Sur la contre-Église
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Sur la contre-Église
Jean Ouesset sur la contre-église (extrait)
Le naturalisme en acte s’appelle Révolution, un terme qui — conformément à l’enseignement de l’école contre-révolutionnaire — ne se rapporte pas à un événement singulier mais à un processus pluriséculaire. « La Révolution est satanique[99] », soit en ce sens que le non serviam des anges rebelles est le type de toute Révolution — si bien que « la référence à Lucifer est indispensable[100] » — soit en ce sens que Satan, « le premier révolutionnaire[101] », poursuit son action dans l’histoire à travers une « contre-Eglise[102] ». Il ne s’agit pas de messes noires ni de phénomènes extraordinaires, mais de « [...] l’action très ordinaire et, pour tout dire, continue de l’Enfer au milieu de nous. Satanisme authentique, mais sans odeur de roussi ou apparitions de diables cornus[103]
Au naturalisme de la première catégorie correspondent les « troupes régulières[104] » de la Révolution : conventicules et « sectes[105]» qui se proposent explicitement la subversion de l’ordre naturel et chrétien. Il ne s’agit pas seulement de la franc-maçonnerie, dont cependant Pour qu’Il règne s’occupe longuement. Le vaste tableau que dépeint Ousset part des mouvements gnostiques contre lesquels durent lutter les Pères de l’Église et, avant eux, les apôtres ; il se poursuit avec les manichéens, les cathares, les Albigeois ; il n’oublie pas les influences de la qabbalah juive dans la formation de conventicules hétérodoxes qui, au XVIIe siècle, lèvent l’étendard des Rose-Croix ; il sonde les liens entre le mouvement qui tire son nom du mythe des Rose-Croix et la naissance de la franc-maçonnerie.
Il n’imagine pas non plus une seule grande main derrière tout le processus révolutionnaire : « Cependant il faut éviter de se faire une idée trop simpliste, qui finalement tourne au profit des sectes, sur une inexacte unité de leur entente et de leur action. Car, si la Contre-Église est une, elle est aussi multiple et terriblement divisée[106] ».
À ce sujet, Ousset aborde également le « problème difficile et douloureux[107]» de la présence de Juifs « à toutes les pages décisives de l’histoire révolutionnaire[108] ». Comme on l’a vu, dans l’histoire de la droite catholique et contre-révolutionnaire française — à commencer par ses rapports complexes et controversés avec Drumont —, la « question juive » est un point délicat, qui a exposé tel ou tel auteur à des accusations d’antisémitisme. D’une part Ousset réaffirme — en citant l’encyclique contre le national-socialisme Mit brennender Sorge, de 1937, du Pape Pie XI — la condamnation sans appel de tout antisémitisme à base raciale, « contraire aux desseins de la Providence et à l’enseignement constant de l’Eglise[109] ». D’autre part, il affirme ne pas pouvoir exclure de son inventaire des troupes régulières de la Révolution « l’aspect révolutionnaire de la puissance juive[110] » et « [...] les projets, froidement étalés par certains auteurs juifs, de détruire la religion catholique[111] ».
L’action de la Contre-Église dans l’histoire de l’Occident vise à détruire la réalisation imparfaite mais non imaginaire de la royauté sociale de Jésus-Christ qu’avait été la civilisation chrétienne du Moyen Age, et ce à travers trois étapes essentielles : la Réforme, la Révolution française et le laïcisme du XIXe siècle, qui comprend le socialisme et prépare le communisme. La reconstitution de ces étapes par Ousset suit — et systématise — un patrimoine commun de lecture de l’histoire qui s’était affirmé depuis longtemps au sein de l’école contre-révolutionnaire. L’un des points de référence d’Ousset — avec Mgr Delassus — est ici Mgr Gaume, utilisé aussi pour rappeler, chaque fois que l’auteur le juge nécessaire, qu’il ne faut jamais perdre de vue l’unité du processus révolutionnaire, même quand on examine ses innombrables tours et détours.
Dans Pour qu’Il règne Ousset cite de Mgr Gaume ce passage éloquent sur la Révolution : «Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu? elle vous dira : Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme […] ni l’émeute […] ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins, ni les fureurs de la Montagne [à savoir du courant de gauche au sein de la Convention Nationale en 1792], ni le combat des barricades, ni le pillage, ni l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni les noyades [à savoir les assassinats par noyade, toujours pendant la Révolution française, de prêtres chargés sur des barques qui étaient ensuite coulées]. Je ne suis ni Marat [Jean-Paul (1743-1793)], ni Robespierre [Ma¬ximilien (1758-1794)], ni Babeuf [Gracchus (1760-1797)], ni Mazzini [Giu¬sep¬pe (1805-1872)], ni Kossuth [Lajos (1802-1894)]. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement…[112] ».
Au naturalisme de la deuxième catégorie correspond la « cinquième colonne[113] » de la Révolution, c’est-à-dire le progressisme au sein de l’Église. À chaque phase de la Révolution correspond une phase spécifique du progressisme : à la Réforme, correspondent le jansénisme et le gallicanisme ; à la Révolution française, le catholicisme libéral ; au processus qui va depuis le laïcisme du XIXe siècle jusqu’au socialisme et au communisme, correspondent le modernisme — avec sa déclination sociale spécifique, le Sillon — et les compromis, en matière de doctrine et d’action, de théologiens et d’hommes d’Église face aux forces socialistes et communistes.
Au naturalisme de la troisième catégorie correspondent « nos propres abandons et complicités[114] » : la foi timide, le langage équivoque, le compromis qui se déguise en prudence, les collaborations ambiguës. Ici, Ousset aborde la question très délicate de la collaboration avec des non-croyants qui se déclarent respectueux de la cause de l’Église et parfois même aussi de celle de la Contre-Révolution.
Le naturalisme en acte s’appelle Révolution, un terme qui — conformément à l’enseignement de l’école contre-révolutionnaire — ne se rapporte pas à un événement singulier mais à un processus pluriséculaire. « La Révolution est satanique[99] », soit en ce sens que le non serviam des anges rebelles est le type de toute Révolution — si bien que « la référence à Lucifer est indispensable[100] » — soit en ce sens que Satan, « le premier révolutionnaire[101] », poursuit son action dans l’histoire à travers une « contre-Eglise[102] ». Il ne s’agit pas de messes noires ni de phénomènes extraordinaires, mais de « [...] l’action très ordinaire et, pour tout dire, continue de l’Enfer au milieu de nous. Satanisme authentique, mais sans odeur de roussi ou apparitions de diables cornus[103]
Au naturalisme de la première catégorie correspondent les « troupes régulières[104] » de la Révolution : conventicules et « sectes[105]» qui se proposent explicitement la subversion de l’ordre naturel et chrétien. Il ne s’agit pas seulement de la franc-maçonnerie, dont cependant Pour qu’Il règne s’occupe longuement. Le vaste tableau que dépeint Ousset part des mouvements gnostiques contre lesquels durent lutter les Pères de l’Église et, avant eux, les apôtres ; il se poursuit avec les manichéens, les cathares, les Albigeois ; il n’oublie pas les influences de la qabbalah juive dans la formation de conventicules hétérodoxes qui, au XVIIe siècle, lèvent l’étendard des Rose-Croix ; il sonde les liens entre le mouvement qui tire son nom du mythe des Rose-Croix et la naissance de la franc-maçonnerie.
Il n’imagine pas non plus une seule grande main derrière tout le processus révolutionnaire : « Cependant il faut éviter de se faire une idée trop simpliste, qui finalement tourne au profit des sectes, sur une inexacte unité de leur entente et de leur action. Car, si la Contre-Église est une, elle est aussi multiple et terriblement divisée[106] ».
À ce sujet, Ousset aborde également le « problème difficile et douloureux[107]» de la présence de Juifs « à toutes les pages décisives de l’histoire révolutionnaire[108] ». Comme on l’a vu, dans l’histoire de la droite catholique et contre-révolutionnaire française — à commencer par ses rapports complexes et controversés avec Drumont —, la « question juive » est un point délicat, qui a exposé tel ou tel auteur à des accusations d’antisémitisme. D’une part Ousset réaffirme — en citant l’encyclique contre le national-socialisme Mit brennender Sorge, de 1937, du Pape Pie XI — la condamnation sans appel de tout antisémitisme à base raciale, « contraire aux desseins de la Providence et à l’enseignement constant de l’Eglise[109] ». D’autre part, il affirme ne pas pouvoir exclure de son inventaire des troupes régulières de la Révolution « l’aspect révolutionnaire de la puissance juive[110] » et « [...] les projets, froidement étalés par certains auteurs juifs, de détruire la religion catholique[111] ».
L’action de la Contre-Église dans l’histoire de l’Occident vise à détruire la réalisation imparfaite mais non imaginaire de la royauté sociale de Jésus-Christ qu’avait été la civilisation chrétienne du Moyen Age, et ce à travers trois étapes essentielles : la Réforme, la Révolution française et le laïcisme du XIXe siècle, qui comprend le socialisme et prépare le communisme. La reconstitution de ces étapes par Ousset suit — et systématise — un patrimoine commun de lecture de l’histoire qui s’était affirmé depuis longtemps au sein de l’école contre-révolutionnaire. L’un des points de référence d’Ousset — avec Mgr Delassus — est ici Mgr Gaume, utilisé aussi pour rappeler, chaque fois que l’auteur le juge nécessaire, qu’il ne faut jamais perdre de vue l’unité du processus révolutionnaire, même quand on examine ses innombrables tours et détours.
Dans Pour qu’Il règne Ousset cite de Mgr Gaume ce passage éloquent sur la Révolution : «Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu? elle vous dira : Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme […] ni l’émeute […] ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins, ni les fureurs de la Montagne [à savoir du courant de gauche au sein de la Convention Nationale en 1792], ni le combat des barricades, ni le pillage, ni l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni les noyades [à savoir les assassinats par noyade, toujours pendant la Révolution française, de prêtres chargés sur des barques qui étaient ensuite coulées]. Je ne suis ni Marat [Jean-Paul (1743-1793)], ni Robespierre [Ma¬ximilien (1758-1794)], ni Babeuf [Gracchus (1760-1797)], ni Mazzini [Giu¬sep¬pe (1805-1872)], ni Kossuth [Lajos (1802-1894)]. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place (l’homme devenant à lui-même sa fin). Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement…[112] ».
Au naturalisme de la deuxième catégorie correspond la « cinquième colonne[113] » de la Révolution, c’est-à-dire le progressisme au sein de l’Église. À chaque phase de la Révolution correspond une phase spécifique du progressisme : à la Réforme, correspondent le jansénisme et le gallicanisme ; à la Révolution française, le catholicisme libéral ; au processus qui va depuis le laïcisme du XIXe siècle jusqu’au socialisme et au communisme, correspondent le modernisme — avec sa déclination sociale spécifique, le Sillon — et les compromis, en matière de doctrine et d’action, de théologiens et d’hommes d’Église face aux forces socialistes et communistes.
Au naturalisme de la troisième catégorie correspondent « nos propres abandons et complicités[114] » : la foi timide, le langage équivoque, le compromis qui se déguise en prudence, les collaborations ambiguës. Ici, Ousset aborde la question très délicate de la collaboration avec des non-croyants qui se déclarent respectueux de la cause de l’Église et parfois même aussi de celle de la Contre-Révolution.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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