La Bénédiction du Père de famille. Montréal 1861
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La Bénédiction du Père de famille. Montréal 1861
La Bénédiction du Père de famille.( Echo du cabinet de lecture paroissial de Montréal - Bas-Canada 17 aout 1861)
Il n'y a sur la terre ni droits, ni devoirs, ni grandeur, ni autorité comparable aux droits, aux devoirs, à la grandeur et à l'autorité d'un père. Le père bénit, et il peut maudire aussi, comme Dieu. On redoute la malédiction de Dieu, on demande à Dieu sa bénédiction ; on redoute aussi la malédiction d'un père : c'est comme la malédiction de Dieu même. On sollicite, on reçoit avec religion, à genoux, la bénédiction d'un père, on s'incline sous la main paternelle comme sous la main de Dieu. Nulle puissance, nulle grandeur n'eut jamais ce droit sur la terre ; le père seul bénit et maudit.
La magistrature est une grande institution sans doute ; les magistrats ne bénissent pas, ils vengent la justice, ils condamnent à mort, ils n'ont pas le droit de maudire. Le prince est plus grand encore : il est, selon le langage des saintes Écritures, le ministre de Dieu pour le bien. Le prince ne bénit pas ; la majesté royale n'a pas élevée à cette dignité. La bénédiction, c'est le propre de la majesté paternelle et de la majesté divine. J'ai beau remonter les siècles, et consulter l'histoire, je ne trouve que Dieu, les ministres de Dieu en son nom, et les pères de famille qui bénissent; et encore cela ne se voit-il que dans la vraie religion, tant c'est une chose divine !
Qu'est-ce donc que bénir? Quand j'étudie la bénédiction en Dieu d'abord, et que je recherche religieusement, clans nos livres divins ce que fait Dieu lorsqu'il bénit, je trouve toujours que c'est une œuvre de puissance et d'amour. Je dis une œuvre, car la bénédiction de Dieu ne souhaite pas seulement le bien qu'elle dit, elle le fait. Comme le remarque admirablement Fénélon, les paroles des hommes sincères disent ce qu'elles font; mais la parole de Dieu fait ce qu'elle dit, et quand elle bénit, c'est toujours une parole de vie et de fécondité.
Témoin la première bénédiction donnée à nos premiers parents : c'est de là que naquit le genre humain. Témoin la bénédiction prononcée sur Noé et sur ses enfants pour le renouvellement de l'humanité sauvée. Témoin toutes les bénédictions répandues sur Abraham, sur lsaac, sur Jacob, et d'âge en âge sur tous les justes de l'Ancien Testament; elles furent toujours un accroissement de prospérité et de grâce.
Dans la loi nouvelle, Jésus-Christ bénit le pain et le vin, et cette bénédiction puissante a fait l'Eucharistie. C'est encore en bénissant ses Apôtres, au jour de son ascension, qu'il les quitte, crée l'apostolat et envoie ces douze hommes prêcher avec puissance l'Évangile de la vie à toute créature. Enfin l'Église de Jésus-Christ ne se montre la mère de tous les enfants de Dieu, et ne leur donne la vie qu'en les bénissant au nom de son immortel Époux.
Telle est la bénédiction divine. En quelque lieu des divines Écritures que je la considère, je la trouve toujours fécondante, toujours œuvre de puissance et source de vie naturelle ou surnaturelle. Et voilà la profonde raison pour laquelle il n'y a que Dieu, auteur de la vie, qui bénisse par lui-même ou par ses ministres, et après Dieu les pères dans leurs familles. Et de là vient aussi le haut prix, que dans ces anciennes et vénérables familles patriarcales, les enfants mettaient toujours à la bénédiction de leurs pères. C'était pour eux la plus riche part de l'héritage paternel, et comme un sacrement par lequel Dieu leur transmettait les bénédictions qu'il avait sur leurs aïeux, et les faisait héritiers des antiques promesses.
Qui oserait dire que la bénédiction paternelle, sous la loi de grâce, ait perdu sa puissance? Pour moi, je ne le pense pas; je pense que la vie, que la conservation des nation et la prospérité des familles y peuvent trouver, aujourd'hui encore, la même divine assurance ; et de plus, selon l'esprit et le caractère de la grâce évangélique, je crois qu'il en sort plus abondamment qu'autrefois une grâce; surnaturelle pour produire, accroître et perpétuer dans les familles chrétiennes, non seulement la vie, mais, ce qui est plus précieux encore, la bonne vie et le trésor héréditaire des vertus domestiques et des espérances célestes. Et en effet, lorsqu'un père, digne de ce nom, bénit son fils, il sent bien qu'il fait là une grande chose, une chose divine ; qu'il est le représentant de Dieu même, ou plutôt que c'est Dieu en lui qui bénit son enfant : que sa bénédiction n'est pas seulement un vœu, une espérance, mais que, par une vertu secrète, elle fait le bien qu'elle dit et transmet la grâce qu'elle souhaite.
Il sent, en un mot, qu'il bénit avec puissance autant qu'avec amour. Oui, en ce moment solennel où un père lève ses mains sur son fils pour le bénir, il sent que, comme Dieu avait disposé de lui pour donner par lui la vie à cet enfant, lui, à son tour, dispose en vérité, quoique avec dépendance et par emprunt, de la vertu et des biens de Dieu. En effet, les desseins d'en haut se soutiennent toujours : après l'avoir fait père, Dieu le fait encore aujourd'hui le ministre et le dispensateur de sa puissance, pour verser sur cet enfant et sur sa race les grâces qui font la prospérité du temps et préparent le bonheur de l'éternité. Et ce grand et sublime ministère de la bénédiction, un père le remplit sans s'étonner, le trouvant aussi naturel, pour ainsi dire, qu'il est divin; tant il est vrai que Dieu, en le faisant père, s'est obligé à lui, s'est fait, si je puis me servir de ce mot, son engagé, lui a donné quelque chose de sa plus haute puissance pour la vie et pour la mort. Et n'est-ce pas ce que Dieu dit expressément : Honore ton père et ta mère, afin que leur bénédiction demeure sur toi et que ta vie soit longue et bonne sur la terre ; comme s'il voulait par là faire entendre aux enfants, que le même père et la même mère
qui ont pu leur donner la vie, peuvent aussi la leur prolonger en les bénissant ?
Et toutefois, chose remarquable ! quelque nature que soit chez un père le droit de bénir ses enfants, cette fonction néanmoins est si haute et a quelque chose de si divin, que le paganisme et l'ancienne philosophie ne paraissent pas l'avoir soupçonné. Comme je l'ai déjà fait observer, la vraie religion seule a élevé l'autorité paternelle jusqu'à la puissance de la bénédiction. Les plus sublimes inspirations du génie antique ne montèrent pas jusque-là.
Virgile et Homère, qui sont allés si haut, ne se sont pas élevés jusqu'à la pensée même de la bénédiction paternelle. Les paroles d'Hector à son fils entre les bras d'Andromaque
sont héroïques. Il ne bénit pas son fils Priam, le plus sublime des pères dont l'antiquité ait peint le caractère, Priam n'avait pas béni Hector avant le combat. Énée emporte son vieux père sur ses épaules des ruines de Troie. Son père, en mourant, ne le bénit pas. Chez l'ancien peuple de Dieu, au contraire, et chez tous les peuples chrétiens, dans les temps de foi, un père ne manquait jamais de bénir ses enfants avant de mourir.
Et aujourd'hui encore, quoique le sentiment de la dignité paternelle soit tristement affaibli dans les âmes, on demande, on reçoit encore avec respect la bénédiction d'un père. Il y a encore des pères qui bénissent avec religion leurs fils et leurs filles. Combien de fois n'ai-je pas vu, à la veille d'une première communion, une mère pieuse amener son fils, sa fille aux pieds de leur père, et lui demander de les bénir! Et souvent aussi, j'ai vu avec attendrissement cette bénédiction, découlant du cœur et des lèvres d'un père sur ses enfants, remonter au cœur paternel et devenir pour lui-même la bénédiction de Dieu.
Mgr. Dupanloup.
Il n'y a sur la terre ni droits, ni devoirs, ni grandeur, ni autorité comparable aux droits, aux devoirs, à la grandeur et à l'autorité d'un père. Le père bénit, et il peut maudire aussi, comme Dieu. On redoute la malédiction de Dieu, on demande à Dieu sa bénédiction ; on redoute aussi la malédiction d'un père : c'est comme la malédiction de Dieu même. On sollicite, on reçoit avec religion, à genoux, la bénédiction d'un père, on s'incline sous la main paternelle comme sous la main de Dieu. Nulle puissance, nulle grandeur n'eut jamais ce droit sur la terre ; le père seul bénit et maudit.
La magistrature est une grande institution sans doute ; les magistrats ne bénissent pas, ils vengent la justice, ils condamnent à mort, ils n'ont pas le droit de maudire. Le prince est plus grand encore : il est, selon le langage des saintes Écritures, le ministre de Dieu pour le bien. Le prince ne bénit pas ; la majesté royale n'a pas élevée à cette dignité. La bénédiction, c'est le propre de la majesté paternelle et de la majesté divine. J'ai beau remonter les siècles, et consulter l'histoire, je ne trouve que Dieu, les ministres de Dieu en son nom, et les pères de famille qui bénissent; et encore cela ne se voit-il que dans la vraie religion, tant c'est une chose divine !
Qu'est-ce donc que bénir? Quand j'étudie la bénédiction en Dieu d'abord, et que je recherche religieusement, clans nos livres divins ce que fait Dieu lorsqu'il bénit, je trouve toujours que c'est une œuvre de puissance et d'amour. Je dis une œuvre, car la bénédiction de Dieu ne souhaite pas seulement le bien qu'elle dit, elle le fait. Comme le remarque admirablement Fénélon, les paroles des hommes sincères disent ce qu'elles font; mais la parole de Dieu fait ce qu'elle dit, et quand elle bénit, c'est toujours une parole de vie et de fécondité.
Témoin la première bénédiction donnée à nos premiers parents : c'est de là que naquit le genre humain. Témoin la bénédiction prononcée sur Noé et sur ses enfants pour le renouvellement de l'humanité sauvée. Témoin toutes les bénédictions répandues sur Abraham, sur lsaac, sur Jacob, et d'âge en âge sur tous les justes de l'Ancien Testament; elles furent toujours un accroissement de prospérité et de grâce.
Dans la loi nouvelle, Jésus-Christ bénit le pain et le vin, et cette bénédiction puissante a fait l'Eucharistie. C'est encore en bénissant ses Apôtres, au jour de son ascension, qu'il les quitte, crée l'apostolat et envoie ces douze hommes prêcher avec puissance l'Évangile de la vie à toute créature. Enfin l'Église de Jésus-Christ ne se montre la mère de tous les enfants de Dieu, et ne leur donne la vie qu'en les bénissant au nom de son immortel Époux.
Telle est la bénédiction divine. En quelque lieu des divines Écritures que je la considère, je la trouve toujours fécondante, toujours œuvre de puissance et source de vie naturelle ou surnaturelle. Et voilà la profonde raison pour laquelle il n'y a que Dieu, auteur de la vie, qui bénisse par lui-même ou par ses ministres, et après Dieu les pères dans leurs familles. Et de là vient aussi le haut prix, que dans ces anciennes et vénérables familles patriarcales, les enfants mettaient toujours à la bénédiction de leurs pères. C'était pour eux la plus riche part de l'héritage paternel, et comme un sacrement par lequel Dieu leur transmettait les bénédictions qu'il avait sur leurs aïeux, et les faisait héritiers des antiques promesses.
Qui oserait dire que la bénédiction paternelle, sous la loi de grâce, ait perdu sa puissance? Pour moi, je ne le pense pas; je pense que la vie, que la conservation des nation et la prospérité des familles y peuvent trouver, aujourd'hui encore, la même divine assurance ; et de plus, selon l'esprit et le caractère de la grâce évangélique, je crois qu'il en sort plus abondamment qu'autrefois une grâce; surnaturelle pour produire, accroître et perpétuer dans les familles chrétiennes, non seulement la vie, mais, ce qui est plus précieux encore, la bonne vie et le trésor héréditaire des vertus domestiques et des espérances célestes. Et en effet, lorsqu'un père, digne de ce nom, bénit son fils, il sent bien qu'il fait là une grande chose, une chose divine ; qu'il est le représentant de Dieu même, ou plutôt que c'est Dieu en lui qui bénit son enfant : que sa bénédiction n'est pas seulement un vœu, une espérance, mais que, par une vertu secrète, elle fait le bien qu'elle dit et transmet la grâce qu'elle souhaite.
Il sent, en un mot, qu'il bénit avec puissance autant qu'avec amour. Oui, en ce moment solennel où un père lève ses mains sur son fils pour le bénir, il sent que, comme Dieu avait disposé de lui pour donner par lui la vie à cet enfant, lui, à son tour, dispose en vérité, quoique avec dépendance et par emprunt, de la vertu et des biens de Dieu. En effet, les desseins d'en haut se soutiennent toujours : après l'avoir fait père, Dieu le fait encore aujourd'hui le ministre et le dispensateur de sa puissance, pour verser sur cet enfant et sur sa race les grâces qui font la prospérité du temps et préparent le bonheur de l'éternité. Et ce grand et sublime ministère de la bénédiction, un père le remplit sans s'étonner, le trouvant aussi naturel, pour ainsi dire, qu'il est divin; tant il est vrai que Dieu, en le faisant père, s'est obligé à lui, s'est fait, si je puis me servir de ce mot, son engagé, lui a donné quelque chose de sa plus haute puissance pour la vie et pour la mort. Et n'est-ce pas ce que Dieu dit expressément : Honore ton père et ta mère, afin que leur bénédiction demeure sur toi et que ta vie soit longue et bonne sur la terre ; comme s'il voulait par là faire entendre aux enfants, que le même père et la même mère
qui ont pu leur donner la vie, peuvent aussi la leur prolonger en les bénissant ?
Et toutefois, chose remarquable ! quelque nature que soit chez un père le droit de bénir ses enfants, cette fonction néanmoins est si haute et a quelque chose de si divin, que le paganisme et l'ancienne philosophie ne paraissent pas l'avoir soupçonné. Comme je l'ai déjà fait observer, la vraie religion seule a élevé l'autorité paternelle jusqu'à la puissance de la bénédiction. Les plus sublimes inspirations du génie antique ne montèrent pas jusque-là.
Virgile et Homère, qui sont allés si haut, ne se sont pas élevés jusqu'à la pensée même de la bénédiction paternelle. Les paroles d'Hector à son fils entre les bras d'Andromaque
sont héroïques. Il ne bénit pas son fils Priam, le plus sublime des pères dont l'antiquité ait peint le caractère, Priam n'avait pas béni Hector avant le combat. Énée emporte son vieux père sur ses épaules des ruines de Troie. Son père, en mourant, ne le bénit pas. Chez l'ancien peuple de Dieu, au contraire, et chez tous les peuples chrétiens, dans les temps de foi, un père ne manquait jamais de bénir ses enfants avant de mourir.
Et aujourd'hui encore, quoique le sentiment de la dignité paternelle soit tristement affaibli dans les âmes, on demande, on reçoit encore avec respect la bénédiction d'un père. Il y a encore des pères qui bénissent avec religion leurs fils et leurs filles. Combien de fois n'ai-je pas vu, à la veille d'une première communion, une mère pieuse amener son fils, sa fille aux pieds de leur père, et lui demander de les bénir! Et souvent aussi, j'ai vu avec attendrissement cette bénédiction, découlant du cœur et des lèvres d'un père sur ses enfants, remonter au cœur paternel et devenir pour lui-même la bénédiction de Dieu.
Mgr. Dupanloup.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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