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A PROPOS DU DIALOGUE "ISLAMO-CHRÉTIEN"

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A PROPOS DU DIALOGUE "ISLAMO-CHRÉTIEN"  Empty A PROPOS DU DIALOGUE "ISLAMO-CHRÉTIEN"

Message par MichelT Mar 17 Juil 2012 - 1:51

A PROPOS DU DIALOGUE "ISLAMO-CHRÉTIEN"


C. Bilek et F. Jourdan ISLAM ET CHRISTIANISME - Dialogue


Le père François Jourdan a aimablement accepté de répondre aux questions de Mohammed-Christophe Bilek, le fondateur du site Notre-Dame de Kabylie.
Ces questions portent sur l'état actuel du dialogue islamo-chrétien, et la situation des convertis au christianisme issus de l'islam.

Il est exceptionnel d'avoir le point de vue d'un spécialiste reconnu à la fois comme théologien, islamologue avec une expérience de l'enseignement universitaire, et une expérience du vécu dans plusieurs pays musulmans. Cerise sur le gâteau : le père François Jourdan ajoute une pratique du dialogue en tant que délégué du diocèse de Paris pour les relations avec l'islam (1998-2008).
Un tel cumul de compétences est en effet unique, surtout lorsque ces compétences sont mises au service de la vérité d'une situation, qui fait tant défaut au dialogue actuel.

Le père François Jourdan est prêtre eudiste, islamologue, docteur en théologie, en histoire des religions et en anthropologie religieuse. Il a enseigné la mystique islamique à l'Institut Pontifical d'Études Arabes et islamiques de Rome (1994-1998), et l'islamologie pendant 15 ans à l'Institut Catholique de Paris, et 10 ans à l'École Cathédrale. Il fut délégué du diocèse de Paris pour les relations avec l'islam (1998-2008).

Son livre "Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans : Des repères pour comprendre" (L'œuvre, 2008, préfacé par Rémi Brague) met en cause l'assertion "chrétiens et musulmans ont le même Dieu", devenu un dogme du dialogue islamo-chrétien actuel. Cet ouvrage a alors été l'objet de recensions très négatives (réactions de type idéologique, procès d'intention) dans "La Croix" du 7 février 2008 (page 13), sur le site du "Groupe de recherches islamo-chrétien" (GRIC), et dans la revue Islamochristiana (n° 34, Rome, 2008, p. 309-311).

Dans cette dernière revue le Père Blanc Etienne Renaud lui reproche en particulier l'absence d'un minimum de sympathie pour l'islam, en ajoutant qu'il faut reconnaître dans le Coran "la trace d'une expérience spirituelle très profonde faite par Mohammed".

A propos de François Jourdan, une note de l'article de Marie-Thérèse Urvoy dans Catholica (n° 106/janvier 2010) résume la situation en disant que "de comptes rendus désapprobateurs en critiques infâmantes, il finit par être expatrié aux Philippines, à 60 km de Manille". Il est depuis 2008 en mission eudiste aux Philippines, confrontées à l'islam asiatique.
François Jourdan est aussi l'auteur de "Le Messie en Croix, selon les premières églises face à l’islam" (Coll. "Studia Arabica", Vol. XIII, Éditions de Paris, Paris, 2010, 490 pages), ouvrage impressionnant par l'érudition des données réunies sur un sujet qui fait difficulté dans les échanges avec les musulmans. Un nouvel ouvrage paraîtra à l'automne 2011 : "La Bible face au Coran, les vrais fondements de l'islam" (Éditions de l'Oeuvre).

Les réponses du père François Jourdan aux questions de Moh-Christophe Bilek

Moh-Christophe Bilek : En tant qu’ex-musulman, ma surprise a été de taille dans les années 1970/1980 de constater le peu d’accueil réservé aux convertis par de nombreux catholiques, dont parfois des clercs. Et cela je l’ai d’abord vécu en Algérie, où je suis resté 5 ans après mon baptême. Comment expliquez-vous ceci ?

Père François Jourdan : Peut-être est-ce encore plus fort en pays d’islam qu’en France : c’est la peur due au manque islamique de liberté. Par exemple bien des convertis d’Égypte ont fait la même expérience de la porte fermée des Églises coptes orthodoxes, catholiques ou protestantes. Le converti persécuté attire la persécution, ou au moins la grave réprobation, sur ceux qui l’accueillent. L’intolérance du Coran (2,217; 3,86-91.106; 4,14.115.137; 16,106) et de la tradition sur le fait de quitter l’islam bloque et les musulmans et les non-musulmans. Il n’y a que le courage de la vérité qui puisse débloquer. « La vérité vous rendra libres » dit Jésus (Jn 8,32) et Gandhi appelait la non-violence ‘satyagraha’(en hindi) qui veut dire’ force de la vérité’. Et la vérité, plus qu’un concept si fort soit-il, c’est une personne venue du Cœur de Dieu : Jésus.
Ne pas se laisser prendre par la peur aidera tout le monde, et même les musulmans eux-mêmes, à se libérer pour être enfin disponibles à la Vérité.


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Moh-Christophe Bilek : Quelques années après, vers 1990, ayant travaillé à la traduction en kabyle des quatre évangiles, avec un père-blanc, pourtant expulsé de Kabylie en 1977, j’ai découvert le grand changement qui s’était produit parmi les prêtres et religieux en contact avec l’islam: ils étaient acquis à sa version «religion de paix et de tolérance». Est-ce de la naïveté, de l’aveuglement, ou la peur qui les empêchent de voir l’antichristianisme de bien des textes canoniques de l’Islam, et notamment l’interdiction de le quitter?

Père François Jourdan : Nous retrouvons la peur qui se masque par la naïveté plus ou moins consciente et rarement avouée. Si on veut conserver un lien durable avec les musulmans, pour calmer leur très grande susceptibilité qui les tenaille, on se croit obligé (par la pression) d’accepter de jouer leur jeu. Comme eux-mêmes vivent sous le régime de la peur, et ne peuvent se l’avouer à eux-mêmes, ils se masquent par exemple en mettant en avant le faux argument linguistique du mot ‘salâm’ (’paix’ en arabe) : certes il vient de la racine arabe ‘salama’ qui a donné aussi ‘islâm’ mais par la troisième forme du verbe laquelle a un autre sens que paix : soumission. Ainsi on fait croire, par une pirouette qui est une faute linguistique, qu’islam veut dire paix. C’est une bonne tactique pour masquer le piège de l’islam qui est en régime sévère de soumission à Dieu, et donc de manque grave de liberté pour lui-même et pour les autres. Musulmans et non-musulmans peu courageux s’installent alors dans l’affectif qui est le masque fondamental idéologique entretenu : il faut de ‘l’empathie’ ! Tous ceux qui donneraient l’impression d’attenter à cette empathie convenue sont forcément qualifiés d’antimusulmans. Le piège est bouclé. Tout le monde est prisonnier.
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Moh-Christophe Bilek : C’est dans ces années-là aussi que je découvre le courant appelé dialogue «islamo-chrétien», à tort selon moi parce qu’il est surtout catholique ; est-ce que je me trompe?

Père François Jourdan : Le mot ‘dialogue’ a été lancé par le pape Paul VI dans son encyclique ‘Ecclesiam suam’ (Août 1964). Et il est bon car pour les chrétiens Dieu Lui-même est dialogue dans la Trinité... Et Il l’est fortement avec les êtres humains dans le cadre génial de l’Alliance biblique, institution unique dans l’histoire des religions par la relation non fusionnelle ni dominatrice mais aimante avec Dieu. Dans cet esprit le Concile Vatican II a ouvert une attitude positive vers les non-chrétiens. C’est lui qui a pris l’initiative qui est magnifique au sortir du temps de la colonisation souvent marquée par le mépris et la domination, même s’il y a eu aussi un développement technique nouveau pour les colonisés. Avec son manque théologique de liberté qui l’a bloqué depuis tant de siècles, l’islam n’est pas du tout prêt au dialogue, mais il ne peut pas le dire. Alors on comprend que les musulmans s’en sorte en essayant de faire bonne figure. Ils ne peuvent décemment pas être contre, … de là à être pour… Ils n’en ont pas la liberté.
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Moh-Christophe Bilek : Venons en à sa naissance: quand et autour de qui s’est organisé ce dialogue islamo-chrétien? Plus précisément : dans quel contexte est né le SRI ?

Père François Jourdan : Le SRI est né de l’histoire française coloniale. Pendant la guerre d’Algérie de généreux groupes de soutien aux travailleurs migrants s’étaient mis en place dans l’Eglise de France. La Pastorale des Migrants peu à peu, notamment après la paix (1962), prit conscience que ces migrants avaient une religion : l’islam. Dans la foulée du Concile et de la création au Vatican du ‘Secrétariat pour les non-chrétiens’ qui deviendra le ‘Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux’ (CPDI), en 1974 la Conférence des Evêques de France créa le SRI, avec le rôle important de Mgr Huyghe, évêque d'Arras, engagé avec les migrants. Le premier responsable en fut le P. Michel Lelong, puis le P. Michel Serain, avec les P. Michel Reeber et Roger Michel, la Sr Jeanne Pernin, le P. Gilles Couvreur avec qui j’ai travaillé six ans, le P. Gwénolé Jeusset, le P. Jean-Marie Gaudeul et le P. Christophe Roucou aujourd’hui. Ce faisant l’Eglise de France était en avance sur l’ensemble des autres pays sur ce point.
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Moh-Christophe Bilek : Quelles sont les raisons qui ont conduit à ne pas adopter "Services des Relations avec les Musulmans" au lieu de l'actuel "Services des Relations avec l'islam"? En effet les relations avec une religion sûre de sa supériorité sont pleines de pièges, surtout avec le devoir de taqqiya en dar al Harb.

Père François Jourdan : C’est un fameux débat. Bien sûr aucune religion n’existe : il n’y a que des adeptes des religions ! Mais en fait, ces adeptes concrets n’en sont pas moins sur une même route qui les façonne, et en particulier dans les religions à règles comme l’islam, surtout s’ils manquent de liberté. Ils sont enserrés. C’est bien aussi l’islam que l’on rencontre en eux et qu’il faut faire bouger avec les modernisants qu’il a parfois dans ses communautés.
Doit-on choisir avec qui dialoguer ? L’expérience montre qu’avec des musulmans qui ne veulent même pas un dialogue diplomatique, la question ne se pose pas. Par contre les modernisants nous faciliteraient la tâche; mais ils sont mal vus de la majorité traditionnelle, et du coup les instances de dialogue, tout en les encensant, ne veut pas risquer de se couper de la majorité, et donc en réalité reste à distance. Donc relation avec les musulmans : cela dépend desquels.
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Moh-Christophe Bilek : La notion de "Dieu Commun" est récurrente dans le dialogue islamo-chrétien. Elle en est devenue le socle. On y associe les termes "religions du Livre", de "religions abrahamiques". On confond Îssa et Jésus, etc. Votre livre "Dieu des chrétiens. Dieu des musulmans" s'est exprimé clairement sur cette question, ce qui lui a valu des réactions peu sympathiques.

A quoi peut-on attribuer de telles erreurs? L'ignorance? L'aveuglement? Votre livre donne une explication en parlant d'ambiance affective et de bienveillance relativiste dans les relations avec l'islam. Page 184 il dit "une relation trop affective masque un refus du dialogue". Voyez-vous d'autres raisons à cette situation? Quel rôle a pu jouer Massignon dans l'orientation du dialogue actuel?

Père François Jourdan : Je crois que les mots ‘commun’ et ‘comme’ sont liés à l’affectivisme dont j’ai déjà parlé, qui est une réaction psychologique et une tactique par manque de courage et de liberté devant la peur. Car ce n’est jamais ‘comme’, même si ça paraît se ressembler parfois, comme en islam où tous les mêmes mots ont en réalité un autre sens, d’où la confusion générale qui règne dans nos rencontres.
De plus il faut renoncer à l’illusion affective qu’il serait nécessaire d’avoir obligatoirement des choses en commun pour dialoguer. Le dialogue n’est pas d’être ou de devenir d’accord, mais de se comprendre en vérité pour mieux vivre ensemble. Il nous faut donc bannir ces mots menteurs de ‘comme’ et de ‘commun’. C’est même faire honneur à l’autre que de tenir compte de son altérité qui apparaît le plus clairement dans nos différences.
On ne peut prétendre aimer l’autre, notre prochain, sans être vrai avec lui.
En fait nous avons peur de nos différences parce que nous sommes en retard de compréhension profonde théologique sur elles, et cela nous ne voulons pas le voir, et donc cela va durer et nous bloquer encore un bon moment.
Deux raisons majeures de ce retard de compréhension sont :
- la confusion fondamentale qu’est le Coran opaque, même en arabe, et donc la difficulté à comprendre l’islam; et que les islamologues ne sont pas théologiens, et les théologiens ne sont pas islamologues, et
- le fait que nous ne travaillons pas assez en interdisciplinarité (mot pourtant à la mode en université !).
Il y a donc une incompétence inconsciente des théologiens sur l’islam et une incompétence inconsciente des islamologues en théologie.
Beaucoup de confusions n’ont pas encore été vues, ou si elles sont vues on les cache par peur.
L’exemple de Louis Massignon est typique : Il n’était pas théologien et il n’a pas vu que l’Abrahamisme apparent du Coran est trompeur : comme le disait le P. Michel Hayek, l’islam est un adamisme, non un abrahamisme. Le prophétisme coranique commence en effet avec Adam et n’a rien d’historique mais au contraire il est mythique et donc d’une autre nature que le prophétisme biblique. Quand Massignon parlait du Coran comme d’une ‘version arabe de la Bible’, l’erreur est énorme. Massignon a aidé à un climat fraternel nouveau au temps même de la colonisation, ce qui fut courageux. Son apport dans la connaissance de la mystique islamique (soufisme) est important. Il a sûrement pour une part préparé l’engagement du Concile sur la voie du dialogue.
Aujourd’hui, beaucoup continuent à propager des erreurs doctrinales, pour plaire dans le dialogue diplomatique, comme le tronc commun des religions abrahamiques ou la création de l’homme à l’image de Dieu… Bien sûr qu’il n’y a qu’un seul Dieu, mais il n’est pas pour autant le même pour chaque monothéisme, et nous avons à nous respecter sur ce point. La preuve qu’on est dans l’idéologie, c’est lorsque nous acceptons, chrétiens et musulmans ensemble, de nier cela pour se croire plus proches l’un de l’autre. Il y a ici un irrespect convenu et affectionné par les deux parties, et on appelle cela du dialogue, et on fait la leçon aux autres ! C’est indéfendable.
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Moh-Christophe Bilek : Quand un prêtre propose à ses paroissiens de participer à la construction d'une mosquée comme exercice de carême (alors que les chrétiens persécutés ont besoin d'une aide urgente), quand une revue d'un monastère du Sud-ouest dit: "l'Islam est une religion de cohabitation avec toutes les religions et toutes les ethnies, comme elle l'a prouvé maintes fois depuis la venue du prophète", et fait une vibrante apologie de l'islam, s'agit-il seulement de naïveté?

Père François Jourdan : C’est un parti pris très clair d’occulter une part massive de la vérité concernant l’attitude coranique de Dieu qui est dominateur, comme le dit maintenant courageusement Abdennour Bidar en France. A son image, l’islam se doit d’être dominateur, comme le dit le Coran lui-même (48,28). Ce parti pris est la conséquence de la peur et du manque fondamental de liberté dont j’ai parlé et qui font partie de la trame de base en islam. Ce parti pris peut aussi donner une gratification à bon compte de pouvoir se dire : au moins moi je suis ouvert à l’autre ; je ne suis pas comme ces antimusulmans qui manquent d’empathie. Je crois aussi qu’il y a un problème de lucidité interculturelle : la mentalité française aime la clarté, et donc a tendance à prendre au premier degré les propos qu’elle entend, notamment des musulmans. Elle se laisse impressionner facilement par la sincérité des propos.
En fait nous n’avons pas la même compréhension ni de la vérité ni du statut de la parole.
Le petit français se laisse prendre comme un bleu.
Il n’est pas prêt à l’interculturel. Sans parler de l’opportunisme coranique (47,35) qui imprègne la mentalité islamique : quand on n’a pas le pouvoir, temporisons ; mais quand on l’aura on ne se gênera pas. « Sois dur » précise le Coran (9,73.123). Les enfants de famille musulmane le répètent parfois dans nos écoles. Malek Chebel ne se prive pas de dire publiquement, comme Qadhdhâfî, que dans quelques années l’islam sera majoritaire en France.
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Moh-Christophe Bilek : Parlant de Mahomet, Saint Thomas d'Aquin dans "La Somme Contre les Gentils" (chapitre 6 du Livre Premier, Deo de Deo) conclue ainsi: "C'est donc chose évidente que ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère". Le rappel de ceci à certains thomistes, qui défendent le dialogue actuel, leur fait dire qu'il faut lire ces textes avec « un minimum de sens historique ». On peut voir là une difficulté: soit ce que dit le Docteur Angélique est contestable, soit ce qu'il dit est exact, et indépendant du contexte historique. Qu'en pensez-vous?

Père François Jourdan : Ce n’est parce que c’était le temps des croisades que St Thomas d’Aquin a dit cela. Invalider ses propos par ce contexte me paraît très largement abusif et tendancieux. Car il argumente sur le fond de la facilité attractive de sa doctrine, notamment par la non-sainteté du fondateur (prophète armé, harem sans limite…) et par la contradiction avec la Révélation biblique qu’il rejette et déforme, interdisant la liberté d’accès à la Bible.
Pour moi, Thomas d’Aquin confirme ce que je disais sur le manque grave de liberté, lié à une vision dominatrice de Dieu : c’est effectivement croire à la légère, car sans liberté profonde. Et je me garde bien de juger les musulmans contraints d’agir ainsi, ni de déclarer que l’islam n’est pas une religion parmi les religions du monde. On me rétorquera que du temps de la Chrétienté et des sociétés traditionnelles la liberté n’était que bien limitée par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui en Occident.
Et en effet j’accepte le contexte d’aujourd’hui comme différent. Mais cela n’occulte pas les bases de liberté demandées par Jésus dans la relation d’amour qu’il mène à son accomplissement.
Les conversions dans les premiers temps de l’Église sous l’empire romain païen étaient à l’évidence dans la liberté intérieure personnelle. Aucun thomiste ne pourrait nier pareille chose. Et les thomistes n’ont pas le monopole du dialogue : nous y sommes même tous appelés du fait que, dans notre foi chrétienne, Dieu est dialogue.
La maladie actuelle du dialogue, et le fait que le dialogue ne soit pas facile, ne nous autorisent pas à y renoncer. Il reste un devoir théologiquement fondé par notre vocation chrétienne et notre vision de Dieu.

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Moh-Christophe Bilek : La question précédente est liée à celle du développement d'une "théologie chrétienne du pluralisme religieux ", que l'on peut appeler "théologie islamo-chrétienne".

Dans les écrits des théologiens de cette mouvance on trouve des déclarations surprenantes telles que :

- "La trace d'une expérience spirituelle très profonde faite par Mohammed",
- "L'autorévélation divine du prophète Mohammed",
- "Nécessité de "reconnaître la parité des Révélations, "
- "La parole divine étant essentiellement une, elle revêt des formes différentes dans le Christianisme avec Jésus-Christ",
- "Verbe divin, et dans l'Islam avec le Coran, Parole divine". …
- "L'Islam est une Révélation originale, qui continue la Révélation primordiale de Dieu à l'humanité, sous une forme parfaitement adaptée aux conditions cycliques présentes…",
- "Dès lors que l'islam est considéré comme venant de Dieu, rien ne s'oppose à ce qu'un chrétien le mêle à son expérience spirituelle.",
- "Je suis sûr que le Christ du Coran a quelque chose à voir avec celui de notre foi".

En parallèle, s'amorce une véritable liturgie islamo-chrétienne pour les rencontres islamo-chrétiennes (NDK en a donné des exemples). Afin de contrer de telles dérives, les théologiens spécialistes reconnus de l'islam ont-ils actuellement une chance de se faire entendre dans le contexte de cette évolution (tolérée officiellement) d'un secteur de la théologie?

Père François Jourdan : L’expression "trace d’une expérience spirituelle profonde" ne me gêne pas. « Spirituel » est large et peut englober bien des choses différentes, de même "expérience ", mot qu’on affectionne en Asie. Peut-être le mot ‘profonde’ est-il excessif et veut-il en réalité dire ‘ intense’ pour lui.
Dans l’histoire, bien des non-chrétiens ont leur recherche de Dieu qui est respectable même s’ils peuvent se tromper.
Il faut distinguer le chemin qu’ils font qui peut être trop humain et encore loin de la sainteté, et la recherche qui peut être vraie et profonde : la subjectivité de la personne, et le chemin objectif qu’elle a découvert et que l’on peut librement désapprouver.
Par contre les autres expressions que vous citez sont des exemples de ces erreurs théologiques dont j’ai déjà parlé et que l’on propage en affaiblissant la foi des chrétiens. ‘Autorévélation divine de Muhammad’ me paraît gravement inconcevable. Peut-être veut-on dire que Muhammad prétendait révéler Dieu ? Mais justement en islam Dieu ne Se révèle pas sur Son Mystère (Ghayb) : aux yeux même des musulmans et du Coran, même le Jésus coranique (‘Îsâ) et Muhammad (6,50; 7,188; 10,20; 11,31) ont reconnu qu’ils ne connaissaient pas le Mystère de Dieu (27,65). « Je ne sais pas ce qu’il y a en Toi » dit le prophète musulman ‘Îsâ à Dieu (5,116). Sur le fond, le ‘Îsâ du Coran n’a que très peu à voir avec Jésus (Jn14-17).
Les autres propos portent sur l’identité plus ou moins forte (parité, unité, continuité, primordialité, venant de Dieu) de la doctrine coranique avec la révélation biblique accomplie en Jésus. Ce sont des erreurs théologiques caractérisées qui dénotent une inconscience remarquable de la foi chrétienne, notamment du Dieu biblique Sauveur et de son Alliance biblique qui sont royalement ignorés par la foi islamique que je respecte dans ce qu’elle se veut être et que l’on n’a pas le droit de déformer pour faire du dialogue. Le dialogue en est affreusement dégradé. Ces erreurs sont non argumentées mais exigées d’un simple point de vue psycho-affectif comme la parité pour dialoguer, ce qui est un déni du plan doctrinal révélé et de la rationalité humaine.
Parité des personnes dans le dialogue, oui car nul n’est supérieur à l’autre ; mais parité doctrinale, c’est brader sa foi et ses convictions. Dans les autres cas c’est avaliser tout simplement la doctrine coranique et même y faire entrer le christianisme (‘primordial’ ! ce qui est de la gnose mythique qui nie l’histoire à la manière de René Guénon et Édouard Chouré). Le musulman sera ravi, jusqu’au jour où il faudra bien que l’Église prenne enfin son courage à deux mains et finisse par se démarquer en officialisant ce qui apparaitra comme une marche arrière qui déplaira fortement à tout ce monde irresponsable autant chrétien que musulman.
On a ici les preuves théologiques objectives et avérées du jeu relationnel piégé, installé par la dérive affective issue de la peur sous-jacente inavouée.
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Moh-Christophe Bilek : Au dernier Synode des évêques du Moyen Orient, Mgr Antoine Beylouni, archevêque libanais d’Antioche a dit: "Le Coran inculque au Musulman la fierté d’avoir la seule religion vraie et complète… C’est pourquoi il vient au dialogue avec cette supériorité et avec l’assurance d’être victorieux. … Le Coran permet au musulman de cacher la vérité au chrétien et de parler et agir contrairement à ce qu'il pense et croit". Cette intervention de Mgr Antoine Beylouni a été censurée.
Le 22 octobre une version expurgée pour la presse avait été diffusée par le site de l’Osservatore Romano avec de nombreuses coupures. L'intégralité est reproduite sur un site libanais [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
De bonnes relations avec les musulmans en Europe, nécessitent-elles de cacher certains témoignages, avec en vue la prééminence de la "paix sociale" sur tout autre considération?

Père François Jourdan : C’est la tentation vécue dans ce j’appelle ‘le bal masqué’ : le musulman mène le bal car il a peur devant la liberté et les remises en cause radicales qui vont lui arriver. Pour se protéger il porte un masque comme l’islam religion de paix, ou nous avons le même Dieu, ou le tronc commun abrahamique... Sa susceptibilité doit être ménagée si l’on veut se donner l’impression gratifiante d’un semblant de dialogue. Le chrétien va alors le suivre, consciemment ou non, en portant lui aussi ce masque convenu pour jouer ce jeu diplomatique religieusement correct. Moyennant quoi le dialogue est faux et bloqué. Sans liberté ni vérité pas de dialogue vrai. C’est la maladie du dialogue.
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Moh-Christophe Bilek : Dans un article de la revue Catholica, l'islamologue Marie-Thérèse Urvoy fait une remarque de bon sens: "on n’est jamais seul à dialoguer et la question est de savoir si les partenaires des chrétiens ont, du dialogue, la même conception qu’eux".
En France, les interlocuteurs chrétiens du dialogue actuel semblent ignorer que les partenaires musulmans n'ont pas la même conception du dialogue. Est-ce exact, ou pour des raisons de bonnes relations il vaut mieux ne pas en tenir compte? Ou "une relation trop affective" masque-t-elle un refus d'un dialogue dans la vérité?


Père François Jourdan : Ils ne peuvent pas avoir la même idée du dialogue car ils n’en sont pas là : le manque de liberté les brident sans qu’ils puissent se l’avouer. La vérité leur est soustraite d’avance. Ils essaient de sauver les apparences de bonne foi et de faire bonne figure tant que cela sera possible, mais sans entrer vraiment dans le dialogue qui suppose liberté, vérité et courage.

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Moh-Christophe Bilek : Dans son intervention au dernier Synode des évêques du Moyen Orient, après avoir parlé des problèmes posés par certains versets du Coran, Mgr Antoine Beylouni ajoute: "Faut-il supprimer le dialogue ?" Non, certainement pas. Mais il faut choisir les thèmes abordables et des interlocuteurs chrétiens capables et bien formés, courageux et pieux, sages et prudents ... qui disent la vérité avec clarté et conviction…".
Cette prudence rejoint la position de Benoît XVI relative au dialogue avec les musulmans. Dans le dialogue actuel les thèmes choisis sont-ils judicieux ? Les interlocuteurs catholiques vous semblent-ils capables, bien formés, courageux et pieux, sages et prudents ?


Père François Jourdan : Dans son encyclique Ecclesiam suam, Paul VI mettait en première qualité indispensable au dialogue : la clarté.
On peut dire que, depuis environ 1980, on s’est installé délibérément en défaut sur ce point. Je renvoie à ce que je disais sur la confusion coranique de base, accentuée par le retard d’analyse théologique sur l’islam par manque de travail interdisciplinaire. Ce n’est pas à l’honneur de notre intelligentsia autant catholique que d’Etat de s’être ainsi installée dans ce travers qui empêche de travailler sérieusement. D’où la grave méprise : les théologiens n’ont pas encore vraiment repéré la cohérence profonde de l’islam en la croyant encore abrahamique, et même biblique. Les islamologues en général, ne dominant pas la cohérence chrétienne, n’en mesurent pas les enjeux. On qualifie d’islamologues beaucoup de sociologues de l’islam qui refusent le terrain doctrinal, pourtant identité foncière de chacun si utile pour se comprendre, la traitant dédaigneusement d’essentialisme. On n’est pas prêt au dialogue. On joue un jeu.

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Moh-Christophe Bilek : Dans l'article "Shahbaz Bhatti, martyr, héroïque témoin de la foi. Son testament spirituel" Notre-Dame de Kabylie donne l'une des raisons de l'apparente indifférence des partenaires chrétiens du dialogue devant la montée vertigineuse des persécutions antichrétiennes : "Personne ne sera surpris de constater que ce dialogue ait été entaché, dés le début et jusqu’à ce jour, des relents de culpabilité « colonialiste » et du désir de « repentance ». Nonobstant les textes islamiques liberticides et, surtout, antichrétiens.

Mais les dialoguistes européens tout à l’émotion de leurs retrouvailles avec des musulmans ne pouvaient voir leur dérive, d’autant plus que leurs interlocuteurs, pratiquant la taqqya (dissimulation légale en situation de minorité) veillaient à les éloigner des versets violents du Coran, et qu’ils n’auraient pas permis que les chrétiens d’Orient fussent associés à ce dialogue à huis clos.
Il en résulte de leur part une apparente indifférence pour la montée vertigineuse des persécutions antichrétiennes, persécutions justifiées par ces versets". Est-ce une bonne explication? Ne s'agit-il pas aussi d'éviter de contribuer à la stigmatisation de l'islam? De ménager la "paix sociale"? Ou autre raison ?

Père François Jourdan : La culpabilité colonialiste est réelle : c’est le complexe d’ancien colonisateur. Et aussi on a peur de perdre le peu d’acquis des rencontres, et de retomber dans les longues querelles stériles du passé (très liées au contexte politique).
Mais il y a aussi le fait que du côté musulman on ne balaie pas devant sa porte et du coup on ne peut plus sortir de ses fermetures séculaires. La stigmatisation de l’islam est une honte qui pousse à la victimisation, un sentiment islamique très fort qui fait pression sur les non-musulmans pour les apitoyer, lesquels se mettent alors à se taire devant les persécutions concernant les chrétiens.
Surtout pas de critiques sur l’islam qu’il faut ménager !
Ce faisant on conforte l’immobilisme de l’islam au lieu de soutenir les modernisants de l’islam ou les musulmans qui réclament en ce moment la liberté dans nombre de pays islamiques, ce qui est très nouveau. La propension d’une partie de l’opinion française à se taire sur les chrétiens persécutés et à se complaire dans la critique de l’Église, tout en se complaisant à soutenir l’islam en criant à ‘l’islamophobie’ dès que possible est très typique. On a eu aussi cela avec la question de la burqa où des gens ouverts, pour plaire à l’islam, se sont mis à soutenir la position la plus fermée sur la condition de ces femmes. Cette contradiction est très frappante. Cela rejoint en partie l’intelligentsia qui criait à ‘l’anticommunisme primaire’ autrefois. Les psychologues devraient nous aider à décrypter ces pièges récurrents.
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Moh-Christophe Bilek : Dans un article "L’invention de l’«islamophobie»" (Libération), Pascal Bruckner dit que ce terme, calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme. Ce terme "remplit plusieurs fonctions : nier pour mieux la légitimer la réalité d’une offensive intégriste en Europe, attaquer la laïcité en l’assimilant à un nouveau fondamentalisme. Mais surtout faire taire les musulmans qui osent remettre le Coran en cause, en appellent à l’égalité entre les sexes, au droit à l’apostasie et aspirent à pratiquer paisiblement leur foi sans subir le diktat de doctrinaires ou de barbus". Voyez-vous d'autres fonctions pour ce terme ? Son utilisation dans l'Église, où "islamophobie" = "stigmatisation des musulmans"?

Père François Jourdan : Il y a aussi la gratification à bon compte de se présenter comme défenseur de l’opprimé. Que ce soit dans une grave inconscience et ignorance profonde ne les gêne pas, car c’est idéologique et psychologique pour se rassurer d’abord.
Mais derrière, se cache encore l’inavoué de la peur que provoque l’islam et ses menaces déjà en masse dans le Coran (17,59-60; 20,113…) pour qui veut bien faire le gros effort de le lire. Pour conjurer cette peur et s’en préserver comme l’autruche cachant sa tête pour ne pas voir, c’est la fuite en avant en se mettant du côté de celui fait peur. Autrement dit c’est la démission totale de soi-même.

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Moh-Christophe Bilek : Un article du site de "La Croix" a pour titre "Les craintes d’une stigmatisation des musulmans s’accroissent". Un autre article est intitulé "Les victimes de l’islamisme, phénomènes de librairie", où le journal regrette l'intérêt pour les livres traitant de la persécution des chrétiens en écrivant: "Manifestement, aucun des éditeurs de ces ouvrages n’a le sentiment de contribuer à cette «stigmatisation» de l’islam dont se plaignent de nombreux musulmans".

Un auteur est plus particulièrement visé, Joseph Fadelle. Avec de tels articles une question vient naturellement à l'esprit : l'inattendue réserve des médias catholiques français concernant l'accroissement vertigineux des persécutions antichrétiennes dans beaucoup de pays musulmans, n'a-t-elle pas pour origine cette crainte "d’une stigmatisation des musulmans", cette réserve allant dans le sens d'une nécessaire "paix sociale" à préserver ?

Père François Jourdan : Cela rejoint la tactique de la victimisation pour se faire plaindre et se protéger. Le blocage coranique empêche l’autocritique en islam. Dieu est triomphaliste et par conséquent le Coran et l’islam aussi.
La liberté critique est bloquée.
Les bons esprits non-musulmans qui se croient ouverts vont alors vouloir organiser des exceptions rien que pour l’islam, alors que la culture française moderne est porteuse d’une liberté critique qui ne peut accepter de telles exceptions.
Cette liberté, à condition qu’elle soit faite dans un bon esprit, est d’ailleurs un puissant aiguillon ou dynamisme de réforme permanente dont nous avons tous besoin pour nous adapter. Empêcher la critique de l’islam c’est renoncer à notre culture et à l’exercice de la raison moderne, c’est maintenir l’enfermement de l’islam. Ce n’est pas un signe d’ouverture.

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Moh-Christophe Bilek : Le porte-parole du collectif "Banlieues Respect", Hassan Ben M’Barek, demande "la mise à disposition des églises vides pour la prière du vendredi" pour "éviter que les musulmans ne prient dans la rue". Dans l'hypothèse d'une acceptation, ces églises deviennent "terre d'islam". Une décision de retour au culte catholique, peut-elle être acceptée sans soulever des difficultés avec la communauté musulmane ?

Père François Jourdan : C’est un faux prétexte car en Arabie saoudite où il y a tout ce qu’il faut comme mosquées, il y a toujours des musulmans à faire leurs prières dehors dans la rue contre une roue de voiture en stationnement ou sous un pont…
Par contre l’esprit de conquête, très présent depuis les tout débuts de l’islam et dans le Coran, ne demanderait pas mieux de squatter les édifices des autres religions sans cesser d’occuper les rues pour autant.
Après une série de déconvenues, le Vatican lui-même depuis 1980 déconseille ce genre de proposition sympathique en apparence. Une certaine distance institutionnelle est nécessaire si l’on veut éviter les conflits ultérieurs.

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Moh-Christophe Bilek : Devant la perspective d'une France et Europe à une majorité musulmane à moyen terme, ne peut-on pas expliquer, en partie, le dialogue actuel comme visant à préparer (consciemment ou non), avec les associations religieuses majoritaires chez les musulmans européens, une transition culturelle, religieuse et politique, sans trop de heurts et de violence, ceci probablement dans le but d'obtenir pour les chrétiens un statut un peu plus favorable que celui de simples dhimmis ? Ceci expliquerait ainsi l'abandon de toute tentative d'évangélisation, qui compromettrait cette démarche. Quel degré de crédibilité peut-on donner à une telle hypothèse ?

Père François Jourdan : Je ne crois pas à cette hypothèse tablant si tôt sur le futur. Ce futur n’est pas du tout sûr comme les sirènes de pas mal de musulmans veulent essayer de l’accréditer pour se donner du courage et rêver une fois de plus. Le travail culturel de la liberté va changer la donne non seulement en France mais en pays islamique. Et je ne crois pas que les lâches prêts à brader aient un calcul sur l’avenir. Je crois plutôt qu’ils sont absorbés par le présent immédiat qu’ils ne comprennent pas.

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Moh-Christophe Bilek. Est-ce que je suis à côté de la plaque, ou bien ai-je raison de trouver qu’il est scandaleux de ne pas s’occuper, en priorité, des ex-musulmans malmenés et persécutés déjà par leur communauté d’origine, et qui, cerise sur le gâteau, doivent affronter l’indifférence ou le rejet de leur communauté chrétienne censée les accueillir ?

Père François Jourdan : Oui. Mais on doit savoir que cela peut risquer de renforcer un peu un conflit plus large entre chrétiens et musulmans ou quelques représailles. Le risque peut être estimé important à courir car, dans son opportunisme, l’islam souvent s’arrête devant la force. La force non-violente de la vérité peut faire cela. C’est assez nouveau dans la mentalité ecclésiale. Mais comme toute création il faut tâtonner et être tenace.

________________________________________Moh-Christophe Bilek : Des musulmans avaient sans doute besoin d’être aidés il y a 30 ans, lorsque les organisations islamiques n’existaient pas encore, comme le CFCM; mais aujourd’hui celles et ceux qui ont besoin d’aide sont les personnes qui deviennent chrétiennes à leur risque et péril, ne le croyez-vous pas ?

Père François Jourdan : C’est tout-à-fait légitime, et je trouve d’un grand intérêt que l’on parle de cela. Peut-être vivons-nous une Église un peu vieillie et en repli, qui n’ose pas, paralysée par le passé colonial et la peur inavouée de l’islam qui joue sur les deux tableaux : religion de paix, et créer l’effroi chez les autres comme le Coran l’indique (cf. 7, 94: "Nous avons envoyé dans une cité aucun Prophète sans frapper la population de calamité et de malheur, [espérant que] peut-être ils s'humilieraient").

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Moh-Christophe Bilek : Pensez-vous qu’actuellement une proposition de création, dans le cadre de la CEF, d’une structure d’accueil des ex-musulmans devenus catholiques, montrant ainsi ouvertement que l’Église les considère comme ses enfants, ait des chances d'être prise en considération?

Père François Jourdan : Je ne sais pas si c’est cette formule qui convient ou tout simplement un mouvement spécifique consacré à l’aide de ces anciens musulmans mis en difficultés de vie par leur conversion à la foi chrétienne. Mais ce mouvement doit de toute façon avoir l’accord de l’Épiscopat. En tout cas cela fait partie de la vie de l’Église et a donc sa place comme tant de mouvements adaptés aux réalités d’aujourd’hui dans l’Église. Je crois qu’il nous faut avoir le sens de l’Église et faire avec elle et non cavalier seul.

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Moh-Christophe Bilek : Que peut apporter l’ancien musulman devenu chrétien au sein de l’Église ?

Père François Jourdan : Une compréhension d’elle-même par le chemin qu’il a parcouru en venant d’une religion trop humaine, de la règle et de la pression plus ou moins violente. Il a découvert un Dieu qui croit en nous ! Un Dieu engagé pour nous dans la figure de Jésus en ouvrant deux choses :
- l’Alliance biblique historique avec un peuple élu (les juifs) s’ouvrant à tous les peuples dans l’accomplissement biblique réalisé par le Messie Jésus. Cette Alliance biblique me paraît la clé doctrinale de compréhension de nos différences entre chrétiens et musulmans. Toute l’incarnation et la rédemption (le mystère pascal) y sont attachées. Jésus est l’accomplissement et la plénitude de l’Alliance biblique. Je précise toujours ‘biblique’ car dans le Coran il y a des pactes, parfois traduits par alliance, mais dans un sens plus banal et sans rapport avec le caractère unique de l’Alliance biblique.
- son Cœur, parce qu’il est Dieu Sauveur, par Jésus qui est la plénitude du Cœur ouvert de Dieu, l’accomplissement du don de Dieu à tous les êtres humains. Dieu se donne parce qu’il est Amour en Lui- même et c’est pourquoi il est Trinité, avant toute créature à aimer. La Création implique le dessein d’engagement de Dieu vu comme Amour. C’est là qu’on voit que l’interreligieux, et plus précisément le dialogue vrai, peut être un approfondissement de nos fois respectives, ce qui est un précieux enrichissement. Mais il y faut le courage de vouloir aimer son prochain, donc dans la vérité qui suppose la liberté des personnes en dialogue (c’est peut-être ce qui manque le plus).


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MichelT

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