HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
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HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
92 - Rétablissement de la discipline en Angleterre. Année 942.
L’Église, que l'esprit de Dieu n’abandonne jamais, trouve en elle-même, dans les temps de relâchement, un principe de vie qui la renouvelle, et lui fait reprendre sa première vigueur. Saint Oda fut placé par la Providence sur le premier siège de l’Angleterre, pour réparer la discipline dans ce royaume. ( St-Oda était d`origine danoise et né dans l`East Anglia en Angleterre)
St-Oda ( le Sévère) devient archevêque de Canterbury en Angleterre de 941 a 958
Dès qu’il fut archevêque de Cantorbéry, il dressa de sages règlements pour l’instruction du clergé, des grands et du peuple. Il était soutenu par le roi Edmond, qui seconda les vues du saint prélat, et publia des lois propres à rétablir le bon ordre.
Edmund 1, roi d`Angleterre de l`an 939 à 946 soutenait les réformes de St-Oda
Un évêque plein de zèle ne peut manquer de faire beaucoup de bien, quand il trouve de l’appui dans un prince religieux. Aussi, saint Oda réforma-t-il un grand nombre d`abus, et l’ouvrage qu’il avait si heureusement commencé, saint Dunstan, son successeur, l’acheva. Ce saint prélat, animé du même esprit, se voyant obligé, par sa dignité, de veiller sur toutes les églises de l`Angleterre, parcourut les différentes villes de ce royaume, instruisant les Fidèles des règles de la vie chrétienne, les portant à la pratique de toutes les vertus par des exhortations vives et touchantes. Il parlait avec tant d’onction et de force, qu’il semblait qu’on ne pût lui résister.
St-Dunstan, Archevêque de Canterbury de 959 à 988
Il était infatigable; sans cesse occupé à retrancher les scandales, à terminer les différends, à apaiser les haines. Il ne se délassait de ses travaux presque continuels, que par le repos de la prière. L'objet principal de son zèle était la réformation du clergé, il engagea le roi à punir sévèrement ceux qui déshonoraient ce saint état par leur mauvaise conduite, et il parvint à lui rendre tout son éclat, au point que les plus illustres maisons d'Angleterre tenaient à honneur d'y voir entrer leurs enfants.
La fermeté de saint Dunstan égalait son activité. Un des plus puissants seigneurs du pays avait épousé sa parente, et ne voulait point s'en séparer, quoi qu'il en eût été averti jusqu'à trois fois. Le saint prélat lui défendit l'entrée de l'église. Ce comte alla se plaindre au roi, et en obtint un ordre adressé à l'archevêque pour lever la censure. Saint Dunstan, surpris qu'un roi si pieux se fût ainsi laissé tromper, exhorta le comte à la pénitence; mais, voyant qu'il s'emportait encore davantage, il répondit avec fermeté : « Quand je vous verrai véritablement pénitent, j'obéirai avec plaisir au roi; mais tant que vous serez obstiné dans votre péché, à Dieu ne plaise qu'aucun homme mortel me fasse violer la loi de Dieu, et rendre les censures méprisables.»
La ville de Canterbury en Angleterre au Moyen-Age
La vigueur du saint ministre toucha enfin le coupable d'un repentir sincère; le comte se soumit, et non seulement il renonça à cette alliance illicite, mais, comme l'on tenait alors un concile de toute la nation, il vint au milieu de l'assemblée nu-pieds, revêtu d'habits grossiers, et tenant des Verges à la main, en signe de soumission. Il se jeta aux pieds de son évêque, qui, mêlant ses larmes à celles du pénitent, leva l’excommunication. La fermeté apostolique de saint Dunstan parut avec plus d`éclat encore quelque temps après. Le roi, tout religieux qu'il était, tomba dans un grand crime.
St-Augustine Abbey a Canterbury au Moyen-Âge
Le saint archevêque alla aussitôt la trouver, et lui représenta avec force l'énormité de son péché. Le roi, touché de ses remontrances, lui demanda avec larmes ce qu'il devait. faire pour en obtenir le pardon. Le saint archevêque imposa une pénitence convenable à ce prince, qui l'accomplit dans toute son étendue.
93 - Rétablissement de la discipline en Allemagne. Année 901.
Dans le même temps, d'illustres et pieux évêques, secondés puissamment par l'empereur Othon, travaillèrent avec le même succès à réformer les abus en Allemagne; mais personne ne le fit plus efficacement que saint Brunon, archevêque de Cologne, frère de ce prince. Brunon avait reçu une éducation convenable à sa naissance.
Othon 1 er le grand – roi du St-Empire germanique (936 à 973 ap J.C)
Dès l'âge de quatre ans, il fut envoyé à Utrecht, où l'évêque Baudrl, très-savant lui-même, avait rassemblé d'excellents maîtres. Il fit de grands progrès dans les sciences, mais il en fit de plus grands encore dans la vertu. Sa piété ne souffrait point de son application à l'étude, il était assidu aux divins offices, et le recueillement qu'il y faisait paraître édifiait tous les assistants.
St-Brunon de Cologne
Les moindres irrévérences dans le service divin allumaient son zèle. Un jour qu’il vit le prince Henri, son frère, s'entretenir pendant la messe avec Conrad, duc de Lorraine, il les menaça de la colère de Dieu. Il suffisait d'aimer la religion pour obtenir ses bonnes grâces, et il appuyait de sa protection toutes les entreprises qui avaient pour objet la gloire de Dieu. Revenu à la cour, il n'y trouva que des encouragements à la piété, elle était alors une école de vertus royales et chrétiennes.
Sainte Mathilde de Ringelheim, impératrice de l`empire Germanique
Sainte Mathilde, mère de l'empereur Othon lui-même et Adélaïde, son épouse, faisaient, par la régularité de leur conduite, des leçons éloquentes de la religion et de piété aux courtisans qui les environnaient. Ainsi, lorsque les scandales se multipliaient, Dieu donna-t-il, à son Église de saints rois, qui la consolèrent dans son affliction. Brunon se disposa au gouvernement épiscopal par celui de quelques monastères, où il signala sa sagesse, et qu'il ramena à une exacte discipline.
Sainte Adelaïde de Bourgogne, reine de Germanie et impératrice du St-Empire. Elle était l`épouse de Othon 1 er.
Ayant été élevé ensuite sur le siège de Cologne, il donna plus d’étendue à son zèle, et il s'appliqua à faire refleurir la piété dans toute l’Allemagne. Son premier soin fut de rétablir dans tout son diocèse la paix et la concorde, et de faire célébrer les saints offices avec la décence convenable. L'empereur, son frère, en partant pour l'Italie, lui confia l'administration de son royaume pendant son absence. Brunon s`acquitta avec fidélité de cette charge et il sut allier les devoirs d`un prince avec ceux d'un évêque. Il ne se servit de son autorité que pour former de bons établissements, pour protéger les faibles, secourir les pauvres, intimider les méchants, et encourager les gens de bien.
Le St-Empire Romain Germanique vers l`an 1000. ( Les Allemagnes)
Il bâtit ou répara un grand nombre d’églises et de monastères. Il annonçait la parole de Dieu, et expliquait les Écritures avec beaucoup d'assiduité; mais sa principale attention était de mettre des évêques savants et vertueux dans les provinces ou le relâchement et les abus s'étaient introduits, persuadé que le moyen le plus puissant pour corriger les vices, et pour rappeler les peuples à leur devoir, ce sont les instructions et surtout les exemples des pasteurs.
94 - Rétablissement de la discipline monastique en France. Année 910
Rien ne contribua plus en France à rétablir la discipline, que la fondation du célèbre monastère de Cluny, qui fut comme une pépinière d'hommes apostoliques. Cette congrégation doit son origine au zèle du vertueux Bernon, qui en fut le premier abbé.
Abbaye de Cluny en France
Bernon, issu d'une des plus nobles familles de Bourgogne, embrassa l’état monastique dans l’abbaye de Saint-Martin d’Autun. Il en fut tiré quelque temps après pour gouverner le monastère de la Beaume en Bourgogne, où il établit la plus exacte régularité. Quelques officiers de Guillaume, duc d’Aquitaine, ayant passé par cette maison édifiante, en firent à leur retour un si grand éloge au duc, qu’il conçut le dessein d'établir sur ce modèle un monastère dans ses terres, et d’en donner le gouvernement au saint abbé.
Guillaume 1 er duc d`Aquitaine – le pieux vers l`an 910
Duché d`Aquitaine vers l`an 900
Il invita donc Bernon à venir le trouver à Cluny, terre qui ‘appartenait au duc, dans le Mâconnais. Bernon s’y rendit avec saint Hugues alors moine de Saint-Germain d’Autun, son ami particulier. Le duc les reçut avec bonté, et leur ayant déclaré la résolution où il était de faire bâtir un monastère dans ses domaines, il leur dit de chercher un lieu propre à ce nouvel établissement. Les deux saints religieux, charmés de la situation de Cluny, où ils étaient, n'en trouveraient pas de plus propre que ce lieu. Le duc leur dit d`abord qu’il ne fallait pas y penser, parce que c’était là qu’il tenait sa meute pour la chasse. « Eh bien! seigneur, reprit agréablement Bernon, chassez-en les chiens, et recevez-y les moines. » Le duc y consentit enfin de bonne grâce, et souhaita que le monastère fût dédié à saint Pierre et à saint Paul.
St-Pierre et St-Paul apôtres
Il fit à l'instant dresser l’acte de fondation, que l'on conserve encore aujourd’hui, où il expose les motifs qui l'ont porté à la faire : « Voulant, dit- il, employer à un saint usage des biens que Dieu m'a donnés, j’ai cru devoir rechercher l’amitié des pauvres de Jésus Christ, et rendre cette bonne œuvre perpétuelle en fondant une communauté. Je donne pour l’amour de Dieu et de Jésus-Christ, notre Sauveur, ma terre de Cluny, pour y bâtir, en l’honneur de saint Pierre et de saint Paul, un monastère qui soit à jamais un refuge pour ceux qui, sortant pauvres du siècle, viendront chercher dans l’état religieux les trésors de la vertu. »
L’intention du pieux fondateur fut remplie : cette communauté fit des biens infinis, et se distingua par sa discipline régulière, et par le mérite extraordinaire des abbés qui la gouvernèrent. Ce fut de cette maison que l`esprit de la vocation religieuse se répandit ensuite dans toute la France. Le saint abbé ne mit d’abord que douze moines à Cluny; mais ils étaient d’une si grande ferveur, que la réputation de leur vertu s’étendit au loin.
Moines de Cluny au Moyen-Âge
On s’empressa bientôt de mettre d’autres monastères sous la conduite du saint abbé; il en gouverna jusqu’à sept en même temps. Cette célèbre maison a donné de grands papes à l’Église, et elle a produit de saints évêques, qui ont renouvelé l’esprit du christianisme dans les différents diocèses de la France.
L’Église, que l'esprit de Dieu n’abandonne jamais, trouve en elle-même, dans les temps de relâchement, un principe de vie qui la renouvelle, et lui fait reprendre sa première vigueur. Saint Oda fut placé par la Providence sur le premier siège de l’Angleterre, pour réparer la discipline dans ce royaume. ( St-Oda était d`origine danoise et né dans l`East Anglia en Angleterre)
St-Oda ( le Sévère) devient archevêque de Canterbury en Angleterre de 941 a 958
Dès qu’il fut archevêque de Cantorbéry, il dressa de sages règlements pour l’instruction du clergé, des grands et du peuple. Il était soutenu par le roi Edmond, qui seconda les vues du saint prélat, et publia des lois propres à rétablir le bon ordre.
Edmund 1, roi d`Angleterre de l`an 939 à 946 soutenait les réformes de St-Oda
Un évêque plein de zèle ne peut manquer de faire beaucoup de bien, quand il trouve de l’appui dans un prince religieux. Aussi, saint Oda réforma-t-il un grand nombre d`abus, et l’ouvrage qu’il avait si heureusement commencé, saint Dunstan, son successeur, l’acheva. Ce saint prélat, animé du même esprit, se voyant obligé, par sa dignité, de veiller sur toutes les églises de l`Angleterre, parcourut les différentes villes de ce royaume, instruisant les Fidèles des règles de la vie chrétienne, les portant à la pratique de toutes les vertus par des exhortations vives et touchantes. Il parlait avec tant d’onction et de force, qu’il semblait qu’on ne pût lui résister.
St-Dunstan, Archevêque de Canterbury de 959 à 988
Il était infatigable; sans cesse occupé à retrancher les scandales, à terminer les différends, à apaiser les haines. Il ne se délassait de ses travaux presque continuels, que par le repos de la prière. L'objet principal de son zèle était la réformation du clergé, il engagea le roi à punir sévèrement ceux qui déshonoraient ce saint état par leur mauvaise conduite, et il parvint à lui rendre tout son éclat, au point que les plus illustres maisons d'Angleterre tenaient à honneur d'y voir entrer leurs enfants.
La fermeté de saint Dunstan égalait son activité. Un des plus puissants seigneurs du pays avait épousé sa parente, et ne voulait point s'en séparer, quoi qu'il en eût été averti jusqu'à trois fois. Le saint prélat lui défendit l'entrée de l'église. Ce comte alla se plaindre au roi, et en obtint un ordre adressé à l'archevêque pour lever la censure. Saint Dunstan, surpris qu'un roi si pieux se fût ainsi laissé tromper, exhorta le comte à la pénitence; mais, voyant qu'il s'emportait encore davantage, il répondit avec fermeté : « Quand je vous verrai véritablement pénitent, j'obéirai avec plaisir au roi; mais tant que vous serez obstiné dans votre péché, à Dieu ne plaise qu'aucun homme mortel me fasse violer la loi de Dieu, et rendre les censures méprisables.»
La ville de Canterbury en Angleterre au Moyen-Age
La vigueur du saint ministre toucha enfin le coupable d'un repentir sincère; le comte se soumit, et non seulement il renonça à cette alliance illicite, mais, comme l'on tenait alors un concile de toute la nation, il vint au milieu de l'assemblée nu-pieds, revêtu d'habits grossiers, et tenant des Verges à la main, en signe de soumission. Il se jeta aux pieds de son évêque, qui, mêlant ses larmes à celles du pénitent, leva l’excommunication. La fermeté apostolique de saint Dunstan parut avec plus d`éclat encore quelque temps après. Le roi, tout religieux qu'il était, tomba dans un grand crime.
St-Augustine Abbey a Canterbury au Moyen-Âge
Le saint archevêque alla aussitôt la trouver, et lui représenta avec force l'énormité de son péché. Le roi, touché de ses remontrances, lui demanda avec larmes ce qu'il devait. faire pour en obtenir le pardon. Le saint archevêque imposa une pénitence convenable à ce prince, qui l'accomplit dans toute son étendue.
93 - Rétablissement de la discipline en Allemagne. Année 901.
Dans le même temps, d'illustres et pieux évêques, secondés puissamment par l'empereur Othon, travaillèrent avec le même succès à réformer les abus en Allemagne; mais personne ne le fit plus efficacement que saint Brunon, archevêque de Cologne, frère de ce prince. Brunon avait reçu une éducation convenable à sa naissance.
Othon 1 er le grand – roi du St-Empire germanique (936 à 973 ap J.C)
Dès l'âge de quatre ans, il fut envoyé à Utrecht, où l'évêque Baudrl, très-savant lui-même, avait rassemblé d'excellents maîtres. Il fit de grands progrès dans les sciences, mais il en fit de plus grands encore dans la vertu. Sa piété ne souffrait point de son application à l'étude, il était assidu aux divins offices, et le recueillement qu'il y faisait paraître édifiait tous les assistants.
St-Brunon de Cologne
Les moindres irrévérences dans le service divin allumaient son zèle. Un jour qu’il vit le prince Henri, son frère, s'entretenir pendant la messe avec Conrad, duc de Lorraine, il les menaça de la colère de Dieu. Il suffisait d'aimer la religion pour obtenir ses bonnes grâces, et il appuyait de sa protection toutes les entreprises qui avaient pour objet la gloire de Dieu. Revenu à la cour, il n'y trouva que des encouragements à la piété, elle était alors une école de vertus royales et chrétiennes.
Sainte Mathilde de Ringelheim, impératrice de l`empire Germanique
Sainte Mathilde, mère de l'empereur Othon lui-même et Adélaïde, son épouse, faisaient, par la régularité de leur conduite, des leçons éloquentes de la religion et de piété aux courtisans qui les environnaient. Ainsi, lorsque les scandales se multipliaient, Dieu donna-t-il, à son Église de saints rois, qui la consolèrent dans son affliction. Brunon se disposa au gouvernement épiscopal par celui de quelques monastères, où il signala sa sagesse, et qu'il ramena à une exacte discipline.
Sainte Adelaïde de Bourgogne, reine de Germanie et impératrice du St-Empire. Elle était l`épouse de Othon 1 er.
Ayant été élevé ensuite sur le siège de Cologne, il donna plus d’étendue à son zèle, et il s'appliqua à faire refleurir la piété dans toute l’Allemagne. Son premier soin fut de rétablir dans tout son diocèse la paix et la concorde, et de faire célébrer les saints offices avec la décence convenable. L'empereur, son frère, en partant pour l'Italie, lui confia l'administration de son royaume pendant son absence. Brunon s`acquitta avec fidélité de cette charge et il sut allier les devoirs d`un prince avec ceux d'un évêque. Il ne se servit de son autorité que pour former de bons établissements, pour protéger les faibles, secourir les pauvres, intimider les méchants, et encourager les gens de bien.
Le St-Empire Romain Germanique vers l`an 1000. ( Les Allemagnes)
Il bâtit ou répara un grand nombre d’églises et de monastères. Il annonçait la parole de Dieu, et expliquait les Écritures avec beaucoup d'assiduité; mais sa principale attention était de mettre des évêques savants et vertueux dans les provinces ou le relâchement et les abus s'étaient introduits, persuadé que le moyen le plus puissant pour corriger les vices, et pour rappeler les peuples à leur devoir, ce sont les instructions et surtout les exemples des pasteurs.
94 - Rétablissement de la discipline monastique en France. Année 910
Rien ne contribua plus en France à rétablir la discipline, que la fondation du célèbre monastère de Cluny, qui fut comme une pépinière d'hommes apostoliques. Cette congrégation doit son origine au zèle du vertueux Bernon, qui en fut le premier abbé.
Abbaye de Cluny en France
Bernon, issu d'une des plus nobles familles de Bourgogne, embrassa l’état monastique dans l’abbaye de Saint-Martin d’Autun. Il en fut tiré quelque temps après pour gouverner le monastère de la Beaume en Bourgogne, où il établit la plus exacte régularité. Quelques officiers de Guillaume, duc d’Aquitaine, ayant passé par cette maison édifiante, en firent à leur retour un si grand éloge au duc, qu’il conçut le dessein d'établir sur ce modèle un monastère dans ses terres, et d’en donner le gouvernement au saint abbé.
Guillaume 1 er duc d`Aquitaine – le pieux vers l`an 910
Duché d`Aquitaine vers l`an 900
Il invita donc Bernon à venir le trouver à Cluny, terre qui ‘appartenait au duc, dans le Mâconnais. Bernon s’y rendit avec saint Hugues alors moine de Saint-Germain d’Autun, son ami particulier. Le duc les reçut avec bonté, et leur ayant déclaré la résolution où il était de faire bâtir un monastère dans ses domaines, il leur dit de chercher un lieu propre à ce nouvel établissement. Les deux saints religieux, charmés de la situation de Cluny, où ils étaient, n'en trouveraient pas de plus propre que ce lieu. Le duc leur dit d`abord qu’il ne fallait pas y penser, parce que c’était là qu’il tenait sa meute pour la chasse. « Eh bien! seigneur, reprit agréablement Bernon, chassez-en les chiens, et recevez-y les moines. » Le duc y consentit enfin de bonne grâce, et souhaita que le monastère fût dédié à saint Pierre et à saint Paul.
St-Pierre et St-Paul apôtres
Il fit à l'instant dresser l’acte de fondation, que l'on conserve encore aujourd’hui, où il expose les motifs qui l'ont porté à la faire : « Voulant, dit- il, employer à un saint usage des biens que Dieu m'a donnés, j’ai cru devoir rechercher l’amitié des pauvres de Jésus Christ, et rendre cette bonne œuvre perpétuelle en fondant une communauté. Je donne pour l’amour de Dieu et de Jésus-Christ, notre Sauveur, ma terre de Cluny, pour y bâtir, en l’honneur de saint Pierre et de saint Paul, un monastère qui soit à jamais un refuge pour ceux qui, sortant pauvres du siècle, viendront chercher dans l’état religieux les trésors de la vertu. »
L’intention du pieux fondateur fut remplie : cette communauté fit des biens infinis, et se distingua par sa discipline régulière, et par le mérite extraordinaire des abbés qui la gouvernèrent. Ce fut de cette maison que l`esprit de la vocation religieuse se répandit ensuite dans toute la France. Le saint abbé ne mit d’abord que douze moines à Cluny; mais ils étaient d’une si grande ferveur, que la réputation de leur vertu s’étendit au loin.
Moines de Cluny au Moyen-Âge
On s’empressa bientôt de mettre d’autres monastères sous la conduite du saint abbé; il en gouverna jusqu’à sept en même temps. Cette célèbre maison a donné de grands papes à l’Église, et elle a produit de saints évêques, qui ont renouvelé l’esprit du christianisme dans les différents diocèses de la France.
Dernière édition par MichelT le Mar 27 Aoû 2019 - 16:58, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
95 - La réforme est continuée par les successeurs de saint Bernon.
Saint 0don, qui succéda au bienheureux fondateur, acheva l’établissement de la nouvelle congrégation, et y donna la dernière forme, Odon était né au pays du Maine, d’une famille noble. Il fit ses études à Paris, où, malgré le malheur des temps, la doctrine s’était perpétuée par une succession continue d’excellents maîtres.
Saint Odon de Cluny
Le désir de se consacrer à Dieu, lui fit prendre la résolution d’aller à Rome, dans l’espérance d’y trouver quelque communauté fervente où il pût s’avancer dans la vertu. Il passa par la Bourgogne, et il fut frappé de la piété qu’il vit régner à Cluny.
Ayant trouvé en France ce qu’il allait chercher en Italie, il s’arrêta dans cette maison, et demanda à être admis au nombre des religieux. On ne fut pas longtemps à découvrir les grandes qualités du nouveau profès, et on lui confia le soin de la jeunesse qu’on élevait dans le monastère. La manière dont il s’acquitta de, cet emploi important, les talents et les vertus qu’on admirait en lui, firent naître le désir de l'avoir pour abbé.
Pierre le vénérable – abbé de Cluny
Odon résista longtemps, et il ne se rendit qu'à l’ordre exprès des évêques, qui furent même obligés d’employer la menace de l'excommunication pour vaincre sa résistance. Il céda enfin, et reçut la bénédiction abbatiale. Sous son gouvernement, le monastère de Cluny se distingue par l’observation exacte de la règle, par l’émulation de vertu entre les religieux, par l’étude de la religion, et par la charité que l’on y exerçait envers les pauvres.
St-Maïeul de Cluny
Cette régularité édifiante attira à Cluny un grand nombre de sujets distingués par leur naissance et leur dignité. Non-seulement des Laïques de la première qualité y venaient pour pratiquer la pénitence, mais des évêques même quittaient leurs Églises pour y embrasser la vie monastique. Les comtes et les ducs s'empressaient de soumettre les monastères de leur dépendance à celui de Cluny, afin que le saint abbé y mit la réforme; car bientôt Odon ne se borna plus à sa communauté; il travailla avec un zèle infatigable au rétablissement de la discipline dans toute la France, et même dans l'Italie, où il fut appelé par les souverains pontifes.
St-Odilon de Cluny
Il en coûta au saint abbé des travaux immenses, mais le succès le consola, et l'on ne vit jamais mieux ce que le zèle d'un seul homme peut procurer de gloire à Dieu, quand il est soutenu par la sainteté et conduit par la prudence. Les successeurs du saint abbé héritèrent de ses vertus et de son zèle : Maïeul, Odilon, Pierre-le-Vénérable, Hugues, édifièrent l'Église entière par l'éclat de leur sainteté, et mirent la dernière main au grand ouvrage de la réformation. Par leurs soins et par leurs exemples, on vit renaître la ferveur religieuse dans tous les monastères. Le bien qu'ils firent par eux-mêmes, inspira à d'autres le désir de les imiter, saint Gérard rétablit la discipline régulière dans la Belgique, et Adalbéron, évêque de Metz, eut le même succès dans la Lorraine.
St-Hughes de Cluny
96 - Réforme du clergé.
Le Pape Léon IX s'appliqua avec zèle à réparer les brèches qui avaient été faites à la discipline ecclésiastique. Il attaqua surtout deux vices, la simonie et l’incontinence, qui affligeaient alors l’Église.
Le pape Léon IX - le pape alsacien (1002 à 1054)
Il fit à ce sujet plusieurs voyages en France et en Allemagne, sans être arrêté ni par les obstacles, ni par les dangers. Il assembla des conciles, et fit dresser de sages règlements pour extirper ces vices. Tous ceux qui se trouvèrent coupables furent déposés; et, quand ils ne se soumettaient point à ce jugement, ils étaient frappés d'excommunication. Les successeurs de ce saint pape marchèrent sur ses traces, et n'eurent pas moins de fermeté pour réformer les mœurs du clergé. Leur zèle fut merveilleusement secondé par un saint personnage, que la Providence semble avoir suscité, dans ces temps malheureux, pour s’opposer aux désordres. Saint Pierre Damien, qui rendit à l’Église ce service important, était né à Ravenne en Italie.
St-Pierre Damien
Abandonné de ses parents, il fut élevé par une femme charitable, qui lui tint lieu de mère. Dieu, qui le destinait à de grandes choses, lui fit trouver dans la suite des moyens de s‘instruire. Il s'avança également dans les sciences et dans la vertu: il joignait à l’étude de grandes mortifications; il jeûnait, il veillait et priait beaucoup. Enfin il renonça entièrement au monde, et embrassa la vie religieuse dans le monastère de Fontavelle en Ombrie, où les solitaires demeuraient dans des cellules séparées, uniquement occupés de la prière et de la lecture. Ils vivaient de pain et d’eau quatre jours la semaine, et mangeaient seulement un peu de légumes le mardi et le jeudi.
Pierre fut pour tous les solitaires une règle vivante, par sa ferveur dans tous les exercices de la pénitence, et un modèle parfait de toutes les vertus. Les papes, voyant de quelle utilité pouvaient être à l’Église les dons de piété et de science que Dieu avait mis en lui, l‘élevèrent aux premières dignités ecclésiastiques : il fut fait cardinal et évêque d'Ostie. Alors il travailla avec un zèle infatigable et avec une sainte liberté, à combattre le relâchement, et à remettre en vigueur les saintes lois de l'Église. Ayant été employé à diverses légations, il n'oublia rien pour réprimer les scandales, pour corriger les abus, et pour rétablir partout une discipline exacte. La réforme des communautés ecclésiastiques, qui se lit dans un concile tenu à Rome par Alexandre II, en 1065, fut un des fruits de son zèle. Dès le quatrième siècle, il s'était formé des communautés de clercs qui ne possédaient rien en propre, et qui vivaient ensemble, sous l'autorité de l'évêque.
Au milieu des villes, ils pratiquaient, autant que leurs fonctions pouvaient le permettre, le détachement, la retraite et les austérités des solitaires. Cette institution mérita les éloges de saint Ambroise, qui en parle en ces termes :« C'est une milice toute céleste et angélique, occupée jour et nuit à chanter les louanges de Dieu, sans négliger les peuples confiés à ses soins. Ils ont toujours l'esprit appliqué à la lecture et au travail. Y a t il rien de plus admirable que cette vie, où la peine et l'austérité du jeûne est compensée par la paix de l'âme, soutenue par l'exemple, adoucie par l'habitude, et charmée par de saintes occupations? Cette vie n'est ni troublée par les soins temporels, ni distraite par les embarras du siècle, ni traversée par les visites des gens oisifs, ni relâchée et attiédie par le commerce des gens du monde. »
St-Ambroise de Milan – Docteur de l`Église ( 340 a 397 ap J.C.)
Saint Augustin n'en faisait pas moins d'estime, comme l'on voit par les deux discours qu'il composa sur l'excellence de la vie commune, et qui ont servi de fondements à la règle des chanoines. Cette discipline s'affaiblit peu à peu, et elle avait presque été anéantie par les incursions des Barbares, qui ruinèrent les églises, dans le dixième siècle. Elle fut ramenée à sa première perfection du temps de saint Pierre Damien, et ceux qui la suivirent furent appelés chanoines réguliers.
97 - Conversion des Normands. (Vikings installés en France) Année 912
Rien ne fait plus d’honneur à l’Église, et ne rend plus sensible la protection toute-puissante de son divin Chef, que la conversion des peuples barbares; on est édifié, on est affermi dans la Foi, en voyant que dans un siècle où, déshonorée par tant de désordres, elle paraissait s’affaiblir, elle a fait néanmoins de nouvelles conquêtes, et soumis à son obéissance les nations féroces qui l’avaient désolée.
Le siège de la ville de Paris par les Vikings en l`an 845
Les Normands ( Vikings de Norvège et du Danemark) ravageaient la France depuis soixante-dix ans, lorsqu’il plut à Dieu d’arrêter ce torrent de maux. Le temps marqué par la Providence pour la conversion de ce peuple était arrivé, et rien ne paraissait encore préparer ce grand événement. Rollon, le plus brave de ses chefs, semblait plus acharné que jamais à la guerre.
Rollon (Hrolfr en langue des Vikings) – Ce chef de guerre viking devient duc de Normandie après son installation définitive avec ses hommes en France et sa conversion à la foi chrétienne.
Le roi Charles-le-Simple prit le parti de traiter avec lui, il lui offrit la province de Neustrie, et sa fille en mariage, s’il voulait se faire instruire et recevoir le baptême. La condition fut acceptée et le traité conclu. L’archevêque de Rouen instruisit le prince des mystères de la Foi, et le baptisa au commencement de l’année 912. Cette conversion, à laquelle la politique parut avoir part, fut néanmoins très-sincère. L’offre qui fut faite à Rollon, n’était qu’une occasion ménagée par la Providence pour ramener ce prince et son peuple à la Foi. Le nouveau duc, aussitôt après son baptême, demanda à l’archevêque quelles étaient les églises les- plus révérées de sa province.
Charles-le-Simple, roi des Francs (879 a 929 ap J.C.)
Le prélat lui nomma les églises de Notre-Dame de Rouen, de Bayeux et d’Évreux, celles du Mont Saint-Michel, de Saint-Pierre de Rouen et de Jumiège. « Dans notre voisinage, ajouta le duc, quel est le saint le plus puissant auprès de Dieu?»
Notre-Dame de Rouen
— C'est , répondit l'archevêque, c’est saint Denis, apôtre de France. —— Eh bien dit le duc, avant de partager mes terres aux seigneurs de mon armée, je veux en donner une partie à Dieu, à la sainte Vierge et aux Saints que Vous m’avez nommés, afin de mériter leur protection. En effet, pendant les sept jours qui suivirent son baptême, et durant lesquels il porta l’habit blanc, selon la coutume, il donna chaque jour une terre à quelqu’une des églises qui lui avaient été indiquées. Il partagea ensuite les terres de son duché à ses vassaux. «Il avait en soin de faire instruire dans la Foi ses officiers et ses sujets; ils reçurent presque tous le baptême. La grâce perfectionna ce qu’il avait eu d’ humain dans le principe. On vit un changement subit dans les mœurs de ce peuple.»
Territoire concédé à Rollon en l`an 911 et annexion par Guillaume Longue-Épée, le fils de Rollon.
La Normandie scandinave: Implantation des Vikings norvégiens et danois et leur densités par régions de Normandie vers l`an 911.
Il n’y avait que la Foi en Jésus-Christ qui pût soumettre et policer une nation aussi belliqueuse et aussi féroce que l’étaient les Normands. Le duc Rollon parut, après sa conversion, aussi aimable et aussi religieux qu’il avait paru jusqu'alors terrible. On ne l’avait cru que grand capitaine; il fit voir qu’il était un sage, législateur, et qu'il savait aussi-bien se faire obéir de ses sujets par ses ordonnances, qu’il avait su se faire craindre des étrangers par ses armes. Il s’appliqua d'abord à établir des lois pour régler son nouvel état; et comme les Normands ( Vikings) avaient été jusqu'alors accoutumés au pillage, il en publia de très-sévères contre le vol. Elles furent si exactement observées, qu'on n’osait même ramasser ce qu'on trouvait sur le chemin.
En voici un trait remarquable : Le duc avait un jour suspendu un de ses bracelets aux branches d’un chêne, sous lequel il s’était reposé dans une partie de chasse, et l'avait ensuite oublié ce bracelet y demeura trois ans, sans que personne osât l’enlever, tant on était persuadé que rien ne pouvait échapper aux recherches et à la sévérité de Rollon. Son nom seul inspirait tant de terreur, qu’il suffisait de le réclamer quand on souffrait quelque violence, pour obliger tous ceux qui l’entendaient de poursuivre le malfaiteur.
98 - Conversion des Hongrois. Année 1002.
Les Hongrois, peuple féroce, venu de la Scythie, désolèrent l’Allemagne, et pénétrèrent jusque dans la Lorraine. Ils laissèrent partout des traces de la plus horrible cruauté. Ils brûlaient les églises, massacraient les prêtres aux pieds des autels, et emmenaient en captivité une infinité de Chrétiens, sans distinction d’âge, de sexe ou de condition.
Les Hongrois étaient des tribus barbares venant de Scythie au nord de la mer noire et du Caucase ( Russie actuelle).
Ils se déplacèrent vers le centre de l`Europe, ravageant l`Allemagne et une partie de la Lorraine.
Cependant la Religion chrétienne fut assez puissante pour adoucir ces monstres, et pour leur inspirer des sentiments d’humanité et de vertu. Dieu, qui voulait les convertir, toucha le cœur d’un de leurs rois, et lui donna des dispositions favorables pour les Chrétiens. Comme il y en avait dans le voisinage de la Hongrie, ce roi leur permit, par un édit public, d’entrer dans ses états, et il voulut qu’on exerçât à leur égard le devoir de l’hospitalité.
Les Scythes, un peuple des steppes de Russie.
Cette première démarche le mit à portée de connaître la sainteté de la Religion chrétienne, et le conduisit enfin à une entière conversion. Il reçut le baptême avec toute sa famille. Ayant eu un fils, il le fit baptiser par saint Adalbert, évêque de Prague, qui le nomma Etienne. Ce jeune prince, qui fut élevé avec soin, donna, dès son enfance, des marques extraordinaires de piété, et devint dans la suite l'apôtre de ses sujets. Aussitôt qu'il fut monté sur le trône, il s'occupa des moyens de procurer la conversion de son peuple, et d'établir le christianisme dans ses états.
St-Adalbert, Évêque de Prague et martyr
Il éprouva de l'opposition à ce dessein de la part de quelques sujets rebelles, que leur attachement à l'idolâtrie engagea à prendre les armes; mais le roi, plein de confiance dans le secours de Dieu, marcha contre eux portant dans ses drapeaux l'image de saint Martin, pour qui la Hongrie a toujours eu une vénération particulière, parce que c'est la patrie de ce saint évêque. Ayant vaincu les rebelles, il consacra à Dieu leurs terres, et il fonda un monastère en l'honneur de saint Martin.
St-Martin de Tours, légionnaire romain et ensuite Évêque est vénéré en Hongrie. Il était natif des provinces romaines de Hongrie.
St-Étienne, premier roi chrétien de Hongrie
Dès qu'il vit la tranquillité rétablie dans ses états, il employa tous les moyens qui pouvaient favoriser les progrès de l'Évangile; et pour les rendre efficaces, il répandait d'abondantes aumônes, il priait avec une grande ferveur: on le voyait souvent dans l'église, prosterné sur le pavé, offrir à Dieu ses gémissements et ses larmes. Il envoyait de tous côtés chercher des ouvriers évangéliques; et Dieu inspirait à de vertueux prêtres la résolution de quitter leur pays, pour seconder le zèle d'un prince si religieux. Il se fit des conversions sans nombre, et le pieux roi eut la consolation de bannir entièrement l'idolâtrie de toute l'étendue de ses états.
L`Europe vers l`an 1000 avec la Hongrie a l`est du St-Empire romain germanique
Alors, pour donner de la consistance et une forme convenable à l'Église de Hongrie, on la divisa en dix évêchés, dont la métropole fut Strigonie ( Etzergom en hongrois) sur le Danube; on y mit pour archevêque un saint religieux, qui se nommait Sébastien. Le roi envoya à Rome un évêque demander la confirmation de cet établissement; le député ne manqua pas de raconter au Pape tout ce que le prince faisait pour le bien de la Religion. Le souverain pontife en fut comblé de joie, et il accorda tout ce qu’on lui demandait. Il envoya au roi une couronne, et de plus une croix, pour être portée devant lui comme un signe de son apostolat, de là vient le titre d’apostolique, que prennent les rois de Hongrie.
La région de Strigonie sur le Danube en Hongrie
Au retour du député, Etienne fut couronné solennellement avec son épouse, princesse d'une éminente piété, qui concourait de tout son pouvoir aux bonnes œuvres du saint roi. Etienne avait une dévotion particulière pour la mère de Dieu, et il mit sous sa protection sa personne et son royaume; exemple qui a été imité par un de nos rois. La ferveur de ce religieux prince ne fit que croître, à mesure qu’il s’avançait vers le terme de sa vie, sentant la mort approcher, il appela les évêques et les seigneurs, pour leur recommander, avant tout, de maintenir la Religion chrétienne dans la Hongrie.
St-Elizabeth de Hongrie
99 – Hérésie de Bérenger. Année 1050.
L’Église n’est point ici-bas dans le lieu de son repos; elle y est presque toujours agitée où par l’hérésie, ou par le schisme, ou par les scandales. Pendant le cours du onzième siècle, elle fut mise à ces différentes épreuves. Bérenger archidiacre d’Angers, voulant se distinguer et acquérir de la célébrité, osa attaquer le mystère de l`Eucharistie, et enseigner que le corps et le sang de Jésus-Christ n’y sont pas contenus réellement, mais en figure. Il s’éleva aussitôt une réclamation générale contre cette doctrine qui était contraire à la croyance constante de toute l'Église; les docteurs catholiques réfutèrent avec zèle cette nouveauté impie; on écrivit de toutes parts pour défendre la Vérité.
Béranger, archidiacre d`Angers
Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, et Adelman, évêque de Bresse, adressèrent des lettres au novateur, pour essayer de le ramener à de meilleurs sentiments. « Je vous conjure, lui disait Adelman, de ne point troubler la paix de l’Église catholique, pour laquelle tant de milliers de Martyrs et tant de saints docteurs ont combattu. Nous croyons que le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ sont dans l`Eucharistie. Telle est la Foi qu'a tenue dès les premiers temps, et que tient encore l’Église, qui est répandue par toute la terre, et qui porte le nom de catholique. Tous ceux qui se disent chrétiens, se glorifient de recevoir en ce sacrement, la vraie chair et le vrai sang de Jésus-Christ; interrogez donc tous ceux qui ont connaissance de nos livres saints, interrogez les Grecs, les Arméniens, interrogez les Chrétiens, de quelque nation qu’ils soient; tous confessent que c'est là leur croyance. »
Lanfranc, archevêque de Canterbury en Angleterre de 1070 a 1089
Il établit ensuite la vérité de ce dogme Catholique sur les paroles de l’Écrit; et comme Bérenger répondait qu’il ne pouvait comprendre comment le pain devient le corps de
Jésus-Christ, Adelman ajoutait: « Le juste, qui vit de la Foi, n’examine point après la parole de Dieu, et ne cherche point à concevoir par la raison ce qui est au-dessus la raison: il aime mieux croire les mystères célestes pour recevoir un jour la récompense de sa Foi, que de s’efforcer inutilement de comprendre ce qui est incompréhensible. Il est aussi facile à Jésus-Christ de changer le pain en son corps, que de changer l'eau en vin, que de créer la lumière par sa Parole.»
Pour fermer la bouche à ce novateur, on tint d’abord à Paris un concile, où furent lues les lettres qu’il avait écrites à ce sujet. .On ne put entendre sans horreur la doctrine qui y était contenue. Le concile témoigna son indignation contre l'auteur, et le condamna tout d’une voix. Le pape Nicolas II assembla un autre concile à Rome. Bérenger, y comparut, n’osa y soutenir son erreur, il promit de souscrire la profession de foi qui serait dressée par le concile. Elle était conçue en ces termes :« J’anathématise toutes les hérésies, nommément celle dont j’ai été accusé. Je proteste de cœur et de bouche, que je tiens, touchant l’Eucharistie, la Foi que le pape et le concile m’ont prescrite selon l’autorité des Évangiles et de l’Apôtre, savoir que le pain et le vin, que l‘on offre sur l‘autel, sont, après la consécration, le Vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ. »
Bérenger confirma par serment cette profession de Foi, et jeta lui-même au feu les livres qui contenaient ses erreurs. Quelque temps après, on s’aperçut qu’il variait, et qu’il
soutenait que la substance du pain n’était pas changée en celle du corps de Jésus-Christ, mais que le pain restait uni au corps de notre Seigneur. C`était le dernier retranchement de cet hérésiarque mais l’Église qui suit toujours les hérétiques pas à pas, pour en condamner toutes les erreurs à mesure qu’elles se manifestent, après avoir si bien établi la Présence réelle dans la première profession de Foi, en proposa une seconde, où le changement de substance était plus distinctement exprimé. Bérenger le souscrivit encore, et confesse que le pain et le vin qu’on met sur l’autel, sont par la vertu toute-puissante des paroles de Jésus-Christ, changés substantiellement en la vraie et propre chair de notre Seigneur et en son vrai sang, en sorte que le corps qu’on y reçoit, est le même qui est né de la vierge Marie, qui a été attaché à Croix et qui est assis à la droite du Père. Ainsi, Bérenger se condamne une seconde fois. Cette hérésie anathématisée par l’auteur même, fut anéantie pour lors, et ne reparut que plusieurs siècles après, lorsque les protestants la renouvelèrent.
Saint 0don, qui succéda au bienheureux fondateur, acheva l’établissement de la nouvelle congrégation, et y donna la dernière forme, Odon était né au pays du Maine, d’une famille noble. Il fit ses études à Paris, où, malgré le malheur des temps, la doctrine s’était perpétuée par une succession continue d’excellents maîtres.
Saint Odon de Cluny
Le désir de se consacrer à Dieu, lui fit prendre la résolution d’aller à Rome, dans l’espérance d’y trouver quelque communauté fervente où il pût s’avancer dans la vertu. Il passa par la Bourgogne, et il fut frappé de la piété qu’il vit régner à Cluny.
Ayant trouvé en France ce qu’il allait chercher en Italie, il s’arrêta dans cette maison, et demanda à être admis au nombre des religieux. On ne fut pas longtemps à découvrir les grandes qualités du nouveau profès, et on lui confia le soin de la jeunesse qu’on élevait dans le monastère. La manière dont il s’acquitta de, cet emploi important, les talents et les vertus qu’on admirait en lui, firent naître le désir de l'avoir pour abbé.
Pierre le vénérable – abbé de Cluny
Odon résista longtemps, et il ne se rendit qu'à l’ordre exprès des évêques, qui furent même obligés d’employer la menace de l'excommunication pour vaincre sa résistance. Il céda enfin, et reçut la bénédiction abbatiale. Sous son gouvernement, le monastère de Cluny se distingue par l’observation exacte de la règle, par l’émulation de vertu entre les religieux, par l’étude de la religion, et par la charité que l’on y exerçait envers les pauvres.
St-Maïeul de Cluny
Cette régularité édifiante attira à Cluny un grand nombre de sujets distingués par leur naissance et leur dignité. Non-seulement des Laïques de la première qualité y venaient pour pratiquer la pénitence, mais des évêques même quittaient leurs Églises pour y embrasser la vie monastique. Les comtes et les ducs s'empressaient de soumettre les monastères de leur dépendance à celui de Cluny, afin que le saint abbé y mit la réforme; car bientôt Odon ne se borna plus à sa communauté; il travailla avec un zèle infatigable au rétablissement de la discipline dans toute la France, et même dans l'Italie, où il fut appelé par les souverains pontifes.
St-Odilon de Cluny
Il en coûta au saint abbé des travaux immenses, mais le succès le consola, et l'on ne vit jamais mieux ce que le zèle d'un seul homme peut procurer de gloire à Dieu, quand il est soutenu par la sainteté et conduit par la prudence. Les successeurs du saint abbé héritèrent de ses vertus et de son zèle : Maïeul, Odilon, Pierre-le-Vénérable, Hugues, édifièrent l'Église entière par l'éclat de leur sainteté, et mirent la dernière main au grand ouvrage de la réformation. Par leurs soins et par leurs exemples, on vit renaître la ferveur religieuse dans tous les monastères. Le bien qu'ils firent par eux-mêmes, inspira à d'autres le désir de les imiter, saint Gérard rétablit la discipline régulière dans la Belgique, et Adalbéron, évêque de Metz, eut le même succès dans la Lorraine.
St-Hughes de Cluny
96 - Réforme du clergé.
Le Pape Léon IX s'appliqua avec zèle à réparer les brèches qui avaient été faites à la discipline ecclésiastique. Il attaqua surtout deux vices, la simonie et l’incontinence, qui affligeaient alors l’Église.
Le pape Léon IX - le pape alsacien (1002 à 1054)
Il fit à ce sujet plusieurs voyages en France et en Allemagne, sans être arrêté ni par les obstacles, ni par les dangers. Il assembla des conciles, et fit dresser de sages règlements pour extirper ces vices. Tous ceux qui se trouvèrent coupables furent déposés; et, quand ils ne se soumettaient point à ce jugement, ils étaient frappés d'excommunication. Les successeurs de ce saint pape marchèrent sur ses traces, et n'eurent pas moins de fermeté pour réformer les mœurs du clergé. Leur zèle fut merveilleusement secondé par un saint personnage, que la Providence semble avoir suscité, dans ces temps malheureux, pour s’opposer aux désordres. Saint Pierre Damien, qui rendit à l’Église ce service important, était né à Ravenne en Italie.
St-Pierre Damien
Abandonné de ses parents, il fut élevé par une femme charitable, qui lui tint lieu de mère. Dieu, qui le destinait à de grandes choses, lui fit trouver dans la suite des moyens de s‘instruire. Il s'avança également dans les sciences et dans la vertu: il joignait à l’étude de grandes mortifications; il jeûnait, il veillait et priait beaucoup. Enfin il renonça entièrement au monde, et embrassa la vie religieuse dans le monastère de Fontavelle en Ombrie, où les solitaires demeuraient dans des cellules séparées, uniquement occupés de la prière et de la lecture. Ils vivaient de pain et d’eau quatre jours la semaine, et mangeaient seulement un peu de légumes le mardi et le jeudi.
Pierre fut pour tous les solitaires une règle vivante, par sa ferveur dans tous les exercices de la pénitence, et un modèle parfait de toutes les vertus. Les papes, voyant de quelle utilité pouvaient être à l’Église les dons de piété et de science que Dieu avait mis en lui, l‘élevèrent aux premières dignités ecclésiastiques : il fut fait cardinal et évêque d'Ostie. Alors il travailla avec un zèle infatigable et avec une sainte liberté, à combattre le relâchement, et à remettre en vigueur les saintes lois de l'Église. Ayant été employé à diverses légations, il n'oublia rien pour réprimer les scandales, pour corriger les abus, et pour rétablir partout une discipline exacte. La réforme des communautés ecclésiastiques, qui se lit dans un concile tenu à Rome par Alexandre II, en 1065, fut un des fruits de son zèle. Dès le quatrième siècle, il s'était formé des communautés de clercs qui ne possédaient rien en propre, et qui vivaient ensemble, sous l'autorité de l'évêque.
Au milieu des villes, ils pratiquaient, autant que leurs fonctions pouvaient le permettre, le détachement, la retraite et les austérités des solitaires. Cette institution mérita les éloges de saint Ambroise, qui en parle en ces termes :« C'est une milice toute céleste et angélique, occupée jour et nuit à chanter les louanges de Dieu, sans négliger les peuples confiés à ses soins. Ils ont toujours l'esprit appliqué à la lecture et au travail. Y a t il rien de plus admirable que cette vie, où la peine et l'austérité du jeûne est compensée par la paix de l'âme, soutenue par l'exemple, adoucie par l'habitude, et charmée par de saintes occupations? Cette vie n'est ni troublée par les soins temporels, ni distraite par les embarras du siècle, ni traversée par les visites des gens oisifs, ni relâchée et attiédie par le commerce des gens du monde. »
St-Ambroise de Milan – Docteur de l`Église ( 340 a 397 ap J.C.)
Saint Augustin n'en faisait pas moins d'estime, comme l'on voit par les deux discours qu'il composa sur l'excellence de la vie commune, et qui ont servi de fondements à la règle des chanoines. Cette discipline s'affaiblit peu à peu, et elle avait presque été anéantie par les incursions des Barbares, qui ruinèrent les églises, dans le dixième siècle. Elle fut ramenée à sa première perfection du temps de saint Pierre Damien, et ceux qui la suivirent furent appelés chanoines réguliers.
97 - Conversion des Normands. (Vikings installés en France) Année 912
Rien ne fait plus d’honneur à l’Église, et ne rend plus sensible la protection toute-puissante de son divin Chef, que la conversion des peuples barbares; on est édifié, on est affermi dans la Foi, en voyant que dans un siècle où, déshonorée par tant de désordres, elle paraissait s’affaiblir, elle a fait néanmoins de nouvelles conquêtes, et soumis à son obéissance les nations féroces qui l’avaient désolée.
Le siège de la ville de Paris par les Vikings en l`an 845
Les Normands ( Vikings de Norvège et du Danemark) ravageaient la France depuis soixante-dix ans, lorsqu’il plut à Dieu d’arrêter ce torrent de maux. Le temps marqué par la Providence pour la conversion de ce peuple était arrivé, et rien ne paraissait encore préparer ce grand événement. Rollon, le plus brave de ses chefs, semblait plus acharné que jamais à la guerre.
Rollon (Hrolfr en langue des Vikings) – Ce chef de guerre viking devient duc de Normandie après son installation définitive avec ses hommes en France et sa conversion à la foi chrétienne.
Le roi Charles-le-Simple prit le parti de traiter avec lui, il lui offrit la province de Neustrie, et sa fille en mariage, s’il voulait se faire instruire et recevoir le baptême. La condition fut acceptée et le traité conclu. L’archevêque de Rouen instruisit le prince des mystères de la Foi, et le baptisa au commencement de l’année 912. Cette conversion, à laquelle la politique parut avoir part, fut néanmoins très-sincère. L’offre qui fut faite à Rollon, n’était qu’une occasion ménagée par la Providence pour ramener ce prince et son peuple à la Foi. Le nouveau duc, aussitôt après son baptême, demanda à l’archevêque quelles étaient les églises les- plus révérées de sa province.
Charles-le-Simple, roi des Francs (879 a 929 ap J.C.)
Le prélat lui nomma les églises de Notre-Dame de Rouen, de Bayeux et d’Évreux, celles du Mont Saint-Michel, de Saint-Pierre de Rouen et de Jumiège. « Dans notre voisinage, ajouta le duc, quel est le saint le plus puissant auprès de Dieu?»
Notre-Dame de Rouen
— C'est , répondit l'archevêque, c’est saint Denis, apôtre de France. —— Eh bien dit le duc, avant de partager mes terres aux seigneurs de mon armée, je veux en donner une partie à Dieu, à la sainte Vierge et aux Saints que Vous m’avez nommés, afin de mériter leur protection. En effet, pendant les sept jours qui suivirent son baptême, et durant lesquels il porta l’habit blanc, selon la coutume, il donna chaque jour une terre à quelqu’une des églises qui lui avaient été indiquées. Il partagea ensuite les terres de son duché à ses vassaux. «Il avait en soin de faire instruire dans la Foi ses officiers et ses sujets; ils reçurent presque tous le baptême. La grâce perfectionna ce qu’il avait eu d’ humain dans le principe. On vit un changement subit dans les mœurs de ce peuple.»
Territoire concédé à Rollon en l`an 911 et annexion par Guillaume Longue-Épée, le fils de Rollon.
La Normandie scandinave: Implantation des Vikings norvégiens et danois et leur densités par régions de Normandie vers l`an 911.
Il n’y avait que la Foi en Jésus-Christ qui pût soumettre et policer une nation aussi belliqueuse et aussi féroce que l’étaient les Normands. Le duc Rollon parut, après sa conversion, aussi aimable et aussi religieux qu’il avait paru jusqu'alors terrible. On ne l’avait cru que grand capitaine; il fit voir qu’il était un sage, législateur, et qu'il savait aussi-bien se faire obéir de ses sujets par ses ordonnances, qu’il avait su se faire craindre des étrangers par ses armes. Il s’appliqua d'abord à établir des lois pour régler son nouvel état; et comme les Normands ( Vikings) avaient été jusqu'alors accoutumés au pillage, il en publia de très-sévères contre le vol. Elles furent si exactement observées, qu'on n’osait même ramasser ce qu'on trouvait sur le chemin.
En voici un trait remarquable : Le duc avait un jour suspendu un de ses bracelets aux branches d’un chêne, sous lequel il s’était reposé dans une partie de chasse, et l'avait ensuite oublié ce bracelet y demeura trois ans, sans que personne osât l’enlever, tant on était persuadé que rien ne pouvait échapper aux recherches et à la sévérité de Rollon. Son nom seul inspirait tant de terreur, qu’il suffisait de le réclamer quand on souffrait quelque violence, pour obliger tous ceux qui l’entendaient de poursuivre le malfaiteur.
98 - Conversion des Hongrois. Année 1002.
Les Hongrois, peuple féroce, venu de la Scythie, désolèrent l’Allemagne, et pénétrèrent jusque dans la Lorraine. Ils laissèrent partout des traces de la plus horrible cruauté. Ils brûlaient les églises, massacraient les prêtres aux pieds des autels, et emmenaient en captivité une infinité de Chrétiens, sans distinction d’âge, de sexe ou de condition.
Les Hongrois étaient des tribus barbares venant de Scythie au nord de la mer noire et du Caucase ( Russie actuelle).
Ils se déplacèrent vers le centre de l`Europe, ravageant l`Allemagne et une partie de la Lorraine.
Cependant la Religion chrétienne fut assez puissante pour adoucir ces monstres, et pour leur inspirer des sentiments d’humanité et de vertu. Dieu, qui voulait les convertir, toucha le cœur d’un de leurs rois, et lui donna des dispositions favorables pour les Chrétiens. Comme il y en avait dans le voisinage de la Hongrie, ce roi leur permit, par un édit public, d’entrer dans ses états, et il voulut qu’on exerçât à leur égard le devoir de l’hospitalité.
Les Scythes, un peuple des steppes de Russie.
Cette première démarche le mit à portée de connaître la sainteté de la Religion chrétienne, et le conduisit enfin à une entière conversion. Il reçut le baptême avec toute sa famille. Ayant eu un fils, il le fit baptiser par saint Adalbert, évêque de Prague, qui le nomma Etienne. Ce jeune prince, qui fut élevé avec soin, donna, dès son enfance, des marques extraordinaires de piété, et devint dans la suite l'apôtre de ses sujets. Aussitôt qu'il fut monté sur le trône, il s'occupa des moyens de procurer la conversion de son peuple, et d'établir le christianisme dans ses états.
St-Adalbert, Évêque de Prague et martyr
Il éprouva de l'opposition à ce dessein de la part de quelques sujets rebelles, que leur attachement à l'idolâtrie engagea à prendre les armes; mais le roi, plein de confiance dans le secours de Dieu, marcha contre eux portant dans ses drapeaux l'image de saint Martin, pour qui la Hongrie a toujours eu une vénération particulière, parce que c'est la patrie de ce saint évêque. Ayant vaincu les rebelles, il consacra à Dieu leurs terres, et il fonda un monastère en l'honneur de saint Martin.
St-Martin de Tours, légionnaire romain et ensuite Évêque est vénéré en Hongrie. Il était natif des provinces romaines de Hongrie.
St-Étienne, premier roi chrétien de Hongrie
Dès qu'il vit la tranquillité rétablie dans ses états, il employa tous les moyens qui pouvaient favoriser les progrès de l'Évangile; et pour les rendre efficaces, il répandait d'abondantes aumônes, il priait avec une grande ferveur: on le voyait souvent dans l'église, prosterné sur le pavé, offrir à Dieu ses gémissements et ses larmes. Il envoyait de tous côtés chercher des ouvriers évangéliques; et Dieu inspirait à de vertueux prêtres la résolution de quitter leur pays, pour seconder le zèle d'un prince si religieux. Il se fit des conversions sans nombre, et le pieux roi eut la consolation de bannir entièrement l'idolâtrie de toute l'étendue de ses états.
L`Europe vers l`an 1000 avec la Hongrie a l`est du St-Empire romain germanique
Alors, pour donner de la consistance et une forme convenable à l'Église de Hongrie, on la divisa en dix évêchés, dont la métropole fut Strigonie ( Etzergom en hongrois) sur le Danube; on y mit pour archevêque un saint religieux, qui se nommait Sébastien. Le roi envoya à Rome un évêque demander la confirmation de cet établissement; le député ne manqua pas de raconter au Pape tout ce que le prince faisait pour le bien de la Religion. Le souverain pontife en fut comblé de joie, et il accorda tout ce qu’on lui demandait. Il envoya au roi une couronne, et de plus une croix, pour être portée devant lui comme un signe de son apostolat, de là vient le titre d’apostolique, que prennent les rois de Hongrie.
La région de Strigonie sur le Danube en Hongrie
Au retour du député, Etienne fut couronné solennellement avec son épouse, princesse d'une éminente piété, qui concourait de tout son pouvoir aux bonnes œuvres du saint roi. Etienne avait une dévotion particulière pour la mère de Dieu, et il mit sous sa protection sa personne et son royaume; exemple qui a été imité par un de nos rois. La ferveur de ce religieux prince ne fit que croître, à mesure qu’il s’avançait vers le terme de sa vie, sentant la mort approcher, il appela les évêques et les seigneurs, pour leur recommander, avant tout, de maintenir la Religion chrétienne dans la Hongrie.
St-Elizabeth de Hongrie
99 – Hérésie de Bérenger. Année 1050.
L’Église n’est point ici-bas dans le lieu de son repos; elle y est presque toujours agitée où par l’hérésie, ou par le schisme, ou par les scandales. Pendant le cours du onzième siècle, elle fut mise à ces différentes épreuves. Bérenger archidiacre d’Angers, voulant se distinguer et acquérir de la célébrité, osa attaquer le mystère de l`Eucharistie, et enseigner que le corps et le sang de Jésus-Christ n’y sont pas contenus réellement, mais en figure. Il s’éleva aussitôt une réclamation générale contre cette doctrine qui était contraire à la croyance constante de toute l'Église; les docteurs catholiques réfutèrent avec zèle cette nouveauté impie; on écrivit de toutes parts pour défendre la Vérité.
Béranger, archidiacre d`Angers
Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, et Adelman, évêque de Bresse, adressèrent des lettres au novateur, pour essayer de le ramener à de meilleurs sentiments. « Je vous conjure, lui disait Adelman, de ne point troubler la paix de l’Église catholique, pour laquelle tant de milliers de Martyrs et tant de saints docteurs ont combattu. Nous croyons que le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ sont dans l`Eucharistie. Telle est la Foi qu'a tenue dès les premiers temps, et que tient encore l’Église, qui est répandue par toute la terre, et qui porte le nom de catholique. Tous ceux qui se disent chrétiens, se glorifient de recevoir en ce sacrement, la vraie chair et le vrai sang de Jésus-Christ; interrogez donc tous ceux qui ont connaissance de nos livres saints, interrogez les Grecs, les Arméniens, interrogez les Chrétiens, de quelque nation qu’ils soient; tous confessent que c'est là leur croyance. »
Lanfranc, archevêque de Canterbury en Angleterre de 1070 a 1089
Il établit ensuite la vérité de ce dogme Catholique sur les paroles de l’Écrit; et comme Bérenger répondait qu’il ne pouvait comprendre comment le pain devient le corps de
Jésus-Christ, Adelman ajoutait: « Le juste, qui vit de la Foi, n’examine point après la parole de Dieu, et ne cherche point à concevoir par la raison ce qui est au-dessus la raison: il aime mieux croire les mystères célestes pour recevoir un jour la récompense de sa Foi, que de s’efforcer inutilement de comprendre ce qui est incompréhensible. Il est aussi facile à Jésus-Christ de changer le pain en son corps, que de changer l'eau en vin, que de créer la lumière par sa Parole.»
Pour fermer la bouche à ce novateur, on tint d’abord à Paris un concile, où furent lues les lettres qu’il avait écrites à ce sujet. .On ne put entendre sans horreur la doctrine qui y était contenue. Le concile témoigna son indignation contre l'auteur, et le condamna tout d’une voix. Le pape Nicolas II assembla un autre concile à Rome. Bérenger, y comparut, n’osa y soutenir son erreur, il promit de souscrire la profession de foi qui serait dressée par le concile. Elle était conçue en ces termes :« J’anathématise toutes les hérésies, nommément celle dont j’ai été accusé. Je proteste de cœur et de bouche, que je tiens, touchant l’Eucharistie, la Foi que le pape et le concile m’ont prescrite selon l’autorité des Évangiles et de l’Apôtre, savoir que le pain et le vin, que l‘on offre sur l‘autel, sont, après la consécration, le Vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ. »
Bérenger confirma par serment cette profession de Foi, et jeta lui-même au feu les livres qui contenaient ses erreurs. Quelque temps après, on s’aperçut qu’il variait, et qu’il
soutenait que la substance du pain n’était pas changée en celle du corps de Jésus-Christ, mais que le pain restait uni au corps de notre Seigneur. C`était le dernier retranchement de cet hérésiarque mais l’Église qui suit toujours les hérétiques pas à pas, pour en condamner toutes les erreurs à mesure qu’elles se manifestent, après avoir si bien établi la Présence réelle dans la première profession de Foi, en proposa une seconde, où le changement de substance était plus distinctement exprimé. Bérenger le souscrivit encore, et confesse que le pain et le vin qu’on met sur l’autel, sont par la vertu toute-puissante des paroles de Jésus-Christ, changés substantiellement en la vraie et propre chair de notre Seigneur et en son vrai sang, en sorte que le corps qu’on y reçoit, est le même qui est né de la vierge Marie, qui a été attaché à Croix et qui est assis à la droite du Père. Ainsi, Bérenger se condamne une seconde fois. Cette hérésie anathématisée par l’auteur même, fut anéantie pour lors, et ne reparut que plusieurs siècles après, lorsque les protestants la renouvelèrent.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
100 - Troubles en Europe au sujet des investitures. Année 1075.
Peu de temps après l’entreprise scandaleuse de Michel Cérulaire en Orient, Henri IV, empereur d`Allemagne, donna lieu à une querelle qui causa de grands maux dans l’Église et dans l'Empire romain germanique.
Henri IV, empereur du St-Empire romain germanique de 1085 à 1105. Il était descendant des Francs saliens et est au centre de la querelle des Investitures avec Rome. Il confiait les positions importantes de l`Église en Allemagne au plus offrant.
C’était alors un usage établi en Allemagne, que l’empereur mît les évêques et les abbés en possession de leurs bénéfices, en leur donnant la crosse et l'anneau; c’est ce que l’on appelait le droit d’investiture. Henri IV ne se contentait pas de suivre cet usage; mais, à cette occasion, il faisait un trafic honteux des dignités ecclésiastiques, les conférant non aux plus dignes, mais à ceux qui lui offraient le plus d’argent. Le pape Grégoire VII, plein de zèle pour la discipline ecclésiastique, voulut retrancher cet abus.
Le pape Grégoire VII voulait arrêter ces abus
Comme l’anneau et le bâton pastoral sont les symboles de la puissance spirituelle, qui ne peut être conférée par des laïques, il condamna même l’usage des investitures, et menaça d’excommunication ceux qui les donneraient ou les recevraient de cette manière. L’empereur ne se rendit point à cette menace, et, sur son refus persévérant, il fut excommunié. Le pape ne s'en tint pas à cette peine spirituelle; il déclara Henri déchu de la dignité impériale, et ses sujets absous du serment de fidélité.
Cette conduite était contraire à celle des plus saints évêques de l’antiquité, qui n’avaient pas été moins soumis dans les choses temporelles, aux empereurs païens ou hérétiques, qu’à Constantin et à Théodose. La sentence du pape fut un prétexte de révolte pour quelques seigneurs qui étaient d’ailleurs mécontents du gouvernement; ils en profitèrent pour satisfaire leur ressentiment ou leur ambition; ils élevèrent sur le trône de l’Empire, Rodolphe, duc de Souabe, qui se fit sacrer à Mayence, douze jours après son élection. Ce prince, ayant ensuite levé une armée, gagna une bataille contre Henri; mais ce premier succès ne se soutint pas, Rodolphe fut tué dans une seconde action, et Henri, se trouvant en état de se venger du pape, passa en Italie, fit déposer Grégoire, et élire en sa place Guibert, archevêque de Ravenne, qui prit le nom de Clément III.
L`Antipape Clément III, nommé et soutenu par l`empereur allemand Henri IV après qu`il eu déposé le Pape Grégoire VII
Cet antipape, qui vécut jusqu’à la fin du siècle, donna beaucoup d'inquiétude et d'embarras à Grégoire VII et à ses successeurs. Quoique cette affaire eût eu les suites les plus fâcheuses, on la vit se renouveler depuis avec le même scandale; mais ce qui est bien à remarquer, les papes qui ont entrepris sur l’autorité temporelle n’ont formé aucune décision sur ce point; leurs écarts n’étaient que des voies de fait; c'étaient les suites du préjugé de leur siècle, préjugé que les princes eux-mêmes avaient adopté, et qu’ils accréditaient, en recourant au saint siège, pour se faire autoriser dans les entreprises favorables à leurs intérêts.
Au reste, l’Église de France a toujours gardé fidèlement ses anciennes maximes et elle les a consacrées dans sa déclaration de 1682, dont le premier article est conçu en ces termes : « Après une mûre délibération, nous, archevêques et évêques, avons jugé nécessaire de faire les règlements et la déclaration qui suit : Que Dieu n’a donné à St- Pierre et à ses successeurs, et même à l’Église entière, de puissance que sur les choses spirituelles, qui concernent le salut, et non pas sur les choses temporelles et civiles, selon cette parole de notre Seigneur : «Mon royaume n’est pas de ce monde»; et dans un autre endroit : «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu», et qu’ainsi il faut s’en tenir à ce précepte de l`Apôtre: «Que toute personne se soumette aux puissances supérieures; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c’est lui qui a établi toutes les puissances qui sont sur la terre: celui donc qui s’oppose aux puissances s'oppose à l’ordre de Dieu.» En conséquence, nous déclarons que les rois et les princes ne peuvent être déposés ni directement ni indirectement par l'autorité ecclésiastique; que leurs sujets ne peuvent être exemptés de la soumission et de l'obéissance qu`ils leur doivent, ni dispensés du serment de fidélité, et que cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité publique, et aussi avantageuse à l’Église qu'à l’État, doit être tenue comme conforme à l'Écriture, à la tradition des Pères et aux exemples des Saints.»
Le roi Henri IV du St-Empire romain germanique devant le pape Grégoire VII
101 - Fondation de l'ordre des Chartreux. Année 1084.
L’Église, au milieu des troubles dont elle était agitée, ne fut pas sans consolation. Elle vit naître dans son sein un nouvel ordre de solitaires, qui, par de grands exemples de sainteté, par une vie de recueillement, de mortifications et de prières, devaient constamment édifier les peuples et honorer la religion. St Bruno, qui en fut le fondateur, était né à Cologne,( Allemagne) de parents distingués dans le monde. Son enfance fut marquée par de grandes dispositions à la piété, qui se développèrent avec l’âge.
St-Bruno de Cologne, fondateur de l`ordre des Chartreux
Ses progrès dans les sciences ne furent pas moins sensibles ; il devint si habile dans la théologie, qu’il passait pour un des plus célèbres docteurs. Il fut recteur des grandes études, et chancelier dans l’église de Reims; mais craignant les dangers auxquels on est exposé dans le monde, il forma la résolution de vivre dans la solitude et de s'y consacrer à la pénitence. Il fit part de à dessein à quelques-uns de ses amis, et il leur inspira les mêmes sentiments. Ils s’adressèrent à St Hugues, évêque de Grenoble, qui les conduisit dans un affreux désert de son diocèse, appelé la Chartreuse, ou St-Bruno s`établit avec ses compagnons.
Les montagnes de la Grande Chartreuse près de Grenoble en France ou s`établit St-Bruno
On vit alors reparaître en France des merveilles que l’on avait autrefois admirées dans la Thébaïde. Ces nouveaux solitaires étaient plutôt des Anges que des hommes, dit un auteur contemporain, qui décrit ainsi leur genre de vie: « Chacun a sa cellule séparée des autres, et reçoit un pain et des légumes d’une seule espèce pour sa nourriture pendant une semaine; mais ils se réunissent le dimanche, et passent ensemble ce saint jour. Ils portent un habit fort simple, et par-dessous un cilice. Tout est pauvre chez eux, même leur église, où, excepté un calice, l’on ne voit ni or ni argent. Ils gardent un silence si exact, qu’ils ne demandent que par signes les choses dont ils ont absolument besoin. Ils ne vivent que du travail de leurs mains, dont le plus ordinaire est de copier des livres» ce qui leur suffisait dans ce temps-là, où l'art de l’imprimerie n'était pas encore inventé.
Ordre monastique des Chartreux
Le bruit de leur sainteté, se répandant de tous côtés, réveilla les hommes de leur assoupissement, et en porta un grand nombre à les imiter. On en vit de tout âge et de toute condition courir au désert, pour y embrasser la croix de Jésus-Christ, et il s’en forma bientôt des monastères en différents pays. Il y avait à peine six ans que cette sainte société avait été fondée, lorsque le pape Urbain II obligea St Bruno de venir à Rome, pour l’aider de ses conseils dans les affaires ecclésiastiques; mais les embarras d’une vie tumultueuse lui firent bientôt regretter sa chère solitude, et solliciter son retour. Le souverain pontife, pour le fixer auprès de lui, voulut inutilement le faire archevêque de Rhège.
Monastère de la Grande Chartreuse dans l`Isère.
Le serviteur de Dieu n’en fut que plus empressé à demander la permission de se retirer. L’ayant enfin obtenue, il alla dans la Calabre, où il fonda un nouveau monastère avec quelques compagnons qui s’étaient attachés à lui en Italie. Il y passa le reste de sa vie dans les exercices de la prière et de la pénitence. Quand il se sentit près de sa fin, il assembla sa communauté, et fit sa profession de foi contre l'hérésie de Bérenger, en ces termes : « Je crois les sacrements de l’Église, et en particulier que le pain et le vin consacrés sur l'autel, sont le vrai corps de notre Seigneur Jésus-Christ, sa vraie chair et son vrai sang, que nous recevons pour la rémission de nos péchés, et dans l’espérance du salut éternel.» L’esprit du saint fondateur vit encore dans ses enfants; son ordre, par une fidélité rare, n'a point dégénéré de sa première ferveur depuis huit siècles qu’il subsiste, il n’a pas eu besoin de réforme.
102 - Première Croisade. Année 1095.
Ce fut vers la fin du XIe siècle que commencèrent les Croisades, c’est-à-dire les guerres entreprises pour délivrer la Terre-Sainte du joug des Mahométans.
Depuis, la reprise de Jérusalem par les armées romaines de Titus en 70 Ap J.C. la terre sainte était sous la domination de l`empire romain d`orient. En l`an 637, les troupes islamiques s`emparent de la ville sainte et de la région.
Conquête de Jérusalem par les armées islamiques en l`an 637 ap J.C.
Les conquêtes islamiques entre l`an 622 et l`an 750 ap J.C.
Les empereurs d’Orient, que les Infidèles avaient dépouillés de leurs plus belles possessions, et en particulier de la Palestine, imploraient depuis longtemps le secours des Latins. Pour l’obtenir, il fallut qu’à leurs instances se joignît un motif de religion. Un prêtre du diocèse d'Amiens, nommé Pierre l’ermite, ayant fait le pèlerinage de Jérusalem, fut sensiblement affligé de voir les lieux saints profanés par les Infidèles. Il en conféra avec Simon, patriarche de Jérusalem, et dans les entretiens qu’ils eurent à ce sujet, ils conçurent le dessein de délivrer la Palestine de la servitude où elle gémissait depuis si longtemps ( depuis la conquête islamique de Jérusalem en l`an 657). Ils convinrent que le patriarche écrirait au pape, et de Pierre, en lui remettant la lettre, tâcherait de lui faire goûter ce projet.
Pierre l`ermite
Pierre se rendit en Italie, et il fit au pape Urbain II une peinture touchante de l'état déplorable où était la Terre-Sainte. Urbain, qui en fut vivement affecté, résolut d’engager les princes chrétiens à réunir leurs forces pour la délivrer; il indiqua un concile à Clermont, où se rendirent plusieurs princes. Il y parla d'une manière si pathétique, que les assistants fondirent en larmes, et s’écrièrent tout d’une voix : Dieu le veut. Ces mots, que tout le monde s’accorda à répéter, comme par inspiration, parurent d'un heureux augure, et devinrent dans la suite le cri de guerre. La plupart de ceux qui étaient présents s’enrôlèrent pour cette expédition, et prirent pour marque de leur engagement une croix d'étoffe rouge, attachée à l’épaule droite; ce qui leur fit donner le nom de Croisés. En même temps, les évêques prêchèrent la Croisade dans leurs diocèses, avec un succès qui surpassa leurs espérances. Pierre l’ermite parcourait les provinces pour animer les esprits à cette grande entreprise.
Son zèle, son désintéressement et sa vie pénitente lui donnaient l’air et l’autorité d'un prophète. Tout fut bientôt en mouvement dans la France, dans I`Italie, dans l’Allemagne, on vit parmi les grands et parmi le peuple un égal empressement à prendre la Croix. Ce qu’il y eut de plus édifiant, c’est que les inimitiés et les guerres particulières, qui étaient auparavant allumées dans toutes les provinces, cessèrent tout-à-coup. La paix et la justice semblaient être revenues sur la terre, pour préparer les hommes à la guerre sainte. Parmi les seigneurs français qui se croisèrent, les plus distingués furent Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine; Hugues-le-Grand, comte de Vermandois; Raymond, comte de Toulouse; Robert, comte de Flandre; et Robert, duc de Normandie.
Godefroy de Bouillon, qui eut tout l’honneur de cette Croisade, réunissait en sa personne la prudence avec l’ardeur de la jeunesse, et la valeur la plus intrépide avec la piété la plus tendre. Quoiqu’il ne fût pas le plus puissant des princes croisés, son armée était la plus florissante, parce que sa réputation avait attiré sous ses étendards une nombreuse noblesse, qui faisait gloire d’apprendre à son école le métier de la guerre.
Les Croisés se partagèrent en plusieurs troupes, qui prirent différentes routes pour se rendre à Constantinople, où l’on était convenu de se rassembler; mais il en périt une grande partie en chemin, parce qu’ils ne gardèrent ni ordre ni discipline, et qu`ils se livrèrent à toutes sortes d'excès et de désordres.
103 - Expéditions des Croisés.
Godefroy de Bouillon, qui sut mieux contenir ses troupes, arriva le premier à Constantinople, et il y attendit le reste des croisés. Quand ils furent tous assemblés, ils traversèrent l’Hellespont et formèrent le siège de Nicée, capitale de la Bithynie, pour s’ouvrir un passage à la Terre Sainte.
Godefroy de Bouillon, chevalier franc et duc de basse-Lotharingie ( région de Boulogne)
Cette ville, avait une forte garnison; mais elle ne put tenir contre les efforts des assiégeants, elle se rendit à composition. Peu de jours après, les croisés, qui s’étaient remis en marche, furent investis par une multitude innombrable d’ennemis. On en vint aux mains; les Chrétiens se battirent comme des lions, et obligèrent les Infidèles à prendre la fuite; on en fit un grand carnage. Cette victoire n’éloigna pas tous les dangers. L'armée chrétienne se vit exposée à toutes les horreurs de la faim et de la soif, parce que le pays avait été ravagé par les ennemis. La disette des vivres, jointe à la fatigue des voyages, enleva une infinité d'hommes, et fit, périr la plus grande partie des chevaux. On arriva enfin dans la Syrie, et l’on résolut d’assiéger Antioche, qui était alors l’une des plus grandes et des plus fortes villes de l’Orient.
Les croisés arrivent en vue de la ville d`Antioche
Les ennemis, qui s’attendaient à ce siège, l'avaient pourvue de tout ce qui était nécessaire pour une longue résistance, et ils avaient eux-mêmes une armée considérable à portée de la défendre. Le siège durait depuis sept mois, et les croisés commençaient à désespérer du succès, lorsqu’un heureux événement les rendit maîtres de la place, un des principaux habitants d’Antioche avait un fils qui fut pris dans une sortie; le père l’aimait tendrement, et offrait une somme considérable pour le racheter. Le seigneur croisé à qui appartenait le jeune captif, le renvoya sans rançon.
Cette générosité gagna le père, et le détermina à introduire les croisés dans la ville. Après cette conquête importante, l'alarme se répandit dans toute la Palestine, et l’armée chrétienne s'avança sans obstacle vers Jérusalem, qui était le grand objet de cette expédition. La ville pouvait résister longtemps; l’ennemi n’avait rien oublié pour la mettre en état de défense; mais les croisés firent des prodiges de valeur, et au bout de cinq semaines, ils la prirent d’assaut, un vendredi, à trois heures après midi; circonstance qui fut remarquée, parce que c’était le jour et l'heure où Jésus-Christ expira sur la croix. Dans la première chaleur de la Victoire, rien ne put arrêter le soldat, on fit main-basse sur les Infidèles, dont la ville était pleine, et le massacre fut horrible; mais on passa bientôt après de cet emportement de fureur aux sentiments de la plus tendre piété.
Arrivée des croisés en vue de la ville de Jérusalem
Les croisés quittèrent leurs habits ensanglantés; ils allèrent nu-pieds, en pleurant et en se frappant la poitrine, visiter tous les lieux consacrés par les souffrances du Sauveur. Le
peu de Chrétiens qui étaient restés à Jérusalem poussaient des cris de joie, et rendaient grâces à Dieu de ce qu’il les avait délivrés de l’oppression. Huit jours après les princes et les seigneurs s’assemblèrent pour élire un roi capable de conserver cette précieuse conquête. Le choix tomba sur Godefroy de Bouillon, qui était le plus vaillant et le plus vertueux de toute l'armée. On le conduisit à l`église du Saint-Sépulcre, et il y fut solennellement proclamé. Comme on lui présentait une couronne d’or, le pieux héros la refusa : « A Dieu ne plaise, dit-il, que je porte une telle couronne dans un lieu où le Roi des rois n’a été couronné que d’épines!».
104 - Établissement des Ordres militaires. An 1098.
Les croisades donnèrent lieu à l’établissement des ordres militaires, dont le plus ancien est celui des Hospitaliers de Saint-Jean, et subsiste encore aujourd’hui sous le nom de Chevaliers de Malte. La première maison de cet ordre célèbre n’était d'abord qu’un hôpital bâti à Jérusalem, pour y recevoir les pèlerins qui venaient visiter les saints
lieux, et pour y prendre soin des malades. Elle avait été fondée par des marchands du royaume de Naples, dans le temps que la ville de Jérusalem était encore au pouvoir des Infidèles.
Le bienheureux Gérard, natif de Provence, personnage d’une grande prudence et d'une rare vertu, était directeur de cet hôpital, lorsque les croisés se rendirent maîtres de la ville. Godefroi de Bouillon en étant devenu roi, comme nous l'avons dit, protégea cet établissement, et lui fit de grands biens. Plusieurs jeunes gentilshommes, qui l’avaient suivi dans son expédition, édifiés de la charité qu’on y exerçait envers les pèlerins et les malades, renoncèrent à retourner dans leur patrie, et se dévouèrent à cette bonne œuvre; mais ils ne se bornèrent plus, comme on avait fait jusqu’alors, aux exercices paisibles de la charité; ils prirent les armes contre les ennemis de la Religion.
C’étaient de braves guerriers, à qui la piété dont ils étaient remplis, et la cause pour laquelle ils combattaient, inspiraient une nouvelle valeur. Fiers et terribles à l'égard des Musulmans hors de Jérusalem, ils étaient, dans l’intérieur de l’hôpital, d’humbles serviteurs des pèlerins. Austères pour eux-mêmes, et pleins d’une généreuse charité pour les autres, ils ne mangeaient que du pain fait de la plus grossière farine, et réservaient la plus pure pour la nourriture des malades. Afin de perpétuer ce pieux établissement, ils résolurent de s'engager par des vœux. Le patriarche de Jérusalem approuva cette résolution, et ils firent entre ses mains les trois vœux de religion, auxquels ils ajoutèrent celui de combattre les Infidèles.
Le pape Pascal confirma ensuite cet institut, et lui accorda de grands privilèges. Ils formèrent donc un corps religieux et militaire tout à la fois, où sans renoncer aux exercices de l’hospitalité, on faisait une profession particulière de défendre les Chrétiens. Ce nouvel ordre se multiplia considérablement en peu de temps, et il acquit, dans tous les royaumes d’Occident, des biens immenses. Beaucoup de jeune noblesse accourait de toutes les contrées de l’Europe pour s’enrôler sous ses enseignes. Ces braves chevaliers signalèrent en mille occasions leur zèle et leur courage, et ils devinrent le plus ferme appui du trône de Jérusalem, tant qu’il subsista.
Fortification de l`ile de Rhodes
Après la chute de ce royaume, qui ne dura que quatre-vingt-seize ans, ils passèrent dans l’île de Rhodes, où ils soutinrent contre Soliman, empereur des Turcs, un siège à jamais mémorable; puis à l'île de Malte, qui fut dès-lors le chef-lieu de l’ordre et la résidence du-grand- maître, à qui l’empereur Charles-Quint en céda la souveraineté et dont ils sont restés possesseurs jusqu’à ce qu’elle a été prise par les Français, et reprise par les Anglais.
Sœurs infirmières servant dans les hôpitaux
Peu de temps après l’entreprise scandaleuse de Michel Cérulaire en Orient, Henri IV, empereur d`Allemagne, donna lieu à une querelle qui causa de grands maux dans l’Église et dans l'Empire romain germanique.
Henri IV, empereur du St-Empire romain germanique de 1085 à 1105. Il était descendant des Francs saliens et est au centre de la querelle des Investitures avec Rome. Il confiait les positions importantes de l`Église en Allemagne au plus offrant.
C’était alors un usage établi en Allemagne, que l’empereur mît les évêques et les abbés en possession de leurs bénéfices, en leur donnant la crosse et l'anneau; c’est ce que l’on appelait le droit d’investiture. Henri IV ne se contentait pas de suivre cet usage; mais, à cette occasion, il faisait un trafic honteux des dignités ecclésiastiques, les conférant non aux plus dignes, mais à ceux qui lui offraient le plus d’argent. Le pape Grégoire VII, plein de zèle pour la discipline ecclésiastique, voulut retrancher cet abus.
Le pape Grégoire VII voulait arrêter ces abus
Comme l’anneau et le bâton pastoral sont les symboles de la puissance spirituelle, qui ne peut être conférée par des laïques, il condamna même l’usage des investitures, et menaça d’excommunication ceux qui les donneraient ou les recevraient de cette manière. L’empereur ne se rendit point à cette menace, et, sur son refus persévérant, il fut excommunié. Le pape ne s'en tint pas à cette peine spirituelle; il déclara Henri déchu de la dignité impériale, et ses sujets absous du serment de fidélité.
Cette conduite était contraire à celle des plus saints évêques de l’antiquité, qui n’avaient pas été moins soumis dans les choses temporelles, aux empereurs païens ou hérétiques, qu’à Constantin et à Théodose. La sentence du pape fut un prétexte de révolte pour quelques seigneurs qui étaient d’ailleurs mécontents du gouvernement; ils en profitèrent pour satisfaire leur ressentiment ou leur ambition; ils élevèrent sur le trône de l’Empire, Rodolphe, duc de Souabe, qui se fit sacrer à Mayence, douze jours après son élection. Ce prince, ayant ensuite levé une armée, gagna une bataille contre Henri; mais ce premier succès ne se soutint pas, Rodolphe fut tué dans une seconde action, et Henri, se trouvant en état de se venger du pape, passa en Italie, fit déposer Grégoire, et élire en sa place Guibert, archevêque de Ravenne, qui prit le nom de Clément III.
L`Antipape Clément III, nommé et soutenu par l`empereur allemand Henri IV après qu`il eu déposé le Pape Grégoire VII
Cet antipape, qui vécut jusqu’à la fin du siècle, donna beaucoup d'inquiétude et d'embarras à Grégoire VII et à ses successeurs. Quoique cette affaire eût eu les suites les plus fâcheuses, on la vit se renouveler depuis avec le même scandale; mais ce qui est bien à remarquer, les papes qui ont entrepris sur l’autorité temporelle n’ont formé aucune décision sur ce point; leurs écarts n’étaient que des voies de fait; c'étaient les suites du préjugé de leur siècle, préjugé que les princes eux-mêmes avaient adopté, et qu’ils accréditaient, en recourant au saint siège, pour se faire autoriser dans les entreprises favorables à leurs intérêts.
Au reste, l’Église de France a toujours gardé fidèlement ses anciennes maximes et elle les a consacrées dans sa déclaration de 1682, dont le premier article est conçu en ces termes : « Après une mûre délibération, nous, archevêques et évêques, avons jugé nécessaire de faire les règlements et la déclaration qui suit : Que Dieu n’a donné à St- Pierre et à ses successeurs, et même à l’Église entière, de puissance que sur les choses spirituelles, qui concernent le salut, et non pas sur les choses temporelles et civiles, selon cette parole de notre Seigneur : «Mon royaume n’est pas de ce monde»; et dans un autre endroit : «Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu», et qu’ainsi il faut s’en tenir à ce précepte de l`Apôtre: «Que toute personne se soumette aux puissances supérieures; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c’est lui qui a établi toutes les puissances qui sont sur la terre: celui donc qui s’oppose aux puissances s'oppose à l’ordre de Dieu.» En conséquence, nous déclarons que les rois et les princes ne peuvent être déposés ni directement ni indirectement par l'autorité ecclésiastique; que leurs sujets ne peuvent être exemptés de la soumission et de l'obéissance qu`ils leur doivent, ni dispensés du serment de fidélité, et que cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité publique, et aussi avantageuse à l’Église qu'à l’État, doit être tenue comme conforme à l'Écriture, à la tradition des Pères et aux exemples des Saints.»
Le roi Henri IV du St-Empire romain germanique devant le pape Grégoire VII
101 - Fondation de l'ordre des Chartreux. Année 1084.
L’Église, au milieu des troubles dont elle était agitée, ne fut pas sans consolation. Elle vit naître dans son sein un nouvel ordre de solitaires, qui, par de grands exemples de sainteté, par une vie de recueillement, de mortifications et de prières, devaient constamment édifier les peuples et honorer la religion. St Bruno, qui en fut le fondateur, était né à Cologne,( Allemagne) de parents distingués dans le monde. Son enfance fut marquée par de grandes dispositions à la piété, qui se développèrent avec l’âge.
St-Bruno de Cologne, fondateur de l`ordre des Chartreux
Ses progrès dans les sciences ne furent pas moins sensibles ; il devint si habile dans la théologie, qu’il passait pour un des plus célèbres docteurs. Il fut recteur des grandes études, et chancelier dans l’église de Reims; mais craignant les dangers auxquels on est exposé dans le monde, il forma la résolution de vivre dans la solitude et de s'y consacrer à la pénitence. Il fit part de à dessein à quelques-uns de ses amis, et il leur inspira les mêmes sentiments. Ils s’adressèrent à St Hugues, évêque de Grenoble, qui les conduisit dans un affreux désert de son diocèse, appelé la Chartreuse, ou St-Bruno s`établit avec ses compagnons.
Les montagnes de la Grande Chartreuse près de Grenoble en France ou s`établit St-Bruno
On vit alors reparaître en France des merveilles que l’on avait autrefois admirées dans la Thébaïde. Ces nouveaux solitaires étaient plutôt des Anges que des hommes, dit un auteur contemporain, qui décrit ainsi leur genre de vie: « Chacun a sa cellule séparée des autres, et reçoit un pain et des légumes d’une seule espèce pour sa nourriture pendant une semaine; mais ils se réunissent le dimanche, et passent ensemble ce saint jour. Ils portent un habit fort simple, et par-dessous un cilice. Tout est pauvre chez eux, même leur église, où, excepté un calice, l’on ne voit ni or ni argent. Ils gardent un silence si exact, qu’ils ne demandent que par signes les choses dont ils ont absolument besoin. Ils ne vivent que du travail de leurs mains, dont le plus ordinaire est de copier des livres» ce qui leur suffisait dans ce temps-là, où l'art de l’imprimerie n'était pas encore inventé.
Ordre monastique des Chartreux
Le bruit de leur sainteté, se répandant de tous côtés, réveilla les hommes de leur assoupissement, et en porta un grand nombre à les imiter. On en vit de tout âge et de toute condition courir au désert, pour y embrasser la croix de Jésus-Christ, et il s’en forma bientôt des monastères en différents pays. Il y avait à peine six ans que cette sainte société avait été fondée, lorsque le pape Urbain II obligea St Bruno de venir à Rome, pour l’aider de ses conseils dans les affaires ecclésiastiques; mais les embarras d’une vie tumultueuse lui firent bientôt regretter sa chère solitude, et solliciter son retour. Le souverain pontife, pour le fixer auprès de lui, voulut inutilement le faire archevêque de Rhège.
Monastère de la Grande Chartreuse dans l`Isère.
Le serviteur de Dieu n’en fut que plus empressé à demander la permission de se retirer. L’ayant enfin obtenue, il alla dans la Calabre, où il fonda un nouveau monastère avec quelques compagnons qui s’étaient attachés à lui en Italie. Il y passa le reste de sa vie dans les exercices de la prière et de la pénitence. Quand il se sentit près de sa fin, il assembla sa communauté, et fit sa profession de foi contre l'hérésie de Bérenger, en ces termes : « Je crois les sacrements de l’Église, et en particulier que le pain et le vin consacrés sur l'autel, sont le vrai corps de notre Seigneur Jésus-Christ, sa vraie chair et son vrai sang, que nous recevons pour la rémission de nos péchés, et dans l’espérance du salut éternel.» L’esprit du saint fondateur vit encore dans ses enfants; son ordre, par une fidélité rare, n'a point dégénéré de sa première ferveur depuis huit siècles qu’il subsiste, il n’a pas eu besoin de réforme.
102 - Première Croisade. Année 1095.
Ce fut vers la fin du XIe siècle que commencèrent les Croisades, c’est-à-dire les guerres entreprises pour délivrer la Terre-Sainte du joug des Mahométans.
Depuis, la reprise de Jérusalem par les armées romaines de Titus en 70 Ap J.C. la terre sainte était sous la domination de l`empire romain d`orient. En l`an 637, les troupes islamiques s`emparent de la ville sainte et de la région.
Conquête de Jérusalem par les armées islamiques en l`an 637 ap J.C.
Les conquêtes islamiques entre l`an 622 et l`an 750 ap J.C.
Les empereurs d’Orient, que les Infidèles avaient dépouillés de leurs plus belles possessions, et en particulier de la Palestine, imploraient depuis longtemps le secours des Latins. Pour l’obtenir, il fallut qu’à leurs instances se joignît un motif de religion. Un prêtre du diocèse d'Amiens, nommé Pierre l’ermite, ayant fait le pèlerinage de Jérusalem, fut sensiblement affligé de voir les lieux saints profanés par les Infidèles. Il en conféra avec Simon, patriarche de Jérusalem, et dans les entretiens qu’ils eurent à ce sujet, ils conçurent le dessein de délivrer la Palestine de la servitude où elle gémissait depuis si longtemps ( depuis la conquête islamique de Jérusalem en l`an 657). Ils convinrent que le patriarche écrirait au pape, et de Pierre, en lui remettant la lettre, tâcherait de lui faire goûter ce projet.
Pierre l`ermite
Pierre se rendit en Italie, et il fit au pape Urbain II une peinture touchante de l'état déplorable où était la Terre-Sainte. Urbain, qui en fut vivement affecté, résolut d’engager les princes chrétiens à réunir leurs forces pour la délivrer; il indiqua un concile à Clermont, où se rendirent plusieurs princes. Il y parla d'une manière si pathétique, que les assistants fondirent en larmes, et s’écrièrent tout d’une voix : Dieu le veut. Ces mots, que tout le monde s’accorda à répéter, comme par inspiration, parurent d'un heureux augure, et devinrent dans la suite le cri de guerre. La plupart de ceux qui étaient présents s’enrôlèrent pour cette expédition, et prirent pour marque de leur engagement une croix d'étoffe rouge, attachée à l’épaule droite; ce qui leur fit donner le nom de Croisés. En même temps, les évêques prêchèrent la Croisade dans leurs diocèses, avec un succès qui surpassa leurs espérances. Pierre l’ermite parcourait les provinces pour animer les esprits à cette grande entreprise.
Son zèle, son désintéressement et sa vie pénitente lui donnaient l’air et l’autorité d'un prophète. Tout fut bientôt en mouvement dans la France, dans I`Italie, dans l’Allemagne, on vit parmi les grands et parmi le peuple un égal empressement à prendre la Croix. Ce qu’il y eut de plus édifiant, c’est que les inimitiés et les guerres particulières, qui étaient auparavant allumées dans toutes les provinces, cessèrent tout-à-coup. La paix et la justice semblaient être revenues sur la terre, pour préparer les hommes à la guerre sainte. Parmi les seigneurs français qui se croisèrent, les plus distingués furent Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine; Hugues-le-Grand, comte de Vermandois; Raymond, comte de Toulouse; Robert, comte de Flandre; et Robert, duc de Normandie.
Godefroy de Bouillon, qui eut tout l’honneur de cette Croisade, réunissait en sa personne la prudence avec l’ardeur de la jeunesse, et la valeur la plus intrépide avec la piété la plus tendre. Quoiqu’il ne fût pas le plus puissant des princes croisés, son armée était la plus florissante, parce que sa réputation avait attiré sous ses étendards une nombreuse noblesse, qui faisait gloire d’apprendre à son école le métier de la guerre.
Les Croisés se partagèrent en plusieurs troupes, qui prirent différentes routes pour se rendre à Constantinople, où l’on était convenu de se rassembler; mais il en périt une grande partie en chemin, parce qu’ils ne gardèrent ni ordre ni discipline, et qu`ils se livrèrent à toutes sortes d'excès et de désordres.
103 - Expéditions des Croisés.
Godefroy de Bouillon, qui sut mieux contenir ses troupes, arriva le premier à Constantinople, et il y attendit le reste des croisés. Quand ils furent tous assemblés, ils traversèrent l’Hellespont et formèrent le siège de Nicée, capitale de la Bithynie, pour s’ouvrir un passage à la Terre Sainte.
Godefroy de Bouillon, chevalier franc et duc de basse-Lotharingie ( région de Boulogne)
Cette ville, avait une forte garnison; mais elle ne put tenir contre les efforts des assiégeants, elle se rendit à composition. Peu de jours après, les croisés, qui s’étaient remis en marche, furent investis par une multitude innombrable d’ennemis. On en vint aux mains; les Chrétiens se battirent comme des lions, et obligèrent les Infidèles à prendre la fuite; on en fit un grand carnage. Cette victoire n’éloigna pas tous les dangers. L'armée chrétienne se vit exposée à toutes les horreurs de la faim et de la soif, parce que le pays avait été ravagé par les ennemis. La disette des vivres, jointe à la fatigue des voyages, enleva une infinité d'hommes, et fit, périr la plus grande partie des chevaux. On arriva enfin dans la Syrie, et l’on résolut d’assiéger Antioche, qui était alors l’une des plus grandes et des plus fortes villes de l’Orient.
Les croisés arrivent en vue de la ville d`Antioche
Les ennemis, qui s’attendaient à ce siège, l'avaient pourvue de tout ce qui était nécessaire pour une longue résistance, et ils avaient eux-mêmes une armée considérable à portée de la défendre. Le siège durait depuis sept mois, et les croisés commençaient à désespérer du succès, lorsqu’un heureux événement les rendit maîtres de la place, un des principaux habitants d’Antioche avait un fils qui fut pris dans une sortie; le père l’aimait tendrement, et offrait une somme considérable pour le racheter. Le seigneur croisé à qui appartenait le jeune captif, le renvoya sans rançon.
Cette générosité gagna le père, et le détermina à introduire les croisés dans la ville. Après cette conquête importante, l'alarme se répandit dans toute la Palestine, et l’armée chrétienne s'avança sans obstacle vers Jérusalem, qui était le grand objet de cette expédition. La ville pouvait résister longtemps; l’ennemi n’avait rien oublié pour la mettre en état de défense; mais les croisés firent des prodiges de valeur, et au bout de cinq semaines, ils la prirent d’assaut, un vendredi, à trois heures après midi; circonstance qui fut remarquée, parce que c’était le jour et l'heure où Jésus-Christ expira sur la croix. Dans la première chaleur de la Victoire, rien ne put arrêter le soldat, on fit main-basse sur les Infidèles, dont la ville était pleine, et le massacre fut horrible; mais on passa bientôt après de cet emportement de fureur aux sentiments de la plus tendre piété.
Arrivée des croisés en vue de la ville de Jérusalem
Les croisés quittèrent leurs habits ensanglantés; ils allèrent nu-pieds, en pleurant et en se frappant la poitrine, visiter tous les lieux consacrés par les souffrances du Sauveur. Le
peu de Chrétiens qui étaient restés à Jérusalem poussaient des cris de joie, et rendaient grâces à Dieu de ce qu’il les avait délivrés de l’oppression. Huit jours après les princes et les seigneurs s’assemblèrent pour élire un roi capable de conserver cette précieuse conquête. Le choix tomba sur Godefroy de Bouillon, qui était le plus vaillant et le plus vertueux de toute l'armée. On le conduisit à l`église du Saint-Sépulcre, et il y fut solennellement proclamé. Comme on lui présentait une couronne d’or, le pieux héros la refusa : « A Dieu ne plaise, dit-il, que je porte une telle couronne dans un lieu où le Roi des rois n’a été couronné que d’épines!».
104 - Établissement des Ordres militaires. An 1098.
Les croisades donnèrent lieu à l’établissement des ordres militaires, dont le plus ancien est celui des Hospitaliers de Saint-Jean, et subsiste encore aujourd’hui sous le nom de Chevaliers de Malte. La première maison de cet ordre célèbre n’était d'abord qu’un hôpital bâti à Jérusalem, pour y recevoir les pèlerins qui venaient visiter les saints
lieux, et pour y prendre soin des malades. Elle avait été fondée par des marchands du royaume de Naples, dans le temps que la ville de Jérusalem était encore au pouvoir des Infidèles.
Le bienheureux Gérard, natif de Provence, personnage d’une grande prudence et d'une rare vertu, était directeur de cet hôpital, lorsque les croisés se rendirent maîtres de la ville. Godefroi de Bouillon en étant devenu roi, comme nous l'avons dit, protégea cet établissement, et lui fit de grands biens. Plusieurs jeunes gentilshommes, qui l’avaient suivi dans son expédition, édifiés de la charité qu’on y exerçait envers les pèlerins et les malades, renoncèrent à retourner dans leur patrie, et se dévouèrent à cette bonne œuvre; mais ils ne se bornèrent plus, comme on avait fait jusqu’alors, aux exercices paisibles de la charité; ils prirent les armes contre les ennemis de la Religion.
C’étaient de braves guerriers, à qui la piété dont ils étaient remplis, et la cause pour laquelle ils combattaient, inspiraient une nouvelle valeur. Fiers et terribles à l'égard des Musulmans hors de Jérusalem, ils étaient, dans l’intérieur de l’hôpital, d’humbles serviteurs des pèlerins. Austères pour eux-mêmes, et pleins d’une généreuse charité pour les autres, ils ne mangeaient que du pain fait de la plus grossière farine, et réservaient la plus pure pour la nourriture des malades. Afin de perpétuer ce pieux établissement, ils résolurent de s'engager par des vœux. Le patriarche de Jérusalem approuva cette résolution, et ils firent entre ses mains les trois vœux de religion, auxquels ils ajoutèrent celui de combattre les Infidèles.
Le pape Pascal confirma ensuite cet institut, et lui accorda de grands privilèges. Ils formèrent donc un corps religieux et militaire tout à la fois, où sans renoncer aux exercices de l’hospitalité, on faisait une profession particulière de défendre les Chrétiens. Ce nouvel ordre se multiplia considérablement en peu de temps, et il acquit, dans tous les royaumes d’Occident, des biens immenses. Beaucoup de jeune noblesse accourait de toutes les contrées de l’Europe pour s’enrôler sous ses enseignes. Ces braves chevaliers signalèrent en mille occasions leur zèle et leur courage, et ils devinrent le plus ferme appui du trône de Jérusalem, tant qu’il subsista.
Fortification de l`ile de Rhodes
Après la chute de ce royaume, qui ne dura que quatre-vingt-seize ans, ils passèrent dans l’île de Rhodes, où ils soutinrent contre Soliman, empereur des Turcs, un siège à jamais mémorable; puis à l'île de Malte, qui fut dès-lors le chef-lieu de l’ordre et la résidence du-grand- maître, à qui l’empereur Charles-Quint en céda la souveraineté et dont ils sont restés possesseurs jusqu’à ce qu’elle a été prise par les Français, et reprise par les Anglais.
Sœurs infirmières servant dans les hôpitaux
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
105 - Institution des Prémontrés. Année 1120.
L’Église, qui venait d'enfanter dans l`Orient une société de héros religieux, vit avec une nouvelle consolation, se former en France plusieurs ordres nouveaux, destinés à produire des biens d’un autre genre. Saint Norbert de Xanten parut suscité de Dieu pour donner aux ecclésiastiques un parfait modèle des vertus de leur état, par l’établissement des chanoines réguliers, dont il fut le père. Il était né dans le duché de Clèves, d’une famille distinguée par sa noblesse. Placé de bonne heure dans le clergé, il ne connut pas d’abord la sainteté de sa vocation. Il avait été pourvu de plusieurs bénéfices, dont le revenu était employé au luxe et à la vanité; mais Dieu, qui confiait en faire un vase d`élection, le terrassa, comme autrefois saint Paul, pour le relever plus glorieusement.
Saint-Norbert fondateur de l`ordre des Prémontrés vers l`an 1120
Un jour que Norbert passait cheval dans une agréable prairie, il survint un grand orage, et la foudre tomba aux pieds du cheval, qui s’abattit et renversa son cavalier à demi-mort. Norbert resta près d’une heure privé de sentiment; mais enfin étant revenu à lui, il s’écria comme Saül : «Seigneur, que voulez-vous que je fasse?» Dieu lui répondit intérieurement qu’il devait mener une vie digne de l'état qu’il avait embrassé. Alors il changea entièrement de conduite, il quitta ses habits précieux, et se revêtit d’un rude cilice, il renonça à tous les bénéfices qui possédait, vendit son patrimoine, en distribua le prix aux pauvres, et vint nu-pieds trouver le pape Calixte II, qui tenait alors un concile à Reims. Le pape lui fit un accueil favorable, et chargea l`évêque de Laon d’en prendre soin.
Ordre des Prémontrés ( les moines blancs)
Cet évêque, après la fin du concile, emmena Norbert avec lui à Laon, et l’y retint pendant l’hiver, afin de lui laisser le temps de rétablir sa santé que ses austérités avaient fort affaiblie. Comme Norbert lui témoignait souvent le désir qu’il avait de se retirer dans la solitude, le prélat, qui voulait le retenir dans son diocèse, le menait en divers lieux, afin qu’il choisit celui qui lui conviendrait le plus. Le saint s’arrêta à un endroit fort solitaire, nommé Prémontré, et établit sa demeure. Ses prédications et la sainteté de sa vie lui attirèrent bientôt des disciples, en peu de temps il eut avec lui quarante ecclésiastiques et plusieurs laïques, qui tous paraissaient remplis de son esprit, et qui s`efforçaient d’imiter ses vertus. Alors Norbert songes à choisir une règle. Après avoir délibéré pendant quelque temps, il se détermina pour celle de saint Augustin.
Abbaye de Prémontré vers 1700
Tous ses disciples en firent une profession solennelle, avec promesse de stabilité. Le saint fondateur alla ensuite à Rome, pour demander au souverain Pontife la confirmation de son ordre. Le pape Honorius lui accorda ce qu’il désirait; et Dieu bénit cet institut naissant, qui se répandit bientôt dans tout le monde chrétien. C’était partout un empressement merveilleux de s’engager dans ce saint ordre. Thibaut, comte de Champagne, touché des discours et des vertus du saint fondateur, conçut le dessein de quitter le monde, il vint offrir à Norbert sa personne et tout ce qu’il possédait; mais le saint, qui cherchait moins sa gloire et l’avantage de son ordre, que le bien général de l’Église, lui conseilla de rester dans le siècle, où il pouvait être plus utile, en faisant servir et honorer Dieu par ses vassaux.
Il est bon de remarquer combien l’origine des ordres religieux a été pure. La vie austère, le désintéressement de ceux qui s’y dévouèrent, montrent qu’ils étaient très éloignés de solliciter des donations. Leurs travaux immenses pour défricher des terres jusqu’alors incultes, une administration sage et active, ont été la principale source de leurs richesses.
106 - Saint Norbert est élu archevêque de Magdebourg.
DIEU, qui avait élevé saint Norbert à un si haut degré de sainteté, le destinait à gouverner un grand peuple, et à édifier toute l’Allemagne. Obligé d’y faire un voyage pour des affaires importantes, Norbert arriva à Spire, lorsque l’empereur Lothaire y tenait une assemblée pour élire un archevêque de Magdebourg.
Lothaire de Supplinbourg, ( le Saxon) empereur du St-Empire romain germanique de 1125 a 1137.
On l’invita à prêcher. Il le fit avec tant de succès, que les députés de l’Église de Magdebourg le proposèrent pour le siège vacant, et sans lui donner le temps de se reconnaître, ils se saisirent de sa personne, en criant : «Voici notre Évêque! voici notre Père !» Ils le présentèrent à l'empereur qui applaudit à ce choix avec tous les assistants. Après que le légat du pape, qui était présent, eut confirmé l’élection, on emmena le nouvel archevêque à Magdebourg. Dès que Norbert aperçut la ville dont il devenait le pasteur, il voulut faire le reste du chemin nu-pieds.
La ville de Magdebourg en Allemagne
A son entrée dans la ville il se fit un grand concours de peuple, pour voir un si saint homme; la joie était universelle ; on le conduisit en procession à l’église, et de l’église au palais archiépiscopal. Il était vêtu fort pauvrement, et il n’avait rien à l’extérieur qui le distinguât. Quand il se présenta pour entrer dans le palais, le portier, qui ne le connaissait pas, le prit pour un pauvre, et le repoussa brusquement, en lui disant :« Il y a longtemps que les autres pauvres sont entrés; retirez-vous et n’incommodez pas ces seigneurs. » Tout le monde cria au portier : « Que fais-tu, malheureux? c’est l’archevêque, c’est ton maître que tu rebutes. » Le portier confus de sa méprise, voulut se cacher; mais le saint archevêque l’arrêta et lui dit en souriant : « Ne craignez rien, mon ami, je ne vous en sais point mauvais gré : vous me connaissez mieux que ceux qui me forcent à habiter un palais, peu convenable à un pauvre tel que moi. »
Il gouverna son diocèse avec un zèle infatigable; mais il eut beaucoup à souffrir. L’Église de Magdebourg était tombée dans un grand relâchement : il s’appliqua à y établir une exacte réforme. Ses efforts furent heureux à l’égard de plusieurs; mais il se fit des ennemis de ceux qu’il ne put gagner. « Pourquoi, disaient-ils, avons-nous appelé cet étranger, dont les mœurs sont si contraires aux nôtres»
St-Norbert, Archevêque de Magdebourg
Ils le chargeaient d’injures, et tâchaient de décrier parmi le peuple. Leur fureur alla même jusqu’à chercher les moyens de lui ôter la vie. Norbert souffrait tout avec une patience inaltérable ; et à cette occasion, il disait à ses amis : « Est-il étonnant que le démon ( l`ange déchu) se déchaîne contre moi, lui qui a osé attenter à la vie de Jésus-Christ, notre chef? » Sa charité, sa douceur, et sa persévérance triomphèrent enfin de tous les obstacles. Il mourut accablé d'austérités et de fatigues, après avoir rempli tous les devoirs d’un bon pasteur.
107 - Fondation de l'ordre de Cîteaux. Année 1110.
L'ordre de Cîteaux fut établi vers le même temps que celui de Prémontré, et il ne fut pas moins célèbre, ni moins utile à l'Église. Saint Robert, qui le fonda, avait embrassé l’état religieux dès l'âge de quinze ans. Dans le dessein de garder une retraite plus exacte, et de pratiquer la règle de saint Benoît, sans aucun adoucissement, il alla s’établir, avec quelques compagnons de sa ferveur, dans la forêt de Cîteaux, à cinq lieues de Dijon, c’était un désert dont la vue seule faisait horreur, et qui n’était habité que par des bêtes sauvages; mais plus cette solitude était affreuse à la nature, plus elle leur paraissait propre au désir qu'ils avaient de se cacher, et de ne vivre que pour Dieu.
St-Robert de Molesme, St-Alberic et St-Étienne s`installent à Cîteaux vers 1110
Ils se mirent à défricher la terre, et il y bâtirent des cellules de bois pour se loger. C’était plutôt un amas de cabanes qu’un monastère. Là, ces saint religieux immolaient sans cesse leurs corps à Dieu par les rigueurs de la pénitence, et leurs cœurs par le feu de la charité. Souvent ils manquaient de pain, parce que le travail ne suffisait pas pour leur procurer le nécessaire; cependant, ils refusèrent les riches présents que le duc de Bourgogne voulait leur faire, tant ils estimaient la pauvreté. Quoique ce nouvel institut fût très renommé par sa ferveur, il demeura plusieurs années sans faire de progrès sensibles. C’était un arbre qui jetait de profondes racines, avant de s’élever et d’étendre ses branches.
Abbaye de Cîteaux au Moyen-Âge
Dieu prit plaisir à le relever par tout ce que la vertu peut avoir de plus éclatant aux yeux des hommes. Un jeune seigneur, nommé Bernard, vint s’y consacrer à la retraite avec trente compagnons qu’il avait gagnés à Dieu, et qu’il conduisit à Cîteaux, comme de précieuses dépouilles qu’il enlevait au monde, en le quittant. Bernard naquit au château de Fontaines, en Bourgogne. Comme il réunissait dans sa personne les grâces extérieures du corps et les plus rares qualités de l’esprit, on avait conçu de lui les plus belles espérances. Tout lui riait à son entrée dans le monde, mais il forma la résolution généreuse de sacrifier tout à Dieu. Ses frères et ses amis s'étant aperçus de son dessein, firent tous leurs efforts pour l’en détourner; mais il s’y affermit davantage, et il vint à bout d’inspirer la même résolution à ceux qui s`y étaient montrés les plus opposés.
Il fut suivi à Cîteaux de tous ses frères, excepté du dernier qu’il laissa à son père pour la consolation de sa vieillesse. Au moment de leur départ, l’aîné, voyant dans la rue leur jeune frère, qui jouait avec d'autres enfants : « Vous serez; lui dit il, l’unique héritier de notre maison; nous vous laissons tous nos biens. Oui, répondit l’enfant, les biens du ciel sont pour vous, et ceux de la terre sont pour moi, le partage n'est pas égal. »
Il resta pour lors; mais dans la suite il vint se réunir à ses frères. Dès que Bernard fut entré à Cîteaux, on vit briller en lui les plus sublimes vertus; il s’appliqua tellement à mortifier tous ses sens, qu’il semblait être devenu un homme tout spirituel; il se reprochait la nourriture qu’il était obligé de prendre, et le repas était pour lui un tourment. Son recueillement y avait été si profond, qu’après avoir demeuré un an entier dans la chambre des novices, il en sortit sans savoir comment elle était construite.
St-Bernard de Clairvaux
Il veillait une grande partie de la nuit, regardant comme perdu le temps qu’il accordait au sommeil. Il soutenait par son exemple la ferveur de ses compagnons, et il ranimait la sienne, en se rappelant les motifs de sa conversion, et en se disant souvent à lui-même, Bernard, à quel dessein es-tu venu ici? Ces courtes paroles lui inspiraient un nouveau courage pour remplir les devoirs de la vie religieuse.
108 - Saint Bernard est fait abbé de Clairvaux.
L’exemple de saint Bernard attira un si grand nombre de religieux dans la maison de Cîteaux, que pour la décharger on fonda plusieurs abbayes, entre autres celle de Clairvaux. Le lieu où elle fut bâtie était un désert, qu’on nommait auparavant la vallée d’absinthe, dont les bois avaient servi longtemps de retraite aux voleurs. Elle devint alors la demeure des saints. Bernard en fut établi abbé, et il y conduisit douze religieux, mais le nombre s’accrut bientôt considérablement.
Saint-Bernard, abbé de Clairvaux
Le saint abbé avait coutume de dire à ceux qu’il admettait parmi les novices: « Si vous voulez entrer ici, laissez à la porte le corps que vous avez apporté du siècle, elle n'est ouverte que pour l’âme seule.» En effet, la règle qu’on y observait était extrêmement austère. Comme le monastère était d’abord fort pauvre, l’on n’y mangeait que du pain mêlé d'orge et de millet, le potage était fait avec des feuilles de hêtre cuites. Malgré cette chétive nourriture, ces saints solitaires vivaient contents, l’amour de la pénitence assaisonnait ces mets grossiers. On ne connaissait à Clairvaux d‘autres exercices que la prière et le travail des mains.
Abbaye de Clairvaux
Quoique la communauté fût nombreuse, le silence de la nuit y régnait pendant le jour. Ce silence imprimait un tel respect aux séculiers, qu’ils n’osaient eux-mêmes tenir aucun discours profane en ce saint lieu. On y voyait des hommes qui, après avoir été riches et honorés dans le monde, se glorifiaient dans la pauvreté de Jésus-Christ, qui souffraient avec joie la fatigue du travail, la faim , la soif, le froid , les humiliations. Le saint abbé était partout à leur tête, et il en faisait lui-même plus qu’il n’en exigeait d’eux. Il avait une si haute idée de la vie religieuse, que dans le commencement de son gouvernement il était choqué des moindres imperfections que l’on ne peut absolument éviter en cette vie, et qu’il voulait ne trouver que des anges dans ceux qu’il conduisait; mais Dieu lui fit connaître qu'il se trompait, et il sut dans la suite se proportionner aux faiblesses de l’humanité, et conduire ses religieux à la perfection par des routes différentes, selon les différentes mesures de grâces qu’il reconnaissait en eux.
Saint Bernard sanctifia toute sa famille, il avait avec lui tous ses frères; Tescelin, son père, vint aussi dans sa vieillesse prendre l'habit monastique à Clairvaux. Il ne lui restait plus dans le monde qu’une sœur mariée et fort attachée au siècle. Cependant, ayant eu envie de voir son frère, elle vint au monastère, superbement parée, et avec une suite nombreuse. Le saint abbé refusa de la voir en cet état. Ce refus la remplit de honte et de componction : « Quoique je ne sois, dit-elle, qu’une pécheresse, Jésus-Christ est mort pour moi. Si mon frère méprise mon corps, que le serviteur de Dieu ne méprise pas mon âme. Qu’il vienne, qu’il ordonne, je suis prête à obéir. » Alors saint Bernard vint la voir; elle fut si touchée de ses entretiens, qu’elle renonça à la vanité, et que deux ans après, ayant obtenu le consentement de son mari, elle entra au monastère de Jully, qui venait d’être fondé pour les femmes, où elle mourut saintement.
L’Église, qui venait d'enfanter dans l`Orient une société de héros religieux, vit avec une nouvelle consolation, se former en France plusieurs ordres nouveaux, destinés à produire des biens d’un autre genre. Saint Norbert de Xanten parut suscité de Dieu pour donner aux ecclésiastiques un parfait modèle des vertus de leur état, par l’établissement des chanoines réguliers, dont il fut le père. Il était né dans le duché de Clèves, d’une famille distinguée par sa noblesse. Placé de bonne heure dans le clergé, il ne connut pas d’abord la sainteté de sa vocation. Il avait été pourvu de plusieurs bénéfices, dont le revenu était employé au luxe et à la vanité; mais Dieu, qui confiait en faire un vase d`élection, le terrassa, comme autrefois saint Paul, pour le relever plus glorieusement.
Saint-Norbert fondateur de l`ordre des Prémontrés vers l`an 1120
Un jour que Norbert passait cheval dans une agréable prairie, il survint un grand orage, et la foudre tomba aux pieds du cheval, qui s’abattit et renversa son cavalier à demi-mort. Norbert resta près d’une heure privé de sentiment; mais enfin étant revenu à lui, il s’écria comme Saül : «Seigneur, que voulez-vous que je fasse?» Dieu lui répondit intérieurement qu’il devait mener une vie digne de l'état qu’il avait embrassé. Alors il changea entièrement de conduite, il quitta ses habits précieux, et se revêtit d’un rude cilice, il renonça à tous les bénéfices qui possédait, vendit son patrimoine, en distribua le prix aux pauvres, et vint nu-pieds trouver le pape Calixte II, qui tenait alors un concile à Reims. Le pape lui fit un accueil favorable, et chargea l`évêque de Laon d’en prendre soin.
Ordre des Prémontrés ( les moines blancs)
Cet évêque, après la fin du concile, emmena Norbert avec lui à Laon, et l’y retint pendant l’hiver, afin de lui laisser le temps de rétablir sa santé que ses austérités avaient fort affaiblie. Comme Norbert lui témoignait souvent le désir qu’il avait de se retirer dans la solitude, le prélat, qui voulait le retenir dans son diocèse, le menait en divers lieux, afin qu’il choisit celui qui lui conviendrait le plus. Le saint s’arrêta à un endroit fort solitaire, nommé Prémontré, et établit sa demeure. Ses prédications et la sainteté de sa vie lui attirèrent bientôt des disciples, en peu de temps il eut avec lui quarante ecclésiastiques et plusieurs laïques, qui tous paraissaient remplis de son esprit, et qui s`efforçaient d’imiter ses vertus. Alors Norbert songes à choisir une règle. Après avoir délibéré pendant quelque temps, il se détermina pour celle de saint Augustin.
Abbaye de Prémontré vers 1700
Tous ses disciples en firent une profession solennelle, avec promesse de stabilité. Le saint fondateur alla ensuite à Rome, pour demander au souverain Pontife la confirmation de son ordre. Le pape Honorius lui accorda ce qu’il désirait; et Dieu bénit cet institut naissant, qui se répandit bientôt dans tout le monde chrétien. C’était partout un empressement merveilleux de s’engager dans ce saint ordre. Thibaut, comte de Champagne, touché des discours et des vertus du saint fondateur, conçut le dessein de quitter le monde, il vint offrir à Norbert sa personne et tout ce qu’il possédait; mais le saint, qui cherchait moins sa gloire et l’avantage de son ordre, que le bien général de l’Église, lui conseilla de rester dans le siècle, où il pouvait être plus utile, en faisant servir et honorer Dieu par ses vassaux.
Il est bon de remarquer combien l’origine des ordres religieux a été pure. La vie austère, le désintéressement de ceux qui s’y dévouèrent, montrent qu’ils étaient très éloignés de solliciter des donations. Leurs travaux immenses pour défricher des terres jusqu’alors incultes, une administration sage et active, ont été la principale source de leurs richesses.
106 - Saint Norbert est élu archevêque de Magdebourg.
DIEU, qui avait élevé saint Norbert à un si haut degré de sainteté, le destinait à gouverner un grand peuple, et à édifier toute l’Allemagne. Obligé d’y faire un voyage pour des affaires importantes, Norbert arriva à Spire, lorsque l’empereur Lothaire y tenait une assemblée pour élire un archevêque de Magdebourg.
Lothaire de Supplinbourg, ( le Saxon) empereur du St-Empire romain germanique de 1125 a 1137.
On l’invita à prêcher. Il le fit avec tant de succès, que les députés de l’Église de Magdebourg le proposèrent pour le siège vacant, et sans lui donner le temps de se reconnaître, ils se saisirent de sa personne, en criant : «Voici notre Évêque! voici notre Père !» Ils le présentèrent à l'empereur qui applaudit à ce choix avec tous les assistants. Après que le légat du pape, qui était présent, eut confirmé l’élection, on emmena le nouvel archevêque à Magdebourg. Dès que Norbert aperçut la ville dont il devenait le pasteur, il voulut faire le reste du chemin nu-pieds.
La ville de Magdebourg en Allemagne
A son entrée dans la ville il se fit un grand concours de peuple, pour voir un si saint homme; la joie était universelle ; on le conduisit en procession à l’église, et de l’église au palais archiépiscopal. Il était vêtu fort pauvrement, et il n’avait rien à l’extérieur qui le distinguât. Quand il se présenta pour entrer dans le palais, le portier, qui ne le connaissait pas, le prit pour un pauvre, et le repoussa brusquement, en lui disant :« Il y a longtemps que les autres pauvres sont entrés; retirez-vous et n’incommodez pas ces seigneurs. » Tout le monde cria au portier : « Que fais-tu, malheureux? c’est l’archevêque, c’est ton maître que tu rebutes. » Le portier confus de sa méprise, voulut se cacher; mais le saint archevêque l’arrêta et lui dit en souriant : « Ne craignez rien, mon ami, je ne vous en sais point mauvais gré : vous me connaissez mieux que ceux qui me forcent à habiter un palais, peu convenable à un pauvre tel que moi. »
Il gouverna son diocèse avec un zèle infatigable; mais il eut beaucoup à souffrir. L’Église de Magdebourg était tombée dans un grand relâchement : il s’appliqua à y établir une exacte réforme. Ses efforts furent heureux à l’égard de plusieurs; mais il se fit des ennemis de ceux qu’il ne put gagner. « Pourquoi, disaient-ils, avons-nous appelé cet étranger, dont les mœurs sont si contraires aux nôtres»
St-Norbert, Archevêque de Magdebourg
Ils le chargeaient d’injures, et tâchaient de décrier parmi le peuple. Leur fureur alla même jusqu’à chercher les moyens de lui ôter la vie. Norbert souffrait tout avec une patience inaltérable ; et à cette occasion, il disait à ses amis : « Est-il étonnant que le démon ( l`ange déchu) se déchaîne contre moi, lui qui a osé attenter à la vie de Jésus-Christ, notre chef? » Sa charité, sa douceur, et sa persévérance triomphèrent enfin de tous les obstacles. Il mourut accablé d'austérités et de fatigues, après avoir rempli tous les devoirs d’un bon pasteur.
107 - Fondation de l'ordre de Cîteaux. Année 1110.
L'ordre de Cîteaux fut établi vers le même temps que celui de Prémontré, et il ne fut pas moins célèbre, ni moins utile à l'Église. Saint Robert, qui le fonda, avait embrassé l’état religieux dès l'âge de quinze ans. Dans le dessein de garder une retraite plus exacte, et de pratiquer la règle de saint Benoît, sans aucun adoucissement, il alla s’établir, avec quelques compagnons de sa ferveur, dans la forêt de Cîteaux, à cinq lieues de Dijon, c’était un désert dont la vue seule faisait horreur, et qui n’était habité que par des bêtes sauvages; mais plus cette solitude était affreuse à la nature, plus elle leur paraissait propre au désir qu'ils avaient de se cacher, et de ne vivre que pour Dieu.
St-Robert de Molesme, St-Alberic et St-Étienne s`installent à Cîteaux vers 1110
Ils se mirent à défricher la terre, et il y bâtirent des cellules de bois pour se loger. C’était plutôt un amas de cabanes qu’un monastère. Là, ces saint religieux immolaient sans cesse leurs corps à Dieu par les rigueurs de la pénitence, et leurs cœurs par le feu de la charité. Souvent ils manquaient de pain, parce que le travail ne suffisait pas pour leur procurer le nécessaire; cependant, ils refusèrent les riches présents que le duc de Bourgogne voulait leur faire, tant ils estimaient la pauvreté. Quoique ce nouvel institut fût très renommé par sa ferveur, il demeura plusieurs années sans faire de progrès sensibles. C’était un arbre qui jetait de profondes racines, avant de s’élever et d’étendre ses branches.
Abbaye de Cîteaux au Moyen-Âge
Dieu prit plaisir à le relever par tout ce que la vertu peut avoir de plus éclatant aux yeux des hommes. Un jeune seigneur, nommé Bernard, vint s’y consacrer à la retraite avec trente compagnons qu’il avait gagnés à Dieu, et qu’il conduisit à Cîteaux, comme de précieuses dépouilles qu’il enlevait au monde, en le quittant. Bernard naquit au château de Fontaines, en Bourgogne. Comme il réunissait dans sa personne les grâces extérieures du corps et les plus rares qualités de l’esprit, on avait conçu de lui les plus belles espérances. Tout lui riait à son entrée dans le monde, mais il forma la résolution généreuse de sacrifier tout à Dieu. Ses frères et ses amis s'étant aperçus de son dessein, firent tous leurs efforts pour l’en détourner; mais il s’y affermit davantage, et il vint à bout d’inspirer la même résolution à ceux qui s`y étaient montrés les plus opposés.
Il fut suivi à Cîteaux de tous ses frères, excepté du dernier qu’il laissa à son père pour la consolation de sa vieillesse. Au moment de leur départ, l’aîné, voyant dans la rue leur jeune frère, qui jouait avec d'autres enfants : « Vous serez; lui dit il, l’unique héritier de notre maison; nous vous laissons tous nos biens. Oui, répondit l’enfant, les biens du ciel sont pour vous, et ceux de la terre sont pour moi, le partage n'est pas égal. »
Il resta pour lors; mais dans la suite il vint se réunir à ses frères. Dès que Bernard fut entré à Cîteaux, on vit briller en lui les plus sublimes vertus; il s’appliqua tellement à mortifier tous ses sens, qu’il semblait être devenu un homme tout spirituel; il se reprochait la nourriture qu’il était obligé de prendre, et le repas était pour lui un tourment. Son recueillement y avait été si profond, qu’après avoir demeuré un an entier dans la chambre des novices, il en sortit sans savoir comment elle était construite.
St-Bernard de Clairvaux
Il veillait une grande partie de la nuit, regardant comme perdu le temps qu’il accordait au sommeil. Il soutenait par son exemple la ferveur de ses compagnons, et il ranimait la sienne, en se rappelant les motifs de sa conversion, et en se disant souvent à lui-même, Bernard, à quel dessein es-tu venu ici? Ces courtes paroles lui inspiraient un nouveau courage pour remplir les devoirs de la vie religieuse.
108 - Saint Bernard est fait abbé de Clairvaux.
L’exemple de saint Bernard attira un si grand nombre de religieux dans la maison de Cîteaux, que pour la décharger on fonda plusieurs abbayes, entre autres celle de Clairvaux. Le lieu où elle fut bâtie était un désert, qu’on nommait auparavant la vallée d’absinthe, dont les bois avaient servi longtemps de retraite aux voleurs. Elle devint alors la demeure des saints. Bernard en fut établi abbé, et il y conduisit douze religieux, mais le nombre s’accrut bientôt considérablement.
Saint-Bernard, abbé de Clairvaux
Le saint abbé avait coutume de dire à ceux qu’il admettait parmi les novices: « Si vous voulez entrer ici, laissez à la porte le corps que vous avez apporté du siècle, elle n'est ouverte que pour l’âme seule.» En effet, la règle qu’on y observait était extrêmement austère. Comme le monastère était d’abord fort pauvre, l’on n’y mangeait que du pain mêlé d'orge et de millet, le potage était fait avec des feuilles de hêtre cuites. Malgré cette chétive nourriture, ces saints solitaires vivaient contents, l’amour de la pénitence assaisonnait ces mets grossiers. On ne connaissait à Clairvaux d‘autres exercices que la prière et le travail des mains.
Abbaye de Clairvaux
Quoique la communauté fût nombreuse, le silence de la nuit y régnait pendant le jour. Ce silence imprimait un tel respect aux séculiers, qu’ils n’osaient eux-mêmes tenir aucun discours profane en ce saint lieu. On y voyait des hommes qui, après avoir été riches et honorés dans le monde, se glorifiaient dans la pauvreté de Jésus-Christ, qui souffraient avec joie la fatigue du travail, la faim , la soif, le froid , les humiliations. Le saint abbé était partout à leur tête, et il en faisait lui-même plus qu’il n’en exigeait d’eux. Il avait une si haute idée de la vie religieuse, que dans le commencement de son gouvernement il était choqué des moindres imperfections que l’on ne peut absolument éviter en cette vie, et qu’il voulait ne trouver que des anges dans ceux qu’il conduisait; mais Dieu lui fit connaître qu'il se trompait, et il sut dans la suite se proportionner aux faiblesses de l’humanité, et conduire ses religieux à la perfection par des routes différentes, selon les différentes mesures de grâces qu’il reconnaissait en eux.
Saint Bernard sanctifia toute sa famille, il avait avec lui tous ses frères; Tescelin, son père, vint aussi dans sa vieillesse prendre l'habit monastique à Clairvaux. Il ne lui restait plus dans le monde qu’une sœur mariée et fort attachée au siècle. Cependant, ayant eu envie de voir son frère, elle vint au monastère, superbement parée, et avec une suite nombreuse. Le saint abbé refusa de la voir en cet état. Ce refus la remplit de honte et de componction : « Quoique je ne sois, dit-elle, qu’une pécheresse, Jésus-Christ est mort pour moi. Si mon frère méprise mon corps, que le serviteur de Dieu ne méprise pas mon âme. Qu’il vienne, qu’il ordonne, je suis prête à obéir. » Alors saint Bernard vint la voir; elle fut si touchée de ses entretiens, qu’elle renonça à la vanité, et que deux ans après, ayant obtenu le consentement de son mari, elle entra au monastère de Jully, qui venait d’être fondé pour les femmes, où elle mourut saintement.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
109- Célébrité de Saint Bernard.
Saint Bernard devenait de jour en jour plus célèbre par ses talents et par ses vertus, qui furent bientôt récompensés du don des miracles. Le premier se fit en faveur d’un gentilhomme, parent du saint abbé. Ce gentilhomme tomba malade, et perdit tout-à-coup la connaissance et la parole. Sa famille était fort alarmée, parce que le malade avait autrefois commis des injustices. On appela saint Bernard, qui assura que la connaissance reviendrait au malade, si l’on réparait les torts qui avaient été faits. On fit aussitôt la réparation, et le saint abbé alla offrir le saint sacrifice. Avant que la messe fût achevée, le malade commença à parler librement, et demanda à se confesser. Il fit en effet sa confession, en répandant beaucoup de larmes; il reçut les sacrements, et trois jours après il mourut dans de grands sentiments de pénitence.
Une femme vint un jour trouver le saint abbé, et lui présenta son enfant, dont la main était desséchée, et le bras tourné depuis sa naissance. Saint Bernard eut compassion de cette femme, et lui dit de mettre cet enfant à terre; puis, ayant adressé à Dieu une prière fervente, il fit: le signe de la croix sur les bras de l’enfant, qui fut guéri à l`instant, et courut embrasser sa mère. Le bruit de ces miracles s`étant répandu, on lui amenait de fort loin des malades de toute espèces, des paralytiques; et il les guérissait en les touchant, ou en faisant sur eux le signe de la croix; les conversions qu’il opéra n’étaient pas des prodiges moins surprenants. On ne résistait point à son éloquence persuasive, ou plutôt à l’esprit divin qui l’animait.
Saint Bernard préside le chapitre de Clairvaux
Une troupe de jeunes seigneurs, qui allaient chercher des fêtes et des divertissements, eurent la curiosité de voir, en passant, la maison de Clairvaux. Le saint abbé les reçut avec bonté; et pour les détourner des plaisirs dangereux où ils couraient, il les invita à y demeurer quelques jours, jusqu'au carême, qui était proche; mais il ne put rien gagner sur eux. «J’espère, leur dit-il, que Dieu m’accordera ce que vous me refusez.»
En même temps il leur fit présenter de la bière, et les exhorta à boire à la santé de leurs âmes. Ils le firent en riant, et partirent ensuite; mais à peine étaient-ils à quelque distance du monastère, que se rappelant ce que saint Bernard leur avait dit, ils se sentirent changés; ils retournèrent à Clairvaux, et y embrassèrent tous la vie religieuse.
La réputation de saint Bernard fit naître à plusieurs Églises le désir de l’avoir pour pasteur; on lui offrit l’archevêché de Milan, celui de Reims, l’évêché de Langres et celui de Châlons. Il refusa constamment toutes ces dignités; et le respect que les souverains pontifes avaient pour sa vertu, les empêche toujours de faire violence à sa modestie. L’humble solitaire ne cherchait qu’à s’ensevelir dans la retraite, qu’à instruire ses religieux, et à s’instruire lui-même des voies de Dieu; mais le crédit que ses lumières et sa sainteté lui donnaient, troubla souvent sa solitude.
St-Bernard de Clairvaux
On avait recours à lui de toutes les provinces, et son zèle l’obligeait de prendre part à toutes les affaires de l’Église. Il était tout à la fois le refuge des malheureux, le défenseur des opprimés, le fléau des hérétiques, l'oracle des souverains pontifes, le conseil des évêques et des rois; en un mot, l'homme de l'Église, toujours prêt à en soutenir les droits, à en défendre l'unité, à en combattre les ennemis.
110 - Saint Bernard prêche la deuxième Croisade : sa mort. Année 1146.
Saint Bernard fut employé ensuite dans une affaire, qui lui attira bien des reproches, et qui exerça sa patience. La Terre-Sainte était dans le plus grand danger de retomber au pouvoir des Infidèles, qui s'étaient déjà emparés de la ville d'Édesse, et y avaient fait un horrible massacre des Chrétiens.
La ville d`Édesse, au nord-est d`Antioche est prise par les musulmans
Le roi de Jérusalem demandait du secours aux princes d'occident. Le pape, alarmé de la triste situation où se trouvait la Palestine, entreprit de rallumer dans le cœur des Chrétiens la même ardeur que cinquante ans auparavant Urbain II y avait excitée. Il écrivit, à ce sujet, au roi de France une lettre, par laquelle il exhortait tous les Français à prendre les armes pour la défense de la Religion. Saint Bernard fut chargé de prêcher la croisade. Le roi l'y avait déjà invité, le pape lui en avait écrit; mais le saint abbé ne put s'y résoudre qu'après en avoir reçu un ordre formel. Alors il le fit, non seulement en France , mais encore en Allemagne, avec un succès prodigieux.
St-Bernard prêche la Croisade devant le roi de France Louis VII
Sa prédication fut soutenue par des miracles, et une foule de seigneurs demandèrent la croix avec un tel empressement, qu'il semblait que toute l'Europe dût passer en Asie. Quoiqu’on eût préparé un grand nombre de croix, comme il n'y en avait point encore assez pour la multitude de ceux qui se présentaient, le saint abbé fut obligé de mettre en pièces une partie de ses habits, pour en faire des croix. Le roi Louis-le-Jeune, qui donna à ses sujets l’exemple de prendre la croix, en la prenant lui-même le premier, se disposa à marcher en personne à la tête de son armée.
L’empereur Conrad, qui était aussi de cette expédition, prit les devants, et se mit en route à l’Ascension de l’année 1147. Son armée était composée de soixante-dix mille cavaliers cuirassés, sans compter la cavalerie légère et l‘infanterie, qui était innombrable. L’armée du roi de France, qui se mit en marche quinze jours après l’empereur, n`y était pas moins considérable; mais presque tout périt par la mauvaise conduite des croisés, qu’il ne fut pas possible d’assujettir au frein de la discipline militaire.
Conrad III de Hohenstaufen, empereur du St-Empire Romain Germanique part pour la croisade
Quand ils furent arrivés sur les terres de l'empire grec, ils y commirent des désordres qui donnèrent de la défiance à Manuel, empereur de Constantinople. Ce prince, qui craignait pour ses États, résolut de faire périr les croisés; il leur donna des guides infidèles, qui les conduisirent dans des déserts de l’Asie mineure, où ils tombèrent entre les mains des ennemis. Ce ne fut qu’avec beaucoup de peine que Louis et Conrad firent passer jusqu’en Syrie les débris de leurs armées. Ils y formèrent le siège de Damas; mais ils furent obligés de le lever et de reprendre le chemin de l’Europe.
Telle fut la fin de cette malheureuse expédition, ou périrent les deux plus belles armées qu’on eût vues depuis longtemps. Dans le chagrin qu’excita une si grande perte, on éclata en murmures contre saint Bernard, qui avait prêché la croisade, et qui en avait fait espérer un heureux succès; mais il se justifia, en disant que les croisés avaient attiré la colère de Dieu par leurs désordres, et empêché l’exécution de ses promesses, comme autrefois les Israélites dans le désert avaient été exclus de la Terre promise, à cause de leurs crimes. Déjà épuisé de fatigues et d’austérités, il ne survécut pas longtemps à cette disgrâce. On regarde saint Bernard comme le dernier des Pères de l’Église; ses vertus éminentes et ses talents extraordinaires l’élevèrent au-dessus de tous les éloges.
111 - Institution de l'ordre des Trinitaires. Année 1160
Peu de temps après la mort de saint Bernard, la France vit s’élever dans son sein un nouvel établissement très-utile à l’Église et infiniment glorieux pour la Religion. Pendant les croisades, un grand nombre de Chrétiens avaient été faits prisonniers par les Infidèles; ils gémissaient dans les fers, exposés au danger de perdre la Foi, lorsqu’un saint prêtre se sentit inspiré de Dieu pour travailler à les délivrer. Jean de Matha ( c’était son nom), né en Provence, de parents vertueux, avait reçu une éducation chrétienne, et la grâce avait fortifié ses heureuses inclinations.
St-Jean de Matha, fondateur de l`ordre des Trinitaires ( Ordre de la Très Sainte Trinité) dévoué a libérer les chrétiens gardés en esclavage après les razzias menées par les musulmans en mer et sur les côtes européenne de la Méditerranée.
L'étude et la prière étaient les occupations ordinaires de son enfance; il ne connaissait d’autres récréations que les lectures de piété; dès sa jeunesse, il affligeait son corps par les jeûnes et d’autres mortifications, et il distribuait en aumônes tout l’argent que ses parents lui donnaient. Après ses premières études, il se retira pendant quelque temps dans un ermitage voisin, pour y vivre dans une application continuelle à Dieu; mais se trouvant trop exposé aux visites de sa famille, il vint à Paris, où il étudia en théologie, et parvint au doctorat.
Maurice de Sully, évêque de Paris, informé de sa science et de sa piété, l’ordonna prêtre. Ce fut en célébrant pour la première fois le saint sacrifice de la messe, qu'il connut, par un attrait intérieur, les desseins que Dieu avait sur lui. Aussitôt le saint prêtre se disposa à remplir sa vocation par la retraite et parles exercices de la pénitence. Ayant entendu parler d’un solitaire, qui s’appelait Félix de Valois, et qui vivait dans le diocèse de Meaux, au lieu nommé Gerfroi, il alla le trouver, et lui fit part de son dessein.
St-Jean de Matha et St-Félix de Valois
Ils formèrent ensemble le plan d’une société religieuse, dont l’objet serait la délivrance des captifs. Ils allèrent tous deux à Rome, et ils exposèrent ce projet au pape Innocent III, qui l’approuva par une bulle Solennelle, et l’érigea en institut religieux, sous le nom de la Sainte Trinité, pour la rédemption des captifs. Revenus en France, ils fondèrent le premier monastère de l'ordre dans le lieu où était l’ermitage de Félix de Valois. Leur vie était si sainte, la fin du nouvel institut était si noble, l’œuvre qu’on y exerçait si respectable, qu'ils s’attirèrent bientôt l’estime et la vénération des Fidèles.
Aussi y vint en en foule, et le nombre de ceux qui demandaient à être admis dans la communauté augmentait de jour en jour. Le saint fondateur fut obligé de bâtir plusieurs monastères, et l'on s’empressait à y contribuer par de pieuses libéralités. Alors il commença l'œuvre particulière de charité à laquelle il s’était dévoué. Il envoya en Afrique deux de ses religieux, qui, pour la première fois, retirèrent des mains des Infidèles cent quatre-vingt six esclaves. Jean fit lui-même plusieurs voyages en Espagne (musulmane) et en Barbarie, et procura la liberté à cent vingt captifs. Il essuya, dans ses différents voyages, les plus grandes traverses, et courut des dangers de toutes espèces; mais rien ne put arrêter l’activité de son zèle.
Arrivée d`esclaves chrétiens en Afrique du Nord a Alger après un raid en 1706
Malgré tant de fatigues, il ne diminua en rien ses austérités. Enfin, sentant ses forces épuisées, il se retira à Rome, où il passa les deux dernières années de sa vie à visiter les prisonniers, à assister les malades et à soulager les pauvres. Ce n`est que dans la Religion chrétienne, que l’on trouve des exemples de cette charité généreuse, qui sacrifie son repos, sa santé, et expose sa vie pour le bonheur des autres. Une sensibilité naturelle, une bienfaisance toute humaine peut bien opérer quelques légers sacrifices; mais elle n’est pas capable de cet héroïsme, qui fait ainsi mépriser les travaux, les dangers et la mort; il faut , pour l’inspirer, pour le nourrir, et pour le perpétuer, des motifs plus puissants, et des encouragements d’une toute autre force.
112 - Martyre de saint Thomas de Cantorbéry en Angleterre. Année 1170.
L’Église que St Jean de Matha honorait en France par sa charité, fut glorifiée en Angleterre par la fermeté épiscopale et par le martyre de St Thomas de Cantorbéry. Né à Londres en 1117, il se montra dès sa jeunesse doué de qualités excellentes; il était parvenu à la dignité de chancelier d’Angleterre, et à la plus haute faveur auprès du roi Henri II. Le siège de Cantorbéry étant venu à vaquer, le roi voulut y placer son chancelier.
Henri II Plantagenet roi d`Angleterre (1133 à 1189)
Thomas résistait, et faisait entendre au roi que s’il devenait archevêque, il ne manquerait pas d’encourir sa disgrâce parce qu’il se croirait obligé de s'opposer à certains abus qui régnaient en Angleterre. Henri n’eut point d’égard à ces représentations, et le fit élire archevêque par le chapitre de Cantorbéry. Ce que le saint prélat avait prévu arriva. Le roi s’appropriait le revenu des bénéfices, lorsqu`ils étaient vacants, et il différait d’y nommer pour en prolonger la vacance. Thomas s’éleva avec force contre cet abus. Il s’opposa aussi aux entreprises des juges laïques, qui, au mépris des immunités de I ’Église en Angleterre, citaient les personnes ecclésiastiques à leur tribunal.
St-Thomas Becket – Archevêque d`Angleterre et Martyr
Enfin il montra un zèle intrépide contre les seigneurs et les officiers qui opprimaient l’Église et en usurpaient les biens. Henri en fut irrité, et il exigea que les évêques fîssent serment de maintenir toutes les coutumes du royaume. Le saint archevêque comprit que, sous le nom de «Coutumes», le prince entendait les abus dont on vient de parler, il refusa le serment. Dès lors il essuya une persécution ouverte, au point que sa vie était en danger, et qu’il se vit obligé de passer en France. Il députa à Louis VII deux de ceux qui l’avaient accompagné dans sa fuite, pour lui demander un asile dans ses états. Au récit qu’ils firent de tout ce que leur maître avait souffert, ce prince leur dit avec bonté : «Comment le roi d'Angleterre a t-il oublié ces paroles du Psalmiste : Mettez-vous en colère et ne péchez point.» —— «Sire, lui répondit un des députés, il s’est serait peut-être souvenu s’il assistait à l’office aussi souvent que votre majesté. » Le roi sourit, et promit sa protection à l’archevêque, en ajoutant: « Il est de l’ancienne dignité de la couronne de France, que les justes persécutés, et surtout les ministres de l’Église, trouvent secours et sûreté dans le royaume. »
Il travailla ensuite, de concert avec le pape, à réconcilier le saint archevêque avec Henri. Sur la foi de cette réconciliation, Thomas retourna en Angleterre; mais il n’y avait pas encore trois mois qu’il était de retour, lorsque le roi s’emporta de nouveau contre lui, et dit dans un transport de colère : «Quoi! n’y aura-t-il donc personne pour me venger d’un prêtre qui trouble tout mon royaume?» Ces paroles furent un arrêt de mort contre le saint prélat. Aussitôt quatre officiers du prince formèrent l’horrible complot de tuer l’archevêque. Ils se rendirent secrètement à Cantorbéry, et le massacrèrent dans son église.
Henri ayant appris ce meurtre, en fut consterné. Il protesta avec serment qu’il ne l’avait jamais ordonné : il resta trois jours enfermé dans sa chambre presque sans manger, et sans recevoir aucune consolation; il consentit à subir la pénitence qui lui serait imposée. Dieu ne tarda pas à manifester la sainteté de son serviteur par un grand nombre de miracles opérés sur son tombeau et par les châtiment terribles qu’il exerça sur Henri, jusqu'à ce que ce prince eût apaisé la colère divine par une pénitence publique exemplaire.
Saint Bernard devenait de jour en jour plus célèbre par ses talents et par ses vertus, qui furent bientôt récompensés du don des miracles. Le premier se fit en faveur d’un gentilhomme, parent du saint abbé. Ce gentilhomme tomba malade, et perdit tout-à-coup la connaissance et la parole. Sa famille était fort alarmée, parce que le malade avait autrefois commis des injustices. On appela saint Bernard, qui assura que la connaissance reviendrait au malade, si l’on réparait les torts qui avaient été faits. On fit aussitôt la réparation, et le saint abbé alla offrir le saint sacrifice. Avant que la messe fût achevée, le malade commença à parler librement, et demanda à se confesser. Il fit en effet sa confession, en répandant beaucoup de larmes; il reçut les sacrements, et trois jours après il mourut dans de grands sentiments de pénitence.
Une femme vint un jour trouver le saint abbé, et lui présenta son enfant, dont la main était desséchée, et le bras tourné depuis sa naissance. Saint Bernard eut compassion de cette femme, et lui dit de mettre cet enfant à terre; puis, ayant adressé à Dieu une prière fervente, il fit: le signe de la croix sur les bras de l’enfant, qui fut guéri à l`instant, et courut embrasser sa mère. Le bruit de ces miracles s`étant répandu, on lui amenait de fort loin des malades de toute espèces, des paralytiques; et il les guérissait en les touchant, ou en faisant sur eux le signe de la croix; les conversions qu’il opéra n’étaient pas des prodiges moins surprenants. On ne résistait point à son éloquence persuasive, ou plutôt à l’esprit divin qui l’animait.
Saint Bernard préside le chapitre de Clairvaux
Une troupe de jeunes seigneurs, qui allaient chercher des fêtes et des divertissements, eurent la curiosité de voir, en passant, la maison de Clairvaux. Le saint abbé les reçut avec bonté; et pour les détourner des plaisirs dangereux où ils couraient, il les invita à y demeurer quelques jours, jusqu'au carême, qui était proche; mais il ne put rien gagner sur eux. «J’espère, leur dit-il, que Dieu m’accordera ce que vous me refusez.»
En même temps il leur fit présenter de la bière, et les exhorta à boire à la santé de leurs âmes. Ils le firent en riant, et partirent ensuite; mais à peine étaient-ils à quelque distance du monastère, que se rappelant ce que saint Bernard leur avait dit, ils se sentirent changés; ils retournèrent à Clairvaux, et y embrassèrent tous la vie religieuse.
La réputation de saint Bernard fit naître à plusieurs Églises le désir de l’avoir pour pasteur; on lui offrit l’archevêché de Milan, celui de Reims, l’évêché de Langres et celui de Châlons. Il refusa constamment toutes ces dignités; et le respect que les souverains pontifes avaient pour sa vertu, les empêche toujours de faire violence à sa modestie. L’humble solitaire ne cherchait qu’à s’ensevelir dans la retraite, qu’à instruire ses religieux, et à s’instruire lui-même des voies de Dieu; mais le crédit que ses lumières et sa sainteté lui donnaient, troubla souvent sa solitude.
St-Bernard de Clairvaux
On avait recours à lui de toutes les provinces, et son zèle l’obligeait de prendre part à toutes les affaires de l’Église. Il était tout à la fois le refuge des malheureux, le défenseur des opprimés, le fléau des hérétiques, l'oracle des souverains pontifes, le conseil des évêques et des rois; en un mot, l'homme de l'Église, toujours prêt à en soutenir les droits, à en défendre l'unité, à en combattre les ennemis.
110 - Saint Bernard prêche la deuxième Croisade : sa mort. Année 1146.
Saint Bernard fut employé ensuite dans une affaire, qui lui attira bien des reproches, et qui exerça sa patience. La Terre-Sainte était dans le plus grand danger de retomber au pouvoir des Infidèles, qui s'étaient déjà emparés de la ville d'Édesse, et y avaient fait un horrible massacre des Chrétiens.
La ville d`Édesse, au nord-est d`Antioche est prise par les musulmans
Le roi de Jérusalem demandait du secours aux princes d'occident. Le pape, alarmé de la triste situation où se trouvait la Palestine, entreprit de rallumer dans le cœur des Chrétiens la même ardeur que cinquante ans auparavant Urbain II y avait excitée. Il écrivit, à ce sujet, au roi de France une lettre, par laquelle il exhortait tous les Français à prendre les armes pour la défense de la Religion. Saint Bernard fut chargé de prêcher la croisade. Le roi l'y avait déjà invité, le pape lui en avait écrit; mais le saint abbé ne put s'y résoudre qu'après en avoir reçu un ordre formel. Alors il le fit, non seulement en France , mais encore en Allemagne, avec un succès prodigieux.
St-Bernard prêche la Croisade devant le roi de France Louis VII
Sa prédication fut soutenue par des miracles, et une foule de seigneurs demandèrent la croix avec un tel empressement, qu'il semblait que toute l'Europe dût passer en Asie. Quoiqu’on eût préparé un grand nombre de croix, comme il n'y en avait point encore assez pour la multitude de ceux qui se présentaient, le saint abbé fut obligé de mettre en pièces une partie de ses habits, pour en faire des croix. Le roi Louis-le-Jeune, qui donna à ses sujets l’exemple de prendre la croix, en la prenant lui-même le premier, se disposa à marcher en personne à la tête de son armée.
L’empereur Conrad, qui était aussi de cette expédition, prit les devants, et se mit en route à l’Ascension de l’année 1147. Son armée était composée de soixante-dix mille cavaliers cuirassés, sans compter la cavalerie légère et l‘infanterie, qui était innombrable. L’armée du roi de France, qui se mit en marche quinze jours après l’empereur, n`y était pas moins considérable; mais presque tout périt par la mauvaise conduite des croisés, qu’il ne fut pas possible d’assujettir au frein de la discipline militaire.
Conrad III de Hohenstaufen, empereur du St-Empire Romain Germanique part pour la croisade
Quand ils furent arrivés sur les terres de l'empire grec, ils y commirent des désordres qui donnèrent de la défiance à Manuel, empereur de Constantinople. Ce prince, qui craignait pour ses États, résolut de faire périr les croisés; il leur donna des guides infidèles, qui les conduisirent dans des déserts de l’Asie mineure, où ils tombèrent entre les mains des ennemis. Ce ne fut qu’avec beaucoup de peine que Louis et Conrad firent passer jusqu’en Syrie les débris de leurs armées. Ils y formèrent le siège de Damas; mais ils furent obligés de le lever et de reprendre le chemin de l’Europe.
Telle fut la fin de cette malheureuse expédition, ou périrent les deux plus belles armées qu’on eût vues depuis longtemps. Dans le chagrin qu’excita une si grande perte, on éclata en murmures contre saint Bernard, qui avait prêché la croisade, et qui en avait fait espérer un heureux succès; mais il se justifia, en disant que les croisés avaient attiré la colère de Dieu par leurs désordres, et empêché l’exécution de ses promesses, comme autrefois les Israélites dans le désert avaient été exclus de la Terre promise, à cause de leurs crimes. Déjà épuisé de fatigues et d’austérités, il ne survécut pas longtemps à cette disgrâce. On regarde saint Bernard comme le dernier des Pères de l’Église; ses vertus éminentes et ses talents extraordinaires l’élevèrent au-dessus de tous les éloges.
111 - Institution de l'ordre des Trinitaires. Année 1160
Peu de temps après la mort de saint Bernard, la France vit s’élever dans son sein un nouvel établissement très-utile à l’Église et infiniment glorieux pour la Religion. Pendant les croisades, un grand nombre de Chrétiens avaient été faits prisonniers par les Infidèles; ils gémissaient dans les fers, exposés au danger de perdre la Foi, lorsqu’un saint prêtre se sentit inspiré de Dieu pour travailler à les délivrer. Jean de Matha ( c’était son nom), né en Provence, de parents vertueux, avait reçu une éducation chrétienne, et la grâce avait fortifié ses heureuses inclinations.
St-Jean de Matha, fondateur de l`ordre des Trinitaires ( Ordre de la Très Sainte Trinité) dévoué a libérer les chrétiens gardés en esclavage après les razzias menées par les musulmans en mer et sur les côtes européenne de la Méditerranée.
L'étude et la prière étaient les occupations ordinaires de son enfance; il ne connaissait d’autres récréations que les lectures de piété; dès sa jeunesse, il affligeait son corps par les jeûnes et d’autres mortifications, et il distribuait en aumônes tout l’argent que ses parents lui donnaient. Après ses premières études, il se retira pendant quelque temps dans un ermitage voisin, pour y vivre dans une application continuelle à Dieu; mais se trouvant trop exposé aux visites de sa famille, il vint à Paris, où il étudia en théologie, et parvint au doctorat.
Maurice de Sully, évêque de Paris, informé de sa science et de sa piété, l’ordonna prêtre. Ce fut en célébrant pour la première fois le saint sacrifice de la messe, qu'il connut, par un attrait intérieur, les desseins que Dieu avait sur lui. Aussitôt le saint prêtre se disposa à remplir sa vocation par la retraite et parles exercices de la pénitence. Ayant entendu parler d’un solitaire, qui s’appelait Félix de Valois, et qui vivait dans le diocèse de Meaux, au lieu nommé Gerfroi, il alla le trouver, et lui fit part de son dessein.
St-Jean de Matha et St-Félix de Valois
Ils formèrent ensemble le plan d’une société religieuse, dont l’objet serait la délivrance des captifs. Ils allèrent tous deux à Rome, et ils exposèrent ce projet au pape Innocent III, qui l’approuva par une bulle Solennelle, et l’érigea en institut religieux, sous le nom de la Sainte Trinité, pour la rédemption des captifs. Revenus en France, ils fondèrent le premier monastère de l'ordre dans le lieu où était l’ermitage de Félix de Valois. Leur vie était si sainte, la fin du nouvel institut était si noble, l’œuvre qu’on y exerçait si respectable, qu'ils s’attirèrent bientôt l’estime et la vénération des Fidèles.
Aussi y vint en en foule, et le nombre de ceux qui demandaient à être admis dans la communauté augmentait de jour en jour. Le saint fondateur fut obligé de bâtir plusieurs monastères, et l'on s’empressait à y contribuer par de pieuses libéralités. Alors il commença l'œuvre particulière de charité à laquelle il s’était dévoué. Il envoya en Afrique deux de ses religieux, qui, pour la première fois, retirèrent des mains des Infidèles cent quatre-vingt six esclaves. Jean fit lui-même plusieurs voyages en Espagne (musulmane) et en Barbarie, et procura la liberté à cent vingt captifs. Il essuya, dans ses différents voyages, les plus grandes traverses, et courut des dangers de toutes espèces; mais rien ne put arrêter l’activité de son zèle.
Arrivée d`esclaves chrétiens en Afrique du Nord a Alger après un raid en 1706
Malgré tant de fatigues, il ne diminua en rien ses austérités. Enfin, sentant ses forces épuisées, il se retira à Rome, où il passa les deux dernières années de sa vie à visiter les prisonniers, à assister les malades et à soulager les pauvres. Ce n`est que dans la Religion chrétienne, que l’on trouve des exemples de cette charité généreuse, qui sacrifie son repos, sa santé, et expose sa vie pour le bonheur des autres. Une sensibilité naturelle, une bienfaisance toute humaine peut bien opérer quelques légers sacrifices; mais elle n’est pas capable de cet héroïsme, qui fait ainsi mépriser les travaux, les dangers et la mort; il faut , pour l’inspirer, pour le nourrir, et pour le perpétuer, des motifs plus puissants, et des encouragements d’une toute autre force.
112 - Martyre de saint Thomas de Cantorbéry en Angleterre. Année 1170.
L’Église que St Jean de Matha honorait en France par sa charité, fut glorifiée en Angleterre par la fermeté épiscopale et par le martyre de St Thomas de Cantorbéry. Né à Londres en 1117, il se montra dès sa jeunesse doué de qualités excellentes; il était parvenu à la dignité de chancelier d’Angleterre, et à la plus haute faveur auprès du roi Henri II. Le siège de Cantorbéry étant venu à vaquer, le roi voulut y placer son chancelier.
Henri II Plantagenet roi d`Angleterre (1133 à 1189)
Thomas résistait, et faisait entendre au roi que s’il devenait archevêque, il ne manquerait pas d’encourir sa disgrâce parce qu’il se croirait obligé de s'opposer à certains abus qui régnaient en Angleterre. Henri n’eut point d’égard à ces représentations, et le fit élire archevêque par le chapitre de Cantorbéry. Ce que le saint prélat avait prévu arriva. Le roi s’appropriait le revenu des bénéfices, lorsqu`ils étaient vacants, et il différait d’y nommer pour en prolonger la vacance. Thomas s’éleva avec force contre cet abus. Il s’opposa aussi aux entreprises des juges laïques, qui, au mépris des immunités de I ’Église en Angleterre, citaient les personnes ecclésiastiques à leur tribunal.
St-Thomas Becket – Archevêque d`Angleterre et Martyr
Enfin il montra un zèle intrépide contre les seigneurs et les officiers qui opprimaient l’Église et en usurpaient les biens. Henri en fut irrité, et il exigea que les évêques fîssent serment de maintenir toutes les coutumes du royaume. Le saint archevêque comprit que, sous le nom de «Coutumes», le prince entendait les abus dont on vient de parler, il refusa le serment. Dès lors il essuya une persécution ouverte, au point que sa vie était en danger, et qu’il se vit obligé de passer en France. Il députa à Louis VII deux de ceux qui l’avaient accompagné dans sa fuite, pour lui demander un asile dans ses états. Au récit qu’ils firent de tout ce que leur maître avait souffert, ce prince leur dit avec bonté : «Comment le roi d'Angleterre a t-il oublié ces paroles du Psalmiste : Mettez-vous en colère et ne péchez point.» —— «Sire, lui répondit un des députés, il s’est serait peut-être souvenu s’il assistait à l’office aussi souvent que votre majesté. » Le roi sourit, et promit sa protection à l’archevêque, en ajoutant: « Il est de l’ancienne dignité de la couronne de France, que les justes persécutés, et surtout les ministres de l’Église, trouvent secours et sûreté dans le royaume. »
Il travailla ensuite, de concert avec le pape, à réconcilier le saint archevêque avec Henri. Sur la foi de cette réconciliation, Thomas retourna en Angleterre; mais il n’y avait pas encore trois mois qu’il était de retour, lorsque le roi s’emporta de nouveau contre lui, et dit dans un transport de colère : «Quoi! n’y aura-t-il donc personne pour me venger d’un prêtre qui trouble tout mon royaume?» Ces paroles furent un arrêt de mort contre le saint prélat. Aussitôt quatre officiers du prince formèrent l’horrible complot de tuer l’archevêque. Ils se rendirent secrètement à Cantorbéry, et le massacrèrent dans son église.
Henri ayant appris ce meurtre, en fut consterné. Il protesta avec serment qu’il ne l’avait jamais ordonné : il resta trois jours enfermé dans sa chambre presque sans manger, et sans recevoir aucune consolation; il consentit à subir la pénitence qui lui serait imposée. Dieu ne tarda pas à manifester la sainteté de son serviteur par un grand nombre de miracles opérés sur son tombeau et par les châtiment terribles qu’il exerça sur Henri, jusqu'à ce que ce prince eût apaisé la colère divine par une pénitence publique exemplaire.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
113 - Troisième Croisade. Année 1190.
Henri II, roi d’Angleterre, pour expier ses fautes, avait résolu d'aller en personne secourir les Chrétiens de la Palestine. Elle était alors dans la plus fâcheuse situation. Saladin, soudan d’Égypte, y était entré à la tête de cinquante mille hommes, il avait remporté une grande victoire sur les Chrétiens, et avait fait prisonniers Guy de Lusignan, roi de Jérusalem, Renaud de Châtillon, le grand maître des hospitaliers, et beaucoup d’autres seigneurs de distinction; mais la perte qui fut la plus sensible, était celle de la vraie Croix, qu’on avait portée au combat, et qui fut prise par les Infidèles.
Les croisés jettent leurs armes devant Saladin victorieux après la bataille d`Hattin en 1187
Après cette défaite de l’armée chrétienne, rien ne put arrêter les progrès des armes de Saladin, presque toutes les villes ouvrirent leurs portes au vainqueur. Il mit le siège devant Jérusalem, et s`en rendit maître. Ainsi, cette ville retomba sous la puissance des Infidèles, quatre-vingt-huit ans après qu’elle eut été conquise par les Chrétiens.
Le roi de France, Philippe-Auguste (1165-1223)
Il ne leur resta en Palestine que trois places considérables, Antioche, Tyr et Tripoli. La nouvelle de ce désastre répandit la consternation dans tout l’Occident. Le pape Urbain III en mourut de chagrin. Les rois de France et d’Angleterre, qui étaient alors en guerre, en furent si touchés, qu’ils oublièrent leur querelle particulière, pour ne songer qu’à servir la Religion. Henri II était mort avant avoir pu accomplir son vœu, et ce fut Richard ( Cœur de Lion), son fils, qui se croisa avec Philippe-Auguste.
Richard 1 ( Cœur de Lion), roi d`Angleterre (1157 – 1199)
Pour fournir aux frais de cette Croisade, on imposa sur tous les biens ecclésiastiques une taxe, que l'on nomma la dîme Saladine, parce que c’était la dixième partie du revenu, et qu'elle était destinée à faire la guerre à Saladin. Les deux rois s’embarquèrent, chacun avec son armée. Philippe arriva le premier en Palestine, et se joignit aux Chrétiens, qui faisaient depuis deux ans le siège de la ville d’Acre. Ce renfort mettait les assiégeants en état de livrer l’assaut; mais Philippe, par ménagement pour le roi d‘Angleterre, voulut attendre son arrivée, afin de partager avec lui l’honneur de prendre la ville. Elle se rendit en effet par composition, et l’un des principaux articles du traité, fut que la Croix serait remise entre les mains des Chrétiens.
La ville d`Acres remise aux mains des Chrétiens
On avait lieu d’espérer que ce premier succès serait suivi de nouvelles conquêtes; mais
la mauvaise santé de Philippe et les mécontentements qu’il avait reçus du roi d’Angleterre, le déterminèrent à repasser en France. Cependant, de peur qu’on ne l’accusât d'avoir abandonné son allié, il lui laissa dix mille hommes d’infanterie et cinq cents chevaliers, avec l'argent nécessaire pour entretenir ses troupes durant trois ans. Richard, resté seul en Palestine, avait une armée assez forte pour former quelque grande entreprise, il gagna en effet une bataille sur Saladin, et s'il eût marché droit à Jérusalem, il aurait aisément repris cette ville; mais il ne sut pas profiter de l’avantage qu’il venait de remporter, il donna à l’ennemi le temps de fortifier la place.
Le roi d`Angleterre, Richard Cœur de Lion en terre sainte
Ayant été ensuite obligé de renoncer au projet de ce siège, il partit pour venir en Europe, après avoir conclu avec Saladin une trêve de trois ans. Ainsi, tout le fruit de la troisième Croisade fut la prise de la ville d’Acre, qui devint le refuge des Chrétiens d’Orient, où ils attendirent longtemps, mais en vain, l’occasion de rétablir le royaume de Jérusalem.
114 - Quatrième Croisade. Année 1195.
Le peu de succès de la troisième Croisade n'empêcha pas qu’elle ne fût suivie d’une quatrième, peu d’années après le retour de Philippe-Auguste; mais ce prince n’y prit point de part. Cette nouvelle expédition fut entreprise par des seigneurs français et italiens, qui avaient à leur tête le marquis de Montferrat, et Baudouin, comte de Flandre.
Le Marquis Boniface de Montferrat élu à la tête de la quatrième Croisade en 1195
On était convenu de se rassemblera Venise, et la république s’était engagée à fournir des vaisseaux pour le transport des Croisés dans la Terre-Sainte. Les Vénitiens, fidèles à leurs engagements, eurent bientôt rassemblé tous les bâtiments nécessaires. Ils firent plus; ils voulurent aussi se signaler dans une guerre où la Religion était intéressée, et ils équipèrent, à leurs frais, cinquante galères pour cinq cents nobles d’entre eux, qui se joignirent aux Croisés. On attendait la saison favorable pour s’embarquer, lorsque le jeune Alexis, fils de l`empereur de Constantinople, vint implorer leurs secours en faveur de son père, qu’un usurpateur avait détrôné et renfermé dans une étroite prison, après lui avoir fait crever les yeux.
Il promettait de rétablir l’union entre les Grecs et les Latins; de fournir deux cent mille mares d’argent et des vivres pour un an; de faciliter la conquête de la Terre-Sainte, et d’y entretenir toute sa vie cinq cents chevaliers pour la défendre. Ces offres parurent si avantageuses, que l’on crut ne devoir pas les refuser, quoiqu’en portant la guerre de ce côté-là, on s’écartât du but qu’on s’était proposé. Ainsi, au lieu d’aller en Palestine, on fit voile vers Constantinople. Il ne fallut aux Croisés que six jours pour emporter la place.
Les croisés quittent Venise en Italie pour Constantinople, capitale de l`empire romain d`Orient au lieu d`aller en terre sainte comme prévu.
L'usurpateur prit la fuite, et le jeune Alexis fut couronné empereur; mais bientôt après, ce prince fut étranglé par un de ses officiers, qui s’empara du trône. Dans cette conjoncture, les Croisés tinrent conseil pour savoir ce qu’ils avaient à faire; ils se crurent autorisés à venger la mort du prince qu’ils avaient protégé; ils attaquèrent de nouveau la ville de Constantinople, la prirent d’assaut et l’abandonnèrent au pillage. L’autorité des chefs ne put mettre un frein à la licence du soldat, qui se permit les plus grands excès.
Constantinople, capitale de l`empire romain d`orient. ( Istanboul en Turquie de nos jours)
Maîtres de Constantinople, les Croisés résolurent d’y établir un d’entre eux en qualité d’empereur. Le choix tomba sur Baudouin, comte de Flandre, dont les Grecs eux-mêmes n’ont pu s’empêcher de louer les Vertus. Ce prince fut couronné solennellement dans l’église de Sainte-Sophie. Il prit dès-lors le titre et les ornements d'empereur d’Orient. Les seigneurs croisés partagèrent ensuite la plupart des provinces de l'empire qui étaient en Europe; et, uniquement occupés à s’y maintenir, ils abandonnèrent entièrement l’expédition de la Terre-Sainte, pour laquelle ils avaient pris les armes.
Beaudoin, le comte de Flandre est nommé empereur d`Orient sur le trône de Constantinople après la prise de la ville par les Croisés occidentaux.
Ainsi commença l'empire des Latins à Constantinople; mais il ne fut pas de longue durée; au bout de cinquante-sept ans, les Grecs parvinrent à remettre sur le trône impérial, Michel Paléologue, de la famille de leurs anciens empereurs. Cette conquête des Latins, loin de faciliter la réunion des Grecs à l’Église romaine, acheva de les en séparer. Les excès qui furent commis dans la prise et le pillage de Constantinople, leur inspirèrent une aversion violente contre les Latins, et c’est à cette époque qu’il faut placer la rupture entière et le schisme consommé de l’Église grecque.
115 - Institution des Frères Mineurs. ( Franciscains ou Ordre de St-François d`Assise) Année 1204.
L’institution des deux ordres célèbres, qui suivit de près la quatrième croisade, offre aux yeux de la Religion un objet plus intéressant que la conquête mal assurée d‘un empire. François, né à Assise, petite ville d‘Italie, fonda le premier de ces deux ordres, et donna à ses disciples le nom de Frères mineurs.
La petite ville d`Assise en Italie
Son père, qui était marchand, le destinait à la même profession, et ne prit pas grand soin de son éducation. Quoique le jeune François eût plus de goût pour les vains amusements du monde que pour les exercices de la piété, il témoignait dès son enfance une compassion tendre pour les pauvres, et il les soulageait selon son pouvoir. Il refusa cependant une fois l’aumône, contre sa coutume; mais il en eut un regret si vif, qu’il résolut de donner désormais à tous ceux qui lui demanderait au nom de Dieu.
St-François d`Assise
Une maladie dangereuse qu'il essuya, lui fit prendre le parti de renoncer au monde, et de ne s’attacher qu'à Dieu. Quelque temps après, ayant rencontré un pauvre couvert de haillons, il se dépouilla d'un habit neuf qu’il portait, et l'en revêtit. Un autre jour qu’il était en voyage, il trouva sur le chemin un lépreux si défiguré qu’il en eut d’abord horreur; puis, faisant réflexion que pour servir Jésus-Christ, il faut se vaincre soi-même, il descendit de cheval, et baisa le lépreux, en lui donnant l’aumône. Quand on commence ainsi, on fait en peu de temps de grands progrès dans la vertu.
Aussi, François parut-il bientôt un homme nouveau : il cherchait la solitude, et méditait avec attendrissement sur les souffrances du Sauveur. La vie retirée de François ne plaisait pas à son père, qui le maltraita souvent, et qui en vint jusqu'à le déshériter. François ne se crut jamais plus riche qu’au moment où il commença à ne plus rien posséder. Il souffrit tout avec patience. «Abandonné de mon père sur la terre, disait-il , je m’adresserai avec plus de confiance à mon père qui est dans les cieux. » Il se retira auprès d’une petite église appelée Portioncule ou Notre-Dame des Anges, et se mit à servir les lépreux, s’exerçant aux œuvres les plus mortifiantes de la miséricorde et de l’humilité. Ayant entendu lire à la messe ces paroles que Notre-Seigneur adressa à ses Apôtres: « Ne prenez ni or, ni argent, ni deux tuniques, ni chaussure, ni bâton; voilà, s’écria-t-il plein de joie, voilà ce que je cherche, ce que je désire de tout mon cœur. »
Aussitôt il quitta ses souliers et son bâton, il renonça à l’argent, et ne garda qu'une simple tunique, qu’il attachait avec une ceinture de corde et pratiquait à la lettre ce qu’il venait d’entendre: Il commença dès-lors à prêcher la pénitence par des discours simples, mais solides, et qui faisaient la plus vive impression sur les auditeurs. Il eut bientôt des disciples qui imitèrent sa pénitence et son zèle, ils annonçaient la parole de Dieu, exhortant tous ceux qu’ils rencontraient à craindre Dieu, à l’aimer et à observer ses Commandements.
Quelques-uns les écoutaient avec attention; mais la plupart étaient choqués de leurs habits différents et de l’austérité singulière de leur vie. On leur demandait de quel pays et de quelle profession ils étaient, souvent on leur refusaient l`hospice, comme à des malfaiteurs, et alors ils étaient réduit à passer des nuits entières sous les portiques des églises. Quelquefois, ont les chargeait d`injures, les enfants et la populace leurs jetaient des pierres et de la boue. Ils se réjouissaient de souffrir des opprobres dans l’exercice du ministère évangélique. Enfin, par leur désintéressement et par leur patience, ils vinrent à bout de dissiper toutes les préventions, et ils se concilièrent en tous lieux la vénération publique.
Ordre franciscain
Henri II, roi d’Angleterre, pour expier ses fautes, avait résolu d'aller en personne secourir les Chrétiens de la Palestine. Elle était alors dans la plus fâcheuse situation. Saladin, soudan d’Égypte, y était entré à la tête de cinquante mille hommes, il avait remporté une grande victoire sur les Chrétiens, et avait fait prisonniers Guy de Lusignan, roi de Jérusalem, Renaud de Châtillon, le grand maître des hospitaliers, et beaucoup d’autres seigneurs de distinction; mais la perte qui fut la plus sensible, était celle de la vraie Croix, qu’on avait portée au combat, et qui fut prise par les Infidèles.
Les croisés jettent leurs armes devant Saladin victorieux après la bataille d`Hattin en 1187
Après cette défaite de l’armée chrétienne, rien ne put arrêter les progrès des armes de Saladin, presque toutes les villes ouvrirent leurs portes au vainqueur. Il mit le siège devant Jérusalem, et s`en rendit maître. Ainsi, cette ville retomba sous la puissance des Infidèles, quatre-vingt-huit ans après qu’elle eut été conquise par les Chrétiens.
Le roi de France, Philippe-Auguste (1165-1223)
Il ne leur resta en Palestine que trois places considérables, Antioche, Tyr et Tripoli. La nouvelle de ce désastre répandit la consternation dans tout l’Occident. Le pape Urbain III en mourut de chagrin. Les rois de France et d’Angleterre, qui étaient alors en guerre, en furent si touchés, qu’ils oublièrent leur querelle particulière, pour ne songer qu’à servir la Religion. Henri II était mort avant avoir pu accomplir son vœu, et ce fut Richard ( Cœur de Lion), son fils, qui se croisa avec Philippe-Auguste.
Richard 1 ( Cœur de Lion), roi d`Angleterre (1157 – 1199)
Pour fournir aux frais de cette Croisade, on imposa sur tous les biens ecclésiastiques une taxe, que l'on nomma la dîme Saladine, parce que c’était la dixième partie du revenu, et qu'elle était destinée à faire la guerre à Saladin. Les deux rois s’embarquèrent, chacun avec son armée. Philippe arriva le premier en Palestine, et se joignit aux Chrétiens, qui faisaient depuis deux ans le siège de la ville d’Acre. Ce renfort mettait les assiégeants en état de livrer l’assaut; mais Philippe, par ménagement pour le roi d‘Angleterre, voulut attendre son arrivée, afin de partager avec lui l’honneur de prendre la ville. Elle se rendit en effet par composition, et l’un des principaux articles du traité, fut que la Croix serait remise entre les mains des Chrétiens.
La ville d`Acres remise aux mains des Chrétiens
On avait lieu d’espérer que ce premier succès serait suivi de nouvelles conquêtes; mais
la mauvaise santé de Philippe et les mécontentements qu’il avait reçus du roi d’Angleterre, le déterminèrent à repasser en France. Cependant, de peur qu’on ne l’accusât d'avoir abandonné son allié, il lui laissa dix mille hommes d’infanterie et cinq cents chevaliers, avec l'argent nécessaire pour entretenir ses troupes durant trois ans. Richard, resté seul en Palestine, avait une armée assez forte pour former quelque grande entreprise, il gagna en effet une bataille sur Saladin, et s'il eût marché droit à Jérusalem, il aurait aisément repris cette ville; mais il ne sut pas profiter de l’avantage qu’il venait de remporter, il donna à l’ennemi le temps de fortifier la place.
Le roi d`Angleterre, Richard Cœur de Lion en terre sainte
Ayant été ensuite obligé de renoncer au projet de ce siège, il partit pour venir en Europe, après avoir conclu avec Saladin une trêve de trois ans. Ainsi, tout le fruit de la troisième Croisade fut la prise de la ville d’Acre, qui devint le refuge des Chrétiens d’Orient, où ils attendirent longtemps, mais en vain, l’occasion de rétablir le royaume de Jérusalem.
114 - Quatrième Croisade. Année 1195.
Le peu de succès de la troisième Croisade n'empêcha pas qu’elle ne fût suivie d’une quatrième, peu d’années après le retour de Philippe-Auguste; mais ce prince n’y prit point de part. Cette nouvelle expédition fut entreprise par des seigneurs français et italiens, qui avaient à leur tête le marquis de Montferrat, et Baudouin, comte de Flandre.
Le Marquis Boniface de Montferrat élu à la tête de la quatrième Croisade en 1195
On était convenu de se rassemblera Venise, et la république s’était engagée à fournir des vaisseaux pour le transport des Croisés dans la Terre-Sainte. Les Vénitiens, fidèles à leurs engagements, eurent bientôt rassemblé tous les bâtiments nécessaires. Ils firent plus; ils voulurent aussi se signaler dans une guerre où la Religion était intéressée, et ils équipèrent, à leurs frais, cinquante galères pour cinq cents nobles d’entre eux, qui se joignirent aux Croisés. On attendait la saison favorable pour s’embarquer, lorsque le jeune Alexis, fils de l`empereur de Constantinople, vint implorer leurs secours en faveur de son père, qu’un usurpateur avait détrôné et renfermé dans une étroite prison, après lui avoir fait crever les yeux.
Il promettait de rétablir l’union entre les Grecs et les Latins; de fournir deux cent mille mares d’argent et des vivres pour un an; de faciliter la conquête de la Terre-Sainte, et d’y entretenir toute sa vie cinq cents chevaliers pour la défendre. Ces offres parurent si avantageuses, que l’on crut ne devoir pas les refuser, quoiqu’en portant la guerre de ce côté-là, on s’écartât du but qu’on s’était proposé. Ainsi, au lieu d’aller en Palestine, on fit voile vers Constantinople. Il ne fallut aux Croisés que six jours pour emporter la place.
Les croisés quittent Venise en Italie pour Constantinople, capitale de l`empire romain d`Orient au lieu d`aller en terre sainte comme prévu.
L'usurpateur prit la fuite, et le jeune Alexis fut couronné empereur; mais bientôt après, ce prince fut étranglé par un de ses officiers, qui s’empara du trône. Dans cette conjoncture, les Croisés tinrent conseil pour savoir ce qu’ils avaient à faire; ils se crurent autorisés à venger la mort du prince qu’ils avaient protégé; ils attaquèrent de nouveau la ville de Constantinople, la prirent d’assaut et l’abandonnèrent au pillage. L’autorité des chefs ne put mettre un frein à la licence du soldat, qui se permit les plus grands excès.
Constantinople, capitale de l`empire romain d`orient. ( Istanboul en Turquie de nos jours)
Maîtres de Constantinople, les Croisés résolurent d’y établir un d’entre eux en qualité d’empereur. Le choix tomba sur Baudouin, comte de Flandre, dont les Grecs eux-mêmes n’ont pu s’empêcher de louer les Vertus. Ce prince fut couronné solennellement dans l’église de Sainte-Sophie. Il prit dès-lors le titre et les ornements d'empereur d’Orient. Les seigneurs croisés partagèrent ensuite la plupart des provinces de l'empire qui étaient en Europe; et, uniquement occupés à s’y maintenir, ils abandonnèrent entièrement l’expédition de la Terre-Sainte, pour laquelle ils avaient pris les armes.
Beaudoin, le comte de Flandre est nommé empereur d`Orient sur le trône de Constantinople après la prise de la ville par les Croisés occidentaux.
Ainsi commença l'empire des Latins à Constantinople; mais il ne fut pas de longue durée; au bout de cinquante-sept ans, les Grecs parvinrent à remettre sur le trône impérial, Michel Paléologue, de la famille de leurs anciens empereurs. Cette conquête des Latins, loin de faciliter la réunion des Grecs à l’Église romaine, acheva de les en séparer. Les excès qui furent commis dans la prise et le pillage de Constantinople, leur inspirèrent une aversion violente contre les Latins, et c’est à cette époque qu’il faut placer la rupture entière et le schisme consommé de l’Église grecque.
115 - Institution des Frères Mineurs. ( Franciscains ou Ordre de St-François d`Assise) Année 1204.
L’institution des deux ordres célèbres, qui suivit de près la quatrième croisade, offre aux yeux de la Religion un objet plus intéressant que la conquête mal assurée d‘un empire. François, né à Assise, petite ville d‘Italie, fonda le premier de ces deux ordres, et donna à ses disciples le nom de Frères mineurs.
La petite ville d`Assise en Italie
Son père, qui était marchand, le destinait à la même profession, et ne prit pas grand soin de son éducation. Quoique le jeune François eût plus de goût pour les vains amusements du monde que pour les exercices de la piété, il témoignait dès son enfance une compassion tendre pour les pauvres, et il les soulageait selon son pouvoir. Il refusa cependant une fois l’aumône, contre sa coutume; mais il en eut un regret si vif, qu’il résolut de donner désormais à tous ceux qui lui demanderait au nom de Dieu.
St-François d`Assise
Une maladie dangereuse qu'il essuya, lui fit prendre le parti de renoncer au monde, et de ne s’attacher qu'à Dieu. Quelque temps après, ayant rencontré un pauvre couvert de haillons, il se dépouilla d'un habit neuf qu’il portait, et l'en revêtit. Un autre jour qu’il était en voyage, il trouva sur le chemin un lépreux si défiguré qu’il en eut d’abord horreur; puis, faisant réflexion que pour servir Jésus-Christ, il faut se vaincre soi-même, il descendit de cheval, et baisa le lépreux, en lui donnant l’aumône. Quand on commence ainsi, on fait en peu de temps de grands progrès dans la vertu.
Aussi, François parut-il bientôt un homme nouveau : il cherchait la solitude, et méditait avec attendrissement sur les souffrances du Sauveur. La vie retirée de François ne plaisait pas à son père, qui le maltraita souvent, et qui en vint jusqu'à le déshériter. François ne se crut jamais plus riche qu’au moment où il commença à ne plus rien posséder. Il souffrit tout avec patience. «Abandonné de mon père sur la terre, disait-il , je m’adresserai avec plus de confiance à mon père qui est dans les cieux. » Il se retira auprès d’une petite église appelée Portioncule ou Notre-Dame des Anges, et se mit à servir les lépreux, s’exerçant aux œuvres les plus mortifiantes de la miséricorde et de l’humilité. Ayant entendu lire à la messe ces paroles que Notre-Seigneur adressa à ses Apôtres: « Ne prenez ni or, ni argent, ni deux tuniques, ni chaussure, ni bâton; voilà, s’écria-t-il plein de joie, voilà ce que je cherche, ce que je désire de tout mon cœur. »
Aussitôt il quitta ses souliers et son bâton, il renonça à l’argent, et ne garda qu'une simple tunique, qu’il attachait avec une ceinture de corde et pratiquait à la lettre ce qu’il venait d’entendre: Il commença dès-lors à prêcher la pénitence par des discours simples, mais solides, et qui faisaient la plus vive impression sur les auditeurs. Il eut bientôt des disciples qui imitèrent sa pénitence et son zèle, ils annonçaient la parole de Dieu, exhortant tous ceux qu’ils rencontraient à craindre Dieu, à l’aimer et à observer ses Commandements.
Quelques-uns les écoutaient avec attention; mais la plupart étaient choqués de leurs habits différents et de l’austérité singulière de leur vie. On leur demandait de quel pays et de quelle profession ils étaient, souvent on leur refusaient l`hospice, comme à des malfaiteurs, et alors ils étaient réduit à passer des nuits entières sous les portiques des églises. Quelquefois, ont les chargeait d`injures, les enfants et la populace leurs jetaient des pierres et de la boue. Ils se réjouissaient de souffrir des opprobres dans l’exercice du ministère évangélique. Enfin, par leur désintéressement et par leur patience, ils vinrent à bout de dissiper toutes les préventions, et ils se concilièrent en tous lieux la vénération publique.
Ordre franciscain
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
116 - Saint François obtient l`approbation de son ordre. Ses travaux apostoliques.
Saint François, voyant que le nombre des disciples augmentait, leur dressa une règle qui n`était autre chose que la pratique des conseils de l`Évangile; il y ajouta seulement quelques observances particulières, pour mettre de l`uniformité dans leur manière de vivre. Il alla à Rome présenter cette règle au pape Innocent III qui l’approuva. Alors, le serviteur de Dieu conduisit sa petite société a l`Église de Portioncule qui lui fut cédée par une abbaye de bénédictin de qui elle dépendait, et il forma son premier établissement.
La petite chapelle de la Portioncule (Porziúncola en italien)
Ce fut comme le berceau de son ordre. Il s`y appliqua ensuite à rendre ses disciples propre aux fonctions de l`apostolat, il leur donna des instructions pour avancer eux-mêmes dans la perfection et pour gagner des âmes a Jésus-Christ, il leur recommanda surtout de s`attacher fortement a la foi de l`Église romaine, du mépris du monde, du renoncement a leur propre volonté et de la mortification du corps : « Ne craignez point ajouta t`il, que nous paraissions méprisables; mettez votre confiance en Dieu qui a vaincu le monde; vous trouverez des hommes durs qui vous maltraiteront; apprenez a souffrir avec patience les rebuts et les outrages.»
Il les envoya ensuite en différents pays, et il se réserva à lui-même la mission de la Syrie et de l`Égypte, dans l'espérance d'y trouver le martyre. Il s'embarqua avec un seul compagnon, et il aborda à Damiette ( Dans le nord de l`Égypte), où était alors le sultan Mélédin ( Malik al Kamil). Le sultan lui demanda qui l`avait envoyé vers lui.
St-François d`Assise et le sultan al-Kamil en 1219
« C'est, répondit hardiment François, c'est le Dieu très-haut, qui m'envoie pour vous montrer le chemin du Ciel, à vous et à votre peuple.» Cette intrépidité étonna le sultan, qui l'invite à demeurer auprès de lui : «Je le ferai volontiers, dit François, si vous voulez vous convertir avec votre peuple. Pour que vous n'hésitiez plus à quitter la foi de Mahomet et à embrasser celle de Jésus-Christ, faites allumer un grand feu; j'y entrerai avec vos prêtres, afin que vous voyiez quelle est la vraie religion.»
«Je doute fort, reprit Mélédin en souriant, qu'aucun de nos imams veuille se soumettre à cette épreuve; d'ailleurs il serait à craindre que cela n'excitât quelque sédition.» Cependant le sultan, charmé des discours de François, lui offrit de riches présents, que le saint homme ne voulut point accepter et ce refus généreux le rendit encore plus vénérable aux yeux de Mélédin, qui le congédia en lui disant : «Priez pour moi, mon Père , afin que Dieu me fasse connaître la religion qui lui est la plus agréable qu‘il me donne le courage de l'embrasser» François à son retour d’Égypte, convoqua un chapitre général à Assise; son ordre s’était multiplié au point que l'on y comptait plus de cinq mille religieux.
Basilique St-Marie des Anges a Assise
Comme quelques-uns d’entre eux le priaient d’obtenir du pape un privilège, en vertu duquel ils puissent prêcher partout, même sans la permission des évêques, il répondit avec indignation: « Quoi! mes Frères, vous ne connaissez pas la volonté de Dieu; il veut que nous gagnions d’abord les supérieurs par l’humilité et le respect; nous gagnerons ensuite ceux qui leur sont soumis par nos discours et par nos bons exemples. Quand les évêques verront que vous vivez saintement et que vous ne voulez point entreprendre sur leur autorité, ils vous prieront eux-mêmes de travailler au salut des âmes dont ils sont chargés. Notre privilège singulier doit être de n’avoir point de privilège.»
Quand saint François sentit sa mort approcher, il redoubla les rigueurs de sa pénitence. Le jour même où il mourut, il se fit lire la Passion du Sauveur, et s’étant mis à réciter le psaume 141, il expira en disant ces paroles: « Les justes sont dans l’attente de la récompense que vous m’accorderez.»
117 - Institution des Frères Prêcheurs. ( Les Dominicains) Année 1216.
Le second ordre qui prit alors naissance, eut pour instituteur saint Dominique. Sorti d'une famille illustre en Espagne, Dominique se sentit, dès sa jeunesse, animé d’un grand désir de travailler au salut des âmes, et en particulier à la conversion de celles qui étaient plongées dans les ténèbres de l'erreur. Il trouva bientôt l’occasion d’exercer son zèle; il était chanoine régulier de l’Église d’Osma, ( Espagne) lorsque don Diégo, qui en était évêque, fut chargé par le pape Innocent III du soin d'instruire et de ramener à la Foi catholique les Albigeois, dont les erreurs infectaient alors la ville d'Alby et ses environs.
Dominique de Guzman, espagnol et fondateur de l`ordre des Frères prêcheurs ( Dominicains) vers l`an 1216
Dominique accompagna son évêque dans cette mission apostolique, et s'employa avec beaucoup d'ardeur à la conversion de ces hérétiques. On avait donné le nom d'Albigeois à différents sectaires qui, divisés d'ailleurs par les sentiments, s’accordaient entre eux à mépriser l'autorité de l'Église, à rejeter l'usage des sacrements, à renverser enfin toute l'ancienne discipline. Ces fanatiques portaient le ravage et la désolation dans tout le pays. Ils s'attroupaient quelquefois au nombre de huit mille hommes, pillaient les villes et les villages, massacraient les prêtres, profanaient les églises, et brisaient les vases sacrés.
Les régions du sud de la France ou vivaient les Cathares
Les missionnaires connaissaient le danger et la difficulté de l'entreprise; mais ils n'en furent point ébranlés; ils étaient disposés à sacrifier leur vie pour une si belle cause. Dieu les délivra de plusieurs périls; on avait aposté deux assassins dans un endroit où Dominique devait passer; mais il s'échappa de leurs mains. Comme on lui demandait ensuite ce qu'il eût fait, s'il fût tombé au pouvoir de ses assassins : «J'aurais, dit-il, remercié Dieu, et je l'aurais prié de faire que mon sang coulât goutte à goutte, et que mes membres fussent coupés l'un après l'autre, afin de prolonger mes tourments et d'enrichir ma couronne. »
Simon comte de Montfort. Pierre de Castelnau est obligé d'excommunier le comte Raymond VI de Toulouse mais il est assassiné le 14 janvier 1208. Simon de Montfort est désigné pour diriger la croisade contre les cathares (1209) après que les options de prédications et de négociations ont échoué.
Cette réponse fit une vive impression sur ses ennemis. Les saints missionnaires eurent plusieurs conférences avec les hérétiques, et elles se terminèrent toutes à l'avantage de la vérité. Il n'y avait point de jour où il ne s’opérât des conversions éclatantes, mais les esprits n'en furent que plus aigris; et comme ces sectaires étaient soutenus par Raymond, le comte de Toulouse, ils se portèrent aux plus grandes cruautés. Pour les réprimer, on fut obligé de recourir à des remèdes violents, et l’on publia contre eux une croisade, moins parce qu’ils erraient dans la Foi, que parce qu’ils renversaient les lois de la société, et qu’ils troublaient la tranquillité publique. Simon, comte de Montfort, eut le commandement de cette armée, qu’on avait levée contre les Albigeois. Ce seigneur les poursuivit vivement; et si dans le cours de ses exploits, il se trouve quelques traits d’une sévérité excessive, il faut considérer qu’il avait affaire à des extrémistes, dont il crut ne pouvoir autrement purger les provinces qu’ils désolaient.
Raymond VI, comte de Toulouse soutient les Cathares. Il est mort excommunié et est adulé par plusieurs groupes anti-catholiques
Au reste, saint Dominique n'eut aucune part à cette expédition militaire, la douceur et la patience furent les seules armes qu’il employa. Lorsqu’il vit que l’armée des Croisés approchait, il n’oublia rien pour écarter le danger qui menaçait ce peuple opiniâtre. Se trouvant ensuite parmi les croisés, il remarqua que plusieurs ne s’étaient joints à eux que pour piller, et qu’ils se livraient à toutes sortes de désordres. Il entreprit de les réformer eux-mêmes, et il y travailla avec autant de zèle qu’il en avait montré pour convertir les Albigeois.
Place fortifiée des cathares dans le sud de la France
118 - Saint Dominique obtient la confirmation de son Ordre. Année 1216.
La croisade entreprise contre les Albigeois, n’étant ni le seul, ni même le meilleur moyen de l'établir et de maintenir la Foi dans le Languedoc, Dieu voulut produire un si grand bien par la persuasion; plus que par la terreur. Il inspira à saint Dominique le dessein de former une société d`hommes apostoliques, qui en se sanctifiant eux-mêmes par les exercices de la vie religieuse, puissent travailler efficacement par leurs prédications à répandre la lumière de la Foi, et à opérer la sanctification du prochain.
Dans cette vue, il `associa quelques compagnons qui consentirent à vivre en commun selon le plan qu’il leur traça. Foulques, évêque de Toulouse, goûta fort ce projet, et il en favorisa l’exécution de tout son pouvoir. Il emmena Dominique à Rome afin d’obtenir l’approbation du souverain Pontife. Après quelques difficultés, qui furent bientôt éclaircies, le pape approuva le nouvel institut, et en confirma, par son autorité, les constitutions. L’évêque Foulques donna à saint Dominique et à ses disciples leur première église, fondée en l’honneur de saint Romain, dans la ville de Toulouse, et il y eut parmi les citoyens de cette ville une pieuse émulation pour contribuer à leur établissement.
Chapelle St-Dominique a Toulouse en France
Cette émulation s’étend bientôt dans toute la province, et l`on s’empressait de fonder des maisons de cet ordre à Montpellier, à Bayonne, à Lyon et dans plusieurs autres villes. La réputation dont jouissaient les ‘nouveaux religieux, connus sous le nom de Frères prêcheurs, attira dans leur ordre des hommes du mérite le plus distingué. Alors le saint patriarche envoya plusieurs de ses disciples en différents pays pour y prêcher la pénitence, et pour défendre la pureté de la Foi contre les hérétiques.
Il en vint sept à Paris, à qui l’Université et un pieux docteur nommé Jean, doyen de Saint-Quentin, donnèrent la maison de Saint-Jacques, d’où ils prirent le nom de Jacobins. Cette petite communauté s’accrut au point que saint Dominique y trouva trente religieux lorsqu’il y vint en 1219.
Couvent des jacobins ou Dominicains de la rue St-Jacques à Paris
Le saint fondateur voyait avec une sensible consolation l’œuvre de Dieu prospérer, il ne cessait de prier pour la conversion des hérétiques et des pécheurs. Rien ne lui aurait été plus agréable que d’aller annoncer l’Évangile aux nations barbares, et de verser son sang pour Jésus-Christ, si la volonté de Dieu ne l'eût retenu au milieu de ses frères. C'est parce qu’il était animé de ces sentiments, qu’il a fait du ministère de la parole la fin principale de son institut. Il désirait que tous ses religieux s’y appliquassent.
St-Dominique fondateur de l`ordre des Frères prêcheurs
Plus cette fonction est importante, plus il prenait de soin pour y préparer ses disciples par la pratique de toutes les vertus. Il leur enseignait l'art de parler au cœur, en leur
inspirant une ardente charité pour le prochain. Un jour qu’il venait de prêcher, on lui demanda dans quel livre il avait étudié son sermon : « Le livre dont je me suis servi, répondit-il, est celui de la charité.»
Il prédit l’heure de sa mort longtemps avant qu’elle arrivât. Vers la fin de juillet, il dit à quelques amis : « Vous me voyez en bonne santé, cependant je sortirai de monde avant la fête de l’Assomption.» En effet il fut pris d’une fièvre violente et après avoir exhorté ses religieux à édifier le prochain, et à honorer leur état par leurs vertus, il expira doucement, étendu sur la cendre. Si l'on apprécie de bonne foi les services importants que les ordres religieux ont rendus, tout ce qu’ils ont fait pour l’instruction et la conversion des peuples, pour le soulagement des pasteurs dans l`exercice du saint ministère, on ne pourra disconvenir que ces établissements ne nous aient procuré une multitude d’hommes également précieux à l’Église et à l’État.
Saint François, voyant que le nombre des disciples augmentait, leur dressa une règle qui n`était autre chose que la pratique des conseils de l`Évangile; il y ajouta seulement quelques observances particulières, pour mettre de l`uniformité dans leur manière de vivre. Il alla à Rome présenter cette règle au pape Innocent III qui l’approuva. Alors, le serviteur de Dieu conduisit sa petite société a l`Église de Portioncule qui lui fut cédée par une abbaye de bénédictin de qui elle dépendait, et il forma son premier établissement.
La petite chapelle de la Portioncule (Porziúncola en italien)
Ce fut comme le berceau de son ordre. Il s`y appliqua ensuite à rendre ses disciples propre aux fonctions de l`apostolat, il leur donna des instructions pour avancer eux-mêmes dans la perfection et pour gagner des âmes a Jésus-Christ, il leur recommanda surtout de s`attacher fortement a la foi de l`Église romaine, du mépris du monde, du renoncement a leur propre volonté et de la mortification du corps : « Ne craignez point ajouta t`il, que nous paraissions méprisables; mettez votre confiance en Dieu qui a vaincu le monde; vous trouverez des hommes durs qui vous maltraiteront; apprenez a souffrir avec patience les rebuts et les outrages.»
Il les envoya ensuite en différents pays, et il se réserva à lui-même la mission de la Syrie et de l`Égypte, dans l'espérance d'y trouver le martyre. Il s'embarqua avec un seul compagnon, et il aborda à Damiette ( Dans le nord de l`Égypte), où était alors le sultan Mélédin ( Malik al Kamil). Le sultan lui demanda qui l`avait envoyé vers lui.
St-François d`Assise et le sultan al-Kamil en 1219
« C'est, répondit hardiment François, c'est le Dieu très-haut, qui m'envoie pour vous montrer le chemin du Ciel, à vous et à votre peuple.» Cette intrépidité étonna le sultan, qui l'invite à demeurer auprès de lui : «Je le ferai volontiers, dit François, si vous voulez vous convertir avec votre peuple. Pour que vous n'hésitiez plus à quitter la foi de Mahomet et à embrasser celle de Jésus-Christ, faites allumer un grand feu; j'y entrerai avec vos prêtres, afin que vous voyiez quelle est la vraie religion.»
«Je doute fort, reprit Mélédin en souriant, qu'aucun de nos imams veuille se soumettre à cette épreuve; d'ailleurs il serait à craindre que cela n'excitât quelque sédition.» Cependant le sultan, charmé des discours de François, lui offrit de riches présents, que le saint homme ne voulut point accepter et ce refus généreux le rendit encore plus vénérable aux yeux de Mélédin, qui le congédia en lui disant : «Priez pour moi, mon Père , afin que Dieu me fasse connaître la religion qui lui est la plus agréable qu‘il me donne le courage de l'embrasser» François à son retour d’Égypte, convoqua un chapitre général à Assise; son ordre s’était multiplié au point que l'on y comptait plus de cinq mille religieux.
Basilique St-Marie des Anges a Assise
Comme quelques-uns d’entre eux le priaient d’obtenir du pape un privilège, en vertu duquel ils puissent prêcher partout, même sans la permission des évêques, il répondit avec indignation: « Quoi! mes Frères, vous ne connaissez pas la volonté de Dieu; il veut que nous gagnions d’abord les supérieurs par l’humilité et le respect; nous gagnerons ensuite ceux qui leur sont soumis par nos discours et par nos bons exemples. Quand les évêques verront que vous vivez saintement et que vous ne voulez point entreprendre sur leur autorité, ils vous prieront eux-mêmes de travailler au salut des âmes dont ils sont chargés. Notre privilège singulier doit être de n’avoir point de privilège.»
Quand saint François sentit sa mort approcher, il redoubla les rigueurs de sa pénitence. Le jour même où il mourut, il se fit lire la Passion du Sauveur, et s’étant mis à réciter le psaume 141, il expira en disant ces paroles: « Les justes sont dans l’attente de la récompense que vous m’accorderez.»
117 - Institution des Frères Prêcheurs. ( Les Dominicains) Année 1216.
Le second ordre qui prit alors naissance, eut pour instituteur saint Dominique. Sorti d'une famille illustre en Espagne, Dominique se sentit, dès sa jeunesse, animé d’un grand désir de travailler au salut des âmes, et en particulier à la conversion de celles qui étaient plongées dans les ténèbres de l'erreur. Il trouva bientôt l’occasion d’exercer son zèle; il était chanoine régulier de l’Église d’Osma, ( Espagne) lorsque don Diégo, qui en était évêque, fut chargé par le pape Innocent III du soin d'instruire et de ramener à la Foi catholique les Albigeois, dont les erreurs infectaient alors la ville d'Alby et ses environs.
Dominique de Guzman, espagnol et fondateur de l`ordre des Frères prêcheurs ( Dominicains) vers l`an 1216
Dominique accompagna son évêque dans cette mission apostolique, et s'employa avec beaucoup d'ardeur à la conversion de ces hérétiques. On avait donné le nom d'Albigeois à différents sectaires qui, divisés d'ailleurs par les sentiments, s’accordaient entre eux à mépriser l'autorité de l'Église, à rejeter l'usage des sacrements, à renverser enfin toute l'ancienne discipline. Ces fanatiques portaient le ravage et la désolation dans tout le pays. Ils s'attroupaient quelquefois au nombre de huit mille hommes, pillaient les villes et les villages, massacraient les prêtres, profanaient les églises, et brisaient les vases sacrés.
Les régions du sud de la France ou vivaient les Cathares
Les missionnaires connaissaient le danger et la difficulté de l'entreprise; mais ils n'en furent point ébranlés; ils étaient disposés à sacrifier leur vie pour une si belle cause. Dieu les délivra de plusieurs périls; on avait aposté deux assassins dans un endroit où Dominique devait passer; mais il s'échappa de leurs mains. Comme on lui demandait ensuite ce qu'il eût fait, s'il fût tombé au pouvoir de ses assassins : «J'aurais, dit-il, remercié Dieu, et je l'aurais prié de faire que mon sang coulât goutte à goutte, et que mes membres fussent coupés l'un après l'autre, afin de prolonger mes tourments et d'enrichir ma couronne. »
Simon comte de Montfort. Pierre de Castelnau est obligé d'excommunier le comte Raymond VI de Toulouse mais il est assassiné le 14 janvier 1208. Simon de Montfort est désigné pour diriger la croisade contre les cathares (1209) après que les options de prédications et de négociations ont échoué.
Cette réponse fit une vive impression sur ses ennemis. Les saints missionnaires eurent plusieurs conférences avec les hérétiques, et elles se terminèrent toutes à l'avantage de la vérité. Il n'y avait point de jour où il ne s’opérât des conversions éclatantes, mais les esprits n'en furent que plus aigris; et comme ces sectaires étaient soutenus par Raymond, le comte de Toulouse, ils se portèrent aux plus grandes cruautés. Pour les réprimer, on fut obligé de recourir à des remèdes violents, et l’on publia contre eux une croisade, moins parce qu’ils erraient dans la Foi, que parce qu’ils renversaient les lois de la société, et qu’ils troublaient la tranquillité publique. Simon, comte de Montfort, eut le commandement de cette armée, qu’on avait levée contre les Albigeois. Ce seigneur les poursuivit vivement; et si dans le cours de ses exploits, il se trouve quelques traits d’une sévérité excessive, il faut considérer qu’il avait affaire à des extrémistes, dont il crut ne pouvoir autrement purger les provinces qu’ils désolaient.
Raymond VI, comte de Toulouse soutient les Cathares. Il est mort excommunié et est adulé par plusieurs groupes anti-catholiques
Au reste, saint Dominique n'eut aucune part à cette expédition militaire, la douceur et la patience furent les seules armes qu’il employa. Lorsqu’il vit que l’armée des Croisés approchait, il n’oublia rien pour écarter le danger qui menaçait ce peuple opiniâtre. Se trouvant ensuite parmi les croisés, il remarqua que plusieurs ne s’étaient joints à eux que pour piller, et qu’ils se livraient à toutes sortes de désordres. Il entreprit de les réformer eux-mêmes, et il y travailla avec autant de zèle qu’il en avait montré pour convertir les Albigeois.
Place fortifiée des cathares dans le sud de la France
118 - Saint Dominique obtient la confirmation de son Ordre. Année 1216.
La croisade entreprise contre les Albigeois, n’étant ni le seul, ni même le meilleur moyen de l'établir et de maintenir la Foi dans le Languedoc, Dieu voulut produire un si grand bien par la persuasion; plus que par la terreur. Il inspira à saint Dominique le dessein de former une société d`hommes apostoliques, qui en se sanctifiant eux-mêmes par les exercices de la vie religieuse, puissent travailler efficacement par leurs prédications à répandre la lumière de la Foi, et à opérer la sanctification du prochain.
Dans cette vue, il `associa quelques compagnons qui consentirent à vivre en commun selon le plan qu’il leur traça. Foulques, évêque de Toulouse, goûta fort ce projet, et il en favorisa l’exécution de tout son pouvoir. Il emmena Dominique à Rome afin d’obtenir l’approbation du souverain Pontife. Après quelques difficultés, qui furent bientôt éclaircies, le pape approuva le nouvel institut, et en confirma, par son autorité, les constitutions. L’évêque Foulques donna à saint Dominique et à ses disciples leur première église, fondée en l’honneur de saint Romain, dans la ville de Toulouse, et il y eut parmi les citoyens de cette ville une pieuse émulation pour contribuer à leur établissement.
Chapelle St-Dominique a Toulouse en France
Cette émulation s’étend bientôt dans toute la province, et l`on s’empressait de fonder des maisons de cet ordre à Montpellier, à Bayonne, à Lyon et dans plusieurs autres villes. La réputation dont jouissaient les ‘nouveaux religieux, connus sous le nom de Frères prêcheurs, attira dans leur ordre des hommes du mérite le plus distingué. Alors le saint patriarche envoya plusieurs de ses disciples en différents pays pour y prêcher la pénitence, et pour défendre la pureté de la Foi contre les hérétiques.
Il en vint sept à Paris, à qui l’Université et un pieux docteur nommé Jean, doyen de Saint-Quentin, donnèrent la maison de Saint-Jacques, d’où ils prirent le nom de Jacobins. Cette petite communauté s’accrut au point que saint Dominique y trouva trente religieux lorsqu’il y vint en 1219.
Couvent des jacobins ou Dominicains de la rue St-Jacques à Paris
Le saint fondateur voyait avec une sensible consolation l’œuvre de Dieu prospérer, il ne cessait de prier pour la conversion des hérétiques et des pécheurs. Rien ne lui aurait été plus agréable que d’aller annoncer l’Évangile aux nations barbares, et de verser son sang pour Jésus-Christ, si la volonté de Dieu ne l'eût retenu au milieu de ses frères. C'est parce qu’il était animé de ces sentiments, qu’il a fait du ministère de la parole la fin principale de son institut. Il désirait que tous ses religieux s’y appliquassent.
St-Dominique fondateur de l`ordre des Frères prêcheurs
Plus cette fonction est importante, plus il prenait de soin pour y préparer ses disciples par la pratique de toutes les vertus. Il leur enseignait l'art de parler au cœur, en leur
inspirant une ardente charité pour le prochain. Un jour qu’il venait de prêcher, on lui demanda dans quel livre il avait étudié son sermon : « Le livre dont je me suis servi, répondit-il, est celui de la charité.»
Il prédit l’heure de sa mort longtemps avant qu’elle arrivât. Vers la fin de juillet, il dit à quelques amis : « Vous me voyez en bonne santé, cependant je sortirai de monde avant la fête de l’Assomption.» En effet il fut pris d’une fièvre violente et après avoir exhorté ses religieux à édifier le prochain, et à honorer leur état par leurs vertus, il expira doucement, étendu sur la cendre. Si l'on apprécie de bonne foi les services importants que les ordres religieux ont rendus, tout ce qu’ils ont fait pour l’instruction et la conversion des peuples, pour le soulagement des pasteurs dans l`exercice du saint ministère, on ne pourra disconvenir que ces établissements ne nous aient procuré une multitude d’hommes également précieux à l’Église et à l’État.
Dernière édition par MichelT le Mar 27 Aoû 2019 - 17:02, édité 1 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
119 - Naissance et éducation de saint Louis, roi de France. Année 1215.
Dieu mit le comble aux faveurs signalées qu’il avait accordées à ce siècle fécond en saints personnages par la naissance d'un grand prince qui sanctifia le trône par ses vertus, et l’honora par ses rares qualités.
La reine Blanche de Castille montrant à St-Louis enfant la Religion, la Foi et la Piété
Louis IX avait à peine douze ans lorsque son père mourut. Il fut élevé sous la tutelle de sa mère Blanche de Castille, qui gouverna le royaume de France en qualité de régente. Cette vertueuse princesse inspira de bonne heure à son auguste fils l’amour de la vertu et le goût de la piété. Elle lui répétait souvent ces belles paroles, si dignes d’une mère chrétienne : « Mon fils, quelque tendresse que j'aie Pour vous, j’aimerais mieux Vous voir privé du trône et de la vie, que souillé d’un seul péché mortel. »
St-Louis enfant avec sa mère Blanche de Castille, la très pieuse reine de France
Le jeune Louis prenait plaisir à écouter les sages instructions de sa mère, et il ne les oublia jamais. Blanche ne pouvant suffire seule à l’éducation du jeune roi, mit auprès de sa personne des hommes ,d’une sagesse consommée, qui formèrent en lui les qualités d’un héros et les vertus d’un grand saint. Ils lui apprirent que tout est grand dans le christianisme, et infiniment au-dessus de ce qu’on estime le plus dans le monde (la société ordinaire).
Le Roi St-Louis avec la couronne d`épine
L’heureux naturel du prince était très-propre à seconder les desseins de ses instituteurs, et ses progrès devançaient leurs leçons. Il montra toute sa vie l’estime singulière qu’il faisait de la grâce du baptême, par la prédilection marquée qu’il avait pour le lieu où il l’avait reçue. Il signait quelquefois Louis de Poissy, donnant à entendre qu’il préférait le titre de chrétien à celui de roi de France.
Le Sacre du Roi St-Louis en 1226
Il fut sacré à Reims, le premier dimanche de l’Avent, 1226. Ce ne fut pas une pure cérémonie pour ce jeune prince; il la regarda comme un engagement solennel qu’il prenait de travailler au bonheur de son peuple. Il s’y prépara par des exercices de piété, conjurant le Seigneur de répandre dans son âme l’onction sainte de la grâce. Il parut pénétré des paroles du psaume qu'on y chanta au commencement de l’office, et il s’en fit l’application à lui-même : « C’est vers vous, Seigneur, que j’ai élevé mon âme, mon Dieu, j’ai mis ma confiance en vous. » On cultiva aussi l’esprit du jeune prince, on lui apprit l’art de gouverner les hommes, et celui de faire la guerre, on lui enseigna l’histoire, que l’on a toujours regardée comme l’école des princes; enfin, on ne négligea aucune des connaissances propres à former un grand roi.
Il savait assez bien le latin pour entendre les écrits des saints Pères, qu'il avait coutume de lire, afin de sanctifier ses autres études. Lorsque le jeune monarque commença à gouverner par lui-même, on le vit appliqué à tous ses devoirs, et fidèle à les remplir. Magnifique quand il fallait l’être, il aimait cependant l’économie, et préférait en toutes choses la simplicité, ses habits, sa table, sa cour, tout annonçait un prince ennemi du faste. Après avoir donné la plus grande partie de son temps aux affaires de l’État, il se plaisait à converser avec des personnes pieuses, il consacrait chaque jour quelques heures aux exercices de la religion; et comme ceux qui avaient moins de piété que lui le blâmaient à ce sujet; il répondit avec douceur : « Les hommes sont étranges; on me fait un crime de mon assiduité à la prière, et l'on ne dirait mot si j`employais ce temps aux jeux de hasard ou à la chasse aux bêtes fauves ou aux oiseaux.»
120 - Le Roi Saint Louis fait apporter en France la Couronne d'épines. Année 1259.
Il n'y avait pas longtemps que saint Louis avait pris en main les rênes du gouvernement, lorsqu'il trouva l'occasion de signaler sa piété et son respect pour la Religion. Baudouin III, empereur de Constantinople, était venu en France solliciter du secours pour soutenir son trône chancelant.
Constantinople, le Royaume de Beaudoin III en 1259 – De nos jour Istanboul en Turquie
Ce trône n'avait jamais été bien affermi depuis la conquête qui en avait été faite, et il était alors puissamment attaqué par les Grecs. Baudouin, comblé des bienfaits du saint roi lui en marqua sa reconnaissance, en lui offrant la couronne d'épines de notre Seigneur, qui se conservait de temps immémorial dans la chapelle du palais des empereurs d'orient. Le religieux prince reçut cette offre avec une joie incroyable. Il envoya aussitôt à Constantinople des députés, auxquels l'empereur donna des lettres qui contenaient l'ordre de leur remettre ce précieux dépôt.
La Sainte Couronne d`Épines
Les députés, en arrivant dans cette ville, trouvèrent que l'on avait été forcé de mettre comme en gage la sainte couronne entre les mains des Vénitiens, qui avaient prêté une somme considérable. Il fallait les rembourser pour retirer cette sainte relique. Louis, informé de ce traité, la dégagea à ses frais. Elle fut donc apportée en France, scellée des sceaux de l'empire et de ceux de la république de Venise.
Le roi St-Louis va au-devant de la St-Couronne d`Épines
Quand le roi sut qu'elle s'avançait du côté de Sens, il alla à sa rencontre jusqu'au bourg de Villeneuve, accompagné de sa cour et d'un clergé nombreux. A l'aspect de la sainte couronne, il fondit en larmes, au point que tout le monde en fut attendri. Puis ils se chargèrent, lui et son frère Robert, de la châsse qui la contenait, et ils la portèrent depuis l’entrée de Sens, marchant nu-pieds, au milieu d’une foule innombrable de peuple, jusqu’à l'église de Saint-Etienne de cette ville. Le pieux roi la reçut avec les mêmes sentiments et la même pompe dans Paris, et la fit placer dans son palais. Quelques années après, il reçut encore de Constantinople plusieurs autres reliques, un morceau considérable de la vraie croix, le fer de la lance qui perça le côté de notre Seigneur, l’éponge qui lui fut présentée, imbibée de fiel et le vinaigre. Il les fit renfermer dans des châsses d'argent, enrichies de pierreries; et, pour les placer honorablement, il fit bâtir une chapelle célèbre sur le même lieu où était l’ancien Oratoire, et il fonda des chanoines pour y célébrer l’office divin.
La cathédrale St-Étienne de Sens ou le roi St-Louis accompagna la St-Couronne en procession religieuse et pieds-nus
La dédicace de la Sainte-Chapelle se fit avec beaucoup de solennité, et ce fut le lieu ordinaire où le saint roi vaquait aux exercices de piété, y passant quelquefois les nuits en prières; mais le temps qu’il y donnait n’était jamais au préjudice de son peuple. Il était persuadé que la piété qui nuit à l’accomplissement des devoirs est une fausse piété. L’attention qu’il portait sur toutes les branches du gouvernement, attestée par les monuments qui nous restent de son règne, prouve que les devoirs de la royauté étaient sa grande occupation, la France lui doit les plus beaux établissements et les lois les plus sages.
La Sainte-Chapelle à Paris construite sous le règne du Roi St-Louis
121 - Première Croisade du roi saint Louis. Année 1248
Une maladie dangereuse qu’essuyas saint Louis, fut l`occasion de la première croisade qu’il entreprit pour le recouvrement de la Terre-Sainte. Il fut attaqué d’une dysenterie si violente, qu'elle le mit bientôt à l’extrémité. On le crut mort pendant quelques moments. La France consternée adressait à Dieu des prières ferventes pour lui redemander son père et son roi. On mit sur le prince mourant le morceau de la vraie croix et les autres reliques qu'il avait reçues de Constantinople, et il revint de son assoupissement.
La première parole qu’il prononça fut pour appeler l’évêque de Paris, et pour lui demander la croix, parce qu'il voulait aller au secours de la Terre-Sainte. Le prélat fit beaucoup de difficultés, mais le roi insista d’une manière si touchante, qu’il n’y eut pas moyen de refuser. En recevant la croix, il la baisa affectueusement, et déclara qu’il était guéri. En effet, bientôt après il reparut au milieu de son peuple, et il fut attendri du spectacle de la joie publique. Il se disposa par l’exercice de toutes sortes de bonnes œuvres à accomplir son vœu.
Départ du Roi St-Louis pour l`Égypte à partir du sud de la France
La plupart des princes prirent la croix, et leur exemple fut suivi de la noblesse et du peuple. Le roi s’embarqua dans le dessein de porter la guerre en Égypte, et d’attaquer dans son propre pays le Soudan, qui avait subjugué la Terre-Sainte. On arriva heureusement à l’île de Chypre, où le roi avait fait préparer des magasins. De là il envoya déclarer la guerre au soudan d’Égypte, en cas qu’il refusât de rendre aux Chrétiens les places qui leur avaient été enlevées. Le fier musulman refusa de les rendre, et se prépara à soutenir la guerre.
La flotte des croisés partit donc de l’île de Chypre, et elle arriva, à la vue de Damiette, l’une des plus fortes places d’Égypte. L’ennemi bordait la côte pour s’opposer à la descente. Alors le roi monta sur le tillac, et tous les seigneurs se rassemblèrent autour de lui : « Mes amis, leur dit-il, c’est-par une providence singulière que ce voyage a été entrepris, nous ne pouvons douter que Dieu n'ait quelque grand dessein, nous serons invincibles, si nous sommes unis; mais quelque soit l’événement , il nous sera avantageux si nous mourons, nous obtenons la couronne immortelle du martyre ; si nous sommes victorieux, Dieu sera glorifié. Combattons pour lui, il triomphera pour
nous.
Ne considérez pas ma personne, je ne suis qu’un homme, dont la vie est entre les mains de Dieu. » Ces paroles et l’intrépidité du roi inspirèrent aux croisés une nouvelle ardeur, on s'avança fièrement sur le rivage. Le légat, qui était dans le même vaisseau que le roi, portait une croix fort haute pour animer les soldats par la vue de ce signe sacré, une chaloupe précédait, et l’on y avait dressé l’oriflamme, étendard que nos rois faisaient porter devant eux à la guerre. Comme il n’y avait plus assez d’eau pour aborder avec les vaisseaux, le roi sauta dans la mer, l’épée à la main, et toute l‘armée le suivit.
Les ennemis lancèrent une grêle de traits ; mais ils ne purent tenir contre l’attaque impétueuse des Français, ils prirent la fuite en désordre. Les habitants et la garnison de Damiette abandonnèrent cette place, et le roi y entra sans résistance. Ce ne fut pas avec la pompe et le faste d’un conquérant, mais avec l’humilité d'un roi vraiment chrétien, qui fait à Dieu un hommage sincère de sa victoire. Il y entra en procession nu pieds, avec les princes et le clergé. On alla de cette manière jusqu’à la principale mosquée, dont le légat fit une église, en la purifiant, et où il célébra solennellement la messe.
122 - Captivité de saint Louis. Année 1250.
Saint Louis, maître de Damiette, résolut d'aller droit au Caire, qui était la capitale de l’Égypte. Pour y arriver, il fallut combattre l’armée des Mahométans, qui était campée dans un lieu nommé la Massoure. Le roi y conduisit ses troupes, et attaqua les ennemis qui firent une vigoureuse résistance. La témérité du comte d’Artois, qui s’avança contre l’ordre du roi son frère, jusque dans la Massoure, attira sur lui et sur l’armée française tous les malheurs qui suivirent cette funeste journée.
Les ennemis fondirent sur lui avec impétuosité, les Français volèrent au secours du prince, et il y eut un combat sanglant où il périt. La perte fut considérable de part et d’autre; mais l'ennemi pouvait réparer ses forces, étant dans son propre pays. Il n’en était pas de même des croisés. Pour comble de malheur, une maladie contagieuse se répandit parmi eux, et les tint dans l'inaction pendant plusieurs mois : comme les vivres se consumaient, la famine se joignit à la maladie. On fut donc obligé de reprendre le chemin de Damiette; mais on était suivi par les ennemis, et pendant toute la marche, ce ne fut plus qu’un combat continuel. Le saint roi fit des efforts incroyables; mais ayant été forcé de s’arrêter à une petite ville, il tomba entre les mains des Mahométans, avec ses deux frères et la plus grande partie de son armée.
Le Roi St-Louis, prisonnier en Égypte
Saint Louis, dans la prison, parut le même que sur le trône; aussi grand dans les fers, que s’il eût été vainqueur sur le champ de bataille. Les mahométans eux-mêmes étaient étonnés de sa fermeté, et ils disaient que c’était le plus fier Chrétien qu'ils eussent jamais connu. Traité avec inhumanité, il se conduisit toujours en roi, dont la grandeur est indépendante des événements, en fidèle Chrétien à qui Dieu tient lieu de tout; en héros, dont l’âme est supérieure à tous les revers. « Tu es dans les fers, lui disaient ces mahométans, et tu nous traites comme si nous étions tes captifs». Cette constance héroïque fit tant d’impression sur le soudan, qu’il lui offrit la liberté, à condition que Louis donnerait un million de besans d'or pour sa rançon et pour celle des autres prisonniers. « La personne d’un roi de France ne se rachète point à prix d’argent, répondit le roi ; je donnerai pour ma rançon la ville de Damiette, et pour celle de mes sujets la somme que vous me demandez. »
Le soudan, plein d’admiration, fit remise au roi de la cinquième partie du prix. Le traité était conclu; mais avant qu’on l'exécutât, le soudan fut tué par ses émirs, et cette mort replongea le saint roi dans de nouveaux embarras. Les assassins vinrent à sa prison comme des furieux. Louis les vit entrer sans émotion, et leur en imposa par son intrépidité. Ils ratifièrent le traité; ils délibérèrent même s’ils ne le feraient pas leur soudan; mais la crainte de voir leurs mosquées détruites par un prince si ferme dans sa religion, les empêche de lui offrir cette dignité. Le roi ayant été mis en liberté, exécuta fidèlement la convention. Il rendit Damiette au jour marqué, il paya la somme promise; et comme les mahométans s’étaient trompés dans le calcul à leur désavantage, il leur fit reporter ce qui manquait, quoiqu’ils eussent été peu exacts à remplir leurs engagements.
123 - Voyage de Saint Louis en Palestine.
Les mahométans retenaient, contre la foi du traité, un grand nombre de prisonniers français, et ils les efforçaient d`abandonner la foi chrétienne et de se convertir à l`islam. Ce fut de qui empêcha le saint roi de retourner en France, comme on l'en pressait. Pour être à portée de retirer de leurs mains le reste des captifs, et de préserver la Terre-Sainte d'une ruine entière, il fit voile vers la Palestine, et il arriva heureusement dans la ville d`Acre. Il fut reçu avec de grandes marques de joie par les habitants, qui vinrent en procession au-devant de lui jusqu'à la mer.
Il lui restait à peine six mille hommes, nombre trop petit pour former aucune entreprise. Cependant, à la prière des Chrétiens de ce pays, il résolut d'y demeurer quelque temps mais il renvoya en France ses deux frères, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou. Pendant le séjour que ce prince fit dans la Terre-Sainte, il visita les saints lieux avec, les plus tendres sentiments de piété, et les marques de respect les plus touchantes. Étant allé à Nazareth le jour de l'Annonciation, du plus loin qu'il aperçut ce saint lieu, il descendit de cheval, et se mit à genoux; ensuite il fit à pied le reste du chemin, quoiqu'il fût très-fatigué et qu'il eût ce jour-là jeûné au pain et à l'eau.
Le roi St-Louis en Orient
Il avait un extrême désir d'aller à Jérusalem, et le soudan, qui en était le maître, y avait consenti; mais on lui représenta que s'il entrait dans la ville sainte sans la délivrer,
tous les rois qui viendraient dans la suite en Palestine , se croiraient quittes de leur vœu, en se contentant, à son exemple, d'un simple voyage de dévotion. C'est ce qui le fit renoncer à ce dessein. Il employa tout le temps de son séjour en Palestine pour raffermir les affaires des Chrétiens de ce pays, réparant et fortifiant, à ses frais, les places qu`ils y avaient encore. Il y était occupé de tous ces grands ouvrages, lorsqu’il apprit la mort de la reine Blanche sa mère. Il la pleura amèrement, mais en Chrétien, avec une entière résignation et la volonté de Dieu; il se mit à genoux devant l'autel, et adressa à Dieu ces paroles : «Seigneur, je vous rends grâces de m’avoir conservé jusqu’ici une mère si digne de toute mon affection, c’était un présent de votre miséricorde; vous le reprenez comme votre bien : je n’ai point à m’en-plaindre. Il est vrai que je l'aimais tendrement; mais puisqu’il vous plaît de me l’ôter, que votre saint nom soit béni dans tous les siècles.»
La ville de St-Jean d`Acres en Palestine
Cette mort le, fit songer à son retour en France; il y avait près de six ans qu’il en était sorti; Il fit ses dernières dispositions, et après avoir mis les places de la Palestine en état de défense, il partit du port d`Acres au mois d’avril 1254, comblé des bénédictions de tout le peuple, de la noblesse et des évêques, qui le conduisirent jusqu’à son vaisseau; Dans le cours de la navigation, le saint roi s’occupa de la prière, du soin des malades et de l’instruction des matelots; ses exemples produisirent les meilleurs effets, les exercices de religion se faisaient avec presque autant de régularité que dans un monastère. Il débarqua en Provence et prit le chemin de Paris, où il arriva le 5 septembre. Un de ses premiers soins fut d'aller remercier Dieu dans l'église de Saint-Denis, à laquelle il fit de magnifiques présents.
124 - Seconde croisade de saint Louis; sa mort. Année 1270
Le roi Saint Louis à son retour de la Palestine, n’avait pas quitté la Croix, parce qu’il méditait dès lors une seconde expédition pour le même objet. Il fut confirmé dans cette disposition par les nouvelles qu’il reçut de ce pays. Depuis son départ, les mahométans avaient repris une partie des places qu’il avait fortifiées, et ils y exerçaient les plus
grandes cruautés contre les Chrétiens qui refusaient d’embrasser le mahométisme.
Ce prince, après avoir réglé les affaires de son royaume, déclara la résolution où il était d’aller à leur secours; il engagea les princes et les seigneurs de ses États à se croiser avec lui. Ses discours et son exemple firent la plus vive impression sur les esprits, et le roi se vit bientôt à la tête d`une une puissante armée. Il s'embarqua au mois de juillet 1270, et fit voile vers Tunis. Ce qui le détermina à y conduire son armée, c'est que le roi de ce pays lui avait donné lieu de croire qu’il embrasserait la Religion chrétienne, s’il ne craignait pas la révolte de ses sujets. Cette conversion paraissait à Louis très propre à faciliter le recouvrement de la Terre Sainte, et il l‘avait fort à cœur. 0h! s’écriait-il quelquefois, si j’avais la consolation de me voir le parrain d’un prince mahométan.
Bientôt une si douce espérance s’évanouit car dès que les croisés furent arrivés en Afrique, le roi de Tunis fit arrêter tous les Chrétiens qui étaient dans la ville, et les menaça de leur faire trancher la tête, si l’armée française approchait de la place. Comme la ville de Tunis était très fortifiée pour ce temps-là, et défendue avec une nombreuse garnison, Louis crut ne devoir rien entreprendre avant d'avoir reçu les renforts qu'il attendait, et il se contenta de mettre son armée à l'abri des insultes de l’ennemi, en faisant entourer son camp de fossés et de palissades; mais bientôt des fièvres malignes et des dysenteries, causées par les chaleurs excessives du climat et par les mauvaises eaux, se répandirent parmi ses troupes avec tant de violence, que l’armée fut diminuée de près de la moitié.
La mort du roi St-Louis près de Tunis
Le saint roi en fut attaqué lui-même, et jugea dès le premier jour que l’attaque était mortelle. Jamais il ne parut plus grand que dans cette circonstance critique. Malgré la douleur qu’il souffrait, il n’interrompit aucune des fonctions de la royauté, il donna toujours ses ordres avec la même présence d’esprit, que s’il eût été en parfaite santé; et plus occupé des autres que de lui-même, il n’épargnait rien pour les soulager.
Enfin, il succomba, et fut obligé de garder le lit. Le prince Philippe, son fils aîné, était toujours auprès de lui. Saint Louis, qui l'aimait et qui allait bientôt lui laisser son royaume, recueillit toutes ses forces, pour lui donner des instructions admirables, qui sont parvenues jusqu’à nous, et qui commencent ainsi : « Mon fils, la première chose que je Vous recommande, c'est d'aimer Dieu de tout votre cœur, et d’être disposé à souffrir tout plutôt que de pécher mortellement.» C’est ce que sa vertueuse mère lui avait inculqué dès son enfance, et dont il avait fait la règle de toute sa conduite. Il demanda de bonne heure les sacrements, et il les reçut avec une ferveur qui fit verser des larmes à tous les assistants. Quand il sentit son dernier moment approcher, il se fit coucher sur un lit couvert de cendres, où, les bras croisés sur la poitrine, les yeux fixés vers le Ciel, il expira en prononçant ces paroles du Psalmiste: « Seigneur, j'entrerai dans votre maison; je vous adorerai dans votre saint temple, et je glorifierai votre nom. » Ainsi mourut le meilleurs des rois, dont on ne peut admirer les vertus, sans bénir la Religion sainte qui les a produites.
Dieu mit le comble aux faveurs signalées qu’il avait accordées à ce siècle fécond en saints personnages par la naissance d'un grand prince qui sanctifia le trône par ses vertus, et l’honora par ses rares qualités.
La reine Blanche de Castille montrant à St-Louis enfant la Religion, la Foi et la Piété
Louis IX avait à peine douze ans lorsque son père mourut. Il fut élevé sous la tutelle de sa mère Blanche de Castille, qui gouverna le royaume de France en qualité de régente. Cette vertueuse princesse inspira de bonne heure à son auguste fils l’amour de la vertu et le goût de la piété. Elle lui répétait souvent ces belles paroles, si dignes d’une mère chrétienne : « Mon fils, quelque tendresse que j'aie Pour vous, j’aimerais mieux Vous voir privé du trône et de la vie, que souillé d’un seul péché mortel. »
St-Louis enfant avec sa mère Blanche de Castille, la très pieuse reine de France
Le jeune Louis prenait plaisir à écouter les sages instructions de sa mère, et il ne les oublia jamais. Blanche ne pouvant suffire seule à l’éducation du jeune roi, mit auprès de sa personne des hommes ,d’une sagesse consommée, qui formèrent en lui les qualités d’un héros et les vertus d’un grand saint. Ils lui apprirent que tout est grand dans le christianisme, et infiniment au-dessus de ce qu’on estime le plus dans le monde (la société ordinaire).
Le Roi St-Louis avec la couronne d`épine
L’heureux naturel du prince était très-propre à seconder les desseins de ses instituteurs, et ses progrès devançaient leurs leçons. Il montra toute sa vie l’estime singulière qu’il faisait de la grâce du baptême, par la prédilection marquée qu’il avait pour le lieu où il l’avait reçue. Il signait quelquefois Louis de Poissy, donnant à entendre qu’il préférait le titre de chrétien à celui de roi de France.
Le Sacre du Roi St-Louis en 1226
Il fut sacré à Reims, le premier dimanche de l’Avent, 1226. Ce ne fut pas une pure cérémonie pour ce jeune prince; il la regarda comme un engagement solennel qu’il prenait de travailler au bonheur de son peuple. Il s’y prépara par des exercices de piété, conjurant le Seigneur de répandre dans son âme l’onction sainte de la grâce. Il parut pénétré des paroles du psaume qu'on y chanta au commencement de l’office, et il s’en fit l’application à lui-même : « C’est vers vous, Seigneur, que j’ai élevé mon âme, mon Dieu, j’ai mis ma confiance en vous. » On cultiva aussi l’esprit du jeune prince, on lui apprit l’art de gouverner les hommes, et celui de faire la guerre, on lui enseigna l’histoire, que l’on a toujours regardée comme l’école des princes; enfin, on ne négligea aucune des connaissances propres à former un grand roi.
Il savait assez bien le latin pour entendre les écrits des saints Pères, qu'il avait coutume de lire, afin de sanctifier ses autres études. Lorsque le jeune monarque commença à gouverner par lui-même, on le vit appliqué à tous ses devoirs, et fidèle à les remplir. Magnifique quand il fallait l’être, il aimait cependant l’économie, et préférait en toutes choses la simplicité, ses habits, sa table, sa cour, tout annonçait un prince ennemi du faste. Après avoir donné la plus grande partie de son temps aux affaires de l’État, il se plaisait à converser avec des personnes pieuses, il consacrait chaque jour quelques heures aux exercices de la religion; et comme ceux qui avaient moins de piété que lui le blâmaient à ce sujet; il répondit avec douceur : « Les hommes sont étranges; on me fait un crime de mon assiduité à la prière, et l'on ne dirait mot si j`employais ce temps aux jeux de hasard ou à la chasse aux bêtes fauves ou aux oiseaux.»
120 - Le Roi Saint Louis fait apporter en France la Couronne d'épines. Année 1259.
Il n'y avait pas longtemps que saint Louis avait pris en main les rênes du gouvernement, lorsqu'il trouva l'occasion de signaler sa piété et son respect pour la Religion. Baudouin III, empereur de Constantinople, était venu en France solliciter du secours pour soutenir son trône chancelant.
Constantinople, le Royaume de Beaudoin III en 1259 – De nos jour Istanboul en Turquie
Ce trône n'avait jamais été bien affermi depuis la conquête qui en avait été faite, et il était alors puissamment attaqué par les Grecs. Baudouin, comblé des bienfaits du saint roi lui en marqua sa reconnaissance, en lui offrant la couronne d'épines de notre Seigneur, qui se conservait de temps immémorial dans la chapelle du palais des empereurs d'orient. Le religieux prince reçut cette offre avec une joie incroyable. Il envoya aussitôt à Constantinople des députés, auxquels l'empereur donna des lettres qui contenaient l'ordre de leur remettre ce précieux dépôt.
La Sainte Couronne d`Épines
Les députés, en arrivant dans cette ville, trouvèrent que l'on avait été forcé de mettre comme en gage la sainte couronne entre les mains des Vénitiens, qui avaient prêté une somme considérable. Il fallait les rembourser pour retirer cette sainte relique. Louis, informé de ce traité, la dégagea à ses frais. Elle fut donc apportée en France, scellée des sceaux de l'empire et de ceux de la république de Venise.
Le roi St-Louis va au-devant de la St-Couronne d`Épines
Quand le roi sut qu'elle s'avançait du côté de Sens, il alla à sa rencontre jusqu'au bourg de Villeneuve, accompagné de sa cour et d'un clergé nombreux. A l'aspect de la sainte couronne, il fondit en larmes, au point que tout le monde en fut attendri. Puis ils se chargèrent, lui et son frère Robert, de la châsse qui la contenait, et ils la portèrent depuis l’entrée de Sens, marchant nu-pieds, au milieu d’une foule innombrable de peuple, jusqu’à l'église de Saint-Etienne de cette ville. Le pieux roi la reçut avec les mêmes sentiments et la même pompe dans Paris, et la fit placer dans son palais. Quelques années après, il reçut encore de Constantinople plusieurs autres reliques, un morceau considérable de la vraie croix, le fer de la lance qui perça le côté de notre Seigneur, l’éponge qui lui fut présentée, imbibée de fiel et le vinaigre. Il les fit renfermer dans des châsses d'argent, enrichies de pierreries; et, pour les placer honorablement, il fit bâtir une chapelle célèbre sur le même lieu où était l’ancien Oratoire, et il fonda des chanoines pour y célébrer l’office divin.
La cathédrale St-Étienne de Sens ou le roi St-Louis accompagna la St-Couronne en procession religieuse et pieds-nus
La dédicace de la Sainte-Chapelle se fit avec beaucoup de solennité, et ce fut le lieu ordinaire où le saint roi vaquait aux exercices de piété, y passant quelquefois les nuits en prières; mais le temps qu’il y donnait n’était jamais au préjudice de son peuple. Il était persuadé que la piété qui nuit à l’accomplissement des devoirs est une fausse piété. L’attention qu’il portait sur toutes les branches du gouvernement, attestée par les monuments qui nous restent de son règne, prouve que les devoirs de la royauté étaient sa grande occupation, la France lui doit les plus beaux établissements et les lois les plus sages.
La Sainte-Chapelle à Paris construite sous le règne du Roi St-Louis
121 - Première Croisade du roi saint Louis. Année 1248
Une maladie dangereuse qu’essuyas saint Louis, fut l`occasion de la première croisade qu’il entreprit pour le recouvrement de la Terre-Sainte. Il fut attaqué d’une dysenterie si violente, qu'elle le mit bientôt à l’extrémité. On le crut mort pendant quelques moments. La France consternée adressait à Dieu des prières ferventes pour lui redemander son père et son roi. On mit sur le prince mourant le morceau de la vraie croix et les autres reliques qu'il avait reçues de Constantinople, et il revint de son assoupissement.
La première parole qu’il prononça fut pour appeler l’évêque de Paris, et pour lui demander la croix, parce qu'il voulait aller au secours de la Terre-Sainte. Le prélat fit beaucoup de difficultés, mais le roi insista d’une manière si touchante, qu’il n’y eut pas moyen de refuser. En recevant la croix, il la baisa affectueusement, et déclara qu’il était guéri. En effet, bientôt après il reparut au milieu de son peuple, et il fut attendri du spectacle de la joie publique. Il se disposa par l’exercice de toutes sortes de bonnes œuvres à accomplir son vœu.
Départ du Roi St-Louis pour l`Égypte à partir du sud de la France
La plupart des princes prirent la croix, et leur exemple fut suivi de la noblesse et du peuple. Le roi s’embarqua dans le dessein de porter la guerre en Égypte, et d’attaquer dans son propre pays le Soudan, qui avait subjugué la Terre-Sainte. On arriva heureusement à l’île de Chypre, où le roi avait fait préparer des magasins. De là il envoya déclarer la guerre au soudan d’Égypte, en cas qu’il refusât de rendre aux Chrétiens les places qui leur avaient été enlevées. Le fier musulman refusa de les rendre, et se prépara à soutenir la guerre.
La flotte des croisés partit donc de l’île de Chypre, et elle arriva, à la vue de Damiette, l’une des plus fortes places d’Égypte. L’ennemi bordait la côte pour s’opposer à la descente. Alors le roi monta sur le tillac, et tous les seigneurs se rassemblèrent autour de lui : « Mes amis, leur dit-il, c’est-par une providence singulière que ce voyage a été entrepris, nous ne pouvons douter que Dieu n'ait quelque grand dessein, nous serons invincibles, si nous sommes unis; mais quelque soit l’événement , il nous sera avantageux si nous mourons, nous obtenons la couronne immortelle du martyre ; si nous sommes victorieux, Dieu sera glorifié. Combattons pour lui, il triomphera pour
nous.
Ne considérez pas ma personne, je ne suis qu’un homme, dont la vie est entre les mains de Dieu. » Ces paroles et l’intrépidité du roi inspirèrent aux croisés une nouvelle ardeur, on s'avança fièrement sur le rivage. Le légat, qui était dans le même vaisseau que le roi, portait une croix fort haute pour animer les soldats par la vue de ce signe sacré, une chaloupe précédait, et l’on y avait dressé l’oriflamme, étendard que nos rois faisaient porter devant eux à la guerre. Comme il n’y avait plus assez d’eau pour aborder avec les vaisseaux, le roi sauta dans la mer, l’épée à la main, et toute l‘armée le suivit.
Les ennemis lancèrent une grêle de traits ; mais ils ne purent tenir contre l’attaque impétueuse des Français, ils prirent la fuite en désordre. Les habitants et la garnison de Damiette abandonnèrent cette place, et le roi y entra sans résistance. Ce ne fut pas avec la pompe et le faste d’un conquérant, mais avec l’humilité d'un roi vraiment chrétien, qui fait à Dieu un hommage sincère de sa victoire. Il y entra en procession nu pieds, avec les princes et le clergé. On alla de cette manière jusqu’à la principale mosquée, dont le légat fit une église, en la purifiant, et où il célébra solennellement la messe.
122 - Captivité de saint Louis. Année 1250.
Saint Louis, maître de Damiette, résolut d'aller droit au Caire, qui était la capitale de l’Égypte. Pour y arriver, il fallut combattre l’armée des Mahométans, qui était campée dans un lieu nommé la Massoure. Le roi y conduisit ses troupes, et attaqua les ennemis qui firent une vigoureuse résistance. La témérité du comte d’Artois, qui s’avança contre l’ordre du roi son frère, jusque dans la Massoure, attira sur lui et sur l’armée française tous les malheurs qui suivirent cette funeste journée.
Les ennemis fondirent sur lui avec impétuosité, les Français volèrent au secours du prince, et il y eut un combat sanglant où il périt. La perte fut considérable de part et d’autre; mais l'ennemi pouvait réparer ses forces, étant dans son propre pays. Il n’en était pas de même des croisés. Pour comble de malheur, une maladie contagieuse se répandit parmi eux, et les tint dans l'inaction pendant plusieurs mois : comme les vivres se consumaient, la famine se joignit à la maladie. On fut donc obligé de reprendre le chemin de Damiette; mais on était suivi par les ennemis, et pendant toute la marche, ce ne fut plus qu’un combat continuel. Le saint roi fit des efforts incroyables; mais ayant été forcé de s’arrêter à une petite ville, il tomba entre les mains des Mahométans, avec ses deux frères et la plus grande partie de son armée.
Le Roi St-Louis, prisonnier en Égypte
Saint Louis, dans la prison, parut le même que sur le trône; aussi grand dans les fers, que s’il eût été vainqueur sur le champ de bataille. Les mahométans eux-mêmes étaient étonnés de sa fermeté, et ils disaient que c’était le plus fier Chrétien qu'ils eussent jamais connu. Traité avec inhumanité, il se conduisit toujours en roi, dont la grandeur est indépendante des événements, en fidèle Chrétien à qui Dieu tient lieu de tout; en héros, dont l’âme est supérieure à tous les revers. « Tu es dans les fers, lui disaient ces mahométans, et tu nous traites comme si nous étions tes captifs». Cette constance héroïque fit tant d’impression sur le soudan, qu’il lui offrit la liberté, à condition que Louis donnerait un million de besans d'or pour sa rançon et pour celle des autres prisonniers. « La personne d’un roi de France ne se rachète point à prix d’argent, répondit le roi ; je donnerai pour ma rançon la ville de Damiette, et pour celle de mes sujets la somme que vous me demandez. »
Le soudan, plein d’admiration, fit remise au roi de la cinquième partie du prix. Le traité était conclu; mais avant qu’on l'exécutât, le soudan fut tué par ses émirs, et cette mort replongea le saint roi dans de nouveaux embarras. Les assassins vinrent à sa prison comme des furieux. Louis les vit entrer sans émotion, et leur en imposa par son intrépidité. Ils ratifièrent le traité; ils délibérèrent même s’ils ne le feraient pas leur soudan; mais la crainte de voir leurs mosquées détruites par un prince si ferme dans sa religion, les empêche de lui offrir cette dignité. Le roi ayant été mis en liberté, exécuta fidèlement la convention. Il rendit Damiette au jour marqué, il paya la somme promise; et comme les mahométans s’étaient trompés dans le calcul à leur désavantage, il leur fit reporter ce qui manquait, quoiqu’ils eussent été peu exacts à remplir leurs engagements.
123 - Voyage de Saint Louis en Palestine.
Les mahométans retenaient, contre la foi du traité, un grand nombre de prisonniers français, et ils les efforçaient d`abandonner la foi chrétienne et de se convertir à l`islam. Ce fut de qui empêcha le saint roi de retourner en France, comme on l'en pressait. Pour être à portée de retirer de leurs mains le reste des captifs, et de préserver la Terre-Sainte d'une ruine entière, il fit voile vers la Palestine, et il arriva heureusement dans la ville d`Acre. Il fut reçu avec de grandes marques de joie par les habitants, qui vinrent en procession au-devant de lui jusqu'à la mer.
Il lui restait à peine six mille hommes, nombre trop petit pour former aucune entreprise. Cependant, à la prière des Chrétiens de ce pays, il résolut d'y demeurer quelque temps mais il renvoya en France ses deux frères, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou. Pendant le séjour que ce prince fit dans la Terre-Sainte, il visita les saints lieux avec, les plus tendres sentiments de piété, et les marques de respect les plus touchantes. Étant allé à Nazareth le jour de l'Annonciation, du plus loin qu'il aperçut ce saint lieu, il descendit de cheval, et se mit à genoux; ensuite il fit à pied le reste du chemin, quoiqu'il fût très-fatigué et qu'il eût ce jour-là jeûné au pain et à l'eau.
Le roi St-Louis en Orient
Il avait un extrême désir d'aller à Jérusalem, et le soudan, qui en était le maître, y avait consenti; mais on lui représenta que s'il entrait dans la ville sainte sans la délivrer,
tous les rois qui viendraient dans la suite en Palestine , se croiraient quittes de leur vœu, en se contentant, à son exemple, d'un simple voyage de dévotion. C'est ce qui le fit renoncer à ce dessein. Il employa tout le temps de son séjour en Palestine pour raffermir les affaires des Chrétiens de ce pays, réparant et fortifiant, à ses frais, les places qu`ils y avaient encore. Il y était occupé de tous ces grands ouvrages, lorsqu’il apprit la mort de la reine Blanche sa mère. Il la pleura amèrement, mais en Chrétien, avec une entière résignation et la volonté de Dieu; il se mit à genoux devant l'autel, et adressa à Dieu ces paroles : «Seigneur, je vous rends grâces de m’avoir conservé jusqu’ici une mère si digne de toute mon affection, c’était un présent de votre miséricorde; vous le reprenez comme votre bien : je n’ai point à m’en-plaindre. Il est vrai que je l'aimais tendrement; mais puisqu’il vous plaît de me l’ôter, que votre saint nom soit béni dans tous les siècles.»
La ville de St-Jean d`Acres en Palestine
Cette mort le, fit songer à son retour en France; il y avait près de six ans qu’il en était sorti; Il fit ses dernières dispositions, et après avoir mis les places de la Palestine en état de défense, il partit du port d`Acres au mois d’avril 1254, comblé des bénédictions de tout le peuple, de la noblesse et des évêques, qui le conduisirent jusqu’à son vaisseau; Dans le cours de la navigation, le saint roi s’occupa de la prière, du soin des malades et de l’instruction des matelots; ses exemples produisirent les meilleurs effets, les exercices de religion se faisaient avec presque autant de régularité que dans un monastère. Il débarqua en Provence et prit le chemin de Paris, où il arriva le 5 septembre. Un de ses premiers soins fut d'aller remercier Dieu dans l'église de Saint-Denis, à laquelle il fit de magnifiques présents.
124 - Seconde croisade de saint Louis; sa mort. Année 1270
Le roi Saint Louis à son retour de la Palestine, n’avait pas quitté la Croix, parce qu’il méditait dès lors une seconde expédition pour le même objet. Il fut confirmé dans cette disposition par les nouvelles qu’il reçut de ce pays. Depuis son départ, les mahométans avaient repris une partie des places qu’il avait fortifiées, et ils y exerçaient les plus
grandes cruautés contre les Chrétiens qui refusaient d’embrasser le mahométisme.
Ce prince, après avoir réglé les affaires de son royaume, déclara la résolution où il était d’aller à leur secours; il engagea les princes et les seigneurs de ses États à se croiser avec lui. Ses discours et son exemple firent la plus vive impression sur les esprits, et le roi se vit bientôt à la tête d`une une puissante armée. Il s'embarqua au mois de juillet 1270, et fit voile vers Tunis. Ce qui le détermina à y conduire son armée, c'est que le roi de ce pays lui avait donné lieu de croire qu’il embrasserait la Religion chrétienne, s’il ne craignait pas la révolte de ses sujets. Cette conversion paraissait à Louis très propre à faciliter le recouvrement de la Terre Sainte, et il l‘avait fort à cœur. 0h! s’écriait-il quelquefois, si j’avais la consolation de me voir le parrain d’un prince mahométan.
Bientôt une si douce espérance s’évanouit car dès que les croisés furent arrivés en Afrique, le roi de Tunis fit arrêter tous les Chrétiens qui étaient dans la ville, et les menaça de leur faire trancher la tête, si l’armée française approchait de la place. Comme la ville de Tunis était très fortifiée pour ce temps-là, et défendue avec une nombreuse garnison, Louis crut ne devoir rien entreprendre avant d'avoir reçu les renforts qu'il attendait, et il se contenta de mettre son armée à l'abri des insultes de l’ennemi, en faisant entourer son camp de fossés et de palissades; mais bientôt des fièvres malignes et des dysenteries, causées par les chaleurs excessives du climat et par les mauvaises eaux, se répandirent parmi ses troupes avec tant de violence, que l’armée fut diminuée de près de la moitié.
La mort du roi St-Louis près de Tunis
Le saint roi en fut attaqué lui-même, et jugea dès le premier jour que l’attaque était mortelle. Jamais il ne parut plus grand que dans cette circonstance critique. Malgré la douleur qu’il souffrait, il n’interrompit aucune des fonctions de la royauté, il donna toujours ses ordres avec la même présence d’esprit, que s’il eût été en parfaite santé; et plus occupé des autres que de lui-même, il n’épargnait rien pour les soulager.
Enfin, il succomba, et fut obligé de garder le lit. Le prince Philippe, son fils aîné, était toujours auprès de lui. Saint Louis, qui l'aimait et qui allait bientôt lui laisser son royaume, recueillit toutes ses forces, pour lui donner des instructions admirables, qui sont parvenues jusqu’à nous, et qui commencent ainsi : « Mon fils, la première chose que je Vous recommande, c'est d'aimer Dieu de tout votre cœur, et d’être disposé à souffrir tout plutôt que de pécher mortellement.» C’est ce que sa vertueuse mère lui avait inculqué dès son enfance, et dont il avait fait la règle de toute sa conduite. Il demanda de bonne heure les sacrements, et il les reçut avec une ferveur qui fit verser des larmes à tous les assistants. Quand il sentit son dernier moment approcher, il se fit coucher sur un lit couvert de cendres, où, les bras croisés sur la poitrine, les yeux fixés vers le Ciel, il expira en prononçant ces paroles du Psalmiste: « Seigneur, j'entrerai dans votre maison; je vous adorerai dans votre saint temple, et je glorifierai votre nom. » Ainsi mourut le meilleurs des rois, dont on ne peut admirer les vertus, sans bénir la Religion sainte qui les a produites.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: HISTOIRE ABRÉGÉE DE L'ÉGLISE - PAR M. LHOMOND – France - 1818 - DEUXIEME PARTIE ( Images et Cartes)
125 - Vertus de saint Thomas d’Aquin.
Le roi Saint Louis avait beaucoup d’estime et d’affection pour les religieux des deux ordres nouvellement établis, les frères Mineurs et les frères Prêcheurs. Il admirait leur zèle pour le salut des âmes, leur profonde humilité, leur vie pénitente et mortifiée, et leur parfait désintéressement. Il disait que s’il pouvait faire deux parts de sa personne, il en donnerait une aux enfants de saint François, et l'autre aux enfants de saint Dominique.
St-Thomas d`Aquin, Docteur de l`Église
Saint Thomas d’Aquin, issu d’une famille noble dans le royaume de Naples, faisait alors l`ornement et la gloire de ce dernier ordre. Il reçut une éducation conforme à sa naissance et aux vues de fortune qu’on avait sur lui. On l’envoya aux écoles les plus célèbres de l’Italie, d’abord au Mont-Cassin, puis à Naples, où était une université florissante. Le jeune Thomas annonçait dès-lors les plus grands talents pour les sciences, et montrait les plus heureuses dispositions pour la vertu. Quelques entretiens qu’il eut avec un religieux dominicain, qui était rempli de l’esprit de Dieu, lui firent concevoir un désir ardent d’entrer dans cet ordre, et il en prit l'habit à l’âge de dix-sept ans.
Sa famille en ayant été informée, mit tout en œuvre pour le détourner de sa résolution; mais il demeura ferme. Dieu permit qu'on lui; rendit la liberté, et qu’on le laissât maître de suivre sa vocation. Ses supérieurs l’envoyèrent à Cologne, pour y étudier la théologie, sous Albert-le-Grand. Instruit par cet habile maître, il fit, en peu de temps de grands progrès dans cette science; mais il les cachait par humilité; il parlait peu, de peur de donner entrée dans son cœur au démon de l'orgueil. Son silence passait pour stupidité; et on l’appelait par dérision le Bœuf muet. Mais son maître, qui le connaissait mieux, en jugeait tout autrement et il disait aux railleurs que les doctes mugissement de ce bœuf retentiraient un jour par toute la terre; il ne se trompa point.
Saint Albert le Grand (Albert de Cologne), théologien et professeur de Saint Thomas d`Aquin
Thomas, après avoir achevé son cours et reçu le degré de docteur, enseigna à Paris avec le plus grand éclat. Il composa un grand nombre d’excellents ouvrages, qui répandirent au loin sa réputation. Le saint docteur attribuait sa science beaucoup moins à l’étude qu`a la prière. Il invoquait toujours l'esprit de Dieu avant de composer, et il redoublait ses prières, quand il trouvait quelque grande difficulté à résoudre.
La fameuse Somme Théologique de Saint Thomas d`Aquin
Le pape Clément 1V lui offrit l’archevêché de Naples, que le Saint docteur refusa. La Souverain Pontife céda à ses instances sur ce point; mais il lui ordonna de se rendre au concile à Lyon. Le saint docteur obéit et quoi qu`il eut alors la fièvre, il ne laissa pas de partir pour Lyon; mais comme le mal augmentait, il fut obligé de s'arrêter en chemin et il mourut en 1274 a l`abbaye de Fosse Neuve dans le diocèse Terracine.
126 - Vertus de saint Bonaventure
St-Bonaventure faisait pas moins d'honneur à l`Ordre de St-François (Franciscains) que St-Thomas d`Aquin a l`Ordre de St-Dominique (Dominicains). Il naquit en Toscane de parents recommandables par leur piété. Le nom de Bonaventure lui fut donné a l`occasion d`un mot que prononça sur lui St-François, pour annoncer les grâces dont la miséricorde divine le comblerait
St-Bonaventure – Docteur de l`Église ( 1221 à 1274)
Cet enfant de bénédiction n`avait encore que quatre ans lorsqu'il fut attaqué d`une maladie dangereuse. Sa mère désolée alla le recommander à St-François qui pria pour lui et obtint sa guérison. Bonaventure, instruit de cette grâce qu`il avait reçu de Dieu la gouta des qu`il put la connaitre et à l’âge de vingt-deux ans, il entra dans l’ordre des Frères Mineurs, selon le vœu qu`il avait fait à sa mère. Peu de temps après, on l’envoya à Paris pour y achever ses études sous le célèbre Alexandre de Halès, qui était un des plus savants religieux de son Ordre.
Alexandre de Halès
Il y fit des progrès rapides et fut admis au doctorat en même temps que St-Thomas d`Aquin avec qui il était étroitement uni. Ces deux saints docteurs se visitaient souvent, et ils avaient l`un pour l`autre la plus haute estime. Un jour St-Thomas trouvant sont ami occupé à écrire la vie de St-François d`Assise ne voulut pas le détourner de son travail : « Laissons, dit-il, le saint travailler pour un autre saint; ce serait une indiscrétion de l`interrompre.» Au bout de sept ans de profession, on le choisit pour remplir la chaire de théologie, à la place d’Alexandre de Halès, et il s’acquitta de cet emploi avec distinction.
En donnant des leçons de cette science sublime, il se proposait moins encore de faire des savants, que de former des Chrétiens en enseignant à ses disciples ce que l’on doit croire, il leur montrait, par son exemple, ce que l’on doit faire. Il n’avait que trente-cinq ans, lorsqu’on le mit malgré lui à la tête de son ordre, et il le gouverna en qualité de général avec beaucoup de prudence et de capacité. Le pape Grégoire X, plein d’estime pour ses vertus et pour ses talents, songeait à l`élever à la dignité de cardinal. Le saint docteur, qui soupçonna ce dessein, essaya d'en empêcher l’exécution, en sortant secrètement de l’Italie; mais un ordre précis du souverain pontife l’obligea d’y retourner promptement.
St-Bonaventure au Concile de Lyon
Il était dans un couvent de son ordre, près de Florence, lorsque deux hommes du pape vinrent lui apporter le chapeau. Ils le trouvèrent occupé à un des plus bas ministères de la communauté. A cette vue, ils témoignèrent quelque surprise; mais le saint ne marqua aucun embarras ; il continua en leur présence l’office qu’il avait commencé; et quand il l'eut achevé, il reçut les marques de sa nouvelle dignité en soupirant, et il ne dissimula point la peine qu’il sentait d'être dans la nécessité d'échanger les fonctions paisibles du cloître avec les obligations redoutables qu’on lui imposait. Peu de temps après, le pape le sacra lui-même évêque d’Albane, et lui ordonna de se préparer sur les matières que l’on devait traiter au concile général de Lyon. St Bonaventure se rendit à ce concile, et y prêcha à la seconde et à la troisième session; mais il tomba alors dans une défaillance qui termina sa vie. Il a laissé un grand nombre d‘ouvrages, qui respirent la piété la plus affectueuse; et il est regardé, en particulier, parmi tous les docteurs de son temps, comme le plus grand maître de la vie spirituelle.
Les très belles Méditations sur la vie de Jésus-Christ par St-Bonaventure
FIN
Je termine ici cette histoire sur les commencements de l`Église, la suite étant plus connue.
Le roi Saint Louis avait beaucoup d’estime et d’affection pour les religieux des deux ordres nouvellement établis, les frères Mineurs et les frères Prêcheurs. Il admirait leur zèle pour le salut des âmes, leur profonde humilité, leur vie pénitente et mortifiée, et leur parfait désintéressement. Il disait que s’il pouvait faire deux parts de sa personne, il en donnerait une aux enfants de saint François, et l'autre aux enfants de saint Dominique.
St-Thomas d`Aquin, Docteur de l`Église
Saint Thomas d’Aquin, issu d’une famille noble dans le royaume de Naples, faisait alors l`ornement et la gloire de ce dernier ordre. Il reçut une éducation conforme à sa naissance et aux vues de fortune qu’on avait sur lui. On l’envoya aux écoles les plus célèbres de l’Italie, d’abord au Mont-Cassin, puis à Naples, où était une université florissante. Le jeune Thomas annonçait dès-lors les plus grands talents pour les sciences, et montrait les plus heureuses dispositions pour la vertu. Quelques entretiens qu’il eut avec un religieux dominicain, qui était rempli de l’esprit de Dieu, lui firent concevoir un désir ardent d’entrer dans cet ordre, et il en prit l'habit à l’âge de dix-sept ans.
Sa famille en ayant été informée, mit tout en œuvre pour le détourner de sa résolution; mais il demeura ferme. Dieu permit qu'on lui; rendit la liberté, et qu’on le laissât maître de suivre sa vocation. Ses supérieurs l’envoyèrent à Cologne, pour y étudier la théologie, sous Albert-le-Grand. Instruit par cet habile maître, il fit, en peu de temps de grands progrès dans cette science; mais il les cachait par humilité; il parlait peu, de peur de donner entrée dans son cœur au démon de l'orgueil. Son silence passait pour stupidité; et on l’appelait par dérision le Bœuf muet. Mais son maître, qui le connaissait mieux, en jugeait tout autrement et il disait aux railleurs que les doctes mugissement de ce bœuf retentiraient un jour par toute la terre; il ne se trompa point.
Saint Albert le Grand (Albert de Cologne), théologien et professeur de Saint Thomas d`Aquin
Thomas, après avoir achevé son cours et reçu le degré de docteur, enseigna à Paris avec le plus grand éclat. Il composa un grand nombre d’excellents ouvrages, qui répandirent au loin sa réputation. Le saint docteur attribuait sa science beaucoup moins à l’étude qu`a la prière. Il invoquait toujours l'esprit de Dieu avant de composer, et il redoublait ses prières, quand il trouvait quelque grande difficulté à résoudre.
La fameuse Somme Théologique de Saint Thomas d`Aquin
Le pape Clément 1V lui offrit l’archevêché de Naples, que le Saint docteur refusa. La Souverain Pontife céda à ses instances sur ce point; mais il lui ordonna de se rendre au concile à Lyon. Le saint docteur obéit et quoi qu`il eut alors la fièvre, il ne laissa pas de partir pour Lyon; mais comme le mal augmentait, il fut obligé de s'arrêter en chemin et il mourut en 1274 a l`abbaye de Fosse Neuve dans le diocèse Terracine.
126 - Vertus de saint Bonaventure
St-Bonaventure faisait pas moins d'honneur à l`Ordre de St-François (Franciscains) que St-Thomas d`Aquin a l`Ordre de St-Dominique (Dominicains). Il naquit en Toscane de parents recommandables par leur piété. Le nom de Bonaventure lui fut donné a l`occasion d`un mot que prononça sur lui St-François, pour annoncer les grâces dont la miséricorde divine le comblerait
St-Bonaventure – Docteur de l`Église ( 1221 à 1274)
Cet enfant de bénédiction n`avait encore que quatre ans lorsqu'il fut attaqué d`une maladie dangereuse. Sa mère désolée alla le recommander à St-François qui pria pour lui et obtint sa guérison. Bonaventure, instruit de cette grâce qu`il avait reçu de Dieu la gouta des qu`il put la connaitre et à l’âge de vingt-deux ans, il entra dans l’ordre des Frères Mineurs, selon le vœu qu`il avait fait à sa mère. Peu de temps après, on l’envoya à Paris pour y achever ses études sous le célèbre Alexandre de Halès, qui était un des plus savants religieux de son Ordre.
Alexandre de Halès
Il y fit des progrès rapides et fut admis au doctorat en même temps que St-Thomas d`Aquin avec qui il était étroitement uni. Ces deux saints docteurs se visitaient souvent, et ils avaient l`un pour l`autre la plus haute estime. Un jour St-Thomas trouvant sont ami occupé à écrire la vie de St-François d`Assise ne voulut pas le détourner de son travail : « Laissons, dit-il, le saint travailler pour un autre saint; ce serait une indiscrétion de l`interrompre.» Au bout de sept ans de profession, on le choisit pour remplir la chaire de théologie, à la place d’Alexandre de Halès, et il s’acquitta de cet emploi avec distinction.
En donnant des leçons de cette science sublime, il se proposait moins encore de faire des savants, que de former des Chrétiens en enseignant à ses disciples ce que l’on doit croire, il leur montrait, par son exemple, ce que l’on doit faire. Il n’avait que trente-cinq ans, lorsqu’on le mit malgré lui à la tête de son ordre, et il le gouverna en qualité de général avec beaucoup de prudence et de capacité. Le pape Grégoire X, plein d’estime pour ses vertus et pour ses talents, songeait à l`élever à la dignité de cardinal. Le saint docteur, qui soupçonna ce dessein, essaya d'en empêcher l’exécution, en sortant secrètement de l’Italie; mais un ordre précis du souverain pontife l’obligea d’y retourner promptement.
St-Bonaventure au Concile de Lyon
Il était dans un couvent de son ordre, près de Florence, lorsque deux hommes du pape vinrent lui apporter le chapeau. Ils le trouvèrent occupé à un des plus bas ministères de la communauté. A cette vue, ils témoignèrent quelque surprise; mais le saint ne marqua aucun embarras ; il continua en leur présence l’office qu’il avait commencé; et quand il l'eut achevé, il reçut les marques de sa nouvelle dignité en soupirant, et il ne dissimula point la peine qu’il sentait d'être dans la nécessité d'échanger les fonctions paisibles du cloître avec les obligations redoutables qu’on lui imposait. Peu de temps après, le pape le sacra lui-même évêque d’Albane, et lui ordonna de se préparer sur les matières que l’on devait traiter au concile général de Lyon. St Bonaventure se rendit à ce concile, et y prêcha à la seconde et à la troisième session; mais il tomba alors dans une défaillance qui termina sa vie. Il a laissé un grand nombre d‘ouvrages, qui respirent la piété la plus affectueuse; et il est regardé, en particulier, parmi tous les docteurs de son temps, comme le plus grand maître de la vie spirituelle.
Les très belles Méditations sur la vie de Jésus-Christ par St-Bonaventure
FIN
Je termine ici cette histoire sur les commencements de l`Église, la suite étant plus connue.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
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