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Un livre qui va faire mal a Medjugorje

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Un livre qui va faire mal a Medjugorje Empty Un livre qui va faire mal a Medjugorje

Message par Francesco Dim 16 Mar 2008 - 1:01

Il est intéressant de noter que les livres -recherches approfondis sur Medjugorje ont toujours confirmé ce que les différents éveques du lieux et l'ensemble des éveques de Bosnie ont dit:Ces apparitions sont fausses,fabriqués et cachent beaucoup de laideur....En voila un 3e qui va aller dans le meme sens:
Les guerres de la Vierge ; une anthropologie des apparitions
Paris, Gallimard, 2003, 452 p.
Nicolas de Bremond d'Ars
Élisabeth Claverie publie dans cet ouvrage une enquête fouillée et passionnante sur les apparitions de la Vierge Marie à Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, et sur les mouvements de pèlerinages qui lui sont associés. C'est dire combien l'ouvrage permet d'interroger à la fois un objet – les apparitions récurrentes d'un personnage sacré, la Vierge – et une série d'objets qui lui sont consubstantiels : les voyants eux-mêmes, les pèlerins qui accréditent l'existence de l'objet, le contexte socio-historique en tant que condition de possibilité, et enfin la théologie propre à la Vierge en tant que condition de véridiction interne au groupe de pèlerins.

Ces apparitions ont commencé en juin 1981, se sont poursuivies pendant la guerre dans l'ancienne Yougoslavie, et durent encore à ce jour. Quelques adolescents d'un village de Bosnie-Herzégovine ont une apparition de la « Gospa », la Vierge, sur une colline proche. Cette portion de territoire est confiée depuis des siècles aux franciscains par l'évêque du lieu. La mobilisation provoquée par l'événement (récurrent) met en branle les habitants (certains y croient, d'autres pas), l'administration ecclésiastique dont les conflits internes s'exacerbent (l'évêque contre les franciscains de la province, ces derniers contre leur généralat), les autorités politiques communistes, qui voient resurgir les conflits nationalistes mis sous le boisseau par Tito (Croates contre Serbes, musulmans), et crée un vaste réseau international de dévotion constitué largement au-delà des problématiques théologiques et socio-historiques locales. La guerre de Yougoslavie intervient sans interrompre les pratiques pèlerines, et l'Église catholique maintient une position de retrait à l'égard de ce qui apparaît comme un plébiscite : en 2004, les apparitions ne sont toujours pas reconnues officiellement.

Le livre est construit en trois parties : épreuves dévotionnelles, épreuves d'apparition, épreuves [théologiques] : faire à Dieu une mère.

Dans le premier temps, les pèlerins constituent l'objet-construisant-l'objet : l'auteure souligne la puissance de l'objet « Vierge » dès lors qu'il est pris dans le discours des pèlerins. La Gospa des jeunes voyants devient « elle », sorte de nœud inquestionnable qui réorganise l'être croyant des pèlerins. La transformation des plaintes avec lesquelles arrivent les pèlerins est un effet dévotionnel qui est produit par une mise en sens des histoires personnelles : « Dans les descriptions qu'en font les pèlerins de façon récurrente [...], ce monde-ci, à la fois familier et impuissant à réagir, est vu comme celui des destins inexorables, des causalités fermées. C'est de ce monde-là que l'avion va bientôt les couper [...] Par l'emploi du terme “elle”, ils ouvrent une brèche dans ce bon sens » (p. 58). Un monde d'intermédiaires, parfois en concurrence, contribue à l'édification d'un système de preuves interne au groupe croyant. Il voit transiter des objets dévotionnels et des récits, permet aux croyants de parcourir un espace rituel (par les routines de déplacement) qui élabore une topographie sacrée. É. Claverie. choisit ici un parcours de participant qui rend compte de cette construction progressive.

L'histoire des apparitions et le contexte de leur émergence constituent alors le second moment de l'enquête. L'auteure s'attache particulièrement aux discours portés sur l'objet (discours des voyants, des ecclésiastiques) au cours de la mise en procès par les différentes autorités. L'histoire locale n'est pas négligée, qui fait la part des rancunes ancestrales entre villages, entre ethnies et religions. Nous apprenons que la topographie tient une place non négligeable – cimetières, charniers consécutifs à des massacres (bonne note sur les fantômes des massacres, p. 211 ss), etc. – et que la négociation/bras de fer entre l'Église et le Parti va conduire à déplacer le lieu de l'apparition : à la colline incontrôlable se substitue l'église paroissiale (p. 188-194), dans une violence symbolique et physique forte. Notons au passage que le géographique occupe une place essentielle dans l'ensemble de l'affaire, puisque le conflit entre les franciscains et l'évêque prend sa source dans l'organisation du territoire diocésain, partagé entre eux, et que Medjugorje est presque au centre des territoires contestés entre Croates, Serbes et Bosniaques musulmans, en zone frontière (carte p. 431). Au final, on peut affirmer que l'objet « apparition » s'est dédoublé en : apparition – voyants – histoire d'un pays. L'auteure a délibérément adopté un point de vue épistémologique, tant il est vrai que le mystère de l'objet devient le mystère de ceux qui le construisent. On ne s'étonnera donc pas du recours approfondi aux philosophies du langage, et d'une interrogation sur le statut du chercheur, soumis à une redoutable critique épistémologique. Dans la mesure où l'objet premier : « les apparitions », est par définition réservé à des voyants, il est inaccessible au chercheur comme au pèlerin. Mais le pèlerin « y croit », et donne donc un accès médiatisé au chercheur. La croyance en devient un objet second. Cependant, le chercheur ne peut manquer d'étudier la contradiction apportée par les autorités ecclésiales, qui refusent de valider l'objet premier – sans toutefois mettre en doute la qualité de l'objet second. Un effet d'autovalidation produite par l'effet dévotionnel intervient alors : une boucle est mise en place, validée par les autorités ecclésiales au nom de l'effet, et pas au nom de la cause.

D'où la troisième partie de l'enquête autour de la position ecclésiale. Comment s'est construit l'objet dévotionnel d'un point de vue théologique ? L'auteure livre ici le fruit de longues études auprès de spécialistes de la patristique, qui fera date pour ceux qui auront à faire aux apparitions nombreuses de la Vierge. Ce dossier solidement étayé de la théologie catholique devrait être utile pendant longtemps.

En finale, l'auteure s'interroge sur le statut scientifique du type de recherches anthropologiques menées : quel rapport le chercheur doit-il entretenir avec l'objet premier, inaccessible et pourtant constamment présent ? Doit-il se limiter au pèlerinage, l'objet second, au risque de manquer l'étude sur ce qui le met en branle ? Belles questions...

À la suite de cette lecture surgissent des interrogations, qui n'infirment pas la qualité du travail, mais pourraient peut-être faire l'objet de recherches complémentaires.

Première série de questionnements. Sur le statut du chercheur, on comprend bien l'impasse produite par les contradictions internes de ce type d'objet dévotionnel. L'étude de la théologie, donc des critères internes de validation, vise à dépasser l'impasse épistémologique démasquée par É. Claverie. Il serait possible de prolonger ce qui est ici largement amorcé : quel statut le chercheur en sciences sociales doit-il accorder à la théologie ? Trouver les critères internes pourrait s'accompagner d'un regard critique, portant notamment sur la pertinence sociale de la régulation théologique. Lors de l'élaboration des données théologiques, qui ont produit un corpus normatif, des enjeux sociaux et sociétaux étaient présents. Citons, par exemple, la régulation de la vie sociale par la figuration mariale de l'Institution : Vierge Marie et Église entretiennent, dans la pensée chrétienne, des rapports étroits, à la fois de distanciation (les perfections de la Vierge ne se retrouvent pas intégralement dans l'Église terrestre) et de proximité (comme la Vierge, l'Église est une Mère « chaste et pleine de pudeur »). Dans le cas de Medjugorje, on pourrait chercher en quoi la négociation pour que la Vierge « descende » dans l'église paroissiale est un parallèle de la négociation, plus diffuse, pour que l'Église change son rapport avec le Parti (p. 192). Ou encore : quel est le statut du curé dans sa dimension politique (p. 179) ? En poursuivant dans cette direction, il faudrait interroger la place de l'apparition dans la lutte que se livrent franciscains et Église diocésaine, avec en ligne de mire la recomposition de la place de l'Église face au politique et à l'économique. Pour le dire autrement : n'y a-t-il pas une fonction « kairotique » de l'apparition, qui serait de favoriser un déplacement décisif du religieux dans l'espace politique, et, par là, de produire une remise en jeu des acteurs sociaux dans une situation de blocage sociétal ? Auquel cas, les pèlerins ne seraient-ils pas l'acteur imprévu, pratique, concret, qui obligerait à cette recomposition en s'introduisant dans un jeu bloqué ?

Toujours à partir de la place délicate de la théologie, il me semble qu'on pourrait chercher à comprendre – mais cela dépasse largement l'objet du livre – les conflits internes à l'Église catholique à partir de cette production d'images nouvelles. Comme si une construction théologique majoritairement centrée sur la figure (masculine) du Christ était réinterrogée par une figure féminine. Cela a déjà été largement le cas par le passé, et la canonicité de la représentation est l'aboutissement de ces conflits : une vierge ne peut pas être représentée sans son fils (la statue de Lourdes a été refusée par sainte Bernadette – voir Documents authentiques – parce qu'elle ne portait pas d'enfant). Dans Les Guerres de la Vierge, nous avons une discussion sur la représentation : p. 110, elle a un enfant (un bébé ?) ; p. 115, elle n'a pas de pieds mais elle est entourée d'étoiles ; p.118, elle n'a pas d'enfant.

En troisième lieu, il apparaît qu'une partie de l'événement religieux peut être appréhendée dans son cousinage avec deux grandes pistes du religieux : le rapport à la sorcellerie et le rapport à l'ésotérisme. L'auteure montre clairement que la demande produisant le pèlerinage est liée à un rapport au mal. L'itinéraire valide (authentique), comprenant ces papiers de prière remis à un voyant, parfois brûlés pour, en quelque sorte, faire « sortir » le mal, ressemble à un itinéraire d'exorcisme. S'il est question de sortir du quotidien, il est aussi question d'éloigner le mal tel qu'il fait partie de l'expérience d'un monde clos. En ce cas, le pèlerinage s'apparenterait à une mise en musique ecclésialement crédible de la demande d'exorcisme.

Ce que viendrait confirmer la dimension ésotérique de l'affaire Medjugorje. Les voyants savent, ils « voient », mais une série de personnages, note l'auteure, ont aussi qualité pour déterminer ce qui est juste. Des intermédiaires – les initiés – « savent » ce qu'il convient de faire, connaissent des processus. On leur fait confiance, d'autant plus que le pèlerinage, non reconnu par l'Église, a besoin d'une procédure de validation. On pourrait se demander si le pèlerinage ne marche pas également parce que non reconnu : il permettrait de socialiser une demande d'ésotérisme, toujours repoussée offi-ciellement par l'Église catholique.

Au sortir du livre, on est habité par un petit frisson de perplexité, qui devrait ouvrir sur de nouvelles études : finalement, qu'est-ce que le divin ? Les Guerres de la Vierge est en tous points un livre majeur pour manifester les ambiguïtés du soupçon. Qu'Élisabeth Claverie en soit remerciée.

Pour citer cette recension
Nicolas de Bremond d'Ars, « Les guerres de la Vierge ; une anthropologie des apparitions », Archives de sciences sociales des religions, 130 (2005), [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2005. URL : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Consulté le 16 mars 2008.


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