La liberté religieuse des écoles catholiques en question
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La liberté religieuse des écoles catholiques en question
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Par Mme Jean Morse-Chevrier
Propos recueillis par Anita Bourdin
ROME, mercredi 21 mars 2012 (ZENIT.org) – Au Québec, des parents catholiques réclamant pour leurs enfants l’exemption d’un « Cours d'éthique et culture religieuse » ont été déboutés. C’est l’occasion de découvrir les enjeux d’une telle demande et de la réponse de la cour. L’association des parents catholiques du Québec (APCQ) présente ces enjeux, et l’enjeu principal : la liberté religieuse.
Zenit – Madame Jean Morse-Chevrier, êtes présidente provinciale de l'Association des parents catholiques du Québec: quels sont ses objectifs ?
M0me Jean Morse-Chevrier - Nous avons 8 objectifs principaux. Tout d’abord, coopérer avec les autorités responsables pour assurer l’excellence de l’enseignement et doter la province d’un système scolaire axé sur le primat de la personne humaine et sur son épanouissement dans toutes ses dimensions : physique et intellectuelle, morale et religieuse, professionnelle, civique et culturelle.
Mais aussi promouvoir l’éducation et la culture chrétiennes dans tous les milieux de vie de l’enfant et de la jeunesse, propager et appliquer les principes du droit naturel et de la doctrine de l’Église en matière d’éducation et de culture.
Pour ce qui concerne les parents nous cherchons à les amener à une prise de conscience plus intense de leurs responsabilités d’éducateurs, en les informant des problèmes d’éducation et en les invitant à participer à l’élaboration des solutions.
Nous avons une représentation auprès de l’Église, de l’État et des corps sociaux nationaux et internationaux.
Enfin, nous voudrions aider à former de véritables familles chrétiennes par une meilleure compréhension des problèmes conjugaux, familiaux, financiers, culturels et religieux.
Le combat pour la vraie liberté d'enseignement semble se faire plus difficile depuis quelques années au Canada? Pourquoi?
En ce qui concerne le Québec, il y a une volonté politique de déconfessionnaliser le système scolaire depuis 50 ans.
En 1997, le gouvernement du Québec a demandé au gouvernement fédéral d'abolir les protections constitutionnelles en faveur des commissions scolaires catholiques et protestantes pour le Québec.
Ainsi, depuis l'introduction de la « Charte canadienne pour les droits et libertés » plus de pouvoir est accordé au juridique. Les juges ne répondent pas à l'électorat et sont de tendance libérale pour la plupart.
Il y a aussi eu une option en faveur du multiculturalisme qui nuit aujourd'hui aux majorités chrétiennes.
En février, des parents de Drummondville qui réclamaient une exemption pour ses enfants du Cours d'éthique et culture religieuse (ECR) a exprimé sa déception après avoir été débouté par la Cour suprême. Qu’est-ce que les parents objectent au cours d’ECR?
Nous avons formulé dix objections principales. Primo, ce cours banalise la religion en plaçant toutes les religions, spiritualités, mouvements religieux et visions du monde sur un pied d’égalité.
Plus encore, il représente faussement la religion, en le présentant sans sa dimension transcendante. Par exemple dans les noms du divin on ne trouve pas le nom de Jésus.
Le cours ne permet pas non plus de comprendre chacune des religions, car aucune d’elle n’est présentée dans son entièreté. Chacune est présentée de façon partielle à travers un ensemble de thèmes où les contenus d’une religion sont juxtaposés aux contenus des autres religions. Par ex. on parle des célébrations et on met côte à côte, Noël, Sukkoth, Wesak, Divali, la Fête des mères etc. À la fin de ce cours, on peut prévoir que l’enfant ne connaîtra ni sa propre religion ni celle des autres et qu’il aura une très grande difficulté à démêler l’une de l’autre.
Il veut également initier l’enfant à l’ensemble des religions : il doit connaître les écrits sacrés, comme le Coran, les Vedas, le Tripitaka, la Bible, ainsi que les façons de prier et de méditer des différentes religions. En étant introduit aux pratiques et croyances des religions, il est susceptible de délaisser sa propre religion au profit d’une autre qui peut sembler attirante par sa nouveauté ou tout autre caractéristique.
J’insiste par ailleurs sur cette véritable invasion de la vie privée de la famille et de l’enfant qui est appelé à partager en groupe ses croyances et les pratiques religieuses de sa famille ou de sa communauté.
Ainsi, le cours interfère avec l’autorité parentale et la relation parent-enfant, car l’enfant est appelé à remettre en question les croyances et convictions qu’il a reçues de sa famille et de sa religion.
On regrette aussi que par là l’enfant n’apprenne pas ce qui est bien et mal mais plutôt que différentes personnes ont des façons différentes de voir les questions d’ordre moral et il est appelé à remettre en question les convictions qu’il a reçues de sa famille ou de sa religion.
On invite l’enfant à développer de l’autonomie face aux questions d’ordre moral alors que sa pensée n’est pas encore pleinement développée et qu’il n’a pas une expérience suffisante pour juger de l’impact de différentes positions sur des questions d’éthique.
On oppose tolérance à vérité ou identité. Mais en réalité, plus que la tolérance ou l’acceptation des personnes, ce cours encourage les jeunes à tolérer tous les points de vue, ce qui va à l’encontre de l’enseignement moral de bon nombre de religions. Ce ne sont pas toutes les positions qui sont acceptables sur des questions d’ordre moral ou religieux.
Enfin, ce cours identifie la « Charte des droits et libertés de la personne » comme point de référence pour les valeurs communes à développer. Il encourage l’enfant à adopter les valeurs communes publiques qui sont souvent beaucoup moins exigeantes au plan moral que les valeurs religieuses. Ceci a pour effet de priver le jeune de balises morales qui pourraient le soutenir pendant son développement.
Quels droits ont les écoles privées au Québec?
Ils doivent enseigner l’ECR, ainsi que ceux qui font l'école à la maison. L'école secondaire catholique Loyola de Montréal a gagné en cour supérieure à Montréal le droit de donner un cours équivalent mais selon une perspective catholique. La Cour d'appel entendra la cause le 8 mai 2012.
Quelle est la position du Vatican?
Lors du 15e Forum européen sur l'enseignement de la religion qui a eu lieu à Rome, en avril 2010, le préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique, le cardinal Zenon Grocholewski a rappelé l'importance de l'enseignement de la religion dans les écoles « comme un outil privilégié pour comprendre et accepter l’autre ».
Le préfet a mis en garde contre « un enseignement religieux qui se contente de présenter les différentes religions dans une perspective comparative qui peut causer de la confusion ou entraîner les élèves vers le relativisme et l'indifférence religieuse. » Etant donné l’environnement multi ethnique et multi religieux actuel, il estime « d’autant plus important d’avoir un enseignement confessionnel de haute qualité, capable de maintenir l'identité distincte de cet enseignement, de servir d’introduction aux élèves à la connaissance de la religion catholique et de créer ainsi les conditions nécessaires à la formation d’une identité bien ancrée seule capable de soutenir le dialogue avec les autres religions. »
Il a déploré le choix de « certains pays » qui, par leurs politiques ou lois scolaires, « cherchent à influencer le contenu de l'enseignement religieux et à réduire les droits des parents et des responsables religieux. »
En 2009, il avait déjà adressé une circulaire aux président des Conférences épiscopales sur l’enseignement de la religion dans l’école, dans laquelle il soulignait notamment que l’œuvre éducatrice repose sur les parents comme premiers responsables de l’éducation, ce qui implique le droit de choisir une école qui garantisse une éducation conforme aux propres principes religieux et moraux.
Et à propos de la liberté religieuse, il a des déclaration limpides : « La liberté religieuse est le fondement et la garantie de la présence de l’enseignement de la religion dans les écoles publiques. Une conception anthropologique ouverte à la dimension transcendantale en est la condition culturelle. Dans les écoles catholiques, l’enseignement de la religion est une caractéristique essentielle du projet éducatif et on ne peut y renoncer ».
Il apporte cette précision sur la différence avec la catéchèse : « L’enseignement de la religion est différent et complémentaire de la catéchèse, car il s’agit d’un enseignement scolaire, qui ne réclame pas une adhésion de foi, mais transmet des connaissances sur ce qu'est le christianisme et la vie chrétienne. En outre, il enrichit l’Eglise et toute l’humanité de laboratoires de culture et d’humanité ».
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