L'affaire Carlton, une histoire de réseaux
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L'affaire Carlton, une histoire de réseaux
LILLE
L'affaire Carlton, une histoire de réseaux
Publié le dimanche 20 novembre 2011 à 06h00
sources de l'affaire du Carlton, il y a une bande de copains. Tous amateurs de libertinage, et tous - ou presque - membres de réseaux maçonniques.
--------------------------------------------------------------------------------
Cette appartenance serait une des explications de la solidarité qui les lie tous ensemble. Jusqu'à un certain point...
Que peuvent avoir en commun le patron d'une entreprise lensoise de matériel médical, celui d'une filiale d'Eiffage, les dirigeants d'un hôtel de luxe, des policiers ou encore un avocat réputé ?
Il y a un certain penchant pour le libertinage. Et pour la majorité d'entre eux, la fréquentation de cercles maçonniques, comme ceux de la rue Thiers à Lille. Depuis le début de l'affaire, l'ombre du Grand Orient de France (GOF) plane au-dessus du dossier. Non que l'obédience maçonnique soit en cause(1) : tous les protagonistes du dossier n'en font pas partie, et la plupart de ses membres sont certainement étrangers à l'affaire. Mais dans l'édification des liens, cette appartenance semble avoir été un élément décisif. « L'affaire se situe clairement dans un contexte de copinage, de réseau » , confie une source proche du dossier. Les personnages cités dans l'instruction se connaissent bien. Plusieurs d'entre eux - dont « Dodo la saumure » - s'étaient d'ailleurs réunis, à l'automne 2009, au mariage d'Emmanuel Riglaire, l'avocat mis en examen.
« De la picole et des femmes »
La connexion maçonnique expliquerait comment David Roquet et Fabrice Paszkowski, les deux entrepreneurs soupçonnés d'avoir financé les virées vers Dominique Strauss-Kahn, auxquelles a participé le commissaire Jean-Christophe Lagarde, ont pu connaître « Dodo » : par l'intermédiaire de René Kojfer, le chargé des relations publiques du Carlton. Elle explique aussi les liens étroits entre Kojfer et de nombreux policiers. « Il rendait service, mais il était aussi recruteur actif pour le Grand Orient. Il faisait toujours comprendre qu'on était le bienvenu », confie un policier lillois. Et l'argument pour recruter n'était pas toujours intellectuel. « Quand on m'a proposé d'adhérer, on ne m'a pas parlé de réflexion sur l'avenir de l'humanité, mais plutôt des fameuses agapes », précise un autre. « On m'a dit qu'il y aurait de la picole et des femmes. Et que ce serait un plus pour ma carrière. » Des « agapes » maçonniques qui ces dernières années, d'après un ancien « frère » de la rue Thiers, se transformaient souvent en parties fines, à Lille ou en Belgique (lire ci-contre) .
Au confluent de ces différents cercles, deux dignitaires maçonniques : René Kojfer et Éric Vanlerberghe. Dans les années 80, ils sont inséparables.
Vanlerberghe est alors chef des « moeurs » à la PJ. Grâce à Kojfer, il a fait fermer des bars à hôtesses en l'envoyant faire la « chèvre » (lire ci-contre).
Une tactique également employée par la Sûreté urbaine de Lille. Un ancien chef de la brigade de lutte contre le proxénétisme, aujourd'hui à la Sûreté départementale, est lui aussi un proche de Kojfer. Entendu par l'IGPN le 18 octobre, il est soupçonné d'avoir fermé les yeux sur certains de ses agissements. Et d'être sorti du cadre normal de la relation entre un flic et son indic. Là encore, ce policier est au GOF...
Une vente « dirigée » ?
Vanlerberghe, aujourd'hui détective et âgé de 64 ans, a fini de son côté par être poussé vers la sortie de la PJ, où ses méthodes étaient contestées. « Il était plutôt border-line, mais il est toujours passé entre les gouttes », souffle un ancien collègue.
Son appartenance maçonnique - il serait "conseiller de l'ordre", un grade élevé au GOF - l'y aurait aidé. Tout comme elle lui a permis de rebondir à la présidence de la puissante Mutuelle du ministère de l'Intérieur (MMI), un « fief » de maçons.
Or c'est la MMI, dont pour l'anecdote, l'antenne lilloise était jadis implantée rue Thiers, qui a vendu à Hervé Franchois et Francis Henrion - les deux dirigeants du Carlton mis en examen dans cette affaire - le Politel, devenu Hôtel des Tours. Le Politel était un hôtel d'abord réservé aux policiers de passage, puis étendu à d'autres fonctionnaires. Kojfer avait été inclus dans la direction de l'hôtel par Vanlerberghe, et nommé VRP pour le compte de la MMI. C'est un changement de législation qui a contraint la mutuelle à vendre l'hôtel. Me Pierre Soulier, l'avocat de Franchois, assure que cette vente n'a « pas été un arrangement entre amis ». Pourtant, une source interne à la MMI assure que « tout a été fait pour diriger la vente vers Franchois, en incluant dans le lot Kojfer, dont d'autres groupes hôteliers ne voulaient pas ». Une autre source affirme que « le prix de vente a été excessif par rapport à ce que pouvait rapporter l'hôtel ». Certains candidats à l'achat confient qu'ils ont été « surpris » de voir leur offre rejetée. « Mais on n'a pas su quelle était l'offre de M. Franchois » , précise l'un d'eux.
Conclue en 2004 et entérinée en 2009, la vente a permis à Kojfer de prendre les relations publiques du Carlton. Un poste qui l'aurait aidé à rabattre des clients vers les bars de « Dodo », et parfois de placer les fameux « dossiers » dans des chambres de l'hôtel. Avec la bénédiction et la protection de « frères » policiers.
Vanlerberghe a fini par trouver que son ami allait trop loin. A-t-il voulu préserver le GOF des nuages qui pointaient à l'horizon ? Ou se venger d'un Kojfer qui ne l'avait pas soutenu, quelques années plus tôt, quand il avait été visé par une procédure judiciaire ? Affirmant vouloir protéger son ami, il l'aurait « donné » à la PJ, à l'été 2010. Ouvrant la voie au scandale. Le réseau peut créer des solidarités, mais il n'est pas une assurance tous risques.
(1) Sollicité, le GOF de Lille n'a pas souhaité s'exprimer, précisant juste que les membres de l'obédience mis en examen dans cette affaire ont été « suspendus ».
BRUNO RENOUL
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L'affaire Carlton, une histoire de réseaux
Publié le dimanche 20 novembre 2011 à 06h00
sources de l'affaire du Carlton, il y a une bande de copains. Tous amateurs de libertinage, et tous - ou presque - membres de réseaux maçonniques.
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Cette appartenance serait une des explications de la solidarité qui les lie tous ensemble. Jusqu'à un certain point...
Que peuvent avoir en commun le patron d'une entreprise lensoise de matériel médical, celui d'une filiale d'Eiffage, les dirigeants d'un hôtel de luxe, des policiers ou encore un avocat réputé ?
Il y a un certain penchant pour le libertinage. Et pour la majorité d'entre eux, la fréquentation de cercles maçonniques, comme ceux de la rue Thiers à Lille. Depuis le début de l'affaire, l'ombre du Grand Orient de France (GOF) plane au-dessus du dossier. Non que l'obédience maçonnique soit en cause(1) : tous les protagonistes du dossier n'en font pas partie, et la plupart de ses membres sont certainement étrangers à l'affaire. Mais dans l'édification des liens, cette appartenance semble avoir été un élément décisif. « L'affaire se situe clairement dans un contexte de copinage, de réseau » , confie une source proche du dossier. Les personnages cités dans l'instruction se connaissent bien. Plusieurs d'entre eux - dont « Dodo la saumure » - s'étaient d'ailleurs réunis, à l'automne 2009, au mariage d'Emmanuel Riglaire, l'avocat mis en examen.
« De la picole et des femmes »
La connexion maçonnique expliquerait comment David Roquet et Fabrice Paszkowski, les deux entrepreneurs soupçonnés d'avoir financé les virées vers Dominique Strauss-Kahn, auxquelles a participé le commissaire Jean-Christophe Lagarde, ont pu connaître « Dodo » : par l'intermédiaire de René Kojfer, le chargé des relations publiques du Carlton. Elle explique aussi les liens étroits entre Kojfer et de nombreux policiers. « Il rendait service, mais il était aussi recruteur actif pour le Grand Orient. Il faisait toujours comprendre qu'on était le bienvenu », confie un policier lillois. Et l'argument pour recruter n'était pas toujours intellectuel. « Quand on m'a proposé d'adhérer, on ne m'a pas parlé de réflexion sur l'avenir de l'humanité, mais plutôt des fameuses agapes », précise un autre. « On m'a dit qu'il y aurait de la picole et des femmes. Et que ce serait un plus pour ma carrière. » Des « agapes » maçonniques qui ces dernières années, d'après un ancien « frère » de la rue Thiers, se transformaient souvent en parties fines, à Lille ou en Belgique (lire ci-contre) .
Au confluent de ces différents cercles, deux dignitaires maçonniques : René Kojfer et Éric Vanlerberghe. Dans les années 80, ils sont inséparables.
Vanlerberghe est alors chef des « moeurs » à la PJ. Grâce à Kojfer, il a fait fermer des bars à hôtesses en l'envoyant faire la « chèvre » (lire ci-contre).
Une tactique également employée par la Sûreté urbaine de Lille. Un ancien chef de la brigade de lutte contre le proxénétisme, aujourd'hui à la Sûreté départementale, est lui aussi un proche de Kojfer. Entendu par l'IGPN le 18 octobre, il est soupçonné d'avoir fermé les yeux sur certains de ses agissements. Et d'être sorti du cadre normal de la relation entre un flic et son indic. Là encore, ce policier est au GOF...
Une vente « dirigée » ?
Vanlerberghe, aujourd'hui détective et âgé de 64 ans, a fini de son côté par être poussé vers la sortie de la PJ, où ses méthodes étaient contestées. « Il était plutôt border-line, mais il est toujours passé entre les gouttes », souffle un ancien collègue.
Son appartenance maçonnique - il serait "conseiller de l'ordre", un grade élevé au GOF - l'y aurait aidé. Tout comme elle lui a permis de rebondir à la présidence de la puissante Mutuelle du ministère de l'Intérieur (MMI), un « fief » de maçons.
Or c'est la MMI, dont pour l'anecdote, l'antenne lilloise était jadis implantée rue Thiers, qui a vendu à Hervé Franchois et Francis Henrion - les deux dirigeants du Carlton mis en examen dans cette affaire - le Politel, devenu Hôtel des Tours. Le Politel était un hôtel d'abord réservé aux policiers de passage, puis étendu à d'autres fonctionnaires. Kojfer avait été inclus dans la direction de l'hôtel par Vanlerberghe, et nommé VRP pour le compte de la MMI. C'est un changement de législation qui a contraint la mutuelle à vendre l'hôtel. Me Pierre Soulier, l'avocat de Franchois, assure que cette vente n'a « pas été un arrangement entre amis ». Pourtant, une source interne à la MMI assure que « tout a été fait pour diriger la vente vers Franchois, en incluant dans le lot Kojfer, dont d'autres groupes hôteliers ne voulaient pas ». Une autre source affirme que « le prix de vente a été excessif par rapport à ce que pouvait rapporter l'hôtel ». Certains candidats à l'achat confient qu'ils ont été « surpris » de voir leur offre rejetée. « Mais on n'a pas su quelle était l'offre de M. Franchois » , précise l'un d'eux.
Conclue en 2004 et entérinée en 2009, la vente a permis à Kojfer de prendre les relations publiques du Carlton. Un poste qui l'aurait aidé à rabattre des clients vers les bars de « Dodo », et parfois de placer les fameux « dossiers » dans des chambres de l'hôtel. Avec la bénédiction et la protection de « frères » policiers.
Vanlerberghe a fini par trouver que son ami allait trop loin. A-t-il voulu préserver le GOF des nuages qui pointaient à l'horizon ? Ou se venger d'un Kojfer qui ne l'avait pas soutenu, quelques années plus tôt, quand il avait été visé par une procédure judiciaire ? Affirmant vouloir protéger son ami, il l'aurait « donné » à la PJ, à l'été 2010. Ouvrant la voie au scandale. Le réseau peut créer des solidarités, mais il n'est pas une assurance tous risques.
(1) Sollicité, le GOF de Lille n'a pas souhaité s'exprimer, précisant juste que les membres de l'obédience mis en examen dans cette affaire ont été « suspendus ».
BRUNO RENOUL
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MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: L'affaire Carlton, une histoire de réseaux
Je prie pour chacun d'eux, pour que Dieu leur apporte la Lumière Divine.
C.-J.- Date d'inscription : 23/10/2011
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