Avis moraux de René Fleuriot ( 17 eme siecle)
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Avis moraux de René Fleuriot ( 17 eme siecle)
Avis moraux de René Fleuriot
René FLEURIOT un homme de la petite noblesse francaise« , père de Claude FLEURIOT qui devint, en épousant Fiacrette BAHEZRE en 1623, seigneur de Kerfichant et de Rosviliou en Duault; journal qui relate son engagement et ses flagrantes turpitudes durant la Guerre de la Ligue.
Poursuivant son oeuvre d’écrivain, René FLEURIOT entrepris la rédaction d’une sorte de formulaire de vivre à l’attention de son fils aîné Claude, de ses frères et soeurs.
Les sept péchés capitaux - Paris 1463
Exrtaits des Avis Moraux
Admonestations spirituelle et morale familiale.
« Mon fils, mon ami, je croirais avoir été inutile au monde et pour vous et pour le surplus de ma famille, si je ne vous traçais un formulaire de vivre autre que celui que je vois en pratique parmi la jeunesse de ce temps, que je remarque adonné à toutes sortes de débauches, signament au jeu, à l'ivrognerie, à la paillardise et aux blasphèmes du nom de Dieu.
Pour le premier, auquel vous avez quelque inclination, il attire une mauvaise habitude que l'on ne peut quitter aisément et la continuant, elle cause de grandes dépenses qui dégénère en prodigalité et qui bouleverse les meilleures et les plus riches familles ; les réduisant à un état pitoyable et plein de misère qui redonne suite sur la postérité qui suit et entasse misère sur misère, qui les convie de fulminer mille malédictions contre leurs pères et mères pour les avoir engendrés pour vivre en une vie de misère, aussi je vous convie de quitter absolument le jeu de dés et de cartes, si ce n'est pour passer le temps que vous jouiez un écu ou deux au plus sans vous piquer au jeu.
Pour les trois autres vices, qui est la paillardise, l'ivrognerie et les blasphèmes, je n'ai pas reconnu que vous y êtes adonné mais il faut prendre garde de ne s'y adonner par mauvaise hantise, étant trois grands vices qui attirent sur nous la colère de Dieu et sa malédiction, comme dit L’Écclésiaste :
« Que la plaie de Dieu ne sortira jamais de la maison du blasphémateur ».
Voilà pourquoi j'ai jugé à propos de vous avertir d'éviter ces vices comme infâmes et odieux à Dieu et au monde et qui conduise ceux qui en font ordinaire profession aux peines éternelles. Si je voulais vous rapporter des exemples, je vous citerais quatre ou cinq maisons en notre pays qui ont fait naufrage pour avoir pratiqué ces vices, et de nos proches parents, les noms desquels je veux les taire par honneur.
Il est bon du mal d'autrui de faire son apprentissage et de ne faire comme les taupes qui ouvrent les yeux qu'après la mort ; ainsi font les prodigues qui n'aperçoivent leur ruine qu'ils ne sont réduits à une honteuse mendicité. Je censure d'autant plus critiquement ce vice que le voir être plus commun parmi la jeunesse de ce temps.
J'en dirais encore quelque chose : à la suite de ces avis que je vous donne en père, plein d'attention et de désir de vous voir, comme aussi vos frères, suivre le train de la vertu, étant la voie qui conduit les hommes aux cieux et les rendent recommandables au monde.
Je ne désire pas que ces rapsodies soient sues ailleurs qu'en mon cabinet, seulement pour vos frères et sœurs, à qui je les donne comme à vous, pour preuve de l'amour que je vous porte. En général, si vous en tirer profit, ma peine et mon labeur, se seront ce contentement de n'avoir été inutile et sans fruit. Si aussi vous en faîtes mépris, ne doutez point que Dieu punira votre arrogance et éloignera sa bénédictions de vous.
Prévoyant les grandes animosités qui naissent aux familles sur la division des biens que pères et mères laissent à leurs enfants à leur décès et les grands procès qui s'engendrent entre-eux, qu'ils rendent immortels par la malice et des aînés et des cadets, l'un voulant de mauvaise foi cacher et latiser(?) le bien de la succession et les autres voulant extorquer plus que leur légitime.
Pour à quoi obvier et désirant nourrir la paix et la concorde en ma famille, je voulu faire le partage et la dimission des biens, tant meubles qu'immeubles, que ma femme et moi possédons à présent et pour y parvenir, je mis par ordre dans une liasse de papier relié le gros du bien de la dite succession, savoir l'ancien patrimoine de la maison de céans avec ce que je en départage de la maison de mon aîné, que je partage deux parts.Ainsi donc, je conjure les uns et les autres de garder de point en autre, tout ce que je prescrit et ordonne entre eux pour leur partage, à peine de désobéissance et de malédiction à celui qui contreviendra.
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Ayant censuré les vices du temps, je cru qu'il était de mon devoir de vous dire quelque chose sur le suivi de la piété, en quoi je vous ai reconnu un peu tiède, qui m'a obligé de vous dire un mot sur ce suivi pour vous convier d'être plus ardent à l'avenir à servir Dieu et ne laisser passer un seul jour, quelques affaires que vous puissiez avoir, que vous ne réfléchissiez, le genou à terre devant Dieu, pour implorer sa grâce et sa miséricorde de tout votre cœur et votre pensée, et non à la ......seulement que si vous préférer les plaisirs et voluptés à ce qui est de son culte comme font les libertins du siècle, ne doutez point qu'il vous tourne le dos, qui vous fera trébucher d'abîme en abîme comme les enfants d'iniquité.
Il y a plus, c'est que les habitudes que l'on prend en la jeunesse d'être pieux ou irréligieux, réglés ou débordés, seront compagnons de votre vie jusqu'à la fin, sinon ceux que vous quitterez par impuissance ou qui vous quitterons.
Voilà pourquoi, il est à propos d'élire la meilleure voie pour qu'elle conduise au salut et fuir l'autre qui mène à la perdition.
Après la pitié suit la charité, l'une n'opérant rien sans l'autre, la dernière nous étant tant recommandée dans toutes les écritures, témoigne ce que dit ce bon et grand roi David au psaume 40 :
"beatus vir qui intelliget superEgenum et pauperem In die mala Liberabit Eum dominus"» Heureux qui pense au pauvre et au faible, au jour du malheur, Yahvé le délivre".
Ainsi donc soyez charitable et miséricordieux à l'endroit des pauvres et leur départés de votre bien libéralement, au moins du superflu. Vous ne ferez qu'imiter votre mère et moi, qui avons eu toujours cela en singulière recommandation. Aussi Dieu a béni notre travail et ménagé et multiplié nos biens comme il fera aussi les vôtres, nous imitant ou faisant mieux et ne détournez l’œil de sur le pauvre, la veuve et l'orphelin qui mendieront votre secours ; ainsi assisté les de vos biens et de votre conseil et de votre faveur, soit en justice ou ailleurs ou tu verra que l'on veut l'oppresser injustement, et vous ferez oeuvre agréable à Dieu, n'ayant rien qui expie tant, ni épargne la peine du péché que la charité.
Ainsi donc, je vous la recommande, non seulement aux vivants, mais aussi aux morts, desquels vous possédez les biens et, par conséquent, obligé de faire prier Dieu pour eux.
Ce n'est pas assez de donner un morceau de pain à la porte comme on ferait à un chien, il faut faire rechercher où il y a des pauvres malades et vieilles gens, impuissants de ne pouvoir plus travailler, n'y gagner leur vie et faire nourrir de bonne vivres, car les malades et les vieillards ne peuvent s'accommoder à toutes sortes de vivres. Ne soyez aussi fâché d'habiller tous les ans une douzaine de pauvres, au moins ces pauvres orphelins et autres vieilles gens indigents et nécessiteux ; ce faisant, vous préparer le chemin pour monter au ciel et ne serez pas plus pauvre au bout de l'an.
Je vous recommande aussi l'honneur et le respect et l'obéissance du à votre mère, comme à la personne à qui vous êtes obligé de l'être et, de la fortune ne pouvant espérer nul bien au monde que de sa libéralité, tout le bien lui appartenant, soit par donation mais acquit autrement ; laquelle donation je fais à deux fins, l'une pour ne dépendre en rien de vous, si Dieu me fait survivre à votre mère, et l'autre pour vous obliger de lui rendre toutes sortes d'honneur et d'obéissance et en un mot, dépendre entièrement d'elle, la reconnaissant si bonne qu'elle ne vous laissera manquer de commodité, lui rendant l'honneur que lui devez.
Je vous recommande aussi l'amour de vos frères et sœurs et leur avancement au cas, que dispose de votre mère et de moi avant que de les pouvoir marier, ni avancer en dignité ecclésiastique et offices ; et surtout, gardez-vous bien de les chasser de la maison paternelle qu'ils n'aient rencontrer fortune, car ce sont vos frères, engendrés de même père et mère que vous et il n'y a que la primogéniture qui vous donne avantage sur eux.
J'ai vu en mon voisinage, deux ou trois aînés qui ont maltraité leurs cadets et même chassé de leurs maisons, mais Dieu, qui est juste et qui voit nos iniquités, ne les a laissés longtemps impunis et réduits et misérables qu'ils ont été forcé de mendier l'aide et le secours de leurs cadets.
Ce pauvre misérable Runegoff traita ainsi ces frères et sœurs, les ayant chassés de la maison de leur père incontinent après sa mort ; il ne fut pas longtemps sans en être puni et n'est pas le seul de ma connaissance qui a reçu pareille punition pour pareille faute.
Ainsi donc, servez leur de père et de frère s'ils demeurent dépourvus de fortune après nous ; outre l'obligation qu'ils vous en auront, Dieu vous bénira et toute votre postérité. Je vous recommande aussi de vivre avec vos voisins en bonne intelligence sans procès, ni querelle, comme je le fait ; si vous les avez pour ennemi, ce seront autant d'espions auprès de vous.
J'ai, grâce à Dieu, passé le meilleur de mon âge sans avoir eu querelle avec eux, au moins que fort peu et m'en suit bien trouvé ; fuyiez donc les occasions de n'avoir procès, ni litige avec eux si ce n'est avec cause légitime et pour la conservation du votre. J'ai fui toute ma vie le procès, mais j'ai été si souvent que j'ai rencontré des parties si rebourses qu'ils m'ont toujours obligé de plaider contre ma volonté et en me défendant. Que si par nécessité, vous êtes contraint de plaider, donnez vous garde de vous servir de faux actes, ni de faux témoins, ni d'autre méchante invention, qui sont à présent commun parmi le monde.
Pour la conversation, qui est une partie requise pour le commerce du monde, je ne vous en dit que peu, reconnaissant que ce n'est pas la plus faible partie que je remarque en vous, qui me retiendra de ne vous en dire grand chose. Il ne faut que voir ce que dit Charron au traité de la Sagesse en la préface de son premier livre ou je vous renvoie pour l'humeur de notre pays, nous haïssons les humeurs altières et fuyons leur conversation, nous aimons la franchise et les humeurs complaisantes à chacun, sans faire le retenu, ni par trop, le cérémonieux ; voilà l'humeur de notre pays.
Situation Familiale- Choix du Mariage.
Je loue Dieu de vous avoir marié avant ma mort et d'avoir si bien rencontré, ayant une femme sage et qui a du bien. Gardez d'en faire mépris à cause qu'elle porte de l'âge. Si Dieu vous en donne lignée, ce ne seront pas les plus pauvres enfants de leur pays ; mais surtout donnez ordre de vivre sans dettes, car, tandis que vous en aurez, vous serez en inquiétude perpétuelle. (Un texte écrit en marge après le mariage de son fils Claude, avec Fiacrette BAHEZRE en 1623)
.
Ayant fait rencontre d'une femme sage et bonne, donnez vous garde de la mépriser, ni vous adonner à la putasserie, ni à la débauche des garces, de peur que votre femme, reconnaissant cela, elle ne prenne l'essor à votre imitation et, à beau jeu, beau retour.
Je ne vous dit pas cela sans cause, car j’ai connu en mon temps, trois ou quatre gentilshommes signalés et de maison qui avaient de belles, de sages et chastes femmes, lesquelles néanmoins tenaient des garces en leurs maisons contre tout respect et honneur du à leurs femmes. Qu'en est-il advenu : leurs femmes, irritées du mépris que faisaient leurs maris, ils ont fait banqueroute à leur honneur pour aller au change, en sorte que ces familles ont été diffamées d'honneur et même de biens ; et le plus grand mal, c'est qu'il s'est trouvé qu'ayant des filles grandes et en âge, elles ont suivi la piste de leurs mères, qui a été le comble de toute sorte d'infamie aux maisons où cela est advenu, et qui sont les meilleures de notre pays, tant en l'évêché de Tréguier que Saint Brieuc, dont par honneur, je veux taire leurs noms.
Faites donc votre profit de la faute des autres.
Il est aussi à propos de ne prendre pour femme d'autre religion que la votre, de peur que les enfants provenant de ce mariage n'engendreraient du divorce entre vous, l'un voulant nourrir à sa religion et l'autre à la sienne. Je ne vous dit pas cela sans sujet car j'en ai vu l'expérience en quelques familles de ce pays. Prenez aussi garde en vous mariant que la beauté ne vous transporte de telle passion que vous n'auriez pour toute dot qu'un beau nez, car, en la saison où nous sommes où le luxe est si grand, il faut avoir du bien pour paraître parmi le monde.
Je ne vous conseillerais pas de vous allier à la Haute, ni hors de votre pays, par ce que ces femmes ne savent rien au ménage d'ailleurs, que l'air de ce pays ne leur plaît nullement, ne trouvant point de personnes de conversation, ni de compliment, qui est le talent des femmes de la Haute nourrie aux villes. Il y a un autre inconvénient : c'est qu'elles sont de grandes dépenses en affiquets, baguetelles, brillants, dentelles et autres espèces de hardes comme cela qui coûte grandement, tellement qu'il faut employer un tiers des deniers dotaux pour satisfaire ces dépenses, qui est charger d'autant votre bien ; outre tout cela, il faut pour imiter Madame d'un tel lieu, avoir aussi un carrosse qui sont deux cent écus de dépense tous les ans, ce que suppute sonnant. Voilà donc l'importance due d'avoir des femmes de la Haute qui ne se soucie de donner ordre, ni à la dépense, ni à ce qui dépend du ménage, tellement que, laissant toutes choses à la discrétion des serviteurs qui sont pour la plupart larrons, tout se consomme et se dépérit ainsi.
Il est très nécessaire que la femme ait l’œil à ce qui regarde la dépense de la maison, à peine d'en courir ruine, car il n'est pas de la bienséance aux hommes de mettre le nez à cela, qui regarde entièrement le devoir de la femme.
Il y a quelques autres choses qui sont de la charge du mari, que je remarquerai ci-après en l'endroit de l'économie, comme sont les grosses provisions, vin, bœufs, beurre et ce qu'il faut de viande fraîche pour la semaine ; du reste, c'est à la femme d'ordonner de faire boulanger et ce qu'il faut de viande pour le dîner et le souper.
Je veux des grandes dames ordonner toutes les dépenses, néanmoins, s'il advient que la femme fasse mépris de cela, il faut que l'homme y suppléer à peine d'encourir ruine.
De l'économie domestique.
Vous ayant dit mon avis sur votre mariage, je juge être nécessaire de vous prescrire la forme que vous devez observer en la dépense de votre maison au désir du bien que je vous laisserais. S'il s'accroît par votre mariage, vous pourrez l'accroître à la proportion ou bien le mettre en réserve pour l'employer en fonds ou en bâtiment ou en rente constituée, celui que vous jugerez être le plus utile.
A l'entrée donc de votre ménage, soyez soigneux de régler votre dépense à la proportion et à l'égal de votre bien, et ne faîtes pas comme un tas de jeunes éventés que je connais, lesquels j'ai vu dépenser la meilleure part de leur bien avant que de l'avoir reconnu, et après, être si misérables qu'il fallait devenir sergent, tavernier ou notaire pour passer en misère le reste de leurs jours.
Je vous en nommerais de ma parenté, un ou deux et autant de mes voisins, dont les Sieurs de Keruerret et de Runegoff sont du nombre, l'un mon cousin, l'autre mon neveu qui consomma en deux ans avec l'aide de sa femme trente mille livres de compte, fait et arrêté en présence de plusieurs de ces parents. J'ai eu deux autres voisins qui ont consommé en ivrognerie et autres mauvais ménage chacun deux mille livres de rente, l'un le sieur de L'Isles, l'autre le sieur de Tranbeuff, que j'ai vu depuis contraint de mendier.
Il me faudrait un grand volume pour enrôler nombre d'autres qui ont suivi la piste de ces pauvres misérables prodigues, qui mangent en trois mois ce qui devait durer un an, tellement qu'il fallait s'attacher au fonds pour vivre le reste de l'année, qui ne supporte plus de fruit depuis qu'il est aliéné et aussi, de presse en presse, l'on réduit le bien à rien.
Pour éviter donc à cela, il vous faut des provisions pour la dépense de votre maison, comme bœuf, lard et vin qui sont les grosses provisions qu'il faut faire, chacune en sa saison, ou les acheter au double, venant du jour à la journée, comme font plusieurs grands seigneurs de notre pays et d'ailleurs qui par ce moyen consomment les grands biens et sont toujours en arrière.
C'est pourquoi, soyez prévoyant à faire toutes ces grosses provisions, qui sont à votre charge, comme à votre femme de les distribuer en temps et en saison.
De vous prescrire la quantité, ni combien de chacune espèce, il m'est difficile; cela se doit régler à la proportion de ces commodités
Signature de René Fleuriot
René FLEURIOT un homme de la petite noblesse francaise« , père de Claude FLEURIOT qui devint, en épousant Fiacrette BAHEZRE en 1623, seigneur de Kerfichant et de Rosviliou en Duault; journal qui relate son engagement et ses flagrantes turpitudes durant la Guerre de la Ligue.
Poursuivant son oeuvre d’écrivain, René FLEURIOT entrepris la rédaction d’une sorte de formulaire de vivre à l’attention de son fils aîné Claude, de ses frères et soeurs.
Les sept péchés capitaux - Paris 1463
Exrtaits des Avis Moraux
Admonestations spirituelle et morale familiale.
« Mon fils, mon ami, je croirais avoir été inutile au monde et pour vous et pour le surplus de ma famille, si je ne vous traçais un formulaire de vivre autre que celui que je vois en pratique parmi la jeunesse de ce temps, que je remarque adonné à toutes sortes de débauches, signament au jeu, à l'ivrognerie, à la paillardise et aux blasphèmes du nom de Dieu.
Pour le premier, auquel vous avez quelque inclination, il attire une mauvaise habitude que l'on ne peut quitter aisément et la continuant, elle cause de grandes dépenses qui dégénère en prodigalité et qui bouleverse les meilleures et les plus riches familles ; les réduisant à un état pitoyable et plein de misère qui redonne suite sur la postérité qui suit et entasse misère sur misère, qui les convie de fulminer mille malédictions contre leurs pères et mères pour les avoir engendrés pour vivre en une vie de misère, aussi je vous convie de quitter absolument le jeu de dés et de cartes, si ce n'est pour passer le temps que vous jouiez un écu ou deux au plus sans vous piquer au jeu.
Pour les trois autres vices, qui est la paillardise, l'ivrognerie et les blasphèmes, je n'ai pas reconnu que vous y êtes adonné mais il faut prendre garde de ne s'y adonner par mauvaise hantise, étant trois grands vices qui attirent sur nous la colère de Dieu et sa malédiction, comme dit L’Écclésiaste :
« Que la plaie de Dieu ne sortira jamais de la maison du blasphémateur ».
Voilà pourquoi j'ai jugé à propos de vous avertir d'éviter ces vices comme infâmes et odieux à Dieu et au monde et qui conduise ceux qui en font ordinaire profession aux peines éternelles. Si je voulais vous rapporter des exemples, je vous citerais quatre ou cinq maisons en notre pays qui ont fait naufrage pour avoir pratiqué ces vices, et de nos proches parents, les noms desquels je veux les taire par honneur.
Il est bon du mal d'autrui de faire son apprentissage et de ne faire comme les taupes qui ouvrent les yeux qu'après la mort ; ainsi font les prodigues qui n'aperçoivent leur ruine qu'ils ne sont réduits à une honteuse mendicité. Je censure d'autant plus critiquement ce vice que le voir être plus commun parmi la jeunesse de ce temps.
J'en dirais encore quelque chose : à la suite de ces avis que je vous donne en père, plein d'attention et de désir de vous voir, comme aussi vos frères, suivre le train de la vertu, étant la voie qui conduit les hommes aux cieux et les rendent recommandables au monde.
Je ne désire pas que ces rapsodies soient sues ailleurs qu'en mon cabinet, seulement pour vos frères et sœurs, à qui je les donne comme à vous, pour preuve de l'amour que je vous porte. En général, si vous en tirer profit, ma peine et mon labeur, se seront ce contentement de n'avoir été inutile et sans fruit. Si aussi vous en faîtes mépris, ne doutez point que Dieu punira votre arrogance et éloignera sa bénédictions de vous.
Prévoyant les grandes animosités qui naissent aux familles sur la division des biens que pères et mères laissent à leurs enfants à leur décès et les grands procès qui s'engendrent entre-eux, qu'ils rendent immortels par la malice et des aînés et des cadets, l'un voulant de mauvaise foi cacher et latiser(?) le bien de la succession et les autres voulant extorquer plus que leur légitime.
Pour à quoi obvier et désirant nourrir la paix et la concorde en ma famille, je voulu faire le partage et la dimission des biens, tant meubles qu'immeubles, que ma femme et moi possédons à présent et pour y parvenir, je mis par ordre dans une liasse de papier relié le gros du bien de la dite succession, savoir l'ancien patrimoine de la maison de céans avec ce que je en départage de la maison de mon aîné, que je partage deux parts.Ainsi donc, je conjure les uns et les autres de garder de point en autre, tout ce que je prescrit et ordonne entre eux pour leur partage, à peine de désobéissance et de malédiction à celui qui contreviendra.
¸
Ayant censuré les vices du temps, je cru qu'il était de mon devoir de vous dire quelque chose sur le suivi de la piété, en quoi je vous ai reconnu un peu tiède, qui m'a obligé de vous dire un mot sur ce suivi pour vous convier d'être plus ardent à l'avenir à servir Dieu et ne laisser passer un seul jour, quelques affaires que vous puissiez avoir, que vous ne réfléchissiez, le genou à terre devant Dieu, pour implorer sa grâce et sa miséricorde de tout votre cœur et votre pensée, et non à la ......seulement que si vous préférer les plaisirs et voluptés à ce qui est de son culte comme font les libertins du siècle, ne doutez point qu'il vous tourne le dos, qui vous fera trébucher d'abîme en abîme comme les enfants d'iniquité.
Il y a plus, c'est que les habitudes que l'on prend en la jeunesse d'être pieux ou irréligieux, réglés ou débordés, seront compagnons de votre vie jusqu'à la fin, sinon ceux que vous quitterez par impuissance ou qui vous quitterons.
Voilà pourquoi, il est à propos d'élire la meilleure voie pour qu'elle conduise au salut et fuir l'autre qui mène à la perdition.
Après la pitié suit la charité, l'une n'opérant rien sans l'autre, la dernière nous étant tant recommandée dans toutes les écritures, témoigne ce que dit ce bon et grand roi David au psaume 40 :
"beatus vir qui intelliget superEgenum et pauperem In die mala Liberabit Eum dominus"» Heureux qui pense au pauvre et au faible, au jour du malheur, Yahvé le délivre".
Ainsi donc soyez charitable et miséricordieux à l'endroit des pauvres et leur départés de votre bien libéralement, au moins du superflu. Vous ne ferez qu'imiter votre mère et moi, qui avons eu toujours cela en singulière recommandation. Aussi Dieu a béni notre travail et ménagé et multiplié nos biens comme il fera aussi les vôtres, nous imitant ou faisant mieux et ne détournez l’œil de sur le pauvre, la veuve et l'orphelin qui mendieront votre secours ; ainsi assisté les de vos biens et de votre conseil et de votre faveur, soit en justice ou ailleurs ou tu verra que l'on veut l'oppresser injustement, et vous ferez oeuvre agréable à Dieu, n'ayant rien qui expie tant, ni épargne la peine du péché que la charité.
Ainsi donc, je vous la recommande, non seulement aux vivants, mais aussi aux morts, desquels vous possédez les biens et, par conséquent, obligé de faire prier Dieu pour eux.
Ce n'est pas assez de donner un morceau de pain à la porte comme on ferait à un chien, il faut faire rechercher où il y a des pauvres malades et vieilles gens, impuissants de ne pouvoir plus travailler, n'y gagner leur vie et faire nourrir de bonne vivres, car les malades et les vieillards ne peuvent s'accommoder à toutes sortes de vivres. Ne soyez aussi fâché d'habiller tous les ans une douzaine de pauvres, au moins ces pauvres orphelins et autres vieilles gens indigents et nécessiteux ; ce faisant, vous préparer le chemin pour monter au ciel et ne serez pas plus pauvre au bout de l'an.
Je vous recommande aussi l'honneur et le respect et l'obéissance du à votre mère, comme à la personne à qui vous êtes obligé de l'être et, de la fortune ne pouvant espérer nul bien au monde que de sa libéralité, tout le bien lui appartenant, soit par donation mais acquit autrement ; laquelle donation je fais à deux fins, l'une pour ne dépendre en rien de vous, si Dieu me fait survivre à votre mère, et l'autre pour vous obliger de lui rendre toutes sortes d'honneur et d'obéissance et en un mot, dépendre entièrement d'elle, la reconnaissant si bonne qu'elle ne vous laissera manquer de commodité, lui rendant l'honneur que lui devez.
Je vous recommande aussi l'amour de vos frères et sœurs et leur avancement au cas, que dispose de votre mère et de moi avant que de les pouvoir marier, ni avancer en dignité ecclésiastique et offices ; et surtout, gardez-vous bien de les chasser de la maison paternelle qu'ils n'aient rencontrer fortune, car ce sont vos frères, engendrés de même père et mère que vous et il n'y a que la primogéniture qui vous donne avantage sur eux.
J'ai vu en mon voisinage, deux ou trois aînés qui ont maltraité leurs cadets et même chassé de leurs maisons, mais Dieu, qui est juste et qui voit nos iniquités, ne les a laissés longtemps impunis et réduits et misérables qu'ils ont été forcé de mendier l'aide et le secours de leurs cadets.
Ce pauvre misérable Runegoff traita ainsi ces frères et sœurs, les ayant chassés de la maison de leur père incontinent après sa mort ; il ne fut pas longtemps sans en être puni et n'est pas le seul de ma connaissance qui a reçu pareille punition pour pareille faute.
Ainsi donc, servez leur de père et de frère s'ils demeurent dépourvus de fortune après nous ; outre l'obligation qu'ils vous en auront, Dieu vous bénira et toute votre postérité. Je vous recommande aussi de vivre avec vos voisins en bonne intelligence sans procès, ni querelle, comme je le fait ; si vous les avez pour ennemi, ce seront autant d'espions auprès de vous.
J'ai, grâce à Dieu, passé le meilleur de mon âge sans avoir eu querelle avec eux, au moins que fort peu et m'en suit bien trouvé ; fuyiez donc les occasions de n'avoir procès, ni litige avec eux si ce n'est avec cause légitime et pour la conservation du votre. J'ai fui toute ma vie le procès, mais j'ai été si souvent que j'ai rencontré des parties si rebourses qu'ils m'ont toujours obligé de plaider contre ma volonté et en me défendant. Que si par nécessité, vous êtes contraint de plaider, donnez vous garde de vous servir de faux actes, ni de faux témoins, ni d'autre méchante invention, qui sont à présent commun parmi le monde.
Pour la conversation, qui est une partie requise pour le commerce du monde, je ne vous en dit que peu, reconnaissant que ce n'est pas la plus faible partie que je remarque en vous, qui me retiendra de ne vous en dire grand chose. Il ne faut que voir ce que dit Charron au traité de la Sagesse en la préface de son premier livre ou je vous renvoie pour l'humeur de notre pays, nous haïssons les humeurs altières et fuyons leur conversation, nous aimons la franchise et les humeurs complaisantes à chacun, sans faire le retenu, ni par trop, le cérémonieux ; voilà l'humeur de notre pays.
Situation Familiale- Choix du Mariage.
Je loue Dieu de vous avoir marié avant ma mort et d'avoir si bien rencontré, ayant une femme sage et qui a du bien. Gardez d'en faire mépris à cause qu'elle porte de l'âge. Si Dieu vous en donne lignée, ce ne seront pas les plus pauvres enfants de leur pays ; mais surtout donnez ordre de vivre sans dettes, car, tandis que vous en aurez, vous serez en inquiétude perpétuelle. (Un texte écrit en marge après le mariage de son fils Claude, avec Fiacrette BAHEZRE en 1623)
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Ayant fait rencontre d'une femme sage et bonne, donnez vous garde de la mépriser, ni vous adonner à la putasserie, ni à la débauche des garces, de peur que votre femme, reconnaissant cela, elle ne prenne l'essor à votre imitation et, à beau jeu, beau retour.
Je ne vous dit pas cela sans cause, car j’ai connu en mon temps, trois ou quatre gentilshommes signalés et de maison qui avaient de belles, de sages et chastes femmes, lesquelles néanmoins tenaient des garces en leurs maisons contre tout respect et honneur du à leurs femmes. Qu'en est-il advenu : leurs femmes, irritées du mépris que faisaient leurs maris, ils ont fait banqueroute à leur honneur pour aller au change, en sorte que ces familles ont été diffamées d'honneur et même de biens ; et le plus grand mal, c'est qu'il s'est trouvé qu'ayant des filles grandes et en âge, elles ont suivi la piste de leurs mères, qui a été le comble de toute sorte d'infamie aux maisons où cela est advenu, et qui sont les meilleures de notre pays, tant en l'évêché de Tréguier que Saint Brieuc, dont par honneur, je veux taire leurs noms.
Faites donc votre profit de la faute des autres.
Il est aussi à propos de ne prendre pour femme d'autre religion que la votre, de peur que les enfants provenant de ce mariage n'engendreraient du divorce entre vous, l'un voulant nourrir à sa religion et l'autre à la sienne. Je ne vous dit pas cela sans sujet car j'en ai vu l'expérience en quelques familles de ce pays. Prenez aussi garde en vous mariant que la beauté ne vous transporte de telle passion que vous n'auriez pour toute dot qu'un beau nez, car, en la saison où nous sommes où le luxe est si grand, il faut avoir du bien pour paraître parmi le monde.
Je ne vous conseillerais pas de vous allier à la Haute, ni hors de votre pays, par ce que ces femmes ne savent rien au ménage d'ailleurs, que l'air de ce pays ne leur plaît nullement, ne trouvant point de personnes de conversation, ni de compliment, qui est le talent des femmes de la Haute nourrie aux villes. Il y a un autre inconvénient : c'est qu'elles sont de grandes dépenses en affiquets, baguetelles, brillants, dentelles et autres espèces de hardes comme cela qui coûte grandement, tellement qu'il faut employer un tiers des deniers dotaux pour satisfaire ces dépenses, qui est charger d'autant votre bien ; outre tout cela, il faut pour imiter Madame d'un tel lieu, avoir aussi un carrosse qui sont deux cent écus de dépense tous les ans, ce que suppute sonnant. Voilà donc l'importance due d'avoir des femmes de la Haute qui ne se soucie de donner ordre, ni à la dépense, ni à ce qui dépend du ménage, tellement que, laissant toutes choses à la discrétion des serviteurs qui sont pour la plupart larrons, tout se consomme et se dépérit ainsi.
Il est très nécessaire que la femme ait l’œil à ce qui regarde la dépense de la maison, à peine d'en courir ruine, car il n'est pas de la bienséance aux hommes de mettre le nez à cela, qui regarde entièrement le devoir de la femme.
Il y a quelques autres choses qui sont de la charge du mari, que je remarquerai ci-après en l'endroit de l'économie, comme sont les grosses provisions, vin, bœufs, beurre et ce qu'il faut de viande fraîche pour la semaine ; du reste, c'est à la femme d'ordonner de faire boulanger et ce qu'il faut de viande pour le dîner et le souper.
Je veux des grandes dames ordonner toutes les dépenses, néanmoins, s'il advient que la femme fasse mépris de cela, il faut que l'homme y suppléer à peine d'encourir ruine.
De l'économie domestique.
Vous ayant dit mon avis sur votre mariage, je juge être nécessaire de vous prescrire la forme que vous devez observer en la dépense de votre maison au désir du bien que je vous laisserais. S'il s'accroît par votre mariage, vous pourrez l'accroître à la proportion ou bien le mettre en réserve pour l'employer en fonds ou en bâtiment ou en rente constituée, celui que vous jugerez être le plus utile.
A l'entrée donc de votre ménage, soyez soigneux de régler votre dépense à la proportion et à l'égal de votre bien, et ne faîtes pas comme un tas de jeunes éventés que je connais, lesquels j'ai vu dépenser la meilleure part de leur bien avant que de l'avoir reconnu, et après, être si misérables qu'il fallait devenir sergent, tavernier ou notaire pour passer en misère le reste de leurs jours.
Je vous en nommerais de ma parenté, un ou deux et autant de mes voisins, dont les Sieurs de Keruerret et de Runegoff sont du nombre, l'un mon cousin, l'autre mon neveu qui consomma en deux ans avec l'aide de sa femme trente mille livres de compte, fait et arrêté en présence de plusieurs de ces parents. J'ai eu deux autres voisins qui ont consommé en ivrognerie et autres mauvais ménage chacun deux mille livres de rente, l'un le sieur de L'Isles, l'autre le sieur de Tranbeuff, que j'ai vu depuis contraint de mendier.
Il me faudrait un grand volume pour enrôler nombre d'autres qui ont suivi la piste de ces pauvres misérables prodigues, qui mangent en trois mois ce qui devait durer un an, tellement qu'il fallait s'attacher au fonds pour vivre le reste de l'année, qui ne supporte plus de fruit depuis qu'il est aliéné et aussi, de presse en presse, l'on réduit le bien à rien.
Pour éviter donc à cela, il vous faut des provisions pour la dépense de votre maison, comme bœuf, lard et vin qui sont les grosses provisions qu'il faut faire, chacune en sa saison, ou les acheter au double, venant du jour à la journée, comme font plusieurs grands seigneurs de notre pays et d'ailleurs qui par ce moyen consomment les grands biens et sont toujours en arrière.
C'est pourquoi, soyez prévoyant à faire toutes ces grosses provisions, qui sont à votre charge, comme à votre femme de les distribuer en temps et en saison.
De vous prescrire la quantité, ni combien de chacune espèce, il m'est difficile; cela se doit régler à la proportion de ces commodités
Signature de René Fleuriot
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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