Les larmes nous font entrer dans le plan de Dieu
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Les larmes nous font entrer dans le plan de Dieu
Les larmes nous font entrer dans le plan de Dieu
Le christianisme médiéval les considère comme un don et un second baptême.
Que traduisent les larmes dans la vie des croyants d’aujourd’hui ?
Dans la Bible, les larmes sont très présentes, commeici celles de Marie de Cléophas au pied de la croix
(détail de la Crucifixion, vers 1441-1442, par Fra Angelico, couvent San Marco, Florence).
- MPORTFOLIO - AKG IMAGES
Le christianisme médiéval les considère comme un don et un second baptême.
Que traduisent les larmes dans la vie des croyants d’aujourd’hui ?
Dans la Bible, les larmes sont très présentes, commeici celles de Marie de Cléophas au pied de la croix
(détail de la Crucifixion, vers 1441-1442, par Fra Angelico, couvent San Marco, Florence).
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Après le confinement de mars 2020, Cécile a senti sa gorge se nouer et les larmes lui monter aux yeux à chaque « Alléluia » chanté à la messe dominicale enfin revenue. Marie, catholique de cœur mais peu pratiquante, a été saisie par des sanglots irrépressibles lors d’une messe de la Nativité, au point que tous ceux qui étaient autour se sont inquiétés pour elle, alors qu’en réalité tout allait bien. Alain s’est, quant à lui, transformé subitement en fontaine de larmes, quand, pendant un pèlerinage en Terre sainte, les Sœurs du monastère de Bethléem, au pied du mur qui encercle la ville, ont accompli le geste du lavement des pieds.
Dans l’ordinaire de la vie chrétienne, certains ont l’œil qui s’embue facilement, lorsqu’une phrase de l’homélie, un chant, un mot inspiré au cours d’une simple conversation, est venu les toucher. Ce sont souvent les mêmes qui ont du mal à retenir leurs larmes en confession, même la plus banale. D’où viennent ces larmes ? Sont-elles à ravaler au rayon sensiblerie ou à reconnaître comme une grâce de Dieu ?« N’importe qui peut recevoir ce don des larmes, répond le Frère dominicain Xavier Loppinet (1). Aucun mérite ne le précède, il est gratuit, comme tout don de Dieu. » Est-il réservé aux grands mystiques comme on le croit souvent ? « Les mystiques ne sont pas séparés du reste des croyants. Quand une grâce est donnée, elle l’est pour tout le corps de l’Église. »
Nous redoutons souvent l’émotion, comme quelque chose d’un peu factice, qui viendrait parasiter la vie spirituelle, et parce qu’on peut facilement s’y complaire. Le dominicain prend soin de rappeler que cette méfiance est parfaitement justifiée : « Il faut toujours discerner quand quelque chose d’inhabituel nous arrive, c’est la base de la vie spirituelle : pleure-t-on sur soi-même ou sur les autres ? Est-on dans l’auto-apitoiement ou le repentir ? Et surtout, d’où cela vient-il ? » Si la tradition chrétienne parle de « don des larmes », cela signifie déjà que celles-ci ne viennent pas de nous, mais qu’on les reçoit. Nous ne pouvons alors ni les commander ni les maîtriser. D’ailleurs, nous sommes toujours gênés quand elles surviennent devant les autres, brisant notre carapace sociale.
Un étau qui se desserre
Plus qu’un simple mécanisme physiologique, les sanglots renvoient à quelque chose de mystérieux, d’incontrôlable, qui vient des profondeurs. On dit que les larmes « montent » avant de couler à l’extérieur. Elles traduisent un bouleversement, une déstabilisation, c’est pour cela qu’elles sont associées à la conversion, aux franchissements des étapes spirituelles, à des brèches salvifiques dans le cours tranquille de l’existence. Quand Pascal évoque sa « nuit de feu », il écrit : « Joie, joie, joie, pleurs de joie. » Beaucoup de ceux qui vivent ces moments de conversion dans les larmes les décrivent comme un étau qui se desserre, une angoisse existentielle profonde dont on prend conscience en même temps qu’on la sent s’éloigner, en voyant surgir une réalité inespérée.
pour nous faire entrer dans le plan de Dieu
Il y a toute une palette de larmes, mêlant la joie et la tristesse : de la simple pitié extérieure à la compassion qui nous fait éprouver la souffrance de l’autre en nos propres entrailles, dans un mouvement intérieur de tendresse ; du regret un peu abstrait de nos péchés à la contrition du cœur, quand nous ressentons l’immensité de l’amour de Dieu et à quel point nous n’avons pas su y répondre. C’est l’amour qui fait foi. « Les larmes nous attendrissent, elles viennent briser le cœur endurci. La clé de l’histoire reste la conversion du cœur et on sait qu’on ne se convertit pas le regard fier. Les Pères de l’Église disaient que les larmes sont un second baptême. » Une mystique comme sainte Catherine de Sienne évoque le cœur qui saigne comme le bois vert dans le feu « qui par la chaleur de l’eau gémit, parce qu’il est vert s’il était sec, non, il ne gémirait pas ainsi le cœur, reverdi par le renouvellement de la grâce, en ayant retiré la sécheresse de l’amour-propre qui dessèche l’âme » (2).
Pour discerner, nous pouvons encore nous demander si nos larmes brouillent la réalité ou la clarifient, ajoute le dominicain : « Dans la Bible, la première fois que quelqu’un pleure, c’est Agar, la servante de Sara, chassée au désert avec son jeune fils Ismaël, qu’elle a eu avec Abraham. Que se passe-t-il ? La situation est apparemment désespérée, Ismaël va mourir de soif, sa mère ne veut pas voir ça, elle s’éloigne et fond en larmes. C’est pourtant à ce moment-là qu’elle aperçoit le puits salvateur, comme si les larmes, au lieu de l’aveugler, avaient purifié son regard, pour lui permettre de mieux voir le monde qui l’entoure. « Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés ! » (Mt 5, 5). Thomas d’Aquin associe ce passage des Béatitudes au don de science. Les larmes m’enseignent une part de vérité dans ma vie. Elles brouillent le regard, mais viennent éclairer une situation. Quand je pleure, je vois mieux, ou plutôt je vois enfin. Les pleurs sont une irruption de sens dans ma vie. C’est pour cette raison que ma mémoire retient ces moments de vérité. » Cette claire vision sort des cadres et des raisonnements habituels pour nous faire entrer dans le plan de Dieu. « Moins je comprends pourquoi je pleure, plus cela a de sens théologique », résume Xavier Loppinet, qui rappelle la phrase de sainte Rose de Lima : « Les larmes sont à Dieu et quiconque les verse sans songer à Lui les Lui vole.
Le Christ Lui-même verse des larmes
On pleure beaucoup dans la Bible : du sanglot inaugural d’Agar dans la Genèse (21), aux dernières larmes de l’Apocalypse (21), quand il est annoncé que « de mort il n’y en aura plus », en passant par Joseph, le fils de Jacob et Rachel, grand pleureur devant l’Éternel, que ses frères jetteront dans une citerne, symbole de toutes les larmes dans lesquelles il ne se noiera pas, mais trouvera toujours Dieu auprès de lui. On retient évidemment celles des très proches de Jésus, Marie Madeleine et Pierre, quand il croise le regard de Jésus après L’avoir renié trois fois. La grande litanie des psaumes résonne de sanglots à la fois amers et doux, car il y a la conviction que Dieu les entend et y est présent. Le Christ Lui-même se laisse toucher et verse des larmes par trois fois, saisi par le chagrin de ceux qui pleurent la mort de Lazare, sur Jérusalem et toutes les contrées après elle qui n’ont pas su reconnaître leur sauveur, et à Gethsémani, dans la prière implorante, à la veille de sa Passion. « Cela vient fracasser notre image encore très stoïcienne d’un Christ impassible et nos standards culturels du héros qui ne pleure pas », note le dominicain.
Dans le sillage des Pères du Désert, c’est surtout la tendre Église médiévale qui s’intéressera aux larmes, avec ses ordres mendiants, les Franciscains (François d’Assise serait devenu aveugle à force de pleurer) et les Dominicains. Plus tard, Jean de la Croix ou Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites, en témoignèrent abondamment. La modernité en Occident a peu à peu corseté les cœurs en les assimilant à un signe de faiblesse. La société médiatique les a achevées en les donnant en spectacle. Il nous faut réapprendre à discerner entre les vraies et les fausses larmes, pour ne pas jeter cette grâce avec l’eau de la méfiance et devenir des croyants de tête plus que des croyants de cœur et de chair.
(1) Auteur de Pleurer sans pourquoi, Le Cerf, 242 p., 19 €.
(2) Dialogue, chapitre 92.
Clotilde Hamon
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
Localisation : France
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