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Sacré-Cœur de Montmartre : « La prochaine fois, venez prier ! »

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Message par Lumen Lun 1 Aoû 2022 - 20:19

Sacré-Cœur de Montmartre : « La prochaine fois, venez prier ! »

Avec ses dix millions de visiteurs par an et son adoration perpétuelle de jour comme de nuit, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre ne dort jamais. Pour faire tourner le poumon spirituel de Paris, une armée de petites mains œuvrent en coulisse.

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Aujourd’hui, fête du Sacré-Cœur, elle a choisi des roses et des lys rouges. La petite Sœur fleuriste les apporte derrière le chœur, à l’abri des regards. Sœur Anne-Christine coupe les tiges, puis monte un escalier invisible derrière l’autel pour arroser les bouquets déployés dans quatre grands vases. Comme dix autres bénédictines, elle est dévolue à l’animation spirituelle et matérielle du lieu. Rapide coup d’œil aux pèlerins qui prient devant le Saint-Sacrement. 9 h du matin, ils sont déjà une petite trentaine dans la nef, à contempler la grande hostie blanche exposée au-dessus du maître-autel. L’adoration eucharistique perdure sans interruption depuis 1885, avant même l’achèvement de la basilique.


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Le jour de la fête du Sacré-Coeur, soeur Anne-Christine fleurit la basilique Montmartre avec des
fleurs rouges. Photo : V.CAMU - HANS LUCAS POUR FC/


« You can go in, it is free ! »

10 h, la rumeur enfle du dehors. « Trois euros la tour Eiffel ! » Quelques notes du Hallelujah de Jeff Buckley jouées par un guitariste de rue. Des explications en anglais d’un guide touristique. Au pied des marches, un Américain, casquette de baseball « Texaco Gasoline » sur la tête : « How much to get in ? » Lorenzo vérifie son sac et répond à pleines dents : « You can go in, it is free ! »

« Chuuuut ! », répète inlassablement Denis à la foule de plus en plus compacte qui pénètre bruyamment dans la basilique. Il porte sa main à la tête en regardant avec insistance un visiteur coiffé d’une casquette. Le surveillant recadre ensuite deux adolescentes qui « prennent le lieu saint pour un café » et allaient pénétrer dans le chœur pour un selfie... « Et encore, c’est rien ça », soupire le quadra. Récemment, un homme a voulu se déshabiller entièrement, et un couple qui s’embrassait à pleine bouche a pris le confessionnal pour une chambre...

« Privé, interdit aux visiteurs. » Un panneau bloque l’accès à un couloir habillé de fenêtres. Il mène aux parties invisibles : sacristie, lingerie, bureau du recteur, chambres... À la lingerie, Daniel sélectionne les chasubles dans une armoire. Blanches aujourd’hui, dont une plus courte pour un prêtre de petite taille. Il les emporte à la sacristie et, d’un geste habile, les plie avec une étole sur les chasubliers. Le sacristain accompagne vers la crypte un groupe d’Américains pour une messe privée, puis revient déposer des hosties dans les calices. Le premier vendredi du mois, c’est le coup de feu. Cinq messes et une procession à préparer.



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Daniel, le sacristain (à d.) aide les prêtres à se préparer pour la messe. Avant cela, il a sélectionné les chasubles  dans une armoire de la lingerie. Le premier vendredi du mois, c'est le coup de feu : il y a cinq messes et une procession à préparer. Photo : V.CAMU - HANS LUCAS POUR FC


Derrière la porte de la sacristie, des pas dynamiques. Le Père Stéphane Esclef ouvre vigoureusement la porte, salue Daniel. Le recteur prend des nouvelles, gère les affaires courantes. « Les nouvelles bougies «Sacré-Cœur » sont bien arrivées ? » Il évoque l’autel, pour la procession. Temps incertain. Dehors ou dedans ? « Je préparerai les deux », tranche le sacristain. Il aide Daniel à sortir un grand panneau du Christ pour l’ambon, changé en fonction du calendrier liturgique. Hier la Saint-Jean-Baptiste, aujourd’hui, la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus. Le panneau est placé sur un drapé rouge, à côté des fleurs de Sœur Anne-Christine. Vers 10 h 45, la sacristie se remplit d’hommes en col romain. Ambiance conviviale. « Bonne fête ! », lance une voix. Les prêtres passent leurs mains dans les chasubles préparées par Daniel. Les voici revêtus du vêtement sacerdotal. Ils quittent deux par deux la sacristie pour la messe de 11 h. L’orgue retentit.

Environ mille personnes à la messe

14 h, la basilique est envahie. Foule bigarrée. Mélange de styles. Au plafond du chœur, l’immense mosaïque les attire : 475 m2, l’une des plus grandes au monde. Jésus ressuscité, bras grands ouverts, cœur d’or sur sa tunique blanche. Son cœur ouvert à tous. Contraste saisissant entre les touristes qui déambulent, chewing-gum à la bouche, font le tour de la basilique, une photo, repartent les mains dans les poches. Et ceux de la nef, pèlerins assis, à genoux, debout. Regards levés vers le Saint-Sacrement. Au premier rang, devant Jésus Hostie, deux Antillais très élégants. Magnifique tenue colorée de la femme, tissu siglé « Vous êtes ma force, soyez mon Espérance ». Sa voisine de banc, mère de famille au style plus classique en bleu marine, égrène un chapelet avec deux jeunes enfants. Même ferveur. Même dévotion. Même prière ?

Dans une petite salle proche de la sacristie, on parle fluidité et sécurité de la procession. Marc, retraité bénévole, coordonne six « gilets blancs ». Autorité naturelle. Il s’y connaît en logistique, il s’est occupé de plusieurs Journées mondiales de la jeunesse : « À la fin de la cérémonie, la basilique doit être quittée par la porte centrale, d’abord les enfants de chœur, ensuite le Saint-Sacrement et les fidèles. Attention au goulet d’étranglement à la chapelle de la Vierge... »

15 h, environ mille personnes à la messe. Denis ne sait plus où donner de la tête. Le surveillant déloge une famille qui a investi une chapelle latérale pour pique-niquer. Redouble ses « Chuuut ». À l’étage, vue plongeante sur le chœur et la nef. Du matériel informatique de pointe, « infrastructure KTO », permet la retransmission de l’office du Milieu du jour. Ce jour-là, Jean-Marc et Sylvie, affairés derrière l’ordinateur, s’occupent de la retransmission en direct sur la chaîne YouTube de la basilique. Le premier, costume cravate, cadre à la ville. À la basilique, régisseur et réalisateur. Pour la réalisation, ils utilisent six caméras, plus un mobile. « Je choisis les plans en fonction de ce que je vis intérieurement. » Croyant approximatif avant d’être « retourné comme une crêpe par le Saint-Sacrement », ce bénévole depuis vingt-deux ans est au service des trois cents personnes connectées alitées, trop âgées ou occupées pour se déplacer. Et des internautes. Trois mille pour la Pentecôte. « On fait presque de l’évangélisation. »

« Elles sont où, les tombes des rois de France ? »

Bientôt la fin de la messe. Quelques gouttes de pluie. Procession dedans ? « Je ne sais plus trop que faire », confie Daniel, impuissant. Le recteur porte le Saint-Sacrement vers la sortie, suivi des chapelains et des religieuses. Daniel court à la sacristie vérifier la sono. Les six « gilets blancs » écartent les badauds. Le cortège se fraie un passage au milieu des vendeurs, guides et touristes ravis. Sur son passage, beaucoup se prosternent, certains touchent le vêtement éclatant du recteur, d’autres réclament une bénédiction. « Je veux chanter ton amour, Seigneur... », entonnent les fidèles qui suivent le Saint-Sacrement jusqu’à l’autel du jardin. La mère et ses deux enfants, à la messe ce matin, portent une icône devant eux, « le sanctuaire itinérant de Marie Mère trois fois admirable de Schoenstatt ». La nappe bien scotchée par Daniel se soulève sans s’envoler, retenue par quatre photophores et les bouquets rouges. Sono impeccable.

Jean reçoit dans une cahute, à l’intérieur de la basilique. Cinquante personnes par jour, trois fois par semaine entre midi et deux. « Demande de messe, intentions de prière, écoute. » Grand sourire et yeux plissés, le retraité quadrilingue répond à chacun avec bonté. « Sur la mosaïque, la femme sans auréole, c’est la Gaule ? », s’enquiert une pèlerine à pull rouge. Mais aussi : « Le métro le plus proche, c’est où ? », « Vous pouvez faire dire une messe pour que ma fille trouve un mari ? », « Elles sont où, les tombes des rois de France ? Je ne les ai pas trouvées ». Jean pourrait « écrire un livre ».

Retour à la basilique. Applaudissements, « Youououou » dans l’assemblée. Le recteur fait un geste ferme de la main pour conserver l’atmosphère recueillie devant le Saint-Sacrement. Après la messe de 18 h, Sœur Marie-Jérémie, en charge de la liturgie, monte lestement un petit escalier dérobé menant à l’orgue. Sous son bras, un dossier rouge rempli de partitions annotées. Elle apporte à Luc Stellakis, organiste titulaire depuis vingt ans, « le conducteur », document qui liste les étapes de la messe. Au-dessus du grand orgue, deux miroirs décalés se font face. « Il faut que je puisse voir le chœur et l’assemblée. » Pour la procession sur le parvis, il se fiera au conducteur. « Tout est affaire de coordination. »



Au cœur de la nuit

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Soeur Marie-Brigitte et soeur Cécile-Marie accueillent des pèlerins qui viennent adorer le Saint-Sacrement
la nuit. Photo : V.CAMU - HANS LUCAS POUR FC.


20 h 30, derrière la basilique, hôtellerie du Centre spirituel Ephrem. Sœur Marie-Brigitte et Sœur Cécile-Marie accueillent des pèlerins, venus adorer le Saint-Sacrement la nuit. Habitués et nouveaux. Cent trente lits réservés ce soir, chambre ou dortoir. Une cinquantaine de jeunes garçons patientent devant la porte vitrée. Des petits chanteurs de l’école Saint-Dominique du Pecq, pour leur sortie de fin d’année. « Y a beaucoup de monde », s’inquiète Zelda, 7 ans, sur les épaules de son père, Jean-François. Ils viennent régulièrement de Gentilly et patientent pour récupérer leur clef. T-shirt jaune, cheveux en bataille, look baroudeur. « C’est normal, c’est la fête du Sacré-Cœur, les jeunes viennent prier Jésus. »

Derrière le comptoir, les religieuses diligentes : « 10 euros le dortoir, 30 euros la chambre individuelle », « Pour la retraite prêchée, les horaires sont affichés ici. Installez-vous, le chapelet de la Miséricorde commence à 20 h 45. » Cécile, adoratrice depuis 2015, est invitée à écrire son nom sur le planning d’adoration, coche le créneau « 3 h à 4 h ». Le téléphone sonne. « Sacré-Cœur, bonsoir ! Nous sommes désolées, il faut réserver 24 h à l’avance, il reste des places pour dimanche, si vous le souhaitez. » Un enfant du quartier vient réclamer son ballon, tombé dans le jardin. « La prochaine fois, venez prier avec nous ! »

Sœur Cécile-Marie s’éclipse pour un topo sur l’adoration : « Vous êtes rassemblés pour perpétuer la chaîne de prière établie il y a cent trente-cinq ans, et ce relais vous est confié, ce soir. Une heure dans la nuit pour dire merci, s’il vous plaît. Vous pouvez prendre un psaume de la liturgie... » Lorenzo arrive avec une pèlerine égarée : « Je vous amène une femme qui ne parle qu’allemand ». « Ça tombe bien, je parle allemand ! », répond Sœur Marie-Brigitte. « Petit-déjeuner ? » Chacun est renseigné. Le recteur vient saluer les Sœurs, prévient qu’il sera à Saint-Sulpice demain, après les vêpres. Est-ce que les Sœurs ont prévu un repas pour l’évêque ? À 22 h, les religieuses passent la main à Docis, 23 ans, le surveillant de nuit.



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De jour comme de nuit, l’adoration eucharistique perdure sans interruption depuis 1885, avant même
l’achèvement de la basilique. Photo : V.CAMU - HANS LUCAS POUR FC.


Dans la basilique, Serge ferme à clef les trois lourdes portes. Une quinzaine de pèlerins demeurent en prière. À 4 h du matin, au cœur de la nuit, toujours une quinzaine de pèlerins. On devine dans le noir les auréoles et le cœur doré du Christ, sur la mosaïque. Seules les bougies veilleuses aident le pèlerin à s’orienter. Et le Saint-Sacrement, éblouissant dans sa châsse. On entend seulement le vent, dehors. Et le léger bruit des distributeurs
de médailles-souvenir.

6 h. Les fenêtres du dôme s’éclairent progressivement avec le soleil. Les vitraux se révèlent. Le vent est tombé. Cliquetis des clefs du surveillant, à 6 h 30.




Olivia de Fournas
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