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Les apparitions au frère Fiacre et le Vœu de Louis XIII

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 Les apparitions au frère Fiacre et le Vœu de Louis XIII Empty Les apparitions au frère Fiacre et le Vœu de Louis XIII

Message par Lumen Sam 28 Oct 2023 - 0:06

Les apparitions au frère Fiacre et le Vœu de Louis XIII


En 1637, après vingt-trois ans de mariage, Louis XIII et son épouse, Anne d’Autriche, n’ont toujours pas d’enfant. Cette année-là, un religieux inconnu, frère Fiacre, voit la Vierge Marie qui lui demande de prier trois neuvaines en son honneur, à Notre-Dame de Paris, à Notre-Dame-des-Victoires (Paris) et à Cotignac (France, Var), à la suite desquelles elle un fils sera donné au couple royal. Le couple royal entame ce cycle public de prières, et Louis XIII formule notamment le vœu de consacrer le royaume de France à la Vierge Marie si elle lui accorde la grâce d’avoir un héritier. Louis XIV « Dieudonné » naît neuf mois précisément après la fin des neuvaines.


 Les apparitions au frère Fiacre et le Vœu de Louis XIII 2023_10_27
Gravure du Frère Fiacre. /  CC BY-SA 4.0/Christophe Moustie


Les raisons d'y croire

- La genèse, la rédaction et la postérité du « vœu de Louis XIII » sont parfaitement connues grâce aux manuscrits contenus dans huit cartons d’archives (Archives des Affaires étrangères, 56, 244, 257, 821, 822, 827, 828 et 831), auxquels il faut ajouter ceux des Archives nationales (S4648b et L499) ainsi que la Collection des Cinq Cents de Colbert à la BNF, dans laquelle on trouve l’édition originale du vœu.

- Le frère Fiacre n’est en rien un illuminé, un déséquilibré ou un mythomane. Sa conduite, ses paroles et sa spiritualité dans son couvent parisien lui ont valu la confiance des personnes qui le côtoyaient.
La chronologie stupéfiante des faits confirme la réalité du message porté par la Vierge et le frère Fiacre : le futur Louis XIV naît précisément neuf mois après la fin des trois neuvaines demandées par Marie, en trois endroits du pays.

- En outre, la Mère de Dieu informe le frère de ce à quoi ressemblent l’église de Cotignac et le tableau qui s’y trouve – tableau qui la représente sous des traits identiques à ceux de ce 27 octobre 1637. Or, le frère Fiacre n’a jamais quitté Paris et ignore évidemment l’existence d’une telle peinture. Les détails donnés par la Vierge sont vérifiés par le gouverneur et l’évêque présents dans le Var, puis par le frère Fiacre. Tout correspond.

- Le frère Fiacre, un humble religieux totalement inconnu, réussit, de façon incompréhensible, à prévenir le couple royal en un temps record et avec un succès total du message qu’il porte. Les quatre apparitions sont le seul fondement qui explique des événements si improbables.

- Le « vœu de Louis XIII » n’est pas un écrit privé mais un document législatif, engageant l’État français et dûment approuvé par les parlementaires français, les responsables politiques de l’époque et les successeurs de Louis XIII (Louis XIV, puis Louis XV et Louis XVIII confirment le vœu) ce qui accrédite aussi les apparitions mariales qui sont à la genèse de ce vœu.



SYNTHÈSE :

Frère Fiacre de Sainte-Marguerite (Denis Anthaume de son nom de naissance) vient au monde le 21 février 1609 dans un milieu social très modeste à Marly-la-Ville (France, Val d’Oise). De l’école, il ne connaît presque rien, et il doit apprendre rapidement un métier. Ce sera celui de potier. Il exerce un temps à Montmartre, près du couvent des Augustins déchaussés, et se lève de bonne heure chaque matin pour participer à leur messe conventuelle.

En 1628, il frappe à la porte de ce couvent, mais il n’est pas admis. Denis demande alors à la Vierge Marie de l’aider. Il est admis dans la communauté parisienne vingt mois plus tard. C’est un religieux sans histoire, obéissant, zélé à accomplir les tâches qu’on lui confie (frère convers, il doit exécuter nombre de travaux matériels) et, surtout, un homme de prière et de foi.

Le 27 octobre 1637, frère Fiacre a une « illumination intérieure » : il faut demander à la Vierge Marie d’intercéder pour que Dieu donne un successeur à Louis XIII, marié depuis vingt-trois ans, sans enfant. Dans la nuit du 3 novembre suivant, la Vierge Marie lui apparaît à quatre reprises. Tandis qu’il prie, il entend d’abord la voix d’un petit enfant. Surpris, il tourne la tête et voit à cet instant la Vierge dans une belle lumière, vêtue d’une robe bleue semée d’étoiles, les cheveux pendants sur les épaules, assise sur une chaise, tenant un enfant. « N’ayez pas peur, je suis la Mère de Dieu », dit-elle au frère. Au bout de quelques secondes, elle ajoute en montrant le petit garçon assis sur ses genoux : « Ce n’est pas mon Fils, c’est l’enfant que Dieu veut donner à la France. » La Vierge demande trois neuvaines publiques à la reine Anne d’Autriche : une à Notre-Dame de Paris, une à Notre-Dame-des-Victoires (Paris) et la dernière à Cotignac (France, Var), à la suite desquelles elle lui promet un fils.



Lors de la quatrième et dernière apparition, Marie tient les propos suivants : « Pour marquer que je veux qu’on avertisse la reine de faire neuvaines en mon honneur, voilà la même image qui est à Notre-Dame-des-Grâces, en Provence [Cotignac], et la façon de l’église. » À cet instant, frère Fiacre voit distinctement cette image de l’église du sanctuaire provençal, « faite en demi-rond, tout azurée et semée d’étoiles à l’endroit de l’autel ». Et Marie, pour attester ses dires, lui indique qu’il découvrira dans l’église de Cotignac une peinture la représentant trait pour trait, tel qu’il la voit à cet instant !

Le lendemain, frère Fiacre raconte les apparitions à ses supérieurs. Un procès-verbal est rédigé dans la foulée. Les Augustins préviennent le cardinal François de La Rochefoucauld qu’un modeste frère, simple et pieux, a reçu la visite de la Mère de Dieu au sujet de la descendance royale. Le prélat, grand aumônier de France, ancien conseiller d’Henri IV, et président du Conseil du roi, va être l’un des rouages essentiels dans cette affaire en écrivant au gouverneur de Provence et à l’évêque de Fréjus (France, Var) pour vérifier les propos du frère Fiacre, notamment quant à la topographie et au décor de l’église du sanctuaire. Après une réponse positive de ses correspondants, le cardinal déclenche une opération d’envergure.

L’invraisemblable devient réalité : en quelques jours le frère Fiacre est reçu par Anne d’Autriche et Louis XIII qui, de surcroît, acceptent de mettre sur pied les trois neuvaines demandées par Marie, dans les lieux choisis par elle. Une complicité est née. Les temps de prière débutent le 8 novembre 1637 et s’achèvent le 5 décembre suivant. À la mi-janvier 1638, la reine se rend compte qu’elle est enceinte. Le mois suivant, Fiacre est reçu une seconde fois par le couple royal qui lui demande de se rendre à Cotignac pour vérifier la présence du fameux tableau de la Vierge et pour prier à leur intention et au bon déroulement de la grossesse.

Fiacre prend la route du Midi en compagnie de frère Jean Chrysostome, sous-prieur du couvent parisien. Parvenu dans l’église Notre-Dame-des-Grâces de Cotignac, Fiacre ne peut cacher sa déception : si le lieu ressemble effectivement à sa vision, en revanche, il n’y trouve pas la peinture de Marie. Aurait-il été le jouet d’une illusion ? C’est impossible, se dit-il à lui-même en sortant de l’église. Les deux religieux croisent à cet instant le sacristain du sanctuaire. Ils s’empressent de lui demander si le tableau existe. L’homme leur explique que celui-ci a été remplacé quinze jours auparavant par une toile plus récente et qu’il a été simplement transporté dans la sacristie. En découvrant la toile, Fiacre manque de défaillir : c’est, au détail près, ce que lui a montré l’apparition.

Le 10 février 1638, le souverain fait la promesse de consacrer le royaume de France à la Vierge Marie si un héritier lui est donné. C’est le fameux « vœu de Louis XIII » qui prévoit notamment la consécration des chapelles principales dans chaque église française, si celle-ci n’est pas déjà dédiée à Marie. Le vœu sera confirmé par Louis XIV en 1650, Louis XV en 1738 et Louis XVIII en 1814. Publié par lettres patentes, après consultation du parlement de Paris, c’est un document législatif de portée nationale.

Le 5 septembre 1638, soit neuf mois, jour pour jour, après la fin des neuvaines, Louis « Dieudonné », futur Louis XIV, vient au monde. Il succédera à son père Louis XIII seize ans plus tard.

En quelques mois, Fiacre passe du statut d’anonyme à celui de célébrité. On imprime des milliers de petites images de lui que l’on accroche souvent dans les fiacres des villes, d’où son nom. En 1644, Anne d’Autriche lui demande de porter à Cotignac un tableau représentant le « vœu de Louis XIII » (toile détruite à la Révolution) et de prier pour elle-même et le jeune Louis. Dix ans plus tard, Fiacre est invité au sacre de Louis XIV, mais il décline cette offre par humilité. En 1661, le Roi-Soleil lui demande porter à Cotignac une copie de son contrat de mariage avec Marie-Thérèse et une copie du traité des Pyrénées par lequel la France et l’Espagne viennent de faire la paix. L’amitié liant le roi à Fiacre perdure. En 1684, le frère parisien obtient de Louis XIV qu’après sa mort, son cœur soit déposé dans l’église de Cotignac. Quatre mois plus tard, après que Dieu a rappelé à lui son serviteur, deux religieux arrivent à Notre-Dame-de-Grâces, portant un reliquaire dans lequel a été déposé le cœur de Fiacre qui est placé, comme l’avait désiré l’ancien petit potier, sous le marchepied de l’autel.



Auteur : Patrick Sbalchiero


AU-DELÀ DES RAISONS D'Y CROIRE :

La nature législative du vœu de Louis XIII met à mal les hypothèses attribuant la paternité de ce texte à des ecclésiastiques (Richelieu, père Joseph...), à des hommes politiques ou à des femmes de la cour (Madame de La Fayette…). Le roi, au nom de qui toute loi est décrétée sous l’Ancien Régime, en est le seul inspirateur.


ALLER PLUS LOIN :

René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 695-696.


EN SAVOIR PLUS :

- Victor-Lucien Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, Paris, Flammarion, 1967, p. 363-375.

- René Laurentin, Le vœu de Louis XIII. Passé ou avenir de la France, 1638-1988 : 350e anniversaire, préface de Pierre Chaunu, Paris, Œil, 1988.

- Sur le site Notre Histoire avec Marie, l’article « La naissance de Louis XIV "Dieudonné", met fin à 20 ans de stérilité du mariage entre Anne d’Autriche et Louis XIII ».

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