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SAINTE CLOTILDE, REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE

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SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE Empty SAINTE CLOTILDE, REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE

Message par MichelT Dim 6 Oct 2019 - 16:48

SAINTE CLOTILDE ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA NATION ET MONARCHIE FRANÇAISES

Par le R. P. Fr. GAY – France – 19 eme siècle (Extraits)

Comment Dieu a fait de la France une nation chrétienne et catholique

Note: En Gaule, les Romains ne contrôlent plus que la région située entre la Somme et la Loire. Sous la houlette de Syagrius, le fils d`Aegidius, qui a succédé au comte Paul, ce « Royaume des Romains» se comporte dans les faits comme une principauté indépendante. Soissons lui tient lieu de capitale. Il survit grâce a l`alliance des Francs-Saliens. Au nord de la Somme et jusqu`au Rhin, la région, dominée par des forêts souvent impénétrables, est tout entière entre leurs mains. Installant leurs villages de bois près des ruines des anciennes villae romaines, ils s`emparent des terres. source: Les derniers jours de l`empire romain d`Occident - Michel De Jaeghere - page 558


SOMMAIRE.

Le territoire et les peuples de la Gaule. — Les Francs. — Le paganisme et l'arianisme en présence du Christianisme. — Le triomphe des Francs— Les fils ainés de l'Église.

La Gaule, après avoir appartenu aux peuples divers et presque tous nomades , qui l'avaient envahie pour s'y implanter ou passer à d'autres régions, après avoir subi longtemps le joug de la conquête romaine, en pressentait la chute et se voyait à la veille d'appartenir à de nouveaux maîtres. Au cinquième siècle, ( vers l`an 480 Ap J.C.) cinq peuples occupent le territoire de la Gaule. Les Goths, descendants des Gêtes et des Cimbres, étaient venus de la Suède, de la Norvège, de la Laponie et des bords de la mer Baltique. Ces hordes formaient deux branches, les Goths de l'Orient, nommés Visigoths, et ceux de l'Occident, nommés Ostrogoths. Depuis l'an 215, ils n'avaient cessé d'inquiéter l'empire romain. Devenus chrétiens après leur défaite, sous l`empereur romain chrétien Constantin, au lieu de conserver ce qui faisait la force morale de la nouvelle société romaine , c'est-à-dire l'orthodoxie ils se laissèrent bientôt séduire par l'arianisme. Mais ce fut le germe de leur ruine.  Ils exercèrent bientôt contre le catholicisme la plus dure persécution.( Note : l`Arianisme est une hérésie chrétienne, une fausse doctrine enseignée par Arius et venue d`Alexandrie en Égypte.)

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La Gaule (France) vers l`an 480 Ap J.C., après la chute de l`empire romain d`occident. Les tribus barbares germaniques se sont séparés les territoires  de l`ancienne province romaine.

Ceux qui se trouvaient en Gaule occupaient les régions situées entre la rive droite du Rhône, la Loire, l'Océan et les Pyrénées; leurs rois résidaient à Toulouse. Les Bourguignons ou Burgondes avaient pour limites , dans leurs possessions, la rive gauche du Rhône , les Alpes et les Vosges. Ces peuples étaient aussi une fraction de ces essaims de Barbares qui s'étaient jetés sur les provinces de l'empire romain. Après de nombreux efforts, ayant pénétré dans les montagnes de la Savoie, ils se fixèrent à Vienne , en Dauphiné, d'où ils s'étendirent à Dijon et dans le pays qu'on a depuis appelé Bourgogne. Ils s'établirent définitivement en Gaule , de l'an 406 à l'an 413 Ap J.C.. Lyon devint le centre de leur domination. Ils étaient aussi descendus jusqu'à Marseille, qu'ils avaient enlevée aux Ostrogoths.

Les Bourguignons, comme le fait remarquer Grégoire de Tours, étaient ariens (une hérésie chrétienne), ainsi que les Goths dont nous venons de parler. L'Armorique (Bretagne actuelle) était occupée par les Kymris, venus de la Grande-Bretagne, d'où les Saxons les avaient expulsés ; ils établirent peu de rapports avec les autres régions de la Gaule ; ils affectèrent même , à leur égard , un isolement qui dura plusieurs siècles et malgré la conquête. Une autre colonie de Bretons, formée par les descendants d'un corps de troupes que le tyran Maxime avait levé dans l'île de Bretagne et conduit dans les Gaules, occupait, depuis cette époque , les cités et anciens diocèses de Saint-Malo , de Vannes et de Cornouailles : l'établissement de ces Bretons fut maintenu ; ils vivaient sous leurs propres chefs, à la condition de fournir des troupes aux empereurs.

Les Romains ou Gallo-Romains, disséminés à travers la Gaule , possédaient cependant quelques lambeaux de territoire, qui se rétrécissaient sans cesse, entre la Seine, l'Oise et la Loire ; mais tout faisait pressentir que ces possessions ne tarderaient pas à leur être ravies , car les envahisseurs approchaient. Enfin , à l'entrée de la Gaule , du côté du Nord et de l'Ouest, entre la Meuse et l'Escaut, et comme d'un point où ils vont prendre leur essor, paraissent les Francs. Les mœurs de ce peuple prédestiné semblent peu participer aux mœurs des autres Barbares ; tout annonce , au contraire , dans leur caractère et leur physionomie , qu'ils sont faits pour le Christianisme qui les attend.

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Présence des Églises en France a l`époque des invasions barbares - Les gallo-romains sont catholiques - Les Wisigoths et les Burgondes sont ariens - une hérésie chrétienne qui persécute les catholiques, les Francs sont encore païens adorant les idoles.

De l'an 481 à l'an 500 Ap J.C., ils s'avanceront dans le nord de la Gaule, et s'établiront entre le Rhin , l'Escaut et la Loire (non compris la Bretagne et la partie occidentale de la Normandie), et Clovis aura pour capitales Soissons et Paris. Il était nécessaire, avant de raconter la lutte qui se prépare , entre le paganisme puis l'hérésie et le Christianisme, d'indiquer le champ de bataille et les combattants. La victoire remportée par les soldats du Christ , n'en paraîtra que plus miraculeuse. Le paganisme, vaincu à Rome et dans une partie de l'Italie, régnait encore dans les autres pays soumis à l'empire. Les chrétiens, répandus çà et là, se développaient avec assez de liberté; mais le Christianisme n'était point encore accepté comme institution indépendante.

La vieille idolâtrie intimement unie à l'autorité romaine, en partageait encore les honneurs ; mais elle ne devait pas tarder de crouler avec elle! Il semble cependant que le Christianisme ne pourra immédiatement succéder au paganisme, et que les œuvres qu'il crée partout où il règne, que l'influence qu'il exerce sur les mœurs, ne pourront, avant longtemps, se développer librement. N'avons-nous pas vu que les Goths et les Bourguignons, chrétiens un jour, et maintenant ariens, se sont faits les persécuteurs de la foi , et ont tout intérêt à empêcher l'action du Christianisme chez eux et chez les peuples voisins? A quelle ressource le Christianisme aura-t-il donc recours? A la main de Dieu, à la force de la Providence qui conduit toute chose et renverse tous les obstacles. Aussi , plus ces obstacles seront grands, plus les impossibilités surgiront nombreuses , plus sa puissance se manifestera.

La Gaule est païenne avec les Romains, arienne avec les Bourguignons et les Goths ; que sera-t-elle par les Francs? Jusque-là les Francs , peuple peu connu , ont été regardés comme des guerriers courageux , il est vrai ; mais dépourvus d'une constitution sérieuse , obéissant capricieusement à des chefs électifs , n'ayant pas de but arrêté dans leurs invasions et leurs conquêtes. Ce peuple , d'ailleurs, adore les idoles, et son culte est accompagné de toutes les horreurs de la barbarie.

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Les tribus germaniques

Va-t-il, dans son contact avec les Gallo-Romains , accepter la religion de l'empire? Mais qu'a-t-il fait jusqu'à ce jour pour les peuples vaincus , ce paganisme de l'empire? Il a bâti des temples chez les Germains, mais les dieux qu'il y a installés ne valent pas mieux que ceux du nord ; ils inspirent moins de foi , et par conséquent moins de vertu.  Les Barbares lui ont apporté des vertus viriles, mais il ne leur a donné en échange que des vices abjects. Si les Francs acceptent le paganisme des Romains, ils sont frappés par un trait meurtrier, et ils succombent. S'ils échappent cependant au paganisme , sera-ce pour aller se jeter entre les bras de l'arianisme; mais ici le même sort les attend. Les Francs , devenus ariens, perdent la sève énergique qui les pousse aux grandes entreprises ; ils se font les persécuteurs du Christianisme , et les courtisans de cette cour de Byzance (empire romain d`orient) qui voudrait l'étouffer.  Le paganisme et l'arianisme , c'est pourtant l'alternative qui les attend , si Dieu ne vient à leur aide , et n'en fait des chrétiens. Mais , qui leur fera connaître la religion chrétienne et leur dira : Voici la source de votre puissance et de votre gloire? La Providence, qui veut faire des Francs les fils aînés de l'Église.

Le monde va assister au dénouement du drame le plus inattendu : la chute de l'empire , la défaite de l'arianisme et la disparition des Barbares. Les panégyristes des empereurs romains ne se sont pas lassés de vanter ces expéditions à la suite desquelles les places publiques de Trêves et de Cologne étaient encombrées de captifs; ils aimaient à montrer ces troupes de Francs, d'Allemands, de Saxons entassés sous les portiques, les hommes frémissant de leur impuissance, les femmes reprochant à leurs époux et à leurs fils les chaînes qu'elles portent ; les familles entières adjugées aux Gaulois désœuvrés, et qui les envoient défricher leurs champs en friches. Mais cette oppression ne devait pas durer longtemps. L'absorption romaine a tout englouti , mais l'heure de la justice a sonné. Au milieu du silence, l'empire romain agonisant entend un bruit qui vient des forêts du nord ; c'est un peuple qui s'avance, fier, courageux. Il va courber un instant son front sous la main du Christianisme, pour se relever et renverser l'empire vermoulu ; pour prendre sa place et répandre au loin les bienfaits de l'enseignement et de l'émancipation chrétienne.

L'arianisme (hérésie chrétienne) aura le même sort. Toutes les nations germaniques avaient été entraînées vers cette hérésie , et au même moment avaient été empoisonnées par elle; la chute des Goths, des Vandales, des Hérules, des Alains, des Suèves, des Gépides , date de ce moment ; pour eux, s'était réalisée cette maxime de l'Écriture : « Tout arbre que mon Père n'a pas planté, sera déraciné. » Les Francs au contraire, lutteront contre les séductions de l'arianisme, et triompheront, par les armes, des peuples qui voudraient le lui imposer ; et Clovis, chassant devant lui les peuplades ariennes, assurera en Occident , le triomphe de la foi.

Les Francs vainqueurs de l'arianisme, nous révèlent déjà ces Français qui, depuis douze siècles, ont conservé leur foi intacte , et sont restés , malgré tout , un peuple éminemment catholique. Les Francs chrétiens , vainqueurs du paganisme de l'empire et de l'hérésie arienne , devaient encore repousser au loin et arrêter les invasions des Barbares. Fils de l'Église, ils vont se faire les propagateurs de sa mission, et les champions de son indépendance.

La mission de l'Église en ce monde est de sauvegarder la justice et le droit ; elle est mère, et sa mission est de protéger ses enfants. Or, à cette époque , pour la remplir avec succès , elle avait besoin de soldats, afin de lutter contre les Barbares qui , suivant la trace de leurs devanciers, descendaient du Nord et se dirigeaient vers les fertiles contrées où tant d'autres étaient venus s'implanter, s'imaginant que l'empire pouvait toujours être vaincu. Comme l'Empire n'est plus, et que l'Église lui a succédé, c'est l'Église qu'ils vont attaquer. Voilà les deux forces en présence : « les Barbares et l'Église ; les Barbares pour perdre, et l'Église pour sauver. »

Cependant l'Église ne peut combattre. Quelle épée combattra pour elle? quel peuple fort, invincible , sera placé aux frontières, et empêchera l'envahissement du flot qui monte, comme le flot de l'Océan ? Ce sont les Francs , ces défenseurs nés de la civilisation chrétienne... Soutenus par Dieu, ils auront la gloire de « fermer l'accès de la Gaule à tous les autres Barbares, et, à l'intérieur, d'assurer l'unité catholique, en chassant, sans persécution ouverte, l'hétérodoxie. » La Providence a donc des desseins magnifiques sur les Francs : elle va commencer à les réaliser, en les faisant chrétiens. Un événement solennel et miraculeux préparera leur conversion , et, insensiblement, elle s'opérera. Sa sagesse n'est point en défaut, elle a tout prévu; « l'Église avait des évêques à toutes les portes de l'Empire, et des prêtres sur les chemins de tous les Barbares. Ses basiliques étaient ouvertes , ses baptistères préparés , elle n'avait plus qu'à attendre que les chefs lui amenassent leur peuple. » Voici venir Clovis, le futur roi des Francs, l'élu de la Providence ; il va asseoir sa souveraineté sur la foi , et fonder la première monarchie chrétienne. Tandis qu'au cœur de l'arianisme , une jeune fille , une orpheline , mais une chrétienne , grandit dans l'ombre d'un palais , pour être unie un jour au sicambre , et le conduire doucement au catholicisme.

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Sainte Clotilde – reine de la tribu des Francs  (474 à 545 Ap J.C.)

Clotilde est entre les mains de Dieu; c'est sur elle que repose l'espoir de l'Église et de la France. En présence des événements qui se préparent, on ne peut qu'admirer la puissance et la bonté du Seigneur, et lui adresser la prière que lui adressait la France , dès les premiers siècles : « 0 Dieu tout-puissant et éternel , qui avez établi l'empire des Francs pour être par le monde l'instrument de votre très-divine volonté , le glaive et le boulevard de votre sainte Église : nous vous en prions, prévenez toujours et en tout lieu , de la céleste lumière , les fils suppliants des Francs, afin qu'ils voient toujours efficacement ce qu'il faut faire pour votre règne en ce monde, et que, pour faire ainsi qu'ils auront vu, ils soient jusqu'à la fin, fortifiés de charité et de courage. »


CHAPITRE II.

CLOVIS, SAINT REMI, SAINTE CLOTILDE.

SOMMAIRE.

Les prédécesseurs de Clovis. — Le génie de Clovis. — Défaite de Syagrius. — Saint Remi et Clovis. — Histoire de saint Remi. — Le vase de Soissons. — L'enfance de sainte Clotilde; sa mère et sa soeur. — La mission d'Aurélien en Bourgogne. — Fuite de sainte Clotilde. — Calomnie de l'histoire. — Soissons. — Les vertus de l'épouse chrétienne.

Les chefs qui précédèrent Clovis parmi les Francs n'eurent probablement point le titre de Roi, et ne furent que les chefs militaires d'un peuple guerrier; la monarchie française commence avec Clovis . L'histoire a cependant conservé les noms de quelques-uns de ces chefs ; ce sont Pharamond, Clodion Mérovée et Childéric. Toutefois une grande obscurité entoure leur personne et leur histoire , ils sont aussi peu connus que les Francs eux-mêmes ; les Barbares ne savaient pas garder le souvenir du passé. L'époque historique pour les Francs date de leur conversion au Christianisme: c'était une conséquence naturelle des lumières que la foi leur apportait. Cependant nous savons que Childéric, fils et successeur de Mérovée , ne respecta pas toujours sa dignité. Dissolu et despote, il fit odieusement sentir la double tyrannie de ces vices, sur son peuple ; mais les Francs bientôt lassés, le chassèrent, pour se ranger sous l'autorité romaine d'Egidius chef de la milice, qui n'était peut-être pas étranger à cette expulsion.

C'était là un événement qui pouvait avoir les plus graves résultats. Si Rome, dans la personne de ses généraux, eut conservé longtemps cette souveraineté, il est certain que les Francs en auraient subi l'habitude et l'humiliation , et qu'ils y auraient perdu l'énergie et la dignité de leur caractère ; ce résultat eut été, il est vrai, une prolongation de vie pour la puissance Gallo-Romaine , mais il eut anéanti le principe régénérateur que la Providence se proposait d'utiliser pour l'avenir de son peuple.  Heureusement, Dieu veillait sur lui. Childéric retiré en Thuringe, n'oublia pas sa souveraineté perdue. Des relations constantes le rattachaient au passé, et lui donnaient des espérances pour l'avenir. On raconte qu'un ami, du nom de Viomade , qui lui était demeuré fidèle, malgré sa mauvaise fortune, étudiait avec intelligence les dispositions du peuple, et que, saisissant quelques regrets dont Childéric était l'objet, ou peut-être un commencement d'antipathie pour Egidius , il lui envoya la moitié d'une pièce d'or : c'était là un signe convenu. Childéric le comprit, et revint parmi les Francs (463), qui se déclarèrent de nouveau ses sujets. Quant à Egidius, il prit la fuite à son approche, et laissa la ville de Cologne en son pouvoir.

Le passage de Childéric en Thuringe prépara son union avec la reine Basine, qui abandonna son pays, pour venir habiter avec lui, parce qu'elle l'avait trouvé digne d'estime et d'admiration. Clovis, naquit de cette union, et l'Occident, à sa naissance , reçut un gage de régénération physique et morale. Clovis ne devait-il pas contribuer, en effet , au triomphe de l'Église , par son exemple et même par ses vertus? Childéric mourut à Tournai, capitale des Francs-Saliens. A peine a-t-il cessé de vivre, que déjà son fils se révèle. Disposé par l'éducation guerrière de sa tribu et par l'ardeur de sa nature, Clovis, jeune encore, sentait le besoin de conquérir; le domaine qui lui était échu paraissait trop étroit à son ambition , et il comprenait que ce serait faire grandir sa souveraineté , que de l'entourer de l'éclat que donnent les victoires; peut-être même son intelligence vive et profonde, avait-elle compris qu'il pourrait se créer un royaume plus grand , avec les débris de l'empire affaibli, et aux dépens des peuples barbares ses voisins. Cependant l'entreprise était périlleuse. Clovis n'avait qu'un petit nombre de soldats; or, il s'agissait de vaincre les légions romaines. Il est vrai, ces légions, vieillies et avides de repos, n'étaient plus que l'ombre d'elles-mêmes, et n'effrayaient plus que par le souvenir de leurs conquêtes.

Clovis en jugea parfaitement : sans hésiter plus longtemps, il s'avance du côté de Soissons (en 486 ap J.C.) habité par Syagrius, que les chroniques appellent roi des Romains. La bataille est engagée. Le choc des Francs fut si terrible, que les légions ne purent lui résister, elles s'enfuirent bientôt en déroute : le courage et l'habileté de Clovis, secondés par de valeureux soldats, avaient remporté la victoire.

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Les guerriers francs de Clovis remporte une victoire contre les troupes romaines à Soissons en 486 Ap J.C. prenant de l`expansion dans les territoires des gallo-romains

Syagrius vaincu se réfugia à Toulouse chez les Visigoths, où l'implacable politique du vainqueur alla le frapper sans pitié. Clovis, le chef barbare, obéissait aux instincts de sa nature, et se conformait aux moeurs de l'époque. La foi seule réussira à dompter quelque temps cette nature et ces moeurs, mais sans réussir complètement. Il est probable que , dans cette expédition , saint Remi évêque de Reims, fut le médiateur chargé de présenter au vainqueur la soumission de cette ville qu'il voulait assiéger. Cette entrevue forma, entre ces deux personnages, des relations que nous devons regarder comme providentielles. Clovis avait vingt ans ; il portait déjà sur son front et dans ses allures les signes du génie et de la puissance. Saint Remi l'admira et sentit son coeur s'incliner vers lui; le jeune prince , de son côté , fut dominé par la sainteté et la noblesse du prélat, et lui voua un respect et une affection qui ne se démentirent jamais.

Saint Rémi - Remigius

Saint Remi a rempli une trop grande et trop belle mission vis-à-vis de Clovis et des Francs, sa vie est trop intimement liée aux traits de notre histoire , pour ne pas interrompre un instant notre récit, et nous arrêter en sa présence. Il naquit en 436; Émilius, son père, était comte de Laon; sa mère, nommée Célinia, appartenait aussi à une noble famille de la Gaule. Sa naissance, qui n'était plus espérée, fut annoncée par un solitaire aveugle, nommé Montan. Il avait été averti en songe que le fils qui naîtrait de Célinia mettrait fin aux maux de l'Église, et gagnerait , par son zèle, les Francs à l'Évangile; du reste, il est probable que le nom de Remi qu'on lui donna, exprimait les espérances qu'inspirait sa naissance. L'enfant, entouré des soins les plus intelligents, révéla par son aptitude et sa piété , ce qu'il serait un jour. La suite de sa vie n'en démentit pas les commencements : il vécut comme un saint , et se montra éloquent par la parole et plein d'aménité par le caractère.

Remi manifestait une disposition qui se rencontre dans les âmes fortement trempées : il fuyait les sociétés bruyantes et cherchait la solitude. Là, dit un de ses historiens, à l'exemple du divin Précurseur, il redoubla ses jeûnes, ses veilles, et ses prières; joignant à l`innocence d'un ange l'austérité des pénitents les plus mortifiés. L'évêque de Reims, Bermade , venait de mourir. Pendant que le clergé et le peuple délibéraient sur le choix de son successeur, le nom de Remi est prononcé par une voix isolée, puis universellement acclamé. Bientôt on se porte en foule vers sa solitude pour lui annoncer le choix qui vient d'être fait. Le jeune homme s'effraie (il n'avait encore que vingt-deux ans), il objecte et son incapacité et son âge, lorsqu'une lumière céleste parait sur son front et une huile parfumée se répand sur sa tête. Le Ciel avait ratifié le choix du clergé et du peuple ; bientôt les évêques de la province le confirmèrent à leur tour, et peu de temps après, Remi vaincu par le signe miraculeux dont il avait été l'objet, prenait possession du siège le plus considérable des Gaules.

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St-Rémi (St-Remigius) – Évêque de Reims (437 à 533 Ap J.C.)

Le jeune prélat déploya des qualités si grandes dans ses nouvelles fonctions , qu'il semblait les avoir remplies déjà depuis longtemps. Il ne tarda pas à grandir dans l'estime publique, il devint même l'âme de toutes les grandes œuvres et exerça sur le peuple un ascendant qui triomphait de tous les obstacles. Du reste , cet ascendant s'explique par la distinction de sa personne, l'élévation de son esprit et la sainteté de sa vie. Sa taille était haute, mais sans disproportion; son visage était d'une remarquable beauté, sa démarche imposante et ses manières pleines de noblesse et de simplicité ; en sorte que la bienveillance de son extérieur, en tempérait doucement la majesté, et que jamais le pontife ne faisait oublier le père . Sa parole puissante coulait tour à tour comme un fleuve majestueux, ou grondait comme la foudre; elle pénétrait dans tous les cœurs et exerçait fréquemment cette magnétique influence que l'on signale comme un triomphe chez tous les grands orateurs.

Ses écrits révélaient cette immense connaissance des lettres divines et humaines, ce regard sûr et profond, cette élévation de pensées et de sentiments, cette physionomie calme et gracieuse, que possèdent seuls les chrétiens. Ces trésors intellectuels n'ont pas survécu à l'injure du temps et aux destructions de la barbarie ; c'est un malheur pour les lettres, s'il faut en croire le jugement qu'en porte Sidoine Apollinaire, qui, dans une épître d'un style un peu recherché peut-être, félicite saint Remi de ses qualités d'écrivain.

Tant d'élévation et d'oeuvres accomplies rendirent le nom de Remi illustre. Il attirait, dit Plodoart, les regards et l'admiration de tous, comme une cité bâtie sur une montagne; mais son âme ne perdait jamais cette égalité et cette modestie qui sont les gardiennes des vertus. Il se regardait comme un pécheur dont le Seigneur se servait pour faire éclater davantage sa puissance par la faiblesse de l'instrument qu'il employait. Ces traits ne révèlent-ils pas l'un de ces saints qui font la joie du ciel et l'admiration de la terre? Aussi raconte-t-on que rien ne résistait à la puissance de sa vertu , pas même les animaux féroces que l'on vit plusieurs fois s'adoucir en sa présence. Sa charité pour l'indigence était extrême : la tradition dit que , dans ses promenades quotidiennes , il était accompagné de deux clercs dont il faisait ses auxiliaires ; l'un portait une bourse , trésor de ses aumônes matérielles, l'autre portait le livre des saintes Écritures, trésor spirituel où il puisait les enseignements divins que réclamaient les âmes.

Que dire des miracles qu'il opéra? Ce sont deux époux : Rogatien et Euphrasie, qu'il retire du paganisme. C'est un aveugle qu'il guérit, c'est un malade qui lui demande le dernier sacrement, et pour lequel l'huile sainte est apportée du ciel. C'est l'incendie de Reims qu'il chasse par le signe de la croix et l'invocation du Christ. C'est enfin la fille d'un seigneur de Toulouse, courtisan d'Alaric , qu'il délivra du démon et qu'il rappela à la vie. Pendant le souverain pontificat d'Hormidas, en 514 Ap J.C., saint Remi assembla un concile à Reims , pour condamner un évêque arien. L'hérétique se préparait à répondre aux accusations dont il était l'objet , quand l'ombre seule du saint pontife arrêta l'audacieux, et l'empêcha de parler.

« Saint Remi, dit un grand historien fut un homme de mœurs pures et éclairé des lumières de l'Esprit-Saint. C'est lui qui retira des ténèbres du paganisme et de la superstition le noble peuple Franc et son illustre roi , et leur enseigna les vérités évangéliques. C'est lui qui forma ce roi destiné à immortaliser son peuple en lui donnant la religion chrétienne et en favorisant son expansion dans son royaume. » Tel était l'évêque que la Providence avait placé à Reims, au centre des possessions de Clovis. Le rapprochement de ces deux grands personnages, devait opérer des prodiges; et l'on peut dire que tout l'avenir chrétien de la France, repose sur Clovis, sainte Clotilde, et saint Remi.

Dans son expédition contre Syagrius, Clovis qui savait toute l'influence qu'exerçaient le savoir et la sainteté de l'évêque de Reims , respecta cette ville , à sa prière , ainsi que nous l'avons dit. Cette circonstance resserra les liens affectueux qui unissaient le chef des Francs aux évêques catholiques. Cependant, soit ignorance des volontés de leur chef, soit besoin de pillage , une horde de Francs se porta sur la ville épargnée, opéra quelques désastres, et dépouilla même des églises. Dans le butin, ravi par les vainqueurs, se trouvait un vase précieux à l'usage des autels. L'évêque attristé de s'en voir dépossédé, songea à le recouvrer, en s'adressant à Clovis lui-même; il ne pouvait ignorer la droiture du jeune chef, et il comptait sur elle, ou bien il obéissait à une impulsion de la Providence. Les moindres choses ont, entre les mains de Dieu, une influence considérable; et l'on est souvent étonné de voir des œuvres immenses naître d'une circonstance presque insignifiante.

L'évêque de Reims envoie donc un de ses clercs auprès de Clovis, pour lui demander le vase enlevé auquel il mettait un si grand prix. Clovis accueille cette demande avec bienveillance, et répond à l'envoyé que le partage du butin devant avoir lieu à Soissons , il l'engage à l'y accompagner. Quand le moment du partage fut venu, indiquant à ses soldats le vase précieux : — Voulez-vous, leur dit Clovis, m'abandonner cet objet, en l'ajoutant à la part qui m'est due? — Nous le voulons , s'écrient les Francs. — Et moi je m'y oppose, reprit avec colère un soldat ; Tu ne recevras de ces dépouilles que la part du sort, et prononçant ces mots, il frappa la coupe et l'endommagea.

Cette opposition brutale n'eut pas d'autre suite. Clovis ramassa le vase précieux, et l'envoya au pontife, réservant sa vengeance pour un autre jour. Un an après , Clovis visitant ses troupes sur le champ de Mars, rencontra le soldat qui l'avait insulté à Soissons; sentant à son aspect s'éveiller sa colère : — D'où vient , lui dit-il , que tes armes sont ainsi négligées ? — Puis , saisissant sa hache, qu'il trouvait eu mauvais état, il la jette parterre. Le soldat humilié, s'inclinait pour la ramasser, quand Clovis, soulevant sa francisque avec rapidité, la plonge dans la tête du malheureux, en disant : C`est ainsi que tu frappas le vase de Soissons. Clovis se peint dans les deux actes de ce drame ; d'abord son âme généreuse n'hésite pas à satisfaire les désirs du pontife qui le supplie; mais sa nature barbare, c'est-à-dire vindicative, éclate ensuite par un trait sanglant. Quel miracle il faudra pour changer ce lion en brebis; et combien sa conversion fera éclater la puissance de la grâce!..

Clotilde

L'instrument de la miséricorde divine grandit dans l'ombre : c'est la jeune Clotilde , que la Providence tient en réserve , jusqu'au jour où elle l'unira à Clovis. C'est au sein de l'arianisme que germe et fleurit cette fleur choisie, comme s'épanouit le lis au milieu des épines.

Clotilde (du germanique hlod, « gloire » et hild, « combat »), naquit en Bourgogne, ou peut-être à Lyon, et les commencements de sa vie furent remplis de douleurs et de larmes. Son aïeul Gondioch, roi de Bourgogne, succomba dans la fameuse bataille que livrèrent les peuples de la Gaule contre Attila , roi des Huns , qui la traversait comme un torrent. En mourant il laissa quatre fils : Gondebauld, Chilpéric , Gondemar et Gondegésile. Chilpéric et Gondemar s'étant ligués ensemble, attaquèrent Gondebauld et Gondegésile avec le secours des Alamans vendus à leurs intérêts; ils les vainquirent, et s'emparèrent de leurs états et de leurs richesses. Cependant Gondebauld , retiré en Italie, ne tarda pas, soutenu par l'empereur Glycérius, de reparaître en Gaule, de vaincre à son tour les usurpateurs et de reconquérir ses états. La vengeance qu'il exerça contre ses frères vaincus fut celle d'un barbare : il fit tuer Gondemar, Chilpéric et ses deux fils , jeta sa femme au fond des eaux, et retint captives ses deux filles . L'une d'elles se nommait Chrona : plus tard elle se consacra à Dieu dans la vie religieuse; et l'autre , du nom de Clotilde, devint reine des Francs.

La captivité des deux orphelines fut pleine d'amertume; mais elles trouvèrent la force et la consolation dans leur foi, car elles étaient catholiques. Ce bienfait leur venait
d'Agripine, leur mère, noble Gallo-Romaine, qui les avait élevées avec ce soin religieux , que l'on ne rencontre que chez les mères chrétiennes. Déjà utilisant l'amour de Chilpéric son époux, dans un esprit de charité, elle s'était efforcée de le rendre bienveillant pour ses frères dans la foi catholique ; et l'orthodoxie, grâce à son dévouement, avait eu peu à souffrir du prince arien. Qui sait si tant de vertus, chez cette sainte femme, ne méritèrent pas les bénédictions dont Chrona et Clotilde ses filles furent comblées? Il est permis, de le croire, car si par une influence, exercée avec modestie et avec zèle, elle a secouru les chrétiens en péril; si elle a protégé la foi dans le royaume de Bourgogne , rien n'empêche de croire que, pour la récompenser, Dieu ait préparé une magnifique mission à sa fille qui , reine aussi , conduira son époux au baptême, et avec lui le peuple Franc tout entier.

L'éducation qu'Agripine avait donnée à Clotilde, la rendit éminemment propre à l'accomplissement des desseins de Dieu; c'est ainsi que toute mère reçoit la récompense de son dévouement et de sa foi, quand elle dirige ses enfants dans les voies chrétiennes. La jeune Clotilde , qui avait toujours été docile aux leçons maternelles , prépara par les vertus de son enfance , celles de sa jeunesse. Il n'est pas douteux qu'elle n'ait donné à sa soeur tous les secours que réclamaient ses besoins et ses douleurs, aussi longtemps qu'elle vécut avec elle , afin de pratiquer tous les devoirs de la charité ; mais ce bonheur de s'aimer et de se secourir l'une l'autre au sein de leur exil, ne dura pas longtemps; leur oncle, Gondebauld, afin de venger sur elles ses défaites passées, les sépara sans pitié; elles ne trouvèrent alors de consolations que dans leur foi. C'est leur foi qui, à défaut d'un coeur et d'une main amis , vint sécher leurs larmes , leur donner le courage et la résignation. Elles furent aussi secrètement consolées et soutenues dans le monastère de Saint-Michel à Lyon , par les paroles et les exemples de Caréténé, mère de Gondebauld et leur aïeule, chrétienne courageuse qui n'avait point faibli dans sa foi, au milieu d'un peuple et d'une cour égarés par l'hérésie.

Comme surcroît d'épreuves, les deux orphelines eurent encore à subir les persécutions de la cour de Bourgogne livrée à l'arianisme, et qui voyait avec déplaisir qu'elles demeuraient inébranlables dans leur foi. C'est ainsi que ces deux héroïnes subirent quelques-uns des tourments des martyrs. Clotilde joignait à une grande pureté d'âme tous les charmes de son sexe; sa beauté était même si remarquable, qu'on en parlait au loin , et que Clovis, le chef des Francs, qui se trouvait par ses ambassadeurs en relation avec Gondebauld, en fut lui-même informé. La Providence voulut que ces dons périlleux, source de malheurs quelques fois , fussent pour Clovis le principe et la cause du bonheur véritable, puisqu'ils préparèrent sa conversion et celle des Francs.

Désireux de posséder une femme qu'on lui dépeignait si accomplie, et peut-être aussi pour servir des projets cachés, le Barbare conçut le projet de la demander en mariage. Dans ce dessein, il envoya son conseiller Aurélien (un gallo-romain chrétien) en Bourgogne, afin qu'il pût juger par lui-même des qualités de Clotilde, et sonder ses dispositions à son égard. Aurélien, arrivé en Bourgogne, ordonne à ses compagnons de se tenir à l'écart; puis, vêtu comme un mendiant, il va se placer à la porte d'une église, dans l'espoir de s'entretenir avec la jeune princesse. C'était un dimanche , et ce jour-là, Clotilde y était entrée pour prier. Aurélien, confondu parmi les pauvres , attendait sa sortie. La jeune fille parut bientôt sur le seuil et, selon sa coutume, distribua ses aumônes.

Parvenue auprès d'Aurélien , elle lui donnait comme aux autres une pièce d'or, quand saisissant sa main avec rapidité, Aurélien la baisa furtivement. Clotilde émue s'échappe au plus vite , et sans- tarder fait appeler le mendiant inconnu, et lui dit : D'où vient qu'au lieu de recevoir mon aumône, vous avez baisé ma main? — Mon maître, répondit Aurélien, le roi des Francs, qui connaît votre noblesse et vos vertus désire que vous deveniez son épouse; voici l'anneau et les autres présents qu'il vous offre, en témoignage de ses sentiments. Pendant qu'il parlait ainsi, l`ambassadeur cherchait du regard un sac qui renfermait les trésors dont il parlait et qu'il avait déposé à l'entrée du palais. Ne le trouvant pas, il commençait à se troubler; mais son trouble fut de courte durée, car, l'ayant découvert au bout de quelques instants , il put en retirer les présents elles offrira Clotilde, s'estimant heureux d'avoir si bien rempli sa mission.

La jeune fille, un instant interdite par cette demande inattendue , lui répondit cependant : «Mais ne savez-vous pas qu'une chrétienne ne peut avoir pour époux un adorateur des idoles?... Et pourtant, ajouta-t-elle, si les desseins de Dieu préparent cette union , et s'il veut faire de moi un instrument de conversion pour votre roi, je serai heureuse d'accomplir sa volonté ; partez maintenant avec la paix de Dieu.» Aurélien , ayant ainsi rempli son message , revint auprès de Clovis, lui apportant l'espérance de voir ses désirs se réaliser un jour. Quant à l'orpheline , elle comprit qu'elle ne devait point conserver l'anneau du chef des Francs, et le déposa dans le trésor de son oncle.

La scène que nous venons de raconter ne ressemble-t-elle pas à celle qui se passa jadis entre Éliézer, l'envoyé d'Abraham, et Rebecca? (Genèse 24,1) Nous observons, en effet, qu'Aurélien est secouru par Clotilde, comme Éliézer le fut par Rebecca; et que la récompense promise à la charité , se produit immédiatement pour l'une, comme elle s'était produite pour l'autre : car si l'épouse d'Isaac eut l'honneur d'entrer dans la famille du père des croyants, Clotilde, qui portait dans son âme les trésors de la foi, les communiqua à son époux et à son peuple, et, par elle, ils devinrent un grand roi et une grande nation.

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Dans l`Ancien Testament - Éliezer, intendant d`Abraham est envoyé en Chaldée pour trouver une femme convenable pour Isaac. Cette femme était Rebecca. (Genèse 24)

L'année suivante (494 ou 493 Ap J.C.), Clovis renvoya comme ambassadeur à Gondebauld son confident Aurélien , que nous venons de voir au palais des rois de Bourgogne , pour lui demander enfin la main de Clotilde , sa nièce. Gondebauld fut effrayé , à cette demande. Il ne savait pas que la jeune fille était connue à la cour du roi des Francs , et il s'attendait moins encore à ce que ce prince la demandât en mariage. D'ailleurs, son coeur était tourmenté par un vague pressentiment, et c'était là surtout ce qui causait sa terreur.

Les remords de son âme lui reprochaient sa cruauté envers cette jeune fille que sa vengeance avait fait orpheline, et la crainte lui disait que le jour de la justice était arrivé; aussi , transporté de colère, il répondit au patricien : — Que signifie ce langage? Mes amis et tout le peuple de Bourgogne sauront que Clovis use de perfidie pour me déclarer la guerre. Oui, cette demande n’est qu'un prétexte, et vous ne remplissez ici vous-même que le rôle d`un espion, car je sais que votre maître ne connaît point Clotilde.

Aurélien répondit froidement qu'il était envoyé par Clovis, pour obtenir la main de la fille de Chilpéric, et qu'il considérait le refus de Gondebauld comme une déclaration de guerre. Le roi de Bourgogne allait accepter le défi et se préparer à la lutte, lorsque ses conseillers lui firent observer que Clovis et les Francs étaient pleins de valeur dans les combats , et lui donnèrent un avis plus sage. — Il faut que vous sachiez, lui dirent-ils, si Clovis n'a pas reçu ou donné des gages que vous ne puissiez méconnaître sans injustice. Les recherches amenèrent la découverte de l'anneau, revêtu du nom de Clovis , que Clotilde avait elle-même déposé dans le trésor royal.

Gondebauld vaincu , mais toujours irrité , conduisit sa nièce à Aurélien , et celui-ci se hâta de quitter Genève, d'autres disent Châlons-sur-Saône , le coeur rempli de joie , après avoir, selon l'usage, présenté un sou et un denier pour fiancer Clotilde , au nom de Clovis. Clotilde échappait à une dure captivité, et la vie semblait lui devenir plus douce, à mesure qu'elle recouvrait la liberté et qu'elle goûtait les honneurs rendus aux souveraines.

Mais c'est sa foi surtout et son espérance qui viennent de grandir. Elle a fui la persécution et le contact de l'arianisme; elle va dans une cour où sa vertu sera entourée de respect, où peut-être elle aura la joie de toucher le coeur de son époux et de l'offrir à Dieu : c'est là ce qui ranime sa foi et son espérance; et pourtant... la crainte trouble l'âme de Clotilde : elle trouve que le char qui l'emporte, marche bien lentement. Il lui tarde de s'éloigner, parce qu'elle craint que Gondebauld ne vienne à se repentir de son départ , ou qu'Aridius, confident du roi, n'arrive assez tôt pour lui conseiller de la poursuivre. Telle est la cause de son inquiétude : elle écoute, elle tremble. Ce trouble effraie Aurélien; il lui en demande la cause , et Clotilde lui fait part de ses appréhensions. Aussitôt des chevaux sont préparés : la princesse fugitive n'hésite pas à choisir une monture , et elle s'éloigne avec rapidité.

Ses pressentiments ne l'avaient pas trompée; sur ces entrefaites, Aridius parti de Constantinople , débarquait à Marseille et revenait en Bourgogne, où le départ de Clotilde lui était annoncé. Eh quoi ! dit-il à Gondebauld, avez-vous oublié le meurtre du père et de la mère de Clotilde ? Elle vengera, soyez-en sûr, quand elle sera reine des Francs, le sang de sa famille. Gondebauld eut peur : il envoya quelques cavaliers à la poursuite de Clotilde ; mais ils ne la rencontrèrent point dans leur course, et arrivèrent trop tard : l'heureuse fugitive, conduite par la Providence , leur avait échappé. La jeune fiancée traversa la ville d'Auxerre, s'agenouilla un instant dans l'église de Saint-Maurice qu`elle devait faire reconstruire plus tard en la dédiant à saint Germain , l'évêque de la ville, puis s'avança dans la Champagne jusqu'au village de Villery, dans le territoire de Troyes, où Clovis l'attendait.

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Salle capitulaire, de l`Abbaye Saint-Germain d'Auxerre (Bourgogne) qui date du 5 eme siècle (Saint-Germain a été nommé Évêque d’Auxerre en 418 Ap J.C.)

Clovis possédait cette partie de la Gaule depuis l'année 486 Ap J.C., ainsi que l'écrit Sigebert, et il s'était hâté de s'y transporter pour recevoir lui-même Clotilde sur la frontière de ses États et la protéger contre les poursuites de Gondebauld. Quand on a étudié le caractère chevaleresque et impétueux de Clovis, on comprend qu'il ait pris tous les moyens qu'il avait à sa disposition pour sauver sa fiancée du danger qui la menaçait, et qu'il se soit avancé jusqu'au village le plus rapproché des États de Bourgogne, pour se tenir en observation et se préparer à tout événement. C'est de Villery que le cortège royal partit pour se rendre à Soissons, où les solennités du mariage devaient avoir lieu.

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Soissons – dans le nord de la France – lieu du mariage de Clovis et de Clotilde. Soissons avait été depuis plus d'un demi-siècle
le siège du gouvernement romain dans le nord des Gaules.


Clotilde y fut reçue comme une épouse depuis longtemps aimée, et comme une souveraine sûre de n'avoir que des sujets fidèles. Les Francs la virent avec bonheur, et les Gaulois soumis à Clovis, fondèrent sur elle de grandes espérances, car ils étaient presque tous catholiques. Au milieu de son bonheur, Clotilde n'oublia pas qu'elle était chrétienne et soeur des anges ; elle se souvint aussi de son passé et de ses douleurs, et remercia Dieu qui la comblait de félicités. Elle se rappela sa famille exterminée par la vengeance, et à ce souvenir, de nombreuses larmes mouillèrent ses yeux... Clotilde pria le Seigneur de conserver son âme dans le calme et la paix, de donner à son cœur la modération et l'humilité. Puis , comme l'ange de Tobie , elle invita son époux à élever ses pensées jusqu'à Dieu, et à sanctifier ainsi leur union. « 0 mon roi, lui dit-elle, écoutez la prière de votre épouse soumise ; accordez-lui une grâce avant qu'elle vous appartienne. — Parlez, lui répondit Clovis, et je serai heureux de vous satisfaire. — Je désire, reprit la courageuse chrétienne, que votre foi adore le Dieu du ciel, Père Tout-Puissant, qui vous a créé; qu'elle confesse Notre Seigneur Jésus-Christ, le Roi des rois , envoyé par son Père pour notre salut, et l`Esprit-Saint qui éclaire et affermit le juste dans la vertu. Inclinez-vous devant la divine Majesté et rejetez vos idoles, vains simulacres façonnés par le mensonge, et protégez les églises du Dieu vivant.,. Souvenez-vous de mes droits sur l'héritage que m'a laissé mon père, et revendiquez-les auprès de Gondebault.»

Il me serait difficile, répondit Clovis, de renoncer au culte des dieux pour adorer le vôtre; mais quant à venger vos droits , je le ferai.

«Ces droits , je les sacrifie facilement reprit Clotilde; mais vous voir chrétien, c'est mon premier désir et ma plus vive espérance. »

Ce trait nous révèle le coeur chrétien de Clotilde , et en même temps les tendances et les oppositions profondes du chef barbare. Clovis s'empressa de réclamer au roi de Bourgogne les biens qui appartenaient à son épouse; il les obtint, malgré les répugnances de l'usurpateur. Mais, quant à briser ses idoles, il n'en eût pas le courage; il fallait encore bien des larmes, des sacrifices et des prières de la part de Clotilde, pour opérer ce miracle.

Heureusement qu'elle a assez de foi et de générosité pour s'offrir en victime; son coeur, animé par la noble ambition de sauver cette âme qui lui est si chère , plus chère que la couronne , vaincra le Ciel par ses sollicitations; elle entraînera Clovis; et ce sera le triomphe de sa douceur et de sa charité. Elle commença dès lors à parer les églises, à secourir les pauvres et à se faire la mère des orphelins ; en sorte que son passage était regardé partout comme une bénédiction.

On assure qu'elle priait fréquemment et presque toujours avec effusion de larmes , qu'elle se livrait à la mortification avec cet héroïsme que savent déployer les grandes âmes ; et en même temps, chose admirable , la prudence et la discrétion inspiraient toutes ses actions; car, loin d'oublier les devoirs et la dignité d'une souveraine , elle veillait sur son entourage, et le dirigeait avec douceur et fermeté. Mais l'objet principal de son zèle était Clovis, qu'elle s'efforçait de vaincre et de tourner vers le Seigneur; elle lui parlait souvent du Dieu des chrétiens , créateur du ciel et de la terre, auteur de tous les biens; elle lui montrait aussi la puérilité des fables du paganisme et ce qu'il y a d'inconséquent et de criminel , dans le culte des idoles. Sainte Clotilde est donc un type précieux, que toutes les épouses chrétiennes qui travaillent à la conversion de leurs époux , doivent reproduire. Elle est aussi désormais leur protectrice ; car du haut du ciel, elle écoute leurs prières et se plaît à demander à Dieu l'accomplissement de leurs nobles et charitables désirs.


Dernière édition par MichelT le Mar 2 Mar 2021 - 18:12, édité 5 fois

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Message par MichelT Jeu 10 Oct 2019 - 1:36

CHAPITRE III.

LE SERMENT DE TOLBIAC.

SOMMAIRE.
(Extraits)

La naissance d'Ingomir. — Son baptême et sa mort. — La foi et la résignation de sainte Clotilde. — La naissance et la maladie de Clodomir. — Sa guérison. — Les Alamans. — Tolbiac. — Description de la bataille. — Prière et victoire de Clovis. — Joie de sainte Clotilde. — Clovis et saint Vaast. — Un miracle. — Saint Vaast et saint Remi.

Clotilde, sortie de la captivité comme Daniel de la fournaise (Daniel 3,1), sentit son âme fortifiée, parce que Dieu lui avait montré que , malgré ses malheurs , il ne l'avait point abandonnée; et pourtant cette joie n'était qu'une trève dans sa vie , les malheurs devaient venir encore la visiter. Telles sont les conditions de notre existence ici-bas : flotter sans cesse entre le calme et la douleur.

Le ciel a béni l'union de Clovis et de Clotilde, déjà un fils leur est donné. Pour comprendre la satisfaction du roi des Francs et de son épouse, il faudrait sentir ce qui se passe dans le coeur d'un souverain, quand il voit surgir le rejeton en qui l'avenir de sa race semble assuré ; il faudrait comprendre aussi les saintes émotions d'une reine pleine de foi, qui voit enfin ses prières exaucées et peut promettre à son Dieu un serviteur fidèle, et à son peuple un roi chrétien. Clotilde désirait que son fils fût baptisé, Clovis ne put lui refuser ce bonheur. Ingomir le premier enfant de France sera donc chrétien.

Aussitôt tout se prépare pour la solennité de son baptême; déjà les parures des autels sont déployées, les chants retentissent, les prêtres s'avancent et la magnificence du catholicisme éclate aux regards étonnés. La sainte reine, douée de cette pénétration que Dieu donne aux natures d'élite , avait surpris , parce que rien n'échappe à l'amour, la nature vive , impressionnable et passionnée de son époux. Elle voyait son cœur ému par la naissance d'un fils et pensait que le spectacle des grandeurs de la religion prolongerait cette émotion , en la surnaturalisant; que Dieu, qui le sollicitait par sa grâce, pourrait alors descendre dans son âme, et n'être point repoussé.

Telles étaient ses espérances; elles expliquent le luxe déployé dans cette circonstance. Ingomir fut baptisé par saint Prince, évêque de Soissons, dans l'église attenante au château de Croicy et dédiée à la Sainte-Trinité. Clovis, témoin de la gravité et de la magnificence du culte catholique, et saisissant tous les symboles des signes et des prières sacrées, en même temps que son coeur en écoutait l'éloquent langage , sentit tomber quelques-unes de ses oppositions, et le voile qui lui cachait la vérité , continua à s'écarter de devant ses yeux.

Ingomir, la joie de Clotilde , l'orgueil de Clovis et l'espoir de la France, est frappé de mort encore revêtu de la blanche robe du baptême.  La douleur de Clovis se manifesta par des récriminations amères adressées à son épouse; il lui reprochait le baptême de son fils, et disait : « Nos dieux, irrités de mes mépris, l'ont frappé, et le vôtre n'a pas pu le protéger; que n'ai-je accompli mes désirs, que n'ai-je consacré Ingomir aux puissantes divinités protectrices des Francs,.... il vivrait encore! »

Clotilde, encore plus affligée parce qu'elle était mère et que toute douleur s'efface devant celle d'une mère, quand la mort frappe son enfant, Clotilde avait trouvé dans sa foi la force de dissimuler les tourments de son coeur, et celle de consoler son époux. « Pourquoi, lui répondait-elle, vous repentir de n'avoir pas invoqué la protection de vos débiles et criminelles divinités? réjouissez-vous plutôt d'avoir attiré sur vous les regards du Ciel; votre fils, notre cher enfant , a été choisi par Dieu et uni au cortège des anges qui forment sa cour. Il a perdu une couronne terrestre, mais il a reçu une couronne céleste; ici-bas, il ne nous eût donné que son amour, tandis qu'auprès de Dieu, sans cesser de nous aimer, il nous obtiendra de nombreuses bénédictions, il sera le protecteur de vos armées et de votre peuple; séchons donc nos larmes, dans la pensée que nos douleurs sont le gage d'un avenir qui sera béni par le Seigneur. »

La chrétienne Clotilde se disait aussi, dans le fond de l'âme , que son affliction vaincrait le ciel , et qu'il était impossible qu'un jour Clovis ne fût pas chrétien , puisqu'elle achetait sa conversion par tant de sollicitations et tant de larmes. Un an s'était à peine écoulé, que déjà Clotilde devenait mère une seconde fois. Le nouveau-né reçut le nom de Clodomir; cette prompte naissance était pour Clovis une manifestation si frappante de la protection divine , comme son épouse l'assurait, qu'il ne résista pas aux nouvelles sollicitations dont il fut l'objet de sa part, et consentit encore à son baptême, et l'Église eut à se réjouir en comptant un enfant de plus.

Mais pourquoi, à la cour du roi des Francs , la tristesse a-t-elle succédé si promptement à la joie ? Que se passe-t-il dans ce berceau royal vers lequel se penche Clotilde éplorée et que Clovis regarde en dissimulant mal son courroux? L'enfant paraît livré à d'horribles souffrances, et la mort semble le menacer. « Il sera frappé comme son frère , s'écrie le monarque irrité, je le vois : mes dieux se vengent de mes mépris; c'est votre baptême, c'est votre impitoyable Dieu qui le fait mourir. »

Clotilde tremblante et silencieuse , ne répondait pas à ces reproches; son âme cependant n'avait perdu ni le calme ni l'espérance; elle savait que rien n'est impossible à Dieu, et le priait avec ferveur. Le Seigneur l'exauça et bientôt les symptômes du mal disparurent : Clodomir revenait à la vie, grâce à l'amour et à la foi de sa mère.

Clotilde ne laissait échapper aucune circonstance favorable à ses pieux desseins , sans l'utiliser aussitôt et poursuivre l'oeuvre de la conversion de son époux. A travers ses préoccupations politiques et guerrières , elle jetait souvent des pensées de religion et s'efforçait de l'attirer au Christianisme. Elle menait une vie exemplaire et mortifiée : elle portait dans l'accomplissement de ses devoirs et dans ses pratiques de piété, une prudence et une discrétion admirable ; intelligente et sage , elle donnait à sa vertu quelque chose de noble et de séduisant. Sa charité pour les pauvres et la ferveur de ses prières ajoutaient à ses mérites devant Dieu , et préparaient un événement qui eut plus d'influence que toutes les victoires de Clovis sur les destinées de notre pays.

Ces assauts triomphaient de plus en plus des obstacles que Clovis opposait à la vérité; et son âme qui flottait indécise , n'avait plus besoin que d'être subjuguée par un trait éclatant. La Providence le tient en réserve ; elle le vaincra comme elle vainquit saint Paul sur le chemin de Damas. Constantin vit dans les airs le Labarum, signe rédempteur qui lui donna la victoire ; Clovis, cet autre Constantin, invoquera le nom de Jésus-Christ, et comme l'empereur Romain, il sera vainqueur.

Vers ce temps , Sigebert roi des Francs Ripuaires, parent et allié de Clovis, le fit avertir que les Alamans, de concert avec les Suèves , les Boyens et d'autres petits peuples, commençaient à ravager ses États. Clovis voulant le secourir, unit ses troupes à celles du roi de Cambrai , puis ils se dirigèrent ensemble vers la ville de Cologne qu'habitait Sigebert. L'armée de Clovis , composée de Francs et de Gallo-Romains, ne s'élevait pas à plus de vingt-cinq ou trente mille hommes (les soldats romains, conduits par Aurélien , devenu gouverneur de Melun, étaient presque tous chrétiens). Quant à l'armée des Alamans, elle était forte de plus de cent mille hommes bien disposés au combat. Tout annonçait que la lutte serait terrible et son issue décisive.

On ne peut douter des dispositions de Clotilde , des évêques et de tous les chrétiens, soumis au roi des Francs; ils désiraient qu'il fût vainqueur, afin qu'il pût leur continuer sa protection et arrêter les invasions barbares. Leurs prières s'élevèrent alors , au milieu de la crainte et de l'espérance. Les peuples et les souverains quand ils fondent une nation et une dynastie, ont à subir un moment ou l'autre, l'épreuve solennelle d'où résulte pour eux ou la vie ou la mort.

C'est peu de conquérir un territoire , d'établir une nationalité et d'élever un trône ; ce qu'il y a de capital, c'est d'y fonder une institution sérieuse et durable. Il arrive un moment où toutes les oppositions se réunissent pour renverser, de concert , ce que l'on croyait bien assis et à jamais inébranlable. Dans ces circonstances, l'homme seul succomberait, parce qu'une force quelconque succombe infailliblement , quand elle est attaquée par une force qui lui est supérieure. Mais, Dieu combat avec les siens , et alors, rien ne résiste à leur impétuosité; les bataillons s'avancent, en renversant tous les obstacles ; ils passent vainqueurs et l'oeuvre divine reçoit sa consécration.

Tel est l'événement qui se prépare pour les Francs et leur roi. Jusque-là Clovis, ainsi que nous l'avons dit, n'a été qu'un chef de tribu signalé par quelques succès militaires ; nous allons voir en lui désormais l'homme de la Providence. Les Alamans s'avancent , qui les arrêtera ? ce n'est pas une poignée de soldats, fussent-ils d'ailleurs braves et aguerris? ce sera Dieu qui veut triompher par les Francs, parce qu'il veut en faire ses soldats : le gesta Dei per Francos, date de Tolbiac.

SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE Bataille-Tolbiac
La bataille de Tolbiac a eu lieu en l`an 496 Ap J.C. à Zülpich, une ville de l'ancienne Germanie située près de Cologne.

Clovis pouvait être vaincu, et, selon toutes les conjectures, il devait l'être; or, que serait-il arrivé s'il l'eût été? Météore d'un jour, il aurait brillé dans son rapide passage, et la nuit aurait succédé à la lumière ; le jeune chef serait rentré, avec son peuple dans l'obscurité et l'impuissance; la France eût été étouffée à son berceau.

La bataille de Tolbiac est donc l'un des plus grands événements de notre histoire. Clovis et Clotilde l'avaient pressenti probablement ; et si le guerrier courageux, en consultant son ardeur belliqueuse et celle de ses soldats, allait jusqu'à espérer la victoire, sa sainte épouse, mieux inspirée, élevait ses pensées plus haut et priait le Seigneur, le Dieu des armées, de combattre avec son époux. Avant de le quitter, elle lui renouvela ses sollicitations, lui parla du Christ Sauveur et de l'impuissance de ses idoles; elle l'assura sans doute, que durant son absence, elle ferait violence au ciel , et par ses larmes et par ses prières.

Clovis rencontra les Alamans à Tolbiac ,  à Zülpich, une ville de l'ancienne Germanie située près de Cologne (en 496 Ap J.C.). Il divisa son armée en trois corps , voulant laisser aux braves l'honneur de la victoire , et aux lâches , la honte de la défaite. Sigtebert fut placé à gauche , les Gallo-Romains au centre , et les Francs à droite.

SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE GauleClovis

Le combat s'engage , et les deux armées manifestent un courage égal ; les Germains s'avançaient comme une mer en fureur, et s'efforçaient de renverser la muraille de fer que leur présentaient les soldats de Clovis. D'instants en instants, la lutte se poursuit avec une fureur qui grandit sans cesse ; le chef des Francs s'agite et commande avec impétuosité; mais les Alamans ne reculent point, au contraire, le flot roule toujours, apportant avec lui de nouveaux soldats. C'est alors que la lutte devient inégale ; les Romains du centre commencent à faiblir et ce mouvement menace de se communiquer au reste de l'armée. Clovis a mesuré l'étendue du désastre qui se prépare, il se précipitait du côté des Romains quand Aurélien accourt et lui signale le découragement de ses troupes. « 0 roi, lui dit-il, nous n'avons plus qu'un appui , c'est le Dieu de Clotilde »

A cet instant , une révélation soudaine se fait dans l'âme de Clovis : il voit et le néant et l'impuissance de sa religion ; puis apparaît à ses yeux la pieuse et douce Clotilde le suppliant d'adorer Jésus-Christ le Rédempteur du monde, le Roi des rois , le Seigneur des armées. Il n'hésite plus; arrêtant son coursier et levant son épée vers le ciel, d'une voix entrecoupée , il s'écrie : «0 Jésus-Christ , Dieu de ma Clotilde, vous que l'on dit être le consolateur de l'affligé et l'espoir du suppliant, donnez-moi la victoire, et je vous adorerai. »

L'armée entend ce cri de foi et d'espérance; les Francs s'en étonnent, mais se sentent déjà plus courageux. Les chrétiens y répondent avec bonheur; ils relèvent leurs armes, et tous ensemble, Francs et Romains, se jettent impétueux dans la mêlée. Les ennemis s'effraient et reculent ; c'en est fait, l'enthousiasme divin triomphe, et Clovis est vainqueur. Le roi des Alamans avait succombé au milieu du tumulte , ses soldats découragés se rendirent alors , en demandant grâce. Le résultat de cette victoire fut de les contraindre, ainsi que les Boyens et les Bavarois , à se déclarer les tributaires du roi Franc , et d'ajouter les contrées qui furent plus tard l'Alsace et la Lorraine à ses états Clovis avait alors 30 ans, et régnait depuis 14 ans.

Après avoir pacifié les peuples qu'il venait de soumettre, après leur avoir fait accepter sa souveraineté, il songea à retourner auprès de son épouse pour lui raconter les merveilles opérées par la puissance du Christ. Clotilde éprouva moins de joie à la nouvelle de cette grande victoire , qu'à celle du serment de son époux sur le champ de bataille. Elle le vit soudain dans sa pensée, entouré de l'auréole que donnent la foi et la régénération du baptême; et, dans le secret de son coeur, elle se dit : « Il n'y aura plus désormais entre nous de dissentiment , dans les pensées et dans les croyances; nous nous glorifierons ensemble du titre d'enfants de Dieu et de l'Église. » Quelle fut vive et pénétrante l'expression de sa reconnaissance! comme elle remercia le Seigneur d'avoir écouté ses prières et de s'être laissé fléchir par ses larmes ! Ce triomphe de sainte Clotilde , l'enseignement que donnent ses vertus , indiquent désormais la nature de la protection qu'elle étend sur ceux qui l'invoquent.

Nous lui avions déjà donné le titre de Modèle des épouses chrétiennes , ce dernier trait vient le ratifier. Clovis, victorieux et maître des pays enlevés aux vaincus, reprenait le chemin de Soissons, le coeur rempli de joie, et se proposant de réaliser au plus tôt la promesse du combat. Arrivé à Toul , le nouveau néophyte s'adressa à l'évêque saint Ours, lui fit part de ses désirs, avouant toutefois, qu'il avait besoin d'être instruit sur les vérités chrétiennes, et implora cet office de sa charité. La modestie du saint évêque n'osa se charger d'une fonction qui lui paraissait difficile, parce qu'il sentait que le royal catéchumène avait autant besoin des exemples d'un saint que des leçons d'un docteur; aussi confia-t-il le roi aux soins d'un prêtre pieux nommé Védaste ou Vaast.

Ce prêtre, vraisemblablement originaire d'Aquitaine, avait quitté son pays pour se livrer, avec plus de sécurité, aux austérités de la mortification et de la pénitence. Il vivait depuis quelques années dans la solitude , quand il fut signalé à l'évêque, qui l'ordonna prêtre , afin de rendre ses vertus profitables à un plus grand nombre d'âmes. Tel fut le flambeau que la Providence fit luire aux regards de Clovis. Il s'avançait du côté de la ville de Reims , où l'attendait Clotilde, qui s'y était transportée et qui, dans une entrevue secrète avec saint Remi, s'était entendue sur les moyens à employer pour achever l'œuvre de Dieu, et, chemin faisant, Clovis s'entretenait avec son nouveau maître, comme le serviteur de la reine Candace s'entretenait jadis avec l'apôtre Philippe qui lui révélait le sens des Écritures.

Quel admirable spectacle se produisit alors ! A chaque pas que fait Clovis, la foi descend dans son âme, et bientôt, instruit de la véritable science, il sera digne de recevoir la régénération baptismale de la main du pontife qui siège à Reims. La Providence a confié à deux saints la mission de sauver cette grande âme : saint Vaast conduit son roi aux sources de la vie , et saint Remi est appelé à les faire couler jusque dans son âme; ce roi devra donc à l'un et à l'autre , et la lumière de la foi , et la grâce du baptême. Le seuil qui conduit à la lumière éternelle s'ouvre devant lui, il va le franchir entraînant à sa suite ce peuple , adopté par Dieu, qui sera désormais une nation sainte, une nation dont le zèle apostolique est destiné à porter jusqu'aux extrémités du monde le flambeau de la foi que Dieu lui a prodigué si généreusement.

Saint Luc raconte que le Sauveur, passant à Jéricho, voulut confirmer, par un miracle , ses enseignements aux yeux de ceux qui les écoutaient. Un aveugle qui se trouvait là, d'une voix suppliante le conjurait de lui rendre la vue ; et Jésus touché de sa prière , l'exauça aussitôt. Saint Vaast renouvellera ce miracle, dans le même dessein que le Sauveur. Il cherchait, par un prodige éclatant, à montrer au roi des Francs , dont les yeux n'étaient point encore parfaitement ouverts à la divine lumière , que ses enseignements étaient ceux de Dieu lui-même. Or, voici que le cortège royal était arrivé dans un village nommé Vougise ou Vouziers, non loin de Rilly ; déjà il s'avançait sur le pont d'une rivière qui coulait près de là, quand un aveugle se présente et demande quelles sont les gens qui passent.

On lui répond que c'est le prêtre Vaast et une grande foule qui l'accompagne. Inspiré alors, il s'écrie : « Homme de Dieu , ô Vaast , ayez pitié de moi ; je ne vous demande pas une aumône , mais le secours de votre puissance , veuillez me guérir et me rendre la vue. » Le saint prêtre sent alors dans son âme une vertu divine ; et comprenant qu'une puissance immense serait donnée à son ministère par l'éclat d'un miracle, il se recueille un instant et invoque le Seigneur; puis il étend la main sur l'aveugle en formant le signe de la croix , et en prononçant cette invocation : « Seigneur Jésus, lumière véritable, vous, qui jadis ouvrîtes les yeux de l'aveugle-né , renouvelez cette oeuvre éclatante pour celui qui m'adresse sa prière , et que ce peuple reconnaisse que vous êtes le seul vrai Dieu, celui qui remplit le ciel et la terre de ses innombrables merveilles. »

SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE Th?id=OIP
Saint Vaast – Celui qui instruit le roi Clovis dans la foi catholique. Il a été Évêque de la ville d`Arras ou il est mort en l`an 540 Ap J.C.

A peine avait-il achevé de prier, que l'aveugle se relevait joyeux, et tous purent se convaincre qu'il avait en réalité retrouvé la vue. Ce spectacle émut profondément Clovis, et contribua, comme on l'avait prévu, à augmenter sa foi. Aussi, le temps s'écoulait avec trop de lenteur au gré de son impatience ; il lui tardait d'arriver à Reims , pour y recevoir le baptême. Le dévouement de saint Vaast , le premier maître spirituel de Clovis, parut si beau à saint Remi , qu'il ne voulut pas laisser dans l'ombre l'homme que la Providence elle-même avait choisi. L'histoire de ces temps raconte que saint Remi , obéissant à une divine inspiration et au désir de ses prêtres , le consacra évêque et le plaça sur le siège d'Arras.

Ce choix si sage produisit les plus grands biens : la parole évangélique du nouveau pontife , l'exemple de sa sainteté, les nombreux miracles qu'il opéra, répandirent la foi et convertirent un grand nombre d'infidèles. Sa charité répara les désastres opérés par les dévastations des Barbares. Il mourut vers l'an 540 Ap J.C., après 38 ou 40 ans d'épiscopat. Il doit être regardé comme le premier apôtre des Francs.


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Message par MichelT Lun 14 Oct 2019 - 12:23

CHAPITRE IV.

REIMS.


Voilà de l'eau ; qu'est-ce qui empêche que je ne sois baptisé? Philippe dit : Cela est permis, si vous croyez de tout votre coeur. Et, répondant, il dit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. (Actes des Apôtres, chap. 8. 36 ,37.)

C'est moi qui l'ai tenu sur les fonts sacrés. (Testament de saint Remi.)


SOMMAIRE.

L'entrée de Clovis à Reims. — Les dispositions chrétiennes des Francs. — La foi chevaleresque de Clovis. — Les derniers enseignements de saint Remi. — Le baptême de Clovis. — Le bardit des Francs.


Clovis arriva bientôt à Reims, et son entrée dans la ville fut celle d'un conquérant. Il venait, en réalité, de remporter une double victoire , en triomphant des Alamans et en renonçant à l'idolâtrie. La nouvelle du serment qu'il avait prononcé sur le champ de bataille s'était déjà répandue au loin , et ceux qu'elle avait le plus réjouis, étaient les chrétiens gallo-romains. Clovis, chrétien comme eux, cessait d'être un barbare et un maître; il les arrachait au joug romain, qui leur était depuis longtemps odieux, pour leur offrir une souveraineté tempérée par la foi. D'ailleurs, la douce Clotilde a déjà fait tomber toutes leurs oppositions, et le monarque ne rencontrera parmi eux que des sujets déjà fidèles.

Quant aux Francs, si la résolution de leur chef les étonnait, elle ne les en détachait pas; car, le plus grand nombre n'avaient pas une haute estime pour les divinités de leurs tribus, et se montraient disposés à accepter la religion de Clovis. La suite de notre récit nous convaincra de cette disposition. Clovis, en entrant à Reims, se trouva en présence de Clotilde et de l'évêque de la ville qui s'avançaient au-devant de lui. Il reconnaissait en son épouse celle qui avait touché le Ciel par sa vertu, et rappelé sous les drapeaux des Francs la victoire qui les abandonnait. En s'approchant d'elle, il s'écria : Clovis a vaincu les Alamans , mais vous avez vaincu Clovis. Clotilde était trop modeste pour accepter un si bel éloge ; dans le secret de son âme , elle l'offrait à Celui qui avait conduit toute chose, puis elle répondit : C'est au Dieu des armées qu'est due la gloire de ce double triomphe.

L'évêque, à son tour, félicita d'abord Clovis de sa victoire et de son noble serment; il poursuivit son discours, en découvrant au vainqueur les desseins de Dieu et les devoirs du premier roi chrétien. Et à cette heure solennelle le génie du grand pontife, dirigé par sa sainteté, déposa dans l'âme de Clovis le germe de cette grandeur qui va inspirer la plus belle époque de sa vie. Pouvait-il agir autrement cet ange de la terre, ce pontife prédestiné qui s'était préparé par les austérités et la prière à la mission que le ciel lui confiait?

Cependant depuis ce jour l'inquiétude se peignait quelquefois sur les traits de Clovis. Remi le remarqua et comprit que le cœur de son roi était tourmenté par une crainte ou un regret. Il pria et attendit. Un jour enfin, Clovis prenant la parole : « Saint pontife , lui dit-il , je veux être chrétien, je veux recevoir le baptême et remplir mon serment vis-à-vis du Dieu de Clotilde, qui m'a donné la victoire; mais, serai-je seul admis à renoncer aux idoles de ma nation? Chef des Francs, j'en ai partagé les erreurs; mais puis-je espérer que mes fidèles soldats me suivront dans les voies de la vérité que vos enseignements m'ont révélée? n'en viendront-ils pas, au contraire, à m'abandonner? Laissez-moi m'assurer de leurs sentiments; je leur dirai ce que vous m'avez dit vous-même, et peut-être qu'ils seront convaincus comme moi. »

L'évêque y consent. Clovis ordonne alors à ses soldats de s'assembler, comme ils avaient coutume de le faire, quand ils se préparaient au combat. L'armée toute entière obéit, et son noble chef prenant la parole leur parla ainsi : « Fils des Francs, courageux compagnons de mes exploits, vous vous souvenez des dangers de la dernière bataille. Nous faiblissions devant des soldats innombrables, lorsque le Dieu tout-puissant est venu nous secourir. J'ai juré de le servir désormais; voulez-vous, comme moi, dédaignant des divinités impuissantes, adorer Celui qu'adorent Clotilde et les chrétiens , Celui dont Remi est le ministre? »

Soudain un cri d'approbation interrompt ces paroles, et le plus grand nombre des soldats répond : « Nous renonçons à nos dieux mortels , et nous sommes prêts à servir le Dieu dont Remi proclame l'immortalité. »

Remi , en apprenant cette démonstration solennelle , se réjouit de ce miracle de la grâce que Dieu opérait en faveur de ce peuple généreux; il s'empressa, aidé de saint Vaast encore à Reims, et de Solemne, évêque de Chartres, de faire entendre dans les rangs de l'armée les enseignements de la foi, avec toute la clarté et la précision que demandent les paroles destinées aux guerriers. Quel trait admirable, et quels résultats chrétiens il produirait encore aujourd'hui, s'il était souvent reproduit. L'Église et l'État ne sont-ils pas appelés à se prêter un mutuel appui et à exercer, par leur union , une influence toute chrétienne sur les peuples ? Clovis a reçu le trésor de la vérité de la bouche des ministres de Dieu qui en sont les dépositaires , mais il a besoin de le partager avec les siens, avec ces valeureux soldats qui tant de fois ont combattu près de lui. Il sent que l'honneur dû à la vérité exige qu'on s'efforce de la communiquer à ceux qui ne la connaissent point. Le peuple à son tour, déjà subjugué par le double ascendant de la puissance spirituelle et de la puissance temporelle, ne demande qu'à être instruit et se range avec enthousiasme sous les drapeaux de la foi chrétienne Pourquoi cette union entre l'Église et l'État n'existerait-elle pas de nos jours? Ne serait-ce point parce que l'on s'est fait une fausse idée de la liberté et que l'État se défie de l'influence religieuse? C'est là un grand malheur, fruit d'une grande illusion. Puissent nos modernes désastres instruire ceux qui gouvernent les nations, et leur apprendre que, lorsqu'ils secondent l'action de l'Église, ils donnent aux peuples la seule lumière qui fait la vie de l'intelligence, et la seule force qui fait la vie du coeur; et que leur autorité , loin d'être alors compromise , est, au contraire, fortifiée par la reconnaissance et le respect des peuples.

Rien ne s'opposait plus au baptême de Clovis; déjà le royal catéchumène subissait, par degrés, la transformation surnaturelle que la grâce opère dans les âmes qu'elle conduit à la vérité et à la vie. Telles les ombres, après une nuit obscure, s'effacent insensiblement, à mesure que l'aurore s'épanouit à l'horizon. Clovis, docile aux enseignements du saint évêque de Reims, sentait son intelligence s'ouvrir aux lumières grandissantes ; il croyait renaître à la vie et sortir du tombeau. Son cœur subissait aussi de semblables transformations. Déjà ses instincts barbares semblent se livrer d'eux-mêmes au joug de la charité chrétienne , et cette délicatesse de sentiments, cette aménité et douceur d'âme qui ne s'éveillent que sous l'action de l'amour de Dieu , surgissaient peu à peu dans son cœur : comme après un long hiver on voit les plantes cachées sous la neige croître et fleurir, au souffle du printemps. Dans ces dispositions, il laissait voir la générosité de sa foi naïve et ardente.

L'histoire semble ici laisser Clotilde dans l'ombre, comme pour respecter sa joie et ne pas interrompre l'effusion de sa reconnaissance pour le Seigneur. Elle affirme cependant qu'elle assistait aux enseignements spirituels que recevait son époux et qu'elle les rendait plus efficaces par l'autorité de ses vertus et la puissance de ses prières. On raconte aussi que Clovis aimait, durant son séjour dans la ville de Reims, à visiter l'église dédiée à saint Martin, le grand thaumaturge des Gaules. Une sorte d'attrait qu'il est du reste facile d'expliquer, l'y conduisait fréquemment. Saint Martin, jadis soldat romain, offrait au roi Franc le type du guerrier chrétien; et saint Martin, évêque, puis, protecteur des Gaules, lui paraissait avoir des droits à sa vénération et offrir des garanties à ses prières. D'ailleurs , la mort récente du grand pontife , les miracles innombrables qu'il avait opérés et ceux qui se produisaient encore sur son tombeau , faisaient de saint Martin le protecteur naturel du roi des Francs.

SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE Saint-Martin
Saint Martin de Tours - le miséricordieux ( 316 a 397 Ap J.C.) - Légionnaire romain venant de Hongrie - Il se convertit a la foi chrétienne et devient évêque dans les Gaules.

Mais voici que le jour solennel où Clovis doit recevoir le baptême est enfin arrivé. Tout est préparé , et la splendeur des autels et l'âme du catéchumène, grâce au zèle et à l'activité de Clotilde et de Remi. Il ne reste plus au pontife , qu'à adresser ses dernières exhortations à son royal disciple. Or, la veille du grand jour il pria longtemps et avec une grande effusion de larmes, devant l'autel et au pied de l'image de Notre-Dame, à l'heure où Clotilde priait aussi dans son oratoire.

Quel besoin et quel pressentiment entraînait ainsi le grand évêque, vers l'autel de Marie, pour prier et pleurer? La Providence, qui avait de grands desseins sur lui, l'avait placé dans ce pays qui devait devenir la France , elle l'avait mis en contact avec Clovis le fondateur de la monarchie française , et lui avait fait ainsi comprendre la mission qu'elle lui confiait. Remi , prévoyant le triomphe qui devait résulter, pour la foi chrétienne , de la conversion du roi Franc , avait bien souvent supplié le Ciel de toucher son coeur. Voyant enfin ses prières et celles de Clotilde exaucées , la reconnaissance l'entraîne au pied de l'autel pour remercier le Seigneur, et s'il choisit celui de Marie , c'est que sa piété n'ignore pas qu'elle n'est point étrangère aux bénédictions qui pleuvent sur cette nation prédestinée , cette nation qui aimera à la regarder comme sa souveraine , et créera dans sa reconnaissance et son amour pour elle, cet adage chevaleresque et chrétien. REGNUM GALLIE, REGNUM MARIAE.

SAINTE CLOTILDE,  REINE DES FRANCS ET LES ORIGINES CHRÉTIENNES DE LA FRANCE Bapteme-Clovis
Le Baptême de Clovis le roi des francs saliens par l`Évêque St-Rémi a Reims le jour de Noel de l`an 496 Ap J.C. Cet événement nous ramène a l`Ancien Testament quand Dieu nomme Saul et ensuite David comme rois d`Israël vers l`an 1000 Av J.C. (1 Samuel 10,1 - Saul est consacré roi par le prophète Samuel - 1 Samuel 16,12 - Dieu donne l`onction royale a David par le prophète Samuel - Dieu donne l`onction royale a Clovis a travers St-Rémi)  

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Nativité du Christ - Noel

Quand saint Remi eut prié, il se dirigea vers la demeure du roi. Laissons en ce moment parler l` historien de l'Église de Reims, qui raconte l'entrevue, en traduisant Flodoard. « Et par ensemble, Clovis et Remi entrèrent en l'Église Saint-Pierre, prince des Apôtres, laquelle était proche de la chambre du Roi incontinant les bancs furent disposés. Et après que l'Evesque, le Roy et la Royne furent assis, l'Evesque présent, aucuns du clergé et autres domestiques du Roy, l'admonesta et informa de son salut. A donc le Seigneur Dieu pour la confirmation de la doctrine de son fidel serviteur, voulut déclarer mesmement par signes visibles que selon sa promesse , il assiste toujours à ses fidèles serviteurs , congrégez en son nom. Car soudainement toute l'Église fut pleine d'une lumière tant copieuse, qu'elle sembloit surmonter la splendeur du soleil. Et quant et quant fut oye une voix disant : Paix soit avec vous. Ce suys-ie, ne craignez point. Demeurez en ma dilection. Cela dit, cette clarté se retira. Toutefois, l'Église demeura parfumée d'une odeur tant soësve (délicieuse) que l'on pouvoit évidemment congnoistre, que l'autheur de lumière , de paix et de pieuse dilection étoit descendu en ce lieu. De sorte , que mesmement l'Evesque s'en est montré plus reluisant de visage. »

Les manifestations divines ne se produisent point sans que de vives émotions ne pénètrent ceux qui en sont témoins. Clovis et son épouse tombèrent alors à genoux, répandant de nombreuses larmes. Prosternés aux pieds de l'évêque, ils le supplièrent de calmer leur agitation par quelques paroles consolantes , et lui promirent d'être toujours fidèles aux promesses qu'il exigerait d'eux. Alors le saint Père, encore pénétré de l'Esprit de Dieu, ranima leur courage en disant que les communications célestes ne tardaient pas, après les impressions de la crainte, d'apporter celles de la joie. Puis, semblable à Moïse descendant de la montagne sainte , éclairé par la lumière des prophètes , il leur révéla les grandeurs futures de leur race et celles de la France. « Votre postérité, dit-il, ira toujours grandissante, elle sera toujours glorieuse pour l'Église, elle héritera de la souveraineté impériale et sera constamment victorieuse, si vos descendants ne dégénèrent jamais dans la vertu, s'ils ne s'écartent pas des voies du salut, s'ils ne s'associent pas à ces forfaits qui irritent Dieu , si enfin ils ne se laissent point envelopper par ces vices corrupteurs qui renversent les royaumes et les traînent ignominieusement sous le joug des autres nations »

Quel enseignement et quelle prophétie! Oui, il sera toujours vrai, parce que les peuples, pas plus que l'univers , ne sont conduits par le hasard , parce que le bien et le mal ne sont pas choses égales ou indifférentes; parce qu'il y a un Dieu juste , parce qu'il y a une Providence, il sera toujours vrai que ce qui fait et assure la vie d'une race royale et celle d'un peuple, c'est le respect pour la justice, l'obéissance à la foi et l'accomplissement des lois chrétiennes. Quand les rois et les peuples méprisent ces principes sacrés, ils n'ont plus qu'une vie factice, et tombent bientôt, pour disparaître à jamais ou pour passer sous le joug de la force, à moins que Dieu ne confonde plus tard et n'anéantisse l'instrument de sa justice et ne rende aux siens ses premières bénédictions.

Les hommes ont beau créer des systèmes , imaginer des expédients , des façons de vivre et de gouverner sans Dieu, ils n'y réussissent jamais , ou s'ils arrivent parfois à présenter des apparences de raison et de succès, ils n'en boivent pas moins le vin de l'ivresse ; l'esprit de vertige et d'erreur les saisit un moment ou l'autre , et bientôt ils tombent dans cet abîme d'ignominie où les ont précédés tant de gens , dont le sort historique ne guérit , hélas ! l'orgueil de personne. Le grand art et la véritable sagesse est de se soumettre à Dieu et de régner avec lui ; car, Dieu est le principe et la force de toute justice et de toute souveraineté.

Le lendemain fut un grand jour pour l'Église et pour la France ; le Catholicisme célébrait la fête de Noël de l`an 496 Ap J.C, et la France assistait à la naissance spirituelle de Clovis , le premier roi chrétien. Déjà les évêques réunis en grand nombre entourent les autels que l'on a revêtus avec magnificence , des voiles aux multiples couleurs sont suspendus aux maisons voisines et ombragent le chemin que le cortège royal doit parcourir, les portiques sont couverts de blanches draperies et le baptistère embaumé attend l'illustre catéchumène. Le cortège sort du palais : le clergé ouvre la marche avec les saints Évangiles, les croix et les bannières, chantant des hymnes et des cantiques spirituels; vient ensuite l'évêque, conduisant le roi par la main ; enfin la reine suit avec tout son peuple. Heureuse reine, quel beau jour pour elle! C'est le jour de sa joie et de son triomphe, parce qu'il a été acheté par ses larmes et par ses prières.

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Noel - Celui  de l`an 496 Ap J.C. a vu la Naissance de la France chrétienne et catholique

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Chemin faisant, on dit que le roi , émerveillé sans doute du spectacle qu'il avait sous les yeux , et sentant dans son âme la présence de la grâce, demanda à l'évêque, si c'était là le royaume de Dieu qu'il lui avait promis : « Non , répondit le prélat , mais c'est l'entrée de la route qui y conduit. » Quand ils furent parvenus au baptistère, le prêtre qui portait le saint chrême nécessaire pour la bénédiction des fonts, se trouva arrêté par la foule, et ne put y arriver. Les desseins du Seigneur avaient préparé cet événement. Saint Remi élevant alors les yeux vers le ciel , se met à prier en silence : aussitôt une colombe, blanche comme la neige, descend et apporte, suspendue à son bec, une ampoule que l'on trouva remplie de l'huile sainte , nécessaire en ce moment. « Une odeur délicieuse s'en exhale , les assistants en sont embaumés et une joie immense se répand dans leur âme. »

« Le saint évêque prend l'ampoule miraculeuse , et répand le saint chrême sur l'eau baptismale , pendant que la colombe reprenait son vol et disparaissait. Transporté de joie à la vue d'un si grand miracle , le roi renonce à Satan et demande le baptême une dernière fois. » Sur le point de satisfaire ses désirs, le pontife lui dit : «Courbe ta tête, doux Sicambre , adore ce que tu as brûlé , et brûle ce que tu as adoré».

Cette exhortation était à la fois , un acte d'humble repentir qu'il imposait au païen, et une invitation à réparer, par les œuvres de l'avenir, celles du passé. Quand Clovis eut achevé sa profession de foi, l'évêque poursuivant les cérémonies du sacrement , accompagna la triple immersion baptismale , de l'invocation des trois personnes de la sainte Trinité , puis il le confirma et le sacra avec l'huile sainte. C'était la première fois, peut-être, que l'Église, à l'exemple des prêtres d'Israël , consacrait un roi et ajoutait une sorte de caractère surnaturel à son autorité « La monarchie française était enfantée par l'Église. » Ce même jour, ou peu de temps après, les deux soeurs de Clovis , Alboflède et Landehilde , reçurent aussi le baptême : l'une renonçait au paganisme et l'autre abjurait l'Arianisme.

L'exemple du roi chrétien ne pouvait demeurer sans imitateur. Une partie de ses soldats et de son peuple voulurent partager sa foi et jouir de son bonheur: trois mille hommes se présentèrent au baptême et le reçurent après Clovis. Ce nombre paraît peu considérable et ne laisse pas que de surprendre; mais il nous révèle un fait trop méconnu, c'est que l'Église ne poussa pas le chef des Francs à leur imposer ses croyances, et qu'alors, comme toujours, elle n'employa à leur égard, que la persuasion.


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Message par MichelT Sam 19 Oct 2019 - 12:38

CHAPITRE V

LE ROI CHRÉTIEN. (extraits)

SOMMAIRE.

Les périls de l'Église au moment du baptême de Clovis et des Francs. — Les manifestations paternelles des évêques et du Souverain-Pontife— Les gages d'espérance pour l'Église. — Modestie de sainte Clotilde

Pour comprendre la grandeur de l'oeuvre que Dieu vient d'accomplir, par la conversion et le baptême de Clovis, il est nécessaire de jeter un regard sur le monde , afin de juger de l'état du Catholicisme. C'est alors que les desseins de la Providence nous apparaîtront dans toute leur sagesse et leur magnificence. Il ne se trouve pas, dans tout l'univers, un seul prince véritablement chrétien. L'empereur Anastase ( empire romain d`orient a Constantinople) qui , durant quelques années, s'est couvert du manteau de l'orthodoxie, vient de lever le masque et de se déclarer hérétique (Arien), et persécuteur de la foi catholique . Au lieu de se soumettre aux justes menaces du pontife romain , ainsi qu'un fils fidèle , il exerce les plus cruelles vengeances contre l'Église , et contre son chef.

Ne semble-t-il pas que c'en est fait de la foi chrétienne , et que toutes les fureurs de l'enfer se réunissant, vont en éteindre à jamais le flambeau ? Ne craignons rien cependant : Dieu va montrer que son Église n'est pas livrée à la puissance et au caprice des hommes, mais qu'elle est protégée et conduite par sa Providence. Job disait dans ses épreuves : Dieu cache sa lumière dans ses mains, mais elle paraît quand il l'ordonne. Voici que ces paroles prophétiques vont se réaliser : encore un instant , et nous verrons cette lumière briller de nouveau , pour dissiper les ténèbres qui couvrent la terre , et éclairer les nations livrées à l'erreur. Du fond de la Gaule un astre éclatant se lève ; c'est Clovis, l'illustre roi des Francs qui , par la grâce du baptême, devient le fils de la lumière.

Il ne faut donc pas s'étonner si l'on vit les évêques et le pontife romain, ceux qui ont reçu de Jésus-Christ la mission de conduire son troupeau dans les saints pâturages , et de les protéger contre ses ennemis, manifester leur joie , au moment où Clovis recevait le baptême. Groupés autour du baptistère , d'où le roi Franc allait sortir chrétien , ils formaient comme une armée pacifique , qui devait lui conquérir des coeurs et une couronne sainte , immortaliser son nom, et le rattacher aux origines chrétiennes de la monarchie française.

Remi , l'homme de la Providence, ce grand évêque dont le souvenir doit être si cher à la France catholique, qui avait tant prié et s'était si généreusement consacré à la conversion de son souverain , aimait à lui donner un nom déjà cher aux chrétiens , celui de nouveau Constantin , tant il était convaincu que Clovis ferait , comme cet empereur, la joie de l'Église. Saint Avit, évêque de Vienne, qui, retenu par d'impérieux devoirs, n'avait pu assister au baptême du roi des Francs, lui exprimait ainsi ses regrets et ses félicitations.

Le pape Anastase second  fut transporté de joie, en apprenant, par une lettre de saint Remi et probablement par une lettre de Clovis lui-même, la conversion et le baptême du chef des Francs : il s'associa à la joie universelle, et avec cette intelligence qui ne fait jamais défaut aux vicaires de Jésus-Christ , il comprit tout ce que ce grand événement promettait de force et de grandeur à l'Église. Il lui écrivit , afin de le féliciter, et sa lettre a toujours été regardée comme un monument attestant la joie d'un père s'adressant à son fils , qu'il sait puissant et généreux, et fondant sur son grand coeur, les plus hautes comme les plus légitimes espérances.

La situation du Catholicisme se dessinera parfaitement à nos regards, quand nous aurons ajouté un dernier trait à ceux qui précèdent. Le Catholicisme après avoir échappé aux persécutions et trouvé la vie au sein de la mort, est appelé a de nouveaux combats. Voici l'hérésie qui se lève. (l`Arianisme) Hélas, la lutte sera terrible!... Tant qu'il n'a fallu que mourir pour attester sa foi , les chrétiens ont accepté la mort, et l'enfer a été vaincu. Mais instruit par ses défaites, l'ennemi va changer la nature de ses attaques, et le voici qui a recours aux séductions de la parole, et aux persécutions voilées. Hélas, les chrétiens ne surent pas tous triompher. L'hérésie, servie par l'habileté des sophistes et l'ambitieux orgueil des souverains, parcourut et ravagea le monde, et le monde fut à la veille de se trouver Arien.( une hérésie chrétienne)

Tout semblait perdu, au moment où Clovis apparut; mais son apparition fit renaître l'espérance dans le cœur des fidèles et dans celui des pasteurs. Il apparaît ce souverain généreux , indépendant, libre de tout engagement vis-à-vis de l'arianisme et du despotisme impérial, profondément dévoué à la foi , et prêt à la défendre au prix de son sang et de sa couronne. Dieu qui a promis à son Église l'immortalité, lui en donne un nouveau gage en lui en voyant l'Homme « de sa droite. »

Mais, nous ne devons point oublier celle que la Providence a choisie la première pour la réalisation de ses desseins : la douce et pieuse reine Clotilde. Ne semble-t-il pas qu'au moment où Clovis s'élève pour accomplir sa grande mission dans l'Église et dans la Gaule, Clotilde s'abaisse et se cache , dans l'ombre et le silence , semblable à l'astre de la nuit qui s'efface , vers l'aurore , et ne brille plus, quand le soleil s'élance pour éclairer le monde. Cette noble et sainte femme obéissant au sens chrétien dont elle surabonde , a compris que son oeuvre achevée , elle n'a plus qu'à s'enfermer dans l'intérieur de son âme et de sa famille, et n'ayant que Dieu pour témoin, accomplir les oeuvres modestes exigées par son état. C'est ainsi que se comporte la véritable vertu. Il y a là une grande leçon donnée aux reines sur leurs trônes et aux épouses dans leurs familles. Sainte Clotilde leur enseigne que leur vie doit être absolument empreinte de sacrifice, et qu'elles doivent en accomplir les oeuvres sans en espérer aucune satisfaction naturelle; qu'elles doivent renoncer à la gloire extérieure et se contenter de cette joie intime qui descend dans l'âme à la suite d'une bonne action. Elle leur enseigne que certaines vertus supportent difficilement l'éclat, et que le seul moyen de les conserver, c'est de les cacher dans la modestie et le silence.

Ce n'est pas qu'elles n'aient jamais à se produire au dehors ; Dieu parle quelquefois et il faut obéir à son ordre. Judith passera à travers une armée pour frapper Holopherne, et elle délivrera Jérusalem (Judith 10); Esther affrontera le courroux d'Antiochus (Esther 5), et elle sauvera son peuple, et Clotilde renoncera aux charmes de la vie cachée , chaque fois qu'elle aura à sauvegarder le bonheur et la gloire de la France et de ses rois, saintes inspirations de la grâce qu'il avait reçue au baptême. Afin que sa rénovation spirituelle fût pour tous une époque de félicité , déjà Clovis s'est hâté de rendre la liberté à ceux qui avaient été faits prisonniers durant la guerre, il a restitué aux Églises les biens dont elles avaient été dépouillées, et enrichi celles qui avaient besoin de ses largesses; il a réparé les dommages qui avaient résulté des violences de l'invasion , et toute sa conduite manifeste la noble délicatesse d'un roi chrétien qui respecte la justice à tout prix.

Saint Remi, comblé de ses faveurs, refusa cependant toutes celles que l'on aurait pu regarder comme une gratification personnelle, ou les abandonna à son Église. Quant à ceux qu'il n'avait pu refuser, sans faire injure à son libéral souverain, il ne les a acceptés, que pour les laisser en mourant , à tous ceux qui auront quelque titre à ses bienfaits. Et dans son Testament, chef-d'oeuvre d'élévation, de générosité et de foi, il attestera que ces biens qu'il lègue aux siens, lui viennent de son cher néophyte.

Clovis, transformé par la foi, ne se refusait point de participer aux œuvres de charité que lui insinuait son épouse. « 0 que c'était un spectacle ravissant au ciel , dit un panégyriste de sainte Clotilde , de voir cette innocente princesse Clovis ne tarda pas à manifester par ses œuvres les conduire ce grand roi dans les prisons et les hôpitaux, et, par la vue de tant de misères , lui inspirer cette piété et cette miséricorde qu'elle a donnée à Clovis.  Car enfin il n'est chrétien, il n'est saint, que parce que Clotilde a prié et pleuré. »

Un trait qu'on ne saurait trop admirer en Clovis, hier encore implacable , mais aujourd'hui doux Sicambre ; c'est la bonté et la charité prodigieuse dont il fit preuve en pardonnant à un seigneur la trahison dont il avait été l'objet de sa part. Ce trait est d'autant plus étonnant que le terrible guerrier Franc agit ici directement contre des dispositions inhérentes à sa nature, dispositions qui ne seront, toutefois, jamais totalement vaincues.

Un puissant seigneur, Euloge , comte d'Épernay, s'était rendu coupable du crime de lèse-majesté. Pour se soustraire au châtiment qui l'attendait, il prit la fuite et se réfugia dans l'église de Notre-Dame de Reims, qui jouissait du privilège nommé, droit d'asile. Euloge supplia l'évêque de demander sa grâce au monarque justement irrité , et l'évêque ne s'y refusa pas. Il va donc se jeter aux genoux de Clovis, et Clovis, désarmé par sa prière, lui accorda , non-seulement la vie de son noble client, mais il promit de lui rendre tous les biens dont il avait été justement dépouillé. Les historiens ajoutent que , peu de temps après, Euloge touché par la grâce, se dépouilla de tout ce qu'il possédait et alla s'enfermer dans la solitude. Quand nous nous trouverons en présence des sanglantes vengeances de Clovis, nous nous rappellerons ce trait, et nous regretterons que saint Remi ne se soit point trouvé auprès de lui pour retenir, une fois de plus, sous le joug de la charité chrétienne, les instincts du barbare.

Fin de l`extrait Sainte Clotilde et la naissance de la France chrétienne

Dieu a beaucoup aimé la France; il lui a donné, à son origine, une sainte reine dont il a fait l'instrument de sa grâce, puisque c'est par elle qu'il a converti Clovis et les Francs. Pour la France, Dieu a multiplié les miracles, il a rendu ses armes victorieuses, il lui a donné la foi, il a glorifié son nom parmi les nations, et ses rois parmi les rois. Pouvions-nous méconnaître les événements qui se rapportent à ces bénédictions, et pouvions-nous les passer sous silence?

Il y a parfois un grand avantage pour l'esprit et le coeur d'un homme, à remonter jusqu'il ses origines de famille, à étudier les vertus de ses ancêtres, à énumérer les bénédictions qu'ils reçurent de Dieu. Il y a quelquefois aussi pour les peuples un gage de force et de régénération , dans l'étude de leurs origines. Et cependant qui donc aujourd'hui, en France connaît nos origines dans leur vérité ? quel est celui qui sait ce qu'elles doivent à Dieu et à la Foi chrétienne?


Mode et art mérovingien

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Tresses mérovingiennes


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Ferme mérovingienne de l`époque des francs

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MichelT

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