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La persécution des coptes en Égypte

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La persécution des coptes en Égypte Empty La persécution des coptes en Égypte

Message par MichelT Ven 11 Fév 2011 - 2:39

La persécution des coptes en Égypte
Annie Laurent

Source :La Nef N°223 de février 2011
Recommander cet articleLes coptes ont été une nouvelle fois victimes d’un grave attentat. Ils subissent en Égypte
une discrimination intolérable qui est malheureusement souvent mal comprise.

En revendiquant l’attentat contre la cathédrale syriaque-catholique de Bagdad commis le 31 octobre 2010, « l’État islamique en Irak », mouvement affilié à El Qaïda, avait annoncé le même sort aux coptes si leur Eglise ne libérait pas Camilia Chehata et Wafaa Constantine. Selon les islamistes, ces deux Égyptiennes, épouses séparées de prêtres coptes, ont été enfermées dans des monastères en guise de punition pour leur conversion à l’islam. L’affaire semble montée de toutes pièces, la première ayant témoigné par vidéo qu’elle s’était retirée du monde pour approfondir sa foi chrétienne. Quoi qu’il en soit, depuis des mois, des musulmans manifestent en toute liberté dans certaines villes le vendredi à l’issue de la grande prière, contre l’Église copte accusée de séquestrer ces femmes.

Le 31 décembre au soir, la menace islamiste a été exécutée à Alexandrie. La foule des fidèles sortant de l’église des Deux-Saints (copte-orthodoxe), où elle avait assisté à la messe « du Nouvel An », a été décimée par l’explosion d’un homme qui s’est fait sauter au milieu d’elle (23 morts, une centaine de blessés). Aussitôt, le chef de l’État, Hosni Moubarak, a cherché à minimiser la portée de cette agression, affirmant qu’elle avait été commise par des « mains étrangères ». C’était occulter le fait que le numéro deux d’El Qaïda, Ayman El Zawahiri, est égyptien et qu’un climat anti-copte se développe au pays du Nil en parallèle avec la réislamisation accélérée de la société sous l’influence de l’Arabie-Séoudite. De toute façon, lorsqu’ils ne sont pas qualifiés d’« étrangers », les auteurs des violences anti-chrétiennes sont désignés comme des « déséquilibrés » et leurs forfaits décrits comme des « actes isolés ». Il en est ainsi dans tous les pays à majorité musulmane, y compris la Turquie. Cela permet d’occulter les vraies responsabilités et d’enterrer les affaires. Le plus souvent, les criminels ne sont d’ailleurs pas condamnés.

Or, c’est justement ce que les coptes ne veulent plus accepter. Alors que leur tempérament les portait jusqu’ici à une certaine résignation et à trouver refuge dans la religion et la piété, ils osent maintenant défier le gouvernement, descendre dans la rue, crier leur colère et leur douleur, réclamer leurs droits de citoyens. Le président Moubarak a déclaré que « cet attentat visait le pays tout entier et non une communauté en particulier, alors, pourquoi n’a-t-il pas décrété un jour de deuil national ? », se sont demandé certains coptes. Ce sursaut a commencé voici environ une décennie. Les chrétiens veulent que l’État reconnaisse qu’il y a « un problème copte » et ouvre un débat public sur la question. Mais, d’un drame à l’autre, le pouvoir temporise et la situation demeure inchangée. Car, entre les massacres, qui se produisent à une cadence accrue depuis une trentaine d’années, les coptes vivent un calvaire quotidien. Et cela dure depuis la conquête arabo-islamique de l’Égypte au VIIe siècle, qui s’est accompagnée de l’instauration de la dhimma à laquelle sont soumis les « gens du Livre » (juifs et chrétiens), ressortissants d’États dont l’islam est la religion officielle. La « protection » (sens littéral du mot dhimma, devenu dhimmitude en français) qui leur est consentie repose sur un ordre « divin » qui prescrit l’humiliation des dhimmis (Coran 9, 29). Ils peuvent conserver leur religion mais doivent la pratiquer discrètement et accepter leur réduction au rang de citoyens de seconde catégorie, l’objectif étant de leur montrer leur infériorité par rapport aux « vrais croyants » que sont les musulmans. Sous la pression des puissances européennes, la dhimmitude a été formellement abolie au XIXe siècle par le sultan ottoman qui dominait alors le Levant arabe. Mais le principe sur lequel elle
repose reste ancré dans les mentalités et elle perdure souvent dans les faits selon des modalités variables, en fonction du degré d’islamisation des sociétés concernées.

Le virage de Nasser

Alors que l’horizon des coptes s’était éclairci sous le régime de Méhémet-Ali (1805-1849) et durant la lutte pour l’indépendance (1922) dans laquelle ils jouèrent un rôle important, les nuages ne cessent de s’accumuler sur eux depuis l’époque de Nasser (1954-1970) qui a favorisé l’identité arabo-islamique de l’Égypte. Sous la présidence de Sadate (1970-1981), leur situation s’est encore détériorée, le chef de l’État ayant donné des gages aux Frères musulmans, mouvement islamiste qui prône le « tout Islam ». C’est d’ailleurs Sadate qui a fait voter par le Parlement une révision de la Constitution. Toujours en vigueur, celle-ci énonce que « la charia est la principale source du droit » (art. 2), ce qui lèse les intérêts des non-musulmans, identifiables à leurs prénoms et à leurs papiers d’identité où la mention de la religion est obligatoire.

Depuis lors, les coptes sont assimilés à des étrangers. Pourtant, comme certains d’entre eux se plaisent à le rappeler, ce qui irrite bien des musulmans, l’Égypte, évangélisée par saint Marc au Ier siècle, était entièrement chrétienne avant de passer sous le joug de l’islam. Derrière leur patriarche Chenouda III, les coptes-orthodoxes sont, parmi les chrétiens du pays, les plus enclins à glorifier ce passé car ils s’identifient très fortement à la nation égyptienne, leur siège patriarcal, séparé du siège Pierre, étant à Alexandrie. Pour leur part, les coptes-catholiques, tout aussi patriotes bien sûr, ont en même temps le regard tourné vers Rome et l’universalité. Leur patriarche, Antonios Naguib, a été créé cardinal en novembre 2010, juste après le Synode sur le Moyen-Orient où il tenait le rôle de rapporteur général. Chez eux, la religion est moins mêlée de « politique » que chez les orthodoxes. Cette différence de traits entre les deux Églises explique que Chenouda n’ait pas applaudi les déclarations de Benoît XVI invitant les autorités égyptiennes à prendre leurs responsabilités pour assurer le respect et la sécurité des chrétiens, ses propres fidèles en l’occurrence, attitude qui peut aussi se comprendre par la prudence. Son sens viscéral de l’indépendance ne l’a tout de même pas poussé à s’aligner publiquement sur le grand imam Ahmed El Tayyeb, principal dignitaire musulman du pays, qui a rejeté « l’ingérence » du souverain pontife et rompu le dialogue institué depuis plusieurs années entre son académie d’El Azhar et le Vatican.

Concrètement, les coptes des deux Églises – 8 millions de personnes, soit 10 % de la population égyptienne, pourcentage que le pouvoir refuse d’avaliser – subissent de multiples discriminations qui touchent tous les domaines. Ainsi, ils se heurtent à des entraves à la liberté de culte, pourtant garantie par la Constitution (art. 46). Il leur est très difficile de bâtir de nouvelles églises ou même de procéder à des réparations, alors que l’obtention d’un permis de construire une mosquée est en général automatique. Leur participation aux affaires publiques (gouvernement, Parlement, administration) est extrêmement limitée. Certains postes hiérarchiques dans l’armée, la police, la justice ou l’université leur sont interdits. Les professeurs coptes n’ont pas le droit d’enseigner l’arabe, sous prétexte que les cours sont donnés à partir du Coran, « langue de Dieu ». Peu importe que leurs aïeux aient adopté cet idiome dès le Xe siècle. À l’école publique, les enfants chrétiens suivent les cours d’islam. Les manuels d’histoire occultent la période chrétienne, passant directement de l’ère pharaonique à l’arrivée de l’islam. Quant aux conscrits, coptes ou musulmans, ils reçoivent des livres religieux au contenu très anti-chrétien. Il faudrait aussi ajouter les enlèvements de jeunes filles coptes mariées de force à des
musulmans. On n’en finirait pas d’égrener le chapelet d’injustices qui frappent ces chrétiens.

Ouvrir les yeux ?

Le pire, c’est que les musulmans égyptiens, dans leur majorité, cultivant la bonne conscience, trouvent cette situation normale. Cette fois, cependant, il semble que, dans une partie de leurs rangs, on ait réalisé la gravité des malheurs qui frappent les coptes. Un nombre inhabituel de musulmans ont manifesté leur proximité avec leurs compatriotes, allant parfois jusqu’à exprimer leur honte, et l’on ne saurait mettre en doute leur sincérité. Certains ont pu aussi agir ainsi en considérant la dégradation de l’image de l’islam que ces violences entraînent en Occident. De ce point de vue, comme l’a dit un jésuite égyptien, « cet attentat est une tragédie pour les chrétiens et une catastrophe pour les musulmans ». Par ailleurs, quelques jours plus tard, la justice a rendu un verdict de condamnation à mort pour l’auteur de la fusillade qui fit six morts le 6 janvier 2010 parmi les fidèles sortant de la messe de Noël à Nag-Hammadi, en Haute-Égypte. Une première, destinée sans doute à calmer les coptes et à montrer au monde que le gouvernement agit désormais.

Mais la confiance n’est plus de mise chez beaucoup de coptes et leur mouvement de protestation ne va sûrement pas s’arrêter car, selon Mgr Youhanna Golta, évêque auxiliaire du patriarcat copte-catholique d’Alexandrie, « la nouveauté c’est que la nouvelle génération copte, à la différence de la mienne, n’accepte plus la haine et le mépris » (1).

(1) L’Homme nouveau du 15 janvier 2011.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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