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La Nuit Obscure de l'Ame selon st Jean de la Croix

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Message par Francesco Jeu 13 Jan 2011 - 1:28



Dieu seul suffit,l'aimer,le suivre et faire sa volonté.
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Message par admin2 Dim 10 Avr 2011 - 2:36

CHAPITRE XXVI




OÙ L'ON TRAITE
DES PAROLES INTÉRIEURES
QUI SONT COMMUNIQUÉES
SURNATURELLEMENT À L'ESPRIT;
ON MONTRE COMBIEN DE SORTES
IL Y EN A.




Le lecteur doit toujours se rappeler l'intention et la fin que je me suis proposés en écrivant ce livre; mon but a été de diriger l'âme au milieu de toutes les connaissances naturelles et surnaturelles, de la tenir à l'abri des illusions et des difficultés dans la pureté de la foi pour parvenir à l'union divine. Il comprendra alors pourquoi, si je ne me suis pas étendu davantage sur les connaissances de l'âme et de la doctrine dont je m'occupe, et si je ne descends pas dans tous les détails et toutes les divisions que la raison peut-être exigerait, je ne suis pas cependant incomplet sur ce sujet. Car il me semble que j'ai donné sur toute cette matière assez d'avis, de lumière et d'enseignement pour que l'âme sache se conduire avec prudence dans tous les cas intérieurs et extérieurs et continuer sa marche. Telle est la cause pour laquelle j'ai traité si brièvement les connaissances prophétiques, comme je l'ai fait d'ailleurs pour d'autres. Il y aurait beaucoup plus à dire sur chacune d'elles, et si l'on devait traiter de leurs différences, de leurs modes et de la manière dont elles peuvent se produire, il me semble que l'on n'en finirait plus de les connaître. Aussi me suis-je contenté de donner ce qui, d'après moi, en constitue la doctrine et la substance, et j'y ai ajouté les précautions qu'il faut suivre alors comme dans toutes les circonstances analogues qui peuvent se présenter.

J'agirai de même en traitant du troisième genre de connaissances que j'ai appelées paroles surnaturelles et qui peuvent se produire dans l'esprit des personnes spirituelles sans le concours des sens corporels. Bien qu'elles soient nombreuses et variées, je trouve qu'elles peuvent se ramener toutes à trois catégories, qu'on appelle paroles successives, paroles formelles et paroles substantielles. Les paroles successives sont certaines paroles ou certains raisonnements que l'esprit a coutume de former et de produire en lui-même lorsqu'il est recueilli. Les paroles formelles sont certaines paroles distinctes et précises que l'esprit ne produit pas par lui-même mais reçoit d'une tierce personne, qu'il soit recueilli ou non. Les paroles substantielles sont d'autres paroles qui se produisent d'une façon précise dans l'esprit, qu'il soit recueilli ou non, et qui produisent et causent dans la substance de l'âme cette substance et vertu qu'elles signifient.

Nous allons traiter successivement de chacune de ces paroles.


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Message par Francesco Mer 13 Avr 2011 - 1:46

CHAPITRE XXVII




OÙ L'ON TRAITE
DE LA PREMIÈRE CATÉGORIE
DE PAROLES QUE L'ESPRIT FORME
PARFOIS AU-DEDANS DE LUI-MÊME
LORSQU'IL EST RECUILLI. ON EN
MONTRE LA CAUSE AINSI QUE LES
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
QUI PEUVENT EN RÉSULTER.




Ces paroles successives se produisent toujours lorsque l'esprit est recueilli et profondément plongé dans quelque considération. Lui-même discute sur la matière qui le captive, passe d'une pensée à l'autre, forme des paroles et des raisonnements très justes avec une si grande facilité et précision qu'il y découvre des choses qui lui étaient inconnues; il lui semble bien qu'il n'en est point l'auteur, mais que c'est une autre personne qui forme ces raisonnements dans son intérieur, qui répond ou qui enseigne. Et, en vérité, il a bien raison de le penser ainsi, car il raisonne avec lui-même et se répond, comme s'il se trouvait avec une autre personne, et il en est bien ainsi d'une certaine manière. Bien que ce soit le même esprit qui agisse comme instrument, l'Esprit-Saint l'aide souvent à produire et à former ces pensées, ces paroles et ces raisonnements pleins de vérités. Il se les dit donc à lui-même, comme s'il se trouvait avec une tierce personne. L'entendement est alors uni à la vérité qu'il considère et profondément recueilli. L'Esprit-Saint lui est uni par cette vérité, comme il l'est d'ailleurs à toute vérité. De là vient que l'entendement, communiquant de cette sorte avec le Saint-Esprit moyennant cette vérité, forme successivement dans son intérieur les autres vérités qui sont en rapport avec celle qu'il considérait; mais c'est l'Esprit-Saint, son maître, qui lui ouvre la porte et lui communique sa lumière. Telle est l'une des manières dont il se sert pour instruire l'âme. C'est ainsi que l'entendement éclairé et enseigné par ce maître comprend ces vérités et en même temps forme de lui-même ces paroles sur des vérités qui lui viennent d'autre part. Les paroles de la Genèse trouvent bien ici leur application: « C'est la voix de Jacob, mais ce sont les mains d'Ésaü (Gén. XXVII, 22). » L'âme qui en est là ne pourra jamais se persuader que ces mots et ces paroles ne lui viennent pas d'une tierce personne, car elle ne sait pas avec quelle facilité l'entendement peut de lui-même former des paroles sur les pensées et vérités qui lui sont communiquées par une tierce personne.

Il est certain qu'il n'y a en soi aucune illusion dans cette communication faite à l'entendement, et dans cette illustration dont il est éclairé; mais il peut y en avoir, et il y en a souvent dans les paroles formelles et les raisonnements que l'entendement forme alors. Cette lumière qui parfois lui est donnée est très subtile et très spirituelle; aussi l'entendement n'arrive-t-il pas à s'en faire une idée exacte, et c'est lui, comme nous l'avons dit, qui forme de lui-même ses raisonnements; de là vient que très souvent il en forme de faux, tandis que d'autres seront vraisemblables ou défectueux. Comme au début il a déjà commencé à saisir le fil de la vérité, et qu'aussitôt après il y ajoute de lui-même son habileté ou plutôt la grossièreté de ses basses conceptions, il peut facilement varier selon les dispositions de sa capacité, et tout cela se passe comme si une troisième personne lui parlait.

J'ai connu une personne qui formait ces paroles successives. Or, au milieu de quelques paroles très vraies et substantielles qui regardaient le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, il y en avait d'autres qui étaient une hérésie manifeste. Ce qui se passe de nos jours est quelque chose d'effrayant. Une âme quelconque est-elle déjà parvenue à quatre maravédis de méditation, et entend-elle quelques-unes de ces paroles intérieures au milieu de son recueillement, qu'aussitôt elle baptise le tout comme venant de Dieu; elle suppose qu'il en est ainsi, et elle répète: « Dieu m'a dit ceci. Dieu m'a répondu cela ». Or il n'en est rien; comme nous l'avons remarqué, ce sont ces âmes qui le plus souvent se parlent ainsi à elles-mêmes.

De plus, le désir que ces âmes ont de ces paroles et l'affection qu'elles y portent intérieurement les amènent à se donner à elles-mêmes ces réponses, et elles s'imaginent que c'est Dieu qui leur répond et leur parle. Aussi elles tombent dans de grandes extravagances si elles ne mettent pas un frein sérieux à ces tendances, et si leur directeur ne leur impose pas un renoncement absolu à ces sortes de discours. Elles en retireront plus de bavardage et d'impureté d'âme que d'humilité et de mortification spirituelle; elle s'imagineront que ça été là une grande faveur et que Dieu a parlé, tandis qu'il n'y aura eu presque rien, ou rien du tout, ou même moins que rien. Car ce qui n'engendre ni humilité, ni charité, ni mortification, ni sainte simplicité, ni silence..., que peut-il être?

J'ajoute donc que ces paroles peuvent détourner beaucoup d'âmes de sa marche vers l'union divine, parce qu'elles l'éloignent beaucoup, si elle en fait cas, de l'abîme de la foi, où l'entendement doit rester dans l'obscurité, afin de s'avancer par amour dans la nuit de la foi, et non par des raisonnements nombreux.

On me dira peut-être: Pourquoi l'entendement doit-il se priver de ces vérités, puisque, comme nous l'avons dit, l'Esprit de Dieu les donne pour éclairer l'entendement, et qu'ainsi il ne peut être mauvais de s'en occuper? A cela je réponds que l'Esprit-Saint éclaire l'entendement qui est recueilli, et qu'il l'éclaire dans la mesure de ce recueillement, mais comme l'entendement ne peut trouver un autre recueillement plus parfait que celui qu'il puise dans la foi, l'Esprit-Saint ne l'éclairera jamais mieux que dans la voie de la foi. Plus une âme est pure, plus elle est appliquée à vivre de la foi avec perfection, plus aussi elle reçoit la charité infuse de Dieu; or plus elle possède la charité, plus l'Esprit-Saint l'éclaire et lui communique ses dons: de telle sorte que la charité est la cause de ses dons et le moyen par lequel il les communique.

Sans doute, il est vrai que l'Esprit-Saint donne quelque lumière dans ces illustrations qu'il communique à l'âme sur certaines vérités, mais celle de la foi est très différente, sans qu'on puisse le comprendre clairement; la qualité de cette lumière est comme l'or le plus fin par rapport au métal le plus vil, et son abondance est comme celle de la mer comparée à la goutte d'eau. Dans le premier cas l'âme reçoit la science d'une, de deux ou de trois vérités...; dans le second cas c'est la sagesse de Dieu qui lui est communiquée d'une manière générale, ou mieux, c'est le Fils de Dieu qui se communique lui-même à l'âme par la foi.

Vous me direz encore que toutes ces connaissances sont bonnes et que l'une n'empêche pas l'autre. Je réponds qu'elles sont un très grand inconvénient pour l'âme quand elle en fais quelque cas. Car elle s'occupe de choses claires et de peu d'importance, qui suffisent pour empêcher les communications qui se font dans l'abîme de la foi où Dieu l'instruit d'une manière secrète et surnaturelle, l'enrichit de vertu et de dons, sans même qu'elle puisse le comprendre.

Le fruit que ces communications successives doivent produire ne provient pas de ce que l'entendement s'y applique expressément; cette application aurait au contraire pour résultat d'éloigner ces connaissances selon cette parole de la Sagesse au livre des Cantiques: « Détournez de moi vos yeux, car ils me font prendre mon vol (Cant. VI, 4) », c'est-à-dire à aller loin de vous et à me retirer sur les hauteurs. Mais elle doit agir purement et simplement, sans forcer son entendement à considérer ce qui lui est communiqué surnaturellement, et appliquer sa volonté à aimer Dieu. C'est par l'amour, en effet, que ces dons se communiquent; et ainsi ils se communiquent avec beaucoup plus d'abondance qu'auparavant. Mais si, quand elle reçoit passivement ces faveurs surnaturelles, l'âme fait intervenir d'une manière active l'habileté naturelle de son entendement ou de quelque autre faculté, elle montre son inaptitude et son incapacité, et forcément elle doit modifier ces connaissances à sa manière et par suite en changer la nature; il en résulte qu'elle se trompera, formera des raisonnements personnels qui n'auront point la réalité ni l'apparence du surnaturel, mais seront au contraire très naturels, très erronés et très vils.

Il y a cependant certains entendements très vifs et très subtils qui, étant recueillis dans la considération de quelque vérité, discourent naturellement avec la plus grande facilité sur des pensées, s'expriment en paroles et en raisonnements pleins de sentiments, et s'imaginent ni plus ni moins que tout cela est de Dieu; mais il n'en est rien; c'est leur entendement qui, aidé de sa lumière naturelle, et quelque peu dégagé des opérations des sens, peut, sans un secours surnaturel, produire ce résultat et de plus grands encore. Les faits de ce genre sont nombreux. Beaucoup d'âmes sont dans l'illusion sur ce point. Elles s'imaginent qu'elles sont élevées à une très haute oraison et qu'elles sont favorisées de communications intimes avec Dieu. Elles écrivent même ou font écrire ce qui se passe en elles. Et il arrive que tout cela n'est rien, qu'il n'y a pas la substance de la moindre vertu et ne sert qu'à entretenir la vaine complaisance. Que ces âmes apprennent donc à ne faire aucun cas de ces paroles successives, mais à fixer la volonté dans un amour fort et humble, à agir et à souffrir comme le Fils de Dieu durant sa vie mortelle, à se mortifier en tout. C'est là le chemin qui conduit à tous les biens spirituels, et non la multiplicité des discours intérieurs.

Il faut ajouter que le démon s'insinue souvent dans ce genre de paroles intérieures successives, surtout quand l'âme y a quelque inclination ou affection. Au moment où elle commence à se recueillir, le démon a coutume de lui offrir de nombreux sujets de digression; il présente à l'entendement, par ses suggestions, des pensées ou des paroles pour la faire tomber en la trompant très habilement avec toutes les apparences du vrai. Telle est l'une des manières par lesquelles il se communique à ceux qui ont fait avec lui quelque pacte tacite ou formel. Il agit de la sorte avec certains hérétiques, et surtout avec les hérésiarques; il remplit leur entendement de pensées et de raisons très subtiles, fausses, ayant les apparences du vrai mais erronées.

De ce que nous venons de dire il s'ensuit que ces paroles successives qui sont communiquées à l'entendement peuvent provenir de trois causes, c'est-à-dire de l'Esprit divin qui le meut et l'éclaire, ou de la lumière naturelle de l'entendement, ou enfin du démon qui peut lui parler par suggestion.

Quant à dire maintenant quels sont les signes et les marques qui nous feront connaître que ces paroles procèdent de cette cause plutôt que de telle autre, il serait assez difficile de le préciser d'une manière complète; on peut cependant indiquer des signes généraux. Ainsi, par exemple, lorsque l'âme qui reçoit ces paroles et ces pensées est portée en même temps à aimer Dieu et s'embrase pour lui d'un amour plein d'humilité et de respect, c'est un signe que l'Esprit de Dieu passe par là; car il n'accorde jamais quelques faveurs sans qu'elles soient revêtues de ce caractère. Lorsque ces paroles ne procèdent que de l'activité et de la lumière de l'entendement, c'est l'entendement seul qui produit tout ce travail, mais sans les vertus dont nous venons de parler, bien que la volonté puisse être portée d'une manière naturelle à aimer Dieu quand elle est instruite et éclairée sur la vérité. Cependant, une fois la méditation passée, la volonté reste alors dans l'aridité, sans être pour cela portée à la vanité ou au mal, à moins que le démon ne la tente de nouveau sur ce point; mais cela ne se produit pas lorsque ces paroles viennent de l'Esprit-Saint. Car alors la volonté reste ordinairement pleine d'affection pour Dieu et portée au bien. Parfois néanmoins, la volonté se trouvera dans l'aridité, quoique la communication ait eu le Saint-Esprit pour auteur, Dieu le permettant ainsi pour le plus grand bien de l'âme.

D'autres fois encore, l'âme sentira faiblement ces opérations ou ces mouvements vers ces vertus, bien que ce qu'elle a éprouvé soit bon. Voilà pourquoi, je le répète, il est quelquefois difficile de connaître la différence qu'il y a entre les unes et les autres de ces paroles, vu la diversité des effets qu'elles produisent. Toutefois les effets dont nous venons de parler sont les plus ordinaires, bien qu'ils se manifestent avec plus ou moins d'abondance.

Les communications qui viennent du démon sont parfois elles-mêmes difficiles à reconnaître. Sans doute, elles laissent ordinairement la volonté dans la sécheresse par rapport à l'amour de Dieu et inclinent l'esprit à la vanité, à l'estime et à la complaisance de soi; mais parfois aussi elles engendrent une fausse humilité, et une ferveur pleine d'affection, qui repose sur l'amour-propre, et qui n'est que difficilement comprise, à moins que la personne ne soit très spirituelle. Le démon agit de la sorte pour se dissimuler; il sait d'ailleurs très bien provoquer parfois des larmes au sujet des sentiments qu'il excite, afin d'arriver peu à peu par là à suggérer à l'âme les affections qui lui plaisent. Il ne néglige rien pour porter sans cesse la volonté à estimer ces communications intérieures, à en faire un très grand cas et à s'y attacher, afin que l'âme s'occupe non de ce qui est la vertu elle-même, mais de ce qui est une occasion de perdre celle qu'elle avait.

Il faut donc nécessairement se conduire avec prudence à l'égard de toutes ces paroles, pour n'être point trompé et ne pas s'exposer à des inquiétudes multiples. Il faut de plus n'en faire aucun cas, et ne s'appliquer qu'à une seule science, celle qui consiste à se diriger vers Dieu avec toute l'énergie de la volonté et à accomplir avec perfection sa loi et ses saints conseils. Telle est la sagesse des Saints. Contentons-nous de connaître les mystères et les vérités avec simplicité et droiture comme l'Église nous les propose. Cela suffit pour embraser le coeur du plus grand amour, sans que nous allions nous jeter dans des recherches profondes et curieuses où, à moins d'un miracle, on est exposé au danger. Aussi saint Paul nous dit à ce sujet: « Il ne nous convient pas de savoir plus qu'il ne faut (Rom. XII, 3). »

Ce que nous venons de dire suffit pour expliquer ce sujet des paroles successives.




Dieu seul suffit,l'aimer,le suivre et faire sa volonté.
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Message par Francesco Mer 13 Avr 2011 - 1:55

J'ai connu une personne qui formait ces paroles successives. Or, au milieu de quelques paroles très vraies et substantielles qui regardaient le Très Saint Sacrement de l'Eucharistie, il y en avait d'autres qui étaient une hérésie manifeste. Ce qui se passe de nos jours est quelque chose d'effrayant. Une âme quelconque est-elle déjà parvenue à quatre maravédis de méditation, et entend-elle quelques-unes de ces paroles intérieures au milieu de son recueillement, qu'aussitôt elle baptise le tout comme venant de Dieu; elle suppose qu'il en est ainsi, et elle répète: « Dieu m'a dit ceci. Dieu m'a répondu cela ». Or il n'en est rien; comme nous l'avons remarqué, ce sont ces âmes qui le plus souvent se parlent ainsi à elles-mêmes.

De plus, le désir que ces âmes ont de ces paroles et l'affection qu'elles y portent intérieurement les amènent à se donner à elles-mêmes ces réponses, et elles s'imaginent que c'est Dieu qui leur répond et leur parle. Aussi elles tombent dans de grandes extravagances si elles ne mettent pas un frein sérieux à ces tendances, et si leur directeur ne leur impose pas un renoncement absolu à ces sortes de discours. Elles en retireront plus de bavardage et d'impureté d'âme que d'humilité et de mortification spirituelle; elle s'imagineront que ça été là une grande faveur et que Dieu a parlé, tandis qu'il n'y aura eu presque rien, ou rien du tout, ou même moins que rien. Car ce qui n'engendre ni humilité, ni charité, ni mortification, ni sainte simplicité, ni silence..., que peut-il être?

J'ajoute donc que ces paroles peuvent détourner beaucoup d'âmes de sa marche vers l'union divine, parce qu'elles l'éloignent beaucoup, si elle en fait cas, de l'abîme de la foi, où l'entendement doit rester dans l'obscurité, afin de s'avancer par amour dans la nuit de la foi, et non par des raisonnements nombreux.

Vassula,Maria Valtorta,etc....


Et encore:
Le fruit que ces communications successives doivent produire ne provient pas de ce que l'entendement s'y applique expressément; cette application aurait au contraire pour résultat d'éloigner ces connaissances selon cette parole de la Sagesse au livre des Cantiques: « Détournez de moi vos yeux, car ils me font prendre mon vol (Cant. VI, 4) », c'est-à-dire à aller loin de vous et à me retirer sur les hauteurs. Mais elle doit agir purement et simplement, sans forcer son entendement à considérer ce qui lui est communiqué surnaturellement, et appliquer sa volonté à aimer Dieu. C'est par l'amour, en effet, que ces dons se communiquent; et ainsi ils se communiquent avec beaucoup plus d'abondance qu'auparavant. Mais si, quand elle reçoit passivement ces faveurs surnaturelles, l'âme fait intervenir d'une manière active l'habileté naturelle de son entendement ou de quelque autre faculté, elle montre son inaptitude et son incapacité, et forcément elle doit modifier ces connaissances à sa manière et par suite en changer la nature; il en résulte qu'elle se trompera, formera des raisonnements personnels qui n'auront point la réalité ni l'apparence du surnaturel, mais seront au contraire très naturels, très erronés et très vils.

Il y a cependant certains entendements très vifs et très subtils qui, étant recueillis dans la considération de quelque vérité, discourent naturellement avec la plus grande facilité sur des pensées, s'expriment en paroles et en raisonnements pleins de sentiments, et s'imaginent ni plus ni moins que tout cela est de Dieu; mais il n'en est rien; c'est leur entendement qui, aidé de sa lumière naturelle, et quelque peu dégagé des opérations des sens, peut, sans un secours surnaturel, produire ce résultat et de plus grands encore. Les faits de ce genre sont nombreux. Beaucoup d'âmes sont dans l'illusion sur ce point. Elles s'imaginent qu'elles sont élevées à une très haute oraison et qu'elles sont favorisées de communications intimes avec Dieu. Elles écrivent même ou font écrire ce qui se passe en elles. Et il arrive que tout cela n'est rien, qu'il n'y a pas la substance de la moindre vertu et ne sert qu'à entretenir la vaine complaisance. Que ces âmes apprennent donc à ne faire aucun cas de ces paroles successives, mais à fixer la volonté dans un amour fort et humble, à agir et à souffrir comme le Fils de Dieu durant sa vie mortelle, à se mortifier en tout. C'est là le chemin qui conduit à tous les biens spirituels, et non la multiplicité des discours intérieurs.

Il faut ajouter que le démon s'insinue souvent dans ce genre de paroles intérieures successives, surtout quand l'âme y a quelque inclination ou affection. Au moment où elle commence à se recueillir, le démon a coutume de lui offrir de nombreux sujets de digression; il présente à l'entendement, par ses suggestions, des pensées ou des paroles pour la faire tomber en la trompant très habilement avec toutes les apparences du vrai. Telle est l'une des manières par lesquelles il se communique à ceux qui ont fait avec lui quelque pacte tacite ou formel. Il agit de la sorte avec certains hérétiques, et surtout avec les hérésiarques; il remplit leur entendement de pensées et de raisons très subtiles, fausses, ayant les apparences du vrai mais erronées.



La c'est le portrait craché de Vassula,Maria Valtorta,Vicka,etc....
Les communications qui viennent du démon sont parfois elles-mêmes difficiles à reconnaître. Sans doute, elles laissent ordinairement la volonté dans la sécheresse par rapport à l'amour de Dieu et inclinent l'esprit à la vanité, à l'estime et à la complaisance de soi; mais parfois aussi elles engendrent une fausse humilité, et une ferveur pleine d'affection, qui repose sur l'amour-propre, et qui n'est que difficilement comprise, à moins que la personne ne soit très spirituelle. Le démon agit de la sorte pour se dissimuler; il sait d'ailleurs très bien provoquer parfois des larmes au sujet des sentiments qu'il excite, afin d'arriver peu à peu par là à suggérer à l'âme les affections qui lui plaisent. Il ne néglige rien pour porter sans cesse la volonté à estimer ces communications intérieures, à en faire un très grand cas et à s'y attacher, afin que l'âme s'occupe non de ce qui est la vertu elle-même, mais de ce qui est une occasion de perdre celle qu'elle avait.



Dieu seul suffit,l'aimer,le suivre et faire sa volonté.
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Message par Francesco Sam 16 Avr 2011 - 1:45

CHAPITRE XXVIII




OÙ L'ON TRAITE DES
PAROLES INTÉRIEURES QUI
SE PRODUISENT FORMELLEMENT DANS
L'ESPRIT D'UNE MANIÈRE SURNATURELLE.
ON MONTRE LES DOMMAGES QU'ELLES
PEUVENT CAUSER ET ON INDIQUE
LES PRÉCAUTIONS QU'IL FAUT PRENDRE,
POUR QU'ELLES NE JETTENT PAS
DANS L'ERREUR.




La seconde catégorie de paroles intérieures renferme les paroles formelles. Elles se produisent parfois dans l'esprit, recueilli ou non, et par voie surnaturelle sans le concours d'aucun sens. Je les appelle formelles, parce qu'il semble formellement à l'esprit qu'elles lui sont adressées par une tierce personne, et qu'il n'y contribue en rien. Elles sont très différentes de celles dont nous venons de parler. Or cette différence vient non seulement de ce que l'esprit ne fait rien pour les produire, comme cela arrive dans les autres, mais je le répète, de ce qu'elles lui viennent parfois quand il n'est pas recueilli, et même très éloigné d'y songer; or il en est tout autrement pour les paroles de la première catégorie, ou paroles successives, qui se rapportent toujours à la vérité qu'on considère.

Ces paroles sont parfois très formelles; d'autres fois elles le sont moins; très souvent elles sont comme des pensées qui sont communiquées à l'esprit sous la forme d'une réponse ou autrement, comme si on lui parlait; quelquefois ce n'est qu'un mot, d'autres fois il y en a deux ou davantage; ou encore ce sont des paroles successives comme les précédentes, car elles ont coutume de durer, elles instruisent l'âme et discutent avec elle, sans que l'esprit y prenne part, et tout se passe comme si une personne s'entretenait avec une autre. Nous en avons un exemple dans Daniel qui nous dit, que « l'Ange parlait en lui (Dan. IX, 22). » C'était là un langage formel et successif qui avait la forme d'un raisonnement et qui instruisait Daniel, car l'Ange lui avait dit aussi qu'il était venu là pour l'instruire.

Ces paroles, quand elles ne sont que formelles, produisent peu d'effet dans l'âme; car ordinairement elles n'ont d'autre but que de lui donner un enseignement ou de l'éclairer sur quelque point; aussi, pour produire ce résultat, il n'est pas nécessaire que leur efficacité dépasse le but auquel elles sont destinées. Or ce but, quand les paroles sont de Dieu, est toujours atteint dans l'âme; car elles lui confèrent la promptitude à accomplir ce qui lui est commandé et la clarté sur ce qui lui est enseigné. Sans doute elles ne lui enlèvent pas toujours la répugnance et la difficulté; au contraire; elles l'augmentent en général. Dieu le dispose ainsi pour que l'âme s'instruise davantage et grandisse dans l'humilité, en un mot il agit pour son bien. Dieu lui laisse ordinairement cette répugnance quand il lui commande des actes qui ont de l'éclat ou peuvent l'élever à quelque dignité, tandis que pour les choses inférieures et basses il lui inspire de la facilité et de l'empressement. Ainsi nous lisons dans « l'Exode » que Dieu prescrivit à Moïse d'aller trouver Pharaon et de délivrer son peuple, mais que Moïse éprouva une très grande répugnance à obéir (Ex. III, 10). Il fallut que Dieu renouvelât trois fois son commandement et lui donnât des signes évidents de sa volonté. Et encore tout cela était insuffisant, jusqu'à ce qu'il lui donnât son frère Aaron qui devait l'accompagner et partager avec lui l'honneur de l'entreprise.

Il en arrive tout autrement lorsque les paroles et les communications viennent du démon. Il inspire de la facilité et de l'empressement pour les actions qui ont de l'éclat et de l'importance; mais il n'inspire que de la répugnance pour les choses humbles. Dieu, au contraire, cela est certain, a tant en horreur les âmes qui recherchent les dignités que, même quand il leur commande de les accepter et les leur impose, il ne veut pas qu'elles s'empressent d'obéir ou qu'elles aient le désir de commander.

Cette promptitude que Dieu inspire généralement par ces paroles formelles les différencie encore des paroles successives; celles-ci n'exercent pas une impression aussi puissante sur l'esprit, et ne suggèrent pas autant de promptitude; car les premières sont plus formelles ou plus explicites, et l'entendement y met moins du sien. Cela néanmoins n'empêche pas que certaines paroles successives produisent parfois plus d'effet, à cause de l'abondance de communication que l'Esprit divin fait à l'esprit humain; mais ce mode de communication est différent de l'autre sous beaucoup de rapports. Lorsque l'âme entend ces paroles formelles, elle ne doute pas si c'est elle qui les profère; elle voit très bien le contraire, surtout quand elle est très éloignée de songer à ce qui lui est dit; et quand même elle aurait eu quelque pensée de ce genre, elle reconnaît clairement et distinctement que ces paroles viennent d'une autre source.

Or l'âme ne doit faire aucun cas de ces paroles formelles et les traiter comme les paroles successives. Sans quoi ce serait d'abord occuper l'esprit de ce qui n'est pas le moyen légitime ni prochain de l'union avec Dieu, comme l'est la foi, et de plus ce serait s'exposer à être très facilement trompé par le démon. Il arrive parfois, en effet, que l'on a de la peine à découvrir quelles sont les paroles qui viennent du bon Esprit, et quelles sont celles qui viennent de l'esprit mauvais. Comme ces paroles formelles, je le répète, ne produisent pas beaucoup d'effet, on peut à peine les distinguer, d'autant plus que celles du démon sont parfois plus efficaces chez les âmes imparfaites que celles du bon esprit chez les personnes spirituelles. Mais qu'elles soient du bon ou du mauvais esprit, il n'y a pas à se presser d'exécuter ce qu'elles disent, ni à en faire cas. Néanmoins, on doit les exposer à un confesseur expérimenté, ou à une personne prudente et entendue pour qu'elle donne son avis et voie la conduite à tenir; et l'âme, d'après son conseil, se tiendra dans l'abnégation et le renoncement complet par rapport à ces paroles.

Si l'on ne trouve pas cette personne expérimentée, il est préférable de prendre ce que les paroles ont de substantiel et de sûr, sans d'ailleurs en faire cas, et de n'en parler à qui que ce soit. Car on pourrait très facilement rencontrer certaines personnes qui causeraient la perte de l'âme plutôt que son bien. Ce n'est pas le premier venu qui est capable de diriger les âmes; et dans une question de si haute importance, réussir ou se tromper peut avoir les plus graves conséquences.

Il faut bien remarquer, en outre, que l'âme ne doit d'elle-même rien faire ni accepter de ce que ces paroles lui disent, sans de mûres réflexions et un conseil autorisé. Car on est exposé dans cette matière à des illusions tellement subtiles et étranges que, à mon avis, l'âme qui ne sera pas ennemie de paroles de cette sorte ne pourra manquer de tomber très souvent dans des illusions plus ou moins profondes.

Comme aux chapitres XVII, XVIII, XIX et XX de ce livre, j'ai déjà parlé de ces illusions et dangers, ainsi que des précautions à prendre pour les éviter, j'y renvoie le lecteur, et je ne m'étends pas davantage ici sur ce sujet. Je dis seulement que la doctrine fondamentale sur ce sujet et la plus sûre, c'est de ne faire aucun cas de ces paroles malgré leurs apparences (L'édition du P. Gerardo suppose que le Saint a voulu dire « aunque mas BUENO parezca: quelque bonnes qu'elles paraissent »), et de nous guider en tout d'après les lumières de la raison et les enseignements que l'Église nous a donnés et nous donne chaque jour.



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Message par Francesco Dim 17 Avr 2011 - 1:45

CHAPITRE XXIX




OÙ L'ON TRAITE DES
PAROLES SUBSTANTIELLES
QUI SONT COMMUNIQUÉES INTÉRIEUREMENT
À L'ESPRIT. ON MONTRE LA DIFFÉRENCE
QU'IL Y A ENTRE CES PAROLES
ET LES PAROLES FORMELLES,
LE PROFIT QU'ELLES PROCURENT,
L'ABNÉGATION ET LE RESPECT OÙ
L'ÂME DOIT SE TENIR
A LEUR ÉGARD.




La troisième catégorie de paroles intérieures, avons-nous dit, comprend les paroles substantielles; bien qu'elles soient formelles comme les précédentes, puisqu'elles se gravent dans l'âme d'une manière très distincte, elles en diffèrent parce qu'elles produisent un effet vif et profond, ce qui n'existe pas pour les paroles qui ne sont que formelles. S'il est vrai de dire que toute parole substantielle est formelle, il ne s'ensuit pas que toute parole formelle soit substantielle, mais seulement celle-là qui, comme nous l'avons dit déjà, imprime substantiellement dans l'âme ce qu'elle signifie. Il en serait ainsi, par exemple, si Notre-Seigneur disait formellement à une âme: « Sois bonne », et qu'immédiatement elle fût essentiellement bonne. Ou encore s'il lui disait: « Aime-moi », et qu'aussitôt elle possédât et sentît en elle-même la substance de l'amour, c'est-à-dire le véritable amour de Dieu; ou encore si, la voyant en proie à une crainte excessive, il lui disait: « Ne crains pas », et qu'elle se sentît tout à coup pleine d'énergie et en paix. Car la parole de Dieu, comme dit le Sage, est pleine de puissance (Eccl. VIII. 4). Elle produit substantiellement dans l'âme ce qu'elle signifie. C'est là ce qu'indique David dans le Psaume: « Le Seigneur donnera à sa voix une vertu pleine de force (Ps. LXVII, 34). » C'est ce qu'il fit pour Abraham quand il lui dit: « Marche en ma présence et sois parfait (Ge. XVII, 1). » Et aussitôt Abraham fut parfait, et ne cessa de se tenir plein de respect sous le regard de Dieu. Telle est la puissance que Notre-Seigneur, d'après le saint Évangile, manifesta dans ses paroles; il ne disait qu'un mot et aussitôt il guérissait les malades et ressuscitait les morts. C'est de cette sorte que sont les paroles substantielles qu'il adresse à certaines âmes. Elles sont d'une telle importance et d'un si haut prix qu'elles communiquent à l'âme la vie, la vertu et un bien incomparable. Parfois même une seule de ces paroles lui procure plus de bien que tout ce qu'elle a pu acquérir de méritoire dans toute sa vie.

Lorsque l'âme entend une parole de ce genre, elle n'a rien à faire par elle-même, ni à désirer, ni à refuser, ni à rejeter, ni à craindre. Elle n'a pas à se préoccuper d'accomplir ce qu'elles signifient. Car Dieu n'adresse jamais à l'âme ces paroles substantielles pour qu'elle les mette en oeuvre, mais pour les réaliser lui-même dans cette âme; et c'est là ce qui les différencie des paroles formelles et des paroles successives. Je dis que l'âme n'a pas à vouloir ou non ici, car son consentement n'est pas nécessaire pour que Dieu agisse, comme sa résistance ne suffirait pas à empêcher l'effet que Dieu produit. Mais elle doit se résigner et se tenir dans l'humilité.

L'âme n'a pas à rejeter ces faveurs, car leur effet est déjà substantiellement gravé en elle, et il est enrichi de biens divins; car elle le reçoit passivement, et n'y contribue en rien. Elle n'a pas non plus à craindre quelque illusion. Car ni l'entendement ni le démon ne peuvent intervenir ici; ce malin esprit n'arrivera jamais à produire passivement dans une âme quelconque un effet substantiel de manière à graver en elle l'effet habituel de sa parole. J'excepte le cas où elle se serait donnée à lui par un pacte volontaire et où la possédant en maître, il y imprimerait non des effets de bien mais des effets pleins de malice. Dès lors que cette âme lui est unie par une perversité volontaire, il est très facile au démon d'imprimer en elle les effets des paroles pleines de perversité. L'expérience nous montre encore qu'il agit même sur les âmes bonnes par des suggestions nombreuses et puissantes et produit en elles d'étranges effets; mais quand les âmes sont mauvaises, il est capable de consommer le mal en elles.

Quant à imprimer dans l'âme par ses paroles des effets qui soient assimilés à ces bons effets dont nous avons parlé, il en est incapable. Car il n'y a pas de comparaison possible entre ses paroles et celles de Dieu; toutes ne sont rien à côté de celles de Dieu, et leur effet n'est rien à côté de l'effet produit par celles de Dieu. Voilà pourquoi Dieu nous dit par Jérémie « Quelle comparaison y a-t-il entre la paille et le blé? Est-ce que mes paroles ne sont pas comme le feu, ou comme le marteau qui brise les pierres? (Jer. XXIII, 28-29) »

Ces paroles substantielles servent donc beaucoup à l'union de l'âme avec Dieu. Plus elles sont intérieures et plus elles sont substantielles, et par suite plus elles apportent de bien. Heureuse l'âme à qui Dieu les adresse! « Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur écoute (Rois, III, 10) ».




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Message par Francesco Mar 19 Avr 2011 - 1:34

CHAPITRE XXX




OÙ L'ON TRAITE
DES CONNAISSANCES QUE
L'ENTENDEMENT REÇOIT PAR VOIE
SURNATURELLE; ON EN EXPLORE LA
CAUSE, AINSI QUE L'ATTITUDE QUE
L'ÂME DOIT TENIR POUR NE PAS Y
TROUVER UN OBSTACLE A SON
UNION AVEC DIEU.




Il nous faut traiter maintenant de la quatrième et dernière catégorie des connaissances intellectuelles. Ces connaissances, avons-nous dit, peuvent être communiquées à l'entendement par les sentiments spirituels qui se manifestent très souvent d'une manière surnaturelle à l'homme intérieur. Nous les classons parmi les connaissances distinctes de celles de l'entendement.

Ces sentiments spirituels distincts peuvent être de deux sortes. La première comprend les sentiments qui résident dans l'affection de la volonté; la seconde, les sentiments qui résident dans la substance de l'âme (Les éditions antérieures disaient: « La seconde comprend les sentiments qui, tout en étant dans la volonté, sont si intenses, si élevés, si profonds et si intérieurs, qu'ils semblent ne pas la toucher, mais se produire dans la substance même de l'âme ». Cette phrase est ajoutée, comme le prouve l'autorité des manuscrits et ce qu'ils disent immédiatement, ce qui d'ailleurs sera répété un peu plus loin. Édition P. Gerardo). L'une et l'autre peuvent renfermer une grande variété.

Les premiers sentiments, quand ils viennent de Dieu, sont très élevés; mais les seconds, qui résident dans la substance de l'âme, les surpassent et produisent les plus grands biens et les plus grands avantages. Ni l'âme ni son guide ne peuvent savoir ni comprendre la cause d'où elles procèdent, ni par quelles voies ni pour quelles oeuvres Dieu accorde de pareilles faveurs; car elles ne dépendent nullement des oeuvres que l'âme accomplit, ni des considérations qu'elle fait, bien que ces oeuvres et ces considérations soient de bonnes dispositions pour les recevoir. Dieu les donne à qui il veut, comme il veut et pour le but qu'il veut. Une personne aura pratiqué beaucoup de bonnes oeuvres, et Dieu ne lui donnera pas de ces touches; une autre aura fait beaucoup moins, et elle recevra des touches très élevées et en très grande abondance. Il n'est donc pas nécessaire que l'âme soit actuellement occupée de choses spirituelles pour que Dieu lui donne de ces touches qui provoquent les sentiments dont nous parlons; cependant, si elle en était occupée, elle serait bien mieux préparée à recevoir ces faveurs. Mais le plus souvent ces faveurs lui sont accordées au moment où elle y pense le moins.

Or parmi ces touches divines, il y en a qui sont bien caractérisées mais qui passent promptement, et il y en a d'autres qui ne sont pas aussi distinctes et qui durent plus longtemps.

Ces sentiments, tels que nous les comprenons ici, n'appartiennent pas seulement à l'entendement, mais à la volonté. Aussi mon intention n'est pas d'en traiter maintenant d'une façon expresse. Je me réserve de le faire lorsque dans le troisième Livre je traiterai de la nuit de la volonté et de la purification qu'elle doit apporter dans ses affections. Mais comme bien souvent, et même la plupart du temps, ils procurent à l'entendement une connaissance, une notice ou une lumière, il convient d'en faire mention ici sous ce rapport seulement.

Nous devons donc savoir que de tous ces sentiments, aussi bien ceux de la volonté que ceux de la substance de l'âme, bien qu'ils soient durables et successifs, rejaillit, je le répète, sur l'entendement une impression de connaissance et de lumière. Cette impression est ordinairement une touche très élevée de Dieu et pleine de suavité pour l'entendement; on ne saurait l'exprimer, non plus que le sentiment qui en et la source. Ces connaissances sont tantôt d'une sorte, tantôt d'une autre; elles sont parfois plus élevées et plus claires, parfois elles le sont moins; cela dépend des touches de Dieu, qui causent les sentiments d'où elles procèdent et de la qualité de ces sentiments.

Il n'est pas nécessaire ici de multiplier les paroles pour donner un avis et pour porter, au milieu de ces connaissances, l'entendement à se tenir dans la foi s'il veut parvenir à l'union avec Dieu. Car dès lors que les sentiments dont nous avons parlé se produisent d'une manière passive dans l'âme, sans qu'elle contribue en rien pour les recevoir, de même les connaissances qui en résultent sont reçues passivement dans l'entendement que les philosophes appellent intellect passible, sans qu'il fasse rien personnellement dans ce but. Aussi afin d'éviter toute erreur qui proviendrait de son intervention et serait un obstacle à ces faveurs, il ne doit y rien faire, garder une attitude passive, et ne pas y intervenir par ses aptitudes naturelles. Car, comme nous l'avons dit en traitant des paroles successives, l'entendement pourrait très facilement, avec son activité, troubler et dissiper ces connaissances si délicates qui sont des lumières surnaturelles pleines de délices, que par sa nature il ne peut comprendre, mais qu'il peut seulement recevoir. Voilà pourquoi il ne doit pas chercher à se les procurer, ni avoir même le désir de les recevoir. De la sorte, il n'en formera pas d'autres qui seraient de son propre fond; de plus, il ne s'exposera pas à ce que le démon vienne à son tour lui suggérer d'autres connaissances et formes; car le démon s'entend très bien à en former par l'influence des sens corporels, lorsque l'âme les recherche par l'intermédiaire des sentiments dont nous avons parlé.

L'âme doit donc se tenir dans le détachement et l'humilité et garder une attitude passive; c'est passivement qu'elle reçoit de Dieu ces faveurs. Dieu les lui communique quand il le juge bon, dès lors qu'il la trouve humble et détachée de tout. Si elle agit de la sorte, elle ne mettra pas obstacle aux avantages que ces connaissances procurent pour l'union divine et qui sont très grands, car toutes ces connaissances sont des touches de l'union divine qui s'accomplit d'une manière passive dans l'âme.

(Toutes les éditions antérieures à celles de P. Gerardo, 1912 plaçaient ici un long paragraphe qui ne se trouve pas dans les principaux manuscrits. Nous le donnons cependant en note. Le P. Silverio attribue ce paragraphe au P. Jérôme de Saint-Joseph.
« Nous avons parlé, dans ce livre, du renoncement absolu et de la contemplation passive; nous avons montré que l'âme doit se laisser conduire par Dieu dans l'oubli de tout le créé et le détachement de toute image ou figure, s'arrêter avec une vue simple sur la vérité suprême. Or toute cette doctrine s'applique non seulement à cet acte de contemplation très parfaite dont la quiétude sublime et complètement surnaturelle est empêchée encore par les filles de Jérusalem, c'est-à-dire par les pieux discours et les méditations, si on voulait en user alors, mais aussi à tout le temps durant lequel Notre-Seigneur communique à l'âme cette attention simple, générale et pleine d'amour dont nous avons parlé, ou durant lequel l'âme, aidée de la grâce, s'y applique elle-même. Car alors elle doit toujours veiller à garder le calme de l'esprit, sans s'occuper d'autres formes, images ou connaissances particulières, à moins que ce ne soit d'une manière tout à fait transitoire, et sans les rechercher, positivement, et qu'on y porte un amour suave dans le but de s'embraser de plus en plus de charité. Mais, en dehors de cet état, l'âme doit, dans tous ses exercices, tous ses actes et toutes ses oeuvres, s'aider de pieux souvenirs et de saintes méditations, qui soient de nature à augmenter sa dévotion et à procurer son avancement, et surtout considérer la vie, la Passion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin d'y conformer ses actions, ses exercices et sa vie. »)

Terminons là ce traité des connaissances surnaturelles de l'entendement et de la manière dont il doit les considérer pour marcher par le chemin de la foi à l'union divine. Il me semble en avoir dit assez pour que l'âme, quelles que soient les connaissances qui lui adviennent, trouve la doctrine et les précautions qui lui sont nécessaires dans l'enseignement que nous avons donné sur les diverses sortes de connaissances. Et supposé le cas qui ne paraîtrait pas compris dans l'une des quatre catégories dont il a été parlé, il me semble néanmoins qu'il n'y en a pas un seul que l'on ne puisse ramener à l'une d'elles. On pourra donc trouver la lumière et les conseils dans ce qui a été exposé pour des circonstances semblables. Cela dit, nous allons passer au troisième Livre, où, avec l'aide de Dieu, nous parlerons de la purification spirituelle intérieure de la volonté, par rapport à ses affections intérieures, que nous appelons ici la nuit active (Les anciennes éditions ajoutaient ici le paragraphe suivant: « Je vous prie donc, sage lecteur, de me prêter une attention bienveillante et soutenue. Car sans cette condition tout enseignement, si élevé et si parfait qu'il soit, ne procurerait pas le profit qu'il contient, et on n'en aurait pas l'estime qu'il mérite; à plus forte raison en serait-il de la sorte, à cause de mon style qui est si souvent fort défectueux. »).





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Message par Francesco Lun 25 Avr 2011 - 0:35

LIVRE TROISIÈME





OÙ L'ON TRAITE DE LA PURIFICATION ET DE
LA NUIT ACTIVE DE LA MÉMOIRE ET DE LA VOLONTÉ.
ON ENSEIGNE LA CONDUITE QUE L'ÂME DOIT TENIR
À L'ÉGARD DES ACTES DE CES DEUX PUISSANCES
POUR ARRIVER À L'UNION AVEC DIEU PAR LA
PERFECTION DE L'ESPÉRANCE ET DE LA CHARITÉ.




SOMMAIRE




Nous avons déjà montré comment l'entendement, première puissance de l'âme, doit se diriger dans toutes les connaissances qu'il acquiert, d'après les lumières de la foi, qui est la première des vertus théologales, afin qu'il puisse s'unir à Dieu par la pureté de cette vertu. Il nous reste maintenant à accomplir le même travail en parlant des deux autres puissances de l'âme, qui sont la mémoire et la volonté, afin que, purifiées elles aussi dans leurs rapports avec leurs connaissances respectives, l'âme arrive à s'unir à Dieu par une espérance et une clarté parfaite. C'est ce que nous ferons brièvement dans ce troisième Livre. Ayant déjà établi que l'entendement est le réservoir de tous les objets de ces puissances, nous avons par le fait même accompli une grande partie de la tâche que nous nous proposons. Il ne sera donc pas nécessaire de nous étendre aussi longuement sur ces deux puissances que sur la première. Il n'est pas possible en effet que l'homme adonné à la spiritualité, qui a bien formé son entendement à suivre les enseignements de la foi dont nous avons parlé, n'instruise pas en même temps les deux autres puissances dans la pratique des deux autres vertus d'espérance et de charité; car les opérations des unes dépendent des opérations de autre. Cependant, pour nous conformer à notre plan et pour mieux donner à comprendre ce sujet, il faut en parler d'une manière précise et déterminée. Nous parlerons donc ici des appréhensions propres de chacune de ces facultés, et tout d'abord de celles de la mémoire. J'en ferai les distinctions qui seront suffisantes pour le but que je me propose. Or ces distinctions nous pouvons les tirer des objets mêmes de la mémoire, qui sont au nombre de trois, à savoir: naturels, surnaturels imaginaires, et spirituels; d'après ces trois objets, il y a aussi trois sortes de connaissances pour la mémoire: les naturelles, les surnaturelles imaginaires et les spirituelles. Avec l'aide de Dieu, nous en traiterons ici, et nous commencerons par les connaissances naturelles qui proviennent d'objets plus extérieurs. Nous traiterons ensuite des affections de la volonté, et ainsi nous terminerons ce troisième livre de la Nuit active de l'esprit.




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Message par Francesco Mar 26 Avr 2011 - 1:12

CHAPITRE I




OÙ L'ON TRAITE
DES CONNAISSANCES NATURELLES
DE LA MÉMOIRE; ON MONTRE
COMMENT ELLE DOIT S'EN DÉTACHER
POUR QUE L'ÂME PUISSE S'UNIR
À DIEU PAR CETTE
PUISSANCE.




Il est nécessaire au lecteur de ne point perdre de vue dans chacun de ces livres le but que nous nous proposons. Sans cela bien des doutes pourraient lui venir en lisant soit ce que nous venons de dire de l'entendement, soit ce que nous dirons à présent de la mémoire et ensuite de la volonté. En voyant comment nous réduisons à néant les puissances à l'égard de leurs opérations respectives, il lui semblera peut être qu'au lieu d'élever l'édifice de la vie spirituelle, nous le détruisons. Et cela serait vrai si nous ne nous adressions qu'à des commençants, car il leur convient de se préparer encore par des méditations discursives et des raisonnements. Mais notre but en ce moment est d'enseigner le moyen de franchir ce degré pour arriver par la contemplation à l'union divine; voilà pourquoi tous ces moyens et tous ces exercices sensibles des puissances doivent être abandonnés et mis dans le silence, afin que Dieu opère par lui-même dans l'âme l'union avec lui. Il faut donc débarrasser les puissances, les dépouiller, les priver de leur droit naturel et de leurs opérations; c'est par là qu'elles seront disposées à recevoir des grâces infuses et des lumières surnaturelles. Leur capacité naturelle ne saurait les aider à accomplir un acte si élevé, elle y serait plutôt un obstacle; les puissances doivent donc la perdre de vue. S'il est vrai, comme il l'est en réalité, que l'âme doit arriver peu à peu à connaître Dieu plutôt parce qu'il n'est pas que parce qu'il est, il s'ensuit nécessairement que, pour aller à lui, elle doit procéder par le renoncement, le détachement complet et absolu de toutes ses connaissances naturelles et surnaturelles.

Tel est le sujet dont nous allons nous occuper maintenant en parlant de la mémoire; nous la tirerons des limites et des bornes de sa nature, nous l'élèverons au-dessus d'elle-même, c'est-à-dire au-dessus de toute connaissance distincte, de toute possession sensible, pour la placer dans la souveraine espérance en Dieu qui est l'Être incompréhensible.

Je commence donc par les connaissances naturelles. Je dis que ces connaissances naturelles de la mémoire sont toutes celles qu'elle peut former des objets à l'aide des cinq sens corporels: l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût et le tact, ainsi que toutes les autres de ce genre qu'elle pourrait fabriquer et imaginer. Or elle doit se dépouiller et se défaire de toutes ces connaissances et imaginations, travailler même à en perdre le souvenir, de telle sorte qu'elle n'en garde aucune impression ni aucune trace et soit dans le dénûment absolu, comme si rien ne s'était passé en elle, dans l'oubli et l'abstraction de tout. La mémoire ne peut faire moins que de s'annihiler par rapport à toutes ces formes, si elle doit s'unir à Dieu. Car l'amour avec Dieu ne saurait exister, tant qu'elle ne sera pas complètement séparée de toutes les formes qui ne sont pas Dieu. Dieu en effet, comme nous l'avons dit dans le nuit de l'entendement, n'est pas renfermé dans quelque forme ou représentation distincte. Or si, comme l'enseigne notre Rédempteur, « on ne peut servir deux maîtres à la fois (Mat. VI, 24) », la mémoire ne saurait être parfaitement unie à Dieu, si elle est encore unie à des formes et à des représentations distinctes. Mais Dieu n'a ni forme ni image qui puissent être comprises par la mémoire; il s'ensuit donc que quand l'âme est unie à Dieu, comme le prouve l'expérience de chaque jour, elle est comme si elle n'avait ni forme ni figure, l'imagination n'agit plus, et la mémoire enivrée du souverain bien est dans l'oubli de tout et ne se souvenant de rien. Cette divine union, en effet, opère le vide dans l'imagination, qu'elle purifie de toutes les formes et connaissances pour l'élever à un état surnaturel. C'est quelque chose d'extraordinaire que ce qui se passe alors parfois. Il arrive en effet quelquefois, quand Dieu accorde ces touches d'union à la mémoire, qu'il se produit tout à coup dans le cerveau, à cette partie où elle a son siège, un tressaillement si sensible qu'il semble que l'on s'évanouit, que l'on perd absolument le jugement et l'usage des sens. Cet effet est plus ou moins grand, selon la puissance de la touche divine. Mais alors, je le répète, la mémoire est dégagée et purifiée de toutes ses connaissances; elle est comme hors d'elle-même, et parfois si oublieuse d'elle-même qu'elle doit faire un grand effort pour se rappeler quelque chose. Cet oubli de la mémoire et cette suspension de l'imagination sont tels quelquefois, par suite de l'union de la mémoire avec Dieu, qu'il s'écoule beaucoup de temps sans qu'on s'en aperçoive et sans qu'on sache ce qui s'est passé. Et comme l'imagination est parfois suspendue alors, viendrait-on à faire ce qui devrait lui causer de la souffrance, elle ne le sent point, parce que sans imagination il n'y a pas de sentiment; elle ne songe même pas, puisqu'il n'y a pas de pensée.

Aussi, pour que Dieu vienne produire ces touches d'union, il convient à l'âme de purifier la mémoire, comme nous l'avons dit, de toutes les connaissances sensibles. Mais nous devons remarquer que ces suspensions dont il vient d'être parlé n'existent plus ainsi chez les parfaits, car ils sont arrivés à l'union parfaite, et ces suspensions n'ont lieu que dans les commencements de l'union.

Vous me direz peut-être: Tout cela est bon, mais ce qui en découle, c'est qu'on détruit l'usage naturel et le cours régulier des puissances; c'est que, de plus, l'homme devient semblable à la bête, oublieux de tout, et ce qui est pire encore, il ne raisonne plus et ne songe plus aux exigences et aux opérations de la nature. Or Dieu ne détruit pas la nature; au contraire, il la perfectionne; mais d'après vos principes il s'ensuit nécessairement que vous la détruisez, car l'homme ne se souvient plus des principes de la moralité et de la raison pour agir, ni de sa nature pour les mettre en pratique; car il ne peut se souvenir de rien de tout cela, dès lors qu'il se dégage de toutes les connaissances et perceptions qui sont les moyens de réminiscences.

A cette objection je réponds qu'il en est vraiment ainsi. Plus la mémoire s'unit à Dieu, et plus les connaissances distinctes qu'elle avait s'affaiblissent, jusqu'à ce qu'elles se perdent complètement. Cela a lieu quand par sa perfection elle est parvenue à l'état même de l'union. Au début de l'union, quand le travail de l'union se fait, il ne peut manquer d'y avoir un grand oubli de toutes choses, puisque leurs formes et leurs perfections s'effacent peu à peu de la mémoire. Aussi fait-on beaucoup de fautes dans les rapports extérieurs que l'on a avec le prochain; on ne se souvient plus de manger ou de boire; on oublie si l'on a fait une chose ou non, si on l'a vue ou non, si on a dit une parole ou non; la mémoire est absorbée en Dieu. Mais quand l'âme a déjà l'habitude de l'union, ce qui est pour elle le souverain bien, elle n'a plus d'oublis de ce genre dans ce qui concerne sa vie morale et naturelle. Au contraire, elle manifeste une perfection supérieure dans toutes les actions qui sont convenables ou nécessaires, bien que ces actions ne proviennent plus des connaissances et des perceptions de la mémoire; car, je le répète, quand il y a l'habitude de l'union, ce qui est déjà un état surnaturel, la mémoire et les autres puissances perdent complètement leurs opérations naturelles; elles sont élevées de leur être naturel à celui de Dieu qui est surnaturel. La mémoire, étant donc ainsi transformée en Dieu, ne peut plus recevoir l'impression des formes et des connaissances naturelles. Dans cet état, toutes les opérations de la mémoire et des autres puissances sont divines. Dieu, en effet, les possède, comme un Maître absolu, par suite de leur transformation en lui; c'est lui qui les meut et leur commande divinement, selon son Esprit et sa volonté et cela s'accomplit de telle sorte que les opérations de Dieu et de ces puissances de l'âme ne sont pas distinctes, et que celles de l'âme sont celles de Dieu. Ce sont donc des opérations divines, en tant que « celui qui s'unit à Dieu ne fait qu'un Esprit avec lui (I Cor. VI, 17) ». De là il résulte que les opérations de l'âme qui est dans l'union proviennent du Saint-Esprit et par conséquent sont divines. Il en résulte encore que les oeuvres de ces âmes sont les seules qui soient convenables et conformes à la raison, sans être jamais défectueuses; car l'Esprit de Dieu leur donne à connaître ce qu'elles doivent connaître, et les laisse ignorer ce qu'elles doivent ignorer, ou se rappeler ce dont elles doivent se souvenir à l'aide de représentations ou non, ou bien oublier ce qu'il faut oublier, ou aimer ce qu'elles doivent aimer, et ne pas aimer ce qui n'est pas en Dieu. Ainsi donc tous les premiers mouvements des puissances de ces âmes sont divins. Il ne faut donc pas s'étonner si les mouvements et les opérations de ces puissances sont divins, dès lors qu'ils sont transformés dans l'être de Dieu.

Je veux apporter quelques exemples de ces opérations. En voici un. Une personne demande à une autre qui est en état de la recommander à Dieu. Or cette dernière ne conserve dans sa mémoire aucune impression, aucune connaissance de ce qui lui a été demandé. Mais, s'il convient de la recommander à Dieu, et si Dieu veut agréer la prière qui lui sera faite, il agira sur la volonté de cette personne, et lui inspirera le désir de faire ce qui lui a été demandé. Si Dieu ne veut pas de cette prière, l'âme aura beau s'efforcer de la faire, elle n'y réussira pas, elle n'en aura même pas le désir. Parfois même Dieu lui suggérera de prier pour d'autres qu'elle ne connaît point ou dont elle n'a jamais entendu parler. Cela vient de ce que c'est Dieu seul, comme je l'ai dit, qui meut de pareilles âmes à accomplir les oeuvres qui sont conformes à sa volonté ou à ses desseins, sans qu'elles puissent se porter à d'autres; voilà pourquoi les oeuvres et les prières de ces âmes sont toujours couronnées de succès.

Telles étaient celles de l'auguste Mère de Dieu. Dès le premier instant de son existence, elle fut élevée à cet état suprême. Elle n'eut jamais dans son âme l'impression quelconque d'une créature qui pût la détourner de Dieu; elle ne se dirigea jamais d'après une impression de cette sorte, et l'Esprit-Saint fut son guide.

Voici un autre exemple. Une personne doit à tel moment fixé s'occuper d'une affaire nécessaire. Elle n'en a aucun souvenir qui lui vienne par la voie d'une forme imaginaire; mais, sans qu'elle sache comment, sa mémoire recevra cette motion dont nous avons parlé au moment et de la manière qu'il convient pour agir avec succès. L'Esprit-Saint lui donne ses lumières non seulement dans ces circonstances, amis encore dans une foule d'autres faits ou d'événements qui arrivent ou arriveront, alors même qu'elle en serait éloignée. Ces connaissances, qui parfois lui viennent par la voie des formes intellectuelles, lui sont très souvent communiquées sans aucune forme sensible; l'âme elle-même ignore comment elle les a reçues; mais elles lui sont données par la Sagesse divine; car, les âmes de cette sorte s'exercent à ne savoir comprendre par leurs puissances naturelles aucune des choses qui seraient pour elles un obstacle à l'union; aussi elles en viennent généralement, comme nous l'avons dit à l'occasion de la montagne figurée au commencement de ce livre, à tout connaître, selon que le dit le Sage: « L'auteur de toutes choses, la Sagesse, m'a tout appris (Sag. VII, 21) ».

Mais, me direz-vous peut-être, il est impossible à l'âme de dégager sa mémoire et de la dépouiller si bien des images et représentations qu'elle puisse arriver à un état si élevé. Il y a, en effet, ici deux difficultés qui sont au-dessus des forces et de la capacité de l'homme: la première qui est de se dépouiller de sa nature et de ses aptitudes naturelles, ce qui ne saurait se réaliser; et la seconde, qui est encore plus ardue, est d'atteindre le surnaturel et de s'unir à lui. En réalité, il est impossible d'arriver à ce résultat avec les seules forces de la nature. Il est certain que c'est Dieu qui doit élever l'âme à cet état surnaturel. Quant à l'âme, elle doit ne rien négliger pour s'y disposer, et cela, elle le peut naturellement, surtout avec les secours que Dieu lui donne progressivement. Voilà pourquoi, au fur et à mesure qu'elle avance dans le renoncement et ce détachement de toutes formes sensibles, Dieu lui donne une plus grande possession de l'union. Or ce résultat, s'opère en elle passivement, comme nous le dirons, s'il plaît à Dieu, lorsque nous traiterons de la Nuit passive de l'âme. Et ainsi, c'est quand Dieu le jugera bon et selon la disposition où l'âme sera parvenue qu'il lui donnera l'union parfaite par mode d'habitude.

Quant à ces divins effets que produit l'union lorsqu'elle est parfaite, tant du côté de l'entendement que du côté de la mémoire et de la volonté, nous n'en parlerons pas dans cette nuit et purification active; car elle seule ne suffit pas pour faire l'union divine. Nous en reparlerons dans la nuit passive par laquelle s'opère l'union de l'âme à Dieu. Je ne traiterai donc maintenant que du moyen nécessaire pour que la mémoire se dispose activement, et autant que cela dépend d'elle, à entrer dans cette nuit ou purification active.

Ce moyen consiste en ce que l'âme adonnée à la vie spirituelle observe bien l'avis suivant: Tout ce qui frappera la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût ou le tact, elle veillera à ne pas s'y attacher et à n'en rien conserver dans sa mémoire; elle s'appliquera à l'oublier tout de suite, et y travaillera même, s'il le faut, avec ce zèle que l'on met à se rappeler d'autres souvenirs. Elle ne doit laisser dans sa mémoire aucun connaissance ou impression des choses d'ici-bas, qu'elle considérera comme si elles n'existaient pas; sa mémoire en sera absolument dégagée et libérée; elle ne s'arrêtera à aucune considération, soit d'en haut, soit d'en bas; qu'elle se conduise comme si cette faculté de la mémoire n'existait pas, et la laisse librement se perdre dans l'oubli, comme une chose qui trouble si elle ne disparaît pas. Car tout ce qui est naturel est plutôt un obstacle qu'un recours, si l'on veut s'en servir dans ce qui est surnaturel.



[(Les éditions antérieures donnaient ici le paragraphe suivant tout différent des Ms. c, A, B, C, D, P: « Qu'elle laisse passer ces connaissances et s'établisse dans un saint oubli à leur égard; qu'elle n'y réfléchisse pas, si ce n'est quand il le faudra pour de bonnes pensées et de pieuses méditations. Toutefois cette application à oublier et à rejeter les connaissances et les souvenirs ne s'entend jamais du Christ et de son Humanité. Si parfois l'âme élevée à une très haute contemplation et à la vue simple de la Divinité ne se souvient pas de la sainte Humanité du Christ, cela provient de ce que Dieu a, par un moyen spécial élevé l'âme à cette connaissance comme confuse mais très surnaturelle. Mais s'appliquer, de propos délibéré, à l'oublier, voilà ce qui ne convient sous aucun rapport. Car la vue et la méditation amoureuse de cette sainte Humanité est une aide pour toutes sortes de biens, et par elle l'âme monte plus facilement et au plus haut degré de l'union. Il est clair que si toutes les choses visibles et corporelles doivent être laissées dans l'oubli, parce qu'elles sont un obstacle, il ne faut pas considérer comme tel Celui qui s'est fait homme pour nous guérir de nos maux, Celui qui est la vérité, la porte, la voie, le guide qui mène à tous les biens. »

« Cela supposé, l'âme doit s'appliquer à faire abstraction de tout le reste et à l'oublier, de telle sorte que, autant que possible, il n'y ait plus dans sa mémoire une connaissance ou un souvenir quelconque des choses créées et les considère comme n'existant même pas; que la mémoire en soit libérée et dégagée pour aller à Dieu, et qu'ainsi elle soit comme perdue dans un saint oubli. »

Que ce texte ne soit pas le texte original du docteur mystique, cela, à mon avis, ne fait aucun doute pour ces trois raisons très fortes: la première, c'est qu'on ne le trouve pas dans les cinq manuscrits que nous citons; la deuxième, parce que l'on ne trouve pas, dans ces manuscrits ni plusieurs autres, trois petits paragraphes où l'on enseigne la même doctrine, comme on peut le voir au chapitre précédent, au chapitre XIV de ce livre et au chapitre X du livre premier de la Nuit obscure; la troisième, parce que l'enchaînement du texte des Manuscrits est plus parfait.

Le motif pour lequel on a introduit ce paragraphe ainsi que les autres est, à mon avis, celui de montrer comment saint Jean de la Croix ne partageait pas l'opinion de certains mystiques d'après lesquels l'âme, arrivée à la contemplation, doit éloigner de sa mémoire tout ce qui est corporel, et même la très Sainte Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ; mystiques qui avaient déjà été victorieusement réfutés par sainte Thérèse (Vie, ch. 22 et Château de l'âme, Dem. 6E, ch.7). Certainement le Saint pensait ainsi. Mais, pour le prouver, il n'y avait pas de nécessité our celui qui édita ses oeuvres de recourir à de telles fictions. La dévotion toute particulière que le Saint avait pour l'Humanité du Christ, le souvenir constant qu'il gardait de la Passion, bien qu'il fût déjà arrivé à la plus haute contemplation, sont une preuve plus que suffisante pour réfuter d'une façon péremptoire ces mystiques outrés et montrer qu'il n'était pas de leur bord. L'auteur de l'interpolation a quelque excuse. Son but était de fournir des textes comme preuves, et vraisemblablement il ignorait encore ceux que nous connaissons. On peut voir dans le Senteciaro les Sentences 1er, 2e, 74e et 78e, etc.; dans les Dictamenes de espiritu la règle 11e, qui dit littéralement: « Il disait (le saint) que deux choses servent d'ailes à l'âme pour s'élever à l'union à Dieu: la compassion affective à la Passion de Jésus-Christ et l'amour du prochain. » (Homenaje a S. Juan de la Cruz, p. 195, et au tome 3e de la présente édition.) Si l'on désire des preuves plus claires et qui touchent directement cette question, on peut les voir dans le traité intitulé: Espinas de espiritus et dans le Conocimiento oscuro de Dios, qui sont, l'un et l'autre, du docteur mystique, comme nous le prouverons.

D'ailleurs, le Saint n'était pas obligé de traiter ce point de théologie mystique, et il y en a beaucoup d'autres dont il n'a pas parlé. Voilà pourquoi nous répondrons à ceux qui n'admettent pas l'authenticité de ces deux derniers traités que, d'après nous le Saint s'en occupe d'une manière toute spéciale dans son livre intitulé Reglas para conocer el buen y mal espiritu, qui s'est perdu.)]


Si les doutes et les objections dont il a été parlé au sujet de l'entendement venait à se produire encore, et si l'on disait que l'entendement ne fait rien alors et perd son temps, que l'âme se prive des biens spirituels qu'elle peut recevoir en s'aidant de la mémoire, nous disons que nous avons déjà donné alors une réponse à toutes ces difficultés et que nous en traiterons de nouveau dans la Nuit passive. Ainsi il n'y a pas de motif pour nous y arrêter en ce moment.

Il faut remarquer toutefois que si, durant quelque temps, l'âme ne constate pas le progrès produit par cette suspension de toutes les connaissances et de tous souvenirs, elle ne doit pas pour cela se décourager. Dieu ne manquera pas de la soutenir à temps; et quand il s'agit d'acquérir un bien aussi grand, il est souverainement convenable de supporter sa peine et de souffrir avec patience et confiance en Dieu.

Sans doute, et c'est là un fait certain, à peine trouvera-t-on une âme qui soit mue par Dieu en tout et toujours, et qui lui soit si constamment unie que sans l'intermédiaire d'aucune forme ses facultés soient toujours mues divinement; cependant il y a des âmes qui très ordinairement sont mues par Dieu; ce ne sont pas elles qui se meuvent, mais c'est Dieu lui-même qui les dirige, selon cette parole de saint Paul: « Les enfants de Dieu », c'est-à-dire ceux qui sont transformés en Dieu et unis à lui, « sont mus par l'Esprit de Dieu (Rom. VIII, 14) », qui pousse leurs facultés à accomplir des oeuvres divines. Il ne faut pas s'étonner que leurs oeuvres soient divines, dès lors que l'union de l'âme avec Dieu est une union divine.




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Message par Francesco Mar 26 Avr 2011 - 1:26

Mais notre but en ce moment est d'enseigner le moyen de franchir ce degré pour arriver par la contemplation à l'union divine; voilà pourquoi tous ces moyens et tous ces exercices sensibles des puissances doivent être abandonnés et mis dans le silence, afin que Dieu opère par lui-même dans l'âme l'union avec lui. Il faut donc débarrasser les puissances, les dépouiller, les priver de leur droit naturel et de leurs opérations; c'est par là qu'elles seront disposées à recevoir des grâces infuses et des lumières surnaturelles. Leur capacité naturelle ne saurait les aider à accomplir un acte si élevé, elle y serait plutôt un obstacle; les puissances doivent donc la perdre de vue. S'il est vrai, comme il l'est en réalité, que l'âme doit arriver peu à peu à connaître Dieu plutôt parce qu'il n'est pas que parce qu'il est, il s'ensuit nécessairement que, pour aller à lui, elle doit procéder par le renoncement, le détachement complet et absolu de toutes ses connaissances naturelles et surnaturelles.

L'Étape de la contemplation est un degré de la vie spirituelle tresimportant et nous pouvons dire quil y a un avant et un apres lorsque nous parlons de la contemplation.Nous pas la contemplation comprise ds le langague ordinaire mais comme une entré ds la vie surnaturelle ou Dieu fait le gros du travail ds l'ame...


Cette divine union, en effet, opère le vide dans l'imagination, qu'elle purifie de toutes les formes et connaissances pour l'élever à un état surnaturel. C'est quelque chose d'extraordinaire que ce qui se passe alors parfois. Il arrive en effet quelquefois, quand Dieu accorde ces touches d'union à la mémoire, qu'il se produit tout à coup dans le cerveau, à cette partie où elle a son siège, un tressaillement si sensible qu'il semble que l'on s'évanouit, que l'on perd absolument le jugement et l'usage des sens. Cet effet est plus ou moins grand, selon la puissance de la touche divine. Mais alors, je le répète, la mémoire est dégagée et purifiée de toutes ses connaissances; elle est comme hors d'elle-même, et parfois si oublieuse d'elle-même qu'elle doit faire un grand effort pour se rappeler quelque chose. Cet oubli de la mémoire et cette suspension de l'imagination sont tels quelquefois, par suite de l'union de la mémoire avec Dieu, qu'il s'écoule beaucoup de temps sans qu'on s'en aperçoive et sans qu'on sache ce qui s'est passé. Et comme l'imagination est parfois suspendue alors, viendrait-on à faire ce qui devrait lui causer de la souffrance, elle ne le sent point, parce que sans imagination il n'y a pas de sentiment; elle ne songe même pas, puisqu'il n'y a pas de pensée.



Point tres important:
Mais, me direz-vous peut-être, il est impossible à l'âme de dégager sa mémoire et de la dépouiller si bien des images et représentations qu'elle puisse arriver à un état si élevé. Il y a, en effet, ici deux difficultés qui sont au-dessus des forces et de la capacité de l'homme: la première qui est de se dépouiller de sa nature et de ses aptitudes naturelles, ce qui ne saurait se réaliser; et la seconde, qui est encore plus ardue, est d'atteindre le surnaturel et de s'unir à lui. En réalité, il est impossible d'arriver à ce résultat avec les seules forces de la nature. Il est certain que c'est Dieu qui doit élever l'âme à cet état surnaturel. Quant à l'âme, elle doit ne rien négliger pour s'y disposer, et cela, elle le peut naturellement, surtout avec les secours que Dieu lui donne progressivement. Voilà pourquoi, au fur et à mesure qu'elle avance dans le renoncement et ce détachement de toutes formes sensibles, Dieu lui donne une plus grande possession de l'union. Or ce résultat, s'opère en elle passivement, comme nous le dirons, s'il plaît à Dieu, lorsque nous traiterons de la Nuit passive de l'âme. Et ainsi, c'est quand Dieu le jugera bon et selon la disposition où l'âme sera parvenue qu'il lui donnera l'union parfaite par mode d'habitude.



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Message par Francesco Mer 27 Avr 2011 - 5:19

CHAPITRE II




OÙ L'ON PARLE
DE TROIS SORTES DE DOMMAGES
QUI SONT CAUSÉS À L'ÂME,
QUAND ELLE NE FAIT PAS LA NUIT EN ELLE
EN REJETANT DE SA MÉMOIRE
TOUTES LES CONNAISSANCES ET TOUTES
LES CONSIDÉRATIONS.

ON PARLE DU PREMIER.



L'homme adonné à la spiritualité est exposé à trois sortes de dommages ou inconvénients, lorsqu'il veut user encore des connaissances et des discours naturels de la mémoire pour aller à Dieu ou pour accomplir un autre but. Deux de ces inconvénients sont positifs, et le troisième est privatif. Le premier résulte du contact avec les choses du monde, le second vient du démon; le troisième, qui est privatif, est un obstacle, un trouble qu'ils produisent et causent dans l'âme pour empêcher son union avec Dieu.

Le premier inconvénient, qui résulte du contact avec les choses du monde, est d'être exposé à toutes sortes de dangers par suite des connaissances et des discours de la mémoire; ce sont des faussetés, des imperfections, des convoitises, des jugements, des pertes de temps, et beaucoup d'autres choses encore qui produisent dans l'âme une foule de souillures. Or il est clair que l'on tombera nécessairement dans une foule de faussetés, si l'on donne prise à ces connaissances et à ces discours; car très souvent le vrai paraîtra faux, et au contraire ce qui est certain paraîtra douteux; c'est à peine si nous pouvons connaître à fond une seule vérité. Or l'âme se préserve de toutes ces erreurs en fermant les yeux de la mémoire à tout discours et à toute connaissance.

On tombe à chaque pas dans des imperfections si on occupe la mémoire de ce que l'on a entendu, vu, senti, touché ou goûté; chaque objet lui procure quelque impression d'amour, de douleur, de crainte, de haine, de vaine espérance, de fausse joie, ou de vaine gloire, etc... Toutes ces impressions sont au moins des imperfections, et parfois même des péchés véniels manifestes: toutes choses qui troublent la pureté parfaite de l'âme et sa très simple union avec Dieu.

Il est clair, en outre, que de là proviennent des désirs frivoles, car ils naissent tout naturellement de ces connaissances et de ces discours de la mémoire; d'ailleurs le fait seul de vouloir posséder ces connaissances et de s'y entretenir est déjà une tendance de la convoitise.

On voit très bien encore que les jugements téméraires seront sans nombre: la mémoire, en effet, ne peut manquer de s'occuper du bien ou du mal d'autrui; or bien souvent ce qui est mal lui paraît bon, et ce qui est bon lui semble mal. Or personne, à mon avis, ne pourra se préserver de tous ces inconvénients si la mémoire n'est pas tenue dans la nuit la plus profonde par rapport à toutes ces choses.

Vous me direz peut-être que l'homme pourra surmonter toutes ces difficultés, à mesure qu'elles se présenteront; pour moi, il ne le pourra pas d'une manière complète, s'il fait cas des connaissances que lui fournit la mémoire; car ces connaissances engendrent mille imperfections; quelques-unes même sont si subtiles, si cachées, que, sans qu'on s'en aperçoive elles s'attachent d'elles-mêmes à l'âme, comme la poix à celui qui la touche, et le meilleur moyen de remporter la victoire, c'est que la mémoire en finisse une bonne fois avec toutes les connaissances qui sont en elle.

Vous m'objecterez encore que par cette méthode on prive l'âme d'une foule de bonnes pensées et de considérations qui lui attireraient les faveurs de Dieu. A cela je réponds qu'il ne faut point rejeter ce qui se rapporte purement à Dieu et peut favoriser cette connaissance confuse, universelle, pure et simple de Dieu. Ce qu'il faut rejeter, ce sont les images, formes, figures ou ressemblances des créatures. Et puisque nous parlons de purification qui prépare aux faveurs divines, la meilleure est la pureté de l'âme; elle consiste dans le détachement de toute affection aux créatures, aux choses du temps et au souvenir volontaire qu'on en garde, car cette affection, à mon avis, ne peut manquer de s'attacher fortement à l'âme, à cause de l'imperfection que ses puissances apportent d'elles-mêmes dans leurs opérations. Aussi n'y a-t-il rien de mieux que de s'appliquer à les réduire au silence et à ne plus dire un mot, mais à laisser la parole à Dieu. Car, ainsi que nous l'avons dit, si l'âme veut arriver à l'état d'union, l'âme doit perdre de vue ses opérations naturelles; elle y parvient quand, selon la parole du prophète, elle entre avec toutes ses puissances dans la solitude (Osée, II, 3), et que Dieu parle à son coeur.

Vous répliquerez peut-être, et vous direz que l'âme n'acquerra aucun bien si la mémoire ne considère pas les choses de Dieu et n'en discourt pas, et que, de plus, elle sera exposée à mille distractions et faiblesses. Je réponds que si la mémoire rejette à la fois tous les souvenirs d'ici ou de là, il lui est impossible d'être sujette à un mal quelconque, aux distractions, aux autres divagations ou vices, car ces misères n'arrivent jamais que par suite des extravagances de la mémoire; or il n'y a pas alors d'entrée pour elles dans cette faculté, ni rien qui les y introduise. Cela arriverait cependant si, tout en fermant la porte aux considérations et aux discours sur les choses d'en haut, on l'ouvrait sur les choses d'en-bas. Mais ici nous fermons la porte à toutes les choses qui peuvent être un obstacle à l'union divine ou procurer des distractions à la mémoire; nous voulons que cette faculté reste dans le silence, se taise, et prête seulement l'oreille de l'esprit pour écouter Dieu à qui elle dit par la voix du prophète: « Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute (Rois, III – Vulgate – , 10). » Telles devaient être les dispositions de l'Épouse des Cantiques, puisque son Époux divin disait: « Ma soeur est un jardin fermé, une fontaine scellée (Cant. IV, 12) », c'est-à-dire que nulle créature ne peut y pénétrer. Que l'âme reste donc fermée ainsi, et demeure sans préoccupation ni chagrin. Celui qui entra corporellement dans le cénacle où étaient ses disciples, bien que les portes fussent fermées, et qui leur donna sa paix, tandis qu'eux-mêmes ignoraient et ne pouvaient imaginer que cela fût possible, entrera aussi spirituellement dans l'âme sans qu'elle-même en sache le moment ou y coopère, et cela alors qu'elle aura fermé les portes de ses trois connaissances: mémoire, entendement et volonté, à toutes les connaissances. Il remplira de paix ses puissances, et répandra sur elle-même, comme dit le prophète, un fleuve de paix pour dissiper les défiances et les incertitudes, les troubles et les ténèbres qui lui faisaient craindre d'être perdue. Utinam attendisses mandata mea: facta fuisset sicut flumen pax tua (Is. XLVIII, 18).

Que l'âme donc ne se lasse point de crier et d'espérer dans le dénûment et le détachement complet; car celui qui est son Bien ne tarde pas.





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Message par Francesco Lun 2 Mai 2011 - 2:32

CHAPITRE III




CE CHAPITRE PARLE
DU SECOND DOMMAGE, DE
CELUI QUE LE DÉMON PEUT CAUSER
À L'ÂME PAR LE MOYEN DES CONNAISSANCES
NATURELLES DE LA MÉMOIRE.



Le second dommage positif peut venir à l'âme des connaissances de la mémoire a pour auteur le démon, qui s'insinue très facilement par ce moyen. Il peut, en effet, susciter des formes, connaissances ou discours et ainsi porter l'âme à l'orgueil, à l'avarice, à l'envie, à la colère, etc...; il peut lui suggérer une haine injuste, un amour vain, et la tromper de beaucoup de manières. De plus, il a pour habitude d'imprimer si bien ses suggestions et de les fixer de telle sorte dans l'imagination que le faux paraît vrai, et le vrai paraît faux. En somme, la plupart des illusions ou des maux causés par le démon proviennent des connaissances et des discours qu'il représente à la mémoire. Mais que cette faculté s'en détache et les anéantisse dans un oubli complet, elle ferme totalement la porte à tous ces dangers du démon, elle se délivre de toutes ces tentations, et c'est là un grand bien. Le démon, en effet, ne peut rien dans l'âme, si ce n'est par les opérations de ses puissances, surtout par le moyen des connaissances et des représentations imaginaires, parce que c'est d'elles que dépendent presque toutes les opérations des autres puissances. Par conséquent, si la mémoire s'en détache, le démon ne peut plus rien car il ne trouve rien à quoi il puisse s'attacher; et, tout moyen lui faisant défaut, il ne peut rien.

Je voudrais que les personnes adonnées à la spiritualité en arrivent à bien comprendre quels ravages les démons causent dans les âmes par le moyen de la mémoire quand elle veulent s'en servir. Que de tristesses, que d'afflictions, que de vaines joies il leur inspire au sujet de leurs pensées sur Dieu et sur les choses du monde! Que de souillures il laisse enracinées dans leur esprit en les détournant avec force du vrai recueillement qui consiste à appliquer l'âme tout entière, avec ses puissances, au seul bien, le bien incompréhensible, et à l'éloigner de toutes les choses sensibles, parce qu'elles ne sont pas ce bien! Aussi, alors même que ce détachement ne produirait pas un avantage aussi précieux que celui de placer l'âme en Dieu, il suffit déjà qu'il la mette à l'abri d'une foule de peines, d'afflictions et de tristesses, sans parler des imperfections et des péchés dont il la préserve, pour le regarder comme un très grand bien.




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Message par Francesco Lun 2 Mai 2011 - 2:34

Texte qui montre toute l'importance de la purification.


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Message par Francesco Mer 4 Mai 2011 - 2:41

CHAPITRE IV




DU TROISIÈME DOMMAGE
CAUSÉ À L'ÂME PAR LES CONNAISSANCES
PARTICULIÈRES ET NATURELLES
DE LA MÉMOIRE.




Le troisième dommage causé à l'âme par les connaissances naturelles de la mémoire est négatif. Il peut en effet empêcher le bien moral et priver du bien spirituel. Et d'abord, pour montrer comment ces connaissances empêchent le bien moral dans l'âme, il faut savoir que ce bien moral consiste à réprimer les passions et à mettre un frein aux tendances désordonnées; et de là résultent dans l'âme la tranquillité, la paix et le repos, les vertus morales, toutes choses qui constituent le bien moral.

Ces freins et ces rênes, l'âme ne les possède pas en réalité si elle ne se tient pas dans l'oubli et à l'écart par rapport à tout ce qui engendre ses affections; car, il ne lui vient jamais de trouble si ce n'est des connaissances que lui suggère la mémoire. En effet, si toutes les choses d'ici-bas sont mises dans l'oubli, il n'y a plus rien qui puisse troubler sa paix, ou exciter ses tendances, car, ainsi que le dit l'adage: ce que l'oeil ne voit pas, le coeur ne le désire pas.

Cette vérité est confirmée par une expérience de tous les instants. En effet, nous voyons que toutes les fois que l'âme se met à penser à une chose, elle en est impressionnée et remuée plus ou moins, selon la connaissance qu'elle en a. En reçoit-elle une impression pénible et fâcheuse? Elle en conçoit de la tristesse ou de la haine. Son impression est-elle agréable? Elle sera dans la joie et désirera cet objet. Voilà pourquoi ce changement d'impressions doit nécessairement produire en elle des troubles. Elle passe de la joie à la tristesse, de la haine à l'amour; elle ne peut jamais persévérer dans le même état, ce qui serait un effet de la tranquillité morale, à moins de se tenir dans l'oubli de toutes les choses créées. Il est donc clair que les connaissances de la mémoire sont un grand obstacle au bien des vertus morales.

De tout ce que nous avons dit, il résulte encore clairement que la mémoire qui n'est pas complètement détachée est un obstacle pour le bien mystique et spirituel. Car l'âme qui est dans le trouble et qui ne possède pas le fondement du bien moral n'est pas capable, comme telle, des biens spirituels qui ne s'impriment que dans l'âme où règne le calme et la paix.

De plus, si l'âme tient compte des connaissances de mémoire, si elle en fait cas et s'en occupe, comment, puisqu'elle ne peut être attentive qu'à une chose à la fois, lui serait-il loisible de s'occuper des choses incompréhensibles, c'est-à-dire de Dieu? Pour que l'âme aille à Dieu, ainsi que nous l'avons toujours dit, elle doit procéder par la non-compréhension plutôt que par la compréhension; elle doit échanger ce qui est variable et compréhensible pour ce que est immuable et incompréhensible.





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Message par Francesco Ven 6 Mai 2011 - 0:15

CHAPITRE V




DES AVANTAGES QUE
L'ÂME TROUVE DANS L'OUBLI
ET L'ABNÉGATION DE TOUTES LES
PENSÉES ET CONNAISSANCES QU'ELLE
PEUT NATURELLEMENT TIRER
DE LA MÉMOIRE.




D'après ce que nous avons dit des dommages causés à l'âme par les connaissances de la mémoire, nous pouvons présumer les avantages qui leur sont opposés et qui proviennent de ce qu'on les oublie et qu'on en fait l'abnégation. Car, au dire des philosophes, la science d'un contraire sert à la connaissance d'un autre contraire.

Et tout d'abord on jouit de la tranquillité et de la paix de l'esprit; on n'est plus exposé au trouble et à l'agitation qui naissent des pensées et des connaissances de la mémoire; et par conséquent on possède la pureté de conscience et de l'âme, ce qui est un bien supérieur. L'âme est alors très bien disposée pour acquérir la sagesse humaine et la sagesse divine, comme aussi pour pratiquer les vertus.

En second lieu, on se délivre d'un grand nombre de suggestions, de tentations et d'impulsions qui ont le démon pour auteur et qu'il suggère par le moyen des pensées et des connaissances de la mémoire pour faire tomber l'âme dans une foule d'impuretés et de péchés, comme nous l'avons dit, et comme l'enseigne David: « Ils ont pensé, et ils ont trouvé l'iniquité (Ps. LXXVII, 8). » Voilà pourquoi, si l'on fait abnégation de toutes ces pensées, le démon n'a plus le moyen naturel de tourmenter l'esprit.

En troisième lieu, l'âme, par suite de cet oubli et de cette abnégation de toute connaissances, possède en elle la disposition nécessaire pour être dirigée et instruite par l'Esprit-Saint, car le Sage a dit: Auferet se a cogitationibus quae sunt sine intellectu: « Il s'éloigne des pensées qui ne sont pas raisonnables (Sag. I, 5). » Et ne retirerait-il d'autre avantage par cet oubli et cette abnégation que de se délivrer des peines et des troubles qui lui viennent de la mémoire, que ce serait déjà un grand avantage et un bien immense pour lui. Car les peines et les troubles qui proviennent des événements fâcheux et des adversités ne servent de rien pour les améliorer; ils les aggravent au contraire et portent tort à l'âme elle-même. Aussi David a-t-il dit: « En vérité, c'est en vain que tout homme se laisse aller au trouble (Ps. XXXVIII, 7). » Il est clair, en effet, qu'il est toujours inutile de se troubler, car jamais le trouble n'a été d'un profit quelconque. Voilà pourquoi, alors même que tout disparaît ou que tout s'écroule, que tous les événements arrivent au rebours de nos desseins ou nous sont défavorables, il est inutile de se troubler; car, bien loin de remédier au mal, on ne ferait que l'augmenter. Il faut tout supporter avec égalité d'humeur, tranquillité et paix; cette disposition non seulement procure à l'âme beaucoup de biens, mais elle aide même à mieux comprendre les adversités, à en juger et à y apporter le remède convenable.

Salomon, qui connaissait fort bien ces inconvénients et ces avantages, a dit: Cognovi quoid non esset melius, nisi laetari, et facere bene in vita sua: « J'ai reconnu qu'il n'y avait rien de mieux pour l'homme que de se réjouir et de faire le bien dans le cours de sa vie (Eccl. III, 12). » Par là, il nous montre que, dans toutes les adversités, si fâcheuses qu'elles soient, nous devons plutôt nous réjouir que nous troubler, afin de ne point perdre un bien supérieur à toutes les prospérités, c'est-à-dire la tranquillité de l'esprit et la paix de l'âme que l'on garde également dans toutes les circonstances , heureuses ou malheureuses. Cette sérénité, l'homme ne la perdrait jamais, si non seulement il mettait dans l'oubli les connaissances qui lui viennent de la mémoire et rejetait ses propres pensées, mais encore s'il évitait, dans la mesure du possible, d'entendre, de voir et de converser avec le prochain. Mais notre nature est très fragile et très facile à entraîner; aussi, malgré ses bonnes habitudes, c'est à grand'peine qu'elle évitera de ne point tomber dans les troubles et les agitations d'esprit qui viennent des connaissances fournies par la mémoire, tandis qu'en les tenant dans l'oubli elle jouissait de la tranquillité et de la paix. Voilà pourquoi Jérémie a dit: « Je me suis rappelé mes souvenirs, et mon âme va défaillir de douleur (Lament. III, 20). »



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Message par admin2 Mar 10 Mai 2011 - 3:49

CHAPITRE VI




OÙ L'ON PARLE
DE LA SECONDE SORTE DE
CONNAISSANCES DE LA MÉMOIRE,
C'EST-À-DIRE DES CONNAISSANCES
IMAGINAIRES ET SURNATURELLES.




En traitant de la première sorte de circonstances naturelles, nous avons donné une doctrine qui s'applique également aux connaissances imaginaires qui sont aussi naturelles. Mais il convenait de faire cette division pour les autres connaissances que la mémoire conserve en elle-même et qui sont surnaturelles, comme les visions, révélations, locutions, sentiments qui nous viennent par voie surnaturelle. Or ces faits, quand ils se sont produits dans l'âme, laissent ordinairement dans la mémoire et l'imagination une image, une forme, une représentation qui est parfois très vive et très profonde. A ce propos, il est nécessaire de prévenir que la mémoire ne doit pas s'embarrasser de ces connaissances; car elles lui seraient un obstacle qui l'empêcherait de s'unir à Dieu dans la pureté et la perfection de l'espérance.

Je dis donc que, pour obtenir cette fin et ce bien, l'âme ne doit jamais faire de réflexion sur ces connaissances claires et distinctes qui lui ont été communiquées par la voie surnaturelle pour en conserver la forme, la figure ou l'image. Il ne faut d'ailleurs jamais perdre de vue ce principe, que plus l'on s'attache à quelque connaissance naturelle ou surnaturelle qui soit distincte et claire, moins on a d'aptitude et de disposition pour entrer dans l'abîme de la foi où toutes les autres connaissances sont absorbées. Car, ainsi que nous l'avons démontré, aucune forme, aucune connaissance surnaturelle communiquée à la mémoire n'est Dieu ou n'a de proportion avec Dieu et, par suite ne peut servir de moyen prochain pour nous unir à lui. L'âme doit donc se dégager de tout ce qui n'est pas Dieu pour s'unir à Dieu; voilà pourquoi la mémoire, elle aussi, doit se débarrasser de toutes les connaissances ou images afin de s'unir à Dieu par le moyen d'une espérance pure et mystérieuse. Toute possession, en effet, est opposée à l'espérance; et cette vertu, dit saint Paul, a pour objet « ce que l'on ne possède pas (Heb. XI, 1) ». Aussi, plus la mémoire se dépouille, et plus elle acquiert d'espérance; par suite, plus elle a d'espérance, et plus elle est unie à Dieu. Car plus une âme espère en Dieu, plus elle obtient de lui. Or je le répète, son espérance grandit en proportion de son renoncement; c'est quand elle est parfaitement dépouillée de tout qu'elle jouit parfaitement de la possession de Dieu et est unie à Dieu. Mais ils sont nombreux ceux qui ne veulent pas se priver des jouissances et des douceurs que la mémoire leur fournit par ses connaissances; voilà pourquoi ils n'arrivent point à posséder complètement le souverain Bien ni à goûter ses délices. Car celui qui ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être le disciple du Christ (Luc, XIV, 33).



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Message par Francesco Dim 15 Mai 2011 - 1:16

CHAPITRE VII




DOMMAGES QUE LA
CONNAISSANCE DES CHOSES
SURNATURELLES PEUT CAUSER
À L'ÂME, SI ELLE Y RÉFLÉCHIT;
ON LES ÉNUMÈRE ET ON
PARLE DU PREMIER.




L'homme adonné à la spiritualité s'expose à cinq sortes de dommages, s'il s'arrête ou réfléchit à ces connaissances ou à ces images qui lui sont communiquées par la voie surnaturelle.

Le premier, c'est qu'il se trompe très souvent, en prenant une chose pour une autre.

Le second, c'est qu'il est dans le danger et l'occasion de tomber dans quelque présomption ou vanité.

Le troisième, c'est qu'il donne largement prise au démon, qui le trompera par le moyen de ces connaissances.

Le quatrième, c'est qu'il empêche l'union avec Dieu par l'espérance.

Le cinquième, c'est qu'il juge ordinairement de Dieu d'une manière grossière.

Quand au premier inconvénient, il est clair que si l'homme adonné à la spiritualité s'arrête et réfléchit aux connaissances et images dont nous avons parlé, il se trompera très souvent dans son jugement. Comme personne, en effet, ne peut connaître à fond les choses qui se passent naturellement dans son imagination, ni en porter un jugement sûr et certain, à plus forte raison ne le pourra-t-il pas au sujet des choses surnaturelles qui dépassent notre capacité et se présentent rarement. Aussi il s'imaginera très souvent que ces choses viennent de Dieu, quand elles ne seront que le produit de son imagination. D'autres fois il se figurera que ces choses viennent de Dieu quand elles viennent du démon, ou les attribuera au démon quand elles sont de Dieu. Plus souvent encore il conservera très vif le souvenir du bien ou du mal d'autrui ou du sien propre, ou d'autres connaissances; il regardera ces connaissances comme très certaines et très vraies, tandis que, au contraire, elles ne seront qu'une très grande fausseté. D'autres qui sont vraies, il les réputera fausses, bien que ce jugement me paraisse plus sûr, parce qu'il découle ordinairement de l'humilité. Mais supposé qu'on ne se trompe pas sur la chose elle même, on peut se tromper sur sa quantité ou qualité ou sur l'estime qu'on doit en faire, et s'imaginer, par exemple, que ce qui est petit est grand, ou que ce qui est grand est petit. Quant à ce qui regarde la qualité, on la confondra; l'imagination les prendra pour tel ou tel objet, et il n'en sera pas ainsi, et, comme le dit Isaïe, « on prendra les ténèbres pour la lumière, et la lumière pour les ténèbres, l'amertume pour la douceur, et la douceur pour l'amertume (Is. V, 20) ». Mais enfin, si l'on rencontre juste une fois, il serait bien étonnant que l'on ne se trompe pas une autre fois; supposé même que l'on ne veuille pas porter un jugement sur un fait, il suffit déjà qu'on en fasse quelque cas, pour y apporter au moins passivement quelque attache et en subir quelque dommage du genre de ce premier dont nous parlons ou de l'un des quatre dont il va être question immédiatement.

L'homme adonné à la vie spirituelle devra donc, s'il veut ne point tomber dans l'inconvénient de se tromper, ne pas appliquer son jugement pour savoir ce que peut être ce qu'il éprouve et ce qu'il sent, quelle est la nature de telle ou telle vision, connaissance ou représentation; il ne doit pas désirer le savoir, ni en faire grand cas, si ce n'est seulement pour en parler à son directeur qui lui enseignera à dégager sa mémoire de toutes ces connaissances. (Les éditions précédentes mettaient ici la variante suivante: « ou ce qui dans certains cas convient le mieux au dénûment ». Ed. P. Gerardo). Car tout ce qu'elles peuvent être par elles-mêmes ne saurait l'aider autant à aimer Dieu que le plus petit acte de foi vive et d'espérance, que l'on fait dans le dépouillement et l'abnégation de toutes ces connaissances.





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Message par admin2 Ven 20 Mai 2011 - 2:35

CHAPITRE VIII




DU SECOND GENRE
DE DOMMAGES, OU DU DANGER
DE TOMBER DANS LA PROPRE ESTIME
ET LA VAINE PRÉSOMPTION.




Les connaissances surnaturelles de la mémoire dont nous avons parlé sont, en outre, pour les personnes adonnées à la spiritualité, une grande occasion de tomber dans quelque présomption ou vanité, si elles en font quelque cas ou quelque estime. De même, en effet, qu'il n'est pas exposé à tomber dans ce vice celui qui n'a rien de cela, puisqu'il n'a pas en lui de fondement à la présomption, de même au contraire, celui qui reçoit de pareilles connaissances est exposé à croire qu'il est déjà quelque chose, dès lors qu'il est favorisé de ces communications surnaturelles. Sans doute il peut les attribuer à Dieu, lui en rendre grâces et se considérer comme indigne de les recevoir; néanmoins ces faveurs laissent ordinairement dans l'esprit une certaine satisfaction cachée, une estime de ces faveurs et de soi-même; il en résulte pour lui, sans qu'il s'en aperçoive, beaucoup d'orgueil spirituel. C'est ce qu'il constate clairement dans la répugnance et l'éloignement qu'il éprouve à l'égard de qui n'approuve pas son esprit, ou n'estime pas ces faveurs qu'il reçoit, ou encore au chagrin qu'il ressent quand on pense ou qu'on dit que d'autres personnes reçoivent les mêmes faveurs ou de plus grandes. Tous ces sentiments viennent d'une secrète estime de soi-même et de l'orgueil; on ne comprend pas qu'on est peut-être profondément plongé dans ce défaut, on s'imagine qu'une certaine connaissance de notre misère suffit, tout en gardant une secrète estime et complaisance de soi-même et tout en préférant les talents et les biens dont on jouit à ceux du prochain. On ressemble au pharisien qui rendait grâces à Dieu de n'être pas comme les autres, de posséder telles et telles vertus et qui, plein de présomption, se complaisait ainsi en lui-même (Luc. XVIII, 11-12). Sans doute les personnes dont nous parlons ne s'expriment pas formellement comme lui, mais elles sont animées habituellement des mêmes sentiments. Quelques-unes même en arrivent à cet excès d'orgueil, qu'elles sont pires que des démons. Aperçoivent-elles en elles quelques connaissances ou sentiments de dévotion ou de joie qui leur semblent venir de Dieu, qu'elles sont pleines de satisfaction; elles s'imaginent qu'elles sont très rapprochées de Dieu, et que ceux qui n'ont pas les mêmes faveurs sont bien au-dessous d'elles; aussi elles les méprisent, comme le pharisien méprisait le publicain.

Pour fuir ce fléau qui est en abomination devant Dieu, il faut considérer deux choses. La première, c'est que la vertu ne consiste pas dans les connaissances que l'on a de Dieu ni dans les sentiments que l'on éprouve à son égard, si élevés qu'ils soient, ni en rien de semblable que l'on sent en soi-même; elle consiste, au contraire, dans ce qui est insensible, c'est-à-dire dans une humilité profonde, dans le mépris de soi et de tout ce qui est à nous, mépris sincère et profond, qui fait que l'on est heureux quand les autres ont les mêmes sentiments sur nous et que l'on veut n'être compté pour rien dans leur affection.

La seconde chose à considérer, c'est que toutes les visions, révélations, sentiments célestes et tout ce que l'on voudra imaginer de plus élevé, ne vaut pas le plus petit acte d'humilité, car l'humilité produit les mêmes effets que la charité; elle n'a point d'attache à ses propres intérêts et ne les recherche pas; elle ne pense mal que d'elle-même, et ne songe pas à son bien mais à celui des autres. Pour tous ces motifs, il convient donc de ne pas attacher d'importance à ces connaissances surnaturelles, mais de s'appliquer à les oublier pour conserver la liberté d'esprit.

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Message par Francesco Mar 24 Mai 2011 - 1:56

CHAPITRE IX




DU TROISIÈME
DOMMAGE QUI EST CAUSÉ
À L'ÂME PAR LE DÉMON QUAND
ON TIENT COMPTE DES REPRÉSENTATIONS
IMAGINAIRES DE LA MÉMOIRE.




De tout ce qui a été dit, on voit clairement à quels dommages le démon expose l'âme quand elle suit la voie de ces connaissances surnaturelles. Il peut lui représenter dans la mémoire et l'imagination une foule de connaissances ou d'idées fausses qui semblent bonnes et vraies. Il les imprime par ses suggestions dans l'esprit et dans les sens avec beaucoup d'efficacité et de certitude. L'âme se persuade même qu'il ne peut en être autrement que ce qui lui est alors représenté. Comme le démon en effet se transforme en ange de lumière, il lui semble qu'elle possède la lumière vraie.

Le démon peut, en outre, la tenter de bien des manières dans les connaissances vraies qui viennent de Dieu; il porte vers elles d'une façon désordonnée les tendances ou les affections soit de l'esprit, soit des sens; car si l'âme se complaît dans ces connaissances, il est très facile au démon d'augmenter en elle ces tendances et ces affections et de la faire tomber dans le vice de la gourmandise spirituelle et dans d'autres défauts. Pour mieux réussir, il a coutume de suggérer et d'insinuer des goûts, des saveurs et des complaisances sensibles dans les choses même qui regardent Dieu, afin que l'âme, éblouie et fascinée par ces goûts sensibles, en soit aveuglée, s'y attache plus qu'à aimer Dieu, ou du moins diminue son application à aimer Dieu, fait plus de cas de ces communications que de l'abnégation et du dénûment qu'il y a dans la foi, l'espérance et la charité. Aussi la porte-t-il peu à peu dans la voie de l'erreur et il lui fait croire ses mensonges avec la plus grande facilité. Une fois, en effet, que l'âme est aveuglée, ce qui est faux ne lui paraît plus faux, ce qui est mauvais ne lui paraît plus mauvais, car les ténèbres lui semblent la lumière, et la lumière les ténèbres; voilà pourquoi elle tombe dans toutes sortes de folies au sujet de ce qui est naturel, moral ou spirituel, et alors se vérifie l'adage: Le vin s'est changé en vinaigre.

Tout cela provient de ce qu'elle n'a pas, dès le début, repoussé le plaisir qu'elle goûtait dans les communications surnaturelles. Ce plaisir, au début, était peu de chose et ne se présentait pas comme un grand mal; aussi l'âme ne s'en défiait-elle pas beaucoup: elle le laissait subsister et grandir, comme le grain de sénevé qui devient un grand arbre, car, ainsi qu'on le dit, une petite erreur dans le principe devient grande à la fin.

Voilà pourquoi, afin d'éviter ce grand danger qui peut venir du démon, il convient beaucoup à l'âme de repousser les attraits qu'apportent ces connaissances surnaturelles, car il est très certain qu'elle s'aveuglerait peu à peu et ferait une chute. En effet, indépendamment du démon, les goûts, les délices et les suavités portent par leur nature à affaiblir l'âme et à l'aveugler. C'est ce que David veut nous faire comprendre quand il dit: « Peut-être que les ténèbres m'aveugleront au milieu de mes plaisirs, et je prendrai la nuit pour la lumière (Ps. CLXXXVIII, 11). »






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Message par Francesco Mer 25 Mai 2011 - 0:22

CHAPITRE X




DU QUATRIÈME
DOMMAGE QUE LES CONNAISSANCES
SURNATURELLES ET DISTINCTES
DE LA MÉMOIRE PEUVENT
CAUSER À L'ÂME ET QUI CONSISTE À
EMPÊCHER L'UNION.




Il n'y a pas grand'chose à dire sur ce quatrième dommage, vu tout ce dont nous avons déjà parlé à chaque page de ce troisième Livre. Nous avons prouvé, en effet, comment l'âme, pour s'unir à Dieu par l'espérance, doit renoncer à toutes les connaissances qu'elle possède dans sa mémoire; car, pour que l'espérance en Dieu soit parfaite, la mémoire ne doit rien posséder qui ne soit Dieu lui-même. Comme nous l'avons montré encore, aucune des formes, figures, images ou représentations, soit célestes ou terrestres, soit naturelles ou surnaturelles, qui lui sont communiquées, n'est Dieu ou semblable à Dieu. C'est ce que David nous enseigne en ces termes: « Seigneur, parmi les dieux, il n'y en a aucun qui soit semblable à vous (Ps. LXXXV, 8). » Aussi quand la mémoire veut en faire quelque cas, elle met une entrave à son union avec Dieu, d'abord parce qu'elle se crée un embarras, et ensuite parce que plus elle possède de ces connaissances, et moins elle a d'espérance. Il est donc nécessaire qu'elle soit dépouillée des formes et des connaissances distinctes des choses surnaturelles, et les oublie pour ne pas empêcher son union à Dieu par une parfaite espérance.






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Message par admin2 Dim 29 Mai 2011 - 4:33

CHAPITRE XI




DU CINQUIÈME
DOMMAGE QUE PEUVENT
CAUSER À L'ÂME LES FORMES ET
LES CONNAISSANCES IMAGINAIRES
SURNATURELLES, ET QUI CONSISTE À JUGER
DE DIEU D'UNE MANIÈRE
BASSE ET IMPROPRE.




Le cinquième dommage qui suit n'est pas moins grave que les précédents. Il consiste à vouloir retenir dans la partie imaginative de la mémoire les formes et les images des choses qui lui sont communiquées surnaturellement, et cela spécialement dans le but de s'en servir comme d'un moyen pour s'unir à Dieu. Il est très facile, en effet, de juger de l'être et de la grandeur de Dieu d'une manière moins digne et moins profonde que celle qui convient à son incompréhensibilité. Sans doute, la raison et le jugement ne lui disent pas expressément que Dieu est semblable à quelqu'une de ces images, mais l'estime que l'âme porte à ces images fait qu'elle n'a pas cette connaissance profonde et ces sentiments élevés de la foi dont les enseignements nous révèlent un Dieu incomparable et incompréhensible... Or non seulement l'âme enlève ici à Dieu toute l'estime qu'elle donne à la créature, mais elle se fait naturellement en elle-même par l'estime qu'elle accorde à ces connaissances une certaine comparaison entre elles et Dieu, et cette comparaison ne la laisse pas concevoir de Dieu une idée et une estime aussi relevée qu'il faudrait. Car, ainsi que nous l'avons dit, toutes les créatures de la terre et du ciel, toutes les connaissances et images distinctes soit naturelles soit surnaturelles qui peuvent être communiquées aux puissances de l'âme, quelque élevées qu'on puisse les avoir ici-bas, n'ont de rapport ni de comparaison avec l'être de Dieu: Dieu, en effet, n'est contenu ni dans un genre ni dans une espèce, comme l'est la créature, ainsi que s'expriment les théologiens. L'âme en cette vie n'est capable de recevoir d'une manière claire et distincte que ce qui est renfermé dans un genre ou dans une espèce. Aussi saint Jean a dit: « Personne n'a vu Dieu (Jean, I, 18) »: Deum nemo vidit unquam, et Isaïe, que « l'homme ne saurait concevoir comment Dieu est (Is. LXIV, 4; I Cor. II, 9) ». Et Dieu a dit à Moïse que « personne ne pouvait le voir en cette vie (Ex. XXXIII, 20) ». Voilà pourquoi celui qui surcharge sa mémoire et les autres puissances de l'âme de ce qu'elles peuvent comprendre est incapable d'avoir sur Dieu les idées et les sentiments qu'il faudrait. Voici une comparaison simple. Il est clair que plus on jette les regards sur les serviteurs du roi ou plus on leur accorde d'estime et de respect, et moins on accorde d'attention ou d'égard au roi lui-même. Si l'on n'a pas cette intention formelle et explicite dans l'esprit, on la montre toutefois dans la pratique. Et, en effet, plus on accorde d'attention aux serviteurs, plus on en retranche à leur maître. On n'a donc pas alors des sentiments très élevés du roi, puisque les serviteurs semblent être quelque chose en présence de leur seigneur. Ainsi en est-il de l'âme dans ses rapports avec Dieu, quand elle fait cas des souvenirs dont nous avons parlé. Sans doute cette comparaison est très grossière, car, ainsi que nous l'avons dit, Dieu est un être tout autre que toutes les créatures et leur est infiniment supérieur. Voilà pourquoi il faut les perdre de vue et ne porter aucune attention au souvenir de quelqu'une d'entre elles, afin de pouvoir tourner les yeux vers Dieu avec une foi et une espérance parfaites. Aussi ceux qui non seulement en font cas, mais s'imaginent que Dieu ressemble à ces images ou pourront s'unir à lui par ce moyen, sont dans une erreur profonde; ils perdront peu à peu la lumière de la foi, qui est le moyen par lequel l'entendement s'unit à Dieu, et n'atteindront pas la hauteur de l'espérance qui, nous le répétons, est le moyen par lequel la mémoire s'unit à Dieu, à la condition d'être dégagée de toutes les conceptions imaginaires.


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Message par Francesco Mer 1 Juin 2011 - 3:56

CHAPITRE XII




DES AVANTAGES
QUE L'ÂME TROUVE A SE
DÉGAGER DE TOUTES LES
REPRÉSENTATIONS IMAGINAIRES.




L'âme trouve des avantages à dégager la mémoire de toutes les représentations imaginaires. C'est ce que montre avec évidence ce que nous venons de dire des cinq inconvénients où elle tombe quand elle garde comme aussi quand elle veut conserver l'impression des connaissances naturelles. Mais il y a encore d'autres avantages précieux où elle trouve le repos et la quiétude de l'esprit.

Sans parler de la paix dont elle jouit naturellement quand elle est dégagée des images et des représentations, elle est encore dégagée du souci de savoir si ces représentations sont bonnes ou mauvaises, ou comment elle devrait se comporter vis-à-vis des unes ou des autres; en outre, elle n'a plus à travailler ni à employer du temps avec les maîtres de la vie spirituelle pour examiner si elles sont bonnes ou mauvaises ni si elles sont de cette sorte ou de telle autre; d'ailleurs elle n'a pas besoin de le savoir, dès lors qu'elle ne doit en faire aucun cas. Aussi le temps et les efforts qu'elle y aurait employés pour s'en rendre compte, elle peut les employer à des exercices meilleurs et plus utiles, comme celui de diriger la volonté vers Dieu, de poursuivre avec soin le dénûment et la pauvreté tant de l'esprit que des sens. Or ce dénûment consiste dans la privation volontaire et généreuse de toute consolation ou appréhension qui serve d'appui intérieur ou extérieur. On y arrive facilement quand on veut se dégager de toutes ces images et qu'on en prend le moyen; c'est alors qu'on obtient l'avantage si grand qu'il y a à s'approcher de Dieu, qui n'est ni une forme, ni une image, ni une figure, et cela dans la proportion où l'on s'éloignera de toutes les formes, figures ou représentations imaginaires.

Mais quelqu'un me dira peut-être: Pourquoi donc les auteurs spirituels en grand nombre donnent-ils aux âmes le conseil de profiter avec soin des communications et des sentiments dont Dieu les favorise, pourquoi les engagent-ils à désirer les recevoir de lui pour avoir de quoi lui rendre, puisque, s'il ne nous donne tout d'abord, nous n'aurons rien à lui donner? Saint Paul ne dit-il pas en effet: Spiritum nolite extinguere: « Veillez à ne pas éteindre la lumière de l'esprit (Thess. V, 19) »? L'Époux ne dit-il pas à l'Épouse: Pone me ut signaculum super cor tuum, ut signaculum super brachium tuum: « Placez-moi comme un sceau sur votre coeur, comme un sceau sur votre bras (Cant. VIII, 6) »? Or il y a là quelque connaissance. Or d'après l'enseignement donné plus haut, non seulement il ne faudrait point rechercher ces connaissances; il faudrait, au contraire, les repousser et s'en dégager, alors même que Dieu les enverrait. Mais il est clair que si Dieu les envoie, il les envoie pour un bien et elles auront un bon effet. Pourquoi repousserions-nous avec dédain ces perles précieuses? N'y aurait-il pas une sorte d'orgueil à refuser les faveurs de Dieu, comme si sans leur concours et par nous-mêmes nous pouvions quelque chose?

Pour répondre à cette objection, il faut se rappeler ce que nous avons dit au chapitre XV et au chapitre XVI du second Livre, où se trouve en grande partie la solution. Nous avons dit là, en effet, que le bien procuré à l'âme par les connaissances surnaturelles, quand elles viennent de Dieu, se produit passivement en elle au même instant où il est senti, et sans que ses puissances aient fait quelque chose d'elles-mêmes. Aussi n'est-il pas nécessaire que la volonté fasse l'acte d'admettre ces connaissances. Comme nous l'avons dit, en outre, si l'âme veut agir alors avec le concours de ses puissances, sa coopération basse et naturelle empêcherait l'oeuvre surnaturelle que Dieu accomplit alors par le moyen de ces connaissances et ne serait d'aucun profit. De même que l'esprit de ces connaissances imaginaires se produit en l'âme passivement, de même l'âme doit se tenir passivement à leur égard, sans interposer en rien son action, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. De la sorte elle garde les sentiments qui conviennent à Dieu, dès lors qu'elle ne les compromet pas par sa manière d'agir grossière. De la sorte elle n'éteint pas la lumière de l'esprit, puisqu'elle ne recherche pas une autre ligne de conduite que celle voulue par Dieu. Elle y serait opposée si, quand elle reçoit passivement l'Esprit, comme cela a lieu dans ces manifestations, elle voulait alors se conduire activement, agir avec l'entendement, ou s'ingérer de quelque manière en ces faveurs. Cela est très clair. Si, en effet, l'âme veut alors agir par force, son action ne sera que naturelle, car d'elle-même elle ne peut rien de plus; elle ne se meut pas aux oeuvres surnaturelles et ne saurait y atteindre, si Dieu lui-même ne la meut et ne l'élève. Par conséquent si l'âme veut alors agir par elle-même, elle empêchera forcément, autant que cela dépend d'elle, par son activité l'action passive que Dieu lui communiquait, c'est-à-dire son Esprit; elle restera dans le domaine de son activité personnelle, qui est grossière et d'une autre sorte que celle qui lui est communiquée par Dieu, vu que celle de Dieu est passive et surnaturelle, et que celle de l'âme est active et naturelle; voilà ce qui serait éteindre l'esprit.

Il est clair, en outre, que cette manière d'agir est plus grossière. En effet, les facultés de l'âme ne peuvent pas par elles-mêmes faire réflexion et agir si ce n'est sur quelque forme, figure ou image. Or ce n'est là que l'écorce et l'accessoire qui voilent la substance et l'esprit. Cette substance ou cet esprit ne s'unit aux puissances de l'âme, dans cette véritable intelligence et cet amour dont nous parlons, que quand a déjà cessé le travail des puissances; car le but et la fin de cette opération pour l'âme est d'arriver à posséder la substance connue et aimée de ces formes. Aussi entre l'état actif et l'état passif il y a la même différence et le même avantage qu'en ce qui se fait et ce qui est déjà fait, ou qu'entre le but vers lequel on tend et celui où l'on est déjà parvenu. Voilà pourquoi si l'âme veut employer activement ses puissances dans ces connaissances surnaturelles, où, nous le répétons, elle en reçoit passivement de Dieu l'esprit, ce ne sera rien moins que laisser ce qui est déjà fait pour le faire de nouveau; elle ne jouirait pas de ce qui est fait, et par son activité y mettrait obstacle. Comme nous l'avons dit, ses puissances ne peuvent pas, par elles-mêmes, arriver au bien spirituel que Dieu répand sans leur concours dans l'âme. L'âme donc travaillerait directement à éteindre les lumières de cet esprit que Dieu infuse par ces connaissances imaginaires, si elle en faisait cas. Elle doit par conséquent s'en dégager et se tenir à leur égard dans une attitude passive et négative, comme nous l'avons dit. Dieu alors meut lui-même l'âme à un état qu'elle ne pourrait et ne saurait atteindre. De là cette parole du prophète: Super custodiam meam stabo et figam gradum super munitionem; et contemplabor ut videam quid dicatur mihi: « Je me tiendrai debout sur mes gardes; je m'arrêterai d'un pied ferme sur le rempart, et je serai attentif à ce qui me sera dit (Hab, II, 1). » C'est comme s'il disait: Je serai debout pour surveiller mes puissances; je ne leur permettrai pas de faire un pas en avant et d'agir; de la sorte je pourrai être attentif à ce qui me sera dit, c'est-à-dire, j'écouterai et je goûterai ce qui me sera communiqué surnaturellement.

Quand au texte de l'Époux que l'on a objecté, il doit s'entendre de l'amour qu'il porte à l'Épouse et dont le propre est de les assimiler l'un à l'autre dans ce qu'ils ont de meilleur. Voilà pourquoi il lui dit: Pone me ut signaculum super cor tuum. L'Époux demande à l'Épouse de le « placer sur son coeur (Cant. VIII, 6) » comme un signe où toutes les flèches du carquois de l'amour iront frapper, c'est-à-dire où aboutiront toutes les oeuvres et tous les motifs d'amour; il faut que toutes ses oeuvres aboutissent à ce but qui leur est fixé et que toutes soient pour lui; c'est ainsi que l'âme ressemblera à l'Époux par les oeuvres et les mouvements de l'amour, jusqu'au point de se transformer en lui.

L'Époux dit encore à l'Épouse qu'elle doit le placer comme un signe sur son bras, car le bras symbolise l'exercice de l'amour dans lequel le Bien-Aimé se nourrit et prend ses délices.

Aussi, tout ce que l'âme doit faire à l'égard de ces connaissances qui lui viennent d'en haut, qu'elles soient imaginaires ou d'une autre sorte, et qu'il s'agisse de visions et locutions, ou de sentiments et révélations, c'est de ne tenir aucun compte de la lettre ou de l'écorce, c'est-à-dire de ce qui est alors signifié, représenté ou donné à comprendre, mais de veiller seulement à conserver l'amour de Dieu que ces faveurs impriment intérieurement dans l'âme. De la sorte l'âme doit tenir compte des sentiments, je ne dis pas de la saveur, de la suavité, des figures, mais des sentiments d'amour qui lui sont causés. Et quand il s'agit uniquement de ce but, l'âme peut bien se rappeler parfois le souvenir de cette image ou de cette connaissance qui lui a causé l'amour, afin de fournir encore à l'esprit des motifs d'amour. Sans doute ce souvenir ne produit plus un effet aussi profond que ne le fut celui où la faveur elle-même a été accordée la première fois, mais il renouvelle néanmoins l'amour, il élève l'âme vers Dieu, surtout quand il porte sur certaines images, figures ou impressions surnaturelles qui d'ordinaire se gravent et s'impriment si bien dans l'âme qu'elles durent très longtemps et que quelques-unes même ne s'effacent jamais. Celles qui se gravent ainsi dans l'âme produisent, presque chaque fois qu'on se les rappelle, de divins effets d'amour, de suavité, de lumière... plus ou moins profonds; c'est d'ailleurs dans ce but que ces souvenirs se sont gravés ainsi dans l'âme. C'est donc là une grande grâce que Dieu accorde; car on possède en soi une source de biens surnaturels.

Les représentations qui produisent ces effets sont profondément gravées dans cette partie de l'âme qu'on appelle la mémoire intelligible. Elles diffèrent de ces autres formes et images qui se conservent dans l'imagination. Aussi l'âme n'a-t-elle pas besoin de recourir à cette dernière faculté pour se les rappeler; elle voit qu'elle les a en soi, comme on voit l'image dans un miroir. Quand une âme possède en elle-même d'une manière formelle ces représentations, elle peut fort bien se les rappeler pour produire l'amour dont je parle, car elles ne la gêneront pas dans l'union d'amour par la foi. L'âme ne doit pas se laisser séduire par ces représentations, mais s'en servir et s'en dégager tout de suite pour grandir dans l'amour. Et alors elle y trouvera un secours.

Il est difficile de discerner quand ces représentations sont gravées dans l'âme et quand elles le sont dans l'imagination. Celles de l'imagination, en effet, sont ordinairement très fréquentes, car certaines personnes ont coutume d'avoir dans l'imagination et fantaisie des visions imaginaires, et elles se les représentent très fréquemment de la même manière. Cela vient ou de l'activité de leur imagination qui leur présente cette vision dès qu'elles y pensent et la reproduit sous la même forme, ou de l'action du démon qui la leur communique, ou de l'opération même de Dieu qui cependant ne grave rien dans l'âme d'une manière formelle. On les reconnaît cependant à leurs effets. Celles qui sont naturelles ou qui ont le démon pour auteur, malgré tout le souvenir que l'on peut en avoir, ne produisent aucun bon effet, ni aucune rénovation spirituelle dans l'âme; elle ne les considère même que d'une manière froide. Néanmoins celles qui sont bonnes produisent encore, lorsque l'on s'en souvient, quelques bons effets, semblables à celui qu'elles ont produit la première fois. Quant aux représentations formelles qui se gravent dans l'âme, elles produisent presque toujours quelque bon effet, quand on y pense. Celui qui en a l'expérience pourra facilement discerner les unes d'avec les autres, car la différence qu'il y a entre elles sera très claire pour lui. Je dis seulement que celles qui se gravent formellement dans l'âme et d'une manière durable sont plus rares. Mais qu'il s'agisse des unes ou des autres, il est bon que l'âme s'applique à ne rien comprendre, si ce n'est Dieu lui-même, qui est l'objet de notre foi et de notre espérance.

Quant à l'objection d'après laquelle il semblerait qu'il y a de l'orgueil à repousser ces représentations si elles sont bonnes, j'affirme, moi, au contraire, que c'est là une acte d'humilité. Il est prudent, en effet, de s'en servir de la meilleure manière possible, comme nous l'avons indiqué, et de suivre la voie la plus sûre.




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Message par Francesco Ven 3 Juin 2011 - 1:58

CHAPITRE XIII




OÙ L'ON PARLE
DES CONNAISSANCES SPIRITUELLES,
EN TANT QU'ELLES PEUVENT RÉSIDER
DANS LA MÉMOIRE.




Les connaissances spirituelles, avons-nous dit, constituent une troisième sorte de connaissance de la mémoire. Ce n'est pas toutefois qu'elles appartiennent au sens corporel de l'imagination, comme les autres, car elles n'ont ni image ni forme corporelle, mais elles sont, elles aussi, l'objet de la réminiscence et de la mémoire spirituelle. Lorsque quelqu'une d'entre elles s'est produite, l'âme peut, quand elle veut, s'en souvenir. Ce n'est pas que cette représentation ait laissé quelque figure ou image dans le sens corporel; car, nous l'avons dit, ce qui est corporel est incapable de recevoir les formes spirituelles; mais l'âme s'en souvient intellectuellement et spirituellement, soit par la forme que cette connaissance y a gravée, forme qui est aussi une connaissance ou image spirituelle ou formelle qui l'aide à s'en souvenir, soit par l'effet qui en découle. Voilà pourquoi je range ces connaissances parmi celles de la mémoire, bien qu'elles n'appartiennent pas à celles de l'imagination.

Mais quelles sont ces connaissances, et quelle conduite doit tenir à leur égard l'âme qui tend à l'union divine? Nous l'avons expliqué suffisamment dans le chapitre XXIV du second Livre, où nous les avons considérées comme des connaissances de l'entendement. Qu'on les examine-là, et on verra que nous les avons divisées en deux catégories: celles des perfections incréées et celles des créatures.

Quant à ce qui concerne notre but, c'est-à-dire à l'attitude de la mémoire par rapport à ces connaissances pour parvenir à l'union, je dis, comme je viens de le faire remarquer en parlant des connaissances formelles dans le chapitre précédent dont font partie celles qui regardent les choses créées, que nous pouvons nous les rappeler, quand elles produisent un bon effet; mais il ne faudra pas chercher à les garder en soi, à moins qu'il ne s'agisse de raviver la connaissance et l'amour de Dieu. Si, au contraire, leur souvenir ne produit pas un bon effet, que l'on veille à ne jamais le rechercher.

Quant aux connaissances qui regardent les choses incréées, je dis qu'il faut tâcher de se les rappeler, toutes les fois qu'on le pourra, parce qu'elles produiront un grand effet; car, ainsi que nous l'avons dit dans le chapitre indiqué, ce sont des touches, des sentiments de l'union avec Dieu, but vers lequel nous acheminons l'âme. Or la mémoire ne s'en souvient pas à l'aide de quelque forme, image ou figure qui serait gravée dans l'âme, parce que ces touches ou sentiments de l'union avec Dieu n'en ont pas, mais à l'aide des effets de lumière, d'amour, de délices, de rénovation spirituelle qui se produisent en elle, et qui se renouvellent en partie, chaque fois qu'on s'en souvient de nouveau.




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Message par Francesco Mar 7 Juin 2011 - 3:06

CHAPITRE XIV




OÙ L'ON MONTRE
D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE
COMMENT L'HOMME ADONNÉ À LA
SPIRITUALITÉ DOIT SE COMPORTER À
L'ÉGARD DE CETTE FACULTÉ
DE LA MÉMOIRE.




Pour en finir avec cette question de la mémoire, il sera bon d'exposer ici la manière dont on doit généralement se comporter pour s'unir à Dieu selon cette puissance. Sans doute ce qui a été dit l'explique suffisamment; néanmoins, en le résumant ici, on en facilitera l'intelligence.

Il faut donc observer que notre but est de montrer que la mémoire doit s'unir à Dieu par l'espérance; or on n'espère que ce dont on n'a pas encore la possession. Mais moins l'âme possède les autres choses, plus elle a de capacité et d'aptitude pour espérer ce qu'elle désire, et par conséquent plus elle a d'espérance. Au contraire, plus on possède de choses, et moins on a d'aptitude et de capacité pour espérer, par conséquent moins on a d'espérance. Aussi, plus l'âme dépouille la mémoire de toutes les images ou choses créées qui ne sont pas Dieu,

(Ms. c, A, B, P: « qui ne sont pas de Dieu ou du Verbe Incarné dont le souvenir est toujours un aide, puisqu'il est la voie, le guide et l'auteur de tout bien ». Cette incise avait été ajoutée au texte. – Cf. la note du ch. I de ce Livre III)

et plus elle la met en Dieu et par suite plus elle est libre et apte à espérer qu'il la comble de ses biens.

Ce que l'âme doit faire pour vivre dans une complète et pure espérance en Dieu, c'est que toutes les fois que se présenteront des connaissances, des formes, des images distinctes, elle veille, comme nous l'avons dit, à ne pas s'y arrêter, et à se tourner immédiatement vers Dieu dans un élan plein d'amour; elle sera complètement détachée de toutes ces connaissances; elle n'y pensera pas, elle ne s'en occupera pas, si ce n'est dans la mesure nécessaire pour connaître ses obligations et s'y conformer. Même alors elle n'y mettra ni plaisir, ni complaisance, ni affection. Ainsi donc on ne doit pas omettre de penser à ce qu'il faut faire et savoir, ni de s'en souvenir, et pourvu qu'on n'y mette pas un esprit de propriété, on n'en subira aucun dommage. Mais pour arriver à ce dénûment, on pourra se servir des petits vers placés au chapitre I du premier Livre de cette Montée du Carmel.

Toutefois remarquons bien ici que nous n'avons nullement l'intention, ni la volonté de confondre notre doctrine avec celle de ces hommes pervers qui, aveuglés par leur orgueil et une jalousie satanique, ont cherché à soustraire aux regards des fidèles le saint et nécessaire usage ainsi que le culte admirable des images de Dieu et des Saints. Notre doctrine, au contraire, est, toute différente de la leur. Notre but, en effet, ici, n'est pas, comme le leur, de prétendre qu'il ne faut plus d'images et qu'on ne doit pas les vénérer: nous voulons montrer la différence qu'il y a entre ces images et Dieu, et le moyen de se servir des images sans y trouver un obstacle à la réalité spirituelle qu'elles représentent, en s'y attachant plus qu'il ne faut. De même que le moyen est bon et nécessaire pour arriver à la fin, comme le sont les images pour nous rappeler le souvenir de Dieu et des Saints, de même, quand on s'arrête au moyen plus qu'il ne faut, ce moyen lui-même devient un obstacle comme le serait toute autre chose différente.

Cela est d'autant plus vrai que je m'occupe ici surtout des images et des visions surnaturelles qui sont exposées à beaucoup d'erreurs et de dangers. Mais le souvenir, le culte et l'estime des images que naturellement nous propose la sainte Église, n'expose à aucune illusion ni à aucun danger; car on ne recherche en elles que l'objet qu'elles représentent. Leur souvenir ne manquera pas d'être utile à l'âme, car elle ne les recherche que par amour pour cet objet; elle ne s'en sert que dans ce but; voilà pourquoi ces images favorisent toujours l'union divine, pourvu qu'on laisse l'âme s'élever, quand Dieu lui en fait la grâce, de la représentation de l'objet au Dieu vivant, tandis qu'elle oublie toutes les créatures et tout ce qui en découle.



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Message par Francesco Mar 7 Juin 2011 - 3:11

Cela est d'autant plus vrai que je m'occupe ici surtout des images et des visions surnaturelles qui sont exposées à beaucoup d'erreurs et de dangers. Mais le souvenir, le culte et l'estime des images que naturellement nous propose la sainte Église, n'expose à aucune illusion ni à aucun danger; car on ne recherche en elles que l'objet qu'elles représentent. Leur souvenir ne manquera pas d'être utile à l'âme, car elle ne les recherche que par amour pour cet objet; elle ne s'en sert que dans ce but; voilà pourquoi ces images favorisent toujours l'union divine, pourvu qu'on laisse l'âme s'élever, quand Dieu lui en fait la grâce, de la représentation de l'objet au Dieu vivant, tandis qu'elle oublie toutes les créatures et tout ce qui en découle.

Les chrétiens orthodoxes méditent devant des icones saintes....J'ai tjs aimé la grande dignité face aux icones qu'ont les orthodoxes .


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Message par Francesco Mer 8 Juin 2011 - 2:32

CHAPITRE XV




OÙ L'ON COMMENCE
À TRAITER DE LA NUIT DE LA VOLONTÉ.
ON APPORTE UN TEXTE
DU DEUTÉRONOME ET UN AUTRE
DE DAVID; ON DONNE LA DIVISION
DES AFFECTIONS DE LA
VOLONTÉ.




Il ne suffit pas de purifier l'entendement pour l'établir dans la vertu de la foi, ni la mémoire pour l'établir dans la vertu de l'espérance. On n'aura rien fait si l'on ne purifie aussi la volonté pour l'établir dans la troisième vertu théologale, qui est la charité. C'est elle qui donne la vie aux oeuvres accomplies avec foi et leur donne la plus haute valeur; car sans cette vertu les oeuvres n'ont aucun prix, et comme le dit saint Jacques: « Sans les oeuvres de la charité, la foi est morte. (Jac. II, 20) »

Or, comme je veux traiter maintenant de la nuit obscure de la volonté et du dépouillement actif de cette puissance pour la disposer et la former à cette vertu de l'amour de Dieu, je ne trouve pas de parole plus opportune que celle du Deutéronome où Moïse dit: « Tu aimera le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toutes tes forces (Deut. VI, 5). » Ce passage renferme tout ce que l'homme spirituel doit faire, et tout ce que j'ai à lui enseigner en ce moment pour qu'il arrive vraiment à unir sa volonté à Dieu par le moyen de la charité. Il prescrit, en effet, à l'homme de diriger vers Dieu toutes les puissances, toutes les tendances, toutes les oeuvres et toutes les affections de son âme, afin que toutes ses aptitudes et toutes ses forces ne servent qu'à cette fin. C'est là ce que dit David: Fortitudinem meam ad te custodiam ((Ps. LVIII, 10) Je vous garderai ma force.) La force de l'âme se trouve dans ses puissances, dans ses passions et dans ses tendances, qui toutes sont gouvernées par la volonté. Or quand la volonté les détourne de ce qui n'est pas Dieu et les dirige vers Dieu, elle garde alors la force de son âme pour Dieu; c'est ainsi qu'elle parvient à aimer Dieu de toutes ses forces. Pour que l'âme atteigne ce but, nous nous occuperons ici de purifier la volonté de toutes ses affections désordonnées, qui sont la source d'où procèdent ses tendances, ses attaches et ses oeuvres désordonnées, et d'où vient également qu'elle ne garde pas toute sa force pour Dieu.

Ces affections ou passions sont au nombre de quatre, à savoir: la joie, l'espérance, la douleur et la crainte. Quand on les applique à Dieu par un exercice raisonnable, de telle sorte que l'âme ne se réjouisse que de ce qui intéresse purement l'honneur et la gloire de Dieu Notre-Seigneur, ne mette qu'en lui son espérance, ne s'afflige que de ce qui le blesse, ne craigne que lui, il est clair que l'on dispose et que l'on garde toutes les forces de l'âme et toute son habileté pour Dieu. Au contraire, plus l'âme se réjouirait en quelque autre chose, et moins de force elle conserverait pour mettre sa joie en Dieu; plus elle mettrait sa confiance dans quelque chose de créé, moins elle en mettrait en Dieu; et ainsi des autres passions.

Pour expliquer davantage cette doctrine, nous suivrons notre coutume et traiterons en particulier de chacune de ces quatre passions ou tendances de la volonté. En définitive, pour arriver à l'union avec Dieu, il faut purifier la volonté de ses affections et tendances, afin que, d'humaine et grossière qu'elle est, elle devienne une volonté toute divine et ne fasse plus qu'une même chose avec la volonté de Dieu.

Ces quatre passions règnent d'autant plus dans l'âme et lui font d'autant plus la guerre, que la volonté est moins forte au service de Dieu et plus dépendante des créatures. Alors, en effet, elle se réjouit très facilement de choses qui ne méritent point la joie; elle espère ce qui ne lui procure aucun avantage; elle se désole de ce qui peut-être devrait la réjouir, et elle craint quand il n'y a rien à redouter.

Ces passions donnent naissance à tous les vices et à tous les obstacles, je veux dire, aux imperfections, quand elles ne sont pas tenues sous le frein; mais elles engendrent aussi toutes les vertus quand elles sont bien dirigées et gouvernées. Il faut savoir, en outre, que si l'une d'elles est bien dirigée et soumise au joug de la raison, toutes les autres la suivront dans la même mesure. Elles sont vraiment soeurs et si unies entre elles que là où l'une va actuellement, les autres y tendent virtuellement; ou si l'une d'elles se retire actuellement, les autres se retirent virtuellement dans la même mesure. Si, en effet, la volonté se réjouit d'une chose, c'est dans la même proportion qu'elle va l'espérer, ou qu'elle va éprouver de la douleur ou de la crainte par rapport à cet objet. Dans la mesure, au contraire, où sa joie diminue, elle perd aussi la douleur, la crainte ou l'espérance. La volonté avec ses quatre passions est en quelque sorte symbolisée par cette représentation des quatre animaux qu'Ézéchiel vit dans un seul corps qui avait quatre faces; et les ailes de l'un étaient rattachées aux ailes de l'autre, et chacun d'eux allait dans la direction de sa face, et quand ils marchaient, ils ne retournaient point en arrière (Ex. I, 8-9).

Ainsi donc les ailes de chacune de ces passions sont rattachées de telle sorte aux ailes des autres, que là où l'une d'elles tourne actuellement sa face, ou son activité, il est nécessaire que les autres la suivent virtuellement: si l'une s'abaisse, toutes s'abaissent; si l'une s'élève, toutes s'élèvent; là où tend l'espérance, tendent aussi la joie, la crainte ou la douleur; mais si elle se détourne d'un objet, toutes s'en détournent; ainsi en est-il des autres passions.

Aussi je vous en préviens, ô homme adonné à la spiritualité, là où se dirigera l'une de vos passions, se dirigera toute votre âme; la volonté et les autres puissances vivront comme des esclaves sous sa dépendance; les trois autres puissances ou passions y trouveront leur vie; elle affligeront l'âme de leurs chaînes, l'empêcheront de prendre librement son vol; elles la priveront du repos de la douce contemplation et de l'union. Voilà pourquoi Boèce a dit: Si vous voulez connaître la vérité dans toute sa clarté, faites abstraction de la joie, de l'espérance, de la crainte et de la douleur; car tant que ces passions régneront en vous, elles ne laisseront pas à votre âme la tranquillité et la paix requises pour recevoir naturellement et surnaturellement la sagesse.




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Message par Francesco Lun 20 Juin 2011 - 23:19

CHAPITRE XVI




OÙ L'ON COMMENCE
À PARLER DE LA PREMIÈRE
AFFECTION DE LA VOLONTÉ. ON DIT
CE QUE C'EST QUE LA JOIE, ET ON
FAIT LA DISTINCITON DES OBJETS
DONT LA VOLONTÉ PEUT
SE RÉJOUIR.




La première des passions de l'âme et des affections de la volonté est la joie. Nous la définissons, pour le but que nous nous proposons, un contentement de la volonté, et une estime d'un certain objet que l'on regarde comme convenable. Car il n'y a jamais de joie dans la volonté, si ce n'est quand on estime l'objet et qu'on en est satisfait. Je parle ici de la joie active qui a lieu quand l'âme comprend d'une manière claire et distincte l'objet qui la lui donne et qu'elle est libre de l'accepter ou repousser. Car il existe aussi une joie passive, que la volonté peut éprouver sans en comprendre d'une manière claire et distincte la cause, ou, quand elle la comprend parfois, il n'est pas en son pouvoir alors de l'éprouver ou non. Nous traiterons plus tard de cette dernière. Pour le moment, nous parlerons de la joie en tant qu'elle est active et volontaire, et a pour objets des choses distinctes et claires.

La joie peut naître de six genres d'objets ou de biens: ils sont temporels, naturels, sensuels, moraux, surnaturels et spirituels. Nous parlerons de chacun d'eux à part, en dirigeant la volonté d'après la raison, pour qu'elle n'y trouve pas un obstacle qui l'empêche de placer en Dieu toute la force de sa joie.

Mais avant tout il faut rappeler un principe qui sera comme le fondement sur lequel nous devons toujours nous appuyer. Or ce principe, il convient de ne point le perdre de vue; car il est la lumière qui doit toujours nous guider pour nous faire comprendre la doctrine que nous enseignons et nous diriger au milieu de tous ces biens dont il est question, pour placer notre joie en Dieu seul.

Ce principe est le suivant: La volonté ne doit se réjouir que de ce qui regarde l'honneur et la gloire de Dieu; or le plus grand honneur que nous puissions lui rendre, c'est de le servir d'après les règles de la perfection évangélique; et tout ce qui est en dehors de là est de nulle valeur ou utilité pour l'homme.




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Message par Francesco Ven 24 Juin 2011 - 1:42

CHAPITRE XVII




QUI TRAITE DE LA JOIE
PROVENANT DES BIENS TEMPORELS.
ON MONTRE COMMENT IL FAUT
LA DIRIGER VERS DIEU.




La première sorte de biens dont nous avons parlé renferme les biens temporels. Par là nous entendons les richesses, les possessions, les emplois et autres avantages extérieurs; nous y comprenons aussi les enfants, les parents, les alliances..., toutes choses dont la volonté peut se réjouir. Mais combien est vaine la joie que l'on tire des richesses, des titres, des possessions, des emplois et autres biens de ce genre qui d'ordinaire excitent l'ambition! Cela est la clarté même. Si, en effet, l'homme, parce qu'il est plus riche, était plus grand serviteur de Dieu, il aurait raison de se réjouir de ses richesses; mais elles sont, au contraire, une cause qu'il offense Dieu, comme nous le rappelle le Sage par ces paroles: « Mon fils, si tu es riche, tu ne seras pas à l'abri du péché (Eccl. XI, 10). »

Sans doute, les biens temporels par eux-mêmes ne portent pas nécessairement au péché, mais le coeur de l'homme s'y attache d'ordinaire par faiblesse d'affection, et il manque à ses devoirs envers Dieu, ce qui est un péché, parce que c'est un péché véritable que de manquer ainsi à ses devoirs; voilà pourquoi le Sage a dit: « tu ne seras pas à l'abri du péché ». C'est aussi la raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ a, dans l'Évangile, appelé les richesses des épines (Mat. XIII, 22; Luc, VIII, 14), pour nous faire comprendre que celui qui y est attaché par la volonté sera blessé de quelque péché. Voici encore cette exclamation, rapportée dans saint Matthieu, qui est bien capable de nous faire trembler: Oh! Combien il est difficile aux riches, c'est-à-dire à ceux qui placent leurs joies dans les richesses, d'entrer dans le royaume des cieux! (Mat. XIX, 23) Il veut nous faire comprendre que nous ne devons pas mettre notre joie dans les richesses, dès lors qu'elles nos exposent à un si grand danger.

C'est pour nous éloigner d'un si grand danger que David a dit: « Si les richesses abondent, n'y attache pas ton coeur (Ps. LXI, 11). » Inutile d'apporter d'autres témoignages dans une question aussi claire. Je n'en finirais plus de citer la Sainte Écriture et d'énumérer les maux que nous en décrit Salomon dans l'Ecclésiaste. Ce roi, qui avait possédé tant de richesses et la plus haute sagesse, les connaissait bien quand il disait que tout ce qu'il y avait sous le soleil était vanité des vanités, affliction d'esprit et frivole sollicitude de l'âme. – Et encore: « Celui qui aime les richesses n'en recueillera point le fruit. » – Et de plus: « Les richesses se gardent pour le malheur de leur maître (Eccl. I, 14; II, 26; V, 9; V, 12). »

Voici encore ce qu'on lit dans l'Évangile, de celui qui se réjouissait d'avoir recueilli des biens abondants qui devaient lui suffire durant plusieurs années. Il lui fut dit du ciel même: Stulte, hac nocte animam tuam repetunt a te: quae autem parasti, cujus erunt? « Insensé, cette nuit même on appellera ton âme à rendre ses comptes; et ce que tu as amassé, pour qui sera-t-il? (Luc, XII, 20) » Enfin David nous enseigne la même vérité quand il nous dit: « Ne portons point envie à notre prochain lorsqu'il s'enrichit, car cela ne lui servira de rien pour l'autre vie (Ps. XLVIII, 17-18) »; il nous fait entendre que nous devrions plutôt le plaindre d'avoir des richesses.

Il suit de là que l'homme ne doit pas se réjouir des richesses qu'il possède, ou que son frère possède, à moins qu'on ne s'en serve pour Dieu. Si on peut à la rigueur se réjouir d'en posséder, c'est quand on les emploie ou qu'on les dépense au service de Dieu, car sans cela on n'en retirerait aucun profit.

Il faut dire de même des autres biens, titres, possessions, emplois... C'est une vanité de s'en réjouir, si l'on ne constate pas que l'on sert mieux Dieu et que l'on suit un chemin plus sûr pour la vie éternelle. Or comme on ne peut savoir clairement qu'il en est ainsi et que l'on sert Dieu plus fidèlement, ce serait une chose vaine que de se réjouir de ces biens d'une façon déterminée, parce qu'une telle joie ne peut pas être raisonnable. Notre-Seigneur dit en effet: « Que sert à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à perdre son âme? (Mat. XVI, 26) » Il n'y a donc pas lieu de se réjouir, si ce n'est de ce qui favorise la gloire de notre Dieu.

Il n'y a pas lieu, non plus, de se réjouir d'avoir des enfants, parce qu'ils sont nombreux, ou riches, comblés des dons et grâces de la nature ou des biens de la fortune; il faut s'en réjouir seulement s'ils servent Dieu. Voyez Absalon, fils de David; sa beauté, ses richesses, son origine illustre, ne lui ont servi de rien, car il ne servit pas Dieu (II Rois, XIV, 25). Voilà pourquoi vaine fut la joie qu'il eut de ses biens.

De là il suit encore qu'il est vain de désirer d'avoir des enfants, comme le font quelques-uns qui remuent et bouleversent le monde pour en avoir. Ils ne savent pas, en effet, si ces enfants seront bons et serviront Dieu, et si le contentement qu'ils en attendent ne se changera pas plutôt en douleur, si le repos et la consolation qu'ils s'en promettent ne se transformeront pas en travaux et en désolations, si l'honneur qu'ils en espèrent ne sera pas plutôt le déshonneur et pour eux-même l'occasion d'offenser Dieu davantage, comme cela arrive souvent. C'est de ceux-là que Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit qu'ils parcourent la mer et les terres pour enrichir leurs enfants, et en faire des fils de perdition deux fois plus mauvais qu'eux-mêmes (Mat. XXIII, 15).

Voilà pourquoi, alors même que tout sourirait à l'homme et lui serait propice, ou, comme on dit, lui arriverait à souhait, il devrait se tenir dans la crainte plutôt que dans la joie, car dans cet état, comme nous l'avons dit, se multiplient les occasions et les dangers d'oublier Dieu et de l'offenser. C'est pour cette raison que Salomon, qui s'en défiait, a dit dans l'Ecclésiaste: « Le rire, je l'ai regardé comme une erreur; et j'ai dit à la joie: Pourquoi te trompes-tu en vain? (Eccl. II, 2) » Comme s'il disait: Lorsque tout me souriait, j'ai regardé comme une erreur et une illusion la pensée de m'en réjouir. Grande, en effet, est l'erreur et la folie de l'homme qui se réjouit de ce qui se présente à lui favorable et prospère, quand il n'a pas la certitude qu'il lui en reviendra quelque bien éternel. « Le coeur de l'insensé, a dit le Sage, est là où se trouve la joie; et le coeur du sage est là ou se trouve la tristesse. (Eccl. VII, 5) ». La raison, c'est que la joie vaine aveugle le coeur et ne le laisse pas examiner et peser la valeur des choses; la tristesse au contraire, fait ouvrir les yeux et examiner si les choses occasionneront une perte ou un gain. De là vient que, comme le dit encore le Sage: « La colère est préférable au rire. Aussi vaut-il mieux aller à une maison de deuil qu'à une maison de festin, car on y voit la fin de tous les hommes (Ibid. VII, 4). »

C'est encore une vanité pour des époux de se réjouir quand ils ne savent pas clairement si l'état de mariage les aidera à servir Dieu plus parfaitement. Ils devraient, au contraire, être tout confus de ce que, comme dit saint Paul, le mariage est cause que leur coeur, partagé par l'amour mutuel qu'ils ont l'un pour l'autre, ne soit pas tout entier à Dieu. Voilà pourquoi l'Apôtre a dit: « Si vous êtes affranchis des liens du mariage, n'en contractez pas (I Cor. VII, 27). » Mais si vous avez une épouse, il convient que vous la gardiez avec une telle liberté de coeur que ce soit comme si vous n'en aviez pas.

Tout cela, ainsi que ce que nous avons dit des biens temporels, l'Apôtre nous l'enseigne encore par ces paroles: « Une chose certaine, mes frères, c'est que le temps est court; par conséquent, que ceux qui sont mariés soient comme ceux qui ne le sont pas; que ceux qui pleurent soient comme ceux qui ne pleurent pas; ceux qui se réjouissent, comme ceux qui ne se réjouissent pas; ceux qui achètent, comme ceux qui ne possèdent pas; ceux qui usent de ce monde, comme ceux qui n'en usent pas (I Cor. VII, 21-31). » Tout cela, il le dit pour nous donner à entendre que si l'on met sa joie dans ce qui ne se rapporte pas à la gloire de Dieu, tout est vanité et sans profit, car la joie qui n'est pas selon Dieu ne saurait être utile à l'âme.






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Message par Francesco Ven 24 Juin 2011 - 1:46

Sans doute, les biens temporels par eux-mêmes ne portent pas nécessairement au péché, mais le coeur de l'homme s'y attache d'ordinaire par faiblesse d'affection, et il manque à ses devoirs envers Dieu, ce qui est un péché, parce que c'est un péché véritable que de manquer ainsi à ses devoirs; voilà pourquoi le Sage a dit: « tu ne seras pas à l'abri du péché ». C'est aussi la raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ a, dans l'Évangile, appelé les richesses des épines (Mat. XIII, 22; Luc, VIII, 14), pour nous faire comprendre que celui qui y est attaché par la volonté sera blessé de quelque péché. Voici encore cette exclamation, rapportée dans saint Matthieu, qui est bien capable de nous faire trembler: Oh! Combien il est difficile aux riches, c'est-à-dire à ceux qui placent leurs joies dans les richesses, d'entrer dans le royaume des cieux! (Mat. XIX, 23) Il veut nous faire comprendre que nous ne devons pas mettre notre joie dans les richesses, dès lors qu'elles nos exposent à un si grand danger.

C'est pour nous éloigner d'un si grand danger que David a dit: « Si les richesses abondent, n'y attache pas ton coeur (Ps. LXI, 11).


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Message par Francesco Ven 8 Juil 2011 - 20:05

CHAPITRE XXVIII




DES AVANTAGES
QU'IL Y A POUR L'ÂME À
RENONCER AUX JOIES QUI VIENNENT
DES BIENS TEMPORELS.




Il y a de très grands avantages pour l'âme à refuser d'appliquer la vaine joie de la volonté à cette sorte de biens.

Le premier, c'est qu'elle se délivre d'une foule de tentations et de pièges du démon qui se trouvent cachés sous la joie qui provient des bonnes oeuvres. Nous pouvons le comprendre par ces paroles de Job: « Il dort à l'ombre dans le secret des roseaux, dans des lieux humides (Job. XL, 16). » Il désigne ainsi le démon, qui trompe l'âme par la joie et la vanité des oeuvres, figurées par l'humilité des lieux et la fragilité du roseau. Or il n'y a rien d'étonnant à ce que le démon nous trompe secrètement sous le couvert de cette joie; car avant même que ses suggestions se produisent, cette vaine joie est elle-même une illusion; et cela a lieu surtout quand il y a dans le coeur une certaine jactance au sujet de cette joie. Jérémie nous le dit clairement en ces termes: « L'arrogance de votre coeur vous a séduit: Arrogantia tua deceptit te (Jér. . XLIX, 16). » Et, en effet, quelle plus grande illusion que celle de la jactance? Or l'âme ne peut s'en délivrer qu'en renonçant à cette joie.

Le second avantage, c'est que l'on accomplit ses oeuvres avec plus de sagesse et de perfection, car s'il y a la passion de la joie et du plaisir, on n'y donne pas lieu. Cette passion de la joie, en effet, excite extrêmement ces tendances que l'on appelle irascible et concupiscible; la raison perd son autorité et ordinairement se montre versatile dans ses oeuvres et ses projets, laisse les uns pour les autres, les commence et les abandonne sans jamais rien achever. Comme l'homme agit alors à cause du goût qu'il trouve dans ces oeuvres, et que ce goût est très variable, et beaucoup plus encore dans certaines natures, il en résulte que, là où ce goût vient à cesser, les oeuvres et les projets cessent aussi, malgré toute leur importance. Pour ces sortes de personnes, la jouissance qu'elles trouvent dans leurs oeuvres en est comme l'âme et toute la force. Dès que la jouissance vient à cesser, c'en est fait de l'oeuvre; elles l'abandonnent, et ne persévèrent pas. Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit de ces personnes qu' « elles reçoivent la parole divine avec joie, mais bientôt le démon la leur ravit, pour qu'elles ne persévèrent pas (Lc, VIII, 12) ». Ce malheur arrive parce que la parole divine n'avait pas d'autre force et d'autre racine que la joie que l'on en avait conçue. Quand donc on enlève cette joie à la volonté et qu'on l'en sépare, on lui donne un motif de persévérance et de succès. Aussi cet avantage est très grand, comme est très grand le dommage qui lui est opposé. Le Sage jette ses regards sur la substance de l'oeuvre et ses avantages, et non sur la saveur et le plaisir qu'il y goûterait. Aussi n'agit-il pas en l'air, il tire de ses oeuvres une joie durable, sans rechercher le tribut des saveurs qu'elles pourraient apporter...

Le troisième avantage est divin. Il a lieu quand on étouffe la vaine joie que l'on trouve dans les bonnes oeuvres, et que l'on se fait pauvre d'esprit. C'est là l'une des béatitudes dont a parlé le Fils de Dieu quand il a dit: « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Mat. V, 3). »

Le quatrième avantage, c'est que celui qui renoncera à cette joie sera doux, humble et prudent dans sa conduite. Il n'agira pas avec précipitation ou impétuosité, et ne se laissera pas entraîner à la joie par la partie de son âme que l'on appelle concupiscible et irascible; il ne sera pas présomptueux, ni affecté par une estime exagérée de ses oeuvres à cause du goût qu'il y trouve, il ne sera point non plus imprudent jusqu'à se laisser aveugler par cette joie.

Le cinquième avantage est qu'on se rend agréable à Dieu et aux hommes; on se délivre de l'avarice, de la gourmandise, de la paresse spirituelle, de l'envie spirituelle et de mille autres vices.






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Message par Francesco Ven 8 Juil 2011 - 20:08

Pour ces sortes de personnes, la jouissance qu'elles trouvent dans leurs oeuvres en est comme l'âme et toute la force. Dès que la jouissance vient à cesser, c'en est fait de l'oeuvre; elles l'abandonnent, et ne persévèrent pas. Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit de ces personnes qu' « elles reçoivent la parole divine avec joie, mais bientôt le démon la leur ravit, pour qu'elles ne persévèrent pas (Lc, VIII, 12) ».
Faire des oeuvres sans une vie intence de priere et surtout sans que ce soit la volonté de Dieu est vain....


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