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Saint Jean Ier, pape et martyr

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Message par Lumen Dim 19 Mai 2024 - 20:26

Saint Jean Ier, pape et martyr


Le 18 mai 526 montait au Ciel le pape Jean Ier, martyr sous le règne du roi hérétique Théodoric. Il est un exemple extraordinaire de défense de la foi face à des ennemis puissants et organisés à tous les niveaux. La documentation historique à son sujet est très étendue : celle d’un pape ayant régné trois ans à un moment compliqué de l’histoire. Son pontificat fut court, mais on en a gardé une mémoire vive grâce à la profondeur de son attachement au Christ.


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   * - Jean est mort en martyr : sa sincérité et son engagement total témoignent de la profondeur de sa foi.

   * - Au péril de sa vie, il administre et soutient les chrétiens de Rome dans un contexte très troublé.

   * - Malgré les persécutions dont il est victime, il réussit de très importantes réformes de l’Église, comme la fixation de la date de Pâques et d’importantes rénovations des cimetières paléochrétiens.

   * - Dans un contexte redoutable, rien ne l’arrête quand il s’agit de défendre la foi : ni les menaces, ni les mauvais traitements, ni la mort…

   * - Dans son combat contre l’arianisme, qui fait de lui une cible privilégiée, Jean n’use jamais de violence, ni verbale ni physique, même dans l’adversité la plus dure.

   * - Sous le pontificat de Symmaque (498-514), Hormisdas s’oppose à l’antipape Laurent, que rejoint bientôt Jean à la suite d’une erreur dont il prend rapidement conscience. Loin de s’enfermer dans cette faute, il envoie en 506 une demande de pardon à Symmaque en confessant publiquement son erreur. Signe d’une humilité exceptionnelle !

   * - Au-delà de ses fonctions, qu’il remplit en totale abnégation, Jean fait preuve à chaque instant de tempérance et de charité, à une époque où peu lui ressemblent. Pris en étau entre l’empereur et les Ostrogoths, il n’en reste pas moins totalement serein, à tel point qu’ariens et catholiques s’interrogent sur la raison lui permettant de conserver une telle paix ! La qualité de ses relations humaines surpasse ses propres forces naturelles.

   * - L’acceptation de sa condition et de son issue fatale excède les forces d’un homme de constitution moyenne, mis à rude épreuve depuis des mois : le trajet jusqu’à Constantinople est à l’époque un voyage complexe, et Jean pouvait craindre que son ambassade ne soit pas une balade de santé et qu’elle se termine par un bain de sang.

   * - Malgré ce chemin de croix, il n’a jamais changé de cap ni fait aucune compromission. Plus incroyable encore : il n’a jamais condamné aucun de ses ennemis pour lesquels, sans qu’ils le sachent, il a donné sa vie.



Jean, futur cinquante-troisième pape de l’histoire, est né vraisemblablement à Sienne (Italie, Ombrie) vers 470. Son père porte le nom de Constance. Il étudie à Florence, puis à Rome. Nous sommes parfaitement renseignés sur sa carrière au sein de la Curie romaine : il est l’un des sept diacres de la Ville éternelle, ministère qu’il remplit une trentaine d’années sans jamais avoir connu la moindre adversité, dans un climat pourtant troublé. Il signe de sa main les actes des synodes romains de 499 et de 502. Il est créé cardinal-prêtre par le pape Gélase Ier,puis devient archidiacre du pape Hormisdas, auquel il succède le 13 août 523, soit sept jours après la mort de celui-ci, après avoir été le collaborateur direct de deux souverains pontifes, Athanase II et saint Symmaque.

C’est une époque difficile à tous les niveaux : l’Empire romain se meurt, et l’arianisme, hérésie condamnée au concile de Nicée (325), gagne du terrain. L’Église vacille, papes et antipapes s’affrontent, mais Jean ne se soustrait pas à ses devoirs, à commencer par la défense de la foi catholique, jusqu’au péril de sa vie.

C’est un pape apprécié et entouré des acteurs culturels du temps : le philosophe Boèce lui dédie trois de ses cinq traités religieux ; il favorise la vie artistique à Rome et au-delà, en particulier le chant sacré, en explorant les potentialités du chant vieux-romain né au siècle précédent.

Théodoric, roi des Ostrogoths et arien lui-même, tolère le catholicisme (la religion de sa femme, Audoflède, la sœur de Clovis), jusqu’à ce jour de 524, quand un édit de l’empereur byzantin Justin Ier fait de l’arianisme l’ennemi à abattre : « Fermeture immédiate de toutes les églises ariennes de Constantinople, exclusion de toutes fonctions publiques, civiles et militaires pour tous les citoyens reconnus comme sectateurs ariens. » L’année suivante, Théodoric, considéré par maints responsables comme le chef des ariens, fait venir Jean à Ravenne et l’envoie à Constantinople contre son gré afin de freiner la politique impériale jugée belliqueuse à l’égard des ariens.

La réaction de Jean est tout bonnement inexplicable par la seule psychologie : il aurait très bien pu expliquer à Théodoric qu’il n’était pas l’ami de l’empereur, mais il obéit sans rechigner. Pourquoi ? Parce qu’il place au-dessus de tout, à commencer au-dessus de sa propre personne, la défense de l’Évangile. Il sait qu’en jouant le rôle d’ambassadeur auprès de Justin, il favorisera le retour de la paix. En réalité, il s’agit d’une prise d’otage de la part de Théodoric. Voici ce qu’il écrit à Jean, désormais prisonnier : « Vous irez trouver Justin et obtiendrez de lui de ma part : retrait de son édit, réouverture de toutes les églises ariennes et admission, en leur sein, de tous les apostats du catholicisme. Sinon, craignez de vives représailles anticatholiques. »

Le contenu de la réponse de Jean est d’une bienveillance rarissime dans ce type de situations et ne ressemble en rien à une posture diplomatique : « Me voici devant toi, fais-moi ce que tu voudras ; mais je ne te promets rien au sujet des réconciliés ; leur situation n’est-elle pas dangereuse et irritante ? Comment obtenir que ces instables soient autorisés à faire retour à l’hérésie ? Pourtant, hors cette impossibilité notoire, pour le reste, avec l’aide de Dieu, je pense pouvoir te satisfaire et je ferai tout pour t’être agréable et te rapprocher de Justin. »

Le pape part accompagné de cinq évêques catholiques et d’une poignée de sénateurs. En décembre 526, l’empereur Justin le reçoit avec faste, « comme saint Pierre lui-même » prétend l’entourage ! Il lui promet de restituer les biens confisqués aux ariens et d’autoriser leur culte « sous certaines conditions » ; mais, en revanche, il n’y a « aucune possibilité, pour un arien, d’accéder à des fonctions publiques » ! C’est une fin de non-recevoir. Théodoric l’attend de pied ferme à Ravenne. À peine le pape a-t-il posé le pied sur la terre ferme qu’il est molesté, puis emprisonné manu militari dans une prison de la ville, où il subit un martyre effroyable. Il quitte ce monde le 18 mai 526, mort de faim et de soif.



Patrick Sbalchiero


* - Il est personnellement investi dans la défense du chant sacré, préparant le terrain au « chant grégorien » né au siècle suivant.

Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 1994.

Philippe Blaudeau, « Rome et Constantinople », dans Jean-Robert Armogathe (dir.), Histoire générale du christianisme des origines au XVe siècle, vol. 1, Paris, PUF, Quadrige, 2011, p. 283-320.
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