La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
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La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
Source : Littérature du Moyen-Âge en Occident - A. Ebert – Allemagne – 1889 – traduite de l`allemand
Une des plus anciennes nouvelles sur les productions littéraires anglo-saxonne nous est communiquée par Bède ( 672 à 735 Ap J.C.) dans son Histoire Ecclésiastique de l`Angleterre. C`était selon Bède un domestique du monastère de Streaneshealh dans le Northumberland et il avait pour nom Caedmon. Honteux de ne pas pouvoir, comme ses compagnons, chanter un lied, lorsque, dans un festin, la cythare passait de main en main, il se retira un jour de table et il alla se blottir dans l'écurie dont il avait la garde : là, il eut un songe dans lequel il reçut l'ordre de chanter l'origine des créatures.
L`hymne de Caedmon en langue saxonne date du 8 eme siècle
Pendant son rêve, Caedmon eut encore le temps de composer quelques lignes où il célébrait la gloire du Dieu éternel, créateur du ciel et de la terre; après son réveil, il termina le lied (chant). Or, ce fait ne tarda pas à être connu. Après avoir donné une preuve de son talent poétique devant l'abbesse Hilde, en mettant en vers un passage de l'histoire biblique qu'on lui expliqua, Caedmon fut admis par elle dans le monastère des hommes.
Ruine d`un ancien monastère anglais du temps de Bède le vénérable
Là, on lui expliqua l'histoire biblique suivant l'ordre des faits. Il cherchait à se rappeler ensuite tout ce qu'il avait pu apprendre par cette explication orale, le travaillait, et le faisait passer dans un poème charmant qu'il récitait à ses maîtres en l'accompagnant d'un chant délicieux. C'est ainsi qu'il chanta la création du monde, l'origine du genre humain et toute l'histoire de la Genèse, à partir de la sortie d'Israël d'Égypte jusqu'à son entrée dans la Terre promise ; la plupart des autres histoires de l'Écriture sainte; la naissance, la passion, la résurrection et l'ascension du Fils de Dieu; la descente du Saint-Esprit et la doctrine des Apôtres.
Il composa également beaucoup de poèmes (carmina) sur l'appareil terrible du jugement dernier, l'horreur des peines de l'enfer, comme aussi sur les délices du royaume céleste et sur la bonté et les jugements de Dieu. Dans tous ces poèmes, Caedmon s'efforçait de détourner les hommes du péché et de les porter à la pratique de la vertu.
Vers l`an 1000 Ap J.C. - En rouge l`archidiocèse de York et de Canterbury. Les diocèses sont en vert.
Edmund Milly: "Caedmon's Hymn" (Ensemble Inversus) en langue saxonne?
Un codex d'Oxford, du 10e siècle, nous a conservé un recueil de ces œuvres poétiques dont les trois premières et les plus anciennes doivent être attribuées à cette époque. Elles traitent des sujets de l'Ancien Testament. Le premier de ces ouvrages a pour base le premier livre de Moïse jusqu'au chapitre 22, v. 13, et il se termine avec le récit du sacrifice d'Abraham : aussi l'a-t-on intitulé à bon droit : Genèse. Tel qu'il est conservé dans le manuscrit, avec ses lacunes, il compte deux mille neuf cent trente-cinq lignes longues. Mais l'ouvrage, tel que nous le possédons, ne forme pas un tout homogène. Il faut d'abord en détacher un passage de plus de six cents lignes longues, du vers deux cent trente-cinq au vers huit cent cinquante-un; il a été intercalé, à la place du texte primitif; il provient d'un poème plus récent appelé: seconde Genèse. Ce poème traite d'ailleurs le même sujet : la tentation et la chute de nos premiers parents. Nous en reparlerons dans le livre suivant. Il y a plus : la partie qui précède l'interpolation, comme aussi celle qui la suit, semble à peine appartenir au même auteur. Examinons ici ces deux parties.
Évangiles de Lindisfarne – art anglo-saxon- 7 eme siècle
Évangiles de Lindisfarne – art anglo-saxon- 7 eme siècle
L'ouvrage ne débute pas, ainsi qu'on pourrait s'y attendre, par la création du monde, mais bien par les motifs qui l'ont déterminée, c'est-à-dire la chute des anges.
Cette argumentation, qui forme l'introduction (v. 1-102), offre un récit tout à fait indépendant de la Bible et qui repose exclusivement sur la doctrine ecclésiastique, telle que l'a développée notamment saint Grégoire le Grand dans ses Moralia et dans son exégèse de la Bible (1). « Notre devoir, dit le poète en débutant, notre devoir est de louer par nos paroles, comme aussi d'aimer par notre coeur, le gardien des cieux, le roi glorieux des peuples, le seigneur tout-puissant qui est sans fin et sans commencement. Il maintint fermement et avec force les cieux qui avaient été créés dans l'immensité pour les enfants de la magnificence, les gardiens des esprits (les anges).
La Jubilation, la Joie, la Paix étaient dans le ciel avant que le chef de la troupe angélique ne se révoltât par son orgueil : lui et les siens se vantaient de vouloir partager l'empire avec le Seigneur; il voulait posséder, au nord, une patrie qui fût à lui, comme aussi un trône du royaume céleste. Alors Dieu irrité créa pour l'esprit menteur une patrie horrible dans l'enfer et les y précipita, lui et les siens. A partir de ce moment l'Amour et la Paix revinrent dans le ciel; mais les sièges des anges déchus y étaient vides : pour les faire occuper de nouveau par un peuple meilleur, Dieu résolut la création du monde et celle de l'homme.»
Là se termine l'introduction, et ce n'est qu'à partir du vers cent trois que l'auteur de la première partie passe à l'élaboration du livre biblique; mais cette dernière ne va que jusqu'au chap. II, v. 14, où l'on trouve les noms des fleuves du Paradis. Après une petite lacune de quelques lignes, commence le passage interpolé. Mais, dans cette première partie, on trouve d'une part la plus grande lacune, à savoir l'histoire de la création, qui s'arrête au beau milieu du troisième jour, et celle des autres journées qui manque tout à fait; et, d'autre part, la création d’Ève laquelle est empruntée par avance à ce qui suit (chap.II, v. 18, 21, sq.), de telle sorte que ce passage de la Bible se trouve combiné avec le chapitre I (v. 28 sq.).
C'est dans l'élaboration paraphrasée du texte biblique, plus encore que dans l'introduction, que l'auteur de la première partie nous révèle sa nature poétique : témoins, quelques grands traits, comme lorsqu'il nous représente, avant la création. Dieu plongeant « ses regards » sur les lieux attristés de l'abîme entouré d'une nuit éternelle, causée par les sombres nuages (v. 106 sq.), ou encore, lorsqu'il nous montre comment arrivèrent le premier soir et la première nuit (v. 133 sq.) et comment accourt, à pas précipités, le matin lumineux pour parcourir la terre (v. 184 sq.).
Même dans la partie qui suit l'interpolation, et qui s'étend de la rencontre entre Dieu et nos premiers parents (chap. III, v. 8) après leur chute jusqu'au sacrifice d'Abraham, on trouve maintes lacunes du manuscrit. Dans cette partie, la plus considérable de l'ouvrage, qui comprend plus de deux mille lignes longues, l'élaboration du texte biblique est moins brillante , moins émaillée de fleurs de rhétorique , et moins indépendante que dans la première. Mais elle n'en est pas pour cela moins digne d'éloges.
Le livre de Kells – 8 eme siècle – Irlande et Angleterre
Partout l'auteur a fait preuve de réflexion intelligente; il s'est efforcé de mettre le texte biblique à la portée de la conscience nationale et chrétienne de son peuple, et de le lui rendre par-là sympathique et compréhensible dans ses détails. C'est ainsi qu'il a mis de côté les passages, qui même remaniés, auraient pu rester inintelligibles pour un lecteur anglo-saxon , comme, par exemple, l'explication des noms, et encore les passages qui blessaient la conscience chrétienne ou qui, n'offrant qu'une sèche nomenclature, n'auraient pas causé le moindre intérêt.
Par contre, il ne craint pas de fait e des additions pour expliquer, comme pour motiver, le récit biblique. Mais alors ses peintures prennent plus d'ampleur, et en cela il ne répudie pas sa nationalité : non seulement, en effet, il travaille la Bible en langue anglo-saxonne, mais encore il la travaille dans un esprit anglo-saxon. Les actions qu'il raconte, il les fait se passer en même temps au milieu de son peuple, en transportant au temps et sur la scène du récit biblique les institutions, les mœurs, les usages, les défauts et les vertus des Anglo-Saxons. C'est ainsi que, à la place des expressions bibliques exprimant une dignité ou une fonction, il a employé les mêmes expressions de la nation anglo-saxonne : pour lui, la richesse consiste dans des bagues en or travaillé; les guerriers de la Bible sont ornés comme ceux des Anglo-Saxons, et même la mer, que ceux-ci aiment tant, apparaît dans les paysages que dessine l'auteur.
Source : Littérature du Moyen-Âge en Occident - A. Ebert – Allemagne – 1889 – traduite de l`allemand
Une des plus anciennes nouvelles sur les productions littéraires anglo-saxonne nous est communiquée par Bède ( 672 à 735 Ap J.C.) dans son Histoire Ecclésiastique de l`Angleterre. C`était selon Bède un domestique du monastère de Streaneshealh dans le Northumberland et il avait pour nom Caedmon. Honteux de ne pas pouvoir, comme ses compagnons, chanter un lied, lorsque, dans un festin, la cythare passait de main en main, il se retira un jour de table et il alla se blottir dans l'écurie dont il avait la garde : là, il eut un songe dans lequel il reçut l'ordre de chanter l'origine des créatures.
L`hymne de Caedmon en langue saxonne date du 8 eme siècle
Pendant son rêve, Caedmon eut encore le temps de composer quelques lignes où il célébrait la gloire du Dieu éternel, créateur du ciel et de la terre; après son réveil, il termina le lied (chant). Or, ce fait ne tarda pas à être connu. Après avoir donné une preuve de son talent poétique devant l'abbesse Hilde, en mettant en vers un passage de l'histoire biblique qu'on lui expliqua, Caedmon fut admis par elle dans le monastère des hommes.
Ruine d`un ancien monastère anglais du temps de Bède le vénérable
Là, on lui expliqua l'histoire biblique suivant l'ordre des faits. Il cherchait à se rappeler ensuite tout ce qu'il avait pu apprendre par cette explication orale, le travaillait, et le faisait passer dans un poème charmant qu'il récitait à ses maîtres en l'accompagnant d'un chant délicieux. C'est ainsi qu'il chanta la création du monde, l'origine du genre humain et toute l'histoire de la Genèse, à partir de la sortie d'Israël d'Égypte jusqu'à son entrée dans la Terre promise ; la plupart des autres histoires de l'Écriture sainte; la naissance, la passion, la résurrection et l'ascension du Fils de Dieu; la descente du Saint-Esprit et la doctrine des Apôtres.
Il composa également beaucoup de poèmes (carmina) sur l'appareil terrible du jugement dernier, l'horreur des peines de l'enfer, comme aussi sur les délices du royaume céleste et sur la bonté et les jugements de Dieu. Dans tous ces poèmes, Caedmon s'efforçait de détourner les hommes du péché et de les porter à la pratique de la vertu.
Vers l`an 1000 Ap J.C. - En rouge l`archidiocèse de York et de Canterbury. Les diocèses sont en vert.
Edmund Milly: "Caedmon's Hymn" (Ensemble Inversus) en langue saxonne?
Un codex d'Oxford, du 10e siècle, nous a conservé un recueil de ces œuvres poétiques dont les trois premières et les plus anciennes doivent être attribuées à cette époque. Elles traitent des sujets de l'Ancien Testament. Le premier de ces ouvrages a pour base le premier livre de Moïse jusqu'au chapitre 22, v. 13, et il se termine avec le récit du sacrifice d'Abraham : aussi l'a-t-on intitulé à bon droit : Genèse. Tel qu'il est conservé dans le manuscrit, avec ses lacunes, il compte deux mille neuf cent trente-cinq lignes longues. Mais l'ouvrage, tel que nous le possédons, ne forme pas un tout homogène. Il faut d'abord en détacher un passage de plus de six cents lignes longues, du vers deux cent trente-cinq au vers huit cent cinquante-un; il a été intercalé, à la place du texte primitif; il provient d'un poème plus récent appelé: seconde Genèse. Ce poème traite d'ailleurs le même sujet : la tentation et la chute de nos premiers parents. Nous en reparlerons dans le livre suivant. Il y a plus : la partie qui précède l'interpolation, comme aussi celle qui la suit, semble à peine appartenir au même auteur. Examinons ici ces deux parties.
Évangiles de Lindisfarne – art anglo-saxon- 7 eme siècle
Évangiles de Lindisfarne – art anglo-saxon- 7 eme siècle
L'ouvrage ne débute pas, ainsi qu'on pourrait s'y attendre, par la création du monde, mais bien par les motifs qui l'ont déterminée, c'est-à-dire la chute des anges.
Cette argumentation, qui forme l'introduction (v. 1-102), offre un récit tout à fait indépendant de la Bible et qui repose exclusivement sur la doctrine ecclésiastique, telle que l'a développée notamment saint Grégoire le Grand dans ses Moralia et dans son exégèse de la Bible (1). « Notre devoir, dit le poète en débutant, notre devoir est de louer par nos paroles, comme aussi d'aimer par notre coeur, le gardien des cieux, le roi glorieux des peuples, le seigneur tout-puissant qui est sans fin et sans commencement. Il maintint fermement et avec force les cieux qui avaient été créés dans l'immensité pour les enfants de la magnificence, les gardiens des esprits (les anges).
La Jubilation, la Joie, la Paix étaient dans le ciel avant que le chef de la troupe angélique ne se révoltât par son orgueil : lui et les siens se vantaient de vouloir partager l'empire avec le Seigneur; il voulait posséder, au nord, une patrie qui fût à lui, comme aussi un trône du royaume céleste. Alors Dieu irrité créa pour l'esprit menteur une patrie horrible dans l'enfer et les y précipita, lui et les siens. A partir de ce moment l'Amour et la Paix revinrent dans le ciel; mais les sièges des anges déchus y étaient vides : pour les faire occuper de nouveau par un peuple meilleur, Dieu résolut la création du monde et celle de l'homme.»
Là se termine l'introduction, et ce n'est qu'à partir du vers cent trois que l'auteur de la première partie passe à l'élaboration du livre biblique; mais cette dernière ne va que jusqu'au chap. II, v. 14, où l'on trouve les noms des fleuves du Paradis. Après une petite lacune de quelques lignes, commence le passage interpolé. Mais, dans cette première partie, on trouve d'une part la plus grande lacune, à savoir l'histoire de la création, qui s'arrête au beau milieu du troisième jour, et celle des autres journées qui manque tout à fait; et, d'autre part, la création d’Ève laquelle est empruntée par avance à ce qui suit (chap.II, v. 18, 21, sq.), de telle sorte que ce passage de la Bible se trouve combiné avec le chapitre I (v. 28 sq.).
C'est dans l'élaboration paraphrasée du texte biblique, plus encore que dans l'introduction, que l'auteur de la première partie nous révèle sa nature poétique : témoins, quelques grands traits, comme lorsqu'il nous représente, avant la création. Dieu plongeant « ses regards » sur les lieux attristés de l'abîme entouré d'une nuit éternelle, causée par les sombres nuages (v. 106 sq.), ou encore, lorsqu'il nous montre comment arrivèrent le premier soir et la première nuit (v. 133 sq.) et comment accourt, à pas précipités, le matin lumineux pour parcourir la terre (v. 184 sq.).
Même dans la partie qui suit l'interpolation, et qui s'étend de la rencontre entre Dieu et nos premiers parents (chap. III, v. 8) après leur chute jusqu'au sacrifice d'Abraham, on trouve maintes lacunes du manuscrit. Dans cette partie, la plus considérable de l'ouvrage, qui comprend plus de deux mille lignes longues, l'élaboration du texte biblique est moins brillante , moins émaillée de fleurs de rhétorique , et moins indépendante que dans la première. Mais elle n'en est pas pour cela moins digne d'éloges.
Le livre de Kells – 8 eme siècle – Irlande et Angleterre
Partout l'auteur a fait preuve de réflexion intelligente; il s'est efforcé de mettre le texte biblique à la portée de la conscience nationale et chrétienne de son peuple, et de le lui rendre par-là sympathique et compréhensible dans ses détails. C'est ainsi qu'il a mis de côté les passages, qui même remaniés, auraient pu rester inintelligibles pour un lecteur anglo-saxon , comme, par exemple, l'explication des noms, et encore les passages qui blessaient la conscience chrétienne ou qui, n'offrant qu'une sèche nomenclature, n'auraient pas causé le moindre intérêt.
Par contre, il ne craint pas de fait e des additions pour expliquer, comme pour motiver, le récit biblique. Mais alors ses peintures prennent plus d'ampleur, et en cela il ne répudie pas sa nationalité : non seulement, en effet, il travaille la Bible en langue anglo-saxonne, mais encore il la travaille dans un esprit anglo-saxon. Les actions qu'il raconte, il les fait se passer en même temps au milieu de son peuple, en transportant au temps et sur la scène du récit biblique les institutions, les mœurs, les usages, les défauts et les vertus des Anglo-Saxons. C'est ainsi que, à la place des expressions bibliques exprimant une dignité ou une fonction, il a employé les mêmes expressions de la nation anglo-saxonne : pour lui, la richesse consiste dans des bagues en or travaillé; les guerriers de la Bible sont ornés comme ceux des Anglo-Saxons, et même la mer, que ceux-ci aiment tant, apparaît dans les paysages que dessine l'auteur.
Dernière édition par MichelT le Sam 11 Juil 2020 - 13:51, édité 15 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE DEUXIÈME
POÉSIE ÉPIQUE PROFANE. — BÉOWULF.
La littérature nationale des Anglo-Saxons se développa d'abord, autant qu'il est permis d'en juger d'après les documents qui nous restent, dans des travaux inspirés par la Bible : et nous prenons ici le mot de « littérature » dans son sens propre, c'est-à-dire en tant qu'il signifie des ouvrages mis aussitôt par écrit et avec un caractère personnel ; tels sont les poèmes dont nous avons parlé, dans le chapitre précédent, et dont l'un ou l'autre, la Genèse surtout, pourrait bien remonter au siècle de Bède. Ces ouvrages épiques, composés d'après des modèles écrits qu'ils suivent plus ou moins fidèlement, traitaient des sujets qui n'avaient rien de national ; la religion seule formait le lien qui les rattachait à l'esprit populaire et qui leur donnait, autant que faire se pouvait, une couleur, un cachet national.
Le Poème Beowulf - 10 eme siècle
C'est sur ces traces que marchèrent les poètes qui, faute sans doute de légendes nationales offrant quelque importance, prirent pour sujet de leurs chants épiques les légendes des peuples germains, qui appartenaient à la même famille. Les Anglo-Saxons étaient, pour ainsi dire, un peuple colonial. En abandonnant le sol natal auquel se rattachent les légendes de l'enfance du peuple, en conquérant une nouvelle patrie par de longs combats avec une nation étrangère, et en parvenant à former un État puissamment assis ; en s'élevant dans l'échelle sociale à un degré bien supérieur à celui de leur ancienne patrie ; enfin, en s'assimilant vite la religion chrétienne et la culture romane, ce que n'avaient pas fait ceux qui étaient restés dans leur patrie, les Anglo-Saxons arrivèrent à avoir une individualité politique et nationale qui les distingue de tous les autres peuples germaniques ; ils ne conservèrent qu'un souvenir vague et assez rare de la religion païenne et des légendes nationales qui leur étaient autrefois communes à eux tous. Tels étaient les Anglo-Saxons, à la fin du 7° siècle, au plus tard.
Le poème épique profane le plus important est Beowulf qui, tel qu'il nous est parvenu, compte trois mille cent quatre vingt-trois lignes longues. Le héros qui donne son nom au poème est un Goth : d'après cet ouvrage, il mourut, comme roi de son peuple, dans le dernier tiers du 6 eme siècle (2) ; mais le théâtre de ses exploits est d'abord l'empire des Danois (probablement dans le Seeland), et ensuite le pays des Goths, dans le Gotaland actuel (sud de la Suède), sur la côte occidentale.
Le Seeland au Danemark ou se déroule l`histoire de Beowulf
Les royaumes barbares après la chute de l`empire romain d`Occident vers l`an 500
Note : Le seul fait historique certain, qui soit mentionné dans Beowulf est l'invasion du roi goth, Hygelac, en Friesland, où il fut vaincu et où il mourut. Ce fait est raconté par Grégoire de Tours dans son Histor. Francor. (1. III, c. m); il se passa vers 515. Les exploits de Béowulf, racontés dans notre poème et accomplis chez les Danois, précèdent cet événement. D'après le poème, Hygelac a pour successeur son fils Heardred, qui règne d'abord sous la tutelle de Béowulf et ensuite par lui-même. Ce n'est qu'alors que Béowulf monte sur le trône et règne un demi-siècle.
Les Anglo-Saxons ne prennent aucune part à l'action et ne paraissent même pas dans le poème; une seule fois, le poète, dans une comparaison, mentionne une de leurs reines. Le poème ne traite donc point un sujet national anglo-saxon. Toutefois, l'étroite parenté nationale qui existe entre les peuples germaniques, qu'on voit paraître dans cet ouvrage, et les Anglos-Saxons, permettait de donner au poème une couleur bien autrement nationale que n'y prêtaient les sujets bibliques.
Considérons d'abord le contenu du poème, qui se divise en trois parties principales. Dès le début et en manière d'introduction, le poète jette un coup d'œil sur la fondation de la dynastie des Scyldinge, qui règnent en Danemark. Leur ancêtre est Scyld, fils de Scef ; encore enfant, il fut mis seul sur un vaisseau et poussé au rivage danois, où il devint un roi puissant. Son arrière-petil-fils est Hrothgar, qui, à l'époque où commence notre récit, règne en Danemark. C'est un des principaux personnages des deux premières parties.
Hrothgar et la reine - Beowulf et Grendel – film 2005
Hrothgar construisit le plus grand hall à hydromel dont les hommes aient jamais entendu parler : c'était un temple magnifique, et il s'appelait Heorot à cause de la décoration de son faite (car heort, c'est notre cerf). Dans celte salle royale, où se trouvait aussi le trône, l'allégresse régnait jour et nuit : le roi, environné de ses guerriers, était assis à la table ; le hanap faisait la ronde, et le chanteur, saisissant sa harpe, faisait entendre son lied (chant) sur la création de la terre, de ces belles campagnes environnées d'eau par le Créateur; il disait comment le Tout-Puissant les avait ornées, comment il avait créé le soleil et la lune, et comment il avait donné la vie à tous les êtres qui les habitent. Aussi, les guerriers vivaient-ils contents et joyeux, jusqu'à ce qu'un ennemi, sorti de l'enfer, commença à commettre des forfaits.
Beowulf devant le chef Hrothgar au Danemark
C'était Grendel, cet « esprit furieux », que le Créateur avait damné. Il était de la race de Caïn, d'où descendent tous les esprits malins, elfes et géants. Une nuit, il vient dans le hall et y massacre trente guerriers qui dorment après des libations. La nuit suivante, cet anthropophage renouvelle son massacre d'une manière bien plus horrible : ainsi , Grendel règne maintenant sur Heorot, vu que personne ne peut l'en chasser; et la meilleure des maisons est devenue inutile, depuis déjà douze ans.
Le géant Grandel, un esprit furieux de la race de Caïn
Ce malheur afflige tout le monde, mais surtout le roi. Le bruit s'en répand jusque chez les Goths, et voilà que Beowulf en entend parler, lui guerrier et neveu de leur roi Hygelac, et descendant par son père de la famille royale suédoise des Scylfinge. Parmi les hommes, il est le plus fort ; aussi prend-il la résolution de secourir Hrothgar. Il équipe un navire et choisit, parmi les plus hardis des Goths, quatorze guerriers pour l'accompagner. Après une traversée de vingt-quatre heures, ils abordent sur la côte danoise.
Beowulf et ses guerriers arrivent de la Suède pour aider les Danois
Un gardien les salue d'abord; puis, dès qu'il a appris le but de leur voyage, il leur montre le chemin du hall, qui domine tout le pays. A leur arrivée, Hrothgar, qui a déjà connu Beowulf enfant et qui a entendu les marins parler de sa force herculéenne, les reçoit avec joie. C'est avec plaisir qu'il accorde à Beowulf la permission de « purifier » (foelsian) Heorot. Le héros des Goths veut combattre seul contre Grendel ; il veut combattre avec le poing, sans armes, vu que le monstre, dans son outrecuidance, dédaigne lui-même de s'en servir.
Dieu décidera entre eux. Dans le festin qui suit, Beowulf, provoqué par le désir d'un guerrier danois, raconte une de ses prouesses : dans une lutte à la nage, avec son compagnon Breca, il a eu à soutenir un combat contre un monstre marin, et il assure que Grendel, qui ne craint pas les Danois, éprouvera également la force et la vigueur de son bras (verset 600 s.). Après que la reine a encore présenté ses salutations et tendu la coupe à son hôte, Hrothgar quitte le hall avec les siens, à la tombée de la nuit,
et Beowulf, avec sa suite, attend le géant.
Grendel arrive, saisit un des Goths plongés dans le sommeil, le met en pièces et le dévore ; ensuite il s'approche de Beowulf, qui l'attaque à coups de poings. Le duel terrible qui s'engage entre eux est rendu, j'en conviens, par le poête, d'une manière pleine de vie, mais parfois d'une manière assez obscure. Grendel ne tarde pas à sentir la supériorité de son adversaire ; il voudrait prendre la fuite, mais Beowulf le tient solidement, si solidement que ses doigts se brisent. Le hall, construit en fer, menace de s'effondrer, tant il est ébranlé par les efforts des combattants et par les hurlements du monstre. Les Danois sont remplis de terreur, en entendant ce vacarme. C'est en vain que les guerriers de Beowulf essayent leurs glaives sur le corps invulnérable de Grendel. Ce dernier s'arrache enfin aux étreintes de Beowulf, mais en laissant un bras entre ses mains : il s'en va mourir dans son marécage.
Le lendemain, la joie est générale parmi les Danois : on accourt de près et de loin pour contempler les traces sanglantes laissées par le géant ; on exalte le héros des Goths ; un guerrier du roi, habile dans l'art de chanter, célèbre cette belle action de Beowulf et le compare à Sigemund, qui, à lui seul, tua un dragon ; le chanteur raconte ici son aventure. Hrothgar apparaît ensuite dans le hall, et, à la vue du bras de Grendel, il remercie Dieu d'abord, puis Beowulf. qu'il promet d'aimer comme son propre fils. Enfin, l'on dispose et l'on décore le hall pour une grande fête qu'on y va célébrer : le héros goth reçoit du roi des armes précieuses et huit coursiers magnifiques avec la superbe selle que le roi prenait à la guerre ; la suite de Beowulf a aussi sa part dans les récompenses. Le festin est agrémenté d'un chant sur la harpe qu'entonne le chanteur de Hrothgar ; il célèbre l'attaque de Finnsburg, où une petite troupe danoise se défendit avec le plus grand courage contre les Frisons et remporta la victoire.
Ensuite, la reine s'avance, tend à Beowulf une coupe remplie de vin et lui donne en présent un habit, des agrafes, des anneaux et le plus grand collier, bijou splendide, qui avait appartenu autrefois au roi des Goths, Ermaurich. Elle lui recommande ses enfants. Les guerriers se livrent aux libations jusqu'au soir; alors le roi et les Goths s'éloignent, mais une troupe considérable de Danois reste là pour garder le hall comme auparavant, et dort à côté de ses armes.
— Ici se termine la première partie du poème.
Le poème, nous l'avons vu, se divise en trois parties, non seulement quant au sujet, mais même par rapport à la composition. La première, qui fait la base de l'ouvrage, est aussi la première en date et repose sur un poème populaire. Ce dernier ne peut pas avoir été anglo-saxon, vu que le sujet n'a rien de commun avec ce peuple. Le héros étant un Goth, il faut que ç`ait été un poème du Nord, et c'est très probablement, à mon avis, une légende transmise de vive voix et par conséquent, un récit en prose. La défaite de Grendel en formait le thème.
Cette légende reposait sur un fait historique, par exemple, sur le secours que les Goths accordèrent une fois aux Danois, et qui avait une importance telle, qu'il cimenta l'amitié entre ces deux peuples. Le poète anglo-saxon, qui remania le sujet, avait plus de relations avec les Danois qu'avec les Goths, d'abord par sa nationalité, puis peut-être même personnellement; car, quoique les Danois y jouent un rôle peu important, si on le compare à celui des Goths, et bien que l'héroïsme des Goths y soit mis en évidence au détriment de celui des Danois, le poète anglo-saxon les a cependant traités avec beaucoup de modération ; il a même vanté leur roi en le prenant pour ainsi dire sous sa protection.
Ces rapports de notre poète avec les Danois ressortent encore de ce qu'il commence son poème en parlant d'eux et de leur race royale. La deuxième partie est, à ne considérer que le sujet, une répétition de la première ; l'exécution présente un caractère entièrement artistique, ce qui provient vraisemblablement de ce qu'elle n'avait point pour base une source populaire : c'est une suite de la première partie et elle a été composée directement en langue anglo-saxonne. Le côté artistique se montre surtout dans la description détaillée du paysage de la contrée où habitaient Grendel et sa mère, et cette description est de plus mise dans la bouche du roi, circonstance qui lui donne un coloris subjectif ; il n'éclate pas moins, et d'une manière tout à fait prononcée, dans le long discours en forme de sermon, où le roi avertit Beowulf de bien se défier de la présomption.
La troisième partie revient au poème du nord dont la première partie n'a donné qu'un seul épisode; elle nous décrit non seulement la mort de Beowulf, mais encore l'histoire tout entière de sa vie, en partie dans le coup d'oeil rétrospectif du poète lui-même, et en partie dans le long monologue du héros avant son combat avec le dragon.
Quoique ce poème, dans ses trois parties, n'ait été composé qu'à divers intervalles successifs, il n'en offre pas moins, quant à la langue, au style et à la versification, comme aussi quant aux traditions historiques sur les Danois et les Goths, un caractère d'unité tel qu'on ne saurait douter, malgré quelques légères contradictions qui s'y trouvent, qu'il n'ait été composé par un seul et même auteur. Cet auteur laisse percer des idées chevaleresques, une éducation des plus polies, et une culture cléricale : chez les Anglo-Saxons, nous l'avons dit, tout cela s'harmonisait très bien, surtout dans la haute société. Ne voyait-on pas souvent les plus braves de leurs rois déposer le glaive et le sceptre pour se consacrer entièrement à la vie ascétique?
Le poète a su très bien s'assimiler le sujet légendaire d'un peuple, étranger il est vrai, mais de même nation; et, quoique ce sujet repose sur une donnée mythologique et païenne, il a su si bien le traiter dans l'esprit de sa nationalité qu'on a pu considérer son ouvrage comme un poème populaire anglo-saxon! — et pourtant le sujet n'a rien d'anglo-saxon et l'exécution n'offre rien de populaire. Mais cette dernière est nationale au plus haut degré, ce qui ressort également d'un trait caractéristique, à savoir, le sens de la tradition historique, malgré que celte tradition se voile sous le manteau de la légende. On sait que, chez les Anglo-Saxons, dans la Grande-Bretagne, ce sens de la tradition historique remplaça l'intérêt qu'on avait pour les mythes. Il se montre notamment dans beaucoup d'épisodes historiques de plus ou moins d'étendue : dans le nombre, l'un d'eux se passe sur le sol de l'Angleterre.
POÉSIE ÉPIQUE PROFANE. — BÉOWULF.
La littérature nationale des Anglo-Saxons se développa d'abord, autant qu'il est permis d'en juger d'après les documents qui nous restent, dans des travaux inspirés par la Bible : et nous prenons ici le mot de « littérature » dans son sens propre, c'est-à-dire en tant qu'il signifie des ouvrages mis aussitôt par écrit et avec un caractère personnel ; tels sont les poèmes dont nous avons parlé, dans le chapitre précédent, et dont l'un ou l'autre, la Genèse surtout, pourrait bien remonter au siècle de Bède. Ces ouvrages épiques, composés d'après des modèles écrits qu'ils suivent plus ou moins fidèlement, traitaient des sujets qui n'avaient rien de national ; la religion seule formait le lien qui les rattachait à l'esprit populaire et qui leur donnait, autant que faire se pouvait, une couleur, un cachet national.
Le Poème Beowulf - 10 eme siècle
C'est sur ces traces que marchèrent les poètes qui, faute sans doute de légendes nationales offrant quelque importance, prirent pour sujet de leurs chants épiques les légendes des peuples germains, qui appartenaient à la même famille. Les Anglo-Saxons étaient, pour ainsi dire, un peuple colonial. En abandonnant le sol natal auquel se rattachent les légendes de l'enfance du peuple, en conquérant une nouvelle patrie par de longs combats avec une nation étrangère, et en parvenant à former un État puissamment assis ; en s'élevant dans l'échelle sociale à un degré bien supérieur à celui de leur ancienne patrie ; enfin, en s'assimilant vite la religion chrétienne et la culture romane, ce que n'avaient pas fait ceux qui étaient restés dans leur patrie, les Anglo-Saxons arrivèrent à avoir une individualité politique et nationale qui les distingue de tous les autres peuples germaniques ; ils ne conservèrent qu'un souvenir vague et assez rare de la religion païenne et des légendes nationales qui leur étaient autrefois communes à eux tous. Tels étaient les Anglo-Saxons, à la fin du 7° siècle, au plus tard.
Le poème épique profane le plus important est Beowulf qui, tel qu'il nous est parvenu, compte trois mille cent quatre vingt-trois lignes longues. Le héros qui donne son nom au poème est un Goth : d'après cet ouvrage, il mourut, comme roi de son peuple, dans le dernier tiers du 6 eme siècle (2) ; mais le théâtre de ses exploits est d'abord l'empire des Danois (probablement dans le Seeland), et ensuite le pays des Goths, dans le Gotaland actuel (sud de la Suède), sur la côte occidentale.
Le Seeland au Danemark ou se déroule l`histoire de Beowulf
Les royaumes barbares après la chute de l`empire romain d`Occident vers l`an 500
Note : Le seul fait historique certain, qui soit mentionné dans Beowulf est l'invasion du roi goth, Hygelac, en Friesland, où il fut vaincu et où il mourut. Ce fait est raconté par Grégoire de Tours dans son Histor. Francor. (1. III, c. m); il se passa vers 515. Les exploits de Béowulf, racontés dans notre poème et accomplis chez les Danois, précèdent cet événement. D'après le poème, Hygelac a pour successeur son fils Heardred, qui règne d'abord sous la tutelle de Béowulf et ensuite par lui-même. Ce n'est qu'alors que Béowulf monte sur le trône et règne un demi-siècle.
Les Anglo-Saxons ne prennent aucune part à l'action et ne paraissent même pas dans le poème; une seule fois, le poète, dans une comparaison, mentionne une de leurs reines. Le poème ne traite donc point un sujet national anglo-saxon. Toutefois, l'étroite parenté nationale qui existe entre les peuples germaniques, qu'on voit paraître dans cet ouvrage, et les Anglos-Saxons, permettait de donner au poème une couleur bien autrement nationale que n'y prêtaient les sujets bibliques.
Considérons d'abord le contenu du poème, qui se divise en trois parties principales. Dès le début et en manière d'introduction, le poète jette un coup d'œil sur la fondation de la dynastie des Scyldinge, qui règnent en Danemark. Leur ancêtre est Scyld, fils de Scef ; encore enfant, il fut mis seul sur un vaisseau et poussé au rivage danois, où il devint un roi puissant. Son arrière-petil-fils est Hrothgar, qui, à l'époque où commence notre récit, règne en Danemark. C'est un des principaux personnages des deux premières parties.
Hrothgar et la reine - Beowulf et Grendel – film 2005
Hrothgar construisit le plus grand hall à hydromel dont les hommes aient jamais entendu parler : c'était un temple magnifique, et il s'appelait Heorot à cause de la décoration de son faite (car heort, c'est notre cerf). Dans celte salle royale, où se trouvait aussi le trône, l'allégresse régnait jour et nuit : le roi, environné de ses guerriers, était assis à la table ; le hanap faisait la ronde, et le chanteur, saisissant sa harpe, faisait entendre son lied (chant) sur la création de la terre, de ces belles campagnes environnées d'eau par le Créateur; il disait comment le Tout-Puissant les avait ornées, comment il avait créé le soleil et la lune, et comment il avait donné la vie à tous les êtres qui les habitent. Aussi, les guerriers vivaient-ils contents et joyeux, jusqu'à ce qu'un ennemi, sorti de l'enfer, commença à commettre des forfaits.
Beowulf devant le chef Hrothgar au Danemark
C'était Grendel, cet « esprit furieux », que le Créateur avait damné. Il était de la race de Caïn, d'où descendent tous les esprits malins, elfes et géants. Une nuit, il vient dans le hall et y massacre trente guerriers qui dorment après des libations. La nuit suivante, cet anthropophage renouvelle son massacre d'une manière bien plus horrible : ainsi , Grendel règne maintenant sur Heorot, vu que personne ne peut l'en chasser; et la meilleure des maisons est devenue inutile, depuis déjà douze ans.
Le géant Grandel, un esprit furieux de la race de Caïn
Ce malheur afflige tout le monde, mais surtout le roi. Le bruit s'en répand jusque chez les Goths, et voilà que Beowulf en entend parler, lui guerrier et neveu de leur roi Hygelac, et descendant par son père de la famille royale suédoise des Scylfinge. Parmi les hommes, il est le plus fort ; aussi prend-il la résolution de secourir Hrothgar. Il équipe un navire et choisit, parmi les plus hardis des Goths, quatorze guerriers pour l'accompagner. Après une traversée de vingt-quatre heures, ils abordent sur la côte danoise.
Beowulf et ses guerriers arrivent de la Suède pour aider les Danois
Un gardien les salue d'abord; puis, dès qu'il a appris le but de leur voyage, il leur montre le chemin du hall, qui domine tout le pays. A leur arrivée, Hrothgar, qui a déjà connu Beowulf enfant et qui a entendu les marins parler de sa force herculéenne, les reçoit avec joie. C'est avec plaisir qu'il accorde à Beowulf la permission de « purifier » (foelsian) Heorot. Le héros des Goths veut combattre seul contre Grendel ; il veut combattre avec le poing, sans armes, vu que le monstre, dans son outrecuidance, dédaigne lui-même de s'en servir.
Dieu décidera entre eux. Dans le festin qui suit, Beowulf, provoqué par le désir d'un guerrier danois, raconte une de ses prouesses : dans une lutte à la nage, avec son compagnon Breca, il a eu à soutenir un combat contre un monstre marin, et il assure que Grendel, qui ne craint pas les Danois, éprouvera également la force et la vigueur de son bras (verset 600 s.). Après que la reine a encore présenté ses salutations et tendu la coupe à son hôte, Hrothgar quitte le hall avec les siens, à la tombée de la nuit,
et Beowulf, avec sa suite, attend le géant.
Grendel arrive, saisit un des Goths plongés dans le sommeil, le met en pièces et le dévore ; ensuite il s'approche de Beowulf, qui l'attaque à coups de poings. Le duel terrible qui s'engage entre eux est rendu, j'en conviens, par le poête, d'une manière pleine de vie, mais parfois d'une manière assez obscure. Grendel ne tarde pas à sentir la supériorité de son adversaire ; il voudrait prendre la fuite, mais Beowulf le tient solidement, si solidement que ses doigts se brisent. Le hall, construit en fer, menace de s'effondrer, tant il est ébranlé par les efforts des combattants et par les hurlements du monstre. Les Danois sont remplis de terreur, en entendant ce vacarme. C'est en vain que les guerriers de Beowulf essayent leurs glaives sur le corps invulnérable de Grendel. Ce dernier s'arrache enfin aux étreintes de Beowulf, mais en laissant un bras entre ses mains : il s'en va mourir dans son marécage.
Le lendemain, la joie est générale parmi les Danois : on accourt de près et de loin pour contempler les traces sanglantes laissées par le géant ; on exalte le héros des Goths ; un guerrier du roi, habile dans l'art de chanter, célèbre cette belle action de Beowulf et le compare à Sigemund, qui, à lui seul, tua un dragon ; le chanteur raconte ici son aventure. Hrothgar apparaît ensuite dans le hall, et, à la vue du bras de Grendel, il remercie Dieu d'abord, puis Beowulf. qu'il promet d'aimer comme son propre fils. Enfin, l'on dispose et l'on décore le hall pour une grande fête qu'on y va célébrer : le héros goth reçoit du roi des armes précieuses et huit coursiers magnifiques avec la superbe selle que le roi prenait à la guerre ; la suite de Beowulf a aussi sa part dans les récompenses. Le festin est agrémenté d'un chant sur la harpe qu'entonne le chanteur de Hrothgar ; il célèbre l'attaque de Finnsburg, où une petite troupe danoise se défendit avec le plus grand courage contre les Frisons et remporta la victoire.
Ensuite, la reine s'avance, tend à Beowulf une coupe remplie de vin et lui donne en présent un habit, des agrafes, des anneaux et le plus grand collier, bijou splendide, qui avait appartenu autrefois au roi des Goths, Ermaurich. Elle lui recommande ses enfants. Les guerriers se livrent aux libations jusqu'au soir; alors le roi et les Goths s'éloignent, mais une troupe considérable de Danois reste là pour garder le hall comme auparavant, et dort à côté de ses armes.
— Ici se termine la première partie du poème.
Le poème, nous l'avons vu, se divise en trois parties, non seulement quant au sujet, mais même par rapport à la composition. La première, qui fait la base de l'ouvrage, est aussi la première en date et repose sur un poème populaire. Ce dernier ne peut pas avoir été anglo-saxon, vu que le sujet n'a rien de commun avec ce peuple. Le héros étant un Goth, il faut que ç`ait été un poème du Nord, et c'est très probablement, à mon avis, une légende transmise de vive voix et par conséquent, un récit en prose. La défaite de Grendel en formait le thème.
Cette légende reposait sur un fait historique, par exemple, sur le secours que les Goths accordèrent une fois aux Danois, et qui avait une importance telle, qu'il cimenta l'amitié entre ces deux peuples. Le poète anglo-saxon, qui remania le sujet, avait plus de relations avec les Danois qu'avec les Goths, d'abord par sa nationalité, puis peut-être même personnellement; car, quoique les Danois y jouent un rôle peu important, si on le compare à celui des Goths, et bien que l'héroïsme des Goths y soit mis en évidence au détriment de celui des Danois, le poète anglo-saxon les a cependant traités avec beaucoup de modération ; il a même vanté leur roi en le prenant pour ainsi dire sous sa protection.
Ces rapports de notre poète avec les Danois ressortent encore de ce qu'il commence son poème en parlant d'eux et de leur race royale. La deuxième partie est, à ne considérer que le sujet, une répétition de la première ; l'exécution présente un caractère entièrement artistique, ce qui provient vraisemblablement de ce qu'elle n'avait point pour base une source populaire : c'est une suite de la première partie et elle a été composée directement en langue anglo-saxonne. Le côté artistique se montre surtout dans la description détaillée du paysage de la contrée où habitaient Grendel et sa mère, et cette description est de plus mise dans la bouche du roi, circonstance qui lui donne un coloris subjectif ; il n'éclate pas moins, et d'une manière tout à fait prononcée, dans le long discours en forme de sermon, où le roi avertit Beowulf de bien se défier de la présomption.
La troisième partie revient au poème du nord dont la première partie n'a donné qu'un seul épisode; elle nous décrit non seulement la mort de Beowulf, mais encore l'histoire tout entière de sa vie, en partie dans le coup d'oeil rétrospectif du poète lui-même, et en partie dans le long monologue du héros avant son combat avec le dragon.
Quoique ce poème, dans ses trois parties, n'ait été composé qu'à divers intervalles successifs, il n'en offre pas moins, quant à la langue, au style et à la versification, comme aussi quant aux traditions historiques sur les Danois et les Goths, un caractère d'unité tel qu'on ne saurait douter, malgré quelques légères contradictions qui s'y trouvent, qu'il n'ait été composé par un seul et même auteur. Cet auteur laisse percer des idées chevaleresques, une éducation des plus polies, et une culture cléricale : chez les Anglo-Saxons, nous l'avons dit, tout cela s'harmonisait très bien, surtout dans la haute société. Ne voyait-on pas souvent les plus braves de leurs rois déposer le glaive et le sceptre pour se consacrer entièrement à la vie ascétique?
Le poète a su très bien s'assimiler le sujet légendaire d'un peuple, étranger il est vrai, mais de même nation; et, quoique ce sujet repose sur une donnée mythologique et païenne, il a su si bien le traiter dans l'esprit de sa nationalité qu'on a pu considérer son ouvrage comme un poème populaire anglo-saxon! — et pourtant le sujet n'a rien d'anglo-saxon et l'exécution n'offre rien de populaire. Mais cette dernière est nationale au plus haut degré, ce qui ressort également d'un trait caractéristique, à savoir, le sens de la tradition historique, malgré que celte tradition se voile sous le manteau de la légende. On sait que, chez les Anglo-Saxons, dans la Grande-Bretagne, ce sens de la tradition historique remplaça l'intérêt qu'on avait pour les mythes. Il se montre notamment dans beaucoup d'épisodes historiques de plus ou moins d'étendue : dans le nombre, l'un d'eux se passe sur le sol de l'Angleterre.
Dernière édition par MichelT le Ven 15 Mar 2019 - 22:57, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE TROISIÈME
CYNEWULF. — ÉNIGMES. — JÉSUS-CHRIST. — JULIENNE. — HÉLÈNE.
Il faut encore placer, au 8 eme siècle, selon toute apparence, un autre poète anglo-saxon qui nous a transmis son nom d'une manière authentique, dans plusieurs ouvrages dont il se dit lui-même l'auteur : j'ai nommé Cynewulf. Dans trois de ses poèmes, une composition lyrico-épique sur Jésus-Christ, et deux légendes, Hélène et Julienne, il fait connaître son nom par des rimes; dans le quatrième, un recueil d'énigmes en vers, il le laisse deviner, en tout ou en partie, dans deux énigmes (1 et 86). Tels sont les passages qui nous fournissent les seuls renseignements certains pour sa biographie.
Village anglo-saxon en Angleterre
Certes, le résultat est bien minime. Cynewulf était un guerrier, peut-être aussi un chanteur ambulant; en tout cas, il a obtenu en présent des bijoux et des pommes d'or, dans le hall à l'hydromel. Il était marié et avait reçu une éducation égale à celle des laïques les plus distingués parmi les Anglo-Saxons. Dans sa jeunesse, il n'avait que trop joui de la vie, comme il le dit lui-même avec amertume : aussi craignait-il, pour l'avenir, le jugement de Dieu; mais le Seigneur l'éclaira de sa grâce, et, dans un âge avancé, il se consacra à la vie spirituelle et à la poésie religieuse. L'histoire de plus d'un roi anglo-saxon nous montre également de telles conversations intérieures. Que Cynewulf soit entré dans l'état ecclésiastique, c'est ce qu'on ne saurait prétendre d'une manière absolue; mais cela n'est pas invraisemblable, à en juger d'après l'usage de cette époque. Un de ses ouvrages poétiques date, en tout cas, de l'époque de sa vie séculière : c'est le Recueil de ses énigmes. Il nous a été conservé, en différents endroits du Codex Exoniensis, non dans toute son intégrité à coup sûr, et, vraisemblablement même, mélangé avec des parties étrangères.
Parmi les quatre-vingt-neuf énigmes qu'on y trouve, la majeure partie appartient toutefois à Cynewulf, vu que, non seulement la première, mais même la quatre-vingt-sixième fait allusion à son nom; cette dernière, en effet, composée en latin, donne à deviner le mot lupus dans ses diverses acceptions. Dans ce genre de poésie, la littérature anglo-saxonne ne faisait que suivre la littérature latine, et, en première ligne, la poésie latine des Anglo-Saxons eux-mêmes, de laquelle nous avons déjà parlé.
Symphosius avait servi de modèle à Aldhelme, qui eut lui-même pour successeurs Talwine et Eusebius; et ce dernier, selon toute apparence, fit, avec les quarante énigmes de Tatwine, un livre de cent énigmes, nombre qui se trouvait dans les livres de Symphosius et d'Aldhelme. Cynewulf, sans aucun doute, n'a pas seulement mis à profit les deux auteurs nommés en premier lieu, mais encore Eusebius, et, très probablement aussi, Tatwine. Il leur a emprunté non seulement le sujet de quelques énigmes, mais même des détails d'exécution, en sorte que quelques-unes de ses propres énigmes ne semblent être qu'une traduction libre des modèles latins qu'il avait sous les yeux.
Et, malgré cela, les énigmes de Cynewulf ont un cachet éminemment original par la manière dont elles sont traitées. Ce qui domine en elles, c'est l'originalité du style, qui est franchement national. Par rapport aux catégories des sujets traités, l'ouvrage de Cynewulf se rattache en première ligne à celui d'Aldhelme et à celui de Symphosius.
Un poème complètement original dans sa composition est le Christ. Tel que nous le possédons, il comprend seize cent quatre-vingt-quatorze lignes longues et se divise en trois parties principales : la première traite de la venue de Jésus-Christ sur la terre, par sa naissance (439 v.) ; la deuxième, de son ascension (339 v.) ; la troisième, de son retour sur la terre pour le jugement dernier (916 v.). A ces trois divisions, le manuscrit donne plusieurs sous-divisions. Ces trois parties se réunissent en un tout par le sujet lui-même : arrivée, départ et retour de Jésus-Christ. Les deux dernières même sont étroitement liées ensemble par le style et la forme, de sorte qu'il n'est pas possible de douter qu'elles ne soient l'ensemble d'un seul et même ouvrage, tandis que le lien qui rattache la première à la seconde est bien moins visible et immédiat; du reste, le style poétique en est bien différent.
Le Christ de Cynewulf – 8 eme siècle
Le commencement de ce poème manque ; mais peu de vers toutefois doivent en être perdus. Le début, tel que nous le possédons, ressemble assez à un sermon sur la fête de Noël: « Viens comme tu vins autrefois, et sauve-nous, nous qui sommes assis dans une prison pleine d'inquiétudes, et éclaire-nous, ô Prince, avant qu'il ne soit trop tard pour nous. »
Telle est la pensée du début : ce rapprochement avec le temps présent, qui forme pour ainsi dire la moralité de la fête de Noël, domine dans le poème et reparaît plus tard d'une manière plus expressive encore ; c'est en lui que repose le côté subjectif qui occupe une si grande place dans le récit de la première partie, car le poète lui-même ressent le besoin de la délivrance. Donc, après avoir dit un mot (v. 35 sq.) de la conception de Marie, qui accomplit et explique les prophéties ; après avoir loué Jérusalem (par rapport à la Jérusalem céleste de l'Apocalypse), qui était destinée à devenir une ville sainte et le siège choisi du roi des rois, il prête, dans le chapitre suivant, la parole aux Juifs qui désirent savoir de Marie elle-même le secret de sa conception miraculeuse. Marie leur reproche leur curiosité, mais leur montre la signification de ce miracle : la faute d'Ève est expiée par une fille de David.
Après ce dialogue, le poète reprend lui-même la parole pour exalter Jésus-Christ comme le plus brillant des astres, le vrai soleil envoyé pour éclairer le monde, Dieu engendré par Dieu ; il le supplie de descendre sur la terre pour éclairer l'homme, son propre ouvrage (v. 71 sq.). L'arrivée de Jésus-Christ fut annoncée aux Juifs ; déjà Melchisédec en était l'image, et les pieux patriarches qui gémissaient dans les liens de l'enfer l'appelaient à leur secours (v. 130 sq.).
Vient ensuite un nouveau chapitre d'un caractère tout à fait dramatique, attendu que le dialogue n'est amené par aucune réflexion du poète : c'est un dialogue entre Marie et Joseph. « Ah! mon Joseph, dit-elle, tu veux me quitter, moi qui t'aime tant? » Et Joseph de répondre : « Je suis profondément affligé, car je suis privé d'estime ; et une grande partie de mes souffrances provient des propos que j'entends tenir sur toi et des railleries auxquelles je suis moi-même exposé. » Marie, qui ne se doute pas de ce qu'il entend par là, croit qu'il s'accuse lui-même et elle cherche à le consoler : elle ne trouve pas la moindre faute à lui reprocher. Enfin, Joseph lui découvre le motif de sa tristesse : c'est la grossesse de Marie. Aussitôt, celle-ci lui révèle le secret, la salutation de l'ange Gabriel (v. 164 sq.). — Le poète s'adresse de nouveau au Christ, dans une prière : se reportant à la fin du chapitre précédent, il parle de la génération du Christ, avant le temps, par le Père qui l'engendra, en créant la lumière (St-Jean 1,4), « cette joie resplendissante de toute créature vivante ».
La Nativité – art anglo-saxon
Le poète invoque encore l'arrivée spirituelle du Christ et sa protection contre l'esprit malin. Les séraphins louent (Isaïe 6,3) ensuite leur roi, dont ils forment la suite d'élite, le Christ qui a révélé Dieu; les hommes eux-mêmes doivent le remercier, dans leurs actions de grâce, car il vient journellement à leur secours. Telle est, esquissée à grands traits, la marche de la narration dans la première partie : or cette narration a un caractère tout à fait particulier. Elle rappelle les anciens mystères rattachés encore au service divin : la trame dramatique est formée par les deux dialogues de Marie avec les Juifs et avec Joseph, dialogues dont le sujet est le mystère de la conception, c'est-à- dire le point de vue le plus important dans la naissance du Christ ; le poète apparaît comme un prédicateur qui explique la doctrine et l'accompagne de considérations, et il représente en même temps le chœur de la paroisse dans les passages où la joie éclate sous forme d'hymnes: c'est un mélange curieux de l'art didactique, lyrique et dramatique.
Cette partie doit assurément reposer sur une homélie latine, comme cela a lieu pour la deuxième partie, ainsi qu'on l'a démontré. Cette deuxième partie, l` Ascension, fait suite, ainsi que l'a découvert Dietrich, à la deuxième partie d'une homélie de saint Grégoire le Grand (Homiliar., in Evangelia xxix, § 9 sq.) sur cette fête ; elle en développe la pensée et la reproduit même mot à mot dès le début. Le lien qui la rattache à la première n'est pas seulement imaginaire, il est même bizarre.
Immédiatement après l'explication de saint Grégoire, un « homme de haute naissance », à qui ce poème doit être dédié, est invité à rechercher pourquoi les anges ne portaient point de vêtements blancs à la naissance du Christ, comme ils le font à l'Ascension. Cette question, dont la solution viendra plus tard, sert de transition au poète pour décrire l'Ascension elle-même, à laquelle il rattache les paroles d'adieu que le Sauveur ressuscité adresse à ses disciples (Matthieu, 28, 18). Mais, dans le Ciel, les anges vont au-devant du Christ, lui souhaitent la bienvenue dans une hymne où ils célèbrent le vainqueur de l'enfer, et ils apparaissent vêtus de blanc afin de rehausser celte solennité, la première de toutes.
La solution de la question posée plus haut est encore donnée : les anges ne portent des habits blancs qu'aux plus grands jours de fête. Or, le Christ, le héros victorieux, mène à sa suite les âmes arrachées au démon (anges déchus). Après ce récit, viennent (v. 586 sq.) les considérations qui se rattachent à saint Grégoire. Voici quel est ici le point de départ : l'homme, délivré maintenant de la malédiction, peut choisir, pour lui, ou le ciel ou l'enfer. Ces considérations s'appuient, dans saint Grégoire, sur différents passages de l'Ancien Testament qui ont trait à l'Ascension de Jésus-Christ. Ce n'est que par-là que s'explique le manque de toute espèce de lien solide entre les diverses parties du poème anglo-saxon.
L'une d'elle, cependant, n'est pas sans originalité et mérite, à ce titre, une mention spéciale : c'est celle où il est question des divers talents que le Christ donne à l'homme (v. 664 sq). Ici, en premier lieu, - et cela est caractéristique chez le poète se trouve nommé le jeu de la harpe. Ensuite, — ce qui n'existe pas dans le modèle latin — mention est faite de l'astronomie et de l'art de forger les armes, de l'habileté dans l'art de la guerre et de la navigation ; c'est ainsi que Poète Anglo-Saxon se trahit encore dans cette composition. Le poète termine ses considérations par une exhortation empruntée à saint Grégoire; il invite à chercher le salut avec le cœur et à aspirer à la patrie où le Christ est monté avec notre corps : voilà pourquoi nous devons mépriser les désirs vains et avoir confiance en Dieu, afin qu'il nous protège contre les assauts terribles du démon ( des anges déchus).
La troisième partie, le Jugement dernier, se rattache immédiatement à la deuxième, car le poète débute par ces mots (v. 779) : « Nul mortel n'a besoin de craindre les flèches du démon sur celle terre, si Dieu le protège. » Le jugement approche; c'est le jour de la vengeance, où le Christ redescend sur la terre. Alors tremblera celui-là qui est hardi — le poète lui-même, car il fait connaître son nom au moyen de runes.
Après une exhortation à penser au jugement dernier pendant la vie, le poète compare en détail la vie à un voyage sur mer (v. 851), et passe ensuite à la description du jugement (v. 868) : « Le grand jour du Seigneur tout-puissant surprendra à l'improviste les habitants de la terre; il s'abattra sur la création si brillante à l'heure de minuit, semblable à un voleur rusé et plein d'audace, qui surprend inopinément, dans les ténèbres de la nuit, les héros sans défiance et livrés au sommeil. »
Alors se réunissent, pleines d'allégresse, sur le mont Sion, les troupes fidèles au Créateur, car pour elles est arrivé le jour du salut; des quatre coins du monde des anges éclatants sonnent de la trompette et le bruit qu'ils font est tellement fort que le sol de la terre en est ébranlé. Ils réveillent tous les morts pour les faire comparaître devant leur juge. Anges et démons, blancs et noirs, s'y réunissent pêle-mêle (v. 895 sq.) Une lueur éclatante du mont Sion annonce alors la venue du Christ : c'est un coup d'œil plein de joie pour les bons, et un spectacle plein de tristesse pour les méchants : les uns et les autres peuvent se reconnaître eux-mêmes à ce signe. Alors la création s'ébranle (v. 931); le plus grand de tous les feux passe devant le Seigneur; la flamme brûlante pétille; les cieux craquent; la lune et les étoiles tombent à travers les airs; le soleil s'obscurcit et prend une couleur de sang. Le feu, nourri qu'il est par la tempête, inonde le monde, comme autrefois l'eau du déluge (v. 985); la flamme affamée dévore tous les êtres; les montagnes fondent; l'eau elle-même brûle, comme de la cire; elle cherche avec fureur à gagner le sein delà terre et elle engloutit tous les trésors; mais elle consume aussi toutes les horreurs des péchés du monde (v. 1007).
Maintenant, commence le jugement. Le Christ, en qualité de roi des anges du ciel, est entouré de l'élite de sa noble suite; il dresse, sur la montagne de Sion, la croix teinte de
sang, comme signe de son royaume et sa bannière. Les anges eux-mêmes sont saisis d'effroi dans l'intime de leur être : à combien plus forte raison les hommes qui sont ressuscités et qui sont tous réunis ! Les pensées de leur cœur, et toutes leurs actions sont en ce moment manifestées : les péchés des méchants se montrent à travers leur nouveau corps comme à travers le cristal. Maintenant, à la vue de la croix teinte de sang et des plaies que porte le Christ, ils sont forcés de reconnaître avec effroi celui qu'ils ont renié, honni, frappé ; celui que la nature elle-même reconnut, dans les miracles qui eurent lieu à sa mort; celui que reconnut l'enfer, en rendant les patriarches qu'il détenait prisonniers; celui enfin que reconnurent les arbres eux-mêmes, lorsqu'il monta sur l'un d'eux, car plus d'un fut teint de larmes sanglantes et vit sa sève se changer en sang.
Seuls les hommes, aveugles et plus durs que le rocher, ne reconnurent pas leur Sauveur. Alors, le Christ s'assied sur son trône royal (v. 1.217); à sa droite, se réunissent les âmes pures, les élus; à sa gauche, ceux que souille le péché. Les uns et les autres sont reconnaissables à trois signes : les premiers sont comme illuminés par leurs bonnes œuvres ; ils voient la gloire qui les attend, comme aussi la punition des pécheurs, et, par là, ils ressentent davantage les bienfaits de la grâce divine qui est désormais leur partage.
Les autres, au contraire, voient le feu de l'enfer préparé pour eux ; ils voient aussi la félicité des élus, et ils éprouvent une honte profonde de leur ignominie manifeste à tous les yeux. Ils auraient dû se confesser auparavant et faire pénitence. Jésus-Christ s'adresse alors (v. 1337 sq.) aux deux troupes, d'après saint Mathieu (25,35) : « Venez, vous, les bénis de mon père ; venez posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde, car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, etc. »; à droite il promet, dans un discours rapide, la récompense; à gauche, dans un discours étendu où il motive la peine due au péché et où il passe en revue l'œuvre de la rédemption, il inflige le châtiment : « Allez, maudits, privés de la jubilation des anges, allez au feu éternel! »
C'est ainsi qu'il termine, en brandissant le glaive de la justice; et les méchants tombent, en même temps que les démons, dans les flammes remplies de ténèbres. Le poète termine son ouvrage (v. 1550 sq.) par l'exhortation qu'il a faite, au début de cette partie; il fait une peinture des peines qu'endurent les méchants dans l'enfer, et de la félicité des bienheureux dans le ciel; la plus délicieuse des joies est celle qu'ils éprouvent lorsque les anges et les âmes des bienheureux se rencontrent pour la première fois et que les premiers souhaitent la bienvenue aux seconds, dans la patrie céleste. C'est vers ce but que l'homme doit aspirer en se purifiant de la souillure de ses fautes.
D'après l'analyse rapide que nous venons de donner de ce poème, on peut également voir à quel point la deuxième et la troisième partie diffèrent de la première, quant à l'exposition, tout en s'harmonisant elles-mêmes, en général, sous ce rapport. Dans la première partie, l'élément épique est remplacé par l'élément dramatique ; on n'y trouve point de narration descriptive; mais le côté didactique, qui forme la base de tout le poème, s'y marie au lyrisme.
Dans les deux parties qui suivent, par contre, on trouve l'élément épique réuni à l'élément didactique ; si, dans la seconde partie, le récit ne fait qu'accompagner la leçon, dans la troisième, au contraire, la description occupe le premier plan, comme partie principale de l'exposition, et elle donne à la leçon un point d'appui qui produit le plus grand effet. Le charme poétique de la troisième partie se trouve dans ces passages descriptifs où les images les plus saisissantes sont rendues avec de brillantes couleurs, où les métaphores sont prises sur le vif, et, détail rare dans la poésie épique anglo-saxonne, où les comparaisons se trouvent complètement développées.
Dans un sujet aussi souvent traité que le jugement dernier et tombé en quelque sorte dans le domaine public de la littérature chrétienne, notre poète sait cependant se montrer original par la force de la conscience nationale qui le domine, et il sait également par là relever le mouvement de l'effet qu'il veut produire. La description repose bien sur la tradition chrétienne, dans toutes ses parties essentielles, dans les contours et le dessin; mais, avec cela, le coloris reste vraiment national.
C'est ainsi que le Christ apparaît comme un roi anglo-saxon qui rend la justice, et les anges comme ses ministres. C'est ainsi encore que le poète se souvient, dans sa narration, des phénomènes de la mer (fv. 980 sq.). C'est ainsi que la flamme qui s'élève lui rappelle facilement les vagues qui grossissent et qui viennent inonder le pays. Pour lui, également, le plus précieux des biens terrestres est représenté par des bijoux, « ces antiques objets précieux des nobles rois » (v. 996 sq.). Mais, avec cela, les côtés faibles de la poésie nationale de son peuple, c'est-à-dire la prolixité et les répétitions, — défauts que favorisaient si facilement l'allitération, — se rencontrent fréquemment dans son style.
Si nous jetons, en terminant, un coup d'œil d'ensemble sur l'ouvrage tout entier, nous devrons reconnaître qu'il produit une impression profonde, soit par l'idée de la rédemption de Jésus-Christ dans le monde, soit par la variété et par le cachet artistique et poétique du style : celle idée, qui repose sur l'enthousiasme de la foi, donne de l'unité à l'ouvrage; cette diversité fait voir, sous un jour favorable, l'individualité poétique de Cynewulf.
Le livre Juliana de Cynewulf raconte en poésie anglo-saxonne l`histoire de Sainte Julienne de Nicomédie – vierge et martyre
Sainte Julienne de Nicomédie (Juliana)– vierge et martyre – sa vie est dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine a la date du 16 février.
Le livre Julienne de Cynewulf est un poème composé, lui aussi, d'après un modèle latin, une légende en prose, écrite au plus tard au 6 eme siècle. Le récit latin se trouve dans les Acta Sanctorum, à la date du 16 février. En voici le contenu.
A l'époque de la persécution des chrétiens sous l`empereur romain Maximien, Julienne fut fiancée, par son père Africanus, païen zélé de Nicomédie ( région autrefois gréco-romaine de la Turquie), au comte Helisêus (dans la légende, Eleusius), sénateur et plus tard préfet. Mais on cacha au comte qu'elle avait promis déjà, « dans son esprit sa fidélité au Christ, et qu'elle songeait, par amour pour lui, à conserver sa virginité. Elle déclara donc au comte qu'elle ne deviendrait son épouse qu'à une condition, c'est qu'il embrasserait le christianisme. Le père, interpellé par le comte, exige de sa fille qu'elle renonce aux « dieux étrangers ». Il menace : peine inutile. Il la fait mettre à la torture, mais elle persiste dans sa résolution. Là-dessus, il la livre au comte, son fiancé, qu'il fait juge en cette affaire. Celui-ci cherche, par des paroles flatteuses, à la persuader de sacrifier aux anciens dieux et d'échapper ainsi aux tortures cruelles. Mais c'est en vain : Julienne reste inébranlable, malgré les tortures qu'on lui fait subir. Jetée en prison, elle célèbre le roi de la magnificence, le divin Rédempteur (v. 235 sq.).
Sainte Julienne de Nicomédie, vierge et martyre
Or, voilà que, sous la forme d'un ange, un démon (Beleal) lui apparaît dans son cachot pour la tenter; il lui conseille d'échapper au martyre en sacrifiant aux dieux. La jeune fille intimidée demande au Tout-Puissant de lui faire connaître la qualité de ce messager. Une voix descendant des nuages lui répond de le saisir et de le garder jusqu'à ce qu'il annonce lui-même sa mission et son origine. L'interrogatoire que la sainte fait subir au démon (un ange déchu) et les longs discours de ce dernier forment à proprement parler la trame du poème : le début de ces discours manque toutefois (v. 289-530). Beleal, fils du roi des enfers, avoue les perversités et les méchancetés qu'il a commises. Il raconte que son père l'a envoyé, cette fois, comme dans d'autres circonstances du reste, pour pervertir les âmes pieuses : s'il échoue, il aura à subir un rude châtiment de la part des satellites du roi redoutable; il sera lié et mis à la torture. C'est donc par nécessité qu'il a dû tenter Julienne. Il veut encore lui confesser de quelle manière il s'y prend pour séduire les femmes (v. 350 sq.) et par quels maléfices il cherche constamment à nuire aux hommes (v. 460 sq.).
Ce long entretien est interrompu lorsque le comte appelle de nouveau Julienne devant son tribunal (v. 530). Même après cela, elle ne lui rend pas si vite sa liberté; elle le traîne
encore jusqu'au lieu du supplice, et ce n'est qu'à sa prière réitérée de retourner à l'enfer, qu'ils se séparent. Voici enfin, après une lacune, v. 559) le martyre merveilleux de la sainte. Elle est d'abord attachée sur une roue de fer garnie de couteaux acérés, et roulée au milieu d'un brasier: sa constance convertit les bourreaux ; un ange éloigne le feu; elle sort de là saine et sauve. Ensuite, on la plonge dans un bain de plomb en ébullition ; mais le liquide se divise et les gouttes qui en rejaillissent, ne blessent que les païens : avec cette sainte, le juge est donc obligé d'avoir recours à un moyen radical, à la décapitation. Beleal se trouve encore à ce dernier supplice pour exciter les païens: mais un regard de Julienne suffit pour le glacer d'effroi et le mettre en fuite. La sainte meurt, après avoir exhorté les Chrétiens présents à son supplice à persévérer dans la foi et dans l'amour des uns pour les autres.
Le poète mentionne ensuite brièvement (v. 671 sq.) le sort du comte qui se noya dans un naufrage et qui devint un suppôt de l'enfer; mais le tombeau de la sainte est jusqu'à ce jour l'objet de pieuses vénérations. En terminant, le poète se recommande à sa protection pour l'heure de sa mort; il fait un humble aveu de sa vie passée et fait connaître son nom par des runes (v. 704 sq.). Il ne manque pas d'implorer la bienveillance du lecteur, et il finit par une courte prière. C'est ainsi que se terminent également les légendes des poètes latins.
Si nous comparons le récit de Cynewulf avec celui de son modèle, nous trouvons que son genre spécial de traiter le sujet repose principalement sur deux circonstances. En premier lieu, il a donné à son poème un coloris national anglo-saxon. Il reste bien, il est vrai, la scène de Nicodémie (Commedia) et l'action a bien lieu à l'époque de l'empereur Maximien ; mais le préfet apparaît comme un comte anglo-saxon et, en cette qualité, il rend la justice devant le peuple (v. 184); lorsqu'il se trouve avec le père de Julienne pour délibérer, les deux « forts au combat » posent leur lance côte à côte (v. 63) ils vénèrent les dieux (v. 76) en leur offrant des trésors (welum weordian); la nature guerrière des Germains, qui dominait toute leur vie publique comme leur imagination, s'accommode également du combat avec le démon, comme ayant eu lieu, d'une part, avec un bouclier et un casque, et, de l'autre, avec des flèches (v. 384 sq., 395); le démon enfin provoque au combat ceux que la bière avait enivrés dans le festin (v. 468 sq.). D'autre part, le poète laisse de côté tout ce qui pourrait affaiblir le coloris national.
CYNEWULF. — ÉNIGMES. — JÉSUS-CHRIST. — JULIENNE. — HÉLÈNE.
Il faut encore placer, au 8 eme siècle, selon toute apparence, un autre poète anglo-saxon qui nous a transmis son nom d'une manière authentique, dans plusieurs ouvrages dont il se dit lui-même l'auteur : j'ai nommé Cynewulf. Dans trois de ses poèmes, une composition lyrico-épique sur Jésus-Christ, et deux légendes, Hélène et Julienne, il fait connaître son nom par des rimes; dans le quatrième, un recueil d'énigmes en vers, il le laisse deviner, en tout ou en partie, dans deux énigmes (1 et 86). Tels sont les passages qui nous fournissent les seuls renseignements certains pour sa biographie.
Village anglo-saxon en Angleterre
Certes, le résultat est bien minime. Cynewulf était un guerrier, peut-être aussi un chanteur ambulant; en tout cas, il a obtenu en présent des bijoux et des pommes d'or, dans le hall à l'hydromel. Il était marié et avait reçu une éducation égale à celle des laïques les plus distingués parmi les Anglo-Saxons. Dans sa jeunesse, il n'avait que trop joui de la vie, comme il le dit lui-même avec amertume : aussi craignait-il, pour l'avenir, le jugement de Dieu; mais le Seigneur l'éclaira de sa grâce, et, dans un âge avancé, il se consacra à la vie spirituelle et à la poésie religieuse. L'histoire de plus d'un roi anglo-saxon nous montre également de telles conversations intérieures. Que Cynewulf soit entré dans l'état ecclésiastique, c'est ce qu'on ne saurait prétendre d'une manière absolue; mais cela n'est pas invraisemblable, à en juger d'après l'usage de cette époque. Un de ses ouvrages poétiques date, en tout cas, de l'époque de sa vie séculière : c'est le Recueil de ses énigmes. Il nous a été conservé, en différents endroits du Codex Exoniensis, non dans toute son intégrité à coup sûr, et, vraisemblablement même, mélangé avec des parties étrangères.
Parmi les quatre-vingt-neuf énigmes qu'on y trouve, la majeure partie appartient toutefois à Cynewulf, vu que, non seulement la première, mais même la quatre-vingt-sixième fait allusion à son nom; cette dernière, en effet, composée en latin, donne à deviner le mot lupus dans ses diverses acceptions. Dans ce genre de poésie, la littérature anglo-saxonne ne faisait que suivre la littérature latine, et, en première ligne, la poésie latine des Anglo-Saxons eux-mêmes, de laquelle nous avons déjà parlé.
Symphosius avait servi de modèle à Aldhelme, qui eut lui-même pour successeurs Talwine et Eusebius; et ce dernier, selon toute apparence, fit, avec les quarante énigmes de Tatwine, un livre de cent énigmes, nombre qui se trouvait dans les livres de Symphosius et d'Aldhelme. Cynewulf, sans aucun doute, n'a pas seulement mis à profit les deux auteurs nommés en premier lieu, mais encore Eusebius, et, très probablement aussi, Tatwine. Il leur a emprunté non seulement le sujet de quelques énigmes, mais même des détails d'exécution, en sorte que quelques-unes de ses propres énigmes ne semblent être qu'une traduction libre des modèles latins qu'il avait sous les yeux.
Et, malgré cela, les énigmes de Cynewulf ont un cachet éminemment original par la manière dont elles sont traitées. Ce qui domine en elles, c'est l'originalité du style, qui est franchement national. Par rapport aux catégories des sujets traités, l'ouvrage de Cynewulf se rattache en première ligne à celui d'Aldhelme et à celui de Symphosius.
Un poème complètement original dans sa composition est le Christ. Tel que nous le possédons, il comprend seize cent quatre-vingt-quatorze lignes longues et se divise en trois parties principales : la première traite de la venue de Jésus-Christ sur la terre, par sa naissance (439 v.) ; la deuxième, de son ascension (339 v.) ; la troisième, de son retour sur la terre pour le jugement dernier (916 v.). A ces trois divisions, le manuscrit donne plusieurs sous-divisions. Ces trois parties se réunissent en un tout par le sujet lui-même : arrivée, départ et retour de Jésus-Christ. Les deux dernières même sont étroitement liées ensemble par le style et la forme, de sorte qu'il n'est pas possible de douter qu'elles ne soient l'ensemble d'un seul et même ouvrage, tandis que le lien qui rattache la première à la seconde est bien moins visible et immédiat; du reste, le style poétique en est bien différent.
Le Christ de Cynewulf – 8 eme siècle
Le commencement de ce poème manque ; mais peu de vers toutefois doivent en être perdus. Le début, tel que nous le possédons, ressemble assez à un sermon sur la fête de Noël: « Viens comme tu vins autrefois, et sauve-nous, nous qui sommes assis dans une prison pleine d'inquiétudes, et éclaire-nous, ô Prince, avant qu'il ne soit trop tard pour nous. »
Telle est la pensée du début : ce rapprochement avec le temps présent, qui forme pour ainsi dire la moralité de la fête de Noël, domine dans le poème et reparaît plus tard d'une manière plus expressive encore ; c'est en lui que repose le côté subjectif qui occupe une si grande place dans le récit de la première partie, car le poète lui-même ressent le besoin de la délivrance. Donc, après avoir dit un mot (v. 35 sq.) de la conception de Marie, qui accomplit et explique les prophéties ; après avoir loué Jérusalem (par rapport à la Jérusalem céleste de l'Apocalypse), qui était destinée à devenir une ville sainte et le siège choisi du roi des rois, il prête, dans le chapitre suivant, la parole aux Juifs qui désirent savoir de Marie elle-même le secret de sa conception miraculeuse. Marie leur reproche leur curiosité, mais leur montre la signification de ce miracle : la faute d'Ève est expiée par une fille de David.
Après ce dialogue, le poète reprend lui-même la parole pour exalter Jésus-Christ comme le plus brillant des astres, le vrai soleil envoyé pour éclairer le monde, Dieu engendré par Dieu ; il le supplie de descendre sur la terre pour éclairer l'homme, son propre ouvrage (v. 71 sq.). L'arrivée de Jésus-Christ fut annoncée aux Juifs ; déjà Melchisédec en était l'image, et les pieux patriarches qui gémissaient dans les liens de l'enfer l'appelaient à leur secours (v. 130 sq.).
Vient ensuite un nouveau chapitre d'un caractère tout à fait dramatique, attendu que le dialogue n'est amené par aucune réflexion du poète : c'est un dialogue entre Marie et Joseph. « Ah! mon Joseph, dit-elle, tu veux me quitter, moi qui t'aime tant? » Et Joseph de répondre : « Je suis profondément affligé, car je suis privé d'estime ; et une grande partie de mes souffrances provient des propos que j'entends tenir sur toi et des railleries auxquelles je suis moi-même exposé. » Marie, qui ne se doute pas de ce qu'il entend par là, croit qu'il s'accuse lui-même et elle cherche à le consoler : elle ne trouve pas la moindre faute à lui reprocher. Enfin, Joseph lui découvre le motif de sa tristesse : c'est la grossesse de Marie. Aussitôt, celle-ci lui révèle le secret, la salutation de l'ange Gabriel (v. 164 sq.). — Le poète s'adresse de nouveau au Christ, dans une prière : se reportant à la fin du chapitre précédent, il parle de la génération du Christ, avant le temps, par le Père qui l'engendra, en créant la lumière (St-Jean 1,4), « cette joie resplendissante de toute créature vivante ».
La Nativité – art anglo-saxon
Le poète invoque encore l'arrivée spirituelle du Christ et sa protection contre l'esprit malin. Les séraphins louent (Isaïe 6,3) ensuite leur roi, dont ils forment la suite d'élite, le Christ qui a révélé Dieu; les hommes eux-mêmes doivent le remercier, dans leurs actions de grâce, car il vient journellement à leur secours. Telle est, esquissée à grands traits, la marche de la narration dans la première partie : or cette narration a un caractère tout à fait particulier. Elle rappelle les anciens mystères rattachés encore au service divin : la trame dramatique est formée par les deux dialogues de Marie avec les Juifs et avec Joseph, dialogues dont le sujet est le mystère de la conception, c'est-à- dire le point de vue le plus important dans la naissance du Christ ; le poète apparaît comme un prédicateur qui explique la doctrine et l'accompagne de considérations, et il représente en même temps le chœur de la paroisse dans les passages où la joie éclate sous forme d'hymnes: c'est un mélange curieux de l'art didactique, lyrique et dramatique.
Cette partie doit assurément reposer sur une homélie latine, comme cela a lieu pour la deuxième partie, ainsi qu'on l'a démontré. Cette deuxième partie, l` Ascension, fait suite, ainsi que l'a découvert Dietrich, à la deuxième partie d'une homélie de saint Grégoire le Grand (Homiliar., in Evangelia xxix, § 9 sq.) sur cette fête ; elle en développe la pensée et la reproduit même mot à mot dès le début. Le lien qui la rattache à la première n'est pas seulement imaginaire, il est même bizarre.
Immédiatement après l'explication de saint Grégoire, un « homme de haute naissance », à qui ce poème doit être dédié, est invité à rechercher pourquoi les anges ne portaient point de vêtements blancs à la naissance du Christ, comme ils le font à l'Ascension. Cette question, dont la solution viendra plus tard, sert de transition au poète pour décrire l'Ascension elle-même, à laquelle il rattache les paroles d'adieu que le Sauveur ressuscité adresse à ses disciples (Matthieu, 28, 18). Mais, dans le Ciel, les anges vont au-devant du Christ, lui souhaitent la bienvenue dans une hymne où ils célèbrent le vainqueur de l'enfer, et ils apparaissent vêtus de blanc afin de rehausser celte solennité, la première de toutes.
La solution de la question posée plus haut est encore donnée : les anges ne portent des habits blancs qu'aux plus grands jours de fête. Or, le Christ, le héros victorieux, mène à sa suite les âmes arrachées au démon (anges déchus). Après ce récit, viennent (v. 586 sq.) les considérations qui se rattachent à saint Grégoire. Voici quel est ici le point de départ : l'homme, délivré maintenant de la malédiction, peut choisir, pour lui, ou le ciel ou l'enfer. Ces considérations s'appuient, dans saint Grégoire, sur différents passages de l'Ancien Testament qui ont trait à l'Ascension de Jésus-Christ. Ce n'est que par-là que s'explique le manque de toute espèce de lien solide entre les diverses parties du poème anglo-saxon.
L'une d'elle, cependant, n'est pas sans originalité et mérite, à ce titre, une mention spéciale : c'est celle où il est question des divers talents que le Christ donne à l'homme (v. 664 sq). Ici, en premier lieu, - et cela est caractéristique chez le poète se trouve nommé le jeu de la harpe. Ensuite, — ce qui n'existe pas dans le modèle latin — mention est faite de l'astronomie et de l'art de forger les armes, de l'habileté dans l'art de la guerre et de la navigation ; c'est ainsi que Poète Anglo-Saxon se trahit encore dans cette composition. Le poète termine ses considérations par une exhortation empruntée à saint Grégoire; il invite à chercher le salut avec le cœur et à aspirer à la patrie où le Christ est monté avec notre corps : voilà pourquoi nous devons mépriser les désirs vains et avoir confiance en Dieu, afin qu'il nous protège contre les assauts terribles du démon ( des anges déchus).
La troisième partie, le Jugement dernier, se rattache immédiatement à la deuxième, car le poète débute par ces mots (v. 779) : « Nul mortel n'a besoin de craindre les flèches du démon sur celle terre, si Dieu le protège. » Le jugement approche; c'est le jour de la vengeance, où le Christ redescend sur la terre. Alors tremblera celui-là qui est hardi — le poète lui-même, car il fait connaître son nom au moyen de runes.
Après une exhortation à penser au jugement dernier pendant la vie, le poète compare en détail la vie à un voyage sur mer (v. 851), et passe ensuite à la description du jugement (v. 868) : « Le grand jour du Seigneur tout-puissant surprendra à l'improviste les habitants de la terre; il s'abattra sur la création si brillante à l'heure de minuit, semblable à un voleur rusé et plein d'audace, qui surprend inopinément, dans les ténèbres de la nuit, les héros sans défiance et livrés au sommeil. »
Alors se réunissent, pleines d'allégresse, sur le mont Sion, les troupes fidèles au Créateur, car pour elles est arrivé le jour du salut; des quatre coins du monde des anges éclatants sonnent de la trompette et le bruit qu'ils font est tellement fort que le sol de la terre en est ébranlé. Ils réveillent tous les morts pour les faire comparaître devant leur juge. Anges et démons, blancs et noirs, s'y réunissent pêle-mêle (v. 895 sq.) Une lueur éclatante du mont Sion annonce alors la venue du Christ : c'est un coup d'œil plein de joie pour les bons, et un spectacle plein de tristesse pour les méchants : les uns et les autres peuvent se reconnaître eux-mêmes à ce signe. Alors la création s'ébranle (v. 931); le plus grand de tous les feux passe devant le Seigneur; la flamme brûlante pétille; les cieux craquent; la lune et les étoiles tombent à travers les airs; le soleil s'obscurcit et prend une couleur de sang. Le feu, nourri qu'il est par la tempête, inonde le monde, comme autrefois l'eau du déluge (v. 985); la flamme affamée dévore tous les êtres; les montagnes fondent; l'eau elle-même brûle, comme de la cire; elle cherche avec fureur à gagner le sein delà terre et elle engloutit tous les trésors; mais elle consume aussi toutes les horreurs des péchés du monde (v. 1007).
Maintenant, commence le jugement. Le Christ, en qualité de roi des anges du ciel, est entouré de l'élite de sa noble suite; il dresse, sur la montagne de Sion, la croix teinte de
sang, comme signe de son royaume et sa bannière. Les anges eux-mêmes sont saisis d'effroi dans l'intime de leur être : à combien plus forte raison les hommes qui sont ressuscités et qui sont tous réunis ! Les pensées de leur cœur, et toutes leurs actions sont en ce moment manifestées : les péchés des méchants se montrent à travers leur nouveau corps comme à travers le cristal. Maintenant, à la vue de la croix teinte de sang et des plaies que porte le Christ, ils sont forcés de reconnaître avec effroi celui qu'ils ont renié, honni, frappé ; celui que la nature elle-même reconnut, dans les miracles qui eurent lieu à sa mort; celui que reconnut l'enfer, en rendant les patriarches qu'il détenait prisonniers; celui enfin que reconnurent les arbres eux-mêmes, lorsqu'il monta sur l'un d'eux, car plus d'un fut teint de larmes sanglantes et vit sa sève se changer en sang.
Seuls les hommes, aveugles et plus durs que le rocher, ne reconnurent pas leur Sauveur. Alors, le Christ s'assied sur son trône royal (v. 1.217); à sa droite, se réunissent les âmes pures, les élus; à sa gauche, ceux que souille le péché. Les uns et les autres sont reconnaissables à trois signes : les premiers sont comme illuminés par leurs bonnes œuvres ; ils voient la gloire qui les attend, comme aussi la punition des pécheurs, et, par là, ils ressentent davantage les bienfaits de la grâce divine qui est désormais leur partage.
Les autres, au contraire, voient le feu de l'enfer préparé pour eux ; ils voient aussi la félicité des élus, et ils éprouvent une honte profonde de leur ignominie manifeste à tous les yeux. Ils auraient dû se confesser auparavant et faire pénitence. Jésus-Christ s'adresse alors (v. 1337 sq.) aux deux troupes, d'après saint Mathieu (25,35) : « Venez, vous, les bénis de mon père ; venez posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde, car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, etc. »; à droite il promet, dans un discours rapide, la récompense; à gauche, dans un discours étendu où il motive la peine due au péché et où il passe en revue l'œuvre de la rédemption, il inflige le châtiment : « Allez, maudits, privés de la jubilation des anges, allez au feu éternel! »
C'est ainsi qu'il termine, en brandissant le glaive de la justice; et les méchants tombent, en même temps que les démons, dans les flammes remplies de ténèbres. Le poète termine son ouvrage (v. 1550 sq.) par l'exhortation qu'il a faite, au début de cette partie; il fait une peinture des peines qu'endurent les méchants dans l'enfer, et de la félicité des bienheureux dans le ciel; la plus délicieuse des joies est celle qu'ils éprouvent lorsque les anges et les âmes des bienheureux se rencontrent pour la première fois et que les premiers souhaitent la bienvenue aux seconds, dans la patrie céleste. C'est vers ce but que l'homme doit aspirer en se purifiant de la souillure de ses fautes.
D'après l'analyse rapide que nous venons de donner de ce poème, on peut également voir à quel point la deuxième et la troisième partie diffèrent de la première, quant à l'exposition, tout en s'harmonisant elles-mêmes, en général, sous ce rapport. Dans la première partie, l'élément épique est remplacé par l'élément dramatique ; on n'y trouve point de narration descriptive; mais le côté didactique, qui forme la base de tout le poème, s'y marie au lyrisme.
Dans les deux parties qui suivent, par contre, on trouve l'élément épique réuni à l'élément didactique ; si, dans la seconde partie, le récit ne fait qu'accompagner la leçon, dans la troisième, au contraire, la description occupe le premier plan, comme partie principale de l'exposition, et elle donne à la leçon un point d'appui qui produit le plus grand effet. Le charme poétique de la troisième partie se trouve dans ces passages descriptifs où les images les plus saisissantes sont rendues avec de brillantes couleurs, où les métaphores sont prises sur le vif, et, détail rare dans la poésie épique anglo-saxonne, où les comparaisons se trouvent complètement développées.
Dans un sujet aussi souvent traité que le jugement dernier et tombé en quelque sorte dans le domaine public de la littérature chrétienne, notre poète sait cependant se montrer original par la force de la conscience nationale qui le domine, et il sait également par là relever le mouvement de l'effet qu'il veut produire. La description repose bien sur la tradition chrétienne, dans toutes ses parties essentielles, dans les contours et le dessin; mais, avec cela, le coloris reste vraiment national.
C'est ainsi que le Christ apparaît comme un roi anglo-saxon qui rend la justice, et les anges comme ses ministres. C'est ainsi encore que le poète se souvient, dans sa narration, des phénomènes de la mer (fv. 980 sq.). C'est ainsi que la flamme qui s'élève lui rappelle facilement les vagues qui grossissent et qui viennent inonder le pays. Pour lui, également, le plus précieux des biens terrestres est représenté par des bijoux, « ces antiques objets précieux des nobles rois » (v. 996 sq.). Mais, avec cela, les côtés faibles de la poésie nationale de son peuple, c'est-à-dire la prolixité et les répétitions, — défauts que favorisaient si facilement l'allitération, — se rencontrent fréquemment dans son style.
Si nous jetons, en terminant, un coup d'œil d'ensemble sur l'ouvrage tout entier, nous devrons reconnaître qu'il produit une impression profonde, soit par l'idée de la rédemption de Jésus-Christ dans le monde, soit par la variété et par le cachet artistique et poétique du style : celle idée, qui repose sur l'enthousiasme de la foi, donne de l'unité à l'ouvrage; cette diversité fait voir, sous un jour favorable, l'individualité poétique de Cynewulf.
Le livre Juliana de Cynewulf raconte en poésie anglo-saxonne l`histoire de Sainte Julienne de Nicomédie – vierge et martyre
Sainte Julienne de Nicomédie (Juliana)– vierge et martyre – sa vie est dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine a la date du 16 février.
Le livre Julienne de Cynewulf est un poème composé, lui aussi, d'après un modèle latin, une légende en prose, écrite au plus tard au 6 eme siècle. Le récit latin se trouve dans les Acta Sanctorum, à la date du 16 février. En voici le contenu.
A l'époque de la persécution des chrétiens sous l`empereur romain Maximien, Julienne fut fiancée, par son père Africanus, païen zélé de Nicomédie ( région autrefois gréco-romaine de la Turquie), au comte Helisêus (dans la légende, Eleusius), sénateur et plus tard préfet. Mais on cacha au comte qu'elle avait promis déjà, « dans son esprit sa fidélité au Christ, et qu'elle songeait, par amour pour lui, à conserver sa virginité. Elle déclara donc au comte qu'elle ne deviendrait son épouse qu'à une condition, c'est qu'il embrasserait le christianisme. Le père, interpellé par le comte, exige de sa fille qu'elle renonce aux « dieux étrangers ». Il menace : peine inutile. Il la fait mettre à la torture, mais elle persiste dans sa résolution. Là-dessus, il la livre au comte, son fiancé, qu'il fait juge en cette affaire. Celui-ci cherche, par des paroles flatteuses, à la persuader de sacrifier aux anciens dieux et d'échapper ainsi aux tortures cruelles. Mais c'est en vain : Julienne reste inébranlable, malgré les tortures qu'on lui fait subir. Jetée en prison, elle célèbre le roi de la magnificence, le divin Rédempteur (v. 235 sq.).
Sainte Julienne de Nicomédie, vierge et martyre
Or, voilà que, sous la forme d'un ange, un démon (Beleal) lui apparaît dans son cachot pour la tenter; il lui conseille d'échapper au martyre en sacrifiant aux dieux. La jeune fille intimidée demande au Tout-Puissant de lui faire connaître la qualité de ce messager. Une voix descendant des nuages lui répond de le saisir et de le garder jusqu'à ce qu'il annonce lui-même sa mission et son origine. L'interrogatoire que la sainte fait subir au démon (un ange déchu) et les longs discours de ce dernier forment à proprement parler la trame du poème : le début de ces discours manque toutefois (v. 289-530). Beleal, fils du roi des enfers, avoue les perversités et les méchancetés qu'il a commises. Il raconte que son père l'a envoyé, cette fois, comme dans d'autres circonstances du reste, pour pervertir les âmes pieuses : s'il échoue, il aura à subir un rude châtiment de la part des satellites du roi redoutable; il sera lié et mis à la torture. C'est donc par nécessité qu'il a dû tenter Julienne. Il veut encore lui confesser de quelle manière il s'y prend pour séduire les femmes (v. 350 sq.) et par quels maléfices il cherche constamment à nuire aux hommes (v. 460 sq.).
Ce long entretien est interrompu lorsque le comte appelle de nouveau Julienne devant son tribunal (v. 530). Même après cela, elle ne lui rend pas si vite sa liberté; elle le traîne
encore jusqu'au lieu du supplice, et ce n'est qu'à sa prière réitérée de retourner à l'enfer, qu'ils se séparent. Voici enfin, après une lacune, v. 559) le martyre merveilleux de la sainte. Elle est d'abord attachée sur une roue de fer garnie de couteaux acérés, et roulée au milieu d'un brasier: sa constance convertit les bourreaux ; un ange éloigne le feu; elle sort de là saine et sauve. Ensuite, on la plonge dans un bain de plomb en ébullition ; mais le liquide se divise et les gouttes qui en rejaillissent, ne blessent que les païens : avec cette sainte, le juge est donc obligé d'avoir recours à un moyen radical, à la décapitation. Beleal se trouve encore à ce dernier supplice pour exciter les païens: mais un regard de Julienne suffit pour le glacer d'effroi et le mettre en fuite. La sainte meurt, après avoir exhorté les Chrétiens présents à son supplice à persévérer dans la foi et dans l'amour des uns pour les autres.
Le poète mentionne ensuite brièvement (v. 671 sq.) le sort du comte qui se noya dans un naufrage et qui devint un suppôt de l'enfer; mais le tombeau de la sainte est jusqu'à ce jour l'objet de pieuses vénérations. En terminant, le poète se recommande à sa protection pour l'heure de sa mort; il fait un humble aveu de sa vie passée et fait connaître son nom par des runes (v. 704 sq.). Il ne manque pas d'implorer la bienveillance du lecteur, et il finit par une courte prière. C'est ainsi que se terminent également les légendes des poètes latins.
Si nous comparons le récit de Cynewulf avec celui de son modèle, nous trouvons que son genre spécial de traiter le sujet repose principalement sur deux circonstances. En premier lieu, il a donné à son poème un coloris national anglo-saxon. Il reste bien, il est vrai, la scène de Nicodémie (Commedia) et l'action a bien lieu à l'époque de l'empereur Maximien ; mais le préfet apparaît comme un comte anglo-saxon et, en cette qualité, il rend la justice devant le peuple (v. 184); lorsqu'il se trouve avec le père de Julienne pour délibérer, les deux « forts au combat » posent leur lance côte à côte (v. 63) ils vénèrent les dieux (v. 76) en leur offrant des trésors (welum weordian); la nature guerrière des Germains, qui dominait toute leur vie publique comme leur imagination, s'accommode également du combat avec le démon, comme ayant eu lieu, d'une part, avec un bouclier et un casque, et, de l'autre, avec des flèches (v. 384 sq., 395); le démon enfin provoque au combat ceux que la bière avait enivrés dans le festin (v. 468 sq.). D'autre part, le poète laisse de côté tout ce qui pourrait affaiblir le coloris national.
Dernière édition par MichelT le Jeu 14 Mar 2019 - 17:21, édité 4 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
Le Elene de Cynewulf raconte en poésie anglo-saxonne la vie de Sainte-Hélène, mère de l`empereur romain chrétien Constantin a la recherche de la Vraie Croix à Jérusalem au 4 eme siècle
L'autre légende de Cynewulf, Hélène (treize cent vingt lignes longues), a une importance bien autrement grande et offre un intérêt bien plus général, soit par rapport au sujet lui-même, soit par rapport au style poétique. L'héroïne qui a donné son nom au poème est la mère de Constantin le Grand : l'Invention de la sainte croix en fait le sujet. Mais le saint qui opère le miracle est Cyriaque, et une légende apocryphe qui se rattache à son nom est le modèle que le poète suit pas à pas et jusqu'à la fin, dans les événements principaux de son récit, en sorte que l'écrit latin peut être effectivement mis à profit pour expliquer le poème anglo-saxon. Cynewulf procède donc ici, en général, comme il a fait pour la composition de Julienne ; mais ici son modèle lui offrait l'occasion de faire des peintures détaillées d'expéditions militaires sur terre et sur mer, telles que les aime la poésie épique nationale des Anglo-Saxons : ce sont les parties les plus originales et les plus attrayantes au point de vue poétique.
Le poète débute par l'expédition dans laquelle Constantin se convertit. Tout comme dans le modèle latin, mais contrairement au fond de l'histoire, cette expédition est dirigée contre une armée étrangère qui passe le Danube. Or, tandis que cette armée est tout simplement désignée comme un peuple de barbares, dans l'écrit latin, Cynewulf en fait une armée de Huns et de Germains, et principalement de Goths et de Francs.
C'est le roi des Huns qui la commande, et le poète a apparemment pensé ici à Attila. Il se sert des plus vives couleurs de sa palette pour peindre leur marche : les lances et les cuirasses étincellent ; le cri de bataille est accompagné par le bruit des boucliers qui résonnent ; le loup chante le chant de guerre, et l'aigle, aux plumes humides de rosée, suit les traces des soldats (1). La marche des Romains est retracée avec la même vigueur : le bruit des coursiers et des armes, le son des cors et des hérauts, le chant des corbeaux, rien n'y manque. Les deux armées sont réunies près du Danube.
Tribus païennes des Goths
L'empereur craint la grande supériorité numérique des ennemis. Mais voilà qu'un ange lui apparaît pendant son sommeil et lui montre la croix, dont le signe doit lui procurer la victoire. Aussitôt, il fait faire une croix et la fait porter, comme un étendard, devant son armée. Vient ensuite la bataille, que le poète dépeint avec âme (v. 109 sq.), la bataille avec sa pluie de flèches et ses couleuvrines lancées au-dessus du bord des boucliers. Les païens, qui composent l'armée des Huns, tombent ou prennent la fuite. Mais Constantin, sachant ensuite à quel Dieu il doit la victoire, se fait baptiser par le pape saint Sylvestre (v. 192). L'empereur, ayant connu plus tard le lieu où le Christ avait été crucifié, envoie sa mère chez les Juifs pour chercher le bois glorieux. Elle entreprend avec une armée cette expédition qui, dans notre poème, est une expédition maritime et qui y est dépeinte avec toute la magnificence des images de la poésie épique nationale (v. 225 sq ).
L`Impératrice romaine Sainte Hélène et la Vraie Croix
Arrivée à Jérusalem, Hélène réunit les Juifs, se fait indiquer les plus sages d'entre eux pour qu'ils puissent lui donner des renseignements. Il s'en présente d'abord trois mille. Parmi eux, on en choisit mille, sur lesquels on fait un triage de cinq cents; mais ils n'entendent d'Hélène que des reproches et ils ignorent ce dont il s'agit. Cependant, voilà que l'un deux, Judas, fils de Simon et frère du premier martyr saint Etienne, leur explique enfin ce qu'elle veut: Hélène cherche la croix. Mais si la croix est manifestée, c'est son grand père Zachée qui l'a dit — la loi sera rejetée et l'empire des Juifs prendra fin. Sommés de nouveau par Hélène et menacés dans leur vie, les Juifs disent alors que Judas est le plus savant d'entre eux et le plus capable de la renseigner (v. 585). Judas s'y refuse ; il est mis en prison et condamné à mourir de faim, s'il ne s'exécute pas. Après sept jours, il dit enfin qu'il est prêt à obéir, et on le conduit au Golgotha. Mais comme il ne sait réellement pas où se trouve la sainte croix, il adresse à Dieu une prière, le suppliant de lui indiquer, par de la fumée, l'endroit où elle est cachée et de lui faire connaître si le règne du Christ doit s'étendre sur le monde (774).
Sa prière est exaucée. Converti aussitôt, Judas creuse activement à l'endroit d'où est sortie la fumée, et trouve, en effet, les trois croix. Quelle est celle du Christ ? demande la reine. Un nouveau miracle est seul capable de donner la réponse que Judas est impuissant à faire. Les croix sont placées dans la citadelle, et l'on y apporte un mort. Judas le touche avec les croix : au contact de la troisième, il reprend soudain une nouvelle vie (v. 890). Le peuple célèbre le Père et le Fils : mais le démon se plaint de ce qu'un Judas l'humilie après qu'un autre Judas lui avait fait concevoir des espérances.
Il le menace et lui annonce son prochain martyre, sous Julien. Mais Judas lui répond avec intrépidité. La joie dans l'âme, Hélène envoie un messager au roi pour lui annoncer cette bonne nouvelle, et celui-ci, en retour, prie sa mère de faire construire une église sur la montagne du calvaire. Son ordre est exécuté; la reine fait en même temps orner la croix avec de l'or et des pierreries, et enfermer la précieuse relique dans une armoire de fer (v. 1024 sq). C'est là qu'elle opère sans cesse des miracles sur les malades de toute sorte. Pendant ce temps, Judas reçoit le baptême et le pape Eusèbe le nomme évêque de Jérusalem, sous le nom de Cyriaque.
Hélène cependant veut retrouver aussi les clous de la croix (v. 1063). A la prière de Cyriaque, Dieu envoie un signe : une flamme montre la place où ils se trouvent sur la montagne du calvaire (le modèle dit ; là où était la croix) ; les clous y brillent comme les étoiles au firmament, ou comme des perles d'or dans l'obscurité. Sur le conseil de Cyriaque et pour accomplir la prophétie de Zacharie, Hélène en fait monter un mors pour le cheval de Constantin. Celui que portera ce coursier sera honoré dans le combat. Avant de repartir, elle adresse des exhortations aux Juifs réunis autour d'elle et leur recommande d'obéir à Cyriaque. Enfin, elle institue la fête de l'Invention de la Sainte-Croix.
Que l'enfer soit fermé, le ciel ouvert et le salut accordé par Marie à tout homme qui célèbre la fête de la Croix ! C'est ainsi que l'auteur termine son récit, en s'appuyant sur le modèle latin. Cynewulf, toutefois, y ajoute (v. 1.237 sq.) un épilogue d'un caractère essentiellement personnel. Ici, comme dans son poème sur le Christ, il parle, avec la conviction dans l'âme, de la vie coupable qu'il a menée jadis avant de connaître la vertu de la croix et d'être éclairé de la grâce dans sa vieillesse.
En nous faisant ensuite connaître son nom par des rimes (v. 1.257 sq.), il jette un regard rétrospectif sur les vaines joies de sa jeunesse : les joies de la vie sont fugitives ; les biens de ce monde, qui périra lui-même par les flammes, sont passagers. A la fin du monde, l'humanité se divisera en trois catégories : en haut, dans le feu, seront les âmes pieuses ; pour elles l'ardeur des flammes est tempérée et adoucie. Les pécheurs occupent le milieu : leur cœur est plein d'angoisses et ils sont entourés de murailles brûlantes et de fumée. Au fond de la mer de feu, se trouvent les sacrilèges maudits : de là, ces derniers sont précipités dans les abîmes de l'enfer, tandis que les deux autres phalanges sont purifiées de leurs fautes, comme l'or l'est par le feu, pour recevoir ensuite le bonheur de la paix et la félicité éternelle.
Dernière édition par MichelT le Jeu 14 Mar 2019 - 21:53, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE QUATRIÈME
POÈMES ATTRIBUÉS A CYNEWULF : GUTLHAC, et ANDRÉAS
Nous possédons encore, de cette période, deux ouvrages poétiques de légendes que l'on a, de nos jours, attribués, en tout ou en partie, à Cynewulf. Ils forment, dans un certain sens général, des pendants à ceux que nous venons d'étudier.
Textes du poème de Guthlac de Croyland
Saint Guthlac of Croyland : (674 à 715 Ap J.C.) est un saint du Lincolnshire en Angleterre. Il était le fils de Penwald, un noble du Royaume de Mercie (Mercia) qui était soldat dans les armées du roi Ethelred. Il devint moine au monastère de Repton dans le Derbyshire.
Saint Guthlac of Croyland
Le pendant de Julienne est Guthlac. Ce poème, dont la fin manque, comprend, tel qu'il nous est parvenu, treize cent cinquante-trois lignes longues. Mais il se compose de deux parties émanant de deux auteurs différents : la deuxième n'est qu'une suite ou supplément de la première ; la mort du saint en fait tout le sujet. Les deux parties diffèrent complètement, non seulement dans la langue et le style, mais encore dans la manière de traiter le sujet.
Cette dernière était une vie latine du saint, composée par Félix, qui, selon toute apparence, était moine du couvent de Croyland. Il l'a dédiée au roi de l'East Anglia, Aelhelbald, qui régna de 720 à 749 Ap J.C. ; car ce roi lui-même, qui avait été l'ami du saint, et qui avait fondé, en son honneur, le monastère.
D'après le récit de Félix, Gulhlac était de noble famille : une apparition miraculeuse montra déjà, à sa naissance, sa sainteté future. Néanmoins, au sortir de l'adolescence, il se consacre, pendant huit ans, selon l'usage des personnes de sa qualité, à la carrière des armes. Il pille et détruit les villes et les forteresses de ses ennemis ; toutefois, il rend le tiers de son butin aux victimes qu'il avait dépouillées. Une nuit, il avait alors vingt-quatre ans, la pensée de la mort frappa son imagination. Il rentra aussitôt en lui-même et se consacra au service de Jésus-Christ.
Il se rendit d'abord dans le monastère de Ripadum, où, pour faire pénitence de ses péchés, il s'imposa la plus rigoureuse abstinence. Cela le rendit d'abord odieux aux moines, qui ne le prirent que plus tard en affection. Toutefois, cette vie ascétique ne lui suffisait point encore ; après avoir lu la vie des solitaires, il se sentit attiré vers elle.
Il se retira donc dans l'île de de Croyland, (Crowland de nos jours) où les démons ( anges déchus) exerçaient leurs maléfices, et qui était abandonnée comme dangereuse. Le saint ne tarda pas à éprouver leur malice ; mais saint Barthélémy, son patron, lui apparut pour le consoler. Un jour, les démons (anges déchus) tentent une attaque décisive pour chasser l'ermite de l'île: ils lui apparaissent en phalanges serrées, le maltraitent, l'emportent dans l'espace jusqu'à l'ouverture de l'enfer et lui font voir de là les peines des damnés et le feu qui avait été allumé pour ses crimes.
Croyland abbey dans le Lincolnshire où se déroule cette histoire
Les démons veulent l'y précipiter, mais saint Barthélémy apparaît et leur ordonne de reporter Guthlac chez lui le plus doucement possible. C'est ce qui a lieu. Viennent ensuite d'autres aventures. L'auteur parle en détail des relations du saint avec les oiseaux. Après avoir donné encore des exemples de l'esprit prophétique de son héros, Félix raconte en détail, au chapitre v, sa mort, sa sépulture et les miracles opérées par ses reliques. Tel est, dans ses lignes principales, le contenu de la source écrite où ont puisé les deux poètes anglo-saxons. Mais le premier traite le sujet avec beaucoup plus de liberté que ne le fait le second.
Dans une introduction, qui est son œuvre (v. 1-63), il fait ressortir la valeur de l'ascétisme, à une époque surtout où le monde est en décadence. Il vante les pieux ermites qui sont persécutés par le démon (les anges déchus), mais que les anges protègent. Guthlac était de ce nombre. Dans sa jeunesse, les anges se disputaient déjà l'empire de son âme, lorsque le démon le poussa vers des excursions aventureuses pour ramasser du butin (v. 98 sq.) ; c'est ainsi que le poète ne fait qu'une allusion aux exploits de la jeunesse du saint. Il peint ensuite les luttes que Guthlac eut à soutenir contre les démons, (anges déchus) comme un combat pour la possession de la « montagne », c'est-à-dire de la colline dans la forêt de l'île, où il avait fixé sa résidence.
Elle était leur lieu de repos, quand ils revenaient fatigués de leurs campagnes aventureuses (v. 180 sq.). Ils rappellent à Guthlac ses devoirs de parenté ; il doit retourner aux plaisirs du siècle. C'est ainsi que les démons, (anges déchus) dans leurs exigences, représentent en quelque sorte l'antique paganisme germain luttant contre l'ascétisme chrétien; du reste, ils rappellent eux-mêmes les divinités sylvestres de la Germanie.
Un autre trait particulier à notre poète, c'est que les démons doutent des sentiments ascétiques et regardent la piété extérieure comme de l'hypocrisie : pour le prouver au saint, ils l'élèvent dans les airs afin de lui faire voir « la conduite des hommes dans les églises, sous l'égide des saints pasteurs, la conduite de ceux qui jouissent gaiement de leur vie, dans de vaines possessions et dans des habits pompeux, comme c'est l'usage parmi les jeunes gens » (v. 383 sq.).
Ici, les démons ( anges déchus) sont manifestement les porte-voix des adversaires de l'ascétisme ; mais Guthlac ne manque pas de les clouer au pilori, car il leur donne sans peine la réplique : La jeunesse n'a point de vertu ; d'ailleurs, à côté de mauvais exemples, on en trouve tout autant de bons. Même dans cette partie du poème, l'action principale est l'enlèvement de Guthlac jusqu'à l'entrée de l'enfer ; mais cela arrive ici — ce qui n'est pas dit dans le poème — parce que les démons, le prenant pour un hypocrite, veulent le mettre à l'épreuve (v. 551 sq.).
Après avoir dit encore un mot du commerce de Guthlac avec les oiseaux de sa forêt, le premier poète termine en jetant un coup d'oeil sur la récompense que le saint reçut dans le ciel, où les anges le conduisirent par la main d'une manière si gracieuse (v. 753 sq.), et en faisant l'éloge de l'ascétisme, auquel il doit une si belle récompense. Par là, la première partie arrive à une conclusion parfaite : c'est un ouvrage indépendant et même bien proportionné. Ce qui est digne de remarque, c'est l'indépendance avec laquelle le poète traite son sujet ; ce qui domine, d'un bout à l'autre, c'est l'idée de la glorification de l'ascétisme, et l'auteur ne raconte rien de l'histoire de la vie du saint qui ne serve à ce but.
La deuxième partie du poème, dont la fin ne nous est pas parvenue, ne traite que le dernier chapitre de la vie latine, mais se rattache bien plus immédiatement à la narration de Félix que ne le fait la première partie. De même que la mort, au début de ce chapitre, est motivée par la chute d'Adam, de même elle l'est ici, avec cette différence toutefois que la narration est ici plus amplifiée : Depuis lors, la mort règne sur la terre, quoiqu'il y ait eu beaucoup de saints personnages et qu'il y en ait encore beaucoup de notre temps : c'est ainsi que des livres nous apprennent à quel degré de sainteté Guthlac est arrivé, en Angleterre.
Telle est la manière dont l'auteur aborde son sujet, et son introduction, surtout dans les dernières phrases, nous montre déjà que cette seconde partie est un poème tout à fait indépendant et composé peu de temps après la Vie latine elle-même. Ce qui vient immédiatement après révèle plus encore cette indépendance. Le poète rappelle, en effet, les miracles du saint (ses guérisons) ; il parle succinctement des attaques qu'il a eu à soutenir de la part des démons, de ses relations avec les oiseaux déjà expliquées en détail dans la première partiel, ainsi que des conseils et des consolations qu'il donnait aux personnes dans l'embarras.
Ce n'est qu'à partir du vers 904 que le poète passe au sujet lui-même. Il raconte, en se basant sur son modèle et en amplifiant les discours, la mort de Guthlac et l'ambassade que son serviteur porte à la sœur du saint, avec mission de le faire ensevelir. Ici se termine le récit. Nous n'apprenons donc rien de la réponse de la sœur, ni de l'exécution de la mission qu'on lui a confiée.
André (Andreas) forme le pendant d'Hélène, de Cynewulf. C'est un poème de dix-sept cent vingt-deux lignes longues, entièrement basé sur une légende apocryphe. La source n'est autre que l'écrit : Thilo, Aeta SS. apostolorum Andrea et Mathiae— a servi de modèle au poète anglo-saxon, qui le suit fidèlement, à quelques rares exceptions près dans le cours de sa narration. Il n'a fait que donner, autant que possible, un coloris national à son récit. Voici quel est le contenu du poème.
Un des douze guerriers (apôtres) du Seigneur, un des héros pleins de gloire, dont la force ne succombera jamais dans le combat, était Mathieu. C`est à lui que Dieu avait donné pour mission d'annoncer l'évangile dans l'île des Mermédoniens. Or, ces derniers étaient anthropophages et les étrangers faisaient sur tout leur nourriture favorite : on leur arrachait les yeux et on leur donnait un breuvage enchanté qui, en leur faisant perdre la raison, les rabaissait au niveau de la bête; en sorte qu'ils mangeaient du foin et de l'herbe, après quoi, on les tuait dans un laps de temps déterminé.
Tel est le sort qui était également réservé à Mathieu. Lui aussi perdit la vue, mais le breuvage enchanté n'exerça sur lui aucune influence, car il appela Dieu à son secours (3). Or, voilà que, dans sa prison, il entendit la voix du Sauveur qui lui promettait de ne point l'abandonner et qui lui rendit l'usage de ses yeux (4) ; André, qui enseigne la bonne nouvelle en Achaïe, (sud de la Grèce) a mission de le sauver (v. 161 sq.). C'est pourquoi ce dernier entend la voix du Christ qui lui ordonne de se rendre en Mermédonie, où Mathieu doit perdre la vie dans trois jours.
André objecte qu'il ne connaît pas le chemin et que le temps est bien court; seul, un ange du ciel serait en état d'exécuter cet ordre. Jésus-Christ lui ordonne toutefois de s'embarquer à la pointe du jour et d'avoir confiance en la puissance divine. Suivi de ses serviteurs, André arrive au rivage à l'heure indiquée et y trouve une barque avec trois bateliers : c'était Jésus-Christ avec deux de ses anges. André, apprenant qu'ils viennent du pays des Mermédoniens, prie le pilote de les y conduire, lui et les siens.
Mais celui-ci l'avertit d'abord de se méfier de ce pays ; il exige ensuite le prix du passage et ce n'est que lors qu'il apprend qu'ils sont des serviteurs de Jésus-Christ qu'il se déclare prêt à les transporter de grand cœur (v. 347). Or, la traversée commençait à peine et le pilote prudent avait à peine distribué des vivres aux passagers que les signes précurseurs d'une tempête se manifestent à l'horizon. Le poète, en homme qui a l'expérience de la mer fait, en peu de vers, de cette tempête une description excellente (v. 369 sq). L'angoisse s'empare des gens d'André; mais celui-ci les console; il leur rappelle la puissance que le Christ possède sur la fureur des eaux et il leur dit comment il l'a autrefois montrée à ses disciples. Les passagers s'endorment; la mer se calme.
A cet endroit, s'engage un long dialogue avec le pilote (v. 469). Celui-là vante l'art du jeune marin, car c'est ici le Christ qui apparaît comme pilote ; celui-ci lui apprend que les
vagues, obéissant à la voix du Créateur, ne se sont apaisées que parce que André est un soldat du roi qui règne dans la magnificence. Le pilote demande ensuite à André d'où cela provient que les Juifs n'aient pas reconnu le Sauveur comme Dieu, malgré les miracles qu'il a faits (v. 555). Il lui demande encore s'il a fait aussi ces miracles, en présence des évêques et des anciens ? (v. 607 sq.)
Saint André est un acteur de ce poème anglo-saxon fictif
André répond affirmativement ; mais ajoute-t-il, le Christ a fait aussi des miracles en secret (en présence des prêtres). Le pilote veut les lui entendre raconter. Et c'est ainsi qu'André raconte ici un de ces miracles apocryphes qui est assez étrange (v. 661 sq.). Le Christ arrive au temple avec ses disciples. Le grand prêtre se moque de ces derniers, qui croient suivre le fils de Dieu; et pourtant on connaît ici ses parents Joseph et Marie, et ses frères Simon et Jacob.
Les disciples devinrent perplexes. Là-dessus, le Christ se retire, avec ses disciples, dans le désert, afin de les y convaincre par des miracles de sa divinité. Ensuite, il retourne au temple et fait devant les prêtres le miracle suivant. A la muraille du temple se trouvent deux statues, un chérubin et un séraphin. Sur l'ordre du Christ, l'une d'elles descend de la muraille et atteste par des paroles sa divinité. Les anciens expliquent ce miracle par la magie. Alors le Sauveur ordonne à cette image de pierre d'aller à Chanaan ; elle doit commander à Abraham, à son fils et à son petit-fils de ressusciter et de venir. Ils ne tardent pas, en effet, à apparaître pour célébrer le prince de la magnificence.
C'est ainsi qu'André s'entretint, pendant une journée tout entière, avec le pilote ; après quoi il est, lui aussi, saisi par le sommeil (v. 818sq). Alors le Christ les fait porter doucement par ses anges (lui et ses compagnons ), à travers la mer jusqu'au pays des Mermédons. Au lever du soleil, André s'éveille et voit la forteresse devant lui. Il appelle ses compagnons qui dorment encore à côté de lui près du rivage. Il comprend maintenant quel est le pilote qui les a conduits ; ses compagnons confirment sa manière de voir par un rêve qu'ils ont eu (v. 859 sq.). Lorsqu'ils ont été endormis, des aigles sont arrivés sur les ondes de la mer et ont emporté leur âme dans le ciel : là, ils ont vu le Seigneur entouré par les anges, les patriarches et les martyrs qui chantaient ses louanges, ainsi que « vous autres douze » que des anges servaient.
Le Christ lui-même, sous les traits d'un jeune homme, apparaît bientôt à André, qui est tout réjoui de cette communication ; il lui annonce ce qu'il doit faire et ce qu'il aura à souffrir, et il lui promet de le fortifier. Alors André, rendu invisible par la protection du Seigneur, se rend (v. 981 sq.) à la forteresse et a la prison; à sa prière, la mort frappe les sept geôliers, la porte s'ouvre, et Mathieu tombe dans ses bras. Il est délivré en même temps que beaucoup d'hommes et de femmes, et un nuage, qui les enveloppe, leur permet de traverser la ville.
Ici (v. 1057) se termine la première partie du récit. Vient ensuite le martyre d'André et enfin la conversion des anthropophages. Ces derniers, dit le poète, se rendent à la prison afin d'y prendre quelques-uns des étrangers pour leur repas ; ils la trouvent vide, et leur étonnement et d'autant plus grand que leur faim est plus forte, car c'est la faim qui est ici désignée partout comme le motif de l'anthropophagie. C'est donc un des leurs qui doit apaiser leur appétit. Le sort décide ; il tombe sur un vieillard. Il se lamente et, pour conserver sa vie, il offre son fils; mais c'est en vain que les païens cherchent à tuer ce dernier avec leurs javelots; Dieu le protège.
Tourmentés par la faim et réduits au désespoir, ils tiennent conseil. Voilà que le démon (l`ange déchu) apparaît et leur montre André, qui est présent, mais encore invisible aux païens: c'est lui qui a délivré les prisonniers ; qu'il soit immolé ! André honnit Satan, pendant que le peuple le cherche avec rage. La voix du Seigneur exige qu'André se manifeste lui-même (v. 1208). Là-dessus, le saint est enchaîné et mis à la torture ; on le traîne sur des rochers et des pierres, et ensuite on le jette en prison. Ce martyre se renouvelle encore pendant deux jours entiers. Le démon (l`ange déchu) apparaît aussi dans la prison, avec six de ses enfants qui cherchent, mais en vain, à tuer le saint à l'aide de leurs javelots empoisonnés ; le signe de la croix (fait sur le front) rend André invulnérable (v. 1337 sqq).
Le troisième jour, le Seigneur a pitié du martyr qui se lamente; pour lui prouver que ses tourments sont finis, il lui montre des arbres chargés de fruits qui ont poussé fécondés par son sang (v. 1448), et il le rétablit complètement. André s'adresse enfin à une colonne qui se trouvait dans la prison, et la conjure de répandre des torrents d'eau sur la ville. La pierre obéit. Les païens s'enfuient épouvantés ; mais, un ange — saint Michel, à la prière du saint — les empêche de quitter la ville, qu'il environne lui-même de feu. Le poète dépeint, dans un langage plein de vie et riche d'images (v. 1523 sq.), la crue des vagues, le mugissement des eaux, le vol des étincelles et les cris des malheureux qui se noient. Un homme du peuple engage (v. 1558) ses compatriotes à délivrer André de sa prison et à implorer son secours, maintenant qu'on peut voir combien on lui a fait tort. En apprenant ces bonnes intentions, le saint arrête le déluge dont les flots s'élèvent déjà jusqu'aux aisselles des hommes, et il ordonne à la montagne de s'ouvrir : l'eau s'élance dans l'orifice et, avec elle, disparaissent quatorze des plus mauvais de ces malfaiteurs.
Désormais, le peuple anxieux est prêt à se convertir: André ressuscite les enfants noyés. On bâtit une église en cet endroit.; le peuple reçoit le baptême, et le saint, qui les quitte, malgré leurs prières, leur donne un évêque nommé Platan. Le Christ cependant apparaît à André et lui ordonne de retourner chez les nouveaux convertis et de les instruire pendant sept jours. Après ce laps de temps, André, accompagné jusqu'au rivage par le peuple reconnaissant, s'embarque pour l'Achaïe, où il devait trouver la mort; mais son meurtrier fut précipité dans les abîmes de l'enfer. Le poète aime à peindre, mais sous des traits rapides et poétiques, le lever du soleil et le déclin du jour. L'Anglo -Saxon se révèle de nouveau dans sa tendance à décrire la nature : témoin, par exemple, sa belle peinture de la gelée de la nuit (v. 1235 sq.).
POÈMES ATTRIBUÉS A CYNEWULF : GUTLHAC, et ANDRÉAS
Nous possédons encore, de cette période, deux ouvrages poétiques de légendes que l'on a, de nos jours, attribués, en tout ou en partie, à Cynewulf. Ils forment, dans un certain sens général, des pendants à ceux que nous venons d'étudier.
Textes du poème de Guthlac de Croyland
Saint Guthlac of Croyland : (674 à 715 Ap J.C.) est un saint du Lincolnshire en Angleterre. Il était le fils de Penwald, un noble du Royaume de Mercie (Mercia) qui était soldat dans les armées du roi Ethelred. Il devint moine au monastère de Repton dans le Derbyshire.
Saint Guthlac of Croyland
Le pendant de Julienne est Guthlac. Ce poème, dont la fin manque, comprend, tel qu'il nous est parvenu, treize cent cinquante-trois lignes longues. Mais il se compose de deux parties émanant de deux auteurs différents : la deuxième n'est qu'une suite ou supplément de la première ; la mort du saint en fait tout le sujet. Les deux parties diffèrent complètement, non seulement dans la langue et le style, mais encore dans la manière de traiter le sujet.
Cette dernière était une vie latine du saint, composée par Félix, qui, selon toute apparence, était moine du couvent de Croyland. Il l'a dédiée au roi de l'East Anglia, Aelhelbald, qui régna de 720 à 749 Ap J.C. ; car ce roi lui-même, qui avait été l'ami du saint, et qui avait fondé, en son honneur, le monastère.
D'après le récit de Félix, Gulhlac était de noble famille : une apparition miraculeuse montra déjà, à sa naissance, sa sainteté future. Néanmoins, au sortir de l'adolescence, il se consacre, pendant huit ans, selon l'usage des personnes de sa qualité, à la carrière des armes. Il pille et détruit les villes et les forteresses de ses ennemis ; toutefois, il rend le tiers de son butin aux victimes qu'il avait dépouillées. Une nuit, il avait alors vingt-quatre ans, la pensée de la mort frappa son imagination. Il rentra aussitôt en lui-même et se consacra au service de Jésus-Christ.
Il se rendit d'abord dans le monastère de Ripadum, où, pour faire pénitence de ses péchés, il s'imposa la plus rigoureuse abstinence. Cela le rendit d'abord odieux aux moines, qui ne le prirent que plus tard en affection. Toutefois, cette vie ascétique ne lui suffisait point encore ; après avoir lu la vie des solitaires, il se sentit attiré vers elle.
Il se retira donc dans l'île de de Croyland, (Crowland de nos jours) où les démons ( anges déchus) exerçaient leurs maléfices, et qui était abandonnée comme dangereuse. Le saint ne tarda pas à éprouver leur malice ; mais saint Barthélémy, son patron, lui apparut pour le consoler. Un jour, les démons (anges déchus) tentent une attaque décisive pour chasser l'ermite de l'île: ils lui apparaissent en phalanges serrées, le maltraitent, l'emportent dans l'espace jusqu'à l'ouverture de l'enfer et lui font voir de là les peines des damnés et le feu qui avait été allumé pour ses crimes.
Croyland abbey dans le Lincolnshire où se déroule cette histoire
Les démons veulent l'y précipiter, mais saint Barthélémy apparaît et leur ordonne de reporter Guthlac chez lui le plus doucement possible. C'est ce qui a lieu. Viennent ensuite d'autres aventures. L'auteur parle en détail des relations du saint avec les oiseaux. Après avoir donné encore des exemples de l'esprit prophétique de son héros, Félix raconte en détail, au chapitre v, sa mort, sa sépulture et les miracles opérées par ses reliques. Tel est, dans ses lignes principales, le contenu de la source écrite où ont puisé les deux poètes anglo-saxons. Mais le premier traite le sujet avec beaucoup plus de liberté que ne le fait le second.
Dans une introduction, qui est son œuvre (v. 1-63), il fait ressortir la valeur de l'ascétisme, à une époque surtout où le monde est en décadence. Il vante les pieux ermites qui sont persécutés par le démon (les anges déchus), mais que les anges protègent. Guthlac était de ce nombre. Dans sa jeunesse, les anges se disputaient déjà l'empire de son âme, lorsque le démon le poussa vers des excursions aventureuses pour ramasser du butin (v. 98 sq.) ; c'est ainsi que le poète ne fait qu'une allusion aux exploits de la jeunesse du saint. Il peint ensuite les luttes que Guthlac eut à soutenir contre les démons, (anges déchus) comme un combat pour la possession de la « montagne », c'est-à-dire de la colline dans la forêt de l'île, où il avait fixé sa résidence.
Elle était leur lieu de repos, quand ils revenaient fatigués de leurs campagnes aventureuses (v. 180 sq.). Ils rappellent à Guthlac ses devoirs de parenté ; il doit retourner aux plaisirs du siècle. C'est ainsi que les démons, (anges déchus) dans leurs exigences, représentent en quelque sorte l'antique paganisme germain luttant contre l'ascétisme chrétien; du reste, ils rappellent eux-mêmes les divinités sylvestres de la Germanie.
Un autre trait particulier à notre poète, c'est que les démons doutent des sentiments ascétiques et regardent la piété extérieure comme de l'hypocrisie : pour le prouver au saint, ils l'élèvent dans les airs afin de lui faire voir « la conduite des hommes dans les églises, sous l'égide des saints pasteurs, la conduite de ceux qui jouissent gaiement de leur vie, dans de vaines possessions et dans des habits pompeux, comme c'est l'usage parmi les jeunes gens » (v. 383 sq.).
Ici, les démons ( anges déchus) sont manifestement les porte-voix des adversaires de l'ascétisme ; mais Guthlac ne manque pas de les clouer au pilori, car il leur donne sans peine la réplique : La jeunesse n'a point de vertu ; d'ailleurs, à côté de mauvais exemples, on en trouve tout autant de bons. Même dans cette partie du poème, l'action principale est l'enlèvement de Guthlac jusqu'à l'entrée de l'enfer ; mais cela arrive ici — ce qui n'est pas dit dans le poème — parce que les démons, le prenant pour un hypocrite, veulent le mettre à l'épreuve (v. 551 sq.).
Après avoir dit encore un mot du commerce de Guthlac avec les oiseaux de sa forêt, le premier poète termine en jetant un coup d'oeil sur la récompense que le saint reçut dans le ciel, où les anges le conduisirent par la main d'une manière si gracieuse (v. 753 sq.), et en faisant l'éloge de l'ascétisme, auquel il doit une si belle récompense. Par là, la première partie arrive à une conclusion parfaite : c'est un ouvrage indépendant et même bien proportionné. Ce qui est digne de remarque, c'est l'indépendance avec laquelle le poète traite son sujet ; ce qui domine, d'un bout à l'autre, c'est l'idée de la glorification de l'ascétisme, et l'auteur ne raconte rien de l'histoire de la vie du saint qui ne serve à ce but.
La deuxième partie du poème, dont la fin ne nous est pas parvenue, ne traite que le dernier chapitre de la vie latine, mais se rattache bien plus immédiatement à la narration de Félix que ne le fait la première partie. De même que la mort, au début de ce chapitre, est motivée par la chute d'Adam, de même elle l'est ici, avec cette différence toutefois que la narration est ici plus amplifiée : Depuis lors, la mort règne sur la terre, quoiqu'il y ait eu beaucoup de saints personnages et qu'il y en ait encore beaucoup de notre temps : c'est ainsi que des livres nous apprennent à quel degré de sainteté Guthlac est arrivé, en Angleterre.
Telle est la manière dont l'auteur aborde son sujet, et son introduction, surtout dans les dernières phrases, nous montre déjà que cette seconde partie est un poème tout à fait indépendant et composé peu de temps après la Vie latine elle-même. Ce qui vient immédiatement après révèle plus encore cette indépendance. Le poète rappelle, en effet, les miracles du saint (ses guérisons) ; il parle succinctement des attaques qu'il a eu à soutenir de la part des démons, de ses relations avec les oiseaux déjà expliquées en détail dans la première partiel, ainsi que des conseils et des consolations qu'il donnait aux personnes dans l'embarras.
Ce n'est qu'à partir du vers 904 que le poète passe au sujet lui-même. Il raconte, en se basant sur son modèle et en amplifiant les discours, la mort de Guthlac et l'ambassade que son serviteur porte à la sœur du saint, avec mission de le faire ensevelir. Ici se termine le récit. Nous n'apprenons donc rien de la réponse de la sœur, ni de l'exécution de la mission qu'on lui a confiée.
André (Andreas) forme le pendant d'Hélène, de Cynewulf. C'est un poème de dix-sept cent vingt-deux lignes longues, entièrement basé sur une légende apocryphe. La source n'est autre que l'écrit : Thilo, Aeta SS. apostolorum Andrea et Mathiae— a servi de modèle au poète anglo-saxon, qui le suit fidèlement, à quelques rares exceptions près dans le cours de sa narration. Il n'a fait que donner, autant que possible, un coloris national à son récit. Voici quel est le contenu du poème.
Un des douze guerriers (apôtres) du Seigneur, un des héros pleins de gloire, dont la force ne succombera jamais dans le combat, était Mathieu. C`est à lui que Dieu avait donné pour mission d'annoncer l'évangile dans l'île des Mermédoniens. Or, ces derniers étaient anthropophages et les étrangers faisaient sur tout leur nourriture favorite : on leur arrachait les yeux et on leur donnait un breuvage enchanté qui, en leur faisant perdre la raison, les rabaissait au niveau de la bête; en sorte qu'ils mangeaient du foin et de l'herbe, après quoi, on les tuait dans un laps de temps déterminé.
Tel est le sort qui était également réservé à Mathieu. Lui aussi perdit la vue, mais le breuvage enchanté n'exerça sur lui aucune influence, car il appela Dieu à son secours (3). Or, voilà que, dans sa prison, il entendit la voix du Sauveur qui lui promettait de ne point l'abandonner et qui lui rendit l'usage de ses yeux (4) ; André, qui enseigne la bonne nouvelle en Achaïe, (sud de la Grèce) a mission de le sauver (v. 161 sq.). C'est pourquoi ce dernier entend la voix du Christ qui lui ordonne de se rendre en Mermédonie, où Mathieu doit perdre la vie dans trois jours.
André objecte qu'il ne connaît pas le chemin et que le temps est bien court; seul, un ange du ciel serait en état d'exécuter cet ordre. Jésus-Christ lui ordonne toutefois de s'embarquer à la pointe du jour et d'avoir confiance en la puissance divine. Suivi de ses serviteurs, André arrive au rivage à l'heure indiquée et y trouve une barque avec trois bateliers : c'était Jésus-Christ avec deux de ses anges. André, apprenant qu'ils viennent du pays des Mermédoniens, prie le pilote de les y conduire, lui et les siens.
Mais celui-ci l'avertit d'abord de se méfier de ce pays ; il exige ensuite le prix du passage et ce n'est que lors qu'il apprend qu'ils sont des serviteurs de Jésus-Christ qu'il se déclare prêt à les transporter de grand cœur (v. 347). Or, la traversée commençait à peine et le pilote prudent avait à peine distribué des vivres aux passagers que les signes précurseurs d'une tempête se manifestent à l'horizon. Le poète, en homme qui a l'expérience de la mer fait, en peu de vers, de cette tempête une description excellente (v. 369 sq). L'angoisse s'empare des gens d'André; mais celui-ci les console; il leur rappelle la puissance que le Christ possède sur la fureur des eaux et il leur dit comment il l'a autrefois montrée à ses disciples. Les passagers s'endorment; la mer se calme.
A cet endroit, s'engage un long dialogue avec le pilote (v. 469). Celui-là vante l'art du jeune marin, car c'est ici le Christ qui apparaît comme pilote ; celui-ci lui apprend que les
vagues, obéissant à la voix du Créateur, ne se sont apaisées que parce que André est un soldat du roi qui règne dans la magnificence. Le pilote demande ensuite à André d'où cela provient que les Juifs n'aient pas reconnu le Sauveur comme Dieu, malgré les miracles qu'il a faits (v. 555). Il lui demande encore s'il a fait aussi ces miracles, en présence des évêques et des anciens ? (v. 607 sq.)
Saint André est un acteur de ce poème anglo-saxon fictif
André répond affirmativement ; mais ajoute-t-il, le Christ a fait aussi des miracles en secret (en présence des prêtres). Le pilote veut les lui entendre raconter. Et c'est ainsi qu'André raconte ici un de ces miracles apocryphes qui est assez étrange (v. 661 sq.). Le Christ arrive au temple avec ses disciples. Le grand prêtre se moque de ces derniers, qui croient suivre le fils de Dieu; et pourtant on connaît ici ses parents Joseph et Marie, et ses frères Simon et Jacob.
Les disciples devinrent perplexes. Là-dessus, le Christ se retire, avec ses disciples, dans le désert, afin de les y convaincre par des miracles de sa divinité. Ensuite, il retourne au temple et fait devant les prêtres le miracle suivant. A la muraille du temple se trouvent deux statues, un chérubin et un séraphin. Sur l'ordre du Christ, l'une d'elles descend de la muraille et atteste par des paroles sa divinité. Les anciens expliquent ce miracle par la magie. Alors le Sauveur ordonne à cette image de pierre d'aller à Chanaan ; elle doit commander à Abraham, à son fils et à son petit-fils de ressusciter et de venir. Ils ne tardent pas, en effet, à apparaître pour célébrer le prince de la magnificence.
C'est ainsi qu'André s'entretint, pendant une journée tout entière, avec le pilote ; après quoi il est, lui aussi, saisi par le sommeil (v. 818sq). Alors le Christ les fait porter doucement par ses anges (lui et ses compagnons ), à travers la mer jusqu'au pays des Mermédons. Au lever du soleil, André s'éveille et voit la forteresse devant lui. Il appelle ses compagnons qui dorment encore à côté de lui près du rivage. Il comprend maintenant quel est le pilote qui les a conduits ; ses compagnons confirment sa manière de voir par un rêve qu'ils ont eu (v. 859 sq.). Lorsqu'ils ont été endormis, des aigles sont arrivés sur les ondes de la mer et ont emporté leur âme dans le ciel : là, ils ont vu le Seigneur entouré par les anges, les patriarches et les martyrs qui chantaient ses louanges, ainsi que « vous autres douze » que des anges servaient.
Le Christ lui-même, sous les traits d'un jeune homme, apparaît bientôt à André, qui est tout réjoui de cette communication ; il lui annonce ce qu'il doit faire et ce qu'il aura à souffrir, et il lui promet de le fortifier. Alors André, rendu invisible par la protection du Seigneur, se rend (v. 981 sq.) à la forteresse et a la prison; à sa prière, la mort frappe les sept geôliers, la porte s'ouvre, et Mathieu tombe dans ses bras. Il est délivré en même temps que beaucoup d'hommes et de femmes, et un nuage, qui les enveloppe, leur permet de traverser la ville.
Ici (v. 1057) se termine la première partie du récit. Vient ensuite le martyre d'André et enfin la conversion des anthropophages. Ces derniers, dit le poète, se rendent à la prison afin d'y prendre quelques-uns des étrangers pour leur repas ; ils la trouvent vide, et leur étonnement et d'autant plus grand que leur faim est plus forte, car c'est la faim qui est ici désignée partout comme le motif de l'anthropophagie. C'est donc un des leurs qui doit apaiser leur appétit. Le sort décide ; il tombe sur un vieillard. Il se lamente et, pour conserver sa vie, il offre son fils; mais c'est en vain que les païens cherchent à tuer ce dernier avec leurs javelots; Dieu le protège.
Tourmentés par la faim et réduits au désespoir, ils tiennent conseil. Voilà que le démon (l`ange déchu) apparaît et leur montre André, qui est présent, mais encore invisible aux païens: c'est lui qui a délivré les prisonniers ; qu'il soit immolé ! André honnit Satan, pendant que le peuple le cherche avec rage. La voix du Seigneur exige qu'André se manifeste lui-même (v. 1208). Là-dessus, le saint est enchaîné et mis à la torture ; on le traîne sur des rochers et des pierres, et ensuite on le jette en prison. Ce martyre se renouvelle encore pendant deux jours entiers. Le démon (l`ange déchu) apparaît aussi dans la prison, avec six de ses enfants qui cherchent, mais en vain, à tuer le saint à l'aide de leurs javelots empoisonnés ; le signe de la croix (fait sur le front) rend André invulnérable (v. 1337 sqq).
Le troisième jour, le Seigneur a pitié du martyr qui se lamente; pour lui prouver que ses tourments sont finis, il lui montre des arbres chargés de fruits qui ont poussé fécondés par son sang (v. 1448), et il le rétablit complètement. André s'adresse enfin à une colonne qui se trouvait dans la prison, et la conjure de répandre des torrents d'eau sur la ville. La pierre obéit. Les païens s'enfuient épouvantés ; mais, un ange — saint Michel, à la prière du saint — les empêche de quitter la ville, qu'il environne lui-même de feu. Le poète dépeint, dans un langage plein de vie et riche d'images (v. 1523 sq.), la crue des vagues, le mugissement des eaux, le vol des étincelles et les cris des malheureux qui se noient. Un homme du peuple engage (v. 1558) ses compatriotes à délivrer André de sa prison et à implorer son secours, maintenant qu'on peut voir combien on lui a fait tort. En apprenant ces bonnes intentions, le saint arrête le déluge dont les flots s'élèvent déjà jusqu'aux aisselles des hommes, et il ordonne à la montagne de s'ouvrir : l'eau s'élance dans l'orifice et, avec elle, disparaissent quatorze des plus mauvais de ces malfaiteurs.
Désormais, le peuple anxieux est prêt à se convertir: André ressuscite les enfants noyés. On bâtit une église en cet endroit.; le peuple reçoit le baptême, et le saint, qui les quitte, malgré leurs prières, leur donne un évêque nommé Platan. Le Christ cependant apparaît à André et lui ordonne de retourner chez les nouveaux convertis et de les instruire pendant sept jours. Après ce laps de temps, André, accompagné jusqu'au rivage par le peuple reconnaissant, s'embarque pour l'Achaïe, où il devait trouver la mort; mais son meurtrier fut précipité dans les abîmes de l'enfer. Le poète aime à peindre, mais sous des traits rapides et poétiques, le lever du soleil et le déclin du jour. L'Anglo -Saxon se révèle de nouveau dans sa tendance à décrire la nature : témoin, par exemple, sa belle peinture de la gelée de la nuit (v. 1235 sq.).
Dernière édition par MichelT le Ven 15 Mar 2019 - 20:18, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE CINQUIÈME
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS
LE SONGE DE LA SAINTE CROIX
Les évangiles apocryphes devaient, plus facilement encore que les légendes apocryphes, solliciter l'attention des poètes chrétiens et leur offrir un vaste sujet de méditations dès lorsqu'on y ajoutait une foi entière ; les ouvrages apocryphes, en général, du moins dans leur exécution tout entière, n'étaient en effet qu'une création de l'imagination ; c'était donc un sujet déjà préparé au point de vue poétique. Aussi, les trouve-t-on exploités d'abord dans la littérature nationale anglo-saxonne, et en particulier dans un travail relatif à un sujet que nous a transmis la deuxième partie de l'évangile de Nicodème; : c'est la Descente du Christ aux enfers.
Les saintes femmes au tombeau du Christ le jour de la Résurrection
Il ne nous reste, de ce poème, qu'un fragment de cent trente-sept lignes longues ; c'est est le début. Le poète commence par nous raconter que les Maries sortent de grand matin pour se rendre au tombeau du Christ et pleurer sa mort ; mais elles le trouvent vide. C'est à cet exposé de la Bible que le poète relie sa narration de la descente aux enfers. A la pointe du jour, une légion d'anges étaient venus au tombeau. La terre tremble ; le Christ ressuscite ; les âmes pieuses tressaillent de joie dans les enfers. Jean leur dit que son parent (meteg), le Sauveur, lui a promis d'aller le trouver; aujourd'hui même arrivera le Fils de Dieu, victorieux.
Le Christ délivre les justes des enfers le Samedi Saint
Déjà le Sauveur s'avance pour briser les murailles de l'enfer ; il est seul et sans escorte de guerriers ; et pourtant, les verrous et les serrures tombent, et il entre. Les saints personnages se pressent pour le voir ; en première ligne, sont les patriarches et les prophètes. Jean est dans la jubilation ; il a vu briser les portes de l'enfer, qui ont été fermées si longtemps; il les a vu briller, elles qui ont été jusque-là plongées dans l'obscurité avant tous les autres ; il salue le Sauveur dans un long discours (v. 39 sq.) qui remplit tout le reste du fragment. Il le remercie d'être venu et d'avoir rempli des espérances auxquelles ils étaient restés fidèles, même dans les liens de l'enfer ; il exalte Gabriel qui l'annonça, Marie qui l'enfanta ; il invoque Jérusalem, où il séjourna et le Jourdain où ils se baignaient ensemble; puisse-t-il maintenant leur être propice !
Une particularité de ce récit nous rappelle le Christ de Cynewulf, où il est aussi brièvement question, et par occasion, de la descente aux enfers (v. 558-570). Il est bien possible que le poème doive sa naissance à cet ouvrage ; mais il n'en faudrait pas conclure toutefois que Cynewulf en soit l'auteur.
Le sujet du charmant poème : Le songe de la sainte Croix se rattache aussi, par des liens de parenté étroite, avec l'histoire biblique ; c'est un des ouvrages les plus attrayants de la poésie anglo-saxonne (cent cinquante-six lignes longues). Le poète veut nous raconter, ainsi qu'il le dit en débutant, le plus exquis de tous les songes; il l'a eu à l'heure de minuit, alors que tous les hommes se livrent au repos.
Il vit, croit-il, un arbre extraordinaire planer dans l'espace, entouré de lumière : c'était le plus brillant des arbres. Il était complètement recouvert d'or et avait quatre pierres précieuses au pied et cinq à la naissance des branches. — A cet aspect, le poète sent d'autant plus s'éveiller en lui la conscience de ses fautes, qu'il a pu, à travers l'or de la croix, distinguer du sang sur le côté droit : plein d'angoisse, il contemple longtemps l'arbre du Sauveur, et il le voit tantôt agrémenté d'ornements, et tantôt arrosé de sang (une croix gemmata).
Mais voilà que cet arbre prend la parole et raconte comment il a été abattu dans la forêt et a été ensuite dressé en forme de croix; il dit comment « le jeune héros », « le Dieu tout-puissant » est monté, plein de courage, sur cette croix et combien elle tressaillait quand il l'embrassa, et pourtant elle devait se tenir ferme. On les honnit tous deux, et la croix nagea dans le sang qui coula de son côté, après qu'il eut rendu l'esprit. Le soleil s'obscurcit aussitôt, la création tout entière pleura et gémit sur la chute de son roi (v. 55 sq.). Des hommes affairés vinrent à la hâte, prirent le Dieu de la croix qui se penche et laissèrent là, triste et sanglant, ce bois « blessé entièrement par les flèches » (v. 62).
Ils mirent en terre, dans une fosse qu'ils creusèrent dans le roc et en présence de ses bourreaux, celui qui commande à la victoire. La croix elle-même fut ensuite abattue et enterrée. Mais des disciples et des amis du Seigneur ne tardèrent pas à l'apprendre : ils la déterrèrent et l'ornèrent avec de l'or et de l'argent. Et cette croix, autrefois l'instrument de supplice le plus abhorré, est maintenant partout l'objet de la vénération; on lui adresse des prières. — Enfin la croix exhorte le poète à raconter aux hommes ce songe et à leur dire comment Dieu a souffert la mort sur la croix pour les péchés des hommes et comment ces derniers seront sauvés par là au jour du jugement. Le poète, consolé, adresse ensuite à la croix une prière; il désire se retirer de ce monde. Ici finit le songe (v. 125). Le poète espère maintenant voir arriver chaque jour le moment où la croix, qu'il a pu contempler ici sur la terre, l'appellera pour le conduire dans la félicité céleste, où l'a précédé plus d'un ami.
Chose rare chez les Anglo-Saxons, ce poème est exempt de répétitions inutiles; il attire déjà par le sentiment intime et religieux : mais cet attrait est essentiellement relevé par la personnification de la croix, laquelle marche parallèlement avec la conception de la croix comme arbre. Cette manière de concevoir la croix avait été inspirée par les méditations sur l'arbre de vie de la Genèse, considéré comme type de la croix, et nous l'avons déjà rencontré plus tôt dans la poésie latine : d'abord, au 5 eme siècle, dans le poème De cruce, ensuite, dans les hymnes de Fortunat, et même chez les Anglo-Saxons dans les Aenigmata de saint Boniface. A cette particularité, se rattache la suivante, à savoir, la manière de traiter le récit de la Bible d'une manière libre; le poète, il est vrai, s'en éloigne dans certains passages, même des plus importants, d'une manière qui a lieu d'étonner; mais cette hardiesse s'explique peut-être en partie par l'absence de la connaissance exacte des Évangiles; en tout cas, on ne peut voir dans le poète qu'un laïque.
LA DESCENTE DU CHRIST AUX ENFERS
LE SONGE DE LA SAINTE CROIX
Les évangiles apocryphes devaient, plus facilement encore que les légendes apocryphes, solliciter l'attention des poètes chrétiens et leur offrir un vaste sujet de méditations dès lorsqu'on y ajoutait une foi entière ; les ouvrages apocryphes, en général, du moins dans leur exécution tout entière, n'étaient en effet qu'une création de l'imagination ; c'était donc un sujet déjà préparé au point de vue poétique. Aussi, les trouve-t-on exploités d'abord dans la littérature nationale anglo-saxonne, et en particulier dans un travail relatif à un sujet que nous a transmis la deuxième partie de l'évangile de Nicodème; : c'est la Descente du Christ aux enfers.
Les saintes femmes au tombeau du Christ le jour de la Résurrection
Il ne nous reste, de ce poème, qu'un fragment de cent trente-sept lignes longues ; c'est est le début. Le poète commence par nous raconter que les Maries sortent de grand matin pour se rendre au tombeau du Christ et pleurer sa mort ; mais elles le trouvent vide. C'est à cet exposé de la Bible que le poète relie sa narration de la descente aux enfers. A la pointe du jour, une légion d'anges étaient venus au tombeau. La terre tremble ; le Christ ressuscite ; les âmes pieuses tressaillent de joie dans les enfers. Jean leur dit que son parent (meteg), le Sauveur, lui a promis d'aller le trouver; aujourd'hui même arrivera le Fils de Dieu, victorieux.
Le Christ délivre les justes des enfers le Samedi Saint
Déjà le Sauveur s'avance pour briser les murailles de l'enfer ; il est seul et sans escorte de guerriers ; et pourtant, les verrous et les serrures tombent, et il entre. Les saints personnages se pressent pour le voir ; en première ligne, sont les patriarches et les prophètes. Jean est dans la jubilation ; il a vu briser les portes de l'enfer, qui ont été fermées si longtemps; il les a vu briller, elles qui ont été jusque-là plongées dans l'obscurité avant tous les autres ; il salue le Sauveur dans un long discours (v. 39 sq.) qui remplit tout le reste du fragment. Il le remercie d'être venu et d'avoir rempli des espérances auxquelles ils étaient restés fidèles, même dans les liens de l'enfer ; il exalte Gabriel qui l'annonça, Marie qui l'enfanta ; il invoque Jérusalem, où il séjourna et le Jourdain où ils se baignaient ensemble; puisse-t-il maintenant leur être propice !
Une particularité de ce récit nous rappelle le Christ de Cynewulf, où il est aussi brièvement question, et par occasion, de la descente aux enfers (v. 558-570). Il est bien possible que le poème doive sa naissance à cet ouvrage ; mais il n'en faudrait pas conclure toutefois que Cynewulf en soit l'auteur.
Le sujet du charmant poème : Le songe de la sainte Croix se rattache aussi, par des liens de parenté étroite, avec l'histoire biblique ; c'est un des ouvrages les plus attrayants de la poésie anglo-saxonne (cent cinquante-six lignes longues). Le poète veut nous raconter, ainsi qu'il le dit en débutant, le plus exquis de tous les songes; il l'a eu à l'heure de minuit, alors que tous les hommes se livrent au repos.
Il vit, croit-il, un arbre extraordinaire planer dans l'espace, entouré de lumière : c'était le plus brillant des arbres. Il était complètement recouvert d'or et avait quatre pierres précieuses au pied et cinq à la naissance des branches. — A cet aspect, le poète sent d'autant plus s'éveiller en lui la conscience de ses fautes, qu'il a pu, à travers l'or de la croix, distinguer du sang sur le côté droit : plein d'angoisse, il contemple longtemps l'arbre du Sauveur, et il le voit tantôt agrémenté d'ornements, et tantôt arrosé de sang (une croix gemmata).
Mais voilà que cet arbre prend la parole et raconte comment il a été abattu dans la forêt et a été ensuite dressé en forme de croix; il dit comment « le jeune héros », « le Dieu tout-puissant » est monté, plein de courage, sur cette croix et combien elle tressaillait quand il l'embrassa, et pourtant elle devait se tenir ferme. On les honnit tous deux, et la croix nagea dans le sang qui coula de son côté, après qu'il eut rendu l'esprit. Le soleil s'obscurcit aussitôt, la création tout entière pleura et gémit sur la chute de son roi (v. 55 sq.). Des hommes affairés vinrent à la hâte, prirent le Dieu de la croix qui se penche et laissèrent là, triste et sanglant, ce bois « blessé entièrement par les flèches » (v. 62).
Ils mirent en terre, dans une fosse qu'ils creusèrent dans le roc et en présence de ses bourreaux, celui qui commande à la victoire. La croix elle-même fut ensuite abattue et enterrée. Mais des disciples et des amis du Seigneur ne tardèrent pas à l'apprendre : ils la déterrèrent et l'ornèrent avec de l'or et de l'argent. Et cette croix, autrefois l'instrument de supplice le plus abhorré, est maintenant partout l'objet de la vénération; on lui adresse des prières. — Enfin la croix exhorte le poète à raconter aux hommes ce songe et à leur dire comment Dieu a souffert la mort sur la croix pour les péchés des hommes et comment ces derniers seront sauvés par là au jour du jugement. Le poète, consolé, adresse ensuite à la croix une prière; il désire se retirer de ce monde. Ici finit le songe (v. 125). Le poète espère maintenant voir arriver chaque jour le moment où la croix, qu'il a pu contempler ici sur la terre, l'appellera pour le conduire dans la félicité céleste, où l'a précédé plus d'un ami.
Chose rare chez les Anglo-Saxons, ce poème est exempt de répétitions inutiles; il attire déjà par le sentiment intime et religieux : mais cet attrait est essentiellement relevé par la personnification de la croix, laquelle marche parallèlement avec la conception de la croix comme arbre. Cette manière de concevoir la croix avait été inspirée par les méditations sur l'arbre de vie de la Genèse, considéré comme type de la croix, et nous l'avons déjà rencontré plus tôt dans la poésie latine : d'abord, au 5 eme siècle, dans le poème De cruce, ensuite, dans les hymnes de Fortunat, et même chez les Anglo-Saxons dans les Aenigmata de saint Boniface. A cette particularité, se rattache la suivante, à savoir, la manière de traiter le récit de la Bible d'une manière libre; le poète, il est vrai, s'en éloigne dans certains passages, même des plus importants, d'une manière qui a lieu d'étonner; mais cette hardiesse s'explique peut-être en partie par l'absence de la connaissance exacte des Évangiles; en tout cas, on ne peut voir dans le poète qu'un laïque.
Dernière édition par MichelT le Ven 15 Mar 2019 - 23:01, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE SIXIÈME
POÈMES ÉLÉGIAQUES ET LYRIQUES
A la poésie épique des Anglo-Saxons, qui occupe entièrement la première place, se rattachent quelques poèmes élégiaques écrits dans le même mètre et le même style, et où abondent aussi les descriptions détaillées. L'impression qu'ils font est celle des monologues épiques, car le poète met dans la bouche d'un personnage-type de son peuple, tel que le vagabond, le navigateur, les sentiments douloureux qu'il éprouve et les réflexions mélancoliques qu'il fait.
Le Navigateur (124 v.). Ici le motif principal de la plainte est l'éloignement de la patrie, l'absence des parents, la vie en pays étranger elle sentiment, de la solitude, renforcé encore par les ennuis d'une traversée maritime en plein hiver ; ici encore la caducité de tous les biens terrestres fait le sujet de l'élégie. Ce n'est point par nécessité, mais de son propre mouvement, que le navigateur a quitté cette patrie où il retourne; de plus, cette élégie a un caractère plus chrétien.
Du commencement à la fin, ce n'est qu'un monologue. Le navigateur déplore la vie qu'il a menée sur mer : affamé, transi de froid pendant les nuits d'hiver, « bardé de glaçons », combien de fois a-t-il du diriger son gouvernail à travers les écueils de la mer glaciale ! Au grondement de la mer en fureur se mêle parfois le chant des oiseaux aquatiques. Au lieu de se réjouir des éclats de rire des gens, il ne prend plaisir qu'à l'aboiement du chien de mer; au lieu de l'hydromel, le chant des mouettes.
L'homme qui passe gaiement sa vie sur le continent n'a pas la moindre idée d'une vie si pleine de fatigues. Voilà pourquoi (v. 33) le cœur du marin se serre quand il faut de nouveau tenter les hasards de la mer, car nul homme n'est si hardi en ce monde qu'il ne s'inquiète d'une longue traversée. Et pourtant, le marin a toujours envie de s'embarquer à nouveau pour visiter des pays lointains et étrangers. Ses idées ne se portent pas vers le jeu de la harpe, le plaisir des femmes, la distribution des bagues; mais le bruit des vagues l'attire et ses aspirations ne sont que pour la mer.
Quand le printemps arrive, joyeux, que les arbres fleurissent et que les prairies se couvrent de verdure, le coucou a beau annoncer les soucis de sa voix sinistre et celui qui est heureux ne sait pas ce que plusieurs ont à souffrir dans une longue traversée — la pensée du marin se porte alors vers la patrie de la baleine, court jusqu'au bout du monde et l'entraîne irrésistiblement sur le chemin de l'océan qui est le chemin de la mort. Ne préfère-t-il pas les joies du ciel (si la mort vient le surprendre de meilleure heure sur mer) à cette vie terne et périssable qu'on mène sur le continent et que menace aussi l'âge, la maladie ou le glaive haineux?
Une seule chose est à considérer, c'est que l'homme agisse honnêtement et obtienne la félicité éternelle. Le bonheur de la terre est périssable. Les bons vieux temps ne sont plus (v. 80 sq.); la noblesse de la terre a vieilli; c'est une fleur fanée. Voilà finalement le lot de chacun. A quoi servent aux morts les biens de la terre ? Il faut craindre Dieu, vivre humblement pour mériter la grâce du ciel. Ne pensons donc toujours qu'à la vie éternelle !
Une paraphrase du psaume 50, (Psaume 51) conservée dans un manuscrit de la première moitié du 9eme siècle et qui doit remonter bien au-delà, offre des liens de parenté avec ces poèmes élégiaques. Dans une introduction de trente lignes longues, le poète anglo-saxon chante le roi David, le plus célèbre des harpistes. Il expose le motif de ce psaume, qui implore la clémence de Dieu envers le pécheur, et dans lequel on voit la colère de Dieu à cause des crimes commis par David envers Urie et Bethsahée. La paraphrase elle-même est suivie d'une conclusion (v. 146-157) que termine une courte prière.
POÈMES ÉLÉGIAQUES ET LYRIQUES
A la poésie épique des Anglo-Saxons, qui occupe entièrement la première place, se rattachent quelques poèmes élégiaques écrits dans le même mètre et le même style, et où abondent aussi les descriptions détaillées. L'impression qu'ils font est celle des monologues épiques, car le poète met dans la bouche d'un personnage-type de son peuple, tel que le vagabond, le navigateur, les sentiments douloureux qu'il éprouve et les réflexions mélancoliques qu'il fait.
Le Navigateur (124 v.). Ici le motif principal de la plainte est l'éloignement de la patrie, l'absence des parents, la vie en pays étranger elle sentiment, de la solitude, renforcé encore par les ennuis d'une traversée maritime en plein hiver ; ici encore la caducité de tous les biens terrestres fait le sujet de l'élégie. Ce n'est point par nécessité, mais de son propre mouvement, que le navigateur a quitté cette patrie où il retourne; de plus, cette élégie a un caractère plus chrétien.
Du commencement à la fin, ce n'est qu'un monologue. Le navigateur déplore la vie qu'il a menée sur mer : affamé, transi de froid pendant les nuits d'hiver, « bardé de glaçons », combien de fois a-t-il du diriger son gouvernail à travers les écueils de la mer glaciale ! Au grondement de la mer en fureur se mêle parfois le chant des oiseaux aquatiques. Au lieu de se réjouir des éclats de rire des gens, il ne prend plaisir qu'à l'aboiement du chien de mer; au lieu de l'hydromel, le chant des mouettes.
L'homme qui passe gaiement sa vie sur le continent n'a pas la moindre idée d'une vie si pleine de fatigues. Voilà pourquoi (v. 33) le cœur du marin se serre quand il faut de nouveau tenter les hasards de la mer, car nul homme n'est si hardi en ce monde qu'il ne s'inquiète d'une longue traversée. Et pourtant, le marin a toujours envie de s'embarquer à nouveau pour visiter des pays lointains et étrangers. Ses idées ne se portent pas vers le jeu de la harpe, le plaisir des femmes, la distribution des bagues; mais le bruit des vagues l'attire et ses aspirations ne sont que pour la mer.
Quand le printemps arrive, joyeux, que les arbres fleurissent et que les prairies se couvrent de verdure, le coucou a beau annoncer les soucis de sa voix sinistre et celui qui est heureux ne sait pas ce que plusieurs ont à souffrir dans une longue traversée — la pensée du marin se porte alors vers la patrie de la baleine, court jusqu'au bout du monde et l'entraîne irrésistiblement sur le chemin de l'océan qui est le chemin de la mort. Ne préfère-t-il pas les joies du ciel (si la mort vient le surprendre de meilleure heure sur mer) à cette vie terne et périssable qu'on mène sur le continent et que menace aussi l'âge, la maladie ou le glaive haineux?
Une seule chose est à considérer, c'est que l'homme agisse honnêtement et obtienne la félicité éternelle. Le bonheur de la terre est périssable. Les bons vieux temps ne sont plus (v. 80 sq.); la noblesse de la terre a vieilli; c'est une fleur fanée. Voilà finalement le lot de chacun. A quoi servent aux morts les biens de la terre ? Il faut craindre Dieu, vivre humblement pour mériter la grâce du ciel. Ne pensons donc toujours qu'à la vie éternelle !
Une paraphrase du psaume 50, (Psaume 51) conservée dans un manuscrit de la première moitié du 9eme siècle et qui doit remonter bien au-delà, offre des liens de parenté avec ces poèmes élégiaques. Dans une introduction de trente lignes longues, le poète anglo-saxon chante le roi David, le plus célèbre des harpistes. Il expose le motif de ce psaume, qui implore la clémence de Dieu envers le pécheur, et dans lequel on voit la colère de Dieu à cause des crimes commis par David envers Urie et Bethsahée. La paraphrase elle-même est suivie d'une conclusion (v. 146-157) que termine une courte prière.
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE SEPTIÈME
POÉSIE DIDACTIQUE
Le poème Des destinées des hommes comprend quatre-vingt-dix-huit lignes longues. Dans la première partie, le poète peint, souvent avec de vives couleurs, la fin si diverse des hommes, qu'on ne leur chante cependant pas au berceau. Dieu seul sait ce que les années apporteront plus tard à l'enfant élevé par ses parents avec tant d'amour.
La destinée
Le poète appuie surtout sur les différents genres de mort violente, bien plus fréquentes à celte époque. Le loup, ce gris coureur de bruyères, dévorera celui-ci ; celui-là périra de faim ou sous les efforts de la tempête ; la lance en enlèvera beaucoup d'autres. Maint homme tombera dans le bois du haut de l'arbre sans avoir des ailes, et pourtant il vole, il danse dans l'air de haut en bas de l'arbre de la forêt : ensuite, il tombe inanimé, d'une manière piteuse sur les racines (v. 21 sq.). Un autre est condamné par la misère à aller à pied dans les pays lointains et à se rendre, n'ayant plus d'amis, sur le sol dangereux de l'étranger. Celui-ci trouvera la mort sur la potence, et le noir corbeau lui dévorera la tête. Celui-là, pour n'avoir pas mesuré ses paroles dans l'auberge, sera saigné, sur un banc, avec la lame du couteau. Un autre devient la victime de l'ivrognerie. Mais plusieurs qui, dans la jeunesse, ont, avec l'aide de Dieu, triomphé des dures épreuves, sont heureux dans la vieillesse et vivent dans l'opulence.
Dieu distribue ses dons d'une manière tout aussi variée ; à celui-ci, la richesse ; à celui-là, l'affliction ; aux uns, la joie de la jeunesse; aux autres, la chance dans la guerre, etc. Le poète parle aussi de l'art du jeu de tric-trac et de l'érudition (v. 70). Il s'étend plus encore sur l'orfèvrerie, que le roi des Bretons récompense par des terres ; sur le jeu de la harpe et le dressage des oiseaux de chasse. Il termine en engageant les hommes à remercier Dieu pour tout ce que, dans sa bonté, il a bien voulu leur accorder.
Cathédrale d`Exeter en Angleterre
Un, intitulé Bî manna mode (Des facultés sensitives de l'homme) commente, tout simplement, le texte de l'Évangile : « Ceux qui s'élèvent seront abaissés, et ceux qui s'abaissent seront élevés. » Il trace un portrait effrayant des premiers : ils s'adonnent à la boisson, font les fanfarons le verre en main, calomnient et menacent les bons : le sort qui les attend est celui qui échut aux anges révoltés contre Dieu (v. 57 sq.); eux aussi, sont des enfants du démon, avec la forme humaine.
En terminant, l'auteur établit un contraste et esquisse le portrait des âmes pieuses et humbles. En voici les conclusions : « Pensons sans cesse à la doctrine du salut et à celui qui donne la victoire. Amen. »
Nous trouvons encore ce même genre de poésie didactique dans un poème du codex d'Exeter. Il a pour sujet les Dix instructions qu'un père sage et expérimenté donne à son fils (quatre-vingt-quatorze lignes longues)
Dix Instructions d`un père sage a son fils
La première instruction est celle-ci : « Aime tes père et mère, tes proches parents et ceux qui t'instruisent. » La deuxième : « Ne fais rien de mal aux ennemis ni aux amis. » La troisième : « Prends toujours de bons conseillers. » La quatrième : « Sois fidèle à ton ami. »
On trouve dans la cinquième un grand nombre de bons préceptes : « Le fils doit s'abstenir de l'ivrognerie — le vice national, — des paroles insensées (qui en sont la suite), de la malice dans le cœur et du mensonge dans la bouche, de la colère, de l'envie et de l'amour « des femmes étrangères ».
Le père, dans la sixième instruction, dit à son fils: « Apprends à distinguer le bien et le mal et choisis toujours ce qu'il y a de meilleur. » ( Le bien et le mal selon les Évangiles) Dans la septième : « Sois prudent en tes paroles. » Dans la huitième : « Espère en Dieu, pense aux saints et dis toujours la vérité. » Dans la neuvième : « Observe la loi et les commandements de Dieu. » Dans la dixième enfin : « Dieu dispensera ses dons en abondance à celui qui se garde de pécher par paroles et par actions, et qui est véridique; combats ta colère ; n'aime pas à tout blâmer, ne sois point équivoque, mais aimable et franc. »
Il est facile de voir que ce poème présente bien des faiblesses dans sa composition, ainsi que l'indiquent déjà les répétitions ; mais, d'un autre côté, il n'est pas sans intérêt pour l'histoire de la civilisation, par exemple, dans l'importance particulière que l'auteur attache aux vertus de la fidélité et de la véracité.
Une forme toute particulière à la poésie didactique se révèle dans le « Discours de l'âme au cadavre » ; c'est la première et la plus simple apparition de cette « lutte entre le corps et l'âme » qui aura plus tard, au moyen-âge, une si grande vogue dans la littérature latine comme dans différentes littératures nationales. Tandis que, dans ces derniers ouvrages, le corps répond à l'âme, la forme primitive se contente d'un monologue de l'âme, et, dans le principe même, ce monologue est une accusation du corps.
Le plus ancien poème de ce genre que nous connaissions traitant ce sujet nous a été conservé par le codex d'Exeter et en même temps par celui de Verceil ; il remonte à coup sûr à cette période, et comprend cent vingt-neuf lignes longues.
Dans l'introduction, le poète exhorte tout homme à songer au sort de son âme alors que la mort la sépare d'avec le corps à qui elle a été auparavant si étroitement unie. Il s'écoulera encore beaucoup de temps jusqu'à ce que l'esprit reçoive de Dieu lui-même le châtiment ou la glorification, selon que ce « vase terrestre » aura auparavant mal ou bien agi dans le monde.
La pesée de l`âme dans la balance du bien et du mal au jour du Jugement
En attendant, plaintive et anxieuse, l'âme doit, pendant trois cents ans, visiter toujours, la septième nuit, le corps qui l'a portée autrefois, à moins que le Tout-Puissant n'amène plus tôt la fin du monde. Alors l'âme, pleine d'angoisses, l'appelle d'une voix froide et parle courroucée à la poussière : « Pourquoi m'as-tu tourmentée toi, pourriture de la terre, entièrement disparue? Tu n'as pas considéré quel serait le sort de ton âme, quand elle serait séparée de toi, alors que tu suivais tous les appâts du plaisir! Et maintenant te voilà devenu la nourriture des vers! »
Et pourtant, le Créateur lui-même, par le ministère d'un ange, a envoyé du ciel l'âme à ce corps qu'il a racheté de son sang : et, par contre, le corps l'a rendue prisonnière de l'enfer. Lorsqu'elle habitait en lui, ses désirs criminels l'ont tellement agitée, qu'elle attendait avec impatience l'heure de la séparation, et voilà que maintenant la fin n'est pas bonne!
Pendant qu'il nageait dans les plaisirs, elle était affamée du corps de Dieu. Elle a à souffrir les tourments de l'enfer à cause de ses convoitises. Et maintenant pour tout être vivant, père, mère, proche parent, le corps n'est pas plus aimé que le noir corbeau (v. 54) depuis qu'elle s'est séparée de lui. Ni l'or, ni la fortune ne sauraient le tirer de sa position; et à la place de ses plaisirs d'autrefois, l'âme a le devoir de le visiter pendant la nuit et de se répandre en invectives jusqu'au chant du coq, heure à laquelle les saints personnages chantent les louanges de Dieu; alors elle doit retourner aussitôt dans la patrie qu'il lui a fait octroyer (v. 70)»
C'est en ces termes que l'âme termine (v. 103) son discours de récriminations. Tandis qu'elle retourne ensuite au fond de l'enfer, le corps en poussière reste là où il était : il n'est pas en état de lui donner une réponse quelconque ou de lui procurer une consolation. « Que celui qui a des oreilles pour entendre profite de cette leçon. »
POÉSIE DIDACTIQUE
Le poème Des destinées des hommes comprend quatre-vingt-dix-huit lignes longues. Dans la première partie, le poète peint, souvent avec de vives couleurs, la fin si diverse des hommes, qu'on ne leur chante cependant pas au berceau. Dieu seul sait ce que les années apporteront plus tard à l'enfant élevé par ses parents avec tant d'amour.
La destinée
Le poète appuie surtout sur les différents genres de mort violente, bien plus fréquentes à celte époque. Le loup, ce gris coureur de bruyères, dévorera celui-ci ; celui-là périra de faim ou sous les efforts de la tempête ; la lance en enlèvera beaucoup d'autres. Maint homme tombera dans le bois du haut de l'arbre sans avoir des ailes, et pourtant il vole, il danse dans l'air de haut en bas de l'arbre de la forêt : ensuite, il tombe inanimé, d'une manière piteuse sur les racines (v. 21 sq.). Un autre est condamné par la misère à aller à pied dans les pays lointains et à se rendre, n'ayant plus d'amis, sur le sol dangereux de l'étranger. Celui-ci trouvera la mort sur la potence, et le noir corbeau lui dévorera la tête. Celui-là, pour n'avoir pas mesuré ses paroles dans l'auberge, sera saigné, sur un banc, avec la lame du couteau. Un autre devient la victime de l'ivrognerie. Mais plusieurs qui, dans la jeunesse, ont, avec l'aide de Dieu, triomphé des dures épreuves, sont heureux dans la vieillesse et vivent dans l'opulence.
Dieu distribue ses dons d'une manière tout aussi variée ; à celui-ci, la richesse ; à celui-là, l'affliction ; aux uns, la joie de la jeunesse; aux autres, la chance dans la guerre, etc. Le poète parle aussi de l'art du jeu de tric-trac et de l'érudition (v. 70). Il s'étend plus encore sur l'orfèvrerie, que le roi des Bretons récompense par des terres ; sur le jeu de la harpe et le dressage des oiseaux de chasse. Il termine en engageant les hommes à remercier Dieu pour tout ce que, dans sa bonté, il a bien voulu leur accorder.
Cathédrale d`Exeter en Angleterre
Un, intitulé Bî manna mode (Des facultés sensitives de l'homme) commente, tout simplement, le texte de l'Évangile : « Ceux qui s'élèvent seront abaissés, et ceux qui s'abaissent seront élevés. » Il trace un portrait effrayant des premiers : ils s'adonnent à la boisson, font les fanfarons le verre en main, calomnient et menacent les bons : le sort qui les attend est celui qui échut aux anges révoltés contre Dieu (v. 57 sq.); eux aussi, sont des enfants du démon, avec la forme humaine.
En terminant, l'auteur établit un contraste et esquisse le portrait des âmes pieuses et humbles. En voici les conclusions : « Pensons sans cesse à la doctrine du salut et à celui qui donne la victoire. Amen. »
Nous trouvons encore ce même genre de poésie didactique dans un poème du codex d'Exeter. Il a pour sujet les Dix instructions qu'un père sage et expérimenté donne à son fils (quatre-vingt-quatorze lignes longues)
Dix Instructions d`un père sage a son fils
La première instruction est celle-ci : « Aime tes père et mère, tes proches parents et ceux qui t'instruisent. » La deuxième : « Ne fais rien de mal aux ennemis ni aux amis. » La troisième : « Prends toujours de bons conseillers. » La quatrième : « Sois fidèle à ton ami. »
On trouve dans la cinquième un grand nombre de bons préceptes : « Le fils doit s'abstenir de l'ivrognerie — le vice national, — des paroles insensées (qui en sont la suite), de la malice dans le cœur et du mensonge dans la bouche, de la colère, de l'envie et de l'amour « des femmes étrangères ».
Le père, dans la sixième instruction, dit à son fils: « Apprends à distinguer le bien et le mal et choisis toujours ce qu'il y a de meilleur. » ( Le bien et le mal selon les Évangiles) Dans la septième : « Sois prudent en tes paroles. » Dans la huitième : « Espère en Dieu, pense aux saints et dis toujours la vérité. » Dans la neuvième : « Observe la loi et les commandements de Dieu. » Dans la dixième enfin : « Dieu dispensera ses dons en abondance à celui qui se garde de pécher par paroles et par actions, et qui est véridique; combats ta colère ; n'aime pas à tout blâmer, ne sois point équivoque, mais aimable et franc. »
Il est facile de voir que ce poème présente bien des faiblesses dans sa composition, ainsi que l'indiquent déjà les répétitions ; mais, d'un autre côté, il n'est pas sans intérêt pour l'histoire de la civilisation, par exemple, dans l'importance particulière que l'auteur attache aux vertus de la fidélité et de la véracité.
Une forme toute particulière à la poésie didactique se révèle dans le « Discours de l'âme au cadavre » ; c'est la première et la plus simple apparition de cette « lutte entre le corps et l'âme » qui aura plus tard, au moyen-âge, une si grande vogue dans la littérature latine comme dans différentes littératures nationales. Tandis que, dans ces derniers ouvrages, le corps répond à l'âme, la forme primitive se contente d'un monologue de l'âme, et, dans le principe même, ce monologue est une accusation du corps.
Le plus ancien poème de ce genre que nous connaissions traitant ce sujet nous a été conservé par le codex d'Exeter et en même temps par celui de Verceil ; il remonte à coup sûr à cette période, et comprend cent vingt-neuf lignes longues.
Dans l'introduction, le poète exhorte tout homme à songer au sort de son âme alors que la mort la sépare d'avec le corps à qui elle a été auparavant si étroitement unie. Il s'écoulera encore beaucoup de temps jusqu'à ce que l'esprit reçoive de Dieu lui-même le châtiment ou la glorification, selon que ce « vase terrestre » aura auparavant mal ou bien agi dans le monde.
La pesée de l`âme dans la balance du bien et du mal au jour du Jugement
En attendant, plaintive et anxieuse, l'âme doit, pendant trois cents ans, visiter toujours, la septième nuit, le corps qui l'a portée autrefois, à moins que le Tout-Puissant n'amène plus tôt la fin du monde. Alors l'âme, pleine d'angoisses, l'appelle d'une voix froide et parle courroucée à la poussière : « Pourquoi m'as-tu tourmentée toi, pourriture de la terre, entièrement disparue? Tu n'as pas considéré quel serait le sort de ton âme, quand elle serait séparée de toi, alors que tu suivais tous les appâts du plaisir! Et maintenant te voilà devenu la nourriture des vers! »
Et pourtant, le Créateur lui-même, par le ministère d'un ange, a envoyé du ciel l'âme à ce corps qu'il a racheté de son sang : et, par contre, le corps l'a rendue prisonnière de l'enfer. Lorsqu'elle habitait en lui, ses désirs criminels l'ont tellement agitée, qu'elle attendait avec impatience l'heure de la séparation, et voilà que maintenant la fin n'est pas bonne!
Pendant qu'il nageait dans les plaisirs, elle était affamée du corps de Dieu. Elle a à souffrir les tourments de l'enfer à cause de ses convoitises. Et maintenant pour tout être vivant, père, mère, proche parent, le corps n'est pas plus aimé que le noir corbeau (v. 54) depuis qu'elle s'est séparée de lui. Ni l'or, ni la fortune ne sauraient le tirer de sa position; et à la place de ses plaisirs d'autrefois, l'âme a le devoir de le visiter pendant la nuit et de se répandre en invectives jusqu'au chant du coq, heure à laquelle les saints personnages chantent les louanges de Dieu; alors elle doit retourner aussitôt dans la patrie qu'il lui a fait octroyer (v. 70)»
C'est en ces termes que l'âme termine (v. 103) son discours de récriminations. Tandis qu'elle retourne ensuite au fond de l'enfer, le corps en poussière reste là où il était : il n'est pas en état de lui donner une réponse quelconque ou de lui procurer une consolation. « Que celui qui a des oreilles pour entendre profite de cette leçon. »
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
CHAPITRE HUITIÈME
POÉSIE ÉPIQUE POPULAIRE EN ALLEMAGNE
Le Royaume chrétien de Charlemagne au 9 eme siècle
Charlemagne recevant un manuscrit chrétien par Alcuin
Le HÉLIAND et le MUSPILLI.
Le Heliand ( Sauveur) ou les Évangiles en langue saxonne au 9 eme siècle
La première production littéraire indépendante ne paraît, autant que nous puissions en juger, que vers le milieu du premier quart du 9 eme siècle, et cette production a lieu dans le domaine de la poésie chrétienne. Ici encore, comme dans la littérature anglo-saxonne et dans la poésie chrétienne-latine, ce début poétique a pour sujet l'histoire biblique.
C'est l'harmonie des Évangiles en saxon, ouvrage qu'on a nommé Heliand (Heiland = Sauveur) d`après le héros. L'auteur inconnu de cette poésie, qui comprend environ dix mille lignes, a pris pour modèle l`Harmonie des Évangiles, ouvrage latin qui porte le nom de Tatien; il le suit en général dans le choix et l'ordre du sujet, mais il s'en écarte dans les détails ; il en omet plus de la moitié et en déplace d'autres parties, comme, par exemple, le Sermon sur la montagne. Ajoutons que, pour suppléer aux lacunes de son modèle et surtout pour avoir plus libre carrière dans ses développements, il a mis à profit les commentaires de la Bible les plus en vogue à cette époque, et en première ligne celui de Raban sur saint Mathieu — saint Mathieu formait aussi la base du travail de Tatien, — ensuite celui de Bède sur saint Luc et saint Marc, ainsi que celui d'Alcuin sur saint Jean.
Le but que se proposait le poète, est d`instruire ses compatriotes nouvellement convertis, et répandre parmi eux non seulement la connaissance, mais encore l'amour de l'Évangile.
Louis le Débonnaire (778 à 840 Ap J.C.) est roi d'Aquitaine jusqu'en 814, puis empereur d'Occident de 814 à sa mort en 840. Il est le fils de Charlemagne et de Hildegarde de Vintzgau.
Sous le règne de Louis le Débonnaire, et sans doute dans les dernières années, il nous faut encore placer un poème qui traite de la destinée de l'âme après la mort, et le fait dans un esprit chrétien et avec l'intention d'exhorter le lecteur à mener sur la terre une vie agréable à Dieu, afin d'échapper à la damnation éternelle. Il ne nous est parvenu que par fragments et encore ceux-ci ne sont-ils pas bien coordonnés; la fin manque, ainsi qu'un chapitre du milieu et le début, quoique, dans ce dernier, peu de lignes sans doute aient été perdues. En tout, il nous reste de ce poème un peu plus de cent lignes longues.
Nommé Muspilli par son premier éditeur, ce poème que nous le possédons, nous raconte, dès le début, comment deux armées se disputent l'âme qui vient d'abandonner le corps : l'une d'elles vient des étoiles du ciel ; l'autre, de la poix de l'enfer. « L'âme doit se mettre en peine de savoir, jusqu'à ce que le jugement soit prononcé, de laquelle des deux armées elle fera partie » ; sera-t-elle conduite dans le feu et dans les ténèbres par les serviteurs de Satan, ou bien dans le royaume céleste par la troupe angélique?
Malheur à celui qui est condamné à brûler dans la poix ; il élèvera en vain sa voix vers Dieu, car, sur cette terre, il n'a rien fait pour trouver grâce auprès de lui. A partir du vers 31, le poète passe à une deuxième partie où il décrit les fins dernières, le jugement dernier et les événements qui l'annonceront. Il débute par le combat de l'Antéchrist avec Élie, d'après une ancienne interprétation, commune chez les plus illustres d'entre les Pères de l'Église, de quelques versets de l`Apocalypse (c. 11, v. 3 et 7).
Mais l'âme attend son jugement. Ici (v. 63 sq.) se trouve encadrée, à l'adresse des juges qui se laissent corrompre, une exhortation qui peut-être ne faisait point originairement partie comme, tel de ce poème : « Ils doivent ne pas perdre de vue que le démon assiste en secret à leurs délibérations, et que cet espion note tout, afin de le dévoiler au jugement universel. »
Là-dessus, commence le récit du jugement dernier lui-même (v, 73). La « trompette céleste » retentit; le juge se lève pour se mettre en marche ; avec lui s'avance la plus grande des armées, et elle est si hardie que personne ne peut la combattre. Il se dirige vers le lieu déterminé où doit avoir lieu le jugement. Les anges parcourent le pays, éveillent les morts et les appellent devant le tribunal. Tout homme est tenu d'y comparaître : « là, la main doit parler, la tête doit s'expliquer, chacun des membres, même le petit doigt, est tenu de raconter ce qu'il a fait de mal parmi les hommes ; là personne, si rusé qu'il soit, ne peut altérer la vérité ».
Personne ne peut cacher ses actions : tout sera manifesté devant le roi, à moins qu'on ne l'ait expié par l'aumône et le jeûne. Alors apparaît magnifique la croix à laquelle a été suspendu l'Homme-Dieu : le Christ montre les blessures qu'il a reçues comme homme et dont il a souffert par amour pour le genre humain. Ici se termine ce poème
LE POÈME d`OTFRID.
Nous n'avons que peu de documents authentiques, sur la vie d'Otfrid et ces documents nous les lui devons à lui-même; d'abord moine, il fut ensuite prêtre du monastère de Weissenbourg, lorsqu'il composa son Livre des Évangiles, dans la sixième décade du 9 eme siècle ; il était sans doute originaire de cette localité ou des environs. Il avait été l'élève de Raban, à Fulda, et il appelle même l'évêque Salomon de Constance, son maître. Ses connaissances étaient, en effet, très importantes pour cette époque, ainsi que l'a montré son ouvrage.
Le poème d'Otfrid, en strophes de deux lignes, est une harmonie des Évangiles en vers, comme le poème saxon Héliand ; la différence du point de vue de la matière, c'est qu'il ne repose pas sur un ouvrage latin de ce genre comme le poème saxon, mais qu'Otfrid a choisi lui-même, dans les quatre Évangiles, les passages qu'il a mis en vers, sans viser à être complet et en procédant avec une grande liberté dans l'arrangement.
Veni redemptor gentium - Otfrid von Weisenburg - Poésie et Musique du temps de Charlemagne
la suite bientôt
POÉSIE ÉPIQUE POPULAIRE EN ALLEMAGNE
Le Royaume chrétien de Charlemagne au 9 eme siècle
Charlemagne recevant un manuscrit chrétien par Alcuin
Le HÉLIAND et le MUSPILLI.
Le Heliand ( Sauveur) ou les Évangiles en langue saxonne au 9 eme siècle
La première production littéraire indépendante ne paraît, autant que nous puissions en juger, que vers le milieu du premier quart du 9 eme siècle, et cette production a lieu dans le domaine de la poésie chrétienne. Ici encore, comme dans la littérature anglo-saxonne et dans la poésie chrétienne-latine, ce début poétique a pour sujet l'histoire biblique.
C'est l'harmonie des Évangiles en saxon, ouvrage qu'on a nommé Heliand (Heiland = Sauveur) d`après le héros. L'auteur inconnu de cette poésie, qui comprend environ dix mille lignes, a pris pour modèle l`Harmonie des Évangiles, ouvrage latin qui porte le nom de Tatien; il le suit en général dans le choix et l'ordre du sujet, mais il s'en écarte dans les détails ; il en omet plus de la moitié et en déplace d'autres parties, comme, par exemple, le Sermon sur la montagne. Ajoutons que, pour suppléer aux lacunes de son modèle et surtout pour avoir plus libre carrière dans ses développements, il a mis à profit les commentaires de la Bible les plus en vogue à cette époque, et en première ligne celui de Raban sur saint Mathieu — saint Mathieu formait aussi la base du travail de Tatien, — ensuite celui de Bède sur saint Luc et saint Marc, ainsi que celui d'Alcuin sur saint Jean.
Le but que se proposait le poète, est d`instruire ses compatriotes nouvellement convertis, et répandre parmi eux non seulement la connaissance, mais encore l'amour de l'Évangile.
Louis le Débonnaire (778 à 840 Ap J.C.) est roi d'Aquitaine jusqu'en 814, puis empereur d'Occident de 814 à sa mort en 840. Il est le fils de Charlemagne et de Hildegarde de Vintzgau.
Sous le règne de Louis le Débonnaire, et sans doute dans les dernières années, il nous faut encore placer un poème qui traite de la destinée de l'âme après la mort, et le fait dans un esprit chrétien et avec l'intention d'exhorter le lecteur à mener sur la terre une vie agréable à Dieu, afin d'échapper à la damnation éternelle. Il ne nous est parvenu que par fragments et encore ceux-ci ne sont-ils pas bien coordonnés; la fin manque, ainsi qu'un chapitre du milieu et le début, quoique, dans ce dernier, peu de lignes sans doute aient été perdues. En tout, il nous reste de ce poème un peu plus de cent lignes longues.
Nommé Muspilli par son premier éditeur, ce poème que nous le possédons, nous raconte, dès le début, comment deux armées se disputent l'âme qui vient d'abandonner le corps : l'une d'elles vient des étoiles du ciel ; l'autre, de la poix de l'enfer. « L'âme doit se mettre en peine de savoir, jusqu'à ce que le jugement soit prononcé, de laquelle des deux armées elle fera partie » ; sera-t-elle conduite dans le feu et dans les ténèbres par les serviteurs de Satan, ou bien dans le royaume céleste par la troupe angélique?
Malheur à celui qui est condamné à brûler dans la poix ; il élèvera en vain sa voix vers Dieu, car, sur cette terre, il n'a rien fait pour trouver grâce auprès de lui. A partir du vers 31, le poète passe à une deuxième partie où il décrit les fins dernières, le jugement dernier et les événements qui l'annonceront. Il débute par le combat de l'Antéchrist avec Élie, d'après une ancienne interprétation, commune chez les plus illustres d'entre les Pères de l'Église, de quelques versets de l`Apocalypse (c. 11, v. 3 et 7).
Mais l'âme attend son jugement. Ici (v. 63 sq.) se trouve encadrée, à l'adresse des juges qui se laissent corrompre, une exhortation qui peut-être ne faisait point originairement partie comme, tel de ce poème : « Ils doivent ne pas perdre de vue que le démon assiste en secret à leurs délibérations, et que cet espion note tout, afin de le dévoiler au jugement universel. »
Là-dessus, commence le récit du jugement dernier lui-même (v, 73). La « trompette céleste » retentit; le juge se lève pour se mettre en marche ; avec lui s'avance la plus grande des armées, et elle est si hardie que personne ne peut la combattre. Il se dirige vers le lieu déterminé où doit avoir lieu le jugement. Les anges parcourent le pays, éveillent les morts et les appellent devant le tribunal. Tout homme est tenu d'y comparaître : « là, la main doit parler, la tête doit s'expliquer, chacun des membres, même le petit doigt, est tenu de raconter ce qu'il a fait de mal parmi les hommes ; là personne, si rusé qu'il soit, ne peut altérer la vérité ».
Personne ne peut cacher ses actions : tout sera manifesté devant le roi, à moins qu'on ne l'ait expié par l'aumône et le jeûne. Alors apparaît magnifique la croix à laquelle a été suspendu l'Homme-Dieu : le Christ montre les blessures qu'il a reçues comme homme et dont il a souffert par amour pour le genre humain. Ici se termine ce poème
LE POÈME d`OTFRID.
Nous n'avons que peu de documents authentiques, sur la vie d'Otfrid et ces documents nous les lui devons à lui-même; d'abord moine, il fut ensuite prêtre du monastère de Weissenbourg, lorsqu'il composa son Livre des Évangiles, dans la sixième décade du 9 eme siècle ; il était sans doute originaire de cette localité ou des environs. Il avait été l'élève de Raban, à Fulda, et il appelle même l'évêque Salomon de Constance, son maître. Ses connaissances étaient, en effet, très importantes pour cette époque, ainsi que l'a montré son ouvrage.
Le poème d'Otfrid, en strophes de deux lignes, est une harmonie des Évangiles en vers, comme le poème saxon Héliand ; la différence du point de vue de la matière, c'est qu'il ne repose pas sur un ouvrage latin de ce genre comme le poème saxon, mais qu'Otfrid a choisi lui-même, dans les quatre Évangiles, les passages qu'il a mis en vers, sans viser à être complet et en procédant avec une grande liberté dans l'arrangement.
Veni redemptor gentium - Otfrid von Weisenburg - Poésie et Musique du temps de Charlemagne
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MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
POÉSIE LYRIQUE : NOTKER BALBULUS.
ÉCOLE POÉTIQUE DE SAINT-GALL ( Suisse allemande)
Notker le bègue naquit vers l`an 840 : il descendait d'une noble famille de Thurgovie. Admis, dès son enfance, dans le monastère, il y eut pour maîtres, d'abord Iso, puis Marcellus, qui lui enseigna les belles-lettres et notamment la musique.
Saint Nokter le bègue
Également versé dans la théologie et dans les sciences profanes, cet Écossais s'appelait, de son vrai nom, Moengal. Il avait fait le voyage de Rome avec son oncle l'évêque Marcus — auquel il doit le nom qu'on lui donna à Saint-Gall — et, à son retour, il alla avec lui à Saint-Gall. Il devint maître de l'internat. Or, dans sa jeunesse, comme il nous l'apprend lui-même, Notker avait longtemps réfléchi pour trouver le moyen de graver plus facilement en sa mémoire les longues mélodies qui étaient ajoutées à l` Alléluia du graduel des jours de fêtes, et qu'on appelait « séquences » c'est-à-dire suites musicales.
Ces mélodies étaient chantées sur la dernière syllabe seulement de l` Alléluia, ou bien en même temps sur les deux syllabes précédentes , et ces syllabes seules formaient le texte. Le nombre des mélodies devenant plus grand, il était plus difficile de les retenir. Toutefois, ce chant des séquences était surtout spécialement cultivé à Saint -Gall ; d'après une ancienne tradition du monastère.
Nous avons des séquences de Notker, non seulement pour les fêtes en l'honneur du Christ et de la Vierge Marie, mais encore pour les fêtes des Saints: saint Étienne, les saints Innocents, saint Jean l'évangéliste, saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, saint Laurent, saint Gall, saint Maurice, saint Othmar. Il en a composé aussi pour la dédicace des églises. La valeur poétique en est très diverse plusieurs d'entre elles ne se distinguent que par les expressions pieuses, dont la simplicité est en parfaite harmonie avec la mélodie suave et d'allure simple : dans d'autres, au contraire, il y a plus d'élan et un style plus imagé ; telle est, par exemple, la séquence de l'Ascension; ou encore, on y trouve un épanchement qui saisit l'âme, comme dans la séquence de saint Gall, où Notker parle de la Souabe, la douce patrie du saint.
Nokter (840-912 Ap J.C.) : Quid tu, virgo
Raconte la massacre des Innocents a Bethléem (Matthieu 2,16; Jérémie.31,15).
Pourquoi pleures-tu, ô vierge,
mère, belle Rachel,
dont le visage
fait plaisir à Jacob ?
Comme si les yeux rouges
de ta soeur aînée
pouvaient lui être agréables !
Essuie, mère,
Il te sied mal d'avoir les joues
sillonnées de pleurs.
Ah, Ah, Ah,
pourquoi m'accusez-vous
d'avoir versé des larmes en vain ?
Quand je suis privée de mon fils,
le seul appui de ma pauvreté,
qui n'aurait pas cédé aux ennemis
l'étroit domaine que Jacob m'a acquis
et qui aurait aidé tous ses frères
que j'ai mis au monde,
hélas.
Faut-il le pleurer,
celui qui possède le royaume céleste
et qui, par ses prières,
constamment aide auprès de Dieu
ses misérables frères ?
Quid tu, virgo,
Mater, ploras,
Rachel formosa,
Iacob delectat ?
Ceu sororis aniculae
lippitudo eum iuvet !
Terge, mater,
Quam te decent genarum rimulae ?
Heu, heu, heu,
qui me incusatis Fletus
incassum fudisse ?
Cum sim orbata
qui solus curaret,
Qui non hostibus cederet
angustos terminos,
quos mihi
Jacob adquisivit,
quique stolidis fratribus,
quos multos, pro dolor,
extuli,
esset profuturus.
Numquid flendus est iste,
qui regnum possedit caelestie?
quique prece frequenti
miseris fratribus
apud deum auxiliatur ?
-------------------------------------------
Performers: Gérard Le Vot (voice, symphonia, harp), Paul Fustier (hurdy-gurdy, organistrum), Tamas K. Kiss (voice), Miquèu Montanaro (flute, jew's harp), Jean-Claude Trichard (lute
ÉCOLE POÉTIQUE DE SAINT-GALL ( Suisse allemande)
Notker le bègue naquit vers l`an 840 : il descendait d'une noble famille de Thurgovie. Admis, dès son enfance, dans le monastère, il y eut pour maîtres, d'abord Iso, puis Marcellus, qui lui enseigna les belles-lettres et notamment la musique.
Saint Nokter le bègue
Également versé dans la théologie et dans les sciences profanes, cet Écossais s'appelait, de son vrai nom, Moengal. Il avait fait le voyage de Rome avec son oncle l'évêque Marcus — auquel il doit le nom qu'on lui donna à Saint-Gall — et, à son retour, il alla avec lui à Saint-Gall. Il devint maître de l'internat. Or, dans sa jeunesse, comme il nous l'apprend lui-même, Notker avait longtemps réfléchi pour trouver le moyen de graver plus facilement en sa mémoire les longues mélodies qui étaient ajoutées à l` Alléluia du graduel des jours de fêtes, et qu'on appelait « séquences » c'est-à-dire suites musicales.
Ces mélodies étaient chantées sur la dernière syllabe seulement de l` Alléluia, ou bien en même temps sur les deux syllabes précédentes , et ces syllabes seules formaient le texte. Le nombre des mélodies devenant plus grand, il était plus difficile de les retenir. Toutefois, ce chant des séquences était surtout spécialement cultivé à Saint -Gall ; d'après une ancienne tradition du monastère.
Nous avons des séquences de Notker, non seulement pour les fêtes en l'honneur du Christ et de la Vierge Marie, mais encore pour les fêtes des Saints: saint Étienne, les saints Innocents, saint Jean l'évangéliste, saint Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, saint Laurent, saint Gall, saint Maurice, saint Othmar. Il en a composé aussi pour la dédicace des églises. La valeur poétique en est très diverse plusieurs d'entre elles ne se distinguent que par les expressions pieuses, dont la simplicité est en parfaite harmonie avec la mélodie suave et d'allure simple : dans d'autres, au contraire, il y a plus d'élan et un style plus imagé ; telle est, par exemple, la séquence de l'Ascension; ou encore, on y trouve un épanchement qui saisit l'âme, comme dans la séquence de saint Gall, où Notker parle de la Souabe, la douce patrie du saint.
Nokter (840-912 Ap J.C.) : Quid tu, virgo
Raconte la massacre des Innocents a Bethléem (Matthieu 2,16; Jérémie.31,15).
Pourquoi pleures-tu, ô vierge,
mère, belle Rachel,
dont le visage
fait plaisir à Jacob ?
Comme si les yeux rouges
de ta soeur aînée
pouvaient lui être agréables !
Essuie, mère,
Il te sied mal d'avoir les joues
sillonnées de pleurs.
Ah, Ah, Ah,
pourquoi m'accusez-vous
d'avoir versé des larmes en vain ?
Quand je suis privée de mon fils,
le seul appui de ma pauvreté,
qui n'aurait pas cédé aux ennemis
l'étroit domaine que Jacob m'a acquis
et qui aurait aidé tous ses frères
que j'ai mis au monde,
hélas.
Faut-il le pleurer,
celui qui possède le royaume céleste
et qui, par ses prières,
constamment aide auprès de Dieu
ses misérables frères ?
Quid tu, virgo,
Mater, ploras,
Rachel formosa,
Iacob delectat ?
Ceu sororis aniculae
lippitudo eum iuvet !
Terge, mater,
Quam te decent genarum rimulae ?
Heu, heu, heu,
qui me incusatis Fletus
incassum fudisse ?
Cum sim orbata
qui solus curaret,
Qui non hostibus cederet
angustos terminos,
quos mihi
Jacob adquisivit,
quique stolidis fratribus,
quos multos, pro dolor,
extuli,
esset profuturus.
Numquid flendus est iste,
qui regnum possedit caelestie?
quique prece frequenti
miseris fratribus
apud deum auxiliatur ?
-------------------------------------------
Performers: Gérard Le Vot (voice, symphonia, harp), Paul Fustier (hurdy-gurdy, organistrum), Tamas K. Kiss (voice), Miquèu Montanaro (flute, jew's harp), Jean-Claude Trichard (lute
Dernière édition par MichelT le Ven 24 Avr 2020 - 1:33, édité 2 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
POÉSIE LATINE POPULAIRE ET POÉSIE NATIONALE DE L'ALLEMAGNE ET DE LA FRANCE
Sainte Eulalie de Mérida (Espagne)
Vierge et Martyre († 304)
Eulalie avait environ 13 ans lorsqu'elle décida de se dénoncer au Tribunal de Calpurnius (Espagne). Elle fut condamnée à mort et mourut martyre, préférant la mort sur cette Terre plutôt que renier Celui qui donne la Vie. Elle avait treize ans quand elle fut condamnée à mourir brûlée sur un bûcher, ce qui en fait une des martyres les plus vénérées de la tradition espagnole.
Sainte Eulalie de Mérida (Espagne) - Vierge et Martyre († 304)
Le lied français, a un caractère tout autre, à savoir, un caractère purement religieux. C'est une Séquence composée en l'honneur de sainte Eulalie.
La séquence de sainte Eulalie se compose de quatorze versets de deux vers, dont Voici le contenu de cette cantilène, dans sa traduction presque littérale ; « Une bonne vierge fut Eulalie; beau corps avait et plus belle âme. Voulurent la vaincre les ennemis de Dieu, voulurent la faire le diable servir. Elle n'écouta pas les mauvais conseillers, ne renia pas le Dieu qui habite au ciel, ni pour or, ni pour argent, ni pour parures, ni pour menaces, ni pour caresses, ni pour prières. Aucune chose ne la put jamais plier, la jeune fille resta toujours fidèle au service de Dieu.
C'est pourquoi elle fut conduite devant Maximien, qui régnait dans ces temps sur les païens. Il l'exhorte — chose dont elle ne se soucie — à renoncer au nom chrétien. C'est là qu'elle puise justement sa force : elle aimerait mieux souffrir toute peine que de sacrifier sa virginité; pour cela elle mourut en grand honneur. Alors, dans le feu ils la jetèrent, pour qu'elle brûlât tôt. Elle, aucune faute n'avait ; c'est pourquoi elle ne se brûla pas. A cela ne voulut pas croire le roi des païens; avec une épée, il ordonna de lui trancher le chef. La damoiselle à cette chose point ne s'oppose; elle veut bien quitter le siècle, si le Christ l'ordonne. Sous forme de colombe, elle s'envole au ciel. Tous demandons que pour nous elle daigne prier, que de nous le Christ ait pitié après la mort, et nous laisse venir à lui par sa clémence. »
Basilique de Sainte Eulalie en Espagne
Crux fidelis avec art chrétien du Moyen-Âge par l`Ensemble Organum
Sainte Eulalie de Mérida (Espagne)
Vierge et Martyre († 304)
Eulalie avait environ 13 ans lorsqu'elle décida de se dénoncer au Tribunal de Calpurnius (Espagne). Elle fut condamnée à mort et mourut martyre, préférant la mort sur cette Terre plutôt que renier Celui qui donne la Vie. Elle avait treize ans quand elle fut condamnée à mourir brûlée sur un bûcher, ce qui en fait une des martyres les plus vénérées de la tradition espagnole.
Sainte Eulalie de Mérida (Espagne) - Vierge et Martyre († 304)
Le lied français, a un caractère tout autre, à savoir, un caractère purement religieux. C'est une Séquence composée en l'honneur de sainte Eulalie.
La séquence de sainte Eulalie se compose de quatorze versets de deux vers, dont Voici le contenu de cette cantilène, dans sa traduction presque littérale ; « Une bonne vierge fut Eulalie; beau corps avait et plus belle âme. Voulurent la vaincre les ennemis de Dieu, voulurent la faire le diable servir. Elle n'écouta pas les mauvais conseillers, ne renia pas le Dieu qui habite au ciel, ni pour or, ni pour argent, ni pour parures, ni pour menaces, ni pour caresses, ni pour prières. Aucune chose ne la put jamais plier, la jeune fille resta toujours fidèle au service de Dieu.
C'est pourquoi elle fut conduite devant Maximien, qui régnait dans ces temps sur les païens. Il l'exhorte — chose dont elle ne se soucie — à renoncer au nom chrétien. C'est là qu'elle puise justement sa force : elle aimerait mieux souffrir toute peine que de sacrifier sa virginité; pour cela elle mourut en grand honneur. Alors, dans le feu ils la jetèrent, pour qu'elle brûlât tôt. Elle, aucune faute n'avait ; c'est pourquoi elle ne se brûla pas. A cela ne voulut pas croire le roi des païens; avec une épée, il ordonna de lui trancher le chef. La damoiselle à cette chose point ne s'oppose; elle veut bien quitter le siècle, si le Christ l'ordonne. Sous forme de colombe, elle s'envole au ciel. Tous demandons que pour nous elle daigne prier, que de nous le Christ ait pitié après la mort, et nous laisse venir à lui par sa clémence. »
Basilique de Sainte Eulalie en Espagne
Crux fidelis avec art chrétien du Moyen-Âge par l`Ensemble Organum
Dernière édition par MichelT le Sam 13 Avr 2019 - 11:03, édité 3 fois
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
LA VIE DE GÉRAUD d'AURILLAC (Vita St-Geraldi)
Une autre vie de saint : Vita St Geraldi, composée par Odon de Cluny, a un caractère particulier. Le saint qui en fait le sujet appartenait en effet à l'état laïque : c'est le comte d'Aurillac, fondateur, au commencement du 10 eme siècle, du monastère du même nom, qui acquit une certaine réputation au point de vue de la culture scientifique. Cette Vie est divisée en quatre livres et forme un ouvrage considérable; Odon y a donné tous ses soins, et, comme abbé d'Aurillac, il s'intéressait spécialement à son héros.
La préface du premier livre, nous apprend que plusieurs contemporains avaient quelques doutes par rapport aux miracles du saint ; quelques-uns allaient jusqu'à déclarer que c'était là un ouvrage de l'imagination (phantasticum). Odon lui-même avait quelques doutes. Il fit, à cet effet, une enquête minutieuse à Aurillac, auprès de quatre élèves du comte, deux clercs et deux laïques de noble naissance ; il les interrogea séparément pour voir s'ils ne se contrediraient pas. C'est ainsi, dit-il, qu'il a appris que la vie de Gérald était une vie pieuse, et qu'on doit croire qu'il a fait des miracles quoique le temps de l'antéchrist approche et que, par conséquent, les miracles eussent dû cesser.
On ne doit pas en douter par le fait que c'était un laïque et un homme puissant. Les hommes puissants doivent le prendre pour modèle. C'est sur l'ordre de l'évêque Turpion et de l'abbé Aimon que Odon a écrit cette Vie; il l'a fait dans un style populaire, lequel convient mieux à l'humilité de son héros.
Le livre premier a pour objet de faire connaître les « actions extérieures » et la vie « commune » et mondaine de Gérald. Né à Aurillac, le comte Gérald descendait d'une famille noble et riche, dans laquelle la religion et la piété passaient comme un héritage de père en fils. N'est-ce pas à cette famille qu'avait appartenu saint Césaire d'Arles? Après avoir terminé l'étude du « Psalterium» (étude des Psaumes) et au moment où il allait se livrer aux exercices de la chevalerie, le jeune Gérald tomba malade pour longtemps; mais cette maladie, qui l'empêchait de suivre les exercices chevaleresques, lui permettait de s'adonner à l'étude .
On lui conseilla donc d`étudier assidûment, d'autant plus qu'on croyait qu'à cause de son état maladif il serait obligé de se consacrer à la carrière ecclésiastique. C'est ainsi qu'il apprit non seulement le chant, mais encore la grammaire. Toutefois, en grandissant, Gérald recouvra la santé ; il devint même si vigoureux, que d'un bond il pouvait facilement sauter un cheval. Il resta donc dans le monde de la chevalerie; toutefois il consacra, pour son plaisir, maintes heures à s'occuper d'études littéraires, en sorte qu'il lut presque complètement la Sainte Écriture et qu'il arriva à la posséder mieux que beaucoup de clercs lettrés.
Odon caractérise ensuite son héros, qui a pris en main le gouvernement, en racontant plusieurs anecdotes, dont quelques-unes offrent un intérêt historique général. Il vante notamment sa modestie, sa tempérance, sa chasteté, sa simplicité, non moins que sa générosité envers les pauvres et sa douceur, qui pouvait même tourner en faiblesse : c'est ainsi qu'il reçut le surnom de « Bon ».
Les événements politiques du midi de la France, les troubles et les combats qui s'élevèrent à la suite des velléités des « Marcgraves » (Marchiones) de soumettre à leur autorité les vassaux royaux (c. xxii), atteignirent aussi Gérald. Plusieurs d'entre eux, et notamment le duc Guillaume d'Aquitaine, qui voulait lui donner sa sœur en mariage, lui proposèrent de se joindre au mouvement (c. xxxiv). Mais Odon parle de ces évènements politiques on n'en citant que quelques traits isolés, au lieu de les présenter d'une manière suivie.
Le livre deuxième est précédé, lui aussi, d'une préface qui a pour but, tout comme celle du premier livre, d'écarter les doutes relatifs à la sainteté de Gérald. Les incrédules disaient qu'il ne s'était abstenu ni de viande ni devin. — Dans le livre lui-même, Odon traite, ainsi qu'il l'a dit d'abord à la fin du livre précédent, des actions faites par Gérald, après s'être consacré au « culte du service divin ». — Il voulait embrasser la vie religieuse, mais un évêque de ses amis lui conseilla, dans l'intérêt de ses sujets, de rester dans le monde au moins pour la forme.
Gérald chercha cependant à réaliser ses vues, autant que cela pouvait se faire sans se trahir. Il coupa sa barbe et se fit une espèce de tonsure qu'il cacha sous des boucles de cheveux. II chercha, même dans ses vêtements, à se rapprocher autant que faire se pouvait de la vie monastique. Quand il montait à cheval, il faisait porter le glaive devant lui afin de n'avoir pas à le toucher. Il avait adopté ce changement dans son genre de vie, lorsqu'il fit le voyage de Rome pour donner ses biens (praedia) au Saint-Siège, ou plutôt pour fonder le monastère d'Aurillac (c. iv), qui fut soumis directement au pape.
Mais le monastère une fois bâti au prix d'immenses difficultés, il fallut le peupler de religieux, et c'est là ce qui causait le plus de soucis à Gérald : à cet effet, il fit élever un certain nombre d'enfants nobles dans un autre monastère ; mais cette bonne intention ne fut pas couronnée de succès, car ces jeunes gens, n'ayant pas de maîtres, revinrent trop tôt, et l'indiscipline se mit parmi eux (c. vi). — Odon raconte ensuite dans ce livre les miracles de Gérald, ceux notamment qu'il opéra, malgré lui, par la vertu de l'eau dans laquelle il s'était lavé, miracles qu'il prit longtemps lui-même pour des illusions (c. x) et auxquels il refusa de croire, ne voulant pas même que les autres y crussent jusqu'à ce qu'enfin, à ce qu'il paraît, il se laissa éblouir par les croyants.
St-Géraud d`Aurignac dans le sud de la France - L'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac est une ancienne abbayes bénédictines qui a été le modèle de celle de Cluny. Elle a été fondée avant 885 en Auvergne (actuel département du Cantal) par le comte Géraud d'Aurillac
L'auteur parle ensuite en détail des pèlerinages du saint à Rome, dont il avait déjà dit un mot dans le premier livre. Gérald ne s'est pas rendu moins de sept fois dans la Ville Éternelle, accompagné de toute une suite de clercs et avec une grande pompe (c. xvi sq.). Chaque fois il signalait son passage par de riches présents qu'il faisait, surtout aux monastères et aux pauvres. C'est ainsi qu'il devint absolument populaire en Italie.
Le troisième livre est consacré à la fin de la carrière du saint, qui devint aveugle pendant les sept dernières années de sa vie. Parmi ses dispositions suprêmes, il faut remarquer sur tout la mise en liberté de cent serfs; auparavant, il en avait émancipé un grand nombre ; mais plusieurs d'entre eux n'avaient pas voulu de la liberté qu'il leur offrait (c. iv). Gérald fut enseveli à Aurillac. Le quatrième livre enfin est encore plus court que le précédent : l'auteur nous y fait le récit des miracles opérés par les reliques du saint.
Fin
Une autre vie de saint : Vita St Geraldi, composée par Odon de Cluny, a un caractère particulier. Le saint qui en fait le sujet appartenait en effet à l'état laïque : c'est le comte d'Aurillac, fondateur, au commencement du 10 eme siècle, du monastère du même nom, qui acquit une certaine réputation au point de vue de la culture scientifique. Cette Vie est divisée en quatre livres et forme un ouvrage considérable; Odon y a donné tous ses soins, et, comme abbé d'Aurillac, il s'intéressait spécialement à son héros.
La préface du premier livre, nous apprend que plusieurs contemporains avaient quelques doutes par rapport aux miracles du saint ; quelques-uns allaient jusqu'à déclarer que c'était là un ouvrage de l'imagination (phantasticum). Odon lui-même avait quelques doutes. Il fit, à cet effet, une enquête minutieuse à Aurillac, auprès de quatre élèves du comte, deux clercs et deux laïques de noble naissance ; il les interrogea séparément pour voir s'ils ne se contrediraient pas. C'est ainsi, dit-il, qu'il a appris que la vie de Gérald était une vie pieuse, et qu'on doit croire qu'il a fait des miracles quoique le temps de l'antéchrist approche et que, par conséquent, les miracles eussent dû cesser.
On ne doit pas en douter par le fait que c'était un laïque et un homme puissant. Les hommes puissants doivent le prendre pour modèle. C'est sur l'ordre de l'évêque Turpion et de l'abbé Aimon que Odon a écrit cette Vie; il l'a fait dans un style populaire, lequel convient mieux à l'humilité de son héros.
Le livre premier a pour objet de faire connaître les « actions extérieures » et la vie « commune » et mondaine de Gérald. Né à Aurillac, le comte Gérald descendait d'une famille noble et riche, dans laquelle la religion et la piété passaient comme un héritage de père en fils. N'est-ce pas à cette famille qu'avait appartenu saint Césaire d'Arles? Après avoir terminé l'étude du « Psalterium» (étude des Psaumes) et au moment où il allait se livrer aux exercices de la chevalerie, le jeune Gérald tomba malade pour longtemps; mais cette maladie, qui l'empêchait de suivre les exercices chevaleresques, lui permettait de s'adonner à l'étude .
On lui conseilla donc d`étudier assidûment, d'autant plus qu'on croyait qu'à cause de son état maladif il serait obligé de se consacrer à la carrière ecclésiastique. C'est ainsi qu'il apprit non seulement le chant, mais encore la grammaire. Toutefois, en grandissant, Gérald recouvra la santé ; il devint même si vigoureux, que d'un bond il pouvait facilement sauter un cheval. Il resta donc dans le monde de la chevalerie; toutefois il consacra, pour son plaisir, maintes heures à s'occuper d'études littéraires, en sorte qu'il lut presque complètement la Sainte Écriture et qu'il arriva à la posséder mieux que beaucoup de clercs lettrés.
Odon caractérise ensuite son héros, qui a pris en main le gouvernement, en racontant plusieurs anecdotes, dont quelques-unes offrent un intérêt historique général. Il vante notamment sa modestie, sa tempérance, sa chasteté, sa simplicité, non moins que sa générosité envers les pauvres et sa douceur, qui pouvait même tourner en faiblesse : c'est ainsi qu'il reçut le surnom de « Bon ».
Les événements politiques du midi de la France, les troubles et les combats qui s'élevèrent à la suite des velléités des « Marcgraves » (Marchiones) de soumettre à leur autorité les vassaux royaux (c. xxii), atteignirent aussi Gérald. Plusieurs d'entre eux, et notamment le duc Guillaume d'Aquitaine, qui voulait lui donner sa sœur en mariage, lui proposèrent de se joindre au mouvement (c. xxxiv). Mais Odon parle de ces évènements politiques on n'en citant que quelques traits isolés, au lieu de les présenter d'une manière suivie.
Le livre deuxième est précédé, lui aussi, d'une préface qui a pour but, tout comme celle du premier livre, d'écarter les doutes relatifs à la sainteté de Gérald. Les incrédules disaient qu'il ne s'était abstenu ni de viande ni devin. — Dans le livre lui-même, Odon traite, ainsi qu'il l'a dit d'abord à la fin du livre précédent, des actions faites par Gérald, après s'être consacré au « culte du service divin ». — Il voulait embrasser la vie religieuse, mais un évêque de ses amis lui conseilla, dans l'intérêt de ses sujets, de rester dans le monde au moins pour la forme.
Gérald chercha cependant à réaliser ses vues, autant que cela pouvait se faire sans se trahir. Il coupa sa barbe et se fit une espèce de tonsure qu'il cacha sous des boucles de cheveux. II chercha, même dans ses vêtements, à se rapprocher autant que faire se pouvait de la vie monastique. Quand il montait à cheval, il faisait porter le glaive devant lui afin de n'avoir pas à le toucher. Il avait adopté ce changement dans son genre de vie, lorsqu'il fit le voyage de Rome pour donner ses biens (praedia) au Saint-Siège, ou plutôt pour fonder le monastère d'Aurillac (c. iv), qui fut soumis directement au pape.
Mais le monastère une fois bâti au prix d'immenses difficultés, il fallut le peupler de religieux, et c'est là ce qui causait le plus de soucis à Gérald : à cet effet, il fit élever un certain nombre d'enfants nobles dans un autre monastère ; mais cette bonne intention ne fut pas couronnée de succès, car ces jeunes gens, n'ayant pas de maîtres, revinrent trop tôt, et l'indiscipline se mit parmi eux (c. vi). — Odon raconte ensuite dans ce livre les miracles de Gérald, ceux notamment qu'il opéra, malgré lui, par la vertu de l'eau dans laquelle il s'était lavé, miracles qu'il prit longtemps lui-même pour des illusions (c. x) et auxquels il refusa de croire, ne voulant pas même que les autres y crussent jusqu'à ce qu'enfin, à ce qu'il paraît, il se laissa éblouir par les croyants.
St-Géraud d`Aurignac dans le sud de la France - L'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac est une ancienne abbayes bénédictines qui a été le modèle de celle de Cluny. Elle a été fondée avant 885 en Auvergne (actuel département du Cantal) par le comte Géraud d'Aurillac
L'auteur parle ensuite en détail des pèlerinages du saint à Rome, dont il avait déjà dit un mot dans le premier livre. Gérald ne s'est pas rendu moins de sept fois dans la Ville Éternelle, accompagné de toute une suite de clercs et avec une grande pompe (c. xvi sq.). Chaque fois il signalait son passage par de riches présents qu'il faisait, surtout aux monastères et aux pauvres. C'est ainsi qu'il devint absolument populaire en Italie.
Le troisième livre est consacré à la fin de la carrière du saint, qui devint aveugle pendant les sept dernières années de sa vie. Parmi ses dispositions suprêmes, il faut remarquer sur tout la mise en liberté de cent serfs; auparavant, il en avait émancipé un grand nombre ; mais plusieurs d'entre eux n'avaient pas voulu de la liberté qu'il leur offrait (c. iv). Gérald fut enseveli à Aurillac. Le quatrième livre enfin est encore plus court que le précédent : l'auteur nous y fait le récit des miracles opérés par les reliques du saint.
Fin
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Re: La littérature chrétienne au Moyen-Âge – Anglo-Saxonne – Allemagne – France (extraits et images)
Que de merveilleux exemples de... politique Chrétienne !
Aujourd'hui, la République mène une politique laïque, pour ne pas dire athée, favorisant même parfois des influences religieuses directement hostile au Catholicisme. Jusqu'à l'Eglise qui est entrée en crise : ce que l'on voit aujourd'hui n'en est que l'accentuation de évènements prophétisées à La Salette et dans les révélations reçues par Anne-catherine Emmrich. Il ne faudrait en cas entrer en confusion -modernistes, tarditionaistles, sédévancantistes- et demeurer dans LA VOIE BLANCHE : partique de l'EUCHARISITIE pour rester en communion avec le Divin, culte marial -Marie est l'intercétrice de Son Divin Fils- à travers la paratique du ROSAIRE comme demmendé à fatima, et union au SAINT-PERE, ce même si on ne comprend pas toujours le sens de certaines de ses paroles, une épreuve de Foi nous étant ici imposée et notre devoir étant avant de prier pour le Saint Père et l'Eglise qui est en crise.
Si l'on a la Foi, on peut rester confiant en le fait qu'un jour, nos prières feront revenir l'Eglise de son modernisme et de son libéralisme.
Un nouveau Constantin, menant UNE POLITIQUE CATHOLIQUE, ne serait pas de trops. La tradition Royale Française fait du Roi un Consatin hérédiatire, le Lieutenant du Christ, LE FILS AINE DE L'EGLISE : le Bon Roi saint-Dagobert II (l'ultime Mérovingiens), Charlemagne (le III° Carolingien) et Saint-Louis (le IX° Capétien) nous ont laissé l'exemple de grand Rois Très Chrétiens, et des Louis XII et autre Bons Rois Henri IV ont repris leur exemples. C'est depuis les fausses lumières ont assis la République qui est se présente comme laïque -entendez athèe- que la Chrétienté recule et que la civilisation se trouve en danger.
Spécialiste en communication politique converti garce à N.S. Jésus-Christ, j'ai entrepris avec l'autorisation de Rémy d'écrire sur le forun de l'Arche de Marie des articles sur le Royalisme, dans le respect de la charte de ce forum et des les rubriques GRAND MONARQUE, POLITIQUE ET NOUVELLES DU MONDE -sous-rubrique "Le retour du Royalisme en France et ailleurs"- et LA FRANCE, ce pour promouvoir une politique Royaliste.
-Avant d'être Royaliste, je suis Catholique et Français; je dirai même que JE ne SUIS ROYALISTE que PARCE QUE JE SUIS CATHOLIQUE ET FRANCAIS ! répondit le Comte Maurice d'Andigné, général Vendéen à Bonaparte lui reprochant d'être Royaliste parce qu'Aristocrate. La réponse Franche du chef Contrerévolutionnaire interpella Bonaparte, qui se résolu à rétablir le Concordat.
Cofiant en la Divine Providence, gardons la certitude du Salut miraculeux de la France par un Grand Monarque Promis et Annoncé par de nombreuses prophéties, un certain HENRI V DE LA CROIX (comme il y eu un Philippe VI de Valois)...
Aujourd'hui, la République mène une politique laïque, pour ne pas dire athée, favorisant même parfois des influences religieuses directement hostile au Catholicisme. Jusqu'à l'Eglise qui est entrée en crise : ce que l'on voit aujourd'hui n'en est que l'accentuation de évènements prophétisées à La Salette et dans les révélations reçues par Anne-catherine Emmrich. Il ne faudrait en cas entrer en confusion -modernistes, tarditionaistles, sédévancantistes- et demeurer dans LA VOIE BLANCHE : partique de l'EUCHARISITIE pour rester en communion avec le Divin, culte marial -Marie est l'intercétrice de Son Divin Fils- à travers la paratique du ROSAIRE comme demmendé à fatima, et union au SAINT-PERE, ce même si on ne comprend pas toujours le sens de certaines de ses paroles, une épreuve de Foi nous étant ici imposée et notre devoir étant avant de prier pour le Saint Père et l'Eglise qui est en crise.
Si l'on a la Foi, on peut rester confiant en le fait qu'un jour, nos prières feront revenir l'Eglise de son modernisme et de son libéralisme.
Un nouveau Constantin, menant UNE POLITIQUE CATHOLIQUE, ne serait pas de trops. La tradition Royale Française fait du Roi un Consatin hérédiatire, le Lieutenant du Christ, LE FILS AINE DE L'EGLISE : le Bon Roi saint-Dagobert II (l'ultime Mérovingiens), Charlemagne (le III° Carolingien) et Saint-Louis (le IX° Capétien) nous ont laissé l'exemple de grand Rois Très Chrétiens, et des Louis XII et autre Bons Rois Henri IV ont repris leur exemples. C'est depuis les fausses lumières ont assis la République qui est se présente comme laïque -entendez athèe- que la Chrétienté recule et que la civilisation se trouve en danger.
Spécialiste en communication politique converti garce à N.S. Jésus-Christ, j'ai entrepris avec l'autorisation de Rémy d'écrire sur le forun de l'Arche de Marie des articles sur le Royalisme, dans le respect de la charte de ce forum et des les rubriques GRAND MONARQUE, POLITIQUE ET NOUVELLES DU MONDE -sous-rubrique "Le retour du Royalisme en France et ailleurs"- et LA FRANCE, ce pour promouvoir une politique Royaliste.
-Avant d'être Royaliste, je suis Catholique et Français; je dirai même que JE ne SUIS ROYALISTE que PARCE QUE JE SUIS CATHOLIQUE ET FRANCAIS ! répondit le Comte Maurice d'Andigné, général Vendéen à Bonaparte lui reprochant d'être Royaliste parce qu'Aristocrate. La réponse Franche du chef Contrerévolutionnaire interpella Bonaparte, qui se résolu à rétablir le Concordat.
Cofiant en la Divine Providence, gardons la certitude du Salut miraculeux de la France par un Grand Monarque Promis et Annoncé par de nombreuses prophéties, un certain HENRI V DE LA CROIX (comme il y eu un Philippe VI de Valois)...
Hervé J. VOLTO- Date d'inscription : 19/12/2016
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