Pauline Jaricot, l'extraordinaire conversion d'une jeune bourgeoise lyonnaise
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Pauline Jaricot, l'extraordinaire conversion d'une jeune bourgeoise lyonnaise
Pauline Jaricot, l'extraordinaire conversion d'une jeune bourgeoise lyonnaise
Mercredi 27 mai, la congrégation pour les Causes des Saints a rendu public la reconnaissance d’un miracle attribué à l'intercession de Pauline Jaricot (1799-1862), fondatrice de l'Œuvre pontificale de la Propagation de la Foi et du Rosaire Vivant. Portrait* de cette laïque lyonnaise qui devrait être bientôt béatifiée.
Mercredi 27 mai, la congrégation pour les Causes des Saints a rendu public la reconnaissance d’un miracle attribué à l'intercession de Pauline Jaricot (1799-1862), fondatrice de l'Œuvre pontificale de la Propagation de la Foi et du Rosaire Vivant. Portrait* de cette laïque lyonnaise qui devrait être bientôt béatifiée.
Publié le 29/05/2020 à 10:22
« Vanité des vanités, tout n’est que vanité. » Certes. Mais Pauline Jaricot, jolie plante de l’industrie des soyeux lyonnais, n’a pas encore bien lu l’Ecclésiaste. L’adolescente croît d’abord en la tyrannie de l’amour. Et elle veut régner. Dans l’air du temps flotte le parfum de poudre du premier Empire. Comme l’écrit avec emphase Alfred de Musset : « Napoléon avait tout ébranlé en passant sur le monde ; les rois avaient senti vaciller leur couronne, et, portant leur main à leur tête, ils n’y avaient trouvé que leurs cheveux hérissés de terreur. » 1816. Tout a commencé en un certain dimanche de carême. Pauline fait sensation quand elle rentre dans l’église Saint-Nizier. Elle remonte la nef comme un général pressé à l’heure du triomphe. Cette grande brune, aux yeux en amande, porte une robe de taffetas bleu, des souliers à rubans, et sur ses cheveux aux longues boucles, un chapeau de paille d’Italie relevé par une touffe de roses. Sa beauté irradie.
Pauline Jaricot, complètement myope…
Personne ne devine que cette conquérante est complètement myope. Ce jour-là, l’abbé Wurtz a décidé de prêcher sur les illusions de la vanité. Sans doute pour corriger la vue de ses paroissiens ? Pauline et l’abbé, c’est le choc entre les ors de la bourgeoisie lyonnaise et le noir charbon de la pénitence. Changer de vie ? Pauline n’y songeait pas vraiment. Elle tergiversait, elle étouffait les appels, elle faisait la sourde oreille. Pauline écrit plus tard dans son autobiographie spirituelle : « J’avais environ dix-sept ans lorsque mon pauvre cœur, las de ses recherches infructueuses de la félicité dans un monde corrompu et périssable, résolut enfin de fixer son inconstance dans l’affection de son Dieu. [...] Je cherchais avec avidité quelque chose qui pût combler l’immensité de mon cœur. » Le catholicisme était pour elle un décor confortable. Sans plus. Il est temps pour elle de passer de l’autre côté du miroir. De basculer. Jusque-là, la coquette raffolait plus des matinées dansantes que des exploits ascétiques. Elle dansait. Dans la propriété de Tassin, chez sa sœur Sophie, épouse d’un riche fabricant en soie ; au château de Saint-Vallier, chez une autre sœur.
Un drame est venu tout briser
Il y a quelques années, Pauline faisait partie du cortège des jeunes filles qui accompagnaient la duchesse d’Angoulême. Elle s’enivrait des fêtes données à l’île Barbe, des joutes sur la Saône, du bal au Palais Saint-Pie. Pauline se sentait faite pour l’amour. « L’amour est la seule passion qui se paie d’une monnaie qu’elle se fabrique elle-même », écrit à la même époque Stendhal. Pauline a connu une idylle avec un jeune homme fortuné de Saint-Vallier. On parlait déjà fiançailles. Mais un drame est venu tout briser. Net. En 1814, Pauline a fait une mauvaise chute d’un tabouret. Elle a été frappée d’une maladie étrange. La belle Pauline s’est mise à marcher comme une personne ivre, l’air égaré. Elle a perdu entièrement l’usage de la parole. Sa mère a voulu la veiller jour et nuit. Catholique fervente, elle-même a promis de donner sa vie pour sa fille... Échange mystérieux qui va se produire en réalité. La mère de Pauline meurt rapidement. Cette disparition tragique est cachée à Pauline encore fragile et convalescente. Guérie, Pauline a retrouvé son sempiternel besoin de plaire. Elle voulait être la plus élégante. Briller. « Mon cœur, écrira-t-elle, éprouvait une soif ardente que rien ne calmait, parce que ce pauvre cœur, toujours esclave de la créature, ne trouvait qu’un vide infini dans une affection périssable, et une torture inouïe dans ses résistances à l’appel divin. »
Elle brûle ses livres romantiques
Qu’est-ce que l’abbé Wurtz a bien pu dire ce dimanche-là ? Son sermon a transpercé le cœur de Pauline. La vanité, c’est la sienne. L’office terminé, elle fonce à la sacristie et s’ouvre au vicaire étonné. Confession générale. Pauline, pénitente radieuse baignée de larmes, veut rompre avec les mondanités ! Son esprit de conquête part dans une toute autre direction. Halte aux chapeaux, aux plumes et aux bijoux. De retour à la maison, rue Puits Gaillot, elle brûle ses livres romantiques. Elle décide de s’habiller comme les ouvrières en soierie des pentes de la Croix-Rousse. Pauline va porter une sorte de robe monacale de couleur violette, une étroite pèlerine, une coiffe à godrons et de gros socques à courroie de cuir. Son frère Paul s’affole. « Pauline, tu bois le bouillon trop chaud, vas-y avec plus de mesure. » Pauline explique : « Il m’était si terrible de briser avec mes habitudes de luxe et d’élégance que, les premiers mois de ma conversion, je souffrais cruellement quand je me montrais en public avec mon costume ridicule. » Un autre attrait commence à envahir son cœur. C’est la fascination pour les missions lointaines. En Extrême-Orient. Pauline lit régulièrement les Bulletins des MEP (Missions Étrangères de Paris) qui parlent d’exploits aux confins du monde. Surnommée l’école polytechnique du martyr, les MEP vont attirer toute l’ardeur évangélisatrice dont la France est capable après le rude hiver révolutionnaire et impérial. Pauline rêve de devenir missionnaire en Chine, un idéal partagé avec son frère Philéas qui ne va pas tarder à entrer au séminaire Saint-Sulpice.
Vers des conquêtes apostoliques
Les Missions étrangères sont issues de la Congrégation de la Propagande à Rome au XVIIe. L’idée est d’aller annoncer Jésus Christ le plus loin possible. À l’époque de Pauline, les jeunes missionnaires français prennent des risques immenses, notamment au Tonkin. Ne pouvant raisonnablement les suivre, Pauline cherche un moyen concret de soutenir leur périlleuse mission. Nous sommes en 1822. Louis XVIII est d’autant mieux assis sur son trône que Napoléon vient de faire sa dernière révérence à Sainte-Hélène. Alors que la perspective de forger un empire français trotte dans la tête des élites, Pauline songe à d’autres conquêtes. Plus apostoliques. Le rayonnement de la France est pour elle en lien avec celui de son Seigneur. Pauline est au courant que les bouleversements de la Révolution ont tari les ressources des congrégations missionnaires. Elle veut recueillir des aumônes pour cette cause qu’elle estime primordiale. Dotée d’un étonnant esprit pratique, Pauline se lance dans l’aventure. « Un soir que je cherchais en Dieu le secours, c’est-à-dire le plan désiré, la claire vue de ce plan me fut donnée et je compris la facilité qu’aurait chaque personne de mon intimité à trouver dix associés donnant un sou chaque semaine pour la Propagation de la Foi. » Elle lance la chose avec 200 ouvrières de l’usine de son beau-frère. L’Association de la Propagation de la Foi est née. Elle continuera sans elle, portée par un succès qui la dépasse.
Contre l’exploitation manufacturière
Et si la mission se trouvait aussi à Lyon ? Cette prise de conscience s’impose peu à peu à Pauline à force de côtoyer l’industrie de la soie. La Révolution industrielle, venue d’Angleterre, n’a pas attendu les livres de Karl Marx pour qu’on voie les ravages s’étendre de l’autre côté de la Manche. La machine, ce monstre chaud dans les mains d’entrepreneurs avides, tend à dévorer la main-d’œuvre qui se presse dans les villes. Mais l’homme n’est pas une simple « force de travail à vendre ». Bref, un prolétaire. En référence au statut du citoyen romain pauvre qui n’existait que par ses enfants qu’il devait nourrir. En vérité, sous la Restauration, le capitalisme industriel avance sans rencontrer de sérieux obstacles. Seuls quelques catholiques – minoritaires – commencent à s’émouvoir de la condition de ces ouvriers que certains transforment en chair à capital. C’est le cas d’Alban de Villeneuve Bargemont qui dénonce l’exploitation manufacturière. « Ce qui frappe le plus tout homme animé d’un esprit de justice et d’humanité dans l’examen de la classe ouvrière, c’est l’état de dépendance et d’abandon dans lequel la société livre les ouvriers aux chefs et aux entrepreneurs des manufactures. C’est la faculté illimitée laissée à des capitalistes spéculateurs de réunir autour d’eux des populations entières pour en employer les bras suivant leur intérêt. » Lyon est la première ville ouvrière de France. L’arrivée des métiers à tisser de grande taille révolutionne le travail de la soie. On s’installe dans les anciens couvents de la Croix-Rousse, aux plafonds très élevés. C’est le quartier des « canuts ». Au milieu du siècle, on compte environ 40 000 compagnons lessivés par les ignobles conditions de travail. La révolte gronde. En 1831, ils occupent Lyon aux cris de : « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ! »
Rendre à l’ouvrier sa dignité d’homme
Louis-Philippe envoie 20 000 hommes de troupe et 150 canons pour réprimer l’émeute. Leur sort ne va pas s’améliorer. Certains sont logés et nourris par le chef d’atelier qui les emploie, entassés avec leur famille dans des trous à rats, gagnant une somme dérisoire pour seize heures de travail par jour. Pauline note : « Chez l’ouvrier, la misère affaiblit peu à peu le courage et la vertu. Les personnes riches ne se doutent pas, au sein de l’abondance et de la sécurité, de ce qu’éprouvent un père, une mère à qui des enfants demandent du pain, quand le travail manque, ou que la maladie le rend impossible... Du pain !... Mais alors, pour en avoir, il faut mendier; et tous n’ont pas la force d’en venir là... Il me semble avoir acquis la certitude qu’il faudrait d’abord rendre à l’ouvrier sa dignité d’homme, en l’arrachant à l’esclavage d’un travail sans relâche ; sa dignité de père, en lui faisant retrouver les douceurs et les charmes de la famille ; sa dignité de chrétien, en lui procurant, avec les joies du foyer domestique, les consolations et les espérances de la religion ».
Et Pauline perdit tout son argent
En 1841, Pauline décide de consacrer toute sa fortune à la création d’un centre industriel. Elle explique : « La plaie sociale dont souffre la France étant dans l’agglomération de la classe ouvrière, je voudrais faire de cette agglomération même, un moyen de Salut. » Elle achète une usine avec un bâtiment attenant pour loger les familles et à côté une école et une chapelle. Pour lancer cette aventure Pauline a confié la somme de 700 000 francs-or à des hommes d’affaires. Mais ces derniers détournent les capitaux. « Je tombai, écrit-elle, comme l’homme descendant de Jérusalem à Jéricho, entre les mains de voleurs ». Pauline perd tout. Grevée de dettes, talonnée par les créanciers, elle se met à mendier pour rembourser les pauvres qui lui ont prêté de petites sommes d’argent pour l’usine. Pauline n’en sortira jamais. « J’ai aimé Jésus Christ plus que tout sur la terre écrit Pauline, et pour l’amour de Lui, j’ai aimé plus que moi-même tous ceux qui étaient dans le travail ou la douleur. » Sur l’autel du capitalisme débridé, elle a perdu et sa réputation et sa santé. Il lui reste l’amitié indéfectible avec ce Jésus qu’elle a décidé de suivre. L’amitié solide avec un certain curé d’Ars qu’elle fréquente assidûment. Pauline a apporté sa pierre à l’Histoire de France. Plus exactement son petit grain de sable dans les engrenages de la Révolution industrielle.
Au curé d’Ars : « Réchauffez ma pauvre âme… »
En 1859, Pauline Jaricot, âgée de 59 ans, passe une dernière fois à Ars. Transie de froid, on la fait monter dans la chambre du saint curé. Ce dernier se précipite pour allumer un feu. « Monsieur le Curé, n’essayez pas de remédier au froid ; j’y suis habituée. Réchauffez plutôt ma pauvre âme par quelques étincelles de foi et d’espérance. » Pauline en a fait l’expérience. Cette petite flamme d’amour est plus puissante que toutes les révolutions qui voient la chute de leurs éphémères barricades.
Samuel Pruvot
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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