La passiflore, fleur de la Passion du Christ

par Lumen Lun 1 Aoû 2022 - 20:39

La passiflore, fleur de la Passion du Christ

Sa spectaculaire beauté et son analogie avec les instruments de la Passion figurent le mystère à la fois douloureux et glorieux du Sacrifice pascal.

La passiflore, fleur de la Passion du Christ Passiflore

Passiflore, Passiflora caerulea. Illustration botanique coloriée dessinée et gravée par William Clark
de Rebecca Hey's 'Moral of Flowers', Londres, Longman, Rees, 1833. - FLORILEGIUS - AKG IMAGES

Quand on la découvre pour la première fois, dans les frondaisons vert sombre qui ont envahi le mur ou la clôture en moins de deux saisons, elle crée toujours un choc, comme une apparition. Fleur spectaculaire entre toutes, la passiflore résume à elle seule le surgissement du miracle, dans la banalité apparente du jardin et de nos existences. On la dirait de porcelaine, peinte à la main, déposée là par quelqu’un. « On se demande comment cette fleur peut être naturelle », résume Sœur Odile. Ce doute, quant à l’existence d’une fleur aussi insolite et sophistiquée, s’est manifesté dès l’origine, quand un moine mexicain de passage à Rome en présenta des illustrations.

Découverte en Amérique tropicale par les conquistadors du XVIe siècle, elle stupéfia les religieux qui étaient du voyage. Comme saint Patrick avait pris le trèfle pour expliquer le mystère de la Sainte Trinité, les Jésuites s’en saisirent pour catéchiser les autochtones sur la Passion de Jésus, dont elle figure tous les instruments : cinq étamines pour les cinq plaies du Christ, trois stigmates pour les clous, la base du pistil évoquant le marteau qui les enfonça, une couronne rappelant celle, tressée d’épines, qui entourait la tête du Crucifié, les vrilles, avec lesquelles la plante grimpe et s’accroche, figurant les fouets de la flagellation...

Comment la fleur du mal peut-elle être aussi belle ? « La Passion est toujours évoquée comme quelque chose d’épouvantable, ce qu’elle est. Mais c’est aussi un événement qui nous sauve et transfigure le monde », répond Sœur Odile, remettant la souffrance de la Passion dans la perspective des trois jours saints, ce Triduum pascal dont on est parfois tenté de ne garder qu’un moment, la mort ou la Résurrection, l’abaissement ou la gloire. Raccordée au mystère de Pâques, notre fleur du mal est transformée en « une fleur du bien, qui traduit la splendeur du dessein de Dieu pour nous. La beauté qui sauve le monde nous sauve aussi du dolorisme qui ne sait que s’apitoyer sur le mal ».

Les deux sens du mot Passion

Depuis son arrivée en Europe, la passiflore a conquis les jardins, les parcs et les squares, offrant largement cette beauté, le plus souvent dans sa variété bleue, la plus adaptée à nos frimas. Dans la famille des plantes grimpantes, pour peu qu’elle soit plantée au bon endroit, elle croît et se multiplie à une vitesse impressionnante, comparée au lierre ou à la vigne vierge. Autre particularité qui fait s’émerveiller devant tant d’intelligence végétale et songer au dessein de Dieu : son extraordinaire capacité à deviner les prises, dans l’anfractuosité de la pierre ou sur le vieux clou rouillé qui dépasse de l’appentis. Ses lianes en prennent la direction avant même qu’elles ne les touchent. Elles s’y accrochent toutes seules avec ardeur.

La passiflore conjugue à merveille les deux sens du mot Passion, les signes de la mort offerte et la puissance amoureuse de la vie. Mais il faut s’approcher pour en déceler les miraculeuses fleurs, souvent à demi cachées dans l’entrelacement des feuilles. Savoir s’approcher, comme Moïse distinguant de loin le Buisson ardent et décidant d’aller y voir de plus près, c’est la grâce sans laquelle les miracles demeurent inaperçus.

Clotilde Hamon

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