« Poutine n’est pas un tsar qui fait ce qu’il veut et décide de tout »
Page 1 sur 1
« Poutine n’est pas un tsar qui fait ce qu’il veut et décide de tout »
« Poutine n’est pas un tsar qui fait ce qu’il veut et décide de tout »
Vincent Hervouet, éditorialiste à Europe 1, auteur de Ainsi va le monde (Albin Michel), analyse les raisons qui ont poussé Poutine à envahir l’Ukraine. Parmi elles, son ressentiment contre l'Otan.
Vincent Hervouet, éditorialiste à Europe 1, auteur de Ainsi va le monde (Albin Michel), analyse les raisons qui ont poussé Poutine à envahir l’Ukraine. Parmi elles, son ressentiment contre l'Otan.
Publié le 28/02/2022 à 11:44
Comment analyser la décision de Poutine d’attaquer l’Ukraine ?
On pourrait en parler pendant des heures, d’ailleurs c’est ce que l’on fait depuis jeudi sur toutes les antennes ! Parmi les explications, le ressentiment contre l’Otan qui lui marche sur les pieds, le désir de châtier les dirigeants ukrainiens qui le défient, la faiblesse de l’exécutif américain depuis la chute de Kaboul, la colère de n’avoir pas réussi à négocier avec Joe Biden, la soumission des Européens, la volonté de rassembler son opinion publique, comme après l’annexion de la Crimée, etc. Peut-être que l’isolement lié au covid pèse aussi sur le mental du président russe… Mais Vladimir Poutine n’est pas un tsar qui fait ce qu’il veut et décide de tout. Il doit tenir compte des clans, de l’entourage, des oligarques et des hommes des services. Certains sont animés par une véritable haine de l’Occident et l’Otan est un repoussoir absolu. Poutine, comme on a pu le voir la semaine dernière, les a reçus les uns après les autres pour les interroger, apparaissant comme l’homme de la synthèse. Pour tenter de comprendre ce que pense Poutine, il faut écouter la leçon d’histoire qu’il a donnée pendant trois quarts d’heure lundi dernier. Il y livre sa version du roman national, notablement rectifiée par ses soins, comme au temps du communisme. Il oublie les famines organisées par Staline dans les années 32-33, qui ont fait plusieurs millions de victimes, la Shoah par balles, etc.
Qu’en est-il de l’attitude des Américains ?
J. Biden et V. Poutine se sont rencontrés en juin dernier. Tête à tête à Genève de deux hommes qui se connaissent de longue date et ne s’aiment pas. J. Biden l’a d’ailleurs traité publiquement d’assassin et lui a dit qu’il n’avait pas d’âme, en tout cas qu’il ne la voyait pas quand il le regardait dans les yeux, contrairement à Trump. Depuis trente ans, depuis la fin de l’URSS, les Russes réclament un grand accord stratégique, incluant armement conventionnel, armement nucléaire, garanties de sécurité. Entretemps, l’Otan s’est étendue à presque toutes les anciennes colonies soviétiques en Europe. Et les Américains ont déployé en Pologne et en Roumanie des rampes de missiles anti-missiles Patriot, supposés protéger l’Europe de l’Iran. Or les Russes s’inquiètent que ces armements puissent être tournés vers la Russie et lancer des Tomahawks à tête nucléaire. Alors qu’il massait des troupes à la frontière ukrainienne, V. Poutine a proposé un accord global par écrit. Comme s’il s’agissait d’imposer une négociation longtemps attendue. Le texte a été rejeté par Washington. Les Russes ont répondu. Ce dialogue stratégique a tourné court.
Poutine fait souvent allusion au précédent du Kosovo. Pourquoi ?
Le Kosovo, c’est le crime initial. En 1998, pour la première fois de son histoire, l’Otan a fait la guerre. A un Etat souverain, la Serbie. Qui ne menaçait l’Alliance en rien. Une guerre sans avoir obtenu l’aval du Conseil de sécurité et au mépris de la charte de l’Otan. Le Kosovo a été arraché à la Serbie. On a créé un Etat artificiel qu’on a confié à des mafieux. Au nom du droit d’ingérence : il fallait empêcher le génocide des Albanophones du Kosovo. En réalité il n’y a jamais eu de génocide, mais la répression brutale d’une guérilla armée. On a foulé aux pieds la souveraineté d’un Etat, on a retaillé ses frontières au nom d’intérêts suspects, on a trainé son président devant la justice de La Haye. Les Russes, protecteurs de la Serbie et des orthodoxes ont été mis devant le fait accompli. Les Occidentaux n’ont tenu aucun compte de leurs protestations indignées.
Le boomerang est revenu dix ans plus tard, en Géorgie. Deux régions, l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, gérées par des généraux soviétiques, ont tenu tête au président Saakachvili. Il les a bombardées. L’armée russe a volé au secours de ses protégés, a bousculé l’armée géorgienne, et si N. Sarkozy n’était pas intervenu, si les Américains n’avaient pas agi en renfort, elle fonçait sur Tbilissi et s’y installait. L’Abkhazie et l’Ossétie du sud ont déclaré leur indépendance. Moscou les a aussitôt reconnues. Le jour même, le Président Medvedev m’a dit : « C’est la revanche du Kosovo ». Aujourd’hui, le scénario se répète. Les Russes retaillent l’Ukraine, accusent ses dirigeants de génocide, promettent de les juger. C’est absurde et criminel mais l’Otan est mal placée pour s’en indigner.
Y a-t-il une chance que les Etats Unis n’incitent plus l’Ukraine à adhérer à l’Otan ?
L’Ukraine n’adhérera jamais à l’Otan. L’Amérique l’a laissée déposer sa candidature, en 2008. La France et l’Allemagne ont mis leur véto. Depuis, la Crimée a fait sécession ; elle est désormais rattachée à la Russie. Si l’Ukraine adhérait à l’Otan, celle-ci devrait l’aider à récupérer la Crimée. Ce serait mettre le doigt dans un engrenage fatal. On ne déclare pas la guerre à un pays qui possède 8500 têtes nucléaires.
Quelles conséquences les sanctions européennes et américaines peuvent-elles avoir ?
Les conséquences économiques vont pousser la Russie dans les bras de la Chine dont elle va devenir encore plus dépendante. La Russie a anticipé en « dédollarisant » son économie depuis l’annexion de la Crimée mais elle va se retrouver isolée. Les sanctions vont aussi peser lourd sur les Européens. Sur les Allemands qui se chauffent au gaz russe et qui devront tôt ou tard s’en affranchir. Sur la France qui est un des principaux fournisseurs de la Russie et qui va perdre ce marché.
L’Ukraine n’aurait donc le choix qu’entre le grand frère russe et le parapluie américain…
Joe Biden a dit et répété qu’il n’était pas question d’aller faire la guerre en Ukraine. Il s’est révélé incapable de négocier un accord global avec Moscou et de l’imposer ensuite à son entourage et à l’opinion américaine. L’Europe va être directement impactée mais elle reste hors jeu car elle chérit son impuissance. Quant à l’Ukraine, elle vit l’occupation, l’exode, la peur et quand l’exaltation guerrière sera retombée, elle pleurera ses morts et ses libertés en ruines.
Charles-Henri d'Andigné
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
Sujets similaires
» L’air décidé et l’allure vive, le soleil fait le grand tour des collines. Il fait éclater le coquelicot, la marguerite..
» Russie — Poutine veut trois enfants par femme
» Si Poutine a raison,on fait quoi?Révélation importante
» * Message Lumière * : Jésus veut entrer chez toi pour te porter le salut, comme Il l'a fait pour Zachée.
» * Message Lumière * : Rien en nous ne fait peur à Dieu, et sa Miséricorde peut tout transformer.
» Russie — Poutine veut trois enfants par femme
» Si Poutine a raison,on fait quoi?Révélation importante
» * Message Lumière * : Jésus veut entrer chez toi pour te porter le salut, comme Il l'a fait pour Zachée.
» * Message Lumière * : Rien en nous ne fait peur à Dieu, et sa Miséricorde peut tout transformer.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum