À Calais, l'évêque célèbre la messe de minuit avec des chrétiens en exil

par Lumen Lun 27 Déc 2021 - 20:12

À Calais, l'évêque célèbre la messe de minuit avec des chrétiens en exil

Sur une invitation de migrants érythréens à Calais, aux abords de leur lieu de campement, l’évêque d’Arras, Mgr Olivier Leborgne, a célébré le 24 décembre au soir une messe de la Nativité à laquelle ont assisté quelque cent cinquante fidèles. Reportage.

Sur une invitation de migrants érythréens à Calais, aux abords de leur lieu de campement, l’évêque d’Arras, Mgr Olivier Leborgne, a célébré une messe de la Nativité le 24 décembre au soir. - Wim Van Cappellen

Publié le 25/12/2021 à 10:54

Ce 24 décembre, à Calais (Pas-de-Calais), l’étable de Bethléem prend la forme d’une tente dressée sur un bout de parking coincé entre un terrain de sport et une série de modules sanitaires préfabriqués. Sous cette modeste toile l’évêque d’Arras, Mgr Olivier Leborgne, doit célébrer la messe de minuit, à l’initiative du père [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Tout près de là, derrière une haie, campent de nombreux Érythréens, parmi les quelques milliers de personnes migrantes venues tenter une périlleuse traversée de la Manche. Une vingtaine d’entre eux, de rite copte, figureront parmi les fidèles de l’assemblée. En cette nuit de Noël 2021, comme Marie et Joseph en leur temps, ceux qui ne trouvèrent pas de place dans la salle commune deviennent ainsi, à leur tour, les hôtes de leurs frères venus célébrer la naissance du divin Enfant.

« Un pas de côté » pour rencontrer les migrants

Peu de temps avant le début de l’office, des bénévoles du Secours catholique dressent une table en plastique pour l’autel et, pour l’assemblée, quelques bancs et chaises. Ces dernières ne suffiront pas à faire assoir la cent-cinquantaine de fidèles, bien plus nombreux que prévu, qui viennent progressivement entourer les « exilés », pour reprendre une terminologie chère au milieu des associations qui viennent en aide aux migrants. De ce fait resteront debout, tout au long de la célébration, la plupart des fidèles rassemblés.

Parmi eux, Marie et Gaspar, 27 et 31 ans, estiment avoir fait ce soir « un pas de côté pour aller à la rencontre des plus fragiles, dans leur milieu, et célébrer Noël avec eux ». Jacques, 72 ans, lui, est venu « pour le petit Jésus ». Il apprécie « que l’évêque soit venu montrer que les chrétiens du Pas-de-Calais sont sensibles au dénuement que subissent tous les migrants qui dorment dehors, sous la pluie et qui, rappelle-t-il, sont toujours chassés par les autorités ». Un triste constat qu’atteste, hélas, les derniers tweets de Human rights observer. « Même pendant la semaine de Noël, les exilés ont été coursés par la police, empêchés de récupérer leurs affaires, leurs tentes volées », alerte l’équipe mobilisée sur ce projet de l’association L’auberge des migrants, qui comptabilise « au moins 24 expulsions » à seulement deux jours d’intervalle.

Les plus fragiles au centre

De son côté, Annélie, 30 ans, est venue exprès de Paris, pour cette messe de la Nativité calaisienne. Avec ses grands-parents, qui habitent Boulogne-sur-mer, elle est plusieurs fois venue dans les camps manifester sa solidarité en apportant des sacs contenant des affaires. « Je ne suis pas indifférente à ce que vivent » les migrants, soupire-elle, rappelant une disparition qui l’a beaucoup marquée, celle des vingt-sept naufragés morts noyés, fin novembre. Et pourtant, « il y a une Bonne nouvelle à apporter ici aussi : Dieu s’est fait homme. Il n’est pas indifférent à toute la misère qui se passe. Alors Noël a lieu aussi ici ce soir ». Elle aimerait toutefois offrir aux migrants un accueil « plus digne ». De la sorte, au cours de la célébration, elle priera « pour que d’autres personnes posent des gestes forts », à l’instar du Père Philippe Demeestère lorsqu’il rejoignit la grève de la faim d’Anaïs Vogel et Ludovic Holbein.

Bientôt, Mgr Olivier Leborgne arrive et la célébration de l’eucharistie commence. « Dieu rentre dans nos humanités par la fragilité. Et une humanité qui n’entre pas dans la vie du monde par la fragilité est une humanité qui ne sera jamais à hauteur d’homme », souligne-t-il au cours de l’homélie. « Si nous ne mettons pas les plus fragiles au centre, nous les oublierons ! Si nous les mettons au centre, tout homme, toute femme sera rejointe quelques soient ses apparentes richesses ». Au terme de cette messe, expliquant à Famille Chrétienne les raisons de sa venue au plus près des "exilés" de Calais, il confie : « Quand des chrétiens m’invitent la nuit de Noël, surtout des chrétiens en fragilité, je viens. Avant, à Amiens, j’allais célébrer à la prison. Et là, des chrétiens de Calais m’ont dit "Venez prier avec des chrétiens qui sont en exil" ».

A l'image de Moïse et Elie

On laisse le dernier mot de ce reportage à l’artisan de cette messe de minuit. Au risque de dérouter quelque peu son interlocuteur qu’il veut interpeller, le Père Philippe Demeestère explique ne pas se sentir appartenir à un autre monde que celui des deux figures bibliques avec qui Jésus discutait « de plein pied » lors de la Transfiguration : Moïse et Élie. Parce qu’aujourd’hui, comme au temps de Moïse ou d’Élie, « il y a toujours ce combat pour que vive la liberté humaine », affirme-t-il. Et parce que « si nous sommes libres, c’est pour pouvoir se mettre au service de l’ambition de Dieu qui est de bâtir un monde de fraternité, de justice et de paix ».

Guilhem Dargnies
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