« Le nouveau monde de Macron semble déjà très vieux »

par Lumen Jeu 16 Juin 2022 - 21:06

« Le nouveau monde de Macron semble déjà très vieux »

Au lendemain du premier tour des législatives, la majorité semble incertaine pour la coalition présidentielle d’Emmanuel Macron, au coude-à-coude avec celle de Jean-Luc Mélenchon.

« Le nouveau monde de Macron semble déjà très vieux » Affiche_legislatives_macron_melenchon

Une affiche de campagne électorale représentant Emmanuel Macron est recouverte par une affiche
de campagne du parti La France Insoumise (LFI). - J.SAJET - AFP

La logique politique voudrait que le Président nouvellement élu obtienne une majorité absolue à l’Assemblée (289 sièges) pour être en mesure de gouverner. Tel n’est pas le scénario qui semble se dessiner aujourd’hui. « Emmanuel Macron a quand même réédité son tour de passe-passe de la présidentielle », tempère Arnaud Benedetti, auteur d’Une étrange victoire (Placards & Libelles, Cerf). « Il fait jeu égal avec la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale]. Il tient son socle électoral. »

Quel scénario le 19 juin ?

La coalition d’Emmanuel Macron (Ensemble !) regroupe un quart des électeurs, correspondant à l’étiage du premier tour de la présidentielle. « C’est une assise électorale qui profite depuis l’origine de l’abstention et de la fragmentation des oppositions. » Si le taux record d’abstention enregistré au premier tour a joué en faveur de la majorité présidentielle, force est de constater que la dispersion de l’offre politique est désormais contenue à gauche depuis l’apparition de la Nupes.

« La stratégie de Macron atteste justement de ses limites à cause de la nouvelle offre d’union à gauche qui est venue contrarier ses plans. La grande réussite de Jean-Luc Mélenchon, c’est d’avoir forgé une alliance électorale malgré toutes les ambiguïtés idéologiques qu’elle comporte. Il a créé une machine électorale qui fait douter la majorité. » C’est déjà un premier succès. « L’élection présidentielle a été mi-figue mi-raisin, rappelle Arnaud Benedetti. Le Président est aujourd’hui confronté à toutes les ambivalences de son élection. »

Quel scénario peut-on alors imaginer pour le second tour ? « Tout dépend de ce qui va se passer localement, prévient le politologue. Dans les duels qui se profilent entre la Nupes et la majorité présidentielle, quel sera le comportement des électeurs LR ou RN ? »

Entraver l’action présidentielle

La Nupes n’a pas beaucoup de réserves de voix. Au second tour, il pourrait y avoir un effet de repoussoir en vue de faire barrage à Jean-Luc Mélenchon. « L’hypothèse d’une cohabitation me paraît aujourd’hui très peu probable. Il aurait fallu que la Nupes soit résolument en tête, ce qui n’est pas le cas. L’écart est insuffisant pour susciter un effet de souffle pour le second tour. »

Mais si Jean-Luc Mélenchon n’est pas Premier ministre, il pourrait quand même obtenir la capacité d’entraver l’action présidentielle. « Une majorité relative pour la coalition d’Emmanuel Macron semble une hypothèse à ne pas exclure. En 1988, François Mitterrand disposait aussi d’une majorité relative à l’Assemblée, mais il avait l’arme du 49.3 avec Michel Rocard ! Le gouvernement pouvait en faire usage de manière illimitée, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui... »

En 2017, la majorité absolue s’était faite sur le nom d’Emmanuel Macron. La majorité absolue, en 2022, sera sans doute le résultat d’âpres négociations. Le Président aura besoin de l’apport arithmétique d’autres formations proches comme le Modem ou Horizons. Et peut-être aussi de LR ? Le début du second quinquennat risque donc d’être un peu cacophonique. « Le nouveau monde de Macron, conclut Arnaud Benedetti, semble déjà très vieux. »

Samuel Pruvot

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