Mission, répartition des tâches, ordinations… l’entretien-vérité de Mgr Rey et de Mgr Touvet
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Mission, répartition des tâches, ordinations… l’entretien-vérité de Mgr Rey et de Mgr Touvet
Mission, répartition des tâches, ordinations… l’entretien-vérité de Mgr Rey et de Mgr Touvet
Au lendemain de la nomination de Mgr François Touvet aux côtés de Mgr Dominique Rey, les deux évêques de Fréjus-Toulon parlent pour la première fois d’une seule voix. Avec un objectif prioritaire partagé : l’annonce explicite du Christ.
A l'occasion d'une visite de Mgr François Touvet à Toulon, Famille Chrétienne a rencontré les deux évêques pour leur première interview commune après l'annonce officielle de Rome, le 21 novembre. - Patrick Gherdoussi pour FC
Au lendemain de la nomination de Mgr François Touvet aux côtés de Mgr Dominique Rey, les deux évêques de Fréjus-Toulon parlent pour la première fois d’une seule voix. Avec un objectif prioritaire partagé : l’annonce explicite du Christ.
A l'occasion d'une visite de Mgr François Touvet à Toulon, Famille Chrétienne a rencontré les deux évêques pour leur première interview commune après l'annonce officielle de Rome, le 21 novembre. - Patrick Gherdoussi pour FC
Mgr Dominique Rey, quel est votre état d’esprit au lendemain de la nomination d’un évêque coadjuteur qui dispose de pouvoirs très étendus ?
Cette situation est pour moi une occasion de revenir aux fondamentaux. Cette mission d’évêque, elle ne m’appartient pas, je la reçois de l’Eglise. Il me faut garder le cap de la foi, avancer dans l’amour de l’Eglise en sachant que nous avançons toujours comme Jacob, blessé au côté, de chute en chute… en claudicant, en nous relevant chaque jour, d’eucharistie en eucharistie.
Pour ma part, j’ai essayé durant cette période d’incertitude de marcher sur une ligne de crète. D’abord éviter tout découragement pour moi-même et pour le diocèse comme s’il s’agissait d’abandonner tout le travail accompli. Eviter aussi l’esprit de rébellion... En prenant conscience des lacunes et des maladresses commises et en les assumant. A un moment ou à un autre, il faut un peu de lucidité pour accepter de se remettre en cause. J’ai voulu m’adosser aussi profondément que possible au Seigneur dans une attitude de prière et de confiance.
Je ne vois pas l’arrivée d’un évêque coadjuteur comme une rupture mais dans une perspective d’assainissement et comme un enrichissement. Je compte sur lui pour amender et corriger ce qui doit l’être. Je crois pouvoir dire en vérité que le choix de Mgr Touvet peut s’avérer une opportunité pour notre diocèse pour continuer, avec plus d’assurance, sur la ligne fondamentale qui me semble la bonne pour les temps que nous traversons à savoir la communion missionnaire à bâtir ensemble.
Mgr François Touvet, que faut-il entendre par communion missionnaire ?
Quand j’entends Mgr Rey me parler d’une communion missionnaire à bâtir ensemble, je retrouve la dynamique que je porte moi-même ! Nous avons vraiment en commun une même fibre pour la mission. Quand j’étais jeune prêtre, je me souviens d’avoir été marqué par la lecture de sa lettre pastorale – « l’actualité de la mission » – rédigée lorsqu’il était jeune évêque de Toulon.
En tant que pasteur du diocèse de Châlons, pendant presque 8 ans, j’ai moi aussi voulu consacrer toute mon énergie à développer un projet missionnaire intitulé « prophètes de l’espérance ». La vision consiste à développer un réseau d’oasis pour accueillir de nouveaux croyants. Je m’inscris dans la ligne du très beau texte du pape François – la joie de l’Evangile – qui nous invite à engager la transformation pastorale de nos communautés. Tout n’a pas été parfait évidement à Châlons. Mes essais, comme au rugby, n’ont pas toujours été transformés. Mais j’ai eu la joie de mettre en place de petites équipes de prêtres qui habitent sous le même toit et qui rayonnent sur de nombreux villages. A Châlons, il y a 450 communes et 21 prêtres actifs. Cela n’a rien à voir avec le diocèse de Toulon qui compte 150 communes et 200 prêtres. Les deux diocèses sont très différents mais la logique missionnaire reste la même à mes yeux.
En quoi votre accompagnement du Verbe de Vie, à Châlons, peut-elle vous servir à Toulon ? Est-ce un atout pour mieux conseiller les communautés nouvelles ?
Je suis appelé à Toulon pour donner suite à une visite apostolique et pour accompagner un processus d’apaisement et de miséricorde. Je suis serein. Pratiquement, je vais rencontrer les personnes et leur offrir une même qualité d’écoute. Elles pourront aussi compter sur moi pour prendre et assumer les décisions nécessaires.
Pour revenir au Verbe de Vie, j’ai eu l’occasion de les accompagner dans une étape très difficile puisque la dissolution de la communauté avait été décidé par leur évêque accompagnateur. Moi, j’ai accepté de les suivre en me faisant membre de cette communauté et non pas comme un élément extérieur. Je parlais de « notre » communauté en assumant toutes les blessures du passé dont j’avais pu prendre connaissance dans des rapports détaillés.
Ils étaient comme morts à la suite de phénomènes d’abus d’autorité. Et j’ai eu la grâce de les aider à se remettre debout. C’est vraiment cela le cœur de mon ministère de prêtre et d’évêque, un ministère de rédemption ! Nous sommes là pour traduire de manière concrète cette victoire de Jésus sur la souffrance et la mort. J’ai fait cette expérience spirituelle qui m’a permis ensuite de solder toutes les questions économiques, juridiques, canoniques.
Comment apaiser certains catholiques déçus par cette décision de Rome ? Ceux qui estiment que Mgr Rey a été sanctionné injustement ou au contraire trop protégé ?
Mgr Touvet : L’Eglise ne m’envoie pas ici comme un usurpateur, un pompier de service ou comme le messie ! C’est d’abord un message positif qui est adressé à Fréjus-Toulon que de voir deux évêques capables de travailler ensemble. Ce qui anime d’abord nos cœurs, je le répète, c’est l’urgence de la mission. La chose qui m’habite, ce n’est pas de venir administrer le diocèse mais de faire rencontrer Jésus ! J’ai toujours eu cela au cœur, c’est ce qui motive le don de ma vie. Mon message est simple : il faut mettre la priorité au bon endroit, à savoir l’annonce de l’Evangile. Le fait de savoir si Mgr Rey va faire cela ou Mgr Touvet ceci n’a guère d’importance. C’est même parfaitement contreproductif. Cela me fait penser aux avertissements de Paul aux Corinthiens : « Quand l’un de vous dit : « Moi, j’appartiens à Paul », et un autre : « Moi, j’appartiens à Apollos », n’est-ce pas une façon d’agir tout humaine ? Mais qui donc est Apollos ? qui est Paul ? Des serviteurs par qui vous êtes devenus croyants. » (1 Cor 4,5)
N'est-ce pas un peu idéaliste ?
Mgr Touvet : Non, cette communion fait partie de nos priorités. Nous avons d’ailleurs prévu de prendre ensemble un temps de recollection dès que nos agendas le permettront. Il faut nous recentrer sur la personne de Jésus et voir comment le mettre au cœur de nos ministères. Je ne suis pas idéaliste mais réaliste… Mgr Rey n’a pas choisi cette situation - ni moi non plus - mais nous voulons accueillir cet appel de l’Eglise avec la part de renoncement qui l’accompagne des deux côtés. Je dois m’arracher à mon diocèse de Châlons.
Mgr Rey : Bien entendu, il n’y a pas de fécondité sans renoncements… Dans l’Eglise, on ne travaille pas pour soi-même ! On n’a pas à développer une gouvernance individualiste et autocentrée. Notre responsabilité doit être vécue comme un service, se nourrir du besoin des gens, accepter de vivre des confrontations et favoriser les échanges. Pour convertir nos pratiques, il nous revient de nous engager sur un autre chemin avec d’autres points d’appui. Je crois que toute crise peut-être une opportunité de vivre une résilience. Une renaissance.
Est-ce que cela veut dire que le diocèse de Toulon-Fréjus sera toujours synonyme demain d’audace et de créativité ?
Mgr Rey : Je veux le croire, l’Eglise en a besoin. Cela dit, j’insiste sur le fait que les charismes à l’état pur n’existent pas. L’Eglise a pour mission d’assainir et d’accompagner les projets pour les insérer dans la vie ecclésiale. Il reste encore un travail à faire dans ce diocèse. Il ne s’agit pas de perdre la sève missionnaire de tel ou tel groupe, mais de l’aider à porter plus de fruit dans la durée. Mgr Touvet va engager un accompagnement dans le temps. Un regard croisé nous permettra d’aller plus loin, tendus ensemble vers la mission !
Mgr Touvet : Nous avons des tempéraments différents ; nous ne sommes pas de la même génération, nous n’avons pas reçu la même formation. Est-ce si grave ? Cette différence est selon moi un gage de complémentarité comme c’était le cas entre les apôtres. Pierre n’était pas identique à Jean ou à Jacques ! Si nous voulons donner à entendre ensemble une belle musique, une symphonie, il faut qu’on s’accorde comme deux instruments. S’accorder ensemble sur le « la » - c’est-à-dire le Nom de Jésus. Si on s’accorde là-dessus tout ira bien ! L’un sera peut-être un instrument à corde, l’autre un instrument à vent. Et alors ? Peu importe si nous avons la même partition. Ne pas s’accorder sur ce point conduirait à la cacophonie, aux fractures. Cela n’arrivera pas car nous allons faire en sorte de faire entendre ce « la » à tous les fidèles. Pour que demain le diocèse devienne un bel orchestre symphonique !
Mgr Rey : Je confirme la perspective ! Benoit XVI comparait l’Eglise à un orchestre symphonique. Le tout, « c’est de ne pas jouer du pipeau » ! Plus sérieusement, il s’agit de conserver la belle tradition de diversité et d’expression de la foi de ce diocèse. Mes prédécesseurs ont eu à cœur d’accueillir des réalités ecclésiales nouvelles, de conjuguer l’ancien et le nouveau. Mgr Barthe a accordé l’hospitalité à la communauté Saint Jean dans les années 80, Mgr Madec a accueilli la première implantation de la communauté Saint Martin en France. Le tout est évidemment de savoir orchestrer toutes ces expressions de l’Evangile de manière harmonieuse et dans la fidélité au magistère de l’Eglise.
Certains vous taxent tous les deux d’évêques « conservateurs ». Est-ce caricatural ?
Mgr Touvet : Je dois avoir des « bonnets d’âne » dans la revue Golias ! (rires)
Mgr Rey : Moi aussi sans doute, mais je ne veux pas regarder ! On enferme trop les évêques dans des catégories – les tradis, les progressistes, etc. Nous n’allons pas réinventer l’Eglise en fonction de nos sensibilités. Pour autant, on se veut des prophètes, ouverts à une créativité missionnaire. Avec Mgr Touvet, nous sommes frappés par cette baisse statistique qui affecte le catholicisme en France. On est aussi très attentifs à cette résurgence de la foi chez les nouvelles générations, à la fois minoritaires mais attestataires. Cela nous remplit d’enthousiasme comme aux JMJ à Lisbonne. Voilà ce que nous devons soutenir et accompagner de toutes nos forces en laissant tomber les vielles catégories dans lesquelles on voudrait enfermer l’Eglise. Le manichéisme tue le dynamisme.
Mgr Touvet : Comme Mgr Rey, je n’aime pas les étiquettes. Pourquoi classer les gens ? Pourquoi leur coller une étiquette sur le front ou dans le dos ?! Tout cela contribue à diviser l’Eglise alors que nous sommes appelés à la fraternité évangélique. Qu’est- qu’un conservateur entre nous ? Il y a des progressistes qui se révèlent très conservateurs et des conservateurs qui se montrent très audacieux et prophétiques ! L’essentiel, c’est pour moi d’aimer l’Eglise catholique qui est notre mère. Elle est « mater et magistra ». Le jour de mon ordination épiscopale, j’ai promis l’obéissance au pape. Si j’obéis au Saint Père, je suis à ma place. Ce qui nous fait vivre, comme évêques, c’est de soutenir les fidèles, de prier avec eux. Le fait d’être conservateur ou non n’est pas notre sujet !
Concrètement, comment allez-vous vivre ce duo épiscopal inédit ?
Mgr Rey : Il y a des signes forts comme le fait de s’exprimer publiquement tous les deux. Nous serons ensemble pour les grands rendez-vous de la vie du diocèse. Mgr Touvet s’est vu confier des tâches précises qu’il va assumer en toute clarté. Moi-même, j’aurai de nouvelles priorités. Notre objectif est de familiariser le clergé et les fidèles à cette nouvelle gouvernance. Nous devons vivre cette communion entre nous et la faire rayonner sur l’ensemble du presbyterium. Cela pourra inspirer la communion ecclésiale de tous les acteurs du diocèse. On parle beaucoup de synodalité. Encore faut-il l’incarner entre nous ! Voilà un beau défi et un signe nécessaire de communion.
Mgr Touvet : Je voudrais ajouter quelque chose à propos des signes. Nous sommes engagés l’un et l’autre à vivre la fraternité épiscopale. On l’expérimente déjà à l’échelle de la conférence des évêques - à Lourdes notamment. A Toulon, nous allons vivre à proximité l’un de l’autre, échanger au quotidien. Un autre signe, c’est notre présence commune le 10 décembre prochain, à la cathédrale, autour du cardinal Aveline – notre archevêque métropolitain – et du nonce apostolique. On ne fait pas les choses en catimini !
Au quotidien, sera-t-il facile de se répartir les tâches entre vous ?
Mgr Touvet : Rassurez-vous, on ne va pas se disputer le fauteuil du PDG comme dans une entreprise humaine ! Nous sommes deux pasteurs – deux frères - au service d’un même peuple.
Mgr Rey : C’est juste. La répartition des responsabilités est claire entre nous. Il y a des tâches particulières confiées par Rome à Mgr Touvet. Cela va me permettre de retrouver une plus grande proximité avec le terrain et de me redéployer autrement. Cette situation me permet d’envisager de nouveaux engagements missionnaires qui n’étaient pas possible faute de disponibilité.
Mgr Touvet, quels sont les pouvoirs spéciaux que Rome vous a confié ?
Mgr Touvet : Le canon 403 permet au pape de donner des missions spéciales à un évêque coadjuteur. Je dispose concrètement du pouvoir du gouvernement diocésain dans les domaines suivants : l’administration, la gestion du clergé, la formation des séminaristes et des prêtres, l’accompagnement des instituts de vie consacrée, des sociétés de vie apostolique et des associations de fidèles. Je vais prendre le temps de l’écoute pour cerner les points d’ajustement nécessaire.
Que va-t-il se passer avec les candidats à l’ordination dont le sort n’est toujours pas fixé ?
Mgr Touvet : Cela est une priorité évidemment pour mon cœur de pasteur. Je vais me pencher sur ce dossier avec détermination pour avancer et sortir de l’impasse. Cela a duré trop longtemps. Mon objectif est que ces jeunes hommes qui attendent – le peuple de Dieu aussi les attend – soient ordonnés. Dans la mesure du possible évidemment. J’ai d’ailleurs pris contact avec les formateurs du séminaire de la Castille et je me sens en grande confiance avec eux. Je vais m’appuyer sur leur discernement.
La présence d’un évêque coadjuteur est-elle le signe que Rome se méfie désormais de l’audace apostolique tous azimuts ?
Mgr Rey : Dans la mission, il y aura toujours un entrecroisement d’audace et de prudence. La sagesse doit se conjuguer avec le zèle. Ce n’est jamais simple car il y a parfois des excès de zèle que l’on constate après coup. Mais l’audace reste une nécessité sur laquelle le pape François insiste beaucoup. Il demande d’ailleurs aux jeunes de prendre des risques. Demain, avec Mgr Touvet, nous aurons un regard croisé. Cela va permettre de canaliser la créativité missionnaire sans pour autant l’éteindre.
Mgr Touvet : C’est vrai. Sans l’audace des apôtres, où en serions-nous aujourd’hui ?! L’audace des témoins du Christ est l’expression du feu de la foi qui brûle en nos cœurs. Elle est providentielle pour notre époque. On ne va pas aligner tous les chrétiens comme dans l’armée. Je crois à l’unité dans la diversité comme saint Paul. Ma conviction profonde est que nous allons pouvoir favoriser ensemble une audace missionnaire. Elle sera solide car elle ne fera pas l’économie de la prudence ni de la concertation indispensable. Entre d’autres termes, l’Eglise ne fait pas table rase de l’élan évangélisateur qui existe à Toulon-Fréjus. Elle appelle au contraire deux évêques à travailler ensemble pour la mission, en entrainant tout le peuple de Dieu dans sa diversité. Cela n’est pas une œuvre humaine, c’est l’œuvre de Dieu !
Samuel Pruvot
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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