur ne puisse te dire : « Pourquoi de mauvaises pensées s'agitent-elles dans ton cœur ? » Prends garde au milieu de l'abondance ; l'or , l'argent, les riches moissons, les honneurs s'accumulent autour de loi ; garde toi de dire : « C 'est ma force qui m 'a donné tous ces biens», et d 'oublier le Seigneur ton Dieu Et ce sont là les choses qui retiennent sans cesse l'âme qui cherche à s'élever : « courageux fidèle du Christ , » sache rejeter tout ce qui est au - dessous de toi, mépriser tout ce qui est de la terre et marcher avec force vers le ciel et l' éternité . Élève ton âme pour que l'appât qui couvre le piège ne la tente pas. Les voluptés du siècle sont aussi une espèce de nourriture , et malheureusement elles sont la nourriture du mal, la nourriture des tentations .
En courant après la volupté, nous courons au -devant des filets : car l’œil de la courtisane est un piège pour l'homme qui la regarde : donc cet oeil doit être évité ; et les paroles aussi de la courtisane sont comme l'appât qui recouvre le piège; elles paraissent douces d'abord à la bouche, mais bientôt elles la déchirent par l'amertume d'une conscience coupable. La richesse mal acquise est également un piège, car elle séduit. Toutes les voies de cette vie sont pleines de pièges : aussi le Juste s'écrie : « Dans ce chemin où je marchais ils m 'ont tendu des pièges ; ils les ont cachés sous le chemin même. » Suis donc cette autre voie qui dit elle -même: « Je suis la voie , la vérité et la vie ; » et tu pourras dire alors : « Dieu a converti mon âme, il m 'a conduit dans les sentiers de la justice pour la gloire de son nom . » Que tout ce qui est du siècle meure donc pour nous ; et « qu 'elle meure aussi cette fausse sagesse de la chair , qui est ennemie de Dieu . » Soumettons notre âme à Jésus-Christ seul, et alors nous pourrons dire avec le roi prophète : « Mon âme n 'est elle pas soumise à Dieu ? Elle n 'est plus sujette ni du siècle ni du monde. » L 'homme avide ou avare ne peut en dire autant : cette parole n 'appartient qu'à l'homme juste et continent. L 'avare dit : « Mon âme, tu es riche en biens, tu es pourvue pour longtemps, repose -toi, mange , bois , fais bonne chère. » Et l'avare parle ainsi parce que son âme est soumise aux plaisirs de la chair , tandis que l'âme du juste ne se sert du corps que comme d'un instrument destiné à un magnifique concert , et qu'elle sait , ainsi qu 'un artiste habile , faire obéir à toutes ses volontés.
Elle dirige ses modulations d 'accord avec ses pensées ; elle lui fait exprimer la voix des vertus qu'elle préfère : tantôt l'accent de la chasteté , tantôt celui de la tempérance , le chant de la sobriété , le bonheur de l'intégrité , la virginité suave, la gravité du veuvage. Quelquefois cependant l'artiste s'attendrit aux sons qu'il produit lui-même: que le chant donc soit pur pour que l'impression qu 'il produit soit également pure ; car celui qui voit se laisse toucher par ce qu'il voit , et celui qui écoute par ce qu 'il écoute : aussi l'Écriture dit : « Que ton oeil ne regarde que le bien ; » et plus loin elle dit encore : « Ne t'approche pas trop souvent de l'étrangère ; que les yeux ne s'arrêtent point sur la jeune fille ; que tes oreilles n 'écoutent point la courtisane. » Veillez sur les premières atteintes du vice, si vous ne voulez pas qu'il s'enracine et se fortifie. Qui tombe dans la vase s'y enfonce davantage , à moins qu'il ne s'en retire sur-le - champ. Il en résulte une langueur qui finit bientôt par écraser l'âme et abat toutes ses forces. C 'est un poison secret qui ne tue pas, mais qui consume. Notre péché est notre plus grand ennemi; il nous trouble dans notre repos, nous afflige dans la santé , nous attriste dans la joie , nous inquiète durant le calme; il mêle l'amertume à nos jouissances et nous réveille dans le sommeil. Nous sommes convaincus sans accusateur , tourmentés sans bourreau , garrottés sans chaînes. Nos péchés s'élèvent contre nous. On passe de l'un à l'autre , comme un esclave vendu à divers maîtres ; il ne recouvre point la liberté , il ne fait que changer de joug. . Le mal retombe toujours sur son auteur , comme les petits des vipères commencent par déchirer le sein de leur propre mère en venant au monde .
Il parle : sa conscience lui répond par de secrets remords. Le serpent du moins ne fait du mal qu 'aux autres ; le pécheur se nuit surtout à lui-même. Rien de plus dur que de craindre ce qu'il est impossible d 'éviter et de ne pouvoir échapper à ce que l'on craint, Chacun de nos péchés , exacteur sévère qui ne nous donne aucun relâche , créancier avide , qui s'acharne à son débiteur; tyran impitoyable , qui nous réduit à la plus dure captivité. Que la paix de Dieu , laquelle surpasse toute intelligence , conserve et garde vos cœurs , nous dit l'Apôtre . Le fruit de la paix , c'est d' éloigner de l'âme le trouble qui l'agite. Le pécheur est plus tourmenté par ses soupçons et par ses craintes que les autres ne le sont par les mauvais traitements qu 'ils peuvent recevoir d 'autrui. Et c'est un avantage incomparable de posséder la paix de l'âme et d 'être en parfaite harmonie avec soi-même. Un état qui est en paix en est redevable , soit à la sagesse de son prince , soit à la victoire , soit à la mort de quelqu'un des ennemis . Il n 'y a rien à tout cela qui suppose aucun mérite personnel à ceux qui en jouissent. C 'est le sort des évènements humains. Tout au plus dans le premier cas peut -on en faire honneur à la sage conduite de celui qui gouverne. Mais la paix dont il s'agit ici nous appartient tout entière : elle suppose la victoire sur nos passions. Elle a des résultats bien autrement précieux , car il est question ici de puissances spirituelles bien plus redoutables que des armées étrangères. Il y a bien plus de gloire à soumettre les sens qu'à subjuguer des barbares , parce qu' il en coûte plus pour résister à un ennemi que l'on renferme au -dedans de soi, qu'à celui qui est en dehors. Toute passion fait des esclaves. Qui commet le péché se met sous le joug du péché , nous dit l’Apôtre ; non d 'un seul péché , mais de plusieurs à la fois , tyrans cruels , auxquels il devient difficile d' échapper : tandis que celui qui sait déterminer sa volonté dans le bien , dompter ses sens et commander à ses passions, mener une vie irréprochable ; celui là , toujours maître de lui-même, est vraiment libre .
Fête le 7 décembre – Il a vécu de 339 a 397 Ap J.C. en Italie -
Source : Nouveau Panégyrique des Saints – R. P. Claude Lion – Prêtre de l`Oratoire – Lyon 1704
Il publiera lui-même les instructions qu'il a apprises , et il mettra sa gloire dans la loi et l'alliance du Seigneur. (Ecclésiastique 39)
Il est aisé de faire l'éloge d'un homme dont toutes les vertus ont été communes; Mais il est difficile de faire celui d'un homme dont toutes les vertus ont été extraordinaires, et qui n'a jamais rien fait qui ne fût digne d'un éloge. J’avoue dans cette rencontre ma témérité d'oser entreprendre celui de St Ambroise , qui a été un illustre sujet d'admiration à tous ceux de son siècle , et de ceux qui l'ont suivi. Comme il a été un des plus éloquents Hommes , soit qu'il haranguât en plein Barreau ; quand il n'était qu'avocat ; soit qu'il prêchât dans l’Église après qu'il fut Évêque , il me met dans l'impuissance de parler dignement de lui. Ces abeilles que son Père vit reposer sur sa bouche, quand il était au berceau , furent un signalé présage qu'il serait un jour un grand homme, et que devenant un fameux Orateur, ses discours seraient plus doux le miel , et qu’un rayon plein de miel. (Psaume 18).
Lisant ses Ouvrages pleins d'érudition , de beautés , d'agréments, et partout parfumés d’agréables fleurs d'une véritable éloquence, nous aurions raison de dire de lui ce qu'un Ancien dit autrefois d'un excellent Orateur de son temps : Et ses lèvres semblables à celles de l’Épouse des Cantiques sont un rayon qui distille le miel, le miel et le lait sont sous sa langue. (Cantiques 4). Son air de bien dire était doux , délicat et charmant. C'est ce qu'il me faudrait, Chrétiens pour vous faire voir ce grand Docteur dans tout son lustre , et donner à sa vertu tout l'éclat qu'elle mérite. Pour lors , je serais assuré de réussir dans mon dessein et de contenter votre attente : mais à quoi dois-je me résoudre , faut-il me taire ? Mon silence , serait peut - être plus respectueux , et j'y trouverais mon avantage ; mais en même-temps je ne satisferais pas votre piété , et je ne remplirais pas mes devoirs et mes obligations. Non non , il ne faut pas que la grandeur du sujet me décourage , elle doit plutôt m'animer. Vous êtes déjà persuadés que tout ce que je pourrai dire est infiniment au dessous de ses mérites, et que les plus hautes louanges que je lui donnerai, ne pourront jamais être au dessus de celles qui lui sont dues.
Le portrait que j'en ferai par mes paroles ne sera qu'une ébauche grossière de celui que vous formerez dans vos esprits. Vous lui donnerez le dernier achèvement par vos justes idées , et vous ne regarderez pas tant ce que je dirai , que ce que je devrais dire. Ambroise lui-même viendra à notre secours. Il publiera par ses écrits les instructions qu'il a apprises , et nous faisant connaître qu'il a mis sa gloire dans la loi et dans l'alliance du Seigneur ; il nous fournira une ample matière pour son Panégyrique. Je ne vous promets pas d'exprimer dans ce Discours toutes les belles actions de ce grand Génie , elles sont trop en nombre, je me contenterai de vous les faire remarquer, si le St Esprit dont il était plein me favorise de ses lumières , que je lui vais demander par la sainte Vierge à qui je dis plus du coeur que de la bouche, Ave Maria.
L`empire romain au temps de Saint-Ambroise vers l`an 395 Ap J.C. - Milan est au nord de l`Italie
La sainteté de Jésus-Christ est la source de celle de ses Disciples. Ils ne sont élevés à cet honneur que par le rapport qu'ils ont à ce Souverain . Les hommes sages travaillent à devenir ce qu'il est , mais parce que la faiblesse de leur nature n'est d'une telle élévation , c'est assez pour eux que de suivre ses exemples autant qu'il est en leur pouvoir. Ils voient qu'il n'est venu sur la terre que pour nous élever au Ciel ; qu'il n'est monté sur la Croix que pour nous apprendre à vivre et à mourir. Toutes les actions de sa vie ont été des instructions pour la nôtre : sa charité qui n'avait point de bornes s'est étendue sur tous les fidèles en général et sur tous en particulier. Il s'est sanctifié pour eux , afin qu'ils fussent aussi sanctifiés en vérité.
Bien que ce soit là une obligation pour tous, elle est principalement pour les Pasteurs de l'Église qui doivent être les parfaits imitateurs de JÉSUS-CHRIST. Il faut qu'à son imitation ils puissent dire, ego sanctifico meipsum . Qu'ils se sanctifient pour les âmes que Jésus CHRIST leur a commises , et qu'ils se purifient de plus en plus non seulement pour eux mêmes, mais pour assister ceux qu'ils doivent aimer comme eux -mêmes. Saint Ambroise a été un de ces sages Pasteurs dont toute l'occupation a été de se sanctifier et de sanctifier les autres dans l'exercice de sa charge. Il a été ce grand Prêtre, dont parle l’Église , après l`Ecclésiastique , qui a plu à Dieu , qui s'est trouvé juste devant lui , qui a donné des marques de la piété , et qui a travaillé à réconcilier les Pécheurs avec Dieu , dont ils s'étaient éloignés par leurs désordres. Il a été un fidèle Ministre de nos Autels , où il immolait tous les jours la sainte Eucharistie.
Un Père plein de tendresse pour les pauvres et les misérables qu'il soulageait par ses aumônes. C'est sur ces paroles que le Pape Innocent troisième fait trois excellentes remarques pour faire le Panégyrique de saint Sylvestre , et dont je puis me servir pour faire celui de saint Ambroise. La dignité , la sainteté et l'utilité d'un grand Évêque. La dignité : C'est un Souverain Prêtre. La Sainteté : il a plu à Dieu, et il s'est trouvé juste. L'utilité : Et il a fait la paix des pécheurs avec Dieu , et il a triomphé des Hérétiques qui en étaient les Ennemis. Après la dignité il parle de la sainteté , et après la sainteté , il parle de l'utilité. Car celui qui est grand par sa dignité doit avoir les mérites de la sainteté: et celui qui a les mérites de la sainteté doit s'exercer dans la pratique des bonnes œuvres qui prouvent son utilité. De crainte que celui qui est élevé en un haut rang ne le soutienne pas par son mérite et que celui qui est innocent en son cœur , ne soit inutile en ses œuvres. Saint Ambroise a eu toutes ces belles qualités , et n'a eu aucun de ces défauts. Il a été grand par l'excellence de sa vocation à l’Épiscopat : il a été saint par la régularité de ses mœurs , et la sage conduite de son Diocèse : il a été utile à toute l’Église pour la conversion des Pécheurs , les combats contre les Hérétiques ariens , et les victoires qu'il a remportées. C'est le sujet de son Panégyrique.
Partie1
Celui que le Préfet Probe envoyait de la part de l'Empereur dans une Province de l'Italie en qualité de Gouverneur , n'est pas plutôt entré dans Milan (nord de l`Italie), qu'il est choisi pour conduire cette Ville en qualité de son Évêque et comme si ce Préfet eût été inspiré de Dieu ; Va , lui dit-il , gouverne comme Évêque et non comme juge. Cette Prophétie fut bientôt accomplie. Les Évêques Catholiques , et les Évêques Ariens ne pouvant pas s’accorder pour l'élection de celui de Milan , chacun en voulant un de sa Communion , on devait craindre que cette dispute ne devînt une sédition ; Ambroise homme d'esprit et de probité vint à l’Église pour l'empêcher ; sa présence calma tous les différends. Il exhorta les uns et les autres de faire le choix d'un homme de bien. A peine avait- il commencé son discours qu'il l’interrompit pour écouter un enfant, dont Dieu avait délié la langue , qui d'une voix plus forte et plus intelligible que celle du Gouverneur crie Ambroise Évêque.
L'assemblée s'étant réunie tour d'un coup comme par une inspiration divine, demande Ambroise pour leur Pasteur , que Dieu avait choisi par la bouche de cet enfant et quelque élevée que soit la dignité d’Évêque , il faut reconnaître que l'honneur d'y être appelé par une vocation si signalée et si extraordinaire , y ajoute encore beaucoup de splendeur. Il n'y a qu'Ambroise qui n'en tombe pas d’accord , il résiste à cette élection qui lui paraît extravagante , et peu judicieuse. Il s'en défend par son insuffisance, et son incapacité; ; qu'ayant toujours vécu en séculier , et n'étant point encore baptisé , il refusait un emploi qui demandait un homme très- versé dans les matières Ecclésiastiques , et qui eût vieilli dans la Religion ; que le choix d'un Évêque devait être l'ouvrage du saint Esprit , et non fait par la nomination d'un enfant qui n'en connaît pas l'importance ; lui seul se crût indigne de cet honneur , dont tout le monde le jugeait digne , et il augmenta l'estime qu'on avait de lui par le mépris qu'il témoigna de lui-même. Son refus renouvelle le désir de l'assemblée qui veut le porter sur le Trône Épiscopal auquel, Dieu l'avait destiné. Il improuve lui seul ce que tout le monde approuve , et pour faire changer de sentiment aux gens de bien , et condamner ce qu'ils venaient de faire, il se sert d'un stratagème qu'il crut favorable à son dessein. Il fit maltraiter un criminel en sa présence , lui qui était plein de bonté et de douceur. Il fait entrer des femmes perdues dans son Palais , lui qui avait une pureté Angélique , afin que la pensée qu'on aurait de lui d'être un cruel , et un impudique , lui fit éviter ce qu'il ne voulait pas.
Mais sa vertu était trop connue pour donner de tels soupçons , et pour laisser quelque mauvaise impression dans les esprits de ceux qui le connaissaient. Cela n'ayant pas réussi, il prend la fuite pour se dérober aux saintes persécutions qu'on lui faisait pour lui faire accepter l'Épiscopat qu'il regardait au dessus de lui , et dont il se croyait tout-à-fait indigne , et cette résolution qu'on a prise en sa faveur est si éloignée de sa pensée , qu'il la croit disproportionnée à sa faiblesse , mais on veut rendre justice à son mérite et à sa vertu . Il a beau faire , le Ciel est d'intelligence avec le peuple de Milan , qu'il coure tant qu'il voudra pendant toute une nuit vers Pavie, il est surpris le matin de se trouver aux portes de Milan , d'où il s’imaginait être bien éloigné. Il se rend à la volonté de Dieu qui lui est manifestée par tant de miracles , il consentit à cette promotion dont il se réputait très- indigne , et dont il reconnaissait les dangers ; il envisageait ce Souverain Sacerdoce avec frayeur , mais comme il n'y paraissait que du travail et de la peine à souffrir, il crut que s'il s'obstinait à le refuser il résisterait à la volonté de Dieu , et qu'une plus longue résistance serait criminelle , s'il ne la sanctifiait par une soumission sincère et volontaire. Il se ressouvint de ce qui était arrivé au prophète Jonas pour n'avoir pas obéi aveuglément à la voix du Seigneur , et que si le refus de l’Épiscopat est une vertu , l'obstination à l'accepter dans certaines conjonctures peut aussi être un crime, Les peuples se défient de lui, on lui donne des gardes , de crainte d'une seconde fuite , et par un principe d’amour et d'estime que les Milanais ont pour lui, ils veulent qu'il soit leur captif , jusques à ce qu'il soit leur maître étant consacré leur Évêque. L'Empereur Valentinien ayant appris cette élection fit en peu de mots l'éloge de l’élu qui avait été un de ses Magistrats , disant qu'il se réjouissais de ce que l'ayant jugé digne du soin de la fortune , et des biens de ses sujets , Dieu l'avait jugé digne de la conduite de leurs âmes ; et d'un juge équitable l'avoir choisi pour être un grand Prélat.
Saint Ambroise n'était que Catéchumène et il est choisi pour être Évêque ; il n'est point encore enfant de l’Église par le baptême, et il est appelé de Dieu pour être un de ses Pères. Mais parce qu'il devait être un Évêque tout extraordinaire , on ne doit pas s'étonner si sa vocation a été toute miraculeuse. Il est baptisé , et sortant des fonts du baptême ; il monte sur le Trône Épiscopal. Saint Paul écrivant à son Disciple Timothée lui défend d'élever à l’Épiscopat un Néophyte , c'est à dire un homme qui n'a reçu le baptême que depuis peu, de peur , dit - il , s'élevant d'orgueil , il ne tombe dans la condamnation du diable ; parce que ne faisant que de renaître, il n'est point affermi dans la solidité du Christianisme, et n'ayant pas l'abondance de la charité , il ne peut pas la communiquer aux autres. Mais Ambroise dont la vocation vient de Dieu , n'a pas besoin de ce ménagement. Dieu l'a rempli de ses bénédictions, et il l'a rendu capable de son emploi dès qu'il l'a appelé à l’Épiscopat , et comme quand il créa Adam il lui communiqua l'être , et en même temps il répandit en lui sa grâce et ainsi faisant de ce saint homme un nouvel Adam , il lui donne toutes les perfections de l'état auquel il le destine ; et parce qu'Ambroise n'a pas prévenu Dieu par son ambition , Dieu l'a prévenu par son amour , et ne s'étant pas engagé de lui-même aux premières fonctions de l’Église , sans ces illustres témoignages que c'était Dieu qui l'y appelait , le saint Esprit s'est répandu en lui, et l'a rendu digne d'être ce qu'il est , et Dieu fit connaître en cette rencontre que l'élection pour cette suprême dignité était son ouvrage , et non pas celui des hommes. C'est une vérité très constante dans notre Religion que quand Dieu nous élève de lui même à quelque dignité , il nous donne les moyens de la remplir dignement , et sans attendre la longueur des années , il nous en communique toutes les perfections , et toutes les vertus dès l'instant de notre élévation . Saint Ambroise en a ressenti les effets. Il est un nouveau Chrétien , et ayant l'innocence de son baptême, il reçoit des mains de Dieu la grâce de l’Épiscopat. Il ne s'est pas attribué à soi-même cet honneur , il y a été appelé de Dieu comme Aaron. Jésus - Christ , dit St Paul n'a point pris de lui-même la glorieuse qualité de Pontife ; il l'a reçue de celui qui lui a dit ; vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd’hui. Lorsque Dieu choisit Moise pour la délivrance des enfants d'Israël , il trouva un homme qui ne se jugea pas capable de ce grand emploi, qui se défia de ses forces , et qui refusa de l'accepter.
Dieu lui promit d'être dans sa bouche , et de lui apprendre tout ce qu'il aurait à dire. Saint Ambroise est un Moïse que Dieu a choisi pour la conduite de son peuple , pour parler hardiment aux Souverains, et pour s'opposer au torrent de l’iniquité. Ce grand Saint qui connaît l'importance de cette entreprise , croit qu'elle est au dessus de son pouvoir , il prend la fuite , il s'en excuse , il croit cette dignité un trop pesant fardeau pour sa faiblesse , il appréhende de succomber sous son poids, et qu'au lieu de lui donner de la facilité à faire son salut , elle ne soit la cause de sa damnation . Mais qui peut résister à la volonté de Dieu ? Ambroise ne l'a pas plutôt connue que craignant que le Seigneur ne se fâchât contre lui , comme l’Écriture nous dit, qu'il fit contre Moise, il se résout malgré son humilité d'accepter une si grande charge ; Dieu l'assurant qu'il serait dans son coeur pour l'éclairer de ses lumières , pour l'instruire de sa Doctrine, pour régler ses paroles , et pour l'assister dans toutes ses pénibles entreprises.
Partie 2
L’Église est un vaste champ, où il y a autant de vignes que de Chrétiens. Le Père Éternel en est le vigneron. C'est lui qui le cultive ; c'est lui qui a le soin de le faire porter , et l'abondance des fruits qui y naissent est l'effet de son travail et de sa culture. Tout y serait plein de ronces et d'épines , s'il ne prenait pas la peine de les arracher. La sécheresse y apporterait la désolation s'il n'ouvrait le Ciel pour en faire descendre les pluies qui sont ses grâces , pour le fertiliser par une heureuse fécondité. Il coupe, il tranche de ces vignes tout ce qui leur est inutile , et qui les empêche de produire. Les vices sont des rameaux qui les rendent stériles , et qui leur causeraient la mort si cet habile vigneron n'en faisait pas un prompt retranchement. C'est après cet utile retranchement qu'on les voit pousser des fleurs qui sont bientôt suivies de bons fruits , qui ne sont autres que les vertus et les bonnes œuvres. Cet illustre vigneron s'associe des compagnons dans cet admirable travail , dont les premiers et les principaux sont les Évêques. Il leur abandonne ce champ , il le confie à leur soin , et les faisant les coadjuteurs , il prétend qu'ils soient d'autres lui-même par leur imitation : qu'ils aient sans cesse la bêche à la main pour le cultiver , et de retrancher tout ce qui paraîtra de dangereux et de nuisible.
Saint Ambroise dont la vocation a été si surprenante , et si extraordinaire , a été un de ces vigilants ouvriers que le Père Éternel s'est associé pour cultiver la vigne de l’Église. D'abord qu'il a été honoré de cet emploi , il en a fait les fonctions, et sans faire la moindre réflexion sur la grandeur de sa dignité , il n'y a considéré que le travail qui en est inséparable. Le soin des choses temporelles qui occupent quelquefois tout un homme; ne lui donnèrent point d’empêchement; il les remit à son frère Satyre , et ne s'appliqua qu'aux spirituelles qui sont les apanages de l’Épiscopat. Les pauvres furent les premiers objets de la charité , il en devint le Père et le consolateur , et pour leur en donner des marques sensibles , il les fit possesseurs de l'argent qu'il avait retiré de la vente de ses terres . Sa charité n'était point rétrécie ; il cherchait les misérables pour les soulager, et il faisait cesser leurs misères quand elles venaient à sa connaissance. Rien n'échappait à sa vigilance. Les Captifs qui vivaient sous la servitude des Infidèles trouvèrent dans Ambroise un Rédempteur libéral ; et si pour tirer leurs corps des fers , il ne versa pas son sang , il vendit ses vases sacrés où avait reposé celui que Jésus-Christ avait versé pour la rédemption de leurs âmes. Il croyait qu'on ne pouvait pas les mieux employer que d'en faire un Sacrifice à la Charité , après avoir servi au sacrifice de celui qui est le Dieu de la Charité , sa maison était l'asile des affligés en tout-temps, à toute heure l'entrée leur était permise , et pas un ne sortait d’auprès de lui qui ne reçut la satisfaction qu'il avait espérée.
Le Paganisme n'était pas si bien détruit dans son Diocèse , qu'il n'y en eût encore quelque reste . Les racines n'en étaient pas tout-à-fait arrachées ; elles, poussaient des rejetons, Ambroise entreprit de le perdre pour jamais ,et il eut ce loisir d'avoir contribué à son entière ruine. La conversion des Pécheurs ne le touchait pas moins. Son cœur s'attendrissait sur leur aveuglement, et il demandait à Dieu par ses prières, par ses larmes, par ses jeûnes , qu'il leur fit miséricorde , et qu'il leur donnât l'esprit de Pénitence . Il les embrassait en Père, il les exhortait en Évêque , et il les reprenait en Maître. Il employait la force et la douceur selon les différentes occurrences , et il accompagnait ses entreprises de tant de Charité , que les bons se réglant sur ses actions devenaient meilleurs , et les méchants suivant ses avis ne pensaient qu'à mieux régler leur vie ; il bannissait l’impiété de son Diocèse , et quand il trouvait de ses fauteurs , il ne les souffrait point dans leurs dérèglements , et il conduisait si adroitement toutes choses , qu'il acquérait l'estime des plus impies en combattant leur désordre ; et persuadés qu'ils étaient qu'il ne cherchait que leur avantage , ils n'avaient plus d'autre volonté que la sienne qui était l'accomplissement de leur bonheur, Il n’épargnait pas les Souverains , et se considérant comme leur Pasteur , aussi -bien que de leurs sujets , il les traitait comme ses ouailles , et s'il avait pour eux le respect qui leur était dû , il leur faisait connaître dans les rencontres quand ils s’écartaient de leur devoir , qu'il avait droit de les y faire rentrer en qualité de leur Pasteur.
L'action du grand Théodose (empereur romain chrétien) est trop éclatante pour être oubliée, Ce Prince irrité contre les séditieux de Thessalonique ( Grèce) leur en fait ressentir le châtiment par le meurtre d'environ sept mille personnes sans aucune distinction de sexe , d'âge et de qualité , les innocents périssent avec les coupables ; les étrangers qui n'avaient aucune part dans la faute se trouvèrent enveloppés dans la punition. Ce n'était pas punir un crime par les lois de la justice , mais assouvir la vengeance par l’excès d'une brutale fureur. La nouvelle en vint à Milan , on y eut horreur d'une action si cruelle , et on blâma celui qui en était l’Auteur. Saint Ambroise refuse l'entrée de l’Église à l'Empereur quand il y vient se présenter après cet horrible carnage. Il lui fait comprendre l'énormité de son crime. L'Empereur en est touché, et après avoir imité le roi David en son péché, Ambroise le porte à l'imiter en la Pénitence. Théodose l'accepte ; il se retire en son Palais où pendant huit mois il у vécut en pénitent baigné dans ses larmes ,ne s’apercevant presque pas qu'il fût Empereur. Ce fut dans cette rencontre qu'Ambroise soutint l’honneur de l’Épiscopat , et que Théodose se rendit recommandable à toute la postérité par sa soumission , et son obéissance aux ordres de son Évêque. Cet Empereur qui avait vaincu tant de nations se vainquit lui-même, et devenant le glorieux exemple des Pénitents , il fut le plus glorieux triomphe du zèle de saint Ambroise.
Saint Ambroise refuse l`entrée dans son Église a l`empereur romain Théodose a cause du massacre de Thessalonique
L'un apprit aux Rois et aux Souverains, la déférence qu'ils devaient avoir aux règles de l’Église ; et l'autre apprit aux Évêques de tous les siècles la fermeté avec laquelle ils devaient les maintenir contre les puissances de la terre , et les faire observer malgré même leur résistance. Son Clergé reprit une nouvelle face , et la Sainteté du chef s'écoula bientôt sur les membres , et on vit dans tous les États , un admirable changement de vie. Combien de fois l'a- t'on vu faire des voyages à la Cour , pour les affaires pressantes de son Diocèse ; et la quitter d'abord qu'elles étaient terminées sans s'y arrêter un moment ? Il savait qu'ayant été fait Évêque , il n'était plus courtisan . Que ce lieu de faste et de vanité était interdit à ceux dont la profession était de vivre dans la pauvreté de JÉSUS- CHRIST, et dans l'humilité de la Croix ; qu'on n'y faisait guère de bien , et qu'on s'y mettait en danger d'y faire beaucoup de mal; que bien loin d'y profiter aux autres , on nuisait le plus souvent à soi-même , et qu'un Évêque qui ne doit écouter que la parole de Dieu , ne doit pas faire une longue résidence dans un endroit où on n'entend parler que le langage du monde ; et qu'un Évêque enfin qui ne doit ouvrir la bouche ni remuer la langue que pour donner sans cesse des louanges à Dieu , se trouve engagé à profaner l'une et l'autre par des paroles flatteuses indignes de son caractère s pour acquérir l'estime ou l'amitié de son Souverain , et devenir par là plus riche par quelques unes de ses gratifications.
Notre grand Évêque saint Ambroise a rempli parfaitement tous ses devoirs ; il accompagnait ses paroles de ses actions , et s'il se voit bien dire , il savait encore mieux faire . il montait souvent en chaire pour instruire ses diocésains de leurs obligations, et tant de Sermons si beaux , et si éloquents , qui sont dans ses Ouvrages, étaient l'excellente pâture dont cet admirable Pasteur engraissait son troupeau , il savait excellemment dispenser les richesses du discours , et se rendre maître des affections des hommes , et parce qu'il était une lampe de l’Église il éclairait et il brûlait. Sa vie était une brillante lumière qui éclairait ceux qui voulaient marcher dans le chemin de la vertu , et ses discours étaient un feu ardent qui échauffait les cœurs , et qui faisant un salutaire incendie qui détruisait le péché , il ne se contentait pas d'inspirer l'amour de Dieu dans les autres , il tâchait de le faire régner dans soi-même, et il faisait en sorte que toutes ses actions fussent des pratiques de quelque vertu , et que leur exemple servît pour la conversion des pécheurs, et de modèle pour animer de plus en plus les innocents à continuer à bien faire . N'est- il pas vrai , Chrétiens, que si ceux qui sont honorés d'une même dignité que saint Ambroise, voulaient le prendre pour leur modèle , ils auraient de grands exemple a imiter.
Il ne cherchait pas la pompe dans ses habits. Ses meubles étaient vils et communs et il n'établissait pas la dignité de son ministère sur la magnificence de sa table ou de ses meubles , mais sur l'innocence de sa vie . Je sais que nous avons dans ce temps, de fidèles imitateurs de saint Ambroise , qui ont la sainteté en partage , et dont la régularité des moeurs édifie toute l’Église ; qui étant les vicaires de l'amour de Jésus-Christ, comme les appelle notre Saint , sont pleins de son zèle et de sa Charité , qui apprennent aux autres ce qu'ils doivent à leur Ministère et ce qu'ils se doivent à eux -mêmes; qui sont de vrais Pasteurs , et qui semblables à saint Ambroise veillent sur leur troupeau , et prennent les armes de la Doctrine pour le défendre de ses ennemis , et c'est ce que nous allons voir en peu de mots en la personne de ce grand Saint , qui a été si utile à l’Église par les combats qu'il a livré ou soutenus contre les Hérétiques qui en font les plus dangereux ennemis , et par les victoires remportées et les Triomphes mérités.
Quoique l’Église soit toute belle et pleine de douceur elle est aussi terrible comme une armée rangée en bataille. Elle est douce ,et charmante pour son Époux JÉSUS- CHRIST à cause de la beauté : mais elle a une sainte fierté pour les étrangers, et elle donne de la terreur à ses ennemis , qui osent attaquer la pureté de sa Doctrine. Elle se met en défense pour la conserver toujours saine et entière ; et quand elle s'aperçoit qu'on lui veut faire violence , elle demeure inébranlable , et repousse avec ardeur les coups qu'on lui porte , et les traits envenimés qu'on lui lance : les Évêques sont ses Capitaines , et ses Soldats , qui sont nuit et jour posés en sentinelle : ils sont continuellement aux aguets ; ils prévoient les endroits dangereux qui pourraient favoriser les Ennemis, et c'est par leur vigilance qu'elle est en sûreté , et qu'elle se promet la victoire dans toutes les attaques. Les Hérétiques en sont les ennemis déclarés . Ils lui dénoncent la guerre , et ils font tous leurs effort pour la détruire et pour la ruiner : l'Enfer leur fournit les armes du mensonge et de l'iniquité , dont ils se servent dans les combats. Mais nos saints Évêques qui sont les Docteurs éclairés de l’Église sont aussi les formidables défenseurs ils soutiennent hardiment leurs insultes ou quand ils le trouvent à propos ils les forcent dans leur retranchement , et ils les forcent de leur abandonner le champ de bataille.
Saint Ambroise, hardi Capitaine et Soldat, des mieux aguerris, s'opposa aux impiétés des Ariens , armé de la foi , et de la prière , qui sont les armes les meilleures de l’Église, comme le dit notre Saint. Ses paroles étaient des flèches aiguës qui renversaient leurs raisonnements. Il les poursuivit avec tant de vigueur , qu'il ne leur donna point de repos. Dans les disputes réglées , il faisait paraître cette science profonde et cette éloquence mâle , que nous admirons encore dans ses excellents ouvrages si polis et pleins d'esprit . Il parlait avec tant d'érudition , qu'il semblait ne rien ignorer. Il accompagnait ses discours de beaucoup de retenue et de modestie , afin de porter à Dieu le coeur de les adversaires ; mais aussi avec beaucoup de fermeté et de force, pour ruiner le mensonge et faire triompher la vérité, il ne combattait pas pour la gloire du Triomphe , mais pour le renversement de l'erreur . Il fut si heureux que la victoire suivit partout ses combats. Il eut assez de courage pour ne pas céder à la volonté de l’Impératrice romaine Justine, qui favorisait les Ariens. Elle ne pût rien obtenir de lui , ni par les menaces de l'exil , ni par la crainte de la mort , dont on croyait l'intimider ; il n’ignorait pas quelle était la puissance de l’Impératrice ; mais aussi il n'ignorait pas quelle devait être la constance , et l’intrépidité d'un Évêque , quand il s'agissait de la gloire de Dieu , et de l'honneur de l'Église . Il disait avec une sainte hardiesse , qu'il lui était peu important de perdre la vie pour qu'il gardât à son Dieu , et à son Église, la fidélité qu'il leur devait , et que quelque violence qu'on lui put faire il la souffrirait pour la défense de la vérité , sans se plaindre de l'injustice de ce mauvais traitement. Il soutint l'honneur de l’Église, et il en défendit les droits sans sortir du respect qu'il devait à sa Souveraine. Il revint du combat , Triomphant de ses ennemis , après leur avoir enlevé la Basilique qu'ils avaient usurpée.
Note: Justine (Flavia Justina Augusta), impératrice romaine de 368 a 375, qui épousa successivement l'usurpateur Magnence, l'empereur Valentinien Ier en 368 et après la mort de ce dernier, fit proclamer son fils Valentinien II empereur, avec qui Gratien consentait à partager l'empire. Elle était de la religion de l`hérésie arienne.
Le Peuple pénétré de joie lui applaudissait par mille acclamations de louange ; et lui animait son Peuple à vivre conformément à la foi qu'il avait si courageusement défendue , et il fit paraître une grandeur d’âme toute Chrétienne , et toute héroïque par le mépris de tous les applaudissements de son Peuple , rapportant toute la gloire de ses combats à celui pour lequel il les avait entrepris. Il élevait son esprit au dessus des honneurs et des louanges, et il négligeait autant de les recevoir qu'il avait soin de s'en rendre digne. Les Ariens honteux de leur défaite, et enragés de la victoire d'Ambroise , résolurent de se défaire de lui ; ils gagnèrent un jeune homme qui se chargea de l'assassiner dans la maison Épiscopale ; il ne lui fut pas difficile de l'aborder , puisqu'elle était toujours sans garde. Ce meurtrier se glissa dans la chambre du Prélat , l'épée à la main ; et quand cet assassin voulut le frapper, son bras se sécha , comme celui de Jéroboam , quand il l'étendit contre le Prophète ; et il ne peut plus le retirer à soi, il est tout effrayé ; pressé du remords de la conscience, il commence à trembler ; il se jette aux pieds du Saint, comme pour implorer sa miséricorde, il est touché d'une vive douleur , il confesse son crime , et par des paroles entrecoupées de cris et de sanglots il en demande le pardon. Ambroise le lui accorde et lui redonne le mouvement de son bras. Ce miracle qui devait opérer la conversion de tous les Ariens, les endurcit dans leurs erreurs ; et ce prodige de la guérison miraculeuses de ce bras , par celui qui l'avait rendu sec , aurait dû les faire rentrer en eux-mêmes.
Mais selon la remarque de Saint Paul , comme tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu jusques au mal et au péché qui est suivi de Pénitence , comme on l'a vu dans les plus grands Saints, ainsi tout nuit à ceux qui ne l'aimes pas jusqu'au bien et aux miracles même. Je ne parle point d'un Jovinien vaincu , et de ses hérésies abattues et exterminées : je ne parle point d'un Symmaque terrassé, qui demandait le rétablissement du culte des faux dieux romains , par celui de l'Autel de la victoire , et qui se promettait l’entérinement de la Requête artificieusement appuyée par la force de son éloquence trompeuse , mais qui ne peut résister à celle d'Ambroise toute -puissante ; qui lui fit perdre pour jamais l’espérance de ses prétentions et de ses demandes. Il faut avouer , Chrétiens, qu'entre tous les Triomphes de saint Ambroise , il n'y en a point qui soit plus célèbre , et qui lui soit plus honorable que l’enlèvement d'Augustin à l’hérésie des Manichéens (le futur Saint Augustin – docteur de l`Église). La conversion de ce grand Docteur est le couronnement de la Doctrine et de l'éloquence de notre grand Évêque. C'est là l’achèvement de la gloire : c'est - là le terme de ses grandeurs c'est - là la consommation de ses victoires ; puisque donnant Augustin à l’Église , il procure à cette épouse de Jésus-Christ , un zélé et un insigne destructeur des Hérétiques qui en sont les ennemis jurés , les plus cruels et les plus terribles.
Saint-Augustin d`Hippone (354 a 430 Ap J.C.) - un des grands docteurs de l`Église a été converti a la foi catholique par Saint-Ambroise - auteur du livre - La Cité de Dieu - Les Confessions et plusieurs autres
La réputation des mérites d'Ambroise , de sa vertu , et de sa science , est si étendue par tout l'Univers , que quelques Seigneurs persans attirés par sa renommée quittent leur pays , et ils entreprennent un long voyage pour contenter leur louable curiosité ; les grandes choses qu'ils avaient entendu dire de lui furent un attrait puissant pour les engager à se venir informer de la vérité, et s'éclaircir de plusieurs difficultés qu'ils avaient à lui proposer , soit pour leur conduite ou pour le règlement des mœurs. Ils furent dans une profonde admiration des dons éminents de sagesse et d'intelligence qui éclataient , et dans ses paroles , et dans ses actions: ils étaient ravis de l'entendre discourir , et satisfaits de ses entretiens, ils s'en retournent pleins d’estime et de vénération , ce qu'ils virent de leurs yeux et entendirent de leurs oreilles surpasse de beaucoup ce que la renommée leur en avait appris. Ils virent en lui toutes les qualités d'un grand Évêque , et toutes les sciences des plus habiles Docteurs. Ils admirèrent en cet homme la douceur d'un Moïse , l'éloquence d'un Aaron , le zèle d'un Phinée , la force d'un Samson , les combats d'un Gédéon , les victoires d'un Josué , la sagesse d'un Salomon , la bonté d'un David , et pour le plus haut comble de la gloire ils admirèrent en lui un modèle achevé des Évêques , et un parfait imitateur de Jésus-Christ , car comme il dit lui-même, c'est de Jésus- Christ que nous devons apprendre la pratique de la vertu.
Imitons Saint Ambroise de Milan, puisqu'il a si parfaitement imité le Sauveur de nos âmes. Si nous ne pouvons pas l'imiter en tout, du moins que ce soit en la charité pour les pauvres , en les soulageant dans leurs misères, et dans leurs nécessités, l'amour que nous aurons pour eux fera paraître celui que nous avons pour Jésus- Christ, qui ne laissant jamais le bien sans récompense, nous donnera son Paradis , que je vous souhaite - Amen
Exemple des écrits de Saint-Ambroise de Milan
Source : Saint-Ambroise Archevêque de Milan – Lille - 1852
CHAPITRE XIX .
Nécessité de combattre le monde et la chair , — Fuir la volupté. –Combattre les premières atteintes du vice. – Joug des passions. — Esclavage du péché. — Paix des âmes justes.
Mais il est des princes de l'air et des puissances du monde qui travaillent à nous arracher en quelque sorte de cette forteresse de l'âme, qui s'opposent à nos pas quand nous marchons dans le droit chemin , et qui, lorsque nous voulons nous élever , cherchent à nous renverser et à nous rejeter sur la terre. Nous devons d 'autant plus diriger notre âme vers les sublimes régions et tendre avec plus d 'ardeur là où le Verbe de Dieu nous conduit. Lorsqu' ils t'offrent les biens du monde pour enchaîner ton âme, relève- toi avec plus de force et tourne tes pas vers Jésus-Christ. Ils présentent à tes désirs l'or , l'argent , le bien de ton prochain , afin que pour les acquérir tu refuses le festin de celui qui t'a invité aux noces du Verbe. Mais garde- toi de refuser cette fête ; revêts la robe nuptiale et rends-toi au festin , de peur que le riche qui t'avait invité , et que tu refuses pour t'occuper des intérêts de ce monde n 'en invite d'autres à ta place et ne t'exclue de sa maison . Les puissances du monde te présentent aussi les honneurs pour élever ta vanité comme celle d 'Adam ; et alors , en voulant égaler Dieu en puissance , tu mépriserais ses préceptes et tu perdrais ce que tu possédais déjà : « car , à celui même qui n 'a pas , ce qu' il a lui sera ôté. »
Combien de fois , dans la prière , dans l'acte qui nous permet d'approcher le plus près de Dieu , ne se présentent pas à nous les choses les plus obscènes ou les plus criminelles pour nous détourner de notre ferveur ! Combien de fois l'ennemi ne cherche-t- il pas à s'insinuer dans notre cœur , pour nous éloigner d 'une volupté sainte ou de pieuses résolutions ! Combien de fois n 'enflamme- t- il pas en nous les ardeurs de la chair ! Combien de fois ne présente -t -il pas à nos yeux des objets capables de tenter les chastes affections du juste , pour frapper d 'un trait imprévu de l'amour profane son cœur sans défiance ! Combien de fois ne fait-il pas entrer dans notre esprit des paroles iniques et des pensées impies , cachées au fond du cœur; de ces paroles dont la suprême loi a dit : « Prends garde qu'il ne s'élève du fond de ton cœur des paroles impies , » et que le Seigneur ne puisse te dire : « Pourquoi de mauvaises pensées s'agitent-elles dans ton cœur ? » Prends garde au milieu de l'abondance ; l'or , l'argent, les riches moissons, les honneurs s'accumulent autour de loi ; garde toi de dire : « C 'est ma force qui m 'a donné tous ces biens», et d 'oublier le Seigneur ton Dieu Et ce sont là les choses qui retiennent sans cesse l'âme qui cherche à s'élever : « courageux fidèle du Christ , » sache rejeter tout ce qui est au - dessous de toi, mépriser tout ce qui est de la terre et marcher avec force vers le ciel et l' éternité . Élève ton âme pour que l'appât qui couvre le piège ne la tente pas. Les voluptés du siècle sont aussi une espèce de nourriture , et malheureusement elles sont la nourriture du mal, la nourriture des tentations .
En courant après la volupté, nous courons au -devant des filets : car l’œil de la courtisane est un piège pour l'homme qui la regarde : donc cet oeil doit être évité ; et les paroles aussi de la courtisane sont comme l'appât qui recouvre le piège; elles paraissent douces d'abord à la bouche, mais bientôt elles la déchirent par l'amertume d'une conscience coupable. La richesse mal acquise est également un piège, car elle séduit. Toutes les voies de cette vie sont pleines de pièges : aussi le Juste s'écrie : « Dans ce chemin où je marchais ils m 'ont tendu des pièges ; ils les ont cachés sous le chemin même. » Suis donc cette autre voie qui dit elle -même: « Je suis la voie , la vérité et la vie ; » et tu pourras dire alors : « Dieu a converti mon âme, il m 'a conduit dans les sentiers de la justice pour la gloire de son nom . » Que tout ce qui est du siècle meure donc pour nous ; et « qu 'elle meure aussi cette fausse sagesse de la chair , qui est ennemie de Dieu . » Soumettons notre âme à Jésus-Christ seul, et alors nous pourrons dire avec le roi prophète : « Mon âme n 'est elle pas soumise à Dieu ? Elle n 'est plus sujette ni du siècle ni du monde. » L 'homme avide ou avare ne peut en dire autant : cette parole n 'appartient qu'à l'homme juste et continent. L 'avare dit : « Mon âme, tu es riche en biens, tu es pourvue pour longtemps, repose -toi, mange , bois , fais bonne chère. » Et l'avare parle ainsi parce que son âme est soumise aux plaisirs de la chair , tandis que l'âme du juste ne se sert du corps que comme d'un instrument destiné à un magnifique concert , et qu'elle sait , ainsi qu 'un artiste habile , faire obéir à toutes ses volontés.
Elle dirige ses modulations d 'accord avec ses pensées ; elle lui fait exprimer la voix des vertus qu'elle préfère : tantôt l'accent de la chasteté , tantôt celui de la tempérance , le chant de la sobriété , le bonheur de l'intégrité , la virginité suave, la gravité du veuvage. Quelquefois cependant l'artiste s'attendrit aux sons qu'il produit lui-même: que le chant donc soit pur pour que l'impression qu 'il produit soit également pure ; car celui qui voit se laisse toucher par ce qu'il voit , et celui qui écoute par ce qu 'il écoute : aussi l'Écriture dit : « Que ton oeil ne regarde que le bien ; » et plus loin elle dit encore : « Ne t'approche pas trop souvent de l'étrangère ; que les yeux ne s'arrêtent point sur la jeune fille ; que tes oreilles n 'écoutent point la courtisane. » Veillez sur les premières atteintes du vice, si vous ne voulez pas qu'il s'enracine et se fortifie. Qui tombe dans la vase s'y enfonce davantage , à moins qu'il ne s'en retire sur-le - champ. Il en résulte une langueur qui finit bientôt par écraser l'âme et abat toutes ses forces. C 'est un poison secret qui ne tue pas, mais qui consume. Notre péché est notre plus grand ennemi; il nous trouble dans notre repos, nous afflige dans la santé , nous attriste dans la joie , nous inquiète durant le calme; il mêle l'amertume à nos jouissances et nous réveille dans le sommeil. Nous sommes convaincus sans accusateur , tourmentés sans bourreau , garrottés sans chaînes. Nos péchés s'élèvent contre nous. On passe de l'un à l'autre , comme un esclave vendu à divers maîtres ; il ne recouvre point la liberté , il ne fait que changer de joug. . Le mal retombe toujours sur son auteur , comme les petits des vipères commencent par déchirer le sein de leur propre mère en venant au monde .
Il parle : sa conscience lui répond par de secrets remords. Le serpent du moins ne fait du mal qu 'aux autres ; le pécheur se nuit surtout à lui-même. Rien de plus dur que de craindre ce qu'il est impossible d 'éviter et de ne pouvoir échapper à ce que l'on craint, Chacun de nos péchés , exacteur sévère qui ne nous donne aucun relâche , créancier avide , qui s'acharne à son débiteur; tyran impitoyable , qui nous réduit à la plus dure captivité. Que la paix de Dieu , laquelle surpasse toute intelligence , conserve et garde vos cœurs , nous dit l'Apôtre . Le fruit de la paix , c'est d' éloigner de l'âme le trouble qui l'agite. Le pécheur est plus tourmenté par ses soupçons et par ses craintes que les autres ne le sont par les mauvais traitements qu 'ils peuvent recevoir d 'autrui. Et c'est un avantage incomparable de posséder la paix de l'âme et d 'être en parfaite harmonie avec soi-même. Un état qui est en paix en est redevable , soit à la sagesse de son prince , soit à la victoire , soit à la mort de quelqu'un des ennemis . Il n 'y a rien à tout cela qui suppose aucun mérite personnel à ceux qui en jouissent. C 'est le sort des évènements humains. Tout au plus dans le premier cas peut -on en faire honneur à la sage conduite de celui qui gouverne. Mais la paix dont il s'agit ici nous appartient tout entière : elle suppose la victoire sur nos passions. Elle a des résultats bien autrement précieux , car il est question ici de puissances spirituelles bien plus redoutables que des armées étrangères. Il y a bien plus de gloire à soumettre les sens qu'à subjuguer des barbares , parce qu' il en coûte plus pour résister à un ennemi que l'on renferme au -dedans de soi, qu'à celui qui est en dehors. Toute passion fait des esclaves. Qui commet le péché se met sous le joug du péché , nous dit l’Apôtre ; non d 'un seul péché , mais de plusieurs à la fois , tyrans cruels , auxquels il devient difficile d' échapper : tandis que celui qui sait déterminer sa volonté dans le bien , dompter ses sens et commander à ses passions, mener une vie irréprochable ; celui là , toujours maître de lui-même, est vraiment libre .
Dernière édition par MichelT le Jeu 4 Mar 2021 - 22:45, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: PANÉGYRIQUE DE SAINT AMBROISE DE MILAN (Italie) – Docteur de l`Église
Exemple des écrits de Saint-Ambroise de Milan - 4 eme siècle
Source : Saint-Ambroise Archevêque de Milan – Lille - 1852
CHAPITRE XV.
Devoirs de la vie chrétienne . – Prière . -- Sa nécessité. – Motifs de
confiance en Dieu . – Exemple du Sauveur. — Méditations dans les livres
saints . – Chants des Psaumes.
« CELUI qui est véritablement chrétien doit publier sans cesse les louanges de son Père et de son Seigneur, et faire toutes ses actions pour sa gloire, selon ces paroles de l'Apôtre : Soit que vous mangiez , soit que vous buviez , et quelque chose que vous fassiez , faites tout pour la gloire de Dieu . Vous voyez quels doivent être les festins des Chrétiens selon St Paul, afin que ce soit plutôt la grâce de Jésus-Christ que les viandes qu ’on sert sur les tables , qui fasse leur nourriture et leurs délices; que la fréquente invocation du nom de Dieu contribue davantage à la subsistance des hommes que le grand nombre de mets que l'on présente devant eux , et qu 'ils rassasient plutôt leur faim par des actions de religion et de piété que par la graisse des aliments corporels. Faites tout , dit ce grand Apôtre, pour la gloire de Dieu.
Il veut donc par -là que toutes nos actions soient en vue de Jésus- Christ et en songeant qu'il nous accompagne, de sorte que ce soit lui qui soit l'auteur et le principe de ce que nous faisons de bien , et que nous nous abstenions de faire du mal par la considération de cette familiarité si étroite que nous avons avec lui ; car tout homme qui sait que Jésus- Christ est avec lui , rougit de honte quand il est tenté de commettre de méchantes actions. Lors donc que nous nous levons dès le point du jour , avant que de sortir de notre chambre , nous devons rendre grâce à notre Sauveur, et faire précéder les occupations profanes de la journée par des actes de piété , en le remerciant de ce qu 'il nous a conservés la nuit précédente et nous a accordé un sommeil paisible .
Ne faut-il pas , en effet , attribuer à Dieu seul la conservation de l'homme pendant qu' il dort, puisque , s'abandonnant au sommeil en oubliant tout ce qu' il avait de vigueur et de force humaine , cet état le prive tellement de ses facultés, qu 'il ne sait plus ni ce qu'il est ni où il est , et se trouve dans l'impuissance de se guider ou de se défendre ? Il est donc nécessaire que Dieu assiste ceux qui dorment , puisque d 'eux-mêmes ils sont inca pables de se procurer aucun secours, et c 'est lui seul qui garantit et préserve les hommes des embûches de la nuit, car nul autre ne veille pour eux. Je lui suis donc redevable de la bonté qu'il a de veiller , afin que je puisse dormir en sûreté , car c'est lui qui nous reçoit comme dans le sein d 'un doux repos , qui nous conserve comme dans une espèce de sanctuaire de tranquillité et de paix , et qui nous défend contre la lumière par l'obscurité de la nuit dont il nous couvre et nous environne , afin que la malice des hommes, qui nous persécutaient pendant le jour , soit trompée par les ténèbres , et que l'obscurité donne à ceux qui sont las et fatigués la paix qu ' ils ne pouvaient obtenir de leurs semblables.
Nous devons donc en nous levant rendre grâce à Jésus-Christ , et nous armer pendant le jour du signe de la rédemption . N ' étiez - vous pas curieux de signes lorsque vous étiez encore engagés dans la superstition du paganisme , et ne recherchiez - vous point alors avec beaucoup de joie les signes qui paraissaient vous promettre des évènements avantageux ? Or , il ne vous en faut pas un grand nombre aujourd 'hui: un seul suffit , celui de Jésus-Christ , pour assurer le bonheur et la prospérité de tout le monde. Ceux qui auront consulté ce signe, pour commencer à semer, moissonneront la vie éternelle . Ceux qui l'auront devant les yeux, en entreprenant le grand voyage du ciel, y arriveront heureusement. C 'est donc ce nom qui doit être la règle de notre conduite , et il faut y rapporter tous les moments de notre vie , parce que , comme dit l'Apôtre saint Paul : C 'est en lui que nous avons la vie , le mouvement et l`être . Il faut aussi louer Dieu le soir par la psalmodie , et chanter sa gloire , afin qu'ayant achevé tous nos travaux , qui sont autant de combats , nous méritions de goûter la douceur du repos comme le fruit de notre victoire , et que le sommeil qui nous fait oublier toutes nos fatigues en soit comme la palme et la récompense .
Vous devez prier pour tout le corps de l'Église ; la vraie charité consiste à prier pour chacun des membres qui nous unissent à notre mère. Car si vous ne priez que pour vous seul, il n 'y aura que vous seul qui prierez pour vous ; et la prière , qui ne se fait que par un seul , est bien loin d 'avoir la même force que celle qui se fait par tous. Un coupable est moins sûr d 'être exaucé que celui qui intercède en sa faveur.
Quand c'est chacun des chrétiens qui prient pour tous, il s'ensuit que tous prient pour chacun. Si donc vous priez pour tous , tous prieront aussi pour vous. Après que le Seigneur s'est donné à vous tout entier , croyez- vous qu'il puisse vous refuser quelque chose ? Abandonnerait- il ceux qu'il a prévenus de tant de faveurs , jusqu 'à leur accorder des récompenses ? Qu'auriez - vous à redouter? Que l'on vienne vous accuser auprès de lui ? Qui l'oserait , quand on vous voit marqués du sceau des élus ? Révoquera- t il ses dons après qu'il vous en a comblés? Effacera- t-il de son coeur ceux qu'il a fait entrer dans sa famille ? Vous vous effrayez de la sévérité de ses jugements. Mais réfléchissez quel est celui qui les exerce ; c'est à Jésus-Christ qu 'il en a remis la commission. Jésus Christ condamnera - t - il celui qu'il a racheté de la mort, pour qui il s'est sacrifié , dont il regarde la vie comme le prix de sa mort ? Ne l'entendrez- vous pas dire à Dieu , son Père, avec son Prophète : Que me sert- ii d'avoir répandu mon sang , si je prononce un arrêt de mort contre celui que j'ai sauvé ? Vous voyez le juge, vous ne voyez pas le défenseur. Pouvez vous craindre un rigoureux jugement de la part de Celui qui ne cesse d 'intercéder pour vous auprès de la miséricorde de Dieu , son Père ?.... Quand Jésus prie , ce n 'est pas pour lui , mais pour moi. Car , bien que Dieu son Père ait soumis toutes choses à la puissance de son Fils , parce qu'il avait à remplir l'office qu'il s' était imposé en se faisant homme , il veut invoquer en notre faveur , à titre de notre avocat, la clémence de Dieu son Père .
Nous ne devons jamais compter plus fortement sur l'assistance divine que lorsque tous les secours humains semblent nous manqué. Demandez de grandes choses quand vous priez , et non des biens passagers et périssables . Le cœur a une voix qui ne consiste pas dans le son extérieur et sensible , mais dans la sublimité des pensées et dans l'harmonie des vertus. Dieu écoute cette voix formée par la piété , voix si pleine de ferveur et de grâce. Il ne faut donc pas seulement crier , mais crier de tout son cœur. On n 'est pas longtemps fort et vigoureux , quand c'est soi -même qu'il faut vaincre. Le combat qu'on est obligé de soutenir contre soi-même et ses propres désirs est trop rude pour qu 'on puisse , seul, en sortir victorieux; bientôt l'homme misérable se voit en danger de périr , si son Dieu ne vient à son secours ; s'il ne crie vers lui, du sein de ses frayeurs , en lui disant : Seigneur , délivrez mon âme ! La victoire est donc réservée à celui seul qui met sa confiance dans la grâce et qui ne présume point de ses forces. Dieu ne nous pardonne qu'autant que nous l'en prions. Je me souviens de vous avoir dit souvent que : nous ne devons jamais craindre le bruit et le tumulte de la guerre , et que le nombre de nos ennemis, quelque extraordinairement grand qu'il puisse être , ne doit pas nous épouvanter , parce que , comme dit l'apôtre saint Jean : « Celui qui est en nous est plus grand que celui qui est dans le monde ; » c'est- à - dire que Jésus-Christ a plus de force par la protection de ses serviteurs , que le démon (l`ange déchu) n 'a de pouvoir pour nous susciter des ennemis. Quoique l`ange déchu rassemble ses troupes de toutes parts et qu 'il les arme de cruauté et de fureur contre nous , néanmoins il est aisé de les vaincre et de les détruire , parce que notre divin Sauveur procure à son peuple un secours plus avantageux et l'environne de tous côtés de troupes qui l'appuient.
C 'est ce que le Prophète nous conjure par ces paroles : Les anges du Seigneur se campent parmi ceux qui le craignent , pour les mettre en sûreté. Que si l'ange du Seigneur sauve du péril ceux qui le craignent, quiconque a la crainte du Seigneur ne doit nullement appréhender les barbares, et il ne doit pas redouter la fureur de ses ennemis , pourvu qu 'il garde les commandements de Jésus- Christ avec une fidélité inviolable , car les commandements de Jésus-Christ sont des armes qui couvrent les Chrétiens, et la crainte de Dieu bannit de leurs âmes les vaines terreurs. Ces armes qu 'il nous a données pour nous défendre , sont la prière , l'aumône et le jeûne , car il n 'y a pas de rempart qui ait tant de force que le jeûne pour nous défendre. Celui qui fait l'aumône ne doit redouter ni les voleurs ni les meurtriers ; et il n 'y a point de flèche qui porte si loin que la prière pour blesser nos ennemis.
Voyez- vous quelles sortes d 'armes emploie le Sauveur pour défendre l'homme de la malignité de son ennemi, et pour le couvrir et l'environner de toutes parts contre les attraits et les amorces de l'intempérance , car il n 'use point de son pouvoir absolu et n 'agit pas souverainement comme Dieu ; mais , comme homme, il emploie pour sa défense un moyen qui lui est commun avec nous , afin que son âme étant appliquée à se nourrir de la lecture des livres saints , il ne s' inquiète pas de la faim corporelle , et trouve son aliment dans la parole divine. C 'est par le désir de cet aliment que Moïse ne se mettait plus en peine de manger du pain . C'est par l'ardeur violente de ce même désir qu' Elie n 'a pas ressenti la faim et l'incommodité que lui pouvait causer un très-long jeûne. En effet , quiconque est assez heureux pour être le disciple du Verbe divin , ne peut plus avoir aucun désir d 'un pain terrestre et matériel , étant rassasié de la substance solide d 'un pain céleste , les choses de Dieu étant indubitablement préférables à celles qui ne sont qu 'humaines, et les biens spirituels à ceux du corps. Il est donc juste que ceux qui sont touchés de l'amour de la véritable vie , souhaitent ce Pain qui fortifie le cœur des hommes par une substance insensible.
Repassez, dans votre esprit nuit et jour les divines Écritures; car , si vous consultez un Juif et un docteur de l'ancienne Loi, il ne vous pourrait rien répondre qui ne soit tiré de ce que contiennent ces livres saints. On ne parle nullement dans leurs synagogues des affaires temporelles ; ils se succèdent continuellement les uns aux autres , de peur qu 'il ne se trouve dans leurs assemblées quelque vide et quelque intervalle pendant lequel on cesse de s'occuper de cette divine parole . Et vous, Chrétien , qui avez Jésus Christ pour maître , vous ne faites que dormir; et ne craignez - vous pas que l'on dise de vous : Ce peuple ne m 'honore pas même des lèvres. Car au moins le Juif l'honore des lèvres. Que si le cœur de ce peuple qui l'honore des lèvres est éloigné de Dieu , comment le votre pourrait-il en être proche , puisque vous ne l'honorez pas même extérieurement ?
Jusques à quand vous laisserez- vous occuper entièrement du sommeil des affaires temporelles , de l'inquiétude de cette vie , du soin des choses de la terre. Partagez du moins votre temps entre Dieu et le monde, et , puisque vous ne pouvez pas toujours vous appliquer aux affaires de ce siècle , et que les ténèbres de la nuit vous en ôtent le moyen , occupez- vous de Dieu , trouvez vos délices dans la prière , chantez des psaumes afin de ne vous point endormir , dérobez quelque chose à votre sommeil par un larcin qui soit utile à votre âme; allez à l'église dès le matin , offrez à Dieu les prémices de votre dévotion , et après cela , s'il se trouve quelque nécessité de vous engager dans les affaires du siècle , rien ne vous empêchera de lui dire : Mes yeux se sont levés vers vous avant le jour pour méditer votre loi. Et vous pourrez ensuite vaquer en paix à vos affaires. Qu'il est doux de commencer la journée par des hymnes et des cantiques !
Le livre des Psaumes est le charme de tous les âges ; il convient à toutes les conditions de la vie. Les maîtres du monde comme les peuples aiment à faire retentir le chant des psaumes. On les chante près du foyer domestique ; dehors , on les répète. Un psaume dissipe les frayeurs de la nuit , délasse des travaux de la journée. Les échos des rochers redisent le chant des psaumes, et les cœurs qui en avaient la dureté s’amollissent aux accents de la lyre du Prophète. Nous en avons été les témoins : nous avons vu des âmes , jusque - là inaccessibles à la pitié , s'attendrir à nos sacrés cantiques .
Dans ce divin livre se rassemble tout ce qui instruit , tout ce qui plaît. On les chante par goût pour le chant, on les apprend pour s'instruire , et l'on n 'oublie guère ce que l'on a eu du plaisir à confier à sa mémoire . Dieu veut être non - seulement loué , mais apaisé par nos cantiques. Les Psaumes suffisent à tous nos besoins. J'y trouve la loi qui enseigne , l'histoire qui instruit , la prophétie qui apprend l'avenir. J'y trouve une morale parfaite qui touche le cœur et persuade l'esprit. Bien que l'Écriture , qui est tout entière de la main de Dieu , soit partout animée de l'esprit de son divin Auteur, des livres divers qui la composent, celui qui l'emporte sur tous les autres , c'est le livre des Psaumes.
Moïse , de qui nous avons l'histoire des faits , écrite en prose , après le passage miraculeux de la mer Rouge, contemplant les ruines de l'armée égyptienne ensevelie sous les eaux avec son roi pharaon et se sentant transporté d 'un sublime enthousiasme, chante en l'honneur du Seigneur un cantique triomphal. Marie , à la tête des femmes, formait aussi un chœur qui s'unissait à lui pour chanter : « Célébrons la gloire du Seigneur qui s'est manifesté avec magnificence ; il a renversé dans la mer Pharaon et sa cavalerie . » Après la lecture du livre de la Loi, Moïse, voulant rendre plus durable encore l'impression qu'elle avait faite sur les coeurs , en fit une sorte d 'abrégé dans son cantique commençant par ces mots : Cieux , prêtez l'oreille , et je parlerai.
Le chant de nos cantiques monte jusqu'au cœur de Dieu dont ils célèbrent la louange, dont ils apaisent la justice. Il en redescend comme une rosée céleste qui se répand sur les âmes fidèles , les pénètre , y fait germer des fruits de grâce et de bénédiction . Mais de tous ceux qui nous ont laissé des cantiques , le roi David est plus particulièrement qu'aucun autre celui dont le Seigneur avait fait choix pour faire éclater , de la manière la plus soutenue , le saint enthousiasme dont les autres nous offrent quelques étincelles. Chacune des parties de l'Écriture a donc son caractère qui la distingue . Les livres historiques nous apprennent les faits ; ceux qui contiennent la loi nous en présentent les commandements ; les livres prophétiques annoncent les choses futures ; les livres sapientiaux donnent la règle des mœurs. Le livre des psaumes enchérit sur tous ; il fournit à toutes les conditions de la vie humaine un remède salutaire , le mieux approprié aux affections particulières qui dominent dans le cœur de chacun de nous.
C 'est une école ouverte à tous : chacun est sûr d'y trouver le genre d 'exercice le mieux fait pour diriger ses dispositions particulières à la vertu , et lui faire obtenir le prix du combat. Un seul de ces psaumes présente aux amateurs de l'antiquité le tableau en raccourci de toute l'histoire de nos pères, de nature à la fixer aisément dans tous les souvenirs ; un autre développe le grand principe de la charité ; un autre épouvante le pécheur par la menace du courroux céleste ; un autre invite à la patience , dont il expose de sublimes exemples. Veut-on opposer de puissantes armes aux traits du malin esprit ? qu'on lise les psaumes ; c'était par le chant des psaumes que David mettait en fuite le démon (ange déchu) dont le roi Saül était obsédé . Mais ce qui en détermine surtout l'excellence , c'est le caractère prophétique dont ils sont empreints. Ce qui n 'est qu'indiqué ailleurs, se trouve ici énoncé clairement, à savoir : le Messie , Jésus -Christ , sa naissance , sa vie mortelle , sa passion , sa mort, sa résurrection , sa glorieuse ascension dans le ciel. Ce que David avait exprimé dans sa prophétie , c'est précisément ce que Jésus -Christ est venu manifester dans sa prédication. L 'instruction la plus solide s'y réunit à l’onction la plus touchante : Tout s'y trouve , et les modulations de l'amour pour le bien - aimé, et les vives ardeurs de la charité , et toutes les profondeurs des mystères divins , et les révélations les plus cachées , et les témoignages de la résurrection , et les récompenses qui nous sont promises. J'y apprends à fuir le péché , à ne pas rougir de l'humble aveu de mes fautes . Quand on voit un prince si accompli , un si grand prophète en donner l'exemple , qui pourrait , ou vouloir dissimuler ses fautes , ou ne pas travailler à les prévenir ?
Source : Saint-Ambroise Archevêque de Milan – Lille - 1852
CHAPITRE XV.
Devoirs de la vie chrétienne . – Prière . -- Sa nécessité. – Motifs de
confiance en Dieu . – Exemple du Sauveur. — Méditations dans les livres
saints . – Chants des Psaumes.
« CELUI qui est véritablement chrétien doit publier sans cesse les louanges de son Père et de son Seigneur, et faire toutes ses actions pour sa gloire, selon ces paroles de l'Apôtre : Soit que vous mangiez , soit que vous buviez , et quelque chose que vous fassiez , faites tout pour la gloire de Dieu . Vous voyez quels doivent être les festins des Chrétiens selon St Paul, afin que ce soit plutôt la grâce de Jésus-Christ que les viandes qu ’on sert sur les tables , qui fasse leur nourriture et leurs délices; que la fréquente invocation du nom de Dieu contribue davantage à la subsistance des hommes que le grand nombre de mets que l'on présente devant eux , et qu 'ils rassasient plutôt leur faim par des actions de religion et de piété que par la graisse des aliments corporels. Faites tout , dit ce grand Apôtre, pour la gloire de Dieu.
Il veut donc par -là que toutes nos actions soient en vue de Jésus- Christ et en songeant qu'il nous accompagne, de sorte que ce soit lui qui soit l'auteur et le principe de ce que nous faisons de bien , et que nous nous abstenions de faire du mal par la considération de cette familiarité si étroite que nous avons avec lui ; car tout homme qui sait que Jésus- Christ est avec lui , rougit de honte quand il est tenté de commettre de méchantes actions. Lors donc que nous nous levons dès le point du jour , avant que de sortir de notre chambre , nous devons rendre grâce à notre Sauveur, et faire précéder les occupations profanes de la journée par des actes de piété , en le remerciant de ce qu 'il nous a conservés la nuit précédente et nous a accordé un sommeil paisible .
Ne faut-il pas , en effet , attribuer à Dieu seul la conservation de l'homme pendant qu' il dort, puisque , s'abandonnant au sommeil en oubliant tout ce qu' il avait de vigueur et de force humaine , cet état le prive tellement de ses facultés, qu 'il ne sait plus ni ce qu'il est ni où il est , et se trouve dans l'impuissance de se guider ou de se défendre ? Il est donc nécessaire que Dieu assiste ceux qui dorment , puisque d 'eux-mêmes ils sont inca pables de se procurer aucun secours, et c 'est lui seul qui garantit et préserve les hommes des embûches de la nuit, car nul autre ne veille pour eux. Je lui suis donc redevable de la bonté qu'il a de veiller , afin que je puisse dormir en sûreté , car c'est lui qui nous reçoit comme dans le sein d 'un doux repos , qui nous conserve comme dans une espèce de sanctuaire de tranquillité et de paix , et qui nous défend contre la lumière par l'obscurité de la nuit dont il nous couvre et nous environne , afin que la malice des hommes, qui nous persécutaient pendant le jour , soit trompée par les ténèbres , et que l'obscurité donne à ceux qui sont las et fatigués la paix qu ' ils ne pouvaient obtenir de leurs semblables.
Nous devons donc en nous levant rendre grâce à Jésus-Christ , et nous armer pendant le jour du signe de la rédemption . N ' étiez - vous pas curieux de signes lorsque vous étiez encore engagés dans la superstition du paganisme , et ne recherchiez - vous point alors avec beaucoup de joie les signes qui paraissaient vous promettre des évènements avantageux ? Or , il ne vous en faut pas un grand nombre aujourd 'hui: un seul suffit , celui de Jésus-Christ , pour assurer le bonheur et la prospérité de tout le monde. Ceux qui auront consulté ce signe, pour commencer à semer, moissonneront la vie éternelle . Ceux qui l'auront devant les yeux, en entreprenant le grand voyage du ciel, y arriveront heureusement. C 'est donc ce nom qui doit être la règle de notre conduite , et il faut y rapporter tous les moments de notre vie , parce que , comme dit l'Apôtre saint Paul : C 'est en lui que nous avons la vie , le mouvement et l`être . Il faut aussi louer Dieu le soir par la psalmodie , et chanter sa gloire , afin qu'ayant achevé tous nos travaux , qui sont autant de combats , nous méritions de goûter la douceur du repos comme le fruit de notre victoire , et que le sommeil qui nous fait oublier toutes nos fatigues en soit comme la palme et la récompense .
Vous devez prier pour tout le corps de l'Église ; la vraie charité consiste à prier pour chacun des membres qui nous unissent à notre mère. Car si vous ne priez que pour vous seul, il n 'y aura que vous seul qui prierez pour vous ; et la prière , qui ne se fait que par un seul , est bien loin d 'avoir la même force que celle qui se fait par tous. Un coupable est moins sûr d 'être exaucé que celui qui intercède en sa faveur.
Quand c'est chacun des chrétiens qui prient pour tous, il s'ensuit que tous prient pour chacun. Si donc vous priez pour tous , tous prieront aussi pour vous. Après que le Seigneur s'est donné à vous tout entier , croyez- vous qu'il puisse vous refuser quelque chose ? Abandonnerait- il ceux qu'il a prévenus de tant de faveurs , jusqu 'à leur accorder des récompenses ? Qu'auriez - vous à redouter? Que l'on vienne vous accuser auprès de lui ? Qui l'oserait , quand on vous voit marqués du sceau des élus ? Révoquera- t il ses dons après qu'il vous en a comblés? Effacera- t-il de son coeur ceux qu'il a fait entrer dans sa famille ? Vous vous effrayez de la sévérité de ses jugements. Mais réfléchissez quel est celui qui les exerce ; c'est à Jésus-Christ qu 'il en a remis la commission. Jésus Christ condamnera - t - il celui qu'il a racheté de la mort, pour qui il s'est sacrifié , dont il regarde la vie comme le prix de sa mort ? Ne l'entendrez- vous pas dire à Dieu , son Père, avec son Prophète : Que me sert- ii d'avoir répandu mon sang , si je prononce un arrêt de mort contre celui que j'ai sauvé ? Vous voyez le juge, vous ne voyez pas le défenseur. Pouvez vous craindre un rigoureux jugement de la part de Celui qui ne cesse d 'intercéder pour vous auprès de la miséricorde de Dieu , son Père ?.... Quand Jésus prie , ce n 'est pas pour lui , mais pour moi. Car , bien que Dieu son Père ait soumis toutes choses à la puissance de son Fils , parce qu'il avait à remplir l'office qu'il s' était imposé en se faisant homme , il veut invoquer en notre faveur , à titre de notre avocat, la clémence de Dieu son Père .
Nous ne devons jamais compter plus fortement sur l'assistance divine que lorsque tous les secours humains semblent nous manqué. Demandez de grandes choses quand vous priez , et non des biens passagers et périssables . Le cœur a une voix qui ne consiste pas dans le son extérieur et sensible , mais dans la sublimité des pensées et dans l'harmonie des vertus. Dieu écoute cette voix formée par la piété , voix si pleine de ferveur et de grâce. Il ne faut donc pas seulement crier , mais crier de tout son cœur. On n 'est pas longtemps fort et vigoureux , quand c'est soi -même qu'il faut vaincre. Le combat qu'on est obligé de soutenir contre soi-même et ses propres désirs est trop rude pour qu 'on puisse , seul, en sortir victorieux; bientôt l'homme misérable se voit en danger de périr , si son Dieu ne vient à son secours ; s'il ne crie vers lui, du sein de ses frayeurs , en lui disant : Seigneur , délivrez mon âme ! La victoire est donc réservée à celui seul qui met sa confiance dans la grâce et qui ne présume point de ses forces. Dieu ne nous pardonne qu'autant que nous l'en prions. Je me souviens de vous avoir dit souvent que : nous ne devons jamais craindre le bruit et le tumulte de la guerre , et que le nombre de nos ennemis, quelque extraordinairement grand qu'il puisse être , ne doit pas nous épouvanter , parce que , comme dit l'apôtre saint Jean : « Celui qui est en nous est plus grand que celui qui est dans le monde ; » c'est- à - dire que Jésus-Christ a plus de force par la protection de ses serviteurs , que le démon (l`ange déchu) n 'a de pouvoir pour nous susciter des ennemis. Quoique l`ange déchu rassemble ses troupes de toutes parts et qu 'il les arme de cruauté et de fureur contre nous , néanmoins il est aisé de les vaincre et de les détruire , parce que notre divin Sauveur procure à son peuple un secours plus avantageux et l'environne de tous côtés de troupes qui l'appuient.
C 'est ce que le Prophète nous conjure par ces paroles : Les anges du Seigneur se campent parmi ceux qui le craignent , pour les mettre en sûreté. Que si l'ange du Seigneur sauve du péril ceux qui le craignent, quiconque a la crainte du Seigneur ne doit nullement appréhender les barbares, et il ne doit pas redouter la fureur de ses ennemis , pourvu qu 'il garde les commandements de Jésus- Christ avec une fidélité inviolable , car les commandements de Jésus-Christ sont des armes qui couvrent les Chrétiens, et la crainte de Dieu bannit de leurs âmes les vaines terreurs. Ces armes qu 'il nous a données pour nous défendre , sont la prière , l'aumône et le jeûne , car il n 'y a pas de rempart qui ait tant de force que le jeûne pour nous défendre. Celui qui fait l'aumône ne doit redouter ni les voleurs ni les meurtriers ; et il n 'y a point de flèche qui porte si loin que la prière pour blesser nos ennemis.
Voyez- vous quelles sortes d 'armes emploie le Sauveur pour défendre l'homme de la malignité de son ennemi, et pour le couvrir et l'environner de toutes parts contre les attraits et les amorces de l'intempérance , car il n 'use point de son pouvoir absolu et n 'agit pas souverainement comme Dieu ; mais , comme homme, il emploie pour sa défense un moyen qui lui est commun avec nous , afin que son âme étant appliquée à se nourrir de la lecture des livres saints , il ne s' inquiète pas de la faim corporelle , et trouve son aliment dans la parole divine. C 'est par le désir de cet aliment que Moïse ne se mettait plus en peine de manger du pain . C'est par l'ardeur violente de ce même désir qu' Elie n 'a pas ressenti la faim et l'incommodité que lui pouvait causer un très-long jeûne. En effet , quiconque est assez heureux pour être le disciple du Verbe divin , ne peut plus avoir aucun désir d 'un pain terrestre et matériel , étant rassasié de la substance solide d 'un pain céleste , les choses de Dieu étant indubitablement préférables à celles qui ne sont qu 'humaines, et les biens spirituels à ceux du corps. Il est donc juste que ceux qui sont touchés de l'amour de la véritable vie , souhaitent ce Pain qui fortifie le cœur des hommes par une substance insensible.
Repassez, dans votre esprit nuit et jour les divines Écritures; car , si vous consultez un Juif et un docteur de l'ancienne Loi, il ne vous pourrait rien répondre qui ne soit tiré de ce que contiennent ces livres saints. On ne parle nullement dans leurs synagogues des affaires temporelles ; ils se succèdent continuellement les uns aux autres , de peur qu 'il ne se trouve dans leurs assemblées quelque vide et quelque intervalle pendant lequel on cesse de s'occuper de cette divine parole . Et vous, Chrétien , qui avez Jésus Christ pour maître , vous ne faites que dormir; et ne craignez - vous pas que l'on dise de vous : Ce peuple ne m 'honore pas même des lèvres. Car au moins le Juif l'honore des lèvres. Que si le cœur de ce peuple qui l'honore des lèvres est éloigné de Dieu , comment le votre pourrait-il en être proche , puisque vous ne l'honorez pas même extérieurement ?
Jusques à quand vous laisserez- vous occuper entièrement du sommeil des affaires temporelles , de l'inquiétude de cette vie , du soin des choses de la terre. Partagez du moins votre temps entre Dieu et le monde, et , puisque vous ne pouvez pas toujours vous appliquer aux affaires de ce siècle , et que les ténèbres de la nuit vous en ôtent le moyen , occupez- vous de Dieu , trouvez vos délices dans la prière , chantez des psaumes afin de ne vous point endormir , dérobez quelque chose à votre sommeil par un larcin qui soit utile à votre âme; allez à l'église dès le matin , offrez à Dieu les prémices de votre dévotion , et après cela , s'il se trouve quelque nécessité de vous engager dans les affaires du siècle , rien ne vous empêchera de lui dire : Mes yeux se sont levés vers vous avant le jour pour méditer votre loi. Et vous pourrez ensuite vaquer en paix à vos affaires. Qu'il est doux de commencer la journée par des hymnes et des cantiques !
Le livre des Psaumes est le charme de tous les âges ; il convient à toutes les conditions de la vie. Les maîtres du monde comme les peuples aiment à faire retentir le chant des psaumes. On les chante près du foyer domestique ; dehors , on les répète. Un psaume dissipe les frayeurs de la nuit , délasse des travaux de la journée. Les échos des rochers redisent le chant des psaumes, et les cœurs qui en avaient la dureté s’amollissent aux accents de la lyre du Prophète. Nous en avons été les témoins : nous avons vu des âmes , jusque - là inaccessibles à la pitié , s'attendrir à nos sacrés cantiques .
Dans ce divin livre se rassemble tout ce qui instruit , tout ce qui plaît. On les chante par goût pour le chant, on les apprend pour s'instruire , et l'on n 'oublie guère ce que l'on a eu du plaisir à confier à sa mémoire . Dieu veut être non - seulement loué , mais apaisé par nos cantiques. Les Psaumes suffisent à tous nos besoins. J'y trouve la loi qui enseigne , l'histoire qui instruit , la prophétie qui apprend l'avenir. J'y trouve une morale parfaite qui touche le cœur et persuade l'esprit. Bien que l'Écriture , qui est tout entière de la main de Dieu , soit partout animée de l'esprit de son divin Auteur, des livres divers qui la composent, celui qui l'emporte sur tous les autres , c'est le livre des Psaumes.
Moïse , de qui nous avons l'histoire des faits , écrite en prose , après le passage miraculeux de la mer Rouge, contemplant les ruines de l'armée égyptienne ensevelie sous les eaux avec son roi pharaon et se sentant transporté d 'un sublime enthousiasme, chante en l'honneur du Seigneur un cantique triomphal. Marie , à la tête des femmes, formait aussi un chœur qui s'unissait à lui pour chanter : « Célébrons la gloire du Seigneur qui s'est manifesté avec magnificence ; il a renversé dans la mer Pharaon et sa cavalerie . » Après la lecture du livre de la Loi, Moïse, voulant rendre plus durable encore l'impression qu'elle avait faite sur les coeurs , en fit une sorte d 'abrégé dans son cantique commençant par ces mots : Cieux , prêtez l'oreille , et je parlerai.
Le chant de nos cantiques monte jusqu'au cœur de Dieu dont ils célèbrent la louange, dont ils apaisent la justice. Il en redescend comme une rosée céleste qui se répand sur les âmes fidèles , les pénètre , y fait germer des fruits de grâce et de bénédiction . Mais de tous ceux qui nous ont laissé des cantiques , le roi David est plus particulièrement qu'aucun autre celui dont le Seigneur avait fait choix pour faire éclater , de la manière la plus soutenue , le saint enthousiasme dont les autres nous offrent quelques étincelles. Chacune des parties de l'Écriture a donc son caractère qui la distingue . Les livres historiques nous apprennent les faits ; ceux qui contiennent la loi nous en présentent les commandements ; les livres prophétiques annoncent les choses futures ; les livres sapientiaux donnent la règle des mœurs. Le livre des psaumes enchérit sur tous ; il fournit à toutes les conditions de la vie humaine un remède salutaire , le mieux approprié aux affections particulières qui dominent dans le cœur de chacun de nous.
C 'est une école ouverte à tous : chacun est sûr d'y trouver le genre d 'exercice le mieux fait pour diriger ses dispositions particulières à la vertu , et lui faire obtenir le prix du combat. Un seul de ces psaumes présente aux amateurs de l'antiquité le tableau en raccourci de toute l'histoire de nos pères, de nature à la fixer aisément dans tous les souvenirs ; un autre développe le grand principe de la charité ; un autre épouvante le pécheur par la menace du courroux céleste ; un autre invite à la patience , dont il expose de sublimes exemples. Veut-on opposer de puissantes armes aux traits du malin esprit ? qu'on lise les psaumes ; c'était par le chant des psaumes que David mettait en fuite le démon (ange déchu) dont le roi Saül était obsédé . Mais ce qui en détermine surtout l'excellence , c'est le caractère prophétique dont ils sont empreints. Ce qui n 'est qu'indiqué ailleurs, se trouve ici énoncé clairement, à savoir : le Messie , Jésus -Christ , sa naissance , sa vie mortelle , sa passion , sa mort, sa résurrection , sa glorieuse ascension dans le ciel. Ce que David avait exprimé dans sa prophétie , c'est précisément ce que Jésus -Christ est venu manifester dans sa prédication. L 'instruction la plus solide s'y réunit à l’onction la plus touchante : Tout s'y trouve , et les modulations de l'amour pour le bien - aimé, et les vives ardeurs de la charité , et toutes les profondeurs des mystères divins , et les révélations les plus cachées , et les témoignages de la résurrection , et les récompenses qui nous sont promises. J'y apprends à fuir le péché , à ne pas rougir de l'humble aveu de mes fautes . Quand on voit un prince si accompli , un si grand prophète en donner l'exemple , qui pourrait , ou vouloir dissimuler ses fautes , ou ne pas travailler à les prévenir ?
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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