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« Priez pour nous ! » : l’angoisse des Ukrainiens de Paris

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Message par Lumen Dim 27 Fév 2022 - 16:16

« Priez pour nous ! » : l’angoisse des Ukrainiens de Paris

Des membres de la paroisse Saint-Volodymyr-le-Grand, à Paris, racontent à Famille Chrétienne comment ils vivent le premier jour de la guerre en Ukraine. Reportage.

 « Priez pour nous ! » : l’angoisse des Ukrainiens de Paris Ukraine_france
Dans les locaux attenants, le Père Ihor Rantsya, curé, désigne une salle à manger où quelques hommes laissent transparaître leur angoisse, les yeux rivés sur leurs écrans, à l'affut des dernières nouvelles provenant d'Ukraine. - G. Dargnies

Publié le 25/02/2022 à 18:41


À l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue des Saints-Pères, à Paris, se dresse la cathédrale ukrainienne Saint-Volodymyr-le-Grand. Ce jeudi 24 février, elle sera exceptionnellement ouverte toute la journée, pour permettre aux fidèles de se recueillir, alors que l'Ukraine traverse de sombres heures, depuis l'ordre donné par Moscou, la nuit-même, de bombarder cette ancienne république soviétique.

Dans les locaux attenants, le Père Ihor Rantsya, curé, désigne une salle à manger où quelques hommes laissent transparaître leur angoisse, les yeux rivés sur leurs écrans, à l'affut des dernières nouvelles provenant de ce cette frange orientale de l'Europe en guerre. « Ce qui arrive est sans doute le pire de ce qui aurait pu advenir ! Je me suis réveillé avec un téléphone blindé de messages de soutien », témoigne Oleksandr, un séminariste de 23 ans. Lui-même et ses camarades s'inquiètent en effet pour leurs familles et amis, restés au pays, mêmes pour celles résidant à l'ouest, à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière avec la Russie, de nombreux sites stratégiques dans toute l'Ukraine ayant été la cible de bombardements.


Une église patriotique

La paroisse ukrainienne de Paris, de rite byzantin, est rattachée au primat de l'Église gréco-catholique d'Ukraine, lequel est né au 16ème siècle d'un ralliement à Rome d'une partie de l'Église orthodoxe d'Ukraine. Troisième composante chrétienne de ce pays d'Europe de l'Est, après les deux Églises orthodoxes dont seule l'une est rattachée au patriarcat de Moscou, elle rassemble environ trois des quarante-cinq millions d'habitants que l'Ukraine comptait en 2020. Cette Église gréco-catholique est réputée par certains « très patriotique et anti-russe », peut-être du fait des persécutions subies sous l'ère communistes ; tandis que ses cadres apparaissent très occidentalisés, beaucoup ayant vécu aux États-Unis ou au Canada.

Des échos de cette histoire récente se reflètent sans surprises dans les propos des religieux. « Je me suis réveillé avec l'inquiétude mais aussi avec l'espoir et la foi que notre armée pourra nous protéger » poursuit Oleksandr. « Contrairement à ce que certaines propagandes essaient de dire, ce n'est pas l'Ukraine qui attaque, mais l'Ukraine qui est attaquée, bombardée », abonde Walter, 44 ans, de grand-père ukrainien, et résidant à Lyon où il enseigne l'Histoire-Géo. Aussi ce dernier attend-il les réactions de la France, de l'Union Européenne, des États-Unis. « Je suis surpris que ce soit aussi long à venir. Or, cette attaque, a priori, tout le monde s'y attendait. Condamner moralement, c'est une chose. Mais ça ne fera pas plier Poutine ! »


La guerre de l'information

De Lyon est également venu, avec lui, Yurii, séminariste de l'université catholique, 23 ans également. D'après lui, beaucoup de désinformation circule sur la toile : « Du fait des Russes qui disent qu'ils ont déjà pris telle ou telle ville. Ou que des soldats ukrainiens, démoralisés, commencent à déserter ». « La première guerre à gagner est celle de l'information ! », l'interrompt Oleksandr. Aussi celui-ci s'informe auprès de sites web certifiés officiels ukrainiens : « Soit du ministère de la Défense, soit de l'armée nationale ». Yourii reprend : « Poutine veut provoquer notre panique. Parce que quand tout le monde est paniqué, plus personne ne prend les bonnes décisions ». Walter poursuit : « On a dit que les Russes ne ciblaient que les sites stratégiques. Or, on voit qu'il y a déjà dix morts ». « Quarante ! », corrige un nouvel arrivant [à la fin de la journée, le président ukrainien parlera lui-même de 137 morts, Ndlr]. Walter : « Évidemment, personne ne peut croire à l'illusion d'une guerre sans victimes civiles. Surtout quand il y a des bombardements ».

On se tourne vers les deux prêtres de la paroisse. Ces âmes de pasteur font avant tout appel à la conscience chrétienne : « Priez pour nous ! », demande le Père Volodymyr Pendzei. Il porte le même prénom que celui du saint sous le patronage duquel est placé cette paroisse : un prince qui accueillit le christianisme à Kiev, en 988. Mais le prêtre insiste sur l'étymologie de ce prénom : « Celui qui possède la paix. Hélas, monsieur Poutine n'en tient pas compte ! Ce qui est quand même paradoxal ! », soupire-t-il, toujours en allusion au même prénom qui se révèle être également celui du dirigeant russe.


La prière, arme principale

Malgré l'effrayante actualité ukrainienne, répartie et bonne humeur ne quittent étonnamment pas la pièce. La camaraderie maintes fois observée en compagnie d'hommes d'Église, règne ici en maîtresse des lieux. Elle rejaillit avec éclat lorsque plusieurs mains tendues désignent le curé, jusque-là volontairement muet, peut-être pour éviter que sa parole ne surplombe celle des âmes qui lui sont confiées : « Il lit souvent votre journal ! », dit l'un. « Ah oui ! Nous sommes abonnés », dit un autre. « Ah, en tant que comptable, je le certifie ! », assure avec humour Oleksandr. Les mines réjouies tendent alors l'oreille vers le Père Ihor Rantsya, lequel s'exprime dans un Français parfait, malgré une arrivée en France plus récente que celle de ses ouailles. Lui veut rester sur place et faire ce qui lui est possible « pour les paroissiens et pour la patrie, brutalement agressée aujourd'hui par le régime de Poutine ». En comptant sur la prière, « notre arme principale ».




Guilhem Dargnies
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