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Les crèches privées en plein baby-blues

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Message par Lumen Lun 20 Nov 2023 - 22:30

Les crèches privées en plein baby-blues


À la suite d’un rapport alarmant de l’Igas, pointant des maltraitances et des dysfonctionnements, les crèches privées sont dans le viseur des autorités.

Les crèches privées en plein baby-blues Creches_privees
Depuis plusieurs mois, les témoignages de parents dénonçant des actes de maltraitance
dans des crèches privées se multiplient dans l’Hexagone. - VALERIE DUBOIS - HANS LUCAS VIA AFP


Un soir de novembre 2022, Agnès (1) s’empresse d’aller chercher son fils à la crèche. Âgé de 7 mois, le petit garçon l’attend sagement dans les bras d’une puéricultrice. Sauf qu’un détail la frappe immédiatement : Éloi (1) a l’œil gauche en sang et l’oreille gauche profondément griffée. « Je me précipite vers lui, se souvient Agnès, encore émue. Puis je demande au personnel de la crèche ce qu’il s’est passé, s’il a reçu un jouet dans l’œil, s’il a été victime d’un coup… » Une seule réponse lui est apportée : « Il s’est réveillé comme ça de la sieste, cela doit être une conjonctivite. »

Pourtant, le couple originaire de l’est de la France n’y croit pas. Le jour même, ils se rendent alors chez un généraliste, puis chez l’ophtalmologiste. Les deux médecins sont formels : il ne s’agit pas d’une infection mais d’une contusion. Éloi présente aussi une profonde griffure dans l’oreille. « On imagine alors tous les scénarios possibles et surtout les pires », poursuit Agnès. Animée d’une rage de savoir la vérité, elle prend rendez-vous avec la directrice de la crèche pour faire la lumière sur cette journée. « Je l’ai suppliée de me dire ce qui était arrivé. » Mais rien n’y fait, tout le personnel répète la même version : « Il s’est réveillé comme ça de la sieste. »


En chiffres • 56 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents, contre 70 % en 2002. • 20 % sont chez une assistante maternelle. • 18 % sont en crèche, soit deux fois plus qu’en 2002. • 20 % des enfants gardés en crèche le sont dans un organisme privé. Étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, publiée en février 2023.

Une fillette de 11 mois décédée

Furieux et inquiet pour les autres enfants, le couple pose alors, premièrement, une main courante, puis une plainte pour coups et blessures, s’appuyant une nouvelle fois sur un diagnostic de médecin légiste qui confirme la contusion et conclut même « à une répétition d’actions ». Éloi n’est jamais retourné dans cette crèche privée, qui appartient au réseau People & Baby. Le groupe, premier acteur des crèches privées en France et détenteur de sept cents locaux d’accueil pour tout petits, dément et accuse les parents de diffamation, comme il l’a fait à plusieurs reprises pour des cas similaires. Pourtant, le cas d’Éloi est loin d’être isolé. Si les stigmates du petit garçon ont disparu au bout de quelques jours, les conséquences ont été dramatiques pour d’autres. En juin 2022, une fi llette de 11 mois est décédée après avoir été volontairement empoisonnée par un membre de l’équipe à Lyon. Elle était, elle aussi, gardée dans une crèche People & Baby.

Des crèches de « qualité très dégradée »

Depuis plusieurs mois, de Bordeaux à Lille, en passant par Agen, les témoignages de parents dénonçant des actes de maltraitance dans des crèches privées se multiplient. Des faits rassemblés dans une grande enquête de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), publiée en avril. Cinq mois plus tard, en septembre, deux ouvrages corroborent les mêmes dysfonctionnements et abus observés dans certaines de ces structures : Le Prix du berceau (Seuil), écrit par les journalistes Mathieu Périsse et Daphné Gastaldi, et Babyzness. Crèches privées : l’enquête inédite (Robert Laffont), de Bérangère Lepetit et Elsa Marnette. Portions de repas limitées, couches comptabilisées, soins minutés, non-respect du rythme de l’enfant, défauts de surveillance, pour des prix pouvant dépasser les 3 000 euros par mois et par enfant… Les accusations sont graves. S’il existe des établissements de « grande qualité, portés par une réflexion pédagogique approfondie », on trouve aussi des crèches de « qualité très dégradée », blâment les inspecteurs de l’Igas, entraînant « des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil » de nos bambins.

Est ainsi dénoncé un « système déshumanisé », qui transforme des milliers de crèches en France en « usines à bébés ». Un constat observé par un quart des professionnels qui reconnaissent avoir déjà travaillé dans une structure maltraitante. « [Il m’est arrivé de] devoir choisir [quel enfant] dormira dans un lit, car il n’y en avait pas assez pour tous au moment de la sieste », témoigne l’une des puéricultrices, citée dans le rapport de l’Igas. Une autre ajoute avoir vu « des bébés partir à 17 h 30 avec la même couche que le matin, parce qu’ils ne pleuraient pas et n’étaient pas prioritaires sur la liste des besoins ».


Du gavage alimentaire au rationnement

Si rien ne justifie un acte de violence et de maltraitance, les professionnelles de crèche et les puéricultrices sont souvent à bout de forces. « [On a déjà laissé] des bébés de 4 mois hurler de faim, de sommeil, avec un besoin d’être rassurés mais qui doivent attendre qu’on puisse s’en occuper. » Les repas sont aussi des moments très tendus. Du gavage alimentaire au rationnement des portions pour faire des économies, les bébés subissent les diktats autoritaires des adultes, sans respect de leur rythme et de leurs besoins.

Comment expliquer de tels manquements dans des établissements agréés par l’État ? Sont surtout visées les crèches privées, appartenant à quatre grands acteurs du marché – People & Baby, Babilou, La Maison bleue et Les Petits Chaperons rouges, qui détiennent 20 % du parc de crèches en France. « Pour se monter, ces grosses entreprises ont fait appel à des fonds d’investissement qui imposent donc des impératifs de rentabilité et d’économie », analyse Bérangère Petit, coauteur de Babyzness, qui n’hésite pas à comparer le scandale actuel des crèches à celui qui a frappé les géants des Ehpad en janvier 2022. « On se retrouve dans un système économique de rentabilité et non de soins. »



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Les métiers de la petite enfance, qui manifestaient ici en octobre 2022, pâtissent de la pénibilité de leur exercice et de leur faible rémunération. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT - AFP

Une « obsession financière »

Depuis les années 2005, le modèle lucratif des crèches privées s’est imposé, en complément du modèle municipal qui n’arrivait pas à absorber le nombre grandissant de demandes. « Cette obsession financière est un facteur central de la pénurie et de la crise du secteur, accuse le Syndicat national des professionnels de la petite enfance. La dénonciation des modèles économiques des crèches privées est un point de départ pour repenser l’organisation et le financement du secteur. » Un avis auquel se refuse Aurore Bergé, l’actuelle ministre des Solidarités et des Familles. Dans un entretien à L’Express, le 8 novembre, elle dénonce davantage « des erreurs individuelles graves ».

Face aux multiples accusations, Julie Marty-Pichon, présidente de la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, botte en touche. « Cette maltraitance, je la connais, je la subis, souffle-t-elle. C’est de la maltraitance institutionnelle, argue-t-elle, réitérant l’expression utilisée par les inspecteurs de l’Igas. On ne nous donne pas les moyens de bien faire notre travail. » Pour cette éducatrice, qui alerte sur la pénurie de personnels depuis plus de quinze ans, ces révélations ne sont ni nouvelles ni révolutionnaires. Elle pointe un manque cruel d’éducateurs de jeunes enfants, de puéricultrices et de directrices de crèche, poussant ceux qui restent à travailler dans des conditions de travail indignes. Selon la Caisse d’allocations familiales, 48,6 % des crèches collectives manquent de bras, tandis que près de 10 000 places d’accueil sont « durablement fermées ou inoccupées à cause d’une difficulté de recrutement ».


Pénibilité du métier et faible rémunération

Accessibles après une ou trois années de formation, les métiers de la petite enfance pâtissent de la pénibilité de leur exercice ainsi que de leur faible rémunération. Entre les personnes qui partent à la retraite et celles qui quittent la profession, épuisées, « on manque cruellement d’une gestion prévisionnelle de ces métiers », fustige de son côté Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches. Les professionnels pointent aussi un réel manque de reconnaissance, nécessaire pour créer de nouvelles vocations dans la petite enfance. « Le bien-être des professionnels est une condition nécessaire à un accueil de qualité, insiste Vincent Bulan, directeur général de Babilou. Le rôle des professionnels de crèche est pourtant primordial et ne s’arrête pas à assurer la sécurité physique et répondre aux besoins primaires des enfants. » Face à la polémique, le gouvernement s’est saisi du sujet depuis cet été. Jean-Christophe Combe, l’ancien ministre des Solidarités et des Familles, puis Aurore Bergé, qui lui a succédé, ainsi qu’Élisabeth Borne, ont annoncé une série de mesures (voir encadré), qui peinent encore à se concrétiser. Après avoir été retoquée une première fois à l’Assemblée nationale, l’opportunité de la création d’un service public de la petite enfance, figurant dans l’article 10 de la loi « plein emploi », sera de nouveau débattue mi-novembre.

(1) Les prénoms ont été modifiés.



La réponse du gouvernement

Depuis cet été, le gouvernement multiplie les annonces pour sauver le secteur de la petite enfance, qui, entre le manque de places et de personnels, et les cas de maltraitances, prend l’eau. Le 15 septembre, Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, a reçu les dirigeants des quatre grands groupes de crèches privées (Babilou, People & Baby, La Maison bleue, Les Petits Chaperons rouges). Ont été rappelées plusieurs mesures visant à renforcer les contrôles dans les établissements et à améliorer le suivi des signalements des dysfonctionnements. Autre sujet important : revaloriser ces métiers trop souvent dénigrés. « Le vrai sujet qu’on a, c’est une pénurie de professionnels, a souligné la ministre. À partir du 1er janvier, on met 200 millions d’euros sur la table chaque année. » Ainsi, seront créées, d’ici 2030, 200 000 nouvelles places de crèches. Une promesse qui n’est pas nouvelle : début 2022, Emmanuel Macron s’était déjà engagé à aller dans ce sens. Sans pour l’instant de prompts résultats.(M.-L. M.)


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