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Peut-on tout se pardonner en famille ?

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Peut-on tout se pardonner en famille ? Empty Peut-on tout se pardonner en famille ?

Message par Lumen Lun 16 Jan 2023 - 22:39

Peut-on tout se pardonner en famille ?

Des victimes pardonnent à leur bourreau, des parents pardonnent à l'assassin de leur enfant... À côté de ces pardons exceptionnels, il y a les pardons « ordinaires » avec le plus proche des prochains : le conjoint, le frère, la sœur, les enfants, les parents, les beaux-parents... Ce pardon-là n'est pas le plus facile.

Peut-on tout se pardonner en famille ? Demander_pardon


La famille est le lieu des plus grandes amours... et des haines les plus vives. Susceptibilités écorchées, jalousies, querelles d'héritage, trahisons, mais aussi « peccadilles » répétées au fil des jours, peuvent empoisonner la vie de famille. Comment retrouver l'unité et la paix ? S'il n'y a pas de famille sans amour, il n'y a pas d'amour sans pardon.

Nous connaissons tous un membre de notre famille qui tonne ou qui murmure : « Je ne pardonnerai jamais ». C'est l'oncle Robert qui vieillit, amer et solitaire, depuis qu'il s'estime spolié dans le partage d'un terrain familial. Ou Hubert, le cousin germain, abandonné par sa femme, qui doit reconstruire sa vie, seul, à 40 ans. Ou encore Élisabeth, la sœur, qui refuse de voir sa belle-mère depuis que celle-ci a tenté de la séparer de son mari. Eric, 32 ans, l'aîné de cinq enfants, supporte mal que ses parents aident davantage son cadet qu'il estime « assisté ».

« Plus on s'aime, plus on est vulnérable, plus les "petits riens" font mal, souligne Christine Ponsard. Si votre époux ou votre fils vous fait la tête, cela vous fait mal. » Contrairement à ce qu'écrit Eric Segal dans son best-seller Love Story - « Aimer, c'est ne jamais avoir à dire : "Je suis désolé"» -, aimer, c'est avoir sans cesse quelque chose à pardonner et à se faire pardonner.

« En famille, on a tout ce qu'il faut pour se taper dessus, note Jean-Pierre, 53 ans, père de cinq enfants : des choix de vie différents, des caractères affirmés, des susceptibilités vives... Les non-dits s'accumulent ; les jalousies pointent. L'imagination s'en mêle et fait des ravages à partir de simples absences de communication. » Pas de famille sans amour ; pas d'amour sans pardon.

Il ne suffit pas de le savoir... C. S. Lewis écrivait : « Tout le monde dit que le pardon est une belle idée jusqu'au jour où il doit pardonner ». Le pardon en famille paraît spécialement ardu. « D'abord, on ne peut pas tricher, dit Christine Ponsard. On ne peut pas faire semblant. On sait immédiatement si le pardon est vrai : cela se ressent tout de suite dans la vie de famille. »

Reconnaître qu'on blesse autrui n'est pas évident

« C'est surtout en famille et entre époux qu'on ne se rend pas compte des blessures que l'on inflige, souligne Paulette Boudet. Or une parole, un geste, un refus, suffisent à faire très mal. »

Le déni offre une protection rapprochée : « Comment, moi, je l'ai blessé ? Il est bien susceptible, il n'y a pas de quoi fouetter un chat ». Ou bien « Je ne sais pas où il a été chercher ça ! » Donc, il n'y a pas de tort ? Si. « La personne est blessée, c'est un fait, même si nous estimons qu'elle fait une montagne d'un rien, insiste Paulette Boudet. Il faut accepter la réalité du tort causé et la légitimité de cette blessure. Cela va très loin, jusqu'à accepter l'autre tel qu'il est, et non comme nous voudrions qu'il soit. »

Au menu du pardon en famille, on trouve les « gros morceaux », les incontournables : la femme qui trompe son mari, le père qui frappe son enfant, la méchanceté d'un adolescent pour ses parents... A côté de ces « plats de résistance », la plaisanterie énervante du papa, la moquerie horripilante du mari, ou les acrimonies conjugales, paraissent des broutilles sur lesquelles on peut passer d'un coup de volonté. Et pourtant...

« Ne réservons pas le pardon aux choses importantes, prévient Christine Ponsard. Il faut apprendre à se pardonner les fétus de paille quotidiens, si l'on ne veut pas se retrouver un jour avec une botte de foin sur la tête ! L'amour grandit à travers ces "petits" pardons. Plus on prend l'habitude de pardonner les petites choses, plus on pardonnera aisément les grandes. »

« La plupart des pardons quotidiens sont faciles à donner, ajoute Paulette Boudet ; il suffit d'un mot, d'un geste, d'un sourire. Plus on le fait vite, mieux c'est. Comme dit saint Paul au sujet de la colère, il ne faut pas laisser le soleil se coucher sur un refus de pardonner. »

Là où il y a de l'amour, il y a de la blessure. Là où il y a de la blessure, il faut du pardon
« À blessure légère, pardon plus ou moins facile, plus ou moins immédiat, dit Paulette Boudet. Mais les blessures profondes demandent tout un travail de guérison avant qu'il puisse être question de pardon. On ne peut poser un pardon sur une blessure purulente. »

Cette mère et grand-mère insiste beaucoup sur « les états de reproche, d'accusation, qui peuvent pourrir la vie conjugale et familiale. À la base, il y a en général la volonté, ou tout au moins le désir, que l'autre soit ce qu'on veut qu'il soit : "Tu es toujours en retard" (et moi je voudrais que tu sois à l'heure), "Tu te fâches toujours" (J'avais espéré un conjoint paisible), "Tu parles toujours trop", "Pourquoi ne peux-tu pas être aussi attentive..., aussi bien habillée..., aussi énergique que untel ou une telle... ?", "Lui au moins a réussi".

Il faut se méfier des phrases qui commencent par "Tu es toujours..", "Tu fais toujours..." ! Les accusations tuent. Le Diable est l'accusateur...

Se méfier aussi des justifications, poursuit Paulette Boudet. Elles sont une forme d'accusation : si je suis justifié, l'autre est forcément coupable. La justification veut toujours avoir le dernier mot. Il y a une volonté de triompher de l'autre, de sortir vainqueur d'une discussion, d'une situation.

Blessent aussi les comparaisons, les retours sur des maux antérieurs, les rancunes qu'on ressasse, les jalousies : "Je fais des choses pour les autres, personne ne le remarque" ; "Je voudrais parler, personne ne m'écoute"... On se sent négligé, humilié, mal apprécié, pas reconnu, critiqué, minimisé, parfois calomnié... Voilà autant d'occasions de blessures, autant de lieux où il est urgent de porter la guérison ».

La déception crée une blessure qu'il faut guérir

« Le pardon, c'est le pain quotidien des familles, car on y attend beaucoup les uns des autres », expliquait le défunt Père Jean Monbourquette, prêtre et psychologue québécois. « Parents, enfants, conjoints, chacun voudrait que l'autre soit parfait. Il y a des espoirs, des frustrations. On attend de ceux que nous aimons des demandes réelles, mais non réalistes. L'amour passionnel est fécond en rêves. Au bout de quelques mois, on atterrit. »

« Pardon bien ordonné commence par soi-même. C'est bien le plus difficile », soulignait Jean Monbourquette. Or, ce pardon conditionne les autres.

« Élever un enfant, c'est d'abord l'élever à ses propres yeux », disait la philosophe Simone Weil. Pardonner à un enfant, c'est lui faire comprendre qu'il est plus grand que sa faute, et que notre amour est plus grand que l'offense, quoi qu'il fasse. « Pas une incitation à faire n'importe quoi, mais une invitation à croire toujours le renouveau possible, précise Christine Ponsard. Combien d'enfants continuent à dérailler, car ils croient que ce qu'ils ont fait est impardonnable. »

Les enfants ont à pardonner à leurs parents leurs limites : ceux-ci ne sont ni tout-puissants ni parfaits. Et demander pardon à ses enfants, lorsqu'on a été injuste ou emporté, est un acte d'autorité véritable.

Le pardon entre frères et sœurs n'est pas facile non plus. Il ne se limite pas à la petite enfance, aux voitures cassées, aux poupées volées... « Nous avons tous des raisons d'en vouloir à nos frères et sœurs », note Christine Ponsard. Les heurts de succession divisent particulièrement les fratries. C'est le « syndrome de la petite cuillère », décrit par ce notaire du Nord : « Les gens se déchirent pour des riens. On en veut à mort à son frère parce qu'il a pris une cuillère en argent de plus que vous, ou dix mètres carrés dans le partage du jardin ! Cela paraît ridicule, mais c'est fréquent ».

Paulette Boudet témoigne : « De nombreuses personnes me disent : "Moi, je n'ai aucun problème de pardon, mais vous comprenez, je ne parle plus à untel parce que à la succession de papa..." À tel point que je lance souvent durant les récollections : " Trouvez-moi dans l'Evangile un passage où Jésus dit "Vous pardonnerez soixante-dix-sept fois sept fois... sauf en cas de litiges d'héritage !"

L'appât du gain divise bien sûr, mais ces questions touchent en fait des blessures d'amour : en croyant moins recevoir, certaines personnes se sentent moins aimées ; d'autres essaient de prendre une revanche : "Maintenant je peux enfin avoir autant que toi qui as toujours été privilégié !" Certains qui tirent le diable par la queue réagissent par rapport à d'autres plus aisés : "C'est injuste, ils n'en ont pas besoin alors que nous..." »

Épouser quelqu'un, c'est épouser sa lignée... et ses blessures de famille

Le pardon demeure le seul moyen de briser le cercle vicieux de ces blessures qu'on se transmet de génération en génération.

« Il y a un aspect de mon mari que je supportais difficilement, c'était son manque de confiance en lui, confie Catherine, sage-femme, mère de trois enfants. J'ai compris un jour que cela provenait de son père qui l'avait toujours écrasé de son autorité toute-puissante. Je n'ai pu lui pardonner ce manque tant que je n'ai pas pardonné à mon beau-père. »

Dans le pardon à donner aux beaux-parents, le plus difficile, bien souvent, n'est pas le pardon des vexations ou des ingérences dont on souffre parfois de leur part, mais du mal qu'ils ont pu faire – aucun parent n'est à l'abri – à leur enfant. Ce qu'exprimait Catherine dans son témoignage...

De façon générale, les offenses les plus difficiles à pardonner sont souvent les trahisons. Elles blessent au plus profond de l'être. « Ma femme est partie après treize ans de mariage. La blessure est tellement violente que j'ai perdu confiance en moi-même, témoigne Éric, 38 ans. J'ai donné ma confiance, elle m'a trahi. Je ne peux même pas envisager de lui pardonner. Je crois seulement que Dieu a le cœur plus grand que moi. Je ne peux que participer au pardon de Dieu en lui disant : apporte-moi ce que je n'ose même pas Te demander. Quand on souffre trop, on ne songe pas à pardonner, mais seulement à éviter l'autre... Je vis un combat pour l'espérance du pardon. »

Que faire ? « Ne pas se reprocher d'avoir mal et d'en vouloir à l'autre, répond Paulette Boudet. C'est légitime. Ne pas nier la blessure, mais l'accepter, et la remettre à sa place. Trouver le temps opportun pour éclaircir, sans accusation, la situation. Ne pas dire : " Tu as fait ceci ou cela !", mais : "Quand tu as fait ceci ou cela, voilà ce que j'ai ressenti". »

Refuser de réduire l'offenseur à son acte ; ne pas l'enfermer dans son comportement

« Ne pas juger l'autre signifie que nous n'allons pas chercher à évaluer son degré de culpabilité, le mal qui pourrait l'habiter, ni décortiquer ses mobiles, ses intentions » note Simone Pacot, auteur de L'Évangélisation des profondeurs (Cerf). Dieu seul sait ce qui se vit dans le cœur d'un être humain. »

« Il faut essayer de faire un pas, un petit pas vers l'autre, dit Jean-Pierre. »

« On cherche trop souvent à savoir qui a tort, qui a raison, à trouver le vainqueur et le vaincu, poursuit-il. Or, la question à se poser est : “Voulons-nous faire toutes choses nouvelles ?” »

Le Père Monbourquette conseillait, dans toute vie communautaire, de s'ouvrir au plus vite de ce qui blesse. Et de le dire sans que la personne se sente attaquée ni humiliée. « Attention ! Rien ne ressemble plus au pardon que son contraire, prévient Christine Ponsard. Certains pardons « orgueilleux » peuvent être utilisés pour blesser l'autre, l'humilier, le manipuler. Comme celui de ces femmes admirables et méritantes qui consentent à pardonner à leur « pauvre pécheur» de mari, et les écrasent de toute la hauteur de leur vertu. »

Pardonner implique de renoncer à la vengeance et d'essayer, autant que possible, de faire cesser l'offense

« Si je suis en situation de perpétuelle frustration avec une personne, il me sera plus difficile de pardonner, disait le Père Monbourquette. Par exemple, ce père qui taquine jusqu'à exaspérer son fils et le pousse à la révolte, l'indifférence, ou l'insulte. Il vaut mieux ne pas attendre de craquer, et dire : « Papa, je te demande d'arrêter tes sarcasmes sur tel point de ma vie, mes échecs scolaires, mes déboires amoureux... Cela me blesse ».

« De même pour le conjoint qui blesse, ou le collègue qui calomnie. S'ouvrir de sa blessure avec la personne pour qu'elle réalise qu'elle fait mal, cela demande du courage, car il est très pénible de se confronter avec ceux qu'on aime. On craint la réaction de l'autre, on n'ose pas... Alors, parfois, on fuit dans un faux pardon : « Allez, je l'excuse, il ne se rend pas compte ». Et les offenses se perpétuent, créant des blocages graves. »

« Aucune offense n'est impardonnable, à moins de décider qu'elle l'est. A nous de choisir », affirme Jean-Pierre.

« Parmi les différentes formes que revêt le don, le « pardon » est sans doute la plus sublime, rappelle le Père Jean-Louis Bruguès, dominicain. Elle exige de la part de celui qui y consent un deuil terrible : il renonce à son droit, à son honneur, à sa vie même, c'est-à-dire à tout ce qui lui tient le plus à cœur. »




Luc Adrian
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