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La Somme Théologique de St Thomas d'Aquin

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Message par Francesco Mar 22 Déc 2009 - 0:45

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PROLOGUE


Le docteur de la vérité catholique doit instruire les commençants et non seulement s'adresser aux théologiens les plus avancés, selon ces mots de l'Apôtre (1Co 3,1-2) : "je vous ai donné à boire du lait comme à de petits enfants dans le Christ et non de la nourriture solide." Notre but consiste donc, à exposer dans ce livre ce qui concerne la religion chrétienne de la façon la plus asaptée à la formation des novices.

Nous avons remarqué que les débutants en cette matière perdent beaucoup d'énergie dans l'emploi des écrits des différents auteurs pour trois raisons: 1- la multiplication des questions inutiles, des articles et des preuves ; 2- parce que ce qu'il leur convient d'apprendre n'est pas traité selon l'ordre même de la discipline, mais selon l'ordre où a conduit le commentaire des livres, ou le hasard de questions débattues ; 3- enfin parce que la répétition fréquente des mêmes choses engendre dans l'esprit des auditeurs lassitude et confusion.

Pour éviter ces inconvénients et d'autres semblables, nous essayerons, en nous confiant dans le pouvoir divin, de présenter la doctrine sacrée brièvement et clairement, selon mes exigences et les possibilités de la matière.


QUESTION I: CE QU'EST LA LA DOCTRINE SACRÉE. SON OBJET


Afin de délimiter exactement le champ de nos recherches, nous devons d'abord traiter de la doctrine sacrée elle-même, en nous demandant ce qu'elle est, et quel est son domaine.

1. Une telle doctrine est-elle nécessaire? 2. Est-elle une science? 3. Est-elle une ou multiple? 4. Est-elle spéculative ou pratique? 5. Quels rapports entretient-elle avec les autres sciences? 6. Est-elle une sagesse? 7. Quel est son sujet? 8. Argumente-t-elle? 9. Doit-elle employer des métaphores ou des expressions symboliques? 10. Les textes de l'Écriture sainte, dans cette doctrine, doivent-ils être expliqués selon plusieurs sens?




ARTICLE 1: Une telle doctrine est-elle nécessaire?
Objections:

1. Il semble qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir une autre doctrine que les disciplines philosophiques. Pourquoi faire effort en effet vers ce qui dépasse la raison humaine? "Ne cherche pas plus haut que toi", nous dit l'Ecclésiastique (3, 23). Or, ce qui est à portée de la raison nous est communiqué de manière suffisante dans les disciplines philosophiques. Il paraît donc superflu de recourir à une autre doctrine.

2. Il n'y a de science que de l'être, car on ne peut avoir de connaissance que du vrai, qui lui-même est convertible avec l'être. Or, dans les disciplines philosophiques, on traite de toutes les modalités de l'être, et même de Dieu; d'où vient qu'une branche de ce savoir est appelée théologie, ou science divine, comme le montre Aristote. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter aux disciplines philosophiques une autre doctrine.

Cependant:

S. Paul dit (2 Tm 3, 16 Vg): "Toute Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice." Or, une Écriture divinement inspirée n'a rien à voir avec les disciplines philosophiques, qui sont des oeuvres de la raison humaine; c'est donc qu'une autre doctrine, celle-là d'inspiration divine, a bien sa raison d'être.

Conclusion:

Il fut nécessaire pour le salut de l'homme qu'il y eût, en dehors des sciences philosophiques que scrute la raison humaine, une doctrine procédant de la révélation divine. Le motif en est d'abord que l'homme est destiné par Dieu à atteindre une fin qui dépasse la compréhension de son esprit, car, dit Isaïe (64, 3), "l'oeil n'a point vu, ô Dieu, en dehors de toi, ce que tu as préparé à ceux qui t'aiment". Or il faut qu'avant de diriger leurs intentions et leurs actions vers une fin, les hommes connaissent cette fin. Il était donc nécessaire, pour le salut de l'homme, que certaines choses dépassant sa raison lui fussent communiquées par révélation divine.

A l'égard même de ce que la raison était capable d'atteindre au sujet de Dieu, il fallait aussi que l'homme fût instruit par révélation divine. En effet, la vérité sur Dieu atteinte par la raison n'eût été le fait que d'un petit nombre, elle eût coûté beaucoup de temps, et se fût mêlée de beaucoup d'erreurs. De la connaissance d'une telle vérité, cependant, dépend tout le salut de l'homme, puisque ce salut est en Dieu. Il était donc nécessaire, si l'on voulait que ce salut fût procuré aux hommes d'une façon plus ordinaire et plus certaine, que ceux-ci fussent instruits par une révélation divine.

Pour toutes ces raisons, il était nécessaire qu'il y eût, en plus des disciplines philosophiques, oeuvres de la raison, une doctrine sacrée, acquise par révélation.

Solutions:

1. Il est bien vrai qu'il ne faut pas chercher à scruter au moyen de la raison ce qui dépasse la connaissance humaine, mais à la révélation qui nous en est faite par Dieu nous devons accorder notre foi. Aussi, au même endroit, est-il ajouté: "Beaucoup de choses te sont montrées qui dépassent la compréhension humaine." C'est en ces choses que consiste la doctrine sacrée.

2. Une diversité de "raisons", ou de points de vue, dans ce que l'on connaît, détermine une diversité de sciences. Ainsi est-ce bien une même conclusion que démontrent l'astronome et le physicien, par exemple, que la terre est ronde; mais le premier utilise à cette fin un moyen terme mathématique, c'est-à-dire abstrait de la matière, tandis que le second en emploie un qui s'y trouve impliqué. Rien n'empêche donc que les objets mêmes dont traitent les sciences philosophiques, selon qu'ils sont connaissables par la lumière de la raison naturelle, puissent encore être envisagés dans une autre science, selon qu'ils sont connus par la lumière de la révélation divine. La théologie qui relève de la doctrine sacrée est donc d'un autre genre que celle qui est encore une partie de la philosophie.






1. Il est bien vrai qu'il ne faut pas chercher à scruter au moyen de la raison ce qui dépasse la connaissance humaine, mais à la révélation qui nous en est faite par Dieu nous devons accorder notre foi. Aussi, au même endroit, est-il ajouté: "Beaucoup de choses te sont montrées qui dépassent la compréhension humaine." C'est en ces choses que consiste la doctrine sacrée.
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Message par Francesco Mer 23 Déc 2009 - 0:23

ARTICLE 2: La doctrine sacrée est-elle une science?
Objections:

1. Toute science procède de principes évidents par eux-mêmes. Or les principes de la doctrine sacrée sont les articles de foi, qui ne sont pas de soi évidents, puisqu'ils ne sont pas admis par tous. "La foi n'est pas le partage de tous", dit l'Apôtre (2 Th 3, 2). La doctrine sacrée n'est donc pas une science.

2. Il n'y a pas de science du singulier. Or, la doctrine sacrée s'occupe de cas singuliers, par exemple des faits et gestes d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et d'autres choses semblables. Elle n'est donc pas une science.

Cependant:

S. Augustin dit: "A cette science appartient cela seulement par quoi la foi très salutaire est engendrée, nourrie, défendue, corroborée", rôles qui ne peuvent être attribués qu'à la doctrine sacrée. Celle-ci est donc une science.

Conclusion:

A coup sûr la doctrine sacrée est une science. Mais, parmi les sciences, il en est de deux espèces. Certaines s'appuient sur des principes connus par la lumière naturelle de l'intelligence: telles l'arithmétique, la géométrie, etc. D'autres procèdent de principes qui sont connus à la lumière d'une science supérieure: comme la perspective à partir de principes reconnus en géométrie, et la musique à partir de principes connus par l'arithmétique. Et c'est de cette façon que la doctrine sacrée est une science. Elle procède en effet de principes connus à la lumière d'une science de Dieu et des bienheureux. Et comme la musique fait confiance aux principes qui lui sont livrés par l'arithmétique, ainsi la doctrine sacrée accorde foi aux principes révélés par Dieu.

Solutions:

1. Les principes de toute science, ou sont évidents par eux-mêmes, ou se ramènent à la connaissance d'une science supérieure. Et ce dernier cas est celui des principes de la doctrine sacrée, comme on vient de le dire.

2. S'il arrive que des faits singuliers soient rapportés dans la doctrine sacrée, ce n'est pas à titre d'objet d'étude principal: ils sont introduits soit comme des exemples de vie, qu'invoquent les sciences morales, soit pour établir l'autorité des hommes par qui nous arrive la révélation divine, fondement même de l'Écriture ou de la doctrine sacrée.



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Message par Invité Jeu 24 Déc 2009 - 19:51

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Message par Francesco Ven 25 Déc 2009 - 23:55

ARTICLE 3: Les actes humains reçoivent-ils leur espèce de leur fin?

Objections:

1. Vraisemblablement non. La fin est un principe extrinsèque. Or toute chose prend son espèce d'un principe intrinsèque.

2. Ce qui donne l'espèce doit exister en premier. Or la fin ne vient que la dernière à l'existence.

3. Une même chose ne peut appartenir qu'à une seule espèce. Mais il arrive que le même acte, pris numériquement, soit dirigé vers diverses fins. Ce n'est donc pas la fin qui donne leur espèce aux actes humains.

Cependant:

on lit dans S. Augustin "Selon que leur fin est coupable ou louable, nos actions sont coupables ou louables."

Conclusion:

Chaque chose a son espèce selon l'acte et non selon la puissance; ce qui fait que les êtres composés de matière et de forme sont constitués dans leur espèce par leur forme propre. Or la même considération doit s'appliquer aux mouvements propres. En effet, dans le mouvement, on peut distinguer d'une certaine manière l'action et la passion, et l'une et l'autre prennent leur espèce de l'acte: l'acte qui est le principe officient s'il s'agit de l'action, et, s'il s'agit de la passion, l'acte qui est le terme de notre mouvement. Ainsi l'échauffement comme action n'est autre chose qu'une certaine motion procédant de la chaleur, et l'échauffement comme passion n'est autre chose qu'un mouvement vers la chaleur; or c'est la définition qui manifeste l'idée de l'espèce. C'est de ces deux façons, qu'ils soient considérés comme action ou comme passion, que les actes humains reçoivent leur espèce de la fin. Ils peuvent en effet être envisagés sous ce double rapport, du fait que l'homme se meut lui-même et est mû par lui-même. On a dit plus haut que nos actes sont appelés humains selon qu'ils procèdent d'une volonté délibérée; or l'objet de la volonté est le bien ou la fin; il est donc manifeste que le principe des actes humains selon qu'ils sont humains, c'est la fin. Elle est également leur terme; car l'aboutissement de l'acte humain est identique à ce que la volonté se propose comme fin, de même que dans la génération naturelle, la forme de l'engendré est conforme à celle de l'engendrant. Et puisque, selon la remarque de S. Ambroise, "les moeurs sont à proprement parler chose humaine", on doit dire que les actes moraux se caractérisent par leur fin, car actes moraux ou actes humains c'est une seule et même chose.

Solutions:

1. La fin n'est pas entièrement extrinsèque à l'acte, puisqu'elle est d'une part son principe et de l'autre son terme. Et cela même appartient à la notion de l'acte d'avoir, pour ce qui est de l'action, tel principe, et pour ce qui est de la passion, tel terme.

2. La fin est première dans l'ordre d'intention, on l'a déjà dit, et c'est ainsi qu'elle appartient à la volonté. Et c'est de cette façon qu'elle donne son espèce à l'acte humain, ou moral.

3. Un seul et même acte, procédant de l'agent à un même moment, ne peut avoir qu'une seule fin prochaine, qui lui donne son espèce; mais il peut avoir plusieurs fins éloignées, dont l'une est la fin de l'autre. Cependant, il est possible qu'un acte unique, considéré dans son espèce naturelle, soit dirigé vers diverses fins volontaires; par exemple le fait de tuer un homme, acte unique selon son espèce naturelle, peut avoir pour fin soit le maintien de la justice, soit la satisfaction de la colère. De ce fait on aura des actes moraux spécifiquement distincts, puisque l'un est vertueux et que l'autre est un crime. C'est que le mouvement ne reçoit pas son espèce de ce qui n'est son terme que par accident, mais de ce qui est son terme par soi. Or les fins morales sont accidentelles aux choses naturelles, et en retour les fins de la nature sont accidentelles à la moralité. Rien ne s'oppose donc à ce que les actes identiques en nature revêtent des espèces morales diverses, et réciproquement.



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Message par Francesco Mer 30 Déc 2009 - 2:48

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ARTICLE 4: Y a-t-il une fin ultime de la vie humaine?

Objections:

1. On peut penser que la vie humaine n'a pas de fin ultime, mais qu'on peut aller à l'infini dans la série des fins. En effet, par son essence même, le bien tend à se répandre, comme l'enseigne Denys. Donc, si ce qui procède du bien est lui-même un bien, ce bien devra répandre un autre bien, et ainsi sans terme. Or tout bien a le caractère d'une fin. Donc on peut procéder à l'infini dans les fins.

2. Ce qui est l'objet de raison peut se multiplier à l'infini; ainsi les quantités mathématiques peuvent toujours s'augmenter et même les espèces du nombre peuvent croître à l'infini, car un nombre quelconque étant donné, vous pouvez toujours en imaginer un de plus grand. Mais le désir de la fin suit l'appréhension de la raison. Donc il semble que l'on peut, dans les fins, procéder à l'infini.

3. Le bien ou la fin est objet de volonté. Or la volonté peut se retourner indéfiniment sur elle-même; car je puis vouloir quelque chose, et vouloir le vouloir, et ainsi de suite. Donc dans les fins de la volonté humaine on peut procéder à l'infini, et il n'y a pas de fin ultime de la volonté humaine.

Cependant:

Aristote écrit: "Ceux qui admettent l'infini détruisent la nature du bien." Or c'est le bien qui a raison de fin. Il est donc contraire à la raison même de fin de procéder à l'infini, et ainsi il est nécessaire de concevoir une seule fin ultime.

Conclusion:

A parler de façon absolue, il est impossible, dans la série des fins, de procéder à l'infini, en quelque sens que l'on prenne la série. En effet, dans toute série essentiellement coordonnée, il est inévitable que le premier terme ôté, se trouvent ôtés aussi ceux qui s'y réfèrent. Ainsi Aristote démontre-t-il que "l'on ne saurait aller à l'infini dans les causes motrices", car il n'y aurait plus alors de premier moteur et, ce premier écarté, les autres ne peuvent plus mouvoir, vu qu'ils ne meuvent qu'en étant mus eux-mêmes par ce premier. S'agit-il maintenant des fins, on peut y trouver une double coordination, celle de l'intention et celle de l'exécution, et dans les deux il doit y avoir un terme premier. Car ce qui est premier dans l'ordre de l'intention, c'est ce qui sert en quelque sorte de principe moteur à l'égard de l'appétit, si bien que, ce principe ôté, l'appétit ne serait mû par rien. En exécution, ce qui est principe, c'est ce qui commence l'opération, et ce principe ôté, personne ne commencerait d'agir. Or, le principe premier dans l'ordre de l'intention, c'est la fin ultime, et le principe de l'exécution, c'est le premier des moyens qui conduisent à la fin. Donc sous aucun rapport il n'est possible de procéder à l'infini; car s'il n'y avait pas de fin dernière, on ne désirerait rien; aucune action n'arriverait à son terme, et l'intention de l'agent ne pourrait se reposer. Si d'autre part il n'y avait pas de premier terme dans ce qui conduit à la fin, personne ne commencerait d'agir, et le conseil ne pourrait arriver à une conclusion, mais devrait continuer sans fin.

Observons cependant, que là où il n'y a pas de coordination entre les causes prises comme telles mais une simple conjonction par accident, rien n'empêche d'admettre l'infini; car les cause accidentelles sont indéterminées. Et de cette façon il arrive qu'il y ait infinité accidentelle dans le fins et dans les moyens qui y mènent.

Solutions:

1. Il est de la nature du bien que quelque chose découle de lui; mais non que lui-même découle de quelque chose. C'est pour quoi, le bien, ayant raison de fin, et le premier bien étant l'ultime fin, la raison mise en avant ne prouve pas l'absence d'une fin ultime; elle tend à ceci seulement que, la fin première étant supposée, on peut procéder à l'infini en descendant vers les moyens qui procurent cette fin. En effet, il devrait en être ainsi, à ne considérer que la vertu du bien premier qui est infinie. Mais comme la diffusion de ce bien se réalise par l'intelligence, et qu'il appartient à l'intelligence de produire ses effets sous une forme déterminée, une mesure déterminée se fait aussi reconnaître dans l'écoulement des biens à partir du premier bien; et c'est par lui que tous les autres biens participent de ce pouvoir de diffusion. De la sorte, l'écoulement des biens ne va pas à l'infini; mais, comme il est écrit (Sg 11, 21): "Dieu a tout disposé avec nombre, poids et mesure."

2. Là où les conceptions dépendent l'une de l'autre par une coordination essentielle, la raison procède à partir de principes connus par nature, et progresse à partir de là jusqu'à tel ou tel terme. Aussi Aristote prouve-t-il que dans les démonstrations scientifiques on ne peut aller à l'infini; car dans les démonstrations les idées se coordonnent selon un ordre essentiel à la preuve, et où l'accident n'est pas de mise. Mais là où se produit une liaison accidentelle, rien ne s'oppose à ce que la raison aille sans terme. Ainsi, il est indifférent à une quantité ou à un nombre préexistant, pris comme tels, qu'on y ajoute une quantité ou une unité nouvelle, et c'est pourquoi dans de telles choses la raison peut procéder à l'infini.

3. Quant à cette multiplication des actes par une volonté réfléchissant sur elle-même, elle aussi est accidentelle et sans effet par rapport à l'ordre des fins. Ce qui le montre à l'évidence, c'est qu'à l'égard d'un seul et même acte, la volonté peut indifféremment réfléchir sur elle-même une ou plusieurs fois.



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Message par Francesco Jeu 31 Déc 2009 - 1:08

ARTICLE 5: Le même homme peut-il avoir plusieurs fins ultimes?

Objections:

1. Il semble possible que la volonté d'un seul homme se porte à la fois sur plusieurs objets comme sur ses fins ultimes. S. Augustin dit en effet que certains ont placé la fin ultime de l'homme en quatre choses: "la volupté, le repos, les biens de la nature et la vertu".

2. Les choses qui ne s'opposent pas l'une à l'autre ne s'excluent pas; or il se trouve autour de nous bien des choses qui ne sont pas opposées entre elles. Donc si l'une est prise pour fin ultime de la volonté, les autres ne sont pas exclues pour autant.

3. Du fait qu'elle met sa fin ultime en quelque chose, la volonté ne perd pas sa libre puissance. Mais avant de mettre sa fin ultime en cela, par exemple le plaisir, elle avait pu la mettre en autre chose, par exemple les richesses. Donc, même après avoir mis sa fin ultime dans le plaisir, elle peut en même temps mettre sa fin ultime dans les richesses. Donc il est possible que la volonté d'un seul homme se porte simultanément sur des objets divers, pris pour fins ultimes.

Cependant:

l'objet en lequel un homme se repose comme dans sa fin ultime domine ses affections, car il en reçoit des règles pour toute sa vie. C'est pourquoi il est dit de ceux qui s'adonnent à la gourmandise: "Ils se font un Dieu de leur ventre" (Ph 3, 19) parce que dans les délices de ce genre ils mettent leur fin dernière. Or Jésus nous dit (Mt 6, 24): "Nul ne peut servir deux maîtres", qui ne seraient pas subordonnés l'un à l'autre. Donc il est impossible qu'un homme ait plusieurs fins dernières non subordonnées l'une à l'autre.

Conclusion:

Il est impossible que la volonté d'un même homme se dirige en même temps vers divers objets comme vers des fins ultimes, et l'on peut en donner trois raisons. La première est que chaque être tendant à son propre accomplissement, un homme doit prendre pour fin dernière ce qu'il désire au titre de bien parfait et d'achèvement de son être, ce qui fait dire à S. Augustin: "Nous appelons fin de l'homme non ce qui se détruit pour ne plus être, mais ce qui s'achève pour être pleinement." Il faut donc que la fin dernière comble tellement le désir de l'homme qu'elle ne laisse rien à désirer en dehors d'elle. Ce qui est impossible si quelque chose d'étranger est encore requis à sa perfection. Il est par conséquent impossible que le désir se porte à la fois vers deux choses comme si l'une et l'autre étaient son bien parfait.

Deuxième raison. Dans la démarche de la raison, le principe est un objet naturellement connu; ainsi dans la démarche de l'appétit rationnel, ou volonté, le principe doit être ce qui est naturellement désiré. Mais cela ne peut être qu'un; car la nature ne tend qu'à l'un. Et puisque le principe, dans la démarche de l'appétit rationnel, est la fin dernière, il faut que l'objet adopté par la volonté comme une fin dernière soit quelque chose d'un.

Troisième raison. Nous avons démontré plus hauts, que les actions volontaires prennent leur espèce de la fin. De la fin ultime, qui est commune, elles doivent donc prendre leur genre, de même que les choses naturelles sont classées dans leur genre par l'élément de définition qu'elles ont en commun. Donc, puisque tout ce que désire la volonté, pris comme tel, appartient au même genre, il faut que la fin ultime soit une, surtout si l'on considère qu'en chaque genre de choses il y a toujours un unique principe premier, et que c'est la fin qui joue le rôle de principe premier, ainsi qu'on l'a dit. D'autre part, le rapport est le même, de la fin dernière de l'homme en général à tout le genre humain, et de la fin dernière de tel homme à l'égard de cet homme. Ainsi, la nature donnant à l'ensemble des hommes une unique fin ultime, il faut que la volonté de tel homme en particulier s'établisse aussi en une fin dernière unique.

Solutions:

1. Tous ces biens multiples étaient englobés dans la raison d'un seul bien parfait qu'ils constituaient, pour ceux qui mettaient en eux leur fin dernière.

2. Sans doute on peut trouver plusieurs choses n'ayant entre elles aucune opposition; mais il est opposé au bien parfait qu'il y ait en dehors de lui, pour le sujet, une perfection quelconque 3. Le pouvoir de la volonté ne va pas jusqu'à faire que les contraires existent ensemble, ce qui aurait lieu, on l'a vu, si la volonté tendait à divers objets disparates comme à des fins ultimes.



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Message par Francesco Ven 1 Jan 2010 - 2:09

ARTICLE 6: L'homme ordonne-t-il toutes choses à sa fin ultime?


Objections:

1. Ce n'est pas, semble-t-il, tout ce que l'homme veut, qu'il veut en vue de sa fin ultime. En effet, ce qu'on dirige vers une fin suprême, c'est ce qu'on appelle les choses sérieuses, ainsi nommées parce qu'elles sont utiles. Mais on en distingue ce qui n'est que jeu. Donc, ce que l'homme fait par jeu, il ne l'ordonne pas à la fin ultime.

2. Aristote dit que les sciences spéculatives sont recherchées pour elles-mêmes. On ne peut cependant pas dire que chacune d'elles soit une fin ultime. Donc l'homme ne désire pas tout ce qu'il désire en vue de la fin ultime.

3. Celui qui dirige une action vers une fin songe à cette fin. Mais l'homme ne songe pas toujours à la fin ultime en tout ce qu'il entreprend ou désire. Donc on ne désire et on ne fait pas tout en vue de la fin ultime.

Cependant:

S. Augustin écrit "Notre bien suprême est celui pour lequel tout le reste est aimé, tandis que lui est aimé pour lui-même."

Conclusion:

Tout ce que l'homme veut ou désire, il est nécessaire que ce soit pour sa fin ultime, et deux raisons le montrent. D'abord, tout ce que l'homme désire, il le désire comme un bien, et si ce n'est comme le bien parfait, qui est la fin ultime, il faut que ce soit comme tendant au bien parfait; car toujours le commencement d'une chose incline vers son achèvement, comme on le voit dans les ouvrages de la nature et dans ceux de l'art. Ainsi, tout commencement de perfection se dirige vers la perfection consommée, réalisée par la fin ultime.

En second lieu, la fin dernière se comporte, dans le mouvement qu'elle imprime à notre appétit, comme fait le premier moteur dans les motions d'un autre genre. Or il est manifeste que les causes secondes motrices n'exercent leur action qu'en étant mues elles-mêmes par le premier moteur. Ainsi, le désirable second ne peut mouvoir l'appétit qu'en raison de son rapport avec le désirable premier, qui est la fin ultime.

Solutions:

1. Si ces jeux ne se proposent pas de fin extrinsèque, ils tendent au bien du sujet, qui y trouve un plaisir ou un repos. Or le bien de l'homme porté à la perfection, c'est sa fin ultime.

2. De même, la science spéculative est recherchée comme un bien pour celui qui la pratique, compris dans le bien complet et parfait qu'est la fin ultime.

3. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'on ait sans cesse à l'esprit la fin ultime, quand on désire ou fait quelque chose. L'influence active d'une intention première visant la fin ultime persiste en chaque mouvement de l'appétit en toute matière, alors même qu'actuellement on ne songe pas à l'ultime fin. Un homme en chemin ne pense pas au terme du voyage à chacun de ses pas.



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Message par Francesco Sam 2 Jan 2010 - 1:02

ARTICLE 7: Dieu est-il le sujet de cette science?
Objections:

1. Toute science, dit Aristote, suppose connue la nature de son sujet, autrement dit "ce qu'il est". Or, cette science ne suppose pas la connaissance de ce que Dieu est, car, selon S. Jean Damascène: "Dire de Dieu ce qu'il est nous est impossible." Dieu n'est donc pas le sujet de cette science.

2. Tout ce dont on traite dans une science est compris dans son sujet. Or, dans la Sainte Écriture, il est question de bien d'autres choses que de Dieu, par exemple des créatures, des moeurs humaines. Donc Dieu n'est pas le sujet de cette science.

Cependant:

on doit considérer comme le sujet d'une science cela même dont on parle dans la science; or, dans la science sacrée, il est question de Dieu: d'où son nom de "théo-logie", autrement dit de discours ou de parole sur Dieu. Dieu est donc bien le sujet de cette science.

Conclusion:

Dieu est effectivement le sujet de cette science. Il y a le même rapport, en effet, entre le sujet d'une science et la science elle-même, qu'entre l'objet et une puissance de l'âme ou un habitus. Or, on assigne proprement comme objet à une puissance ou à un habitus ce qui détermine le point de vue sous lequel toutes choses se réfèrent à cette puissance ou à cet habitus; ainsi, l'homme et la pierre se rapportent à la vue selon qu'ils sont colorés; et c'est pourquoi le coloré est l'objet propre de la vue. Or, dans la doctrine sacrée, on traite tout "sous la raison de Dieu", ou du point de vue de Dieu, soit que l'objet d'étude soit Dieu lui-même, soit qu'il ait rapport à Dieu comme à son principe ou comme à sa fin. D'où il suit que Dieu est vraiment le sujet de cette science. Ceci d'ailleurs est aussi manifeste si l'on envisage les principes de cette science, qui sont les articles de foi, laquelle concerne Dieu; or, le sujet des principes et celui de la science tout entière ne font qu'un, toute la science étant contenue virtuellement dans ses principes.

Certains toutefois, considérant les choses mêmes dont traite cette science, et non le point de vue sous lequel elle les envisage, en ont circonscrit autrement la matière. Ainsi parlent-ils de "choses" et de "signes"; ou des "oeuvres de la Réparation"; ou du "Christ total", à savoir la tête et les membres. Il est bien traité de tout cela dans notre science; mais c'est toujours par rapport à Dieu.

Solutions:

1. Il est vrai, nous ne pouvons pas savoir de Dieu ce qu'il est; toutefois, dans notre doctrine, nous utilisons, au lieu d'une définition, pour traiter de ce qui se rapporte à Dieu, les effets que celui-ci produit dans l'ordre de la nature ou de la grâce. Comme on démontre en certaines sciences philosophiques des vérités relatives à une cause au moyen de son effet, en prenant l'effet au lieu de la définition de cette cause.

2. Quant aux divers objets autres que Dieu dont il est question dans la Sainte Écriture, ils se ramènent à Dieu lui-même; non point à titre de parties, d'espèces ou d'accidents, mais comme se rapportant à lui de quelque manière.






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Message par Francesco Lun 4 Jan 2010 - 1:50

ARTICLE 8: Cette doctrine argumente-t-elle?
Objections:

1. S. Ambroise dit: "Rejette les arguments, là où c'est la foi qu'on cherche." Or, dans cette doctrine, c'est la foi surtout que l'on cherche: "Ces choses ont été écrites, dit S. Jean (20, 31), afin que vous croyiez." La doctrine sacrée ne procède donc pas par arguments.

2. Si cette science devait argumenter, ce serait ou par autorité ou par raison. Mais prouver par autorité ne semble pas convenir à sa dignité, car, selon Boèce, l'argument d'autorité est de tous le plus faible. Quant aux preuves rationnelles, elles ne conviennent pas à sa fin, puisque, selon S. Grégoire, "la foi n'a pas de mérite, là où la raison procure une connaissance directe". Par conséquent la doctrine sacrée n'use pas d'arguments.

Cependant:

l'Apôtre, parlant de l'évêque, dit (Tt 1, 9): "Qu'il soit attaché à l'enseignement sûr, conforme à la doctrine; il doit être capable d'exhorter dans la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs."

Conclusion:

Les autres sciences n'argumentent pas en vue de démontrer leurs principes; mais elles argumentent à partir d'eux pour démontrer d'autres vérités comprises dans ces sciences. Ainsi la doctrine sacrée ne prétend pas, au moyen d'une argumentation, prouver ses propres principes, qui sont les vérités de foi; mais elle les prend comme point d'appui pour manifester quelque autre vérité, comme l'Apôtre (1 Co 15, 12) prend appui sur la résurrection du Christ pour prouver la résurrection générale.

Toutefois, il faut considérer ceci. Dans l'ordre des sciences philosophiques, les sciences inférieures non seulement ne prouvent pas leurs principes, mais ne disputent pas contre celui qui les nie, laissant ce soin à une science plus haute; la plus élevée de toutes, au contraire, qui est la métaphysique, dispute contre celui qui nie ses principes, à supposer que le négateur concède quelque chose; et, s'il ne concède rien, elle ne peut discuter avec lui, mais elle peut détruire ses arguments. La science sacrée donc, n'ayant pas de supérieure, devra elle aussi disputer contre celui qui nie ses principes. Elle le fera par le moyen d'une argumentation, si l'adversaire concède quelque chose de la révélation divine: c'est ainsi qu'en invoquant les "autorités" de la doctrine sacrée, nous disputons contre les hérétiques, utilisant un article de foi pour combattre ceux qui en nient un autre. Mais si l'adversaire ne croit rien des choses révélées, il ne reste plus de moyen pour prouver par la raison les articles de foi; il est seulement possible de réfuter les raisons qu'il pourrait opposer à la foi. En effet, puisque la foi s'appuie sur la vérité infaillible, et qu'il est impossible de démontrer le contraire du vrai, il est manifeste que les arguments qu'on apporte contre la foi ne sont pas de vraies démonstrations, mais des arguments réfutables.

Solutions:

1. Bien que les arguments de la raison humaine soient impropres à démontrer ce qui est de foi, il reste qu'à partir des articles de foi la doctrine sacrée peut prouver autre chose, comme on vient de le dire.

2. Il est certain que notre doctrine doit user d'arguments d'autorité; et cela lui est souverainement propre du fait que les principes de la doctrine sacrée nous viennent de la révélation, et qu'ainsi on doit croire à l'autorité de ceux par qui la révélation a été faite. Mais cela ne déroge nullement à sa dignité, car si l'argument d'autorité fondé sur la raison humaine est le plus faible, celui qui est fondé sur la révélation divine est de tous le plus efficace.

Toutefois la doctrine sacrée utilise aussi la raison humaine, non point certes pour prouver la foi, ce qui serait en abolir le mérite, mais pour mettre en lumière certaines autres choses que cette doctrine enseigne. Donc, puisque la grâce ne détruit pas la nature, mais la parfait, c'est un devoir, pour la raison naturelle, de servir la foi, tout comme l'inclination naturelle de la volonté obéit à la charité. Aussi l'Apôtre dit-il (2 Co 10, 5): "Nous assujettissons toute pensée pour la faire obéir au Christ." De là vient que la doctrine sacrée use aussi des autorités des philosophes, là où, par leur raison naturelle, ils ont pu atteindre le vrai. S. Paul, dans les Actes (17, 28) rapporte cette sentence d'Aratus: "Nous sommes de la race de Dieu, ainsi que l'ont affirmé certains de vos poètes." Il faut prendre garde cependant que la doctrine sacrée n'emploie ces autorités qu'au titre d'arguments étrangers à sa nature, et n'ayant qu'une valeur de probabilité. Au contraire, c'est un usage propre qu'elle fait des autorités de l'Écriture canonique. Quant aux autorités des autres docteurs de l'Église, elle en use aussi comme arguments propres, mais d'une manière seulement probable. Cela tient à ce que notre foi repose sur la révélation faite aux Apôtres et aux Prophètes, non sur d'autres révélations, s'il en existe, faites à d'autres docteurs. C'est pourquoi, écrivant à S. Jérôme, S. Augustin déclare: "Les livres des Écritures canoniques sont les seuls auxquels j'accorde l'honneur de croire très fermement leurs auteurs incapables d'errer en ce qu'ils écrivent. Les autres, si je les lis, ce n'est point parce qu'ils ont pensé une chose ou l'ont écrite que je l'estime vraie, quelque éminents qu'ils puissent être en sainteté et en doctrine."






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Message par Francesco Mer 13 Jan 2010 - 0:18

ARTICLE 9: La doctrine sacrée doit-elle user de métaphores?
Objections:

1. Ce qui appartient en propre à une doctrine tout à fait inférieure, ne paraît pas convenir à la doctrine sacrée qui, on vient de le dire, occupe le sommet du savoir. Or l'emploi de similitudes diverses et de représentations sensibles est le fait de la poétique, qui occupe le dernier rang parmi toutes les sciences. User de similitudes de ce genre ne convient donc pas à la science sacrée.

2. La doctrine sacrée paraît avoir pour but de manifester la vérité: c'est pourquoi ceux qui accomplissent cette tâche se voient promettre une récompense: "Ceux qui me mettent en lumière auront la vie éternelle", dit la Sagesse dans l'Ecclésiastique (24, 31 Vg). Or, de telles similitudes cachent la vérité. Il ne convient donc pas à cette doctrine de présenter les réalités divines sous des similitudes empruntées au monde corporel.

3. Plus des créatures sont élevées, et plus elles s'approchent de la ressemblance divine. Donc, si quelque chose des créatures devait être transposé en Dieu, une telle transposition devrait se faire à partir des créatures les plus nobles, et non à partir des plus basses, ce qui cependant se présente fréquemment dans les Écritures.

Cependant:

Dieu dit dans Osée (12, 11): "J'ai multiplié les visions et, par les prophètes, j'ai parlé en similitudes." Or présenter une vérité sous le couvert de similitudes, c'est bien user de métaphores. Il convient donc à la doctrine sacrée d'en employer.

Conclusion:

Il convient certainement à la Sainte Écriture de nous livrer les choses divines sous le voile de similitudes empruntées aux choses corporelles Dieu, en effet, pourvoit à tous les êtres conformément à leur nature. Or, il est naturel à l'homme de s'élever à l'intelligible par le sensible, parce que toute notre connaissance prend son origine des sens. Il est donc parfaitement convenable que dans l'Écriture sainte les choses spirituelles nous soient livrées au moyen de métaphores corporelles. C'est ce que dit Denys: "Le rayon divin ne peut luire pour nous qu'enveloppé par la diversité des voiles sacrés." De plus, l'Écriture étant proposée de façon commune à tous, selon ce mot de l'Apôtre (Rm 1, 14): "Je me dois aux savants et aux ignorants", il lui convient de présenter les réalités spirituelles sous la figure de similitudes empruntées au corps, afin que, par ce moyen tout au moins, les simples la comprennent, eux qui ne sont pas aptes à saisir en elles-mêmes les réalités intelligibles.

Solutions:

1. La poétique use de métaphores en vue de la représentation, car celle-ci est naturellement agréable à l'homme. La doctrine sacrée, elle, use de ce procédé par nécessité et dans un but utilitaire, nous venons de le dire.

2. Le rayon de la divine révélation, nous dit Denys, n'est pas supprimé par les figures sensibles qui le voilent; il demeure dans sa vérité, en sorte qu'il ne soit pas permis aux esprits auxquels est faite la révélation de s'en tenir aux images mêmes; il les élève jusqu'à la connaissance des choses intelligibles, et, par leur intermédiaire, les autres en sont également instruits. C'est pourquoi ce qui est livré en un endroit de l'Écriture sous des métaphores, est présenté plus explicitement en d'autres passages. Du reste, l'obscurité même des figures est utile, tant pour exercer les esprits studieux, que pour éviter les moqueries des infidèles, au sujet desquels S. Matthieu dit (7, 6): "Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré."

3. Denys nous explique encore, pourquoi il est préférable que, dans les Écritures, les choses divines nous soient livrées sous la figure des corps les plus vils, plutôt que sous celle des plus nobles. Il en donne trois raisons. Tout d'abord on écarte ainsi de l'esprit humain un risque d'erreur, en rendant évident qu'on ne parle pas en propriété de termes des choses divines, ce qui pourrait être l'objet d'un doute, si ces choses étaient présentées sous la figure des corps les plus nobles, surtout pour les hommes qui n'imaginent rien de plus noble que le monde corporel. En deuxième lieu, cette manière d'agir est plus en rapport avec la connaissance que nous avons de Dieu en cette vie; car nous savons plutôt de Dieu ce qu'il n'est pas que ce qu'il est; les similitudes les plus lointaines sont donc à cet égard les plus proches de la vérité: elles nous donnent à comprendre que Dieu est au-dessus de tout ce que nous pouvons dire ou penser de lui. Enfin, par là, les choses divines se trouvent voilées plus efficacement au regard des indignes.





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Message par Francesco Mer 13 Jan 2010 - 22:16

ARTICLE 10: Est-ce que la "lettre" de l'Écriture sainte peut revêtir plusieurs sens?
Objections:

1. Il semble bien que l'Écriture ne contient pas sous une seule lettre plusieurs des sens ainsi distingués: le sens historique ou littéral, le sens allégorique, le sens tropologique ou moral, et le sens anagogique. En effet, une multiplicité de sens pour un seul passage engendre la confusion, prête à l'erreur et rend l'argumentation fragile. C'est pourquoi une argumentation véritable ne procède pas de propositions aux sens multiples; bien plus, cela occasionne certains sophismes. Or, l'Écriture sainte doit être apte à nous montrer la vérité sans prêter occasion à l'erreur; elle ne peut donc nous offrir, sous une seule lettre, une pluralité de sens.

2. S. Augustin nous dit: "Cette partie de l'Écriture qu'on appelle l'Ancien Testament se présente sous quatre formes: l'histoire, l'étiologie, l'analogie, l'allégorie", division qui paraît totalement étrangère à celle qui a été rapportée plus haut. Il ne semble donc pas convenable que l'Écriture sainte soit exposée suivant les quatre sens énumérés en premier.

3. En dehors des quatre sens précités, il y a encore le sens parabolique, qui n'est pas compris parmi eux.

Cependant:

S. Grégoire dit: "L'Écriture sainte, par la manière même dont elle s'exprime, dépasse toutes les sciences; car, dans un seul et même discours, tout en racontant un fait, elle livre un mystère."

Conclusion:

L'auteur de l'Écriture sainte est Dieu. Or, il est au pouvoir de Dieu d'employer, pour signifier quelque chose, non seulement des mots, ce que peut faire aussi l'homme, mais également les choses elles-mêmes. Pour cette raison, alors que dans toutes les sciences ce sont les mots qui ont valeur significative, celle-ci a en propre que les choses mêmes signifiées par les mots employés signifient à leur tour quelque chose. La première signification, celle par laquelle les mots signifient certaines choses, correspond au premier sens, qui est le sens historique ou littéral. La signification par laquelle les choses signifiées par les mots signifient encore d'autres choses, c'est ce qu'on appelle le sens spirituel, qui est fondé sur le sens littéral et le suppose.

A son tour, le sens spirituel se divise en trois sens distincts. En effet, dit l'Apôtre (He 7, 19), la loi ancienne est une figure de la loi nouvelle, et la loi nouvelle elle-même, ajoute Denys, est une figure de la gloire à venir; en outre, dans la loi nouvelle, ce qui a lieu dans le chef est le signe de ce que nous-mêmes devons faire. Donc, lorsque les réalités de la loi ancienne signifient celles de la loi nouvelle, on a le sens allégorique; quand les choses réalisées dans le Christ, ou dans ce qui signifie le Christ, sont le signe de ce que nous devons faire, on a le sens moral; pour autant, enfin que ces mêmes choses signifient ce qui existe dans la gloire éternelle, on a le sens anagogique.

Comme, d'autre part, le sens littéral est celui que l'auteur entend signifier, et comme l'auteur de l'Écriture sainte est Dieu, qui comprend simultanément toutes choses dans la simple saisie de son intelligence, il n'y a pas d'obstacle à dire, à la suite de S. Augustin, que selon le sens littéral, même dans une seule "lettre" de l'Écriture, il y a plusieurs sens.

Solutions:

1. La multiplicité des sens en question ne crée pas d'équivoque, ni aucune espèce de multiplicité de ce genre. En effet, d'après ce qui a été dit, ces sens ne se multiplient pas pour cette raison qu'un seul mot signifierait plusieurs choses, mais parce que les réalités elles-mêmes, signifiées par les mots, peuvent être signes d'autres réalités. Il n'y aura pas non plus de confusion dans l'Écriture, car tous les sens sont fondés sur l'unique sens littéral, et l'on ne pourra argumenter qu'à partir de lui, à l'exclusion des sens allégoriques, ainsi que l'observe S. Augustin contre le donatiste Vincent. Rien cependant ne sera perdu de l'Ecriture sainte, car rien de nécessaire à la foi n'est contenu dans le sens spirituel sans que l'Écriture nous le livre clairement ailleurs, par le sens littéral.

2. Trois des sens énumérés ici par S. Augustin se rapportent au seul sens littéral: l'histoire, l'étiologie et l'analogie. Il y a histoire, explique S. Augustin, lorsqu'une chose est exposée pour elle-même. Il y a étiologie quand la cause de ce dont on parle est indiquée: ainsi lorsque le Seigneur explique pourquoi Moïse donna licence aux Juifs de répudier leurs épouses, c'est-à-dire en raison de la dureté de leur coeur (Mt 19, 8). Il y a analogie enfin quand on fait voir que la vérité d'un passage de l'Écriture n'est pas opposée à la vérité d'un autre passage. Reste l'allégorie qui, à elle seule, dans l'énumération de S. Augustin, tient la place des trois sens spirituels. Hugues de Saint-Victor range lui aussi le sens anagogique sous le sens allégorique; retenant ainsi, dans son troisième livre des Sentences, trois sens seulement: le sens historique, le sens allégorique et le sens tropologique.

3. Le sens parabolique est inclus dans le sens littéral; car par les mots on peut signifier quelque chose au sens propre, et quelque chose au sens figuré; et, dans ce cas, le sens littéral ne désigne pas la figure elle-même, mais ce qu'elle représente. Quand, en effet, l'Écriture parle du bras de Dieu, le sens littéral n'est pas qu'il y ait en Dieu un bras corporel, mais ce qui est signifié par ce membre, à savoir une puissance active. Cela montre bien que, dans le sens littéral de l'Écriture, il ne peut jamais y avoir de fausseté.

L'objet principal de la doctrine sacrée est de transmettre la connaissance de Dieu, non pas seulement ce qu'il est en lui-même, mais aussi selon qu'il est le principe et la fin de toutes choses, spécialement de la créature raisonnable comme on l'a montré dans ce qui précède. Nous devrons donc, ayant à exposer cette doctrine, traiter 1° de Dieu (première partie); 2° du mouvement de la créature raisonnable vers Dieu (deuxième partie); 3° du Christ, qui, comme homme, est pour nous la voie qui mène à Dieu (troisième partie).

Notre étude de Dieu comprendra trois sections. Nous considérerons 1° ce qui concerne l'essence divine (Q. 2-26); 2° ce qui concerne la distinction des Personnes (Q. 27-43); 3° ce qui concerne la manière dont les créatures procèdent de Dieu (Q. 44-119).

Touchant l'essence divine, il y a lieu de se demander 1° si Dieu existe; 2° comment il est, ou plutôt comment il n'est pas (Q. 3-13); 3° il faudra étudier en outre ce qui concerne son opération, à savoir sa science, sa volonté et sa puissance (Q. 14-26)

En effet, une multiplicité de sens pour un seul passage engendre la confusion, prête à l'erreur et rend l'argumentation fragile. C'est pourquoi une argumentation véritable ne procède pas de propositions aux sens multiples; bien plus, cela occasionne certains sophismes. Or, l'Écriture sainte doit être apte à nous montrer la vérité sans prêter occasion à l'erreur; elle ne peut donc nous offrir, sous une seule lettre, une pluralité de sens.

L'auteur de l'Écriture sainte est Dieu.


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Message par Francesco Ven 15 Jan 2010 - 1:46

QUESTION 2: L'EXISTENCE DE DIEU
1. L'existence de Dieu est-elle évidente par elle-même? 2. Est-elle démontrable? 3. Dieu existe-t-il?



ARTICLE 1: L'existence de Dieu est-elle évidente par elle-même?
Objections:

1. Nous disons évident ce dont la connaissance est en nous naturellement, comme c'est le cas des premiers principes. Or, dit Jean Damascène au début de son livre, "la connaissance de l'existence de Dieu est naturellement infuse dans tout être". Il y a donc là une évidence.

2. On déclare encore évidentes les propositions dont la vérité apparaît dès que les termes en sont connus, comme le Philosophe le dit des premiers principes de la démonstration dans ses Derniers Analytiques. Dès qu'on sait, par exemple, ce que sont le tout et la partie, on sait que le tout est toujours plus grand que sa partie. Or, dès qu'on a compris ce que signifie ce mot: Dieu, aussitôt on sait que Dieu existe. En effet, ce mot signifie un être tel qu'on ne peut en concevoir de plus grand; or, ce qui existe à la fois dans la réalité et dans l'esprit est plus grand que ce qui existe uniquement dans l'esprit. Donc, puisque, le mot étant compris, Dieu est dans l'esprit, on sait du même coup qu'il est dans la réalité. L'existence de Dieu est donc évidente.

3. Il est évident que la vérité existe, car celui qui nie que la vérité existe concède par le fait même qu'elle existe; car si la vérité n'existe pas, ceci du moins est vrai: que la vérité n'existe pas. Or, si quelque chose est vrai, la vérité existe. Or Dieu est la vérité même, selon ce que dit Jésus en Jean (14, 6): "Je suis la voie, la vérité et la vie." Donc l'existence de Dieu est évidente.

Cependant:

personne ne peut penser l'opposé d'une vérité évidente, comme le prouve le Philosophe en ce qui concerne les premiers principes de la démonstration. Or, on peut penser le contraire de cette proposition: Dieu existe, puisque, d'après le psaume (53, 1), "L'insensé a dit dans son coeur: il n'y a pas de Dieu." Donc l'existence de Dieu n'est pas évidente par elle-même.

Conclusion:

Une chose peut être évidente de deux façons: soit en elle-même, mais non pas pour nous; soit à la fois en elle-même et pour nous. En effet, une proposition est évidente par elle-même du fait que le prédicat y est inclus dans l'idée du sujet, comme lorsqu'on dit: L'homme est un animal; car l'animalité fait partie de l'idée d'homme. Si donc la définition du sujet et celle du prédicat sont connues de tous, cette proposition sera évidente pour tous. C'est ce qui a lieu pour les premiers principes de la démonstration, dont les termes sont trop généraux pour que personne puisse les ignorer, comme être et non-être, tout et partie, etc. Mais s'il arrive chez quelqu'un que la définition du prédicat et celle du sujet soient ignorées, la proposition sera évidente de soi; mais non pour ceux qui ignorent le sujet et le prédicat de la proposition. C'est pour cette raison, dit Boèce, qu'il y a des conceptions communes de l'esprit qui sont évidentes seulement pour ceux qui savent, comme celle-ci: les choses immatérielles n'ont pas de lieu.

Je dis donc que cette proposition: Dieu existe, est évidente de soi, car le prédicat y est identique au sujet; Dieu, en effet, est son être même, comme on le verra plus loin. Mais comme nous ne connaissons pas l'essence de Dieu, cette proposition n'est pas évidente pour nous; elle a besoin d'être démontrée par ce qui est mieux connu de nous, même si cela est, par nature, moins connu, à savoir par les oeuvres de Dieu.

Solutions:

1. Nous avons naturellement quelque connaissance générale et confuse de l'existence de Dieu, à savoir en tant que Dieu est la béatitude de l'homme; car l'homme désire naturellement la béatitude, et ce que naturellement il désire, naturellement aussi il le connaît. Mais ce n'est pas là vraiment connaître que Dieu existe, pas plus que connaître que quelqu'un vient n'est connaître Pierre, même si c'est Pierre qui vient. En effet, beaucoup estiment que la béatitude, ce bien parfait de l'homme, consiste dans les richesses, d'autres dans les plaisirs, d'autres dans quelque autre chose.

2. Il n'est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot: Dieu, l'entende d'un être tel qu'on ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu'on prétend, à savoir celle d'un être tel qu'on n'en puisse concevoir de plus grand: il s'ensuit que chacun pense nécessairement qu'un tel être est dans l'esprit comme appréhendé, mais nullement qu'il existe dans la réalité. Pour pouvoir tirer de là que l'être en question existe réellement, il faudrait supposer qu'il existe en réalité un être tel qu'on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient l'existence de Dieu.

3. Que la vérité soit, en général, cela est évident; mais que la vérité première soit, c'est ce qui n'est pas évident pour nous.









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Message par Francesco Mar 19 Jan 2010 - 0:32

ARTICLE 2: L'existence de Dieu est-elle démontrable?
Objections:

1. L'existence de Dieu est un article de foi; mais les articles de foi ne se démontrent pas; car la démonstration engendre la science, mais l'objet de la foi est ce dont la vérité n'apparaît pas, selon l'épître aux Hébreux (11, 1).

2. Le moyen terme d'une démonstration est la définition du sujet, qui fait connaître ce qu'il est. Or, ce Dieu, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il est, mais seulement ce qu'il n'est pas, dit le Damascène. Donc nous ne pouvons pas démontrer Dieu.

3. Si l'on pouvait démonter Dieu, ce ne pourrait être que par ses oeuvres; or les oeuvres de Dieu ne lui sont pas proportionnelles. Elles sont finies, lui-même est infini; et il n'y a pas de proportion entre le fini et l'infini. En conséquence, comme on ne peut démontrer une cause par un effet hors de proportion avec elle, il semble qu'on ne puisse pas démontrer l'existence de Dieu.

Cependant:

l'Apôtre dit (Rm 1, 20): "Les perfections invisibles de Dieu sont rendues visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres." Mais cela ne serait pas si, par ses oeuvres, on ne pouvait démontrer l'existence même de Dieu; car la première chose à connaître au sujet d'un être, c'est qu'il existe.

Conclusion:

Il y a deux sortes de démonstrations: l'une par la cause, que l'on nomme propter quid; elle part de ce qui est antérieur, en réalité, par rapport à ce qui est démontré. L'autre, par les effets, que l'on nomme démonstration quia; elle part de ce qui n'est premier que dans l'ordre de notre connaissance. C'est pourquoi, toutes les fois qu'un effet nous est plus manifeste que sa cause, nous recourons à lui pour connaître la cause. Or, de tout effet, on peut démontrer que sa cause propre existe, si du moins les effets de cette cause sont plus connus pour nous qu'elle-même; car, les effets dépendant de la cause, dès que l'existence de l'effet est établie, il suit nécessairement que la cause préexiste. Donc, si l'existence de Dieu n'est pas évidente à notre égard, elle peut être démontrée par ses effets connus de nous.

Solutions:

1. L'existence de Dieu et les autres vérités concernant Dieu, que la raison naturelle peut connaître, comme dit l'Apôtre (Rm 1, 19), ne sont pas des articles de foi, mais des vérités préliminaires qui nous y acheminent. En effet, la foi présuppose la connaissance naturelle, comme la grâce présuppose la nature, et la perfection le perfectible. Toutefois, rien n'empêche que ce qui est, de soi, objet de démonstration et de science ne soit reçu comme objet de foi par celui qui ne peut saisir la démonstration.

2. Quand on démontre une cause par son effet, il est nécessaire d'employer l'effet, au lieu de la définition de la cause, pour prouver l'existence de celle-ci. Et cela se vérifie principalement lorsqu'il s'agit de Dieu. En effet, pour prouver qu'une chose existe, on doit prendre comme moyen non sa définition, mais la signification qu'on lui donne car, avant de se demander ce qu'est une chose, on doit se demander si elle existe. Or, les noms de Dieu lui sont donnés d'après ses effets, comme nous le montrerons; donc, ayant à démontrer Dieu par ses effets, nous pouvons prendre comme moyen terme ce que signifie ce nom: Dieu.

3. Par des effets disproportionnés à leur cause, on ne peut obtenir de cette cause une connaissance parfaite; mais, comme nous l'avons dit, il suffit d'un effet quelconque pour démontrer manifestement que cette cause existe. Ainsi, en partant des oeuvres de Dieu, on peut démontrer l'existence de Dieu, bien que par elles nous ne puissions pas le connaître parfaitement quant à son essence.







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Message par Francesco Mer 20 Jan 2010 - 0:30

ARTICLE 3: Dieu existe-t-il?
Objections:

1. De deux contraires, si l'un est infini, l'autre est totalement aboli. Or, quand on prononce le mot Dieu, on l'entend d'un bien infini. Donc, si Dieu existait, il n'y aurait plus de mal. Or l'on trouve du mal dans le monde. Donc Dieu n'existe pas.

2. Ce qui peut être accompli par des principes en petit nombre ne se fait pas par des principes plus nombreux. Or, il semble bien que tous les phénomènes observés dans le monde puissent s'accomplir par d'autres principes, si l'on suppose que Dieu n'existe pas; car ce qui est naturel a pour principe la nature, et ce qui est libre a pour principe la raison humaine ou la volonté. Il n'y a donc nulle nécessité de supposer que Dieu existe.

Cependant:

Dieu lui-même dit (Ex 3, 14): "Je suis Celui qui suis."

Conclusion:

Que Dieu existe, on peut prendre cinq voies pour le prouver.

La première et la plus manifeste est celle qui se prend du mouvement. Il est évident, nos sens nous l'attestent, que dans ce monde certaines choses se meuvent. Or, tout ce qui se meut est mû par un autre. En effet, rien ne se meut qu'autant qu'il est en puissance par rapport au terme de son mouvement, tandis qu'au contraire, ce qui meut le fait pour autant qu'il est en acte; car mouvoir, c'est faire passer de la puissance à l'acte, et rien ne peut être amené à l'acte autrement que par un être en acte, comme un corps chaud en acte, tel le feu, rend chaud en acte le bois qui était auparavant chaud en puissance, et par là il le meut et l'altère. Or il n'est pas possible que le même être, envisagé sous le même rapport, soit à la fois en acte et en puissance; il ne le peut que sous des rapports divers; par exemple, ce qui est chaud en acte ne peut pas être en même temps chaud en puissance; mais il est, en même temps, froid en puissance. Il est donc impossible que sous le même rapport et de la même manière quelque chose soit à la fois mouvant et mû, c'est-à-dire qu'il se meuve lui-même. Il faut donc que tout ce qui se meut soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut est mue elle-même, il faut qu'elle aussi soit mue par une autre, et celle-ci par une autre encore. Or, on ne peut ainsi continuer à l'infini, car dans ce cas il n'y aurait pas de moteur premier, et il s'ensuivrait qu'il n'y aurait pas non plus d'autres moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent que selon qu'ils sont mûs par le moteur premier, comme le bâton ne meut que s'il est mû par la main. Donc il est nécessaire de parvenir à un moteur premier qui ne soit lui-même mû par aucun autre, et un tel être, tout le monde comprend que c'est Dieu.

La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu'il y a un ordre entre les causes efficientes; mais ce qui ne se trouve pas et qui n'est pas possible, c'est qu'une chose soit la cause efficiente d'elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n'est pas possible non plus qu'on remonte à l'infini dans les causes efficientes; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces intermédiaires soient nombreux ou qu'il n'y en ait qu'un seul. D'autre part, supprimez la cause, vous supprimez aussi l'effet. Donc, s'il n'y a pas de premier, dans l'ordre des causes efficientes, il n'y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l'on devait monter à l'infini dans la série des causes efficientes, il n'y aurait pas de cause première; en conséquence, il n'y aurait ni effet dernier, ni cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer qu'il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu.

La troisième voie se prend du possible et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses, nous en trouvons qui peuvent être et ne pas être la preuve, c'est que certaines choses naissent et disparaissent, et par conséquent ont la possibilité d'exister et de ne pas exister. Mais il est impossible que tout ce qui est de telle nature existe toujours; car ce qui peut ne pas exister n'existe pas à un certain moment. Si donc tout peut ne pas exister, à un moment donné, rien n'a existé. Or, si c'était vrai, maintenant encore rien n'existerait; car ce qui n'existe pas ne commence à exister que par quelque chose qui existe. Donc, s'il n'y a eu aucun être, il a été impossible que rien commençât d'exister, et ainsi, aujourd'hui, il n'y aurait rien, ce qu'on voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas seulement possibles, et il y a du nécessaire dans les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou bien tire sa nécessité d'ailleurs, ou bien non. Et il n'est pas possible d'aller à l'infini dans la série des nécessaires ayant une cause de leur nécessité, pas plus que pour les causes efficientes, comme on vient de le prouver. On est donc contraint d'affirmer l'existence d'un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d'ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l'on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu.

La quatrième voie procède des degrés que l'on trouve dans les choses. On voit en effet dans les choses du plus ou moins bon, du plus ou moins vrai, du plus ou moins noble, etc. Or, une qualité est attribuée en plus ou en moins à des choses diverses selon leur proximité différente à l'égard de la chose en laquelle cette qualité est réalisée au suprême degré; par exemple, on dira plus chaud ce qui se rapproche davantage de ce qui est superlativement chaud. Il y a donc quelque chose qui est souverainement vrai, souverainement bon, souverainement noble, et par conséquent aussi souverainement être, car, comme le fait voir Aristote dans la Métaphysique, le plus haut degré du vrai coïncide avec le plus haut degré de l'être. D'autre part, ce qui est au sommet de la perfection dans un genre donné, est cause de cette même perfection en tous ceux qui appartiennent à ce genre: ainsi le feu, qui est superlativement chaud, est cause de la chaleur de tout ce qui est chaud, comme il est dit au même livre. Il y a donc un être qui est, pour tous les êtres, cause d'être, de bonté et de toute perfection. C'est lui que nous appelons Dieu.

La cinquième voie est tirée du gouvernement des choses. Nous voyons que des êtres privés de connaissance, comme les corps naturels, agissent en vue d'une fin, ce qui nous est manifesté par le fait que, toujours ou le plus souvent, ils agissent de la même manière, de façon à réaliser le meilleur; il est donc clair que ce n'est pas par hasard, mais en vertu d'une intention qu'ils parviennent à leur fin. Or, ce qui est privé de connaissance ne peut tendre à une fin que dirigé par un être connaissant et intelligent, comme la flèche par l'archer. Il y a donc un être intelligent par lequel toutes choses naturelles sont ordonnées à leur fin, et cet être, c'est lui que nous appelons Dieu.

Solutions:

1. A l'objection du mal, S. Augustin répond: "Dieu, souverainement bon, ne permettrait aucunement que quelque mal s'introduise dans ses oeuvres, s'il n'était tellement puissant et bon que du mal même il puisse faire du bien." C'est donc à l'infinie bonté de Dieu que se rattache sa volonté de permettre des maux pour en tirer des biens.

2. Puisque la nature ne peut agir en vue d'une fin déterminée que si elle est dirigée par un agent supérieur, on doit nécessairement faire remonter jusqu'à Dieu, première cause, cela même que la nature réalise. Et de la même manière, les effets d'une libre décision humaine doivent être rapportés au-delà de la raison ou de la volonté humaine, à une cause plus élevée; car ils sont variables et faillibles, et tout ce qui est variable, tout ce qui peut faillir, doit dépendre d'un principe immobile et nécessaire par lui-même, comme on vient de le montrer.

Lorsqu'on sait de quelque chose qu'il est, il reste à se demander comment il est, afin de savoir ce qu'il est. Mais comme nous ne pouvons savoir de Dieu que ce qu'il n'est pas, non ce qu'il est, nous n'avons pas à considérer comment il est, mais plutôt comment il n'est pas.

Il faut donc examiner 1° comment il n'est pas; 2° comment il est connu de nous; 3° comment il est nommé.

On peut montrer comment Dieu n'est pas, en écartant de lui ce qui ne saurait lui convenir, comme d'être composé, d'être en mouvement etc. Il faut donc s'enquérir 1° de la simplicité de Dieu (Q. 3), par laquelle nous excluons de lui toute composition. Mais parce que, dans les choses corporelles, les choses simples sont les moins parfaites et font partie des autres, nous traiterons 2° de sa perfection (Q. 4-6); 3° de son infinité (Q. 7-8); 4° de son immutabilité (Q. 9-10); 5° de son unité (Q. 11).







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Message par Francesco Jeu 21 Jan 2010 - 2:07

QUESTION 3: LA SIMPLICITÉ DE DIEU
1. Dieu est-il un corps, c'est-à-dire: y a-t-il en lui composition de parties quantitatives? 2. Y a-t-il en lui composition de matière et de forme? 3. Composition d'essence ou de nature, et de sujet? 4. Composition de l'essence et de l'existence? 5. Composition de genre et de différence? 6. Composition de sujet et d'accident? 7. Dieu est-il composé de quelque manière, ou absolument simple? 8. Dieu entre-t-il en composition avec les autres choses?



ARTICLE 1: Dieu est-il un corps, c'est-à-dire: y a-t-il en lui composition de parties quantitatives?
Objections:

1. Un corps est ce qui a trois dimensions. Mais la Sainte Écriture attribue à Dieu trois dimensions, car on lit dans Job (11, 8): "Le Tout-Puissant est plus haut que le ciel, que feras-tu? Plus profond que le séjour des morts, qu'en sauras-tu? plus long que la terre à mesurer et plus large que la mer." 2. Tout être doté de figure est un corps, puisque la figure est la qualité affectant la quantité. Mais Dieu semble avoir une figure, selon la Genèse (1, 26): "Faisons l'homme à notre image et ressemblance"; car la figure est appelée une image selon la lettre aux Hébreux (1, 3): le Fils "est le resplendissement de sa gloire, et la figure c'est-à-dire l'image de sa substance".

3. Tout ce qui a des membres est un corps. Mais l’Écriture attribue toujours des membres à Dieu: "As-tu un bras comme Dieu?" (Jb 40, 9). "Les yeux du Seigneur sont fixés sur les justes" (Ps 34, 16). "La droite du Seigneur a montré sa force" (Ps 118, 16).

4. On ne parle de position que pour un corps. Or, l'Écriture attribue à Dieu des positions: "J'ai vu le Seigneur assis..." (Is 6, 1). "Le Seigneur s'est levé pour juger" (Is 3, 13).

5. Rien ne peut être le terme local d'un départ ou d'une arrivée s'il n'est un corps ou quelque chose de corporel. Mais l'Écriture présente Dieu comme un terme local d'arrivée: "Approchez de lui et vous recevrez sa lumière" (Ps 34, 6), ou de départ: "Ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre" (Jr 17, 13).

Cependant:

S. Jean (4, 24) écrit: "Dieu est esprit."

Conclusion:

Il faut dire sans aucune réserve que Dieu n'est pas un corps. On peut le démontrer de trois manières:

1. Aucun corps ne meut sans être mû lui-même, comme l'enseigne une expérience universelle; or, on a fait voir plus haut que Dieu est le premier moteur immobile; il est donc manifeste qu'il n'est pas un corps.

2. L'être premier doit nécessairement être en acte et d'aucune manière en puissance. Sans doute, si l'on considère un seul et même être qui passe de la puissance à l'acte, la puissance existe avant l'acte; cependant, absolument parlant, c'est l'acte qui est antérieur à la puissance, puisque l'être en puissance n'est amené à l'acte que par un être en acte. Or, on a montré plus haut que Dieu est l'être premier. Il est donc impossible qu'en Dieu il y ait rien en puissance. Or tout corps est en puissance, car le continu, en tant que tel, est divisible à l'infini. Il est donc impossible que Dieu soit un corps.

3. Dieu est, comme on l'a dit, ce qu'il y a de plus noble parmi les êtres. Mais il est impossible qu'un corps soit le plus noble des êtres. Car un corps est vivant ou il ne l'est pas; le vivant est manifestement plus noble que ce qui n'a point de vie. D'autre part, le corps vivant ne vit pas précisément en tant que corps, car alors tout corps vivrait; il faut donc qu'il vive par quelque chose d'autre, comme notre corps vit par l'âme. Or, ce par quoi vit le corps est plus noble que le corps. Il est donc impossible que Dieu soit un corps.

Solutions:

1. Comme on l'a dit plus haut, la Sainte Écriture nous livre les choses divines et spirituelles sous le voile de similitudes empruntées aux choses corporelles. Aussi, lorsqu'elle attribue à Dieu les trois dimensions, elle désigne, sous la similitude d'une quantité corporelle, la quantité de sa puissance. Ainsi la profondeur symbolise la puissance de connaître les choses cachées; la hauteur, la supériorité de sa puissance; la longueur, la durée de son existence; la largeur, l'efficacité de son amour pour toutes choses. Ou encore, selon Denys: "La profondeur de Dieu signifie l'incompréhensibilité de son essence; sa longueur, l'extension de sa vertu, qui pénètre toutes choses; sa largeur, l'amplitude universelle de cette vertu, en tant que tout est enveloppé par sa protection." 2. On dit que l'homme est créé à l'image de Dieu non pas selon son corps, mais selon sa supériorité sur les autres animaux. Aussi, après la parole: "Faisons l'homme à notre image et ressemblance", la Genèse ajoute-t-elle: "pour qu'il domine sur tous les poissons de la mer..." Or, l'homme est supérieur aux autres animaux par la raison et l'intelligence. C'est donc selon l'intelligence et la raison, qui sont incorporelles, que l'homme est à l'image de Dieu.

3. Dans l'Écriture, des membres sont attribués à Dieu en raison de leur action, selon une certaine similitude. Ainsi, l'acte de l'oeil est de voir: aussi attribue-t-on des yeux à Dieu pour signifier sa capacité de voir par l'intelligence, non par les sens. Et de même pour les autres membres.

4. Des positions ne sont attribuées à Dieu que par métaphore: on dit qu'il est assis à cause de son immutabilité et de son autorité; et debout à cause de sa force pour vaincre tous ses adversaires.

5. On ne s'approche pas de Dieu par une démarche corporelle, puisqu'il est partout, mais par les sentiments de l'âme, et l'on s'éloigne de lui de la même façon. Ainsi l'approche ou l'éloignement, sous la similitude du mouvement local, désigne une démarche spirituelle.






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Message par Francesco Ven 22 Jan 2010 - 1:15

ARTICLE 2: Y a-t-il en Dieu composition de matière et de forme?
Objections:

1. Tout ce qui a une âme est composé de matière et de forme, puisque l'âme est la forme du corps. Mais l'Écriture attribue à Dieu une âme, puisque l'épître aux Hébreux (10, 38) cite cette parole en la mettant dans sa bouche: "Mon juste vivra par la foi; et s'il se dérobe, mon âme ne se complaira pas en lui." 2. La colère, la joie, etc. sont des passions d'un être composé de corps et d'âme, dit Aristote. Mais ces sentiments sont attribués à Dieu par l'Écriture, par exemple au Psaume (106, 40): "Le Seigneur s'est enflammé de colère contre son peuple." 3. C'est la matière qui est principe d'individuation. Or, Dieu est un être individuel. S'il ne l'était pas, on pourrait attribuer sa nature à plusieurs êtres. Donc il est composé de matière et de forme.

Cependant:

tout composé de matière et de forme est un corps; car l'étendue est le premier attribut que revêt la matière. Or, on vient de montrer que Dieu n'est pas un corps: donc il n'est pas composé de matière et de forme.

Conclusion:

Il est impossible qu'il y ait en Dieu aucune matière. 1. Parce que la matière est de l'être en puissance, et il a été démontré que Dieu est acte pur, n'ayant en lui rien de potentiel. Il est donc impossible qu'il y ait en lui composition de matière et de forme.

2. Un composé de matière et de forme n'a de perfection et de bonté qu'en raison de sa forme; il n'est donc bon que d'une façon participée, selon que sa matière participe de la forme. Or, le bien premier et optimal, Dieu, ne peut pas être bon de façon participée; car il est bon par essence et ce qui est bon par essence est premier à l'égard de ce qui est bon en raison d'une participation.

3. Tout agent agit en raison de sa forme: il y a donc stricte corrélation entre ce que la forme est pour lui et la manière dont il est agent. Il s'ensuit que ce qui est l'agent premier et par soi est aussi forme premièrement et par soi. Or, Dieu est le premier agent, étant la première cause efficiente, on l'a vu. Il est donc forme selon toute son essence, et non pas composé de matière et de forme.

Solutions:

1. On attribue une âme à Dieu en raison d'une ressemblance entre l'acte de Dieu et le nôtre. Si, en effet, nous voulons quelque chose, cela vient de notre âme. On dit alors que l'âme de Dieu se complaît en quelque chose, pour dire que sa volonté s'y complaît.

2. La colère et les passions semblables sont attribuées à Dieu pour une ressemblance entre les effets: du fait qu'un homme en colère est porté à châtier, on appelle colère, par métaphore, le châtiment divin.

3. Il est vrai que les formes susceptibles d'être reçues dans une matière sont individuées par cette matière, laquelle ne peut être subjectée en rien d'autre, étant elle-même le premier sujet; la forme, au contraire, en ce qui la concerne, et sauf empêchement venu d'ailleurs, peut être reçue en plusieurs sujets. Au contraire, la forme qui n'est pas faite pour être reçue dans une matière, étant subsistante par là-même qu'elle ne peut être reçue en un autre qu'elle-même: ainsi en est-il de Dieu. De ce que Dieu est individué, il ne suit donc nullement qu'il aurait une matière.






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Message par Francesco Lun 25 Jan 2010 - 2:26

ARTICLE 3: Y a-t-il en Dieu composition d'essence ou de nature, et de sujet?
Objections:

1. Il semble que Dieu ne s'identifie pas avec son essence ou sa nature. Car rien n'est à proprement parler en soi-même; or, on dit, de l'essence ou nature de Dieu, qui est la déité, qu'elle est en Dieu: elle est donc distincte de lui.

2. L'effet ressemble à sa cause; car tout agent assimile à lui son effet. Or, dans les choses créées, le suppôt n'est pas identique à sa nature; ainsi l'homme n'est pas identique à son humanité. Donc, Dieu non plus n'est pas identique à sa déité.

Cependant:

il est dit de Dieu qu'il est la vie, et non pas seulement qu'il est vivant, comme on le voit en S. Jean (14, 6): "Je suis la voie, la vérité et la vie." Or la déité est dans le même rapport avec Dieu que la vie avec le vivant. Donc Dieu est la déité elle-même.

Conclusion:

Dieu est identique à son essence ou nature. Pour le comprendre, il faut savoir que dans les choses composées de matière et de forme, il y a nécessairement distinction entre la nature ou essence d'une part, et le suppôt de l'autre. En effet, la nature ou essence comprend seulement ce qui est contenu dans la définition de l'espèce; ainsi l'humanité comprend seulement ce qui est inclus dans la définition de l'homme, car c'est par cela même que l'homme est homme, et c'est cela que signifie le mot humanité: à savoir ce par quoi l'homme est homme. Mais la matière individuelle, comprenant tous les accidents qui l'individualisent, n'entre pas dans la définition de l'espèce; car on ne peut introduire dans la définition de l'homme cette chair, ces os, la blancheur, la noirceur, etc.; donc, cette chair, ces os et les accidents qui circonscrivent cette matière ne sont pas compris dans l'humanité, et cependant ils appartiennent à cet homme-ci. Il s'ensuit que l'individu humain a en soi quelque chose que n'a pas l'humanité. En raison de cela, l'humanité ne dit pas le tout d'un homme, mais seulement sa partie formelle, car les éléments de la définition se présentent comme informant la matière, d'où provient l'individuation.

Mais dans les êtres qui ne sont pas composés de matière et de forme, qui ne tirent pas leur individuation d'une matière individuelle, à savoir telle matière, mais où les formes sont individualisées par elles-mêmes, les formes doivent être elles-mêmes les suppôts subsistants, de sorte que là le suppôt ne se distingue pas de la nature. Ainsi, puisque Dieu n'est pas composé de matière et de forme, comme nous l'avons montré, on doit conclure nécessairement que Dieu est sa déité, sa vie, et quoi que ce soit d'autre qu'on affirme ainsi de lui.

Solutions:

1. Nous ne pouvons parler des choses simples qu'à la manière des choses composées d'où nous tirons notre connaissance. C'est pourquoi, parlant de Dieu et voulant le signifier comme subsistant, nous employons des termes concrets, parce que notre expérience ne nous montre comme subsistants que des êtres composés; quand, au contraire, nous voulons exprimer sa simplicité, nous employons des termes abstraits. Donc, si l'on dit que la déité ou la vie, ou quoi que ce soit de pareil, est en Dieu, ces expressions se rapportent non à une diversité dans le réel, en Dieu, mais à une diversité des représentations du réel dans notre esprit.

2. Les effets de Dieu lui sont assimilés, non pas parfaitement, mais dans la mesure du possible; et c'est cette imperfection dans la ressemblance qui explique que ce qui est (en Dieu) simple et un ne peut être reproduit que par une multiplicité. c'est ainsi que, dans les effets, intervient la composition d'où il provient que le suppôt, en eux, n'est pas identique à la nature.









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Message par Francesco Lun 25 Jan 2010 - 23:56

ARTICLE 4: Y a-t-il en Dieu composition de l'essence et de l'existence?
Objections:

1. Il semble qu'en Dieu essence et existence ne soient pas identiques; car si cela était, rien ne s'ajouterait à l'être divin. Mais l'être sans aucune addition, c'est l'être en général, qu'on attribue à tout ce qui est. Dieu ne serait donc que l'être en général, commun à tous les êtres, et c'est à quoi s'opposent ces paroles de la Sagesse (14, 21): "Ils ont donné à la pierre et au bois le nom incommunicable." 2. Au sujet de Dieu, nous pouvons savoir qu'il est, comme nous l'avons dit. Mais nous ne pouvons savoir ce qu'il est. C'est donc qu'on doit distinguer en lui d'une part son existence, de l'autre ce qu'il est: son essence, sa nature.

Cependant:

S. Hilaire écrit: "L'être n'est pas en Dieu quelque chose de surajouté, mais vérité subsistante." Donc ce qui subsiste en Dieu, c'est son être.

Conclusion:

Il ne suffit pas de dire que Dieu est identique à son essence, comme nous venons de le montrer; il faut ajouter qu'il est identique à son être, ce qui peut se prouver de maintes manières.

1. Ce que l'on trouve dans un étant, outre son essence, est nécessairement causé, soit qu'il résulte des principes mêmes constitutifs de l'essence, comme les attributs propres de l'espèce: ainsi le rire appartient à l'homme en raison des principes essentiels de son espèce; soit qu'il vienne de l'extérieur, comme la chaleur de l'eau est causée par le feu. Donc, si l'existence même d'une chose est autre que son essence, elle est causée nécessairement soit par un agent extérieur, soit par les principes essentiels de cette chose. Mais il est impossible, lorsqu'il s'agit de l'existence, qu'on la dise causée par les seuls principes essentiels de la chose, car aucune chose n'est capable de se donner l'existence, si cette existence dépend d'une cause. Il faut donc que l'étant dont l'existence est autre que son essence, reçoive son existence d'un autre étant. Or cela ne peut se dire de Dieu, puisque ce que nous nommons Dieu, est la cause efficiente première. Il est donc impossible que l'existence soit autre que l'essence.

2. L'existence est l'actualité de toute forme ou nature; en effet, dire que la bonté ou l'humanité, par exemple, est en acte, c'est dire qu'elle existe. Il faut donc que l'existence soit à l'égard de l'essence, lorsque celle-ci en est distincte, ce que l'acte est à la puissance. Et comme en Dieu rien n'est potentiel, ainsi qu'on la montré, il s'ensuit qu'en lui l'essence n'est pas autre chose que son existence. Son essence est donc son existence.

3. De même que ce qui est igné et n'est pas feu est igné par participation, ainsi ce qui a l'existence, et n'est pas l'existence est être par participation. Or Dieu est son essence même, ainsi qu'on l'a montré; donc, s'il n'est pas son existence même, il aura l'être par participation et non par essence, il ne sera donc pas le premier être, ce qui est absurde. Donc Dieu est son existence, et non pas seulement son essence.

Solutions:

1. Ce qu'on dit ici de l'être sans addition peut se comprendre en deux sens: ou bien l'être en question ne reçoit pas d'addition parce qu'il est de sa notion d'exclure toute addition: ainsi la notion de "bête" exclut l'addition de "raisonnable". Ou bien il ne reçoit pas d'addition parce que sa notion ne comporte pas d'addition comme l'animal en général est sans raison en ce sens qu'il n'est pas dans sa notion d'avoir la raison; mais il n'est pas non plus dans sa notion de ne pas l'avoir. Dans le premier cas, l'être sans addition dont on parle est l'être divin; dans le second cas, c'est l'être en général ou commun.

2. "Être" se dit de deux façons: en un premier sens pour signifier l'acte d'exister, en un autre sens pour marquer le lien d'une proposition, oeuvre de l'âme joignant un prédicat à un sujet. Si l'on entend l'existence de la première façon, nous ne pouvons pas plus connaître l'être de Dieu que son essence. De la seconde manière seulement nous pouvons connaître l'être de Dieu: nous savons, en effet, que la proposition que nous construisons pour exprimer que Dieu est, est vraie et nous le savons à partir des effets de Dieu, ainsi que nous l'avons dit.



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Message par Francesco Mer 27 Jan 2010 - 0:25

ARTICLE 5: Y a-t-il en Dieu composition de genre et de différence?
Objections:

1. Il semble bien que Dieu soit dans un genre. En effet, la substance est l'être subsistant par soi. Or cela convient souverainement à Dieu. Donc Dieu est dans le genre substance.

2. Chaque chose se mesure d'après une norme du même genre, comme les longueurs par une longueur, et les nombres par un nombre. Or, Dieu est la mesure suprême des substances, dit le Commentateur sur le livre X de la Métaphysique. Il appartient donc lui-même au genre substance.

Cependant:

pour l'esprit, le genre précède ce qui est contenu dans ce genre. Mais rien n'est antérieur à Dieu, ni dans la réalité, ni pour l'esprit. Dieu n'est donc pas un genre.

Conclusion:

Quelque chose peut appartenir à un genre de deux façons: absolument et en toute propriété de termes, comme l'espèce est contenue dans le genre; ou bien par réduction, comme les principes des choses ou les privations: ainsi le point et l'unité se ramènent au genre quantité parce qu'ils y jouent le rôle de principes; la cécité ou toute autre privation se ramènent au genre de ce dont ils sont le manque. Mais Dieu ne peut être dans un genre d'aucune de ces deux manières.

Qu'il ne puisse être espèce dans un genre, c'est ce qu'on peut démontrer de trois façons.

1. L'espèce se forme par genre et différence, et ce dont provient la différence constitutive de l'espèce joue toujours, à l'égard de ce dont le genre est tiré, le rôle de l'acte par rapport à la puissance. Ainsi ce terme: animal, se prend de la nature sensitive signifiée au concret; car cela est animal qui est de nature sensitive; cet autre terme: raisonnable, se prend de la nature intellectuelle, car on dit raisonnable ce qui est de nature intellectuelle. Or, l'intellectuel est avec le sensitif dans la relation de l'acte avec la puissance, et il en est de même en tout le reste. Comme en Dieu nulle puissance ne s'adjoint à l'acte, il est impossible que Dieu soit dans un genre à titre d'espèce.

2. L'existence de Dieu est son essence même, on vient de le montrer. Si Dieu était dans un genre, ce genre serait donc nécessairement le genre être, car le genre désigne l'essence, étant attribué essentiellement. Or, le Philosophe démontre, que l'être ne peut être le genre de rien. Tout genre, en effet, comporte des différences spécifiques qui n'appartiennent pas à l'essence de ce genre; or, il n'est aucune différence qui n'appartienne à l'être puisque le non-être ne saurait constituer une différence. Reste donc que Dieu ne rentre dans aucun genre.

3. Toutes les réalités appartenant à un même genre ont en commun la nature ou essence du genre, puisque celui-ci leur est attribué selon l'essence; mais elles diffèrent selon l'existence, car l'existence n'est pas la même, par exemple, de l'homme et du cheval, de tel homme et de tel autre homme. Il s'ensuit que dans tous les étants qui appartiennent à un genre, l'existence est autre que l'essence. Or, en Dieu, il n'y a pas cette altérité, comme on l'a montré. Dieu n'est donc pas une espèce dans un genre.

Cela montre qu'on ne peut assigner à Dieu ni genre ni différence; qu'il ne peut donc être défini, et qu'on ne peut démontrer de lui quoi que ce soit autrement que par ses effets; car toute définition s'établit par genre et différence, et le médium de la démonstration est la définition.

Quant à inclure Dieu dans un genre par réduction, au titre de principe, l'impossibilité en est manifeste. En effet, le principe qui se ramène à un genre ne s'étend pas au-delà de ce genre; ainsi le point n'est principe qu'à l'égard du continu, l'unité qu'à l'égard du nombre, etc. Or, Dieu est le principe de tout l'être, comme on le démontrera par la suite: il n'est donc pas contenu dans un genre à ce titre de principe.

Solutions:

1. Le terme de "substance" ne signifie pas seulement "être par soi", puisqu'il n'est pas possible que l'être soit un genre, on vient de le dire. Ce qu'il signifie, c'est l'essence à laquelle il appartient d'exister ainsi, à savoir par soi-même, sans pour autant que son existence s'identifie avec son essence. Il est donc manifeste que Dieu n'est pas dans le genre substance.

2. Cette objection se rapporte au cas d'une mesure proportionnée au mesuré; dans ce cas, en effet, la mesure doit être homogène au mesuré. Mais Dieu n'est pas une mesure proportionnée à quoi que ce soit. Si on le dit mesure de toutes choses, c'est en ce sens que chacune participe de l'être pour autant qu'elle approche de Dieu.






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Message par Francesco Ven 29 Jan 2010 - 1:17

ARTICLE 6: Y a-t-il en Dieu composition de sujet et d'accident?
Objections:

1. Il semble qu'il y ait en Dieu des accidents; car, dit Aristote, une substance ne saurait être accident à l'égard d'une autre. Donc ce qui est un accident dans un sujet ne peut être substance dans un autre; ainsi prouve-t-on que la chaleur n'est pas la forme substantielle du feu, par le fait qu'elle est accident dans tout le reste. Or la sagesse, la puissance et d'autres attributs qui, en nous, sont accidentels sont attribués à Dieu; donc, en Dieu aussi ils sont des accidents.

2. Dans chaque genre de choses il y a un premier; or il y a de nombreux genres d'accidents. Donc, si le terme premier de chacun de ces genres n'est pas en Dieu, il y aura beaucoup de premiers hors de lui, ce qui ne convient pas.

Cependant:

tout accident est dans un sujet; or Dieu ne peut pas être un sujet, car une forme simple ne peut être un sujet, dit Boèce.

Conclusion:

Ce qui précède suffit à prouver qu'il ne peut pas y avoir d'accident en Dieu.

1. Parce que le sujet est à l'accident ce que la puissance est à l'acte. En effet, le sujet est actué par l'accident en quelque manière. Or, il faut exclure de Dieu toute potentialité, on a pu le voir.

2. Parce que Dieu est son être même; or, dit Boèce "ce qui est peut bien, par une nouvelle adjonction, être autre chose encore; mais l'être même ne comporte nulle adjonction"; par exemple ce qui est chaud peut bien avoir encore une qualité différente, il peut être blanc; mais la chaleur même ne peut avoir rien d'autre que la chaleur.

3. Parce que l'être qui a l'existence par soi précède ce qui n'existe que par accident. Donc, Dieu étant en toute rigueur le premier être, rien ne peut être en lui par accident. Même les accidents qui découlent par eux-mêmes de la nature du sujet (comme la faculté de rire est par soi un accident propre de l'homme) ne peuvent pas davantage être attribués à Dieu. Car ces accidents trouvent leur cause dans les principes du sujet; or, en Dieu, rien ne peut être causé, puisqu'il est la cause première. Il en résulte finalement qu'il n'y a aucun accident en Dieu.

Solutions:

1. La puissance et la sagesse ne se disent pas de Dieu et de nous univoquement, comme on l'expliquera plus loin. Il ne s'ensuit donc pas que ce qui est accident en nous le soit aussi en Dieu.

2. La substance ayant à l'égard des accidents une priorité d'être, les principes de ceux-ci se ramènent à ceux de la substance comme à quelque chose d'antérieur. Non que Dieu soit le premier dans le genre de la substance, car s'il est le premier, c'est en étant lui-même en dehors de tout genre et à l'égard de tout l'être.









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Message par Francesco Dim 31 Jan 2010 - 2:49

ARTICLE 7: Dieu est-il composé de quelque manière, ou absolument simple?
Objections:

1. Il semble que Dieu ne soit pas absolument simple. En effet, les choses qui procèdent de Dieu lui ressemblent; ainsi du premier être dérivent tous les êtres, et du premier bien tous les biens. Or, parmi les choses que Dieu a faites, aucune n'est absolument simple. Donc Dieu n'est pas absolument simple.

2. Tout ce qui est le meilleur doit être attribué à Dieu. Or, chez nous, les choses complexes sont meilleures que les simples; ainsi les mixtes valent mieux que les éléments, et les éléments que leurs parties. Il ne faut donc pas dire que Dieu est absolument simple.

Cependant:

S. Augustin affirme que "Dieu est vraiment et souverainement simple".

Conclusion:

Que Dieu soit parfaitement simple, cela peut se prouver de plusieurs manières.

1. Tout d'abord en rappelant ce qui précède. Puisque Dieu n'est composé ni de parties quantitatives, n'étant pas un corps; ni de forme et de matière, puisqu'en lui le suppôt n'est pas autre que la nature, ni la nature n'est autre chose que son existence; puisqu'il n'y a en lui composition ni de genre et de différence, ni de sujet et d'attribut, il est manifeste que Dieu n'est composé d'aucune manière, mais qu'il est absolument simple.

2. Tout composé est postérieur à ses composants et dans leur dépendance; or, Dieu est l'être premier, comme on l'a fait voir.

3. Tout composé a une cause; car des choses de soi diverses ne constituent un seul être que par une cause unifiante. Or, Dieu n'a pas de cause, ainsi qu'on l'a vu, étant première cause efficiente.

4. Dans tout composé il faut qu'il y ait puissance et acte, ce qui n'est pas en Dieu. En effet, dans le composé, ou bien une partie est acte à l'égard de l'autre, ou du moins les parties sont toutes comme en puissance à l'égard du tout.

5. Un composé n'est jamais identique à aucune de ses parties. Cela est bien manifeste dans les touts formés de parties dissemblables: nulle partie de l'homme n'est l'homme, et nulle partie du pied n'est le pied. Quant il s'agit de touts homogènes, il est bien vrai que telle chose est dite aussi bien du tout et des parties, et par exemple une partie d'air est de l'air, et une partie d'eau est de l'eau; mais d'autres choses pourront se dire du tout qui ne conviendront pas à la partie; ainsi une masse d'eau ayant deux pintes, sa partie n'a plus deux pintes. Donc, en tout composé, il y a quelque chose qui ne lui est pas identique. Or, ceci peut bien se dire du sujet de la forme: qu'il y a en lui quelque chose qui n'est pas lui; ainsi dans quelque chose qui est blanc, il n'y a pas que le blanc, mais dans la forme même il n'y a rien d'autre qu'elle-même. Dès lors, puisque Dieu est pure forme, ou pour mieux dire puisqu'il est l'être, il ne peut être composé d'aucune manière. S. Hilaire touche cette raison dans son livre de La Trinité lorsqu'il dit: "Dieu, qui est puissance, ne comprend pas de faiblesses; lui qui est lumière, n'admet aucune obscurité."

Solutions:

1. Ce qui procède de Dieu ressemble à Dieu, comme les effets de la cause première peuvent lui ressembler. Or, être causé c'est nécessairement être composé de quelque manière; car tout au moins l'existence d'un être causé est autre que son essence, ainsi qu'on le verra.

2. Si, dans notre univers, les composés sont meilleurs que les simples, cela vient de ce que la bonté achevée de la créature ne consiste jamais en une perfection unique, mais en requiert plusieurs; tandis que la perfection en laquelle s'accomplit la bonté divine est une et simple, ainsi qu'on le fera voir.






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Message par Francesco Dim 31 Jan 2010 - 21:26

ARTICLE 8: Dieu entre-t-il en composition avec les autres êtres?
Objections:

1. Denys a dit: "La Déité est l'être de toutes choses, être au-dessus de l'être." Or, l'être de toutes choses entre dans la composition de chaque chose. Donc, Dieu vient en composition avec les choses.

2. Dieu est une forme; car S. Augustin écrit que le Verbe de Dieu, qui est Dieu, "est une forme non informée". Or, une forme est une partie d'un composé. Donc Dieu fait partie de quelque compose.

3. Des choses qui sont et qui ne diffèrent en rien ne sont qu'une seule et même chose. Or, Dieu et la matière première sont et ne diffèrent en rien. Donc ils sont identiques. Mais la matière première entre dans la composition des choses. Donc Dieu aussi. Preuve de la mineure: Toutes les choses qui diffèrent entre elles diffèrent par quelques différences, ce qui suppose qu'elles sont composées; mais Dieu et la matière première sont absolument simples; donc ils ne diffèrent en rien.

Cependant:

Denys a dit: "Il n'y a de sa part (de Dieu) ni contact, ni aucun autre mélange avec des parties." Il est dit aussi au Livre des Causes que "la cause première régit toutes choses sans se mêler a elles".

Conclusion:

A ce sujet, il y a eu trois erreurs. Certains ont dit: Dieu est l'âme du monde, comme le rapporte S. Augustin dans la Cité de Dieu, et à cela se ramène ce que certains affirment, à savoir que Dieu est l'âme du premier ciel. D'autres ont dit que Dieu est le principe formel de toutes choses, et telle fut, dit-on, l'opinion des partisans d'Amaury. Enfin, la troisième erreur fut celle de David de Dinant, qui stupidement faisait de Dieu la matière première. Mais tout cela est manifestement faux, et il n'est pas possible que Dieu vienne d'aucune manière en composition avec quelque chose, soit comme principe formel, soit comme principe matériel.

1. Parce que Dieu, comme nous l'avons dit, est cause efficiente première. Or, la cause efficiente ne coïncide pas avec la forme de son effet selon l'identité numérique, mais seulement selon l'identité spécifique. En effet un homme engendre un autre homme. Quant à la matière, elle ne s'identifie à la cause ni numériquement ni quant à l'espèce, car l'une est en puissance, tandis que l'autre est en acte.

2. Dieu étant cause efficiente première, il lui appartient d'être celui qui agit, et d'agir par lui-même. Or, ce qui entre comme partie dans un composé n'est pas celui qui agit, et qui agit par lui-même, c'est bien plutôt le composé: ce n'est pas la main qui agit, c'est l'homme par sa main, et c'est le feu qui réchauffe par sa chaleur. Donc Dieu ne peut faire partie d'un composé.

3. Aucune partie de composé ne peut être en toute rigueur le premier des êtres; et, pas davantage la matière et la forme, qui sont les parties premières des composés; la matière parce qu'elle est en puissance, et que, de soi, la puissance est postérieure à l'acte, on l'a vu plus haut. Quant à la forme, dès qu'elle est partie d'un composé, elle est une forme participée. Or, de même que le participant est postérieur à ce qui est par essence, ainsi en est-il de la chose participée elle-même; par exemple, le feu dans une matière en ignition est postérieur à ce qui est feu par nature. Or on a montré que Dieu est absolument le premier être.

Solutions:

1. Si l'on dit que Dieu est l'être de toutes choses, ce ne peut être que selon la causalité efficiente et la causalité exemplaire, non comme faisant partie de leur essence.

2. Le Verbe est la forme d'exemplaire, non la forme qui est partie d'un composé.

3. Les choses simples ne diffèrent pas entre elles par autre chose qu'elles-mêmes, car cela n'est vrai que des composés. Ainsi, l'homme et le cheval diffèrent par le rationnel et l'irrationnel, qui sont leurs différences; mais ces différences elles-mêmes ne diffèrent pas ensuite par d'autres différences. Aussi, en rigueur de termes, on ne peut dire proprement qu'elles diffèrent, mais plutôt qu'elles sont diverses, car, selon le Philosophe, "divers se dit absolument; mais ce qu'on affirme différer diffère toujours par quelque chose". Donc, si l'on veut parler avec précision, la matière première et Dieu ne diffèrent pas; ils sont divers par eux-mêmes. On ne peut donc pas conclure à leur identité.

Après avoir considéré la simplicité divine, il nous faut traiter de la perfection de Dieu. Comme A on appelle bon tout ce qui est dans la mesure où il est parfait, nous nous occuperons d'abord de la perfection de Dieu (Q. 4) et ensuite de sa bonté (Q. 5-6).







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Message par Francesco Mar 2 Fév 2010 - 0:24

QUESTION 4: LA PERFECTION DE DIEU
1. Dieu est-il parfait? 2. Dieu est-il universellement parfait, contenant en lui les perfections de toutes choses? 3. Peut-on dire que les créatures ressemblent à Dieu?







ARTICLE 1: Dieu est-il parfait?
Objections:

1. Il semble qu'il ne convienne pas à Dieu d'être parfait. Car "parfait" veut dire achevé, c'est-à-dire totalement fait. Mais il ne convient pas à Dieu d'être fait. Ni donc d'être parfait.

2. Dieu est le principe des choses. Mais il paraît bien que les principes des choses sont imparfaits: ainsi la semence qui est le principe des plantes et des animaux. Donc Dieu est imparfait.

3. La nature de Dieu est l'être même, avons-nous dit. Mais l'être même est ce qu'il y a de plus imparfait, étant ce qu'il y a de plus général, appelé à être complété par les déterminations de tous les étants. Dieu est donc imparfait.

Cependant:

il est dit en S. Matthieu (5, 48): "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait."

Conclusion:

Comme Aristote le rapporte, certains philosophes de l'antiquité, les pythagoriciens et Speusippe ne reconnaissaient pas au premier principe l'excellence et la perfection suprêmes. La raison en est que les philosophes anciens n'ont considéré que le principe matériel, et que le premier principe matériel est ce qu'il y a de plus imparfait. Comme, en effet, la matière, en tant que telle, est en puissance, le premier principe matériel ne peut qu'être tout à fait en puissance, et donc imparfait au maximum.

Mais au sujet de Dieu, il est établi qu'il est le premier principe, non matériel, mais dans l'ordre de la causalité efficiente, et un tel principe doit être souverainement parfait; car si la matière comme telle est en puissance, l'agent en tant que tel est en acte. Il s'ensuit que le premier principe actif doit être en acte au maximum, et, en conséquence, parfait au maximum. Un étant, en effet, est dit parfait dans la mesure où il est en acte, puisqu'on dit parfait l'être à qui rien ne fait défaut de sa perfection propre.

Solutions:

1. Comme dit S. Grégoire, "nous balbutions comme nous pouvons les grandeurs de Dieu, et ce qui n'est pas fait ne peut, à proprement parler, être dit parfait". Mais comme, parmi les choses qui se font, on dit parfaite la chose, qui de la puissance a été menée à l'acte, on transpose le terme "parfait", pour signifier ce qui est pleinement en acte, que cela soit, ou non, au terme d'un processus de perfectionnement.

2. Le principe matériel qu'on trouve dans notre monde est sans doute imparfait; mais il ne saurait être absolument premier, car il en présuppose un autre, qui lui, est parfait. Ainsi la semence, est bien le principe de l'animal engendré à partir d'elle; mais elle-même a pour principe un autre animal, ou une plante, dont elle se détache. En effet, ce qui est en puissance, doit être précédé par quelque chose qui soit en acte, puisque l'étant en puissance n'est amené à l'acte que par un étant en acte.

3. L'être même est ce qu'il y a de plus parfait dans le réel, car à l'égard de tous les étants il est l'acte. Rien n'a d'actualité sinon en tant qu'il est; c'est donc que l'être même est l'actualité de toutes choses, et des formes elles-mêmes. L'être n'est donc point, par rapport au reste, dans la relation de ce qui reçoit à ce qui est reçu, mais plutôt comme ce qui est reçu à l'égard de ce qui reçoit. Quand par exemple je dis: l'être de l'homme, ou du cheval, ou de quoi que ce soit, j'envisage l'être même comme un principe formel et comme ce qui est reçu, non comme un étant à quoi il appartiendrait d'être.






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Message par Francesco Mer 3 Fév 2010 - 3:13

ARTICLE 2: Dieu est-il universellement parfait, contenant en lui les perfections de toutes choses?
Objections:

1. Il ne semble pas que les perfections de toutes choses soient en Dieu, car Dieu est simple, ainsi qu'on l'a montré. Or les perfections des choses sont nombreuses et diverses. Il n'y a donc pas en Dieu les perfections de toutes choses.

2. Des attributs opposés ne peuvent se rencontrer dans le même sujet. Or, les perfections des choses sont opposées, car chaque chose reçoit sa perfection de sa différence spécifique, et les différences, par lesquelles est divisé le genre et sont constituées les espèces, sont opposées. Puisque les perfections opposées ne peuvent coexister dans le même sujet, il semble donc que toutes les perfections des choses ne sont pas en Dieu.

3. Le vivant est plus parfait que le simple étant, et l'intelligent, que le vivant. Or, l'essence en Dieu est l'être même. Donc il n'y a pas en lui la vie, la sagesse et les autres perfections.

Cependant:

Denys a dit: "Dieu, par sa seule existence, possède d'emblée tout le reste."

Conclusion:

Certes les perfections de toutes choses sont en Dieu. Aussi est-il dit universellement parfait, parce qu'aucune grandeur ne lui manque de toutes les perfections qu'on peut découvrir dans tous les ordres, ainsi que l'affirme le Commentateur On peut le démontrer de deux façons.

D'abord, tout ce qu'il y a de perfection dans l'effet doit se retrouver dans la cause efficiente, que ce soit selon la même raison, s'il s'agit d'un agent univoque, comme lorsqu'un homme engendre un homme; ou bien de façon éminente, s'il s'agit d'un agent équivoque, comme dans le soleil il y a quelque chose de semblable à ce qui est engendré par sa vertu. Car il est manifeste que tout effet préexiste virtuellement dans sa cause efficiente; mais préexister ainsi virtuellement dans la cause efficiente, ce n'est pas préexister sous un mode moins parfait, mais plus parfait, alors que préexister potentiellement dans la cause matérielle est préexister sous un mode imparfait, parce que la matière, comme telle, est imparfaite, tandis que l'agent, comme tel, est parfait. Puisque Dieu est première cause efficiente des choses, les perfections de toutes choses doivent préexister en Dieu selon un mode plus éminent. Denys signale cet argument quand il dit de Dieu: "Il n'est pas ceci à l'exclusion de cela; mais il est tout, en tant que cause de tout." La seconde raison est celle-ci. Nous avons démontré que Dieu est l'être même subsistant par soi; il suit de là nécessairement qu'il y a en lui toute la perfection de l'acte d'être. Il est manifeste, en effet, que la raison pour laquelle un corps chaud n'a pas toute la perfection de la chaleur est que la chaleur participée n'est pas pleinement elle-même, mais, si la chaleur subsistait par soi, rien ne pourrait lui manquer de ce qui est la chaleur. Il en résulte que, Dieu étant l'être même subsistant, rien ne peut lui manquer de la perfection de l'être. Or, les perfections de tous les étants se ramènent à celle de l'être; car les étants sont parfaits dans la mesure où ils ont l'être. Ils suit de là que la perfection d'aucun étant ne fait défaut à Dieu. Et cet argument a été encore indiqué par Denys quand il a dit: "Dieu n'est pas de telle ou telle manière; il est absolument et sans bornes, il embrasse en lui la totalité de l'être." Un peu plus loin il ajoute: "C'est lui qui est l'être de tout ce qui subsiste."

Solutions:

1. Comme l'explique le même Denys: "Si le soleil, un en lui-même et brillant uniformément embrasse en sa forme une les substances, ainsi que les qualités multiples et diverses des choses sensibles, bien plus encore il est nécessaire que dans la cause de tous les étants ceux-ci préexistent, compris dans l'unité de sa nature." Et c'est ainsi que des choses diverses et opposées en elles-mêmes préexistent en Dieu dans l'unité, sans faire tort à sa simplicité parfaite.

2. Cette Réponse suffit à résoudre la deuxième objection.

3. Comme l'observe encore Denys, bien que l'être en lui-même soit plus parfait que la vie en elle-même, et la vie plus parfaite que la pensée, à considérer les raisons formelles selon lesquelles notre raison les distingue, le vivant, lui, est plus parfait que l'étant non vivant, car le vivant est aussi un étant, et l'intelligent est aussi un vivant. Ainsi donc, il faut reconnaître que l'étant n'inclut pas en sa notion le vivant et l'intelligent, car participer à l'être, ce n'est pas avoir part à tous les modes d'être. Cependant, l'être lui-même inclut la vie et la pensée, car il n'est pas une perfection de l'être qui puisse faire défaut à celui qui est l'être même subsistant.









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Message par Francesco Dim 7 Fév 2010 - 1:56

ARTICLE 3: Peut-on dire que les créatures ressemblent à Dieu?
Objections:

1. Il semble que nulle créature ne puisse ressembler à Dieu, car il est dit au Psaume (86, 8): "Parmi les dieux, pas un n'est semblable à toi, Seigneur." Mais parmi les créatures celles qui sont appelées Dieu par participation sont les plus excellentes. Donc beaucoup moins encore les autres créatures peuvent-elles être dites semblables à Dieu.

2. Assimiler, c'est comparer. Or, toute comparaison, est impossible entre des choses qui appartiennent à des genres différents. Toute assimilation aussi, par conséquent: aussi bien, on ne dit pas que la blancheur est semblable à la douceur. Mais nulle créature n'est dans un même genre avec Dieu, puisque Dieu ne fait partie d'aucun genre, comme on l'a montré.

3. On dit semblables les choses qui se rencontrent dans une forme commune. Mais rien n'a en commun avec Dieu la forme, car de Dieu seul, et de nul autre, l'essence est l'être même. Ainsi nulle créature ne peut être semblable à Dieu.

4. Entre deux semblables, la similitude est réciproque, car "le semblable est semblable au semblable ". Donc, si quelque créature est semblable à Dieu, il s'ensuit que Dieu est semblable à une créature, ce qui contredit la parole d'Isaïe (40, 18): · A quoi donc avez-vous assimilé Dieu?"

Cependant:

la Genèse (1, 26) met ces paroles dans la bouche de Dieu: "Faisons l'homme à notre image et ressemblance", et S. Jean écrit (1 Jn 3, 2): "Au temps de cette manifestation, nous lui serons semblables."

Conclusion:

Toute ressemblance se prend de la communauté de forme, et pour ce motif il y a diverses sortes de ressemblance, selon diverses façons de communier dans la forme. Certaines choses sont dites semblables parce qu'elles communient dans une forme qui est la même, et selon la définition et selon le mode de réalisation, et celles-là on ne les dit pas semblables seulement, mais égales en similitude, tels deux corps également blancs: c'est la similitude parfaite. Mais on peut dire semblables, d'une autre manière, des choses dont la forme est la même selon la définition mais non selon le mode de réalisation, plus ou moins intense: ainsi un corps moins blanc est dit semblable à un corps plus blanc, et c'est là une similitude imparfaite. Enfin, on peut dire semblables des choses dont la forme est commune, sans pourtant rentrer dans la même définition, comme cela est clair pour les agents non univoques.

En effet, comme tout agent fait ce qui lui ressemble en cela même par quoi il est agent; comme d'autre part tout agent agit selon sa forme, il est nécessaire que dans l'effet il y ait ressemblance avec la forme de cet agent. Donc, si l'agent est contenu dans la même espèce que son effet, la similitude formelle entre l'un et l'autre portera sur la perfection spécifique apportée par la forme, comme lorsqu'un homme engendre un homme. Si au contraire l'agent ne se laisse pas enfermer dans l'espèce, il y aura assimilation, mais non selon la perfection spécifique. Ainsi les étants qui sont engendrés par la vertu du soleil accèdent à une certaine ressemblance avec le soleil, mais pas au point de recevoir de lui une forme spécifiquement identique à la sienne.

Du fait qu'un agent est tel qu'il ne se laisse enfermer dans aucun genre, c'est à une ressemblance bien plus lointaine encore que parviendront ses effets, ressemblance selon la forme, mais non selon la perfection spécifique ou même générique, seulement selon une certaine proportion, celle selon laquelle l'être est commun à toutes choses. C'est de cette manière que les effets de Dieu, en ceci qu'ils sont, lui sont assimilés comme au premier et universel principe de tout l'être.

Solutions:

1. Quand l'Écriture refuse à un être créé la ressemblance de Dieu et qu'ailleurs elle le dit semblable, elle ne se contredit pas; car, comme l'observe Denys, les mêmes choses sont à l'égard de Dieu semblables et dissemblables; semblables pour autant qu'elles parviennent à imiter celui qui ne peut être parfaitement imitable; dissemblables précisément en tant qu'elles manquent à égaler leur cause, non seulement pour l'intensité de la forme, comme le moins blanc manque à égaler le plus blanc, mais aussi en sa perfection spécifique ou générique.

2. Entre Dieu et les créatures le rapport n'est pas celui d'étants appartenant à des genres différents. Dieu est hors de tout genre, et il est le principe de tous les genres.

3. La similitude que l'on reconnaît entre Dieu et la créature ne consiste pas en la communauté d'une forme semblable selon la perfection générique et spécifique, mais selon la proportion, Dieu étant par essence, les autres par participation.

4. Si l'on concède en quelque manière, que la créature est semblable à Dieu, on ne peut aucunement concéder que Dieu soit semblable à la créature; car, comme l'explique Denys, "la similitude n'est mutuelle qu'entre des êtres appartenant à un même ordre, non entre l'effet et la cause". Ainsi nous disons bien qu'un portrait ressemble à son modèle, mais non que le modèle ressemble à son portrait. De même, on peut dire en un certain sens que la créature ressemble à Dieu, mais nullement que Dieu ressemble à la créature. Voici maintenant la question de la bonté, et tout d'abord de la bonté en général (Q. 5), ensuite de la bonté de Dieu (Q. 6).

Voici maintenant la question de la bonté, et tout d'abord de la bonté en général (Q. 5), ensuite de la bonté de Dieu (Q. 6).





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Message par Francesco Lun 8 Fév 2010 - 0:01

QUESTION 5: LA BONTÉ EN GÉNÉRAL
1. Le bon et l'étant sont-ils identiques dans la réalité? 2. Étant admis qu'il n'y a entre eux qu'une différence de raison, lequel est premier selon la raison: être bon, ou être? 3. Etant admis que l'étant est premier, tout étant est-il bon? 4. Dans quel genre de cause la bonté rentre-t-elle? 5. La bonté consiste-t-elle dans le mode, l'espèce et l'ordre? 6. La division du bien en honnête, utile et délectable.







ARTICLE 1: Le bon et l'étant sont-ils identiques dans la réalité?
Objections:

1. Il semble que le bon et l'étant diffèrent réellement, car Boèce dit: "Je vois que, pour les choses, être bonnes et être, c'est différent."

2. Rien n'est actualisé par soi-même. Mais un étant est appelé bon en raison d'une actualisation reçue, d'après le Livre des Causes. Donc, le bon diffère réellement de l'étant.

3. Être bon comporte du plus et du moins; être, non. Le bon diffère donc réellement de l'étant.

Cependant:

S. Augustin écrit: "C'est dans la mesure où nous sommes, que nous sommes bons."

Conclusion:

Le bon et l'étant sont identiques dans la réalité; ils ne diffèrent que pour la raison, et en voici la preuve. Ce qui fait qu'un étant est bon, c'est qu'il est attirant; aussi le Philosophe définitif le bien: "Ce à quoi toutes les choses tendent." Or manifestement une chose est attirante dans la mesure où elle est parfaite; car tous les étants aspirent à se parfaire. En outre, tout étant est parfait dans la mesure où il est en acte. Cela rend manifeste qu'une chose est bonne dans la mesure où elle est, car l'être est l'actualité de toute chose, comme on l'a vu précédemment. Ainsi est-il évident que le bien et l'étant sont identiques dans la réalité; mais le terme "bon" exprime l'aspect d'attirance que n'exprime pas le terme "étant".

Solutions:

1. Le bon et l'étant ont beau être identiques dans la réalité, du moment qu'ils diffèrent notionnellement, ce n'est pas de la même manière qu'une chose est dite être purement et simplement, et être bonne. "Étant", à proprement parler, se dit de l'"être en acte"; et l'acte lui-même se dit par rapport à la puissance: il suit de là qu'une chose est dite être, purement et simplement, en raison de ce par quoi elle est premièrement distincte de ce qui est seulement en puissance. Cela, pour n'importe quelle chose c'est l'être substantiel, de sorte que c'est en raison de son être substantiel qu'une chose quelconque est dite purement et simplement être. En raison des actes qui se surajoutent à ce premier, une chose est dite être à quelque égard seulement; l'être blanc, par exemple, ne supprime pas purement et simplement le "être en puissance", puisque cela arrive à une chose qui existe déjà actuellement. A l'inverse, bon exprime l'aspect de perfection, puisque c'est la perfection qui est attirante; et en conséquence, ce qu'exprime ce terme, c'est l'idée d'achèvement. Aussi ce qui est en possession de sa perfection dernière sera-t-il dit bon absolument. Quant à ce qui n'a pas la perfection qu'il devrait avoir, bien qu'il ait quelque perfection selon qu'il est en acte, il ne sera pas dit parfait absolument, ni par conséquent bon absolument, mais seulement sous un certain rapport.

Ainsi, selon son être premier et fondamental, qui est l'être substantiel, une chose est dite être au sens absolu du mot, et bonne seulement en un sens relatif, en tant qu'elle est être. Mais, selon son acte dernier, alors qu'elle achève sa perfection, une chose est dite être sous un certain rapport, et bonne absolument. C'est ce que veut dire Boèce, et quand ce philosophe affirme que dans les choses, autre est leur bien, autre est leur être, il faut l'entendre de l'être et du bien pris absolument tous deux; car l'être pris absolument est obtenu par l'acte premier et substantiel des choses, et le bien pris absolument par leur acte ultime ou parfait. Toutefois, l'acte premier comporte aussi un certain bien, et l'acte dernier un certain être.

2. Il est vrai que le bien informe l'être, si on l'entend du bien pris absolument, selon son acte ultime.

3. Et de même, le bien ainsi compris, comme un acte surajouté, comporte évidemment du plus ou du moins, par exemple plus ou moins de science, plus ou moins de vertu, etc.









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Message par Francesco Mar 9 Fév 2010 - 0:42

ARTICLE 2: Puisqu'il n'y a entre le bon et l'étant qu'une différence de raison, lequel est premier en raison?
Objections:

1. Il semble que pour la raison être bon soit antérieur à être. Car l'ordre des noms se règle sur l'ordre des réalités signifiées par ces noms. Mais, parmi les noms divins, Denys met le bon en premier, ensuite seulement ce qui est.

2. On doit considérer comme première pour la raison la notion qui s'étend à un plus grand nombre d'objets. Mais le bien s'étend à plus de choses que l'être, si l'on en croit encore Denys: "Le bien s'étend à ce qui existe et à ce qui n'existe pas; l'être seulement à ce qui existe." 3. La priorité de raison appartient à ce qui est le plus universel. Or le bien semble plus universel que l'être; car ce qui est bon est ce qui est attirant, et pour certains il est attirant de ne pas être, comme en témoigne ce jugement à propos de Judas (Mt 26, 24): "Mieux vaudrait pour lui que cet homme ne fût pas né." 4. Ce n'est pas seulement l'être qui attire, mais aussi la vie, la sagesse et beaucoup d'autres choses. L'être est donc un cas particulier de ce qui est attirant, dont le bien exprime au contraire l'aspect universel. La notion de bon, donc, est antérieure, purement et simplement, à celle de "étant".

Cependant:

il est dit dans le Livre des Causes: "La première des choses créées est l'être."

Conclusion:

Il faut dire que, pour la raison, être est antérieur à être bon. En effet, la notion signifiée par un nom est ce que l'intellect conçoit de la chose à laquelle cette parole s'applique. Cela donc est premier pour la raison, qui vient effectivement en premier dans la conception de notre intellect. Or, c'est le cas de l'être; car toute chose est susceptible d'être connue selon qu'elle est en acte, comme il est dit dans la Métaphysique. C'est pourquoi l'étant est l'objet propre de l'intelligence; il est donc l'intelligible premier, comme le son est premier et joue le rôle d'objet propre en ce qui concerne l'ouïe. Ainsi donc, pour la raison, être précède être bon.

Solutions:

1. Denys traite des noms divins selon qu'ils désignent en Dieu un rapport de causalité. Lui-même en donne la raison: c'est que Dieu est nommé à partir des créatures comme la cause à partir de ses effets. Or, être bon, qui répond à la notion d'attirance, désigne un rapport de cause finale, causalité qui est la première de toutes, parce que l'agent n'agit qu'en vue d'une fin, et que c'est par l'agent que la matière est amenée à la forme. C'est pourquoi la fin est appelée cause des causes. Ainsi, quand il s'agit de causalité, être bon est antérieur à être, comme la fin est antérieure à la forme; et c'est pour cette raison que parmi les noms destinés à signifier la causalité divine, on fait figurer le bien avant l'être.

En outre, selon les platoniciens, qui ne distinguaient pas la matière de la privation, la matière étant un non-étant, la participation au bien s'étend plus loin que la participation à l'être. Car la matière première est bonne par participation, puisqu'elle tend à l'être bon; or rien n'est attiré que par ce qui lui est semblable. Mais la matière, pour les platoniciens, ne participe pas de l'être, puisqu'ils la disent du non-être, et c'est ce qui fait dire à Denys que "le bien s'étend à ce qui n'existe pas".

2. Cela résout la deuxième objection. Ou bien encore on peut dire que le bien s'étend à ce qui existe et à ce qui n'existe pas, non en ce sens qu'on puisse attribuer le bien à l'un et à l'autre, mais en raison du rôle joué par eux dans la causalité; à condition qu'on entende, par ce qui n'existe pas, non le pur néant, mais ce qui est en puissance, non en acte. Car le bien a raison de fin, et avec cette fin sont en rapport non seulement l'étant en acte qui s'y repose, mais aussi l'être en puissance qui se dirige vers elle. Mais l'étant ne désigne un rapport de causalité qu'à l'égard de la cause formelle, qu'elle soit inhérente ou exemplaire, laquelle s'applique uniquement à ce qui est en acte.

3. Un tel exemple ne signifie pas que le non-être soit attirant en soi; il ne l'est que par accident en tant qu'il enlève un mal; c'est cette suppression qui est désirable, en tant que ce mal est privation d'être. Ce qui est attirant par soi, c'est donc l'être; le non-être ne l'est que par accident, en tant qu'un homme désire un être dont il ne supporte pas d'être privé. C'est ainsi que, par accident, même le non-être est appelé un bien.

4. La vie, la science et les autres biens n'attirent que comme existant en acte, si bien qu'en tout cela c'est vers un certain être que l'on tend. Ainsi rien n'est attirant en dehors de ce qui est, et par conséquent rien n'est bon que l'étant.









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Message par Francesco Mer 10 Fév 2010 - 1:17

ARTICLE 3: Puisque l'être est premier, tout étant est-il bon?
Objections:

1. Il semble que tout étant ne soit pas bon, car "bon" ajoute à "étant", comme on l'a fait voir. Or ce qui ajoute à "étant" le restreint: ainsi la substance, la quantité, la qualité et les autres catégories. Donc "bon" restreint "étant", et il n'est pas vrai que tout étant soit bon.

2. Rien de mauvais n'est bon. On lit dans Isaïe (5, 20): "Malheur à ceux qui disent bon ce qui est mauvais, et mauvais ce qui est bon." Mais certain étant est mauvais. Donc n'importe quel étant n'est pas bon.

3. Ce qui fait qu'une chose est bonne, c'est qu'elle est attirante. Or ce n'est pas le cas de la matière première, qui est seulement attirée. Elle n'a donc pas raison de bien. Donc tout étant n'est pas bon.

4. Le Philosophe assure que le bien est étranger aux mathématiques; mais les objets des mathématiques sont aussi des étants, sans quoi ils ne seraient pas objets de science.

Cependant:

tout étant autre que Dieu est créature de Dieu. Mais "tout ce que Dieu a créé est bon", dit l'Apôtre (1 Tm 4, 4). Dieu, lui, est souverainement bon. Donc tout étant est bon.

Conclusion:

La vérité est que tout étant, pour autant qu'il est, est bon. Car tout étant, en tant qu'il est, est en acte et possède quelque perfection, car tout acte est une certaine perfection. Or le parfait en tant que tel est attirant et bon, comme on l'a vu plus haut. On en conclut que tout étant, en tant que tel, est bon.

Solutions:

1. Il est bien vrai que la substance, la quantité, la qualité, et tout ce qui se trouve contenu dans ces genres de l'être, restreignent l'étant, en l'appliquant à telle essence ou nature particulière, qui est. Mais "bon" n'ajoute à l'étant que la note d'attirance et de perfection, qui appartient à l'être même en quelque nature qu'on le rencontre. Aussi "bon" ne restreint-il pas "étant".

2. Aucun étant n'est dit mauvais en tant qu'il est, mais en tant que de l'être lui manque; ainsi un homme est dit mauvais quand il lui manque d'être vertueux; un oeil est dit mauvais quand il manque d'une vue pénétrante.

3. De même que la matière première n'est qu'en puissance, elle n'est bonne qu'en puissance. Quoi qu'on puisse dire, selon les platoniciens, qu'elle n'est pas, à cause de la privation qui l'affecte. Cependant elle participe du bien d'une certaine façon, par une ordination et une aptitude à ce bien. Et c'est pourquoi il lui convient non d'être attirante, mais d'être attirée.

4. Les objets mathématiques ne subsistent pas séparés de toute matière. S'ils subsistaient, il y aurait en eux du bien, leur être, précisément. Ils ne sont séparés que pour la raison, en tant qu'ils sont abstraits du mouvement et de la matière, par conséquent aussi de la finalité puisque la fin est par nature motrice. Et il n'est pas illogique que dans un objet construit par la raison on ne trouve pas la bonté, puisque, comme on l'a vu précédemment, l'être est antérieur au bien.






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Message par Francesco Mar 16 Fév 2010 - 2:10

ARTICLE 4: Dans quel genre de cause la bonté rentre-t-elle?
Objections:

1. Il semble que le bien n'ait pas raison de cause finale, mais rentre plutôt dans les autres genres de causes. Ainsi, d'après Denys, "si le bien est loué, c'est en tant que beau". Mais le beau se rattache à la cause formelle.

2. Le bien est communicatif de soi, d'après Denys, qui dit que "le bien est ce qui fait subsister et exister toutes choses". Mais communiquer l'être relève de la causalité efficiente.

3. S. Augustin écrit "Parce que Dieu est bon nous sommes." Mais si nous venons de Dieu c'est comme de notre cause efficiente. Donc la bonté a raison de cause efficiente.

Cependant:

le Philosophe a dit "Ce pour quoi quelque chose existe est la fin et le bien de tout le reste."

Conclusion:

Puisque le bien est ce qui attire tout ce qui est, et que cela a raison de fin, il est évident que le bien implique la raison de fin. Néanmoins, la bonté présuppose la causalité efficiente et la causalité formelle. Car nous voyons que ce qui est premier dans l'exercice de la causalité est dernier dans le résultat; par exemple, le feu échauffe le bois avant de lui communiquer sa forme de feu, bien que, dans le feu, la chaleur soit une émanation de sa forme substantielle. Or, dans l'ordre de causalité, ce qui est premier c'est le "être bon", la fin, qui met en action la cause efficiente; ensuite, l'action de cette cause efficiente meut à la forme; et enfin arrive la forme. Il faut donc qu'il en soit à l'inverse pour le résultat: on trouvera d'abord la forme, par laquelle l'étant est ce qu'il est; dans cette forme on discerne ensuite une vertu active, qui appartient à l'être en tant qu'il est achevé, car un être n'est achevé, comme l'observe le Philosophe, que lorsqu'il peut produire son semblable; et enfin il en résulte la bonté, par laquelle l'étant est établi dans sa perfection.

Solutions:

1. Le beau et le bien, considérés dans le réel, sont identiques parce qu'ils sont fondés tous deux sur la même réalité qui est la forme. De là vient que le bon est loué comme beau. Mais ces deux notions n'en diffèrent pas moins en raison. Le bien concerne l'appétit, puisque le bien est ce vers quoi tend tout ce qui est, et il a raison de fin, car l'appétit est une sorte d'élan vers la chose même. Le beau, lui, concerne la faculté de connaissance, puisqu'on déclare beau ce dont la vue cause du plaisir. Aussi le beau consiste-t-il dans une juste proportion des choses, car nos sens se délectent dans les choses proportionnées qui leur ressemblent en tant qu'ils comportent un certain ordre, comme toute vertu cognitive. Et parce que la connaissance se fait par assimilation, et que la ressemblance concerne la forme, le beau, à proprement parler, se rapporte à la cause formelle.

2. Quand on dit que le bon est communicatif de soi, c'est dans le sens où la fin est dite mouvoir.

3. Un agent volontaire est appelé bon quand sa volonté est bonne; car c'est par la volonté que nous faisons usage de tout ce qui est en nous. Aussi ne dit-on pas bon l'homme qui a l'esprit bon, mais celui dont la volonté est bonne. Or, l'objet propre de la volonté est la fin, ou le bien, et par conséquent dire de Dieu: "Parce qu'il est bon nous sommes", c'est se référer à la cause finale.






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Message par Francesco Mer 17 Fév 2010 - 1:21

ARTICLE 5: La bonté consiste-t-elle dans le mode, l'espèce et l'ordre?
Objections:

1. Il semble que non. Car le bien et l'être diffèrent par leur notion, comme on l'a vu précédemment. Mais c'est à l'être que paraissent se rapporter ces trois termes; car il est dit au livre de la Sagesse (11, 20): "Tu as tout disposé (Seigneur) avec nombre, poids et mesure", et c'est à cette triade que se ramènent l'espèce, le mode et l'ordre. S. Augustin lui-même l'indique: "C'est la mesure qui détermine à chaque chose son mode; c'est le nombre qui lui fournit son espèce; c'est le poids qui l'entraîne vers son repos et sa stabilité." 2. Le mode, l'espèce et l'ordre sont des biens. Si le bien consiste dans les trois il faudra donc que chacun des trois contienne, à nouveau, les trois ensemble, et que dans le mode, par exemple, on trouve mode, espèce et ordre, et ainsi de suite. On irait donc à l'infini.

3. Le mal consiste dans la privation de ces trois choses; or, le mal ne supprime jamais totalement le bien. C'est donc que la raison de bien ne consiste pas en elles.

4. On ne peut dire mauvais ce qui constitue la raison de bien. Or, on parle d'un mode, d'une espèce, d'un ordre qui sont mauvais. Ce n'est donc pas en eux que consiste la raison de bien.

5. Selon S. Augustin, mode, espèce et ordre dérivent de nombre, poids et mesure; or, tout ce qui est bon n'offre pas ces derniers caractères. Car S. Ambroise dit: "Il n'appartient pas à la nature de la lumière d'être créée avec nombre, poids et mesure." Ce n'est donc pas en cela que consiste la bonté.

Cependant:

S. Augustin écrit: "Ces trois choses: le mode, l'espèce, l'ordre, sont comme des biens généraux dans les êtres faits par Dieu; aussi, là où ces trois choses sont grandes, il y a de grands biens; là où elles sont petites, il y en a de petits; là où elles sont nulles, il n'y a aucun bien." Il n'en serait pas ainsi si la bonté ne consistait pas en ces trois choses.

Conclusion:

Une chose est réputée bonne selon qu'elle est parfaite, car c'est ainsi qu'elle est attirante, comme on l'a dit plus haut. Le parfait est ce qui ne manque de rien selon le mode de sa perfection. Comme tout être est ce qu'il est par sa forme; et comme toute forme présuppose certaines conditions et que certaines conséquences nécessaires en découlent, il faut, pour qu'un être soit parfait et bon, qu'il ait à la fois sa forme, les conditions préalables qu'elle requiert, et les propriétés qui en découlent. Or, ce que la forme requiert d'abord, c'est la détermination ou proportionnalité de ses principes, soit matériels, soit efficients et c'est ce qu'on entend par le mode; c'est pourquoi, d'après S. Augustin, on dit que la mesure fixe ce que doit être le mode. C'est la forme qui est signifiée par l'espèce, car chaque chose est constituée dans son espèce par sa forme, et c'est pourquoi il est dit que le nombre désigne l'espèce. Car, d'après le Philosophe, les définitions qui expriment l'espèce sont comme les nombres. En effet, comme l'unité ajoutée ou soustraite au nombre en fait varier l'espèce, de même, dans les définitions, une différence ajoutée ou soustraite. Enfin ce qui est consécutif à la forme, c'est l'inclination du sujet vers la fin, vers l'action ou quelque chose de semblable; car tout ce qui est en acte agit, et tend, comme tel, vers ce qui lui convient selon sa forme, dans la mesure où il est en acte. C'est cela qu'on exprime par ces deux termes équivalents: poids et ordre. On voit donc que la bonté, du moment qu'elle se ramène à la perfection, consiste en mode, espèce et ordre.

Solutions:

1. Ces trois termes concernent l'étant seulement en tant qu'il est parfait, donc en tant qu'il est bon.

2. Le mode, l'espèce et l'être sont dits bons comme ils sont dits être: non qu'eux-mêmes soient comme des subsistants, mais par eux, d'autres sont, et sont bons. Il n'est donc pas nécessaire qu'eux-mêmes, en vue d'être bons, revêtent d'autres attributs; car on ne dit pas qu'ils sont bons formellement par d'autres attributs; ils sont eux-mêmes la forme par laquelle le sujet est bon. C'est ainsi que la blancheur est dite être, non en ce sens qu'elle serait elle-même par quelque forme, mais parce que, par elle, un sujet est sous un certain rapport, c'est-à-dire est blanc.

3. Tout être est proportionné à une forme déterminée. Il en résulte que selon chaque être qui lui advient, la chose reçoit un mode, une espèce, un ordre. Ainsi, un homme les possédera en tant qu'homme, et de même en tant qu'il est blanc, vertueux, savant, etc. Le mal le prive d'un certain être, par exemple la cécité le prive de la vue: elle ne prive donc pas de tout mode, de toute espèce, de tout ordre, mais seulement de ceux qui résultent de l'être-voyant.

4. Selon S. Augustin "tout mode en tant que mode, est bon", et de même pour l'espèce et l'ordre. "On les appelle mauvais lorsqu'ils sont inférieurs à ce qu'ils devaient être; ou parce qu'ils sont mal adaptés à leurs fonctions, si bien qu'on les appelle mauvais parce qu'inadaptés et discordants." 5. La lumière est dite par nature dépourvue de nombre, de poids et de mesure, non purement et simplement, mais par comparaison avec les êtres corporels, car la vertu de la lumière s'étend à tous les êtres corporels en tant qu'elle est la qualité du premier corps altérant de la nature, qu'est le ciel.






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