Europe: la Cour de justice définit la persécution religieuse
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Europe: la Cour de justice définit la persécution religieuse
ZF12091110 - 11-09-2012
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Europe: la Cour de justice définit la persécution religieuse
Et consolide la liberté religieuse
Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ
ROME, 11 septembre 2012 ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien])
– Le 5 septembre 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
de Luxembourg a rendu un arrêt important en faveur de la liberté
religieuse en définissant quel type d’atteinte au droit à la liberté de
religion justifie l’octroi du statut de réfugié en Europe conformément à
la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, sur le statut des
réfugiés ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]).
Selon cette directive, les Etats membres de l’Union européenne doivent
en principe accorder le statut de réfugié aux étrangers qui risquent
d’être persécutés en raison de leur race, de leur religion, de leur
nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un
groupe social dans leur pays d’origine.
Cette affaire concerne deux ressortissants pakistanais appartenant à
la minorité musulmane ahmadiste (une minorité non reconnue par la
majorité musulmane) demandeurs d’asile en Allemagne au motif qu’ils
encourent, selon le code pénal pakistanais, une peine allant jusqu’à
trois ans d’emprisonnement s’ils prétendent être des musulmans, prêchent
ou tentent de propager leur religion. Les autorités allemandes ont
rejeté leur demande au motif que les restrictions à la pratique de la
religion en public imposées aux ahmadis ne constituaient pas une
« persécution » au regard du droit d’asile. Les deux requérants ont
alors saisi les juridictions administratives allemandes, estimant que la
position des autorités allemandes étaient contraires à la directive
2004/83/CE. Le tribunal administratif fédéral, saisi des litiges, a
décidé de sursoir à statuer afin de demander à la Cour de Justice de
l’Union européenne – à laquelle revient la charge d’interpréter les
directives – de préciser ce qu’est une persécution religieuse au sens
de la directive de 2004.
La Cour de Luxembourg devait donc se prononcer sur la pratique
fréquente en Europe de n’accorder l’asile pour motif religieux qu’en cas
de persécution extrême, c'est-à-dire en cas de risque pour l’intégrité
physique de la personne du seul fait de son appartenance religieuse (le
« noyau dur » de la liberté religieuse). En application de cette
pratique, de nombreuses demandes d’asile sont refusées au motif que les
demandeurs peuvent échapper à la persécution s’ils pratiquent leur
religion en privé, voire dans le secret, dans leur pays d’origine. Ainsi
par exemple, des convertis de l’islam au christianisme sont renvoyés au
motif qu’ils sont susceptibles d’échapper à la persécution s’ils
gardent secrète leur conversion.
La Cour de Luxembourg, et il faut s’en réjouir, a refusé cette
interprétation restrictive de la liberté religieuse en rappelant que le
droit fondamental à la liberté religieuse garantit également la capacité
de manifester sa religion en public et collectivement. La Cour de
Luxembourg a indiqué que, selon la directive 2004/83/CE du Conseil,
certaines formes d’atteintes à la manifestation de la religion en public
doivent aussi justifier l’octroi du statut de réfugié, à condition que
ces atteintes aient un degré suffisant de gravité et que les
manifestations publiques susceptibles de causer ces atteintes soient
prescrites par la religion. La Cour de Luxembourg a également affirmé
que les autorités nationales ne peuvent pas exiger du demandeur d’asile
qu’il renonce à la pratique publique de sa religion pour éviter un
risque de persécution.
Cette interprétation officielle de la directive 2004/83/CE s’impose
aux Etats membres de l’Union européenne à l’égard de toutes les demandes
d’asile pour motif de persécution religieuse, quelle que soit leur
religion ; donc également aux nombreux chrétiens d’Orient empêchés de
pratiquer leur religion publiquement. Cette interprétation prolonge
l’approche développée par les résolutions du Parlement européen (20
janvier 2011) et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (27
janvier 2011) sur la persécution des chrétiens d’Orient dans lesquelles
était demandée une meilleure prise en compte de la persécution
religieuse comme motif d’asile, tout en évitant d’encourager les membres
des minorités à quitter leur pays.
La définition de l’étendue de la liberté religieuse donnée par la
Cour de Luxembourg a une portée de principe qui dépasse les faits en
cause. Ce rappel de la dimension publique de la liberté religieuse
s’oppose à la volonté très répandue de limiter la liberté religieuse à
la seule sphère privée, à la seule liberté de croyance et de culte.
Cet arrêt est aussi bienvenu dans le contexte européen en raison de
l’hostilité croissante contre l’expression publique des religions, même
s’il faut admettre que toutes les formes d’expression publique des
religions ne sont pas équivalentes. Il a été prononcé le lendemain d’une
audience très médiatisée devant la Cour Européenne des droits de
l’homme (Strasbourg) dans des affaires contre le Royaume-Uni où était en
cause l’interdiction faite à des chrétiennes par leur employeur de
porter visiblement une petite croix autour du cou sur leur lieu de
travail. (affaires Eweida et Chaplin contre Royaume-Uni). Les
requérantes, dont l’une est copte ont été sévèrement sanctionnées par
leur employeur (suspension sans salaire ; mutation et perte de l’emploi)
parce qu’elles ont refusé de retirer ou de cacher leur croix.
Les juridictions nationales britanniques, saisies de ces affaires,
ont donné raison aux employeurs. Devant la Cour européenne, le
Gouvernement britannique a justifié la légalité de cette interdiction en
soutenant que la liberté religieuse de ces femmes était respectée dès
lors qu’elles sont « libres de démissionner » ou de « manifester leur
religion en privé ».
Ainsi, si le Gouvernement britannique disait vrai, la situation de
Mesdames Eweida et Chaplinne serait pas fondamentalement différente de
celle desminorités religieuses dans les pays musulmans : seule les
distingue une différence de degré dans la gravité de la persécution.
L’arrêt [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] est accessible sur le site de la CJUE.
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