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Lourdes : « Allez-y, parlez Monseigneur ! »

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Message par Lumen Lun 8 Aoû 2022 - 21:08

Lourdes : « Allez-y, parlez Monseigneur ! »

Planté dans son décor pyrénéen, le sanctuaire de Lourdes vit au rythme des foules qui se font et se défont sans relâche. Tandis qu’en coulisse des centaines de mains s’agitent pour faire vivre ce haut lieu marial à toute heure du jour et de la nuit.

Lourdes : « Allez-y, parlez Monseigneur ! » Lourdes_0


Une pluie légère et fine fait briller la pelouse. Odeur de terre mouillée, lumière blafarde des lampadaires. Il est 5 h 55, et les chants des oiseaux brisent le silence du sanctuaire encore plongé dans la nuit. À droite de la basilique du Rosaire, le gave s’écoule à toute allure. Il était vert émeraude hier, mais l’orage de la nuit l’a transformé en une rivière bouillonnante et trouble. Devant la Grotte, une poignée de pèlerins se recueille déjà ce matin, les gardiens ont ouvert à 5 h 30. Un vieil homme est là, debout, sous son poncho. Une mère et sa fille passent leurs mains le long de la paroi rocheuse. Elles suivent les traces sombres faites par leurs prédécesseurs. La Vierge dans sa niche les contemple. Une porte s’ouvre à droite, dans le prolongement du rocher. Sœur Marguerite sort et s’avance. Sur son petit chariot, calice, patène, hosties, burettes... La petite religieuse en habit bleu foncé attrape un petit chiffon et astique l’autel de pierre et l’ambon. C’est au tour de sa congrégation, les Franciscaines de la Croix du Liban, de préparer les messes à la Grotte. Sœur Marguerite s’engouffre de nouveau dans la sacristie. Elle prend un tronc, salue le prêtre qui arrive, vérifie sur l’ordinateur le planning des messes du jour. 6 h 45, messe slovaque. 7 h 30, messe en espagnol. Puis en français... Le début d’un long défilé.


Lourdes : « Allez-y, parlez Monseigneur ! » Lourdes_grotte_de_massabielle
Préparation des premiers offices du matin à la grotte Massabielle avec la religieuse chargée de
tout mettre en place. - LOURDES - Grotte Massabielle, by L.FERRIERE - HANS LUCAS POUR FC

 T’as pas vu ma raclette ? »

En face, de l’autre côté du gave, scintillement des bougies des chapelles de lumière. On distingue la silhouette de deux feutiers. Sous les grands auvents, la chaleur est intense. Le nez est saisi par une forte odeur de cire. La fumée s’élève vers la hotte métallique. En replaçant un grand cierge, Sylvain baragouine quelques mots dans un espagnol approximatif à Miguel. Ce dernier gratte les socles des bougies avec un grand instrument en riant. Puis il pousse énergiquement les résidus de cire vers le dessous de la structure. « Au fait, t’as pas vu ma raclette ? », finit par demander Sylvain en français. « Si, elle est là. » Ouvriers de l’ombre, ces feutiers veillent avec grand soin sur toutes les lumières symbolisant les prières des pèlerins. Ils surveillent qu’elles brûlent sans s’écrouler et ne s’éteignent pas. Tous les deux ont commencé il y a quelques mois.

8 h 30. L’immense basilique souterraine Saint-Pie-X est encore déserte. Mais des bruits de voix résonnent depuis la sacristie, ouverte sur ce navire de béton qui peut accueillir plus de 20 000 personnes. En quelques minutes, c’est la fourmilière. Il faut préparer la grande messe internationale de 10 h. « Tu te souviens, Donatello, on est en configuration sacristie, donc les plateaux de communion sont derrière », lance un sacristain au jeune Frère capucin chauve et barbu. Ce dernier endosse le rôle de premier cérémoniaire. Une série de « Buongiorno ! » retentit. Ce sont des volontaires portant le polo de l’Oftal (association italienne organisatrice de pèlerinages), qui viennent aider pour la messe. Frédéric, le chantre, arrive dans la basilique avec l’organiste et la chorale. « Jean-Paul, tu nous refais l’intro de l’anamnèse ? » L’organiste  le célèbre Jean-Paul Lécot  s’exécute, il joue le début de la mélodie avec quelques accords de la main gauche. L’heure tourne, la basilique Saint-Pie-X se remplit. La messe sera célébrée par Mgr Gianni Sacchi, évêque italien de Casale Monferrato.

Défilé de gourdes et statuettes en plastique

Direction la régie télévision de la basilique. Dans la toute petite pièce bardée d’écrans et de platines, ça sent fort la chaleur humaine. Baignant dans cette odeur moite, Daniel, Nicolas, Jesus-Juan et Maxime font leurs derniers réglages. « Allez-y, parlez Monseigneur », lance Daniel, au son, en appuyant sur un bouton. « Tutto va bene, cosi », répond une voix dans une enceinte. La messe commence. Diffusion en direct sur TV Lourdes. Les quatre techniciens savent que leur mission est précieuse...
Les diffusions depuis le sanctuaire touchent chaque jour environ cinq millions de téléspectateurs. Une audience multipliée par treize au moment du confinement.

Dehors, la pluie s’est arrêtée. Il est 10 h 30. Le soleil commence déjà à chauffer sérieusement. Flux grandissant de pèlerins et de touristes. C’est la routine du sanctuaire, qui s’emplit et se vide au fil de la journée comme les marées lors des grands coefficients. Le chant final de la messe en français à la Grotte retentit. À quelques mètres, défilé de gourdes et statuettes en plastique au pied des robinets de la source. Un prêtre en soutane remplit déjà son troisième bidon. À côté, Francis et Harsans ont garé leur camionnette taupe débordant de cartons. Avec des bérets et un accent du Sud-Ouest, ils disposent sur le présentoir des petites fioles transparentes avec un médaillon de la Vierge. Pendant ce temps, à l’abri des regards dans une petite salle à droite de la basilique du Rosaire, Sœur Gertrude agite avec dextérité un sécateur. La religieuse congolaise remplace la fleuriste, Pascale, qui est absente. Les plantes viennent d’arriver, et elle a six bouquets à préparer. Parfum de fleurs dans la pièce. Sur la grande table, un premier bouquet est prêt. Un autre est en cours. La liturgie impose du blanc. Arômes, œillets, alstroemerias ou encore chrysanthèmes.

La marée reflue à l’extérieur : c’est bientôt l’heure du déjeuner. Chacun file s’attabler dans les restaurants des ruelles avoisinantes. Et, en début d’après-midi, silence presque parfait aux abords des piscines. L’un des lieux les plus emblématiques de Lourdes. Il fait chaud. De quoi accentuer le choc thermique avec l’eau de la Grotte, réputée très froide... Mais pas d’inquiétude chez les candidats qui arrivent au compte-gouttes devant les portes d’entrée en enfilade. Depuis le Covid-19, le bain a été remplacé par le « geste de l’eau » : on se lave les mains, le visage, et on boit. Il est 13 h 45. Les hospitalières sont là, en coulisses. Elles portent leurs tenues blanches et des tabliers bleus. Elles sont assises dans le couloir et dans les petites alcôves abritant chacune une baignoire en pierre, isolées des regards par un rideau rayé bleu et blanc. « Ave, o Maria, piena di grazia, il Signore è con te »... Elles murmurent une dizaine de chapelet.

Le miracle se poursuit

14 h, le ballet commence, sous la baguette agile de Margherita. L’Italienne fait sonner une cloche puis répartit les volontaires. Cheveux gris bouclés, regard bleu profond rehaussé par des petites lunettes, la sexagénaire a découvert Lourdes avec sa grand-mère. C’était en 1963. Depuis que ses enfants sont mariés, elle y consacre presque sa vie. Ici, aux piscines, elle a vu des cœurs s’ouvrir, des visages s’apaiser, des vies se transformer. Et elle a rencontré trois des miraculés. Le miracle se poursuit aujourd’hui, qu’il soit ou non spectaculaire. Des personnes s’avancent et entrent dans l’une des alcôves. Un couple, une famille avec deux bébés en poussette, un malade en fauteuil, une mère et sa fille... Les rideaux se referment ; bruit léger d’eau qui ruisselle ; cris d’enfants ; murmure d’une prière qui monte vers le Ciel. À l’abri des regards, derrière ces voiles pudiques à rayures, nul ne maîtrise ce qui se joue vraiment dans les corps et les cœurs.

16 h, souterrain de la basilique Saint-Pie-X, la procession eucharistique commence. Il y avait une quinzaine d’inscrits, finalement plus de trois cents personnes présentes. C’est ça aussi, Lourdes. Odeur d’encens, chant solennel suivi d’un pieux silence ; tous les regards se braquent sur le grand ostensoir déposé sur l’autel. Dans un coin, le médecin du sanctuaire fait acte de présence, au cas où l’impossible se produirait. « C’est souvent dans cette procession, et non aux piscines, que les miracles ont lieu », glisse Palmino, grand brun basané responsable des processions. Visiblement, pas de miracle aujourd’hui.

Au-dessus, dans la basilique du Rosaire, Jean-Marie installe des trépieds pour deux micros. C’est pour le temps de prière d’un groupe de Français. Comme Palmino, il porte un sweat blanc « Lourdes processions ». Ce sacristain de 50 ans est au four et au moulin. Avant, il était feutier, et il vient d’être promu à ce nouveau poste. Venu de La Réunion, il a eu avec sa femme un coup de cœur pour Lourdes. Ils y habitent depuis sept ans, et sont aussi très engagés dans la paroisse du coin. « Excusez-moi, vous auriez un troisième pupitre ? » lui chuchote une fille du groupe de français dans l’église. « Oui, je vais le chercher. » Jean-Pierre s’éclipse.

20 h, quelques gouttes de pluie reforment des flaques sur le sol goudronné. Le parvis de Notre-Dame-du-Rosaire est redevenu désert. Une mère asiatique et sa petite fille prennent un selfie, tout sourire devant l’édifice, accroupies sur le sol mouillé. Puis quelques volontaires arrivent pour répéter la procession mariale. Ce soir, ceux de l’Oftal porteront la statue de la Vierge. Jean-Pierre et David, sacristains, font la démonstration. Il est 21 h, le parvis se remplit, la procession démarre. La pluie s’arrête. L’abbé Augustin Cayla introduit le chapelet au micro. Un ciel doré perce derrière les nuages à la frange d’or. Lentement, la foule s’engage derrière la statue. D’abord les malades tirés dans des chariots bleus. Puis les autres, aux K-way multicolores, qui égrènent leurs chapelets. La nuit tombe doucement.

Ambiance magique

Fin de la procession, la plupart des pèlerins se dirigent vers la sortie, guidés par la lumière des lampadaires. Seuls quelques-uns restent pour la messe de la nuit à la Grotte. Un capucin y déroule les fils des micros. Un feutier rallume les cierges avec un chalumeau sur la grande couronne en « pièce montée » devant la Vierge. Ambiance magique. On entend juste le bruit des cigales et le clapotis du gave redevenu plus calme. Puis l’office démarre. Au loin, les bougies des chapelles de lumière brillent dans le noir. Mais déjà, il est presque minuit, les pèlerins font leurs dernières prières, puis quittent le sanctuaire d’un pas calme. C’est désormais le temps des gardiens. Ils ferment les grilles et se préparent à faire des rondes jusqu’au petit matin. Ils sont discrets le jour, mais la Grotte et ses environs deviennent leur royaume nocturne. « On fait un footing dans le sanctuaire et un petit plongeon dans le gave », plaisante Manolita auprès d’un jeune homme qui l’interroge avant qu’elle ne tourne la clé dans la serrure. Dans le sanctuaire, les bruits de la nature reprennent le dessus. Dans la Grotte éclairée d’une lumière tamisée, plus personne. Au pied de la Vierge, en dessous d’une vitre, la source miraculeuse jaillit, imperturbablement. Comme elle, le flot des grâces qui se répandent à Lourdes ne se tarit jamais.



Lourdes : « Allez-y, parlez Monseigneur ! » X
Ouvriers de l’ombre, les feutiers exercent un métier unique, celui d’entretenir les milliers de cierges
déposés par les pèlerins., by L.FERRIERE - HANS LUCAS POUR FC



Camille Lecuit
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Date d'inscription : 09/11/2021
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