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Canada: Près de 22 milliards de profit transféré du Québec au Luxembourg en 10 ans

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Message par MichelT Lun 15 Jan 2024 - 14:23

Canada - Près de 22 milliards de profit transféré du Québec au Luxembourg en 10 ans

Article de Éric Desrosiers • Le Devoir - Novembre 2023

7 entreprises québécoises — sur la trentaine présentes au Luxembourg — ont transféré près de 22 milliards de profit en 10 ans pour réduire leur facture fiscale, selon une étude.

La lavalloise Bausch Health, Couche-Tard, MindGeek, CGI, Great West / Power Corporation et Saputo font partie des 27 entreprises québécoises qui ont déclaré des profits totalisant 21,7 milliards au Luxembourg de 2012 à 2021, selon des données inédites rapportées dans le cadre d’une étude que devait dévoiler ce jeudi l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Elles figurent parmi les 59 multinationales canadiennes — dont 33 ont leur siège social au Québec — qui auraient transféré, de 2001 à 2022, près de 120 milliards de dollars vers ce pays d’Europe presque deux fois plus petit que la Communauté métropolitaine de Montréal, mais aux règles fiscales très avantageuses. Sauf rares exceptions, aucune de ces compagnies n’y conduisait de véritables activités économiques capables d’expliquer ne serait-ce qu’une fraction de ces profits, explique l’IRIS. Il s’agissait plutôt d’opérations comptables visant uniquement à réduire leur facture fiscale de manière artificielle, bien que parfaitement légale.

Dans le cas de Saputo, par exemple, ses filiales au Luxembourg seraient parvenues à générer près de 32 millions de profits en 2021 en ne lui coûtant que 8700 $ en salaires. La canadienne Restaurant Brands International, propriétaire de Burger King et de Tim Hortons, présente une situation encore plus absurde, avec des profits nets de presque 13 milliards, même si elle ne compte aucun employé sur place et qu’il y aurait de toute façon une limite au nombre de beignes ou de burgers qu’un pays de seulement 640 000 habitants peut ingérer.

Acrobaties comptables

À la pharmaceutique québécoise Bausch Health, anciennement Valeant, la manoeuvre consistait à confier à six filiales basées au Luxembourg le soin de faire payer au reste de la compagnie les droits d’utilisation de sa propre propriété intellectuelle. Pour l’entreprise américaine Waste Connections, qui possède notamment le plus gros site d’enfouissement technique au Québec, à Terrebonne, il s’agissait, par exemple, d’accorder un prêt sans intérêts à l’une de ses trois filiales luxembourgeoises que ces dernières allaient prêter, à leur tour, avec intérêts cette fois, à d’autres filiales du groupe. Saputo, Cogeco Fiera Capital, Uni-Select ou encore la Banque Laurentienne ont toutes eu recours à cette stratégie bien connue de « la dette intra-groupe ».

Dans tous les cas, il s’agissait de réduire autant que possible les profits de l’entreprise dans des pays, comme le Canada ou les États-Unis, où l’impôt est plus élevé et de les grossir là où les taux d’imposition sont plus faibles, voire nuls. Une fois cette étape franchie, la compagnie peut se prévaloir des quelque 84 ententes fiscales bilatérales signées par le Canada — notamment avec le Luxembourg — pour éviter aux entreprises la double imposition et rapatrier sans frais les profits ainsi réalisés par ses filiales basées dans les paradis fiscaux vers la société mère.

De 2011 à 2021 (l’année complète la plus récente), les profits nets déclarés au Luxembourg par des multinationales canadiennes n’ont pas diminué — en dépit de la lutte contre l’évitement fiscal qu’on disait vouloir mener —, mais augmenté en moyenne de 20 % par année, a calculé l’IRIS. Sur un total, pour la période, de près de 120 milliards de profit net, plus du tiers (37 %) est attribuable à des compagnies du secteur technologique, suivi par la finance et l’assurance (15,5 %), l’alimentation (13,3 %) et le manufacturier et l’industriel (7,4 %).

240 milliards par année

L’IRIS n’aurait pas pu apprendre tout cela si, dans la foulée du scandale des LuxLeaks, le Luxembourg n’avait pas été forcé par les autres pays européens de lever une partie de son secret bancaire et de rendre accessible au public les états financiers et autres documents comptables des entreprises établies sur son territoire. Cela en a fait « l’un des paradis fiscaux les moins opaques du monde ».

Mais comme ces données ne précisent généralement pas la nature ni l’origine des fonds détenus par les filiales luxembourgeoises des compagnies canadiennes, il n’est pas possible d’établir l’ampleur des pertes fiscales qu’elles subissent, expliquent les deux auteurs de l’étude, Colin Pratte et Sophie Elias-Pinsonnault. Les taux d’impôt applicables ne sont pas toujours les mêmes selon le type de revenus, par exemple, et il se peut que les fonds ne viennent pas tous du Canada.

Dans son plus récent rapport, l’ONG spécialisée Réseau pour la justice fiscale plaçait le Luxembourg au cinquième rang des « plus grands contributeurs au problème mondial des paradis fiscaux », derrière le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les îles Caïmans et l’Arabie saoudite et devant les Bermudes, les États-Unis et Singapour. Selon l’OCDE, les pertes fiscales encourues par l’évitement fiscal des multinationales s’élèveraient à entre 100 et 240 milliards $US annuellement. Au Canada, ce montant s’élèverait à 1,4 milliard.

La plupart des noms de compagnies québécoises impliquées avaient déjà circulé dans d’autres reportages dans le passé. Encore une fois, il n’est pas question « d’évasion fiscale » dans le rapport de l’IRIS, mais plutôt « d’évitement fiscal », c’est-à-dire « une planification fiscale agressive » qui cherche à tirer le maximum de la concurrence fiscale à laquelle se livrent les États entre eux et selon les règles nationales et internationales.

Volkswagen

Cela place les gouvernements dans de drôles de situations parfois, comme d’accorder de généreuses subventions à des entreprises qui cherchent elles-mêmes, de leur côté, à en faire le moins possible pour financer les missions de l’État, relève l’étude de l’IRIS. Elle cite le cas de l’allemande Volkswagen, qui aura droit à une aide d’Ottawa et de Toronto de 16,3 milliards pour une autre usine de batteries en Ontario, il y est question de presque 60 milliards d’euros d’actifs au Luxembourg.

Ce que cela montre, c’est que « l’évitement fiscal a toujours cours, en dépit des multiples efforts et des promesses du Canada et l’OCDE », concluent les chercheurs de l’IRIS, qui comptent mettre en ligne l’ensemble des documents sur lesquels se base leur étude. Et « signe d’un certain sentiment d’impunité, cette plus grande transparence [offerte par le Luxembourg] ne semble pas empêcher les grands détenteurs de capitaux de continuer à pratiquer, désormais à la vue de tous, les stratégies d’évitement observables dans leurs états financiers luxembourgeois. »

Une version précédente de ce texte rapportait lune partie de l’étude de l’IRIS qui suggérait que la suédoise Nortvolt utilisait une filiale au Luxembourg pour réduire artificiellement sa facture fiscale. Suite à un démenti de la compagnie, les auteurs de l’étude ont admis avoir fait une erreur et que la soi-disant filiale était plutôt l’un de ses actionnaires, écartant de ce fait les stratégies d’évitement fiscal évoquées dans l’étude.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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