Bachar Al-Assad est en passe de gagner la guerre
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Bachar Al-Assad est en passe de gagner la guerre
« Si Bachar Al-Assad est en passe de gagner la guerre, il n’a pas du tout gagné la paix »
Plus de sept ans après le début du conflit syrien et alors que l’aviation russe et les forces du gouvernement syrien ont entamé le pilonnage d’Idlib, dernière province tenue par les rebelles djihadistes, Aleteia fait le point sur la situation avec Caroline Galactéros, docteur en science politique, ancien auditeur de l’IHEDN et colonel au sein de la réserve opérationnelle.
Située dans le nord-ouest de la Syrie, Idlib est la dernière province contrôlée par les rebelles. Depuis plusieurs jours, malgré les mises en garde et protestations des pays occidentaux et de l’ONU, Damas, Moscou et Téhéran procèdent au pilonnage de la zone. Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissait une nouvelle fois ce 11 septembre à la demande de la Russie, Caroline Galactéros, docteur en science politique, ancien auditeur de l’IHEDN et colonel au sein de la réserve opérationnelle, revient pour Aleteia sur la situation réelle du pays.
Aleteia : Malgré des poches de résistance, notamment celle de la province d’Idlib, Bachar Al-Assad sort apparemment victorieux de ce conflit armé… Quelle est votre appréciation sur la situation réelle du pays ?
Caroline Galactéros : Sur le plan militaire la reconquête du pays est presque achevée. La province d’Idlib est l’endroit où ont été progressivement regroupés, depuis la reprise d’Alep, la majeure partie des djihadistes encore à l’œuvre sur le territoire syrien. Cet « abcès » constitué de combattants islamistes n’est donc pas une nouveauté. L’alternative pour le gouvernement syrien est la suivante : soit il arrive à soumettre ces rebelles djihadistes en les associant au processus politique à venir, soit il les neutralise définitivement. Le gouvernement syrien ne peut pas s’accommoder de la présence résiduelle d’islamistes qui sont pour lui des ennemis mortels. Ils doivent être actuellement en train de marchander leur survie et leur représentation politique auprès d’émissaires russes en acceptant leur intégration et sans doute leur soumission dans un dialogue politique. Il est fort probable qu’ils aient le choix suivant : soit vous vous intégrez dans un dialogue politique et vous avez la vie sauve, soit vous refusez et vous disparaissez. Ceci étant dit, si Bachar Al-Assad est en passe de gagner la guerre, il n’a pas du tout gagné la paix.
Que voulez-vous dire ?
La position de Bachar Al-Assad est globalement bien meilleure qu’en 2015 mais l’issue du conflit dépend désormais du marchandage qui va se dérouler entre les grandes puissances présentes dans la zone. Il est donc beaucoup trop tôt pour dire que c’est la fin de la guerre en Syrie tout simplement parce que ces puissances n’ont sans doute pas intérêt à ce que la Syrie de Bachar soit en paix rapidement. La Turquie et l’Iran ? Certainement pas. Les États-Unis et l’Europe ? Pas sûr. Israël ? Probablement pas.
Vendredi 7 septembre les présidents iranien, turc et russe se sont rencontrés à Téhéran mais n’ont pas réussi à s’entendre sur le sort à réserver au bastion rebelle. Cela témoigne-t-il selon vous des intérêts divergents dans la résolution de ce conflit ?
Le sommet tripartite Iran-Russie-Turquie à Téhéran consacré au sort d’Idlib a marqué de profondes divergences entre les pays. Depuis le début du conflit, la Turquie a soutenu les islamistes qui ont eux-mêmes lutté pour une chute du régime. Mais ils ont perdu la main et la Turquie s’est positionnée du côté russo-qatarien. Le pays fait maintenant partie de l’axe anti-occidental russo-irano-turc et en même temps, le gouvernement turc veut s’assurer le contrôle d’une zone d’influence en Syrie. C’est pour cela qu’Erdogan a affirmé que d’une attaque dans la province résulterait « une catastrophe, un massacre et un drame humanitaire ». N’ayant pas obtenu ce qu’il voulait au début du conflit, le gouvernent turc joue cyniquement cette carte ambiguë. C’est une négociation politique globale dans laquelle Ankara, qui demeure une puissance militaire importante de l’OTAN, donc précieuse pour Washington, essaie de monnayer au mieux ses divers atouts.
Vers quel scénario, quelle réalité s’oriente-t-on ?
Je pense qu’il va y avoir deux processus : un militaire et un politique. Pour le premier, le régime syrien n’a aucune intention de laisser cette enclave djihadiste au milieu de son territoire. Mais les forces dont Bachar Al-Assad dispose aujourd’hui sont insuffisantes pour lui permettre de contrôler le pays reconquis, il a besoin de la présence militaire russe et iranienne. Les Américains et les Européens vont donc tenter de tout négocier, en conditionnant leur soutien humanitaire et leur participation à la reconstruction du pays à un processus politique qui leur permette de sauver la face et de marginaliser sinon exclure Bachar Al-Assad (après ce qui reste un magistral fiasco politico-militaire de leur projet initial de déstabilisation du pays). Le président syrien va-t-il accepter ou être contraint par ses parrains (qui ont des intérêts bien plus larges) d’admettre son éventuelle marginalisation politique ? Rien n’est moins sûr et cette phase risque d’être extrêmement longue. Car la négociation se joue de façon simultanée sur plusieurs tableaux, en lien avec d’autres dossiers (Ukraine, sanctions, Europe, OTAN, Irak, Libye, etc…). Les pressions occidentales sur l’Iran mais aussi sur la Russie vont certainement augmenter durant l’automne et l’hiver. Ce qu’il faut comprendre c’est que les différentes puissances sont en train de se repartager les zones d’influences au Moyen-Orient.
La politique de la France en Syrie a-t-elle changé ?
Le gouvernement français joue au jeu du pendule : un coup à droite, un coup à gauche. La France s’est clairement positionnée du côté des États-Unis tout en prétendant faire entendre « sa » voix propre et en appelant à une redéfinition de la relation russo-européenne… Le mouvement de repolarisation des alliances se poursuit. Les Russes ont lancé des filets vers différents pays de la région (Arabie Saoudite, Israël, Égypte, mais aussi vers divers pays européens à la faveur de la crise des migrants) et les Américains tentent de raffermir leur contrôle politique et stratégique sur les Européens via l’OTAN. On est face à une matriochka, un set de poupées russes qui part de la Syrie et va jusqu’aux enjeux globaux liés au renforcement de l’extraterritorialité du droit américain. La Syrie n’est qu’un terrain parmi d’autres de cette rivalité globale qui est beaucoup plus large, complexe et aléatoire et dont la relation sino-américaine est l’ultime enjeu.
La France peut-elle encore y jouer un rôle ?
Elle pourrait peser si elle avait une politique cohérente et pragmatique. Si c’était le cas, elle se rapprocherait de Moscou et chercherait les bases d’un processus politique viable et durable. Nous alternons entre des déclarations clairvoyantes et très vite après, pressions internes et externes obligeant, et des postures ou moralisatrices à contre-emploi qui cassent l’élan initié et semblent traduire une hésitation, un balancement et surtout le refus de reconnaitre nos erreurs de jugement passées aux lourdes conséquences sécuritaires. Nous n’osons pas dire que Bachar a gagné et qu’il est probable que, si ce n’est pas lui qui reste au pouvoir, ce sera et devra être l’un de ses proches, qu’il faut maintenant un accord politique, nécessairement imparfait. La France est face à un échec patent de sa politique depuis 2011 et elle tente désespérément de faire en sorte que ça ne soit pas une débâcle médiatico-politique. Cela ne marche pas. Elle demeure au milieu du gué et semble essentiellement pusillanime et inutile. Elle ferait bien mieux de reconnaitre son erreur, de prendre en compte la nouvelle situation et d’adopter un point de vue constructif. Car notre position hésitante nous discrédite vis-à-vis de tous ceux qui pèsent réellement sur l’avenir de la Syrie, et prolonge d’autant le désarroi du peuple syrien (réfugiés y compris), toutes religions et communautés confondues, auquel nous devons désormais de nous impliquer dans leur retour à l’équilibre et à la sécurité. Notre retour à l’influence au Moyen-Orient passe par un tournant réaliste sur la question syrienne comme d’ailleurs sur le dossier libyen, qui restaurera notre crédit régional et global et servira nos principes humanitaires bien plus sûrement que des incantations hors sol.
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Plus de sept ans après le début du conflit syrien et alors que l’aviation russe et les forces du gouvernement syrien ont entamé le pilonnage d’Idlib, dernière province tenue par les rebelles djihadistes, Aleteia fait le point sur la situation avec Caroline Galactéros, docteur en science politique, ancien auditeur de l’IHEDN et colonel au sein de la réserve opérationnelle.
Située dans le nord-ouest de la Syrie, Idlib est la dernière province contrôlée par les rebelles. Depuis plusieurs jours, malgré les mises en garde et protestations des pays occidentaux et de l’ONU, Damas, Moscou et Téhéran procèdent au pilonnage de la zone. Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissait une nouvelle fois ce 11 septembre à la demande de la Russie, Caroline Galactéros, docteur en science politique, ancien auditeur de l’IHEDN et colonel au sein de la réserve opérationnelle, revient pour Aleteia sur la situation réelle du pays.
Aleteia : Malgré des poches de résistance, notamment celle de la province d’Idlib, Bachar Al-Assad sort apparemment victorieux de ce conflit armé… Quelle est votre appréciation sur la situation réelle du pays ?
Caroline Galactéros : Sur le plan militaire la reconquête du pays est presque achevée. La province d’Idlib est l’endroit où ont été progressivement regroupés, depuis la reprise d’Alep, la majeure partie des djihadistes encore à l’œuvre sur le territoire syrien. Cet « abcès » constitué de combattants islamistes n’est donc pas une nouveauté. L’alternative pour le gouvernement syrien est la suivante : soit il arrive à soumettre ces rebelles djihadistes en les associant au processus politique à venir, soit il les neutralise définitivement. Le gouvernement syrien ne peut pas s’accommoder de la présence résiduelle d’islamistes qui sont pour lui des ennemis mortels. Ils doivent être actuellement en train de marchander leur survie et leur représentation politique auprès d’émissaires russes en acceptant leur intégration et sans doute leur soumission dans un dialogue politique. Il est fort probable qu’ils aient le choix suivant : soit vous vous intégrez dans un dialogue politique et vous avez la vie sauve, soit vous refusez et vous disparaissez. Ceci étant dit, si Bachar Al-Assad est en passe de gagner la guerre, il n’a pas du tout gagné la paix.
Que voulez-vous dire ?
La position de Bachar Al-Assad est globalement bien meilleure qu’en 2015 mais l’issue du conflit dépend désormais du marchandage qui va se dérouler entre les grandes puissances présentes dans la zone. Il est donc beaucoup trop tôt pour dire que c’est la fin de la guerre en Syrie tout simplement parce que ces puissances n’ont sans doute pas intérêt à ce que la Syrie de Bachar soit en paix rapidement. La Turquie et l’Iran ? Certainement pas. Les États-Unis et l’Europe ? Pas sûr. Israël ? Probablement pas.
Vendredi 7 septembre les présidents iranien, turc et russe se sont rencontrés à Téhéran mais n’ont pas réussi à s’entendre sur le sort à réserver au bastion rebelle. Cela témoigne-t-il selon vous des intérêts divergents dans la résolution de ce conflit ?
Le sommet tripartite Iran-Russie-Turquie à Téhéran consacré au sort d’Idlib a marqué de profondes divergences entre les pays. Depuis le début du conflit, la Turquie a soutenu les islamistes qui ont eux-mêmes lutté pour une chute du régime. Mais ils ont perdu la main et la Turquie s’est positionnée du côté russo-qatarien. Le pays fait maintenant partie de l’axe anti-occidental russo-irano-turc et en même temps, le gouvernement turc veut s’assurer le contrôle d’une zone d’influence en Syrie. C’est pour cela qu’Erdogan a affirmé que d’une attaque dans la province résulterait « une catastrophe, un massacre et un drame humanitaire ». N’ayant pas obtenu ce qu’il voulait au début du conflit, le gouvernent turc joue cyniquement cette carte ambiguë. C’est une négociation politique globale dans laquelle Ankara, qui demeure une puissance militaire importante de l’OTAN, donc précieuse pour Washington, essaie de monnayer au mieux ses divers atouts.
Vers quel scénario, quelle réalité s’oriente-t-on ?
Je pense qu’il va y avoir deux processus : un militaire et un politique. Pour le premier, le régime syrien n’a aucune intention de laisser cette enclave djihadiste au milieu de son territoire. Mais les forces dont Bachar Al-Assad dispose aujourd’hui sont insuffisantes pour lui permettre de contrôler le pays reconquis, il a besoin de la présence militaire russe et iranienne. Les Américains et les Européens vont donc tenter de tout négocier, en conditionnant leur soutien humanitaire et leur participation à la reconstruction du pays à un processus politique qui leur permette de sauver la face et de marginaliser sinon exclure Bachar Al-Assad (après ce qui reste un magistral fiasco politico-militaire de leur projet initial de déstabilisation du pays). Le président syrien va-t-il accepter ou être contraint par ses parrains (qui ont des intérêts bien plus larges) d’admettre son éventuelle marginalisation politique ? Rien n’est moins sûr et cette phase risque d’être extrêmement longue. Car la négociation se joue de façon simultanée sur plusieurs tableaux, en lien avec d’autres dossiers (Ukraine, sanctions, Europe, OTAN, Irak, Libye, etc…). Les pressions occidentales sur l’Iran mais aussi sur la Russie vont certainement augmenter durant l’automne et l’hiver. Ce qu’il faut comprendre c’est que les différentes puissances sont en train de se repartager les zones d’influences au Moyen-Orient.
La politique de la France en Syrie a-t-elle changé ?
Le gouvernement français joue au jeu du pendule : un coup à droite, un coup à gauche. La France s’est clairement positionnée du côté des États-Unis tout en prétendant faire entendre « sa » voix propre et en appelant à une redéfinition de la relation russo-européenne… Le mouvement de repolarisation des alliances se poursuit. Les Russes ont lancé des filets vers différents pays de la région (Arabie Saoudite, Israël, Égypte, mais aussi vers divers pays européens à la faveur de la crise des migrants) et les Américains tentent de raffermir leur contrôle politique et stratégique sur les Européens via l’OTAN. On est face à une matriochka, un set de poupées russes qui part de la Syrie et va jusqu’aux enjeux globaux liés au renforcement de l’extraterritorialité du droit américain. La Syrie n’est qu’un terrain parmi d’autres de cette rivalité globale qui est beaucoup plus large, complexe et aléatoire et dont la relation sino-américaine est l’ultime enjeu.
La France peut-elle encore y jouer un rôle ?
Elle pourrait peser si elle avait une politique cohérente et pragmatique. Si c’était le cas, elle se rapprocherait de Moscou et chercherait les bases d’un processus politique viable et durable. Nous alternons entre des déclarations clairvoyantes et très vite après, pressions internes et externes obligeant, et des postures ou moralisatrices à contre-emploi qui cassent l’élan initié et semblent traduire une hésitation, un balancement et surtout le refus de reconnaitre nos erreurs de jugement passées aux lourdes conséquences sécuritaires. Nous n’osons pas dire que Bachar a gagné et qu’il est probable que, si ce n’est pas lui qui reste au pouvoir, ce sera et devra être l’un de ses proches, qu’il faut maintenant un accord politique, nécessairement imparfait. La France est face à un échec patent de sa politique depuis 2011 et elle tente désespérément de faire en sorte que ça ne soit pas une débâcle médiatico-politique. Cela ne marche pas. Elle demeure au milieu du gué et semble essentiellement pusillanime et inutile. Elle ferait bien mieux de reconnaitre son erreur, de prendre en compte la nouvelle situation et d’adopter un point de vue constructif. Car notre position hésitante nous discrédite vis-à-vis de tous ceux qui pèsent réellement sur l’avenir de la Syrie, et prolonge d’autant le désarroi du peuple syrien (réfugiés y compris), toutes religions et communautés confondues, auquel nous devons désormais de nous impliquer dans leur retour à l’équilibre et à la sécurité. Notre retour à l’influence au Moyen-Orient passe par un tournant réaliste sur la question syrienne comme d’ailleurs sur le dossier libyen, qui restaurera notre crédit régional et global et servira nos principes humanitaires bien plus sûrement que des incantations hors sol.
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Titi- Date d'inscription : 28/09/2012
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