Catholicisme au Québec: Un grand historien bas-laurentien de la foi catholique est mort

Un grand historien bas-laurentien est mort

Article de Michel-Félix Tremblay - Radio-Canada - 14 décembre 2023

L'un des plus grands spécialistes de l'histoire du catholicisme au Québec, Nive Voisine, est décédé dimanche, à Rimouski. Ce prêtre natif de Notre-Dame-du-Lac, dans le Témiscouata, a enseigné pendant près de 20 ans à l'Université Laval, après une carrière au Séminaire de Rimouski. En 30 ans, l'abbé Voisine a écrit ou dirigé la publication d'une vingtaine de livres. Il a contribué à 28 ouvrages collectifs et a donné de nombreuses conférences.

Avant, l'histoire du catholicisme c'était une histoire du clergé. Avec Nive Voisine, elle devient une histoire beaucoup plus élargie, intégrant l'histoire de l'éducation, des mouvements de société, relate le professeur émérite au département des religions de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), Louis Rousseau. Il cite en exemple la collection Histoire du catholicisme québécois, publiée chez Boréal et dirigée par Nive Voisine. On ne dispose de rien d'équivalent encore aujourd'hui, soutient-il.





Nommé professeur émérite de l’Université Laval en 1991, M. Voisine a été le premier récipiendaire de la médaille de la Société canadienne d’histoire de l’Église catholique. Après sa retraite, en 1986, Nive Voisine s'installe à Pointe-au-Père à Rimouski et continue de s'impliquer, entre autres, à titre de prolifique collaborateur du Dictionnaire biographique du Canada ainsi que celui des Œuvres littéraires du Québec. Les dictionnaires de tout genre me passionnent. N'être pas obligé de lire un volume d'un couvert à l'autre, musarder au gré de sa fantaisie ou de son intuition, apprendre un tas de choses en quelques pages, laisser sans remords une page qui ne nous attire plus, connaissez-vous un bonheur plus complet quand on est à sa retraite?

La trilogie consacrée à l'histoire des Frères des écoles chrétiennes au Canada, publiée en 1987, est considérée par certains comme son œuvre majeure. En 2014, à l'occasion du 150e anniversaire de la fondation du Séminaire de Rimouski, Nive Voisine reprend du service. Avec son collègue Noël Bélanger et le professeur d'histoire du Cégep de Rimouski, Pascal Gagnon, il collabore à l'écriture d'un volume sur l'histoire de l'institution qui est maintenant le cégep.

Une belle expérience professionnelle, mais aussi humaine, relate Pascal Gagnon, qui se souvient d'un homme avenant, agréable et très rigoureux. Nive Voisine, âgé à l'époque de 86 ans, n'avait rien perdu de sa vigueur, ni de sa passion. Quand il a décidé de prendre sa retraite pour vrai il y a une dizaine d'années, il a légué à un collègue et à moi sa collection de livres. C'est quelqu'un qui pensait beaucoup à sa communauté, fait valoir M. Gagnon. Nive Voisine est aussi l'auteur de l'Histoire du Diocèse de Rimouski, paru en 1996 dans le cadre du 300e anniversaire de la fondation de la ville.

Le parcours d'un pédagogue

Nive Voisine est ordonné prêtre le 13 juin 1954 dans son village natal de Notre-Dame-du-Lac. Le jour même, il est nommé professeur au Séminaire de Rimouski, peut-on lire dans un texte écrit par un collègue professeur de l'Université Laval, Yves Roby. Quelques années plus tard, les autorités du Séminaire lui permettent de faire sa licence en histoire à l'Université Laval, l'alma mater qu'il retrouvera en 1968 à titre de professeur. Il a 40 ans et entame en parallèle un doctorat qui le mènera à se spécialiser en histoire religieuse.

Le sens de mon travail change avec l'histoire religieuse, car je me considère désormais comme chargé d'une certaine mission ecclésiale, celle de faire connaître (mais sans apologétique) le passé réel de l'Église face aux accusations qui déferlaient alors. Je crois qu'à Québec, avec Fernand Dumont et Jean Hamelin, nous avons fait œuvre d'Église en présentant scientifiquement l'histoire de son passé avec ses forces et ses faiblesses.

Au moment où il arrive, le département d'Histoire de l'Université Laval est en pleine ébullition, rappelle Louis Rousseau. L'histoire devient de plus en plus une science qui s'intéresse davantage aux mentalités et à la société, plutôt qu'aux dates et aux régimes politiques. On s'intéresse à la connaissance très fine de comment les humains se sont transformés dans l'histoire, précise M. Rousseau. Nive Voisine et ses contemporains influenceront des générations d'historiens par leur manière nouvelle de concevoir cette science.

Certains noms de rues de la Ville de Rimouski portent aussi la signature de l'Abbé Voisine. Il a été président du Comité de toponymie de 1960 à 1968. D'ailleurs en 2012, lorsque la Ville a voulu rebaptiser l'artère qui traverse la Ville, le boulevard des Navigateurs, Nive Voisine avait dénoncé publiquement la proposition. Cette dernière ne s'est jamais matérialisée. Il plaidait alors pour que la Ville favorise le nom de personnages qui se sont illustrés sur la scène locale.

Le retour d'une Église humble

Dans une de ses dernières et rares entrevues, diffusée en 2022 sur les ondes de maCommunauté, Nive Voisine plaidait pour une Église humble, la préférant à celle trop triomphaliste qui est née à partir des années 1920. Une religion évangélique est meilleure qu'une religion de masse, plus visible et plus contrôlante, avait-il dit. Mais Nive Voisine rappelait que l'histoire du catholicisme ne se résume pas aux dérives des années 1920 à 1960. Ç'a aussi été une Église proche du peuple pendant plusieurs années, notamment par le biais des Opérations Dignités, ces mouvements populaires opposés à la fermeture de villages et menés par des curés dans les années 1960 au Bas-Saint-Laurent.